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La rédaction attaquée : 12 morts dont Cabu, Charb, Tignous, Maris et Wolinski

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La rédaction de Charlie Hebdo a été la cible ce mercredi 7 janvier d'une attaque de la part d'au moins deux hommes armés – deux hommes sont entrés dans les locaux de l'hebdo, mais selon le ministère de l'intérieur, trois hommes sont actuellement recherchés. Selon les premiers éléments, douze personnes ont été tuées – dix journalistes et deux policiers –, quatre ont été grièvement blessées et sept blessées plus légèrement.

Les dessinateurs Cabu, Charb, Wolinski, Philippe Honoré et Tignous sont morts dans l'attaque. Charb, de son vrai nom Stéphane Charbonnier, était le directeur de la publication de Charlie. L'économiste Bernard Maris est également décédé dans la fusillade, ainsi qu'une personne assurant l'accueil du journal et deux autres journalistes non identifiés pour l'instant. Michel Renaud, ancien directeur de cabinet du maire de Clermont-Ferrand, fait partie des victimes. Président fondateur du Rendez-vous du carnet de voyage clermontois, Michel Renaud était venu rencontrer le dessinateur Cabu pour lui rendre les dessins qu'il avait prêtés à l'association clermontoise pour la dernière manifestation, fin novembre dernier, indique le quotidien La Montagne. Les deux policiers tués sont un membre de la brigade VTT du XIe arrondissement de 42 ans et un membre de la brigade de protection des personnalités de 49 ans.

Le journal est situé rue Nicolas-Appert dans le XIe arrondissement de Paris. Charlie Hebdo avait déjà fait l'objet d'un incendie criminel en novembre 2011, dans ses précédents locaux situés dans le XXe arrondissement. Selon un récit de Libération, les deux hommes armés qui ont pénétré dans les locaux cherchaient tout particulièrement Charb, le patron du journal. 

Selon nos informations, Laurent Léger, journaliste d'investigation pour l'hebdomadaire, était assis à la table de réunion lors de l'arrivée des assassins. Il a eu le réflexe de se jeter sous la table et de prévenir la police. Indemne, c'est lui qui a également dû procéder à l'identification des corps de ses collègues. Il était mercredi en début de soirée interrogé par les enquêteurs.

Sur placeSur place © MM

L'attaque a eu lieu peu après 11 heures ce mercredi matin. Sur une vidéo filmée par Première ligne, une agence de presse télévisuelle, les deux hommes armés crient Allahu Akbar (Dieu est grand) à l'extérieur du bâtiment. Selon une source policière, les assaillants auraient également crié « Nous avons vengé le prophète ».

Jointe par téléphone par le journal L'Humanité, alors qu’elle était encore sur les lieux de la fusillade, la dessinatrice Corinne Rey a apporté ce témoignage : « J’étais allée chercher ma fille à la garderie, en arrivant devant la porte de l’immeuble du journal deux hommes cagoulés et armés nous ont brutalement menacées. Ils voulaient entrer, monter. J’ai tapé le code. Ils ont tiré sur Wolinski, Cabu… ça a duré cinq minutes… Je m’étais réfugiée sous un bureau… Ils parlaient parfaitement le français… Se revendiquaient d’Al-Qaïda. »

Sur place, un voisin, Ludovic Manche, a assuré avoir entendu « 40 ou 50 coups de feu » alors qu'il se trouvait dans son appartement du boulevard Richard-Lenoir, juste derrière les locaux de Charlie Hebdo« Au début, j'ai cru que c'était des pétards de nouvel an chinois. J'ai vu par la fenêtre des policiers qui poursuivaient les malfaiteurs. Ils étaient deux personnes cagoulées, l'un d'eux avait un fusil de guerre. Ça tirait dans tous les sens. Dans la rue, les gens se cachaient derrière les voitures. Puis les tireurs sont partis dans une Citroën C1 noire. »

Une autre vidéo circule sur les réseaux sociaux, elle a été prise près du journal. On y voit deux hommes abattre de sang-froid un policier à terre puis retourner à petites foulées dans leur véhicule. Nous en avons extrait quatre images :

Les assaillants ont pris la fuite à bord d'un véhicule, avant de l'abandonner et d'en voler un second, à son tour abandonné porte de Pantin, au nord de Paris. Selon le ministère de l'intérieur, trois personnes sont actuellement recherchées. 3 000 policiers sont mobilisés. La justice a lancé un appel à témoin, avec un numéro à contacter : 08 05 02 17 17. Les autopsies auront lieu demain jeudi, selon le procureur de la République, qui tenait peu après 18 heures une conférence de presse.

Les trois auteurs ont été identifiés en début de soirée par la police, selon plusieurs médias. Sur Twitter, une fiche de recherche policière circule avec les noms des trois suspects, sans qu'il soit possible de confirmer.

François Hollande s'était rendu sur place vers 12 h 50. Il s'est adressé à la presse, parlant d'un acte d'une « exceptionnelle barbarie au cœur de Paris contre un journal, contre des journalistes ». Le président français a déclaré qu'il s'agissait d'un « acte terroriste ». « Cela ne fait aucun doute », a-t-il ajouté. « La France est aujourd'hui en état de choc devant un attentat terroriste, ça ne fait pas de doute », a déclaré François Hollande, accompagné du ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve, de la maire de Paris, Anne Hidalgo, du président de la région Ile-de-France Jean-Paul Huchon, et de plusieurs élus parisiens. La ministre de la justice Christiane Taubira s'est également rendue sur place, de même que les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, Claude Bartolone et Gérard Larcher.

François Hollande sur placeFrançois Hollande sur place © MM

Le chef de l'État a confirmé un premier bilan : 11 personnes ont été tuées. Quatre personnes sont dans un état « d'urgence absolue ». Mais, selon François Hollande, il ne s'agit pas encore d'un compte définitif. Le président a réuni à 14 heures à l'Élysée les ministres et responsables directement concernés par la protection à assurer sur tous les lieux potentiellement visés. Le plan Vigipirate est passé à « Vigipirate attentat ». François Hollande s'est rendu en fin de journée à la cellule d'urgence médico-psychologique à l'Hôtel-Dieu. Une autre réunion est prévue à l'Élysée jeudi matin.

Le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, a pour sa part dénoncé « une attaque d'une violence démente, barbare comme il n'y en a jamais eu ». « C'est aujourd'hui sans commune mesure le jour le plus noir de l'histoire de la presse française », a-t-il ajouté. « Ils sont rentrés dans d'autres locaux mais n'ont pas tiré, ils visaient clairement Charlie Hebdo », a-t-il encore indiqué.

Un rassemblement était organisé à Paris à 18 heures, place de la République, à l'appel de RSF. La préfecture a annoncé la présence d'au moins 35 000 personnes (lire notre reportage ici). 

Enfin, l'ensemble des partis de gauche (PS, PRG, PCF, PG et EELV) ont décidé ce mercredi d'organiser une marche silencieuse samedi à 15 heures au départ de la place de la République à Paris. La décision a été prise après une réunion des différents partis à l'Assemblée nationale. Cette marche est « ouverte à l'ensemble des partis républicains », a déclaré le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis. Contactées par Le Monde, l'UDI s'y est dite favorable mais l'UMP n'avait pas encore donné sa réponse aux organisateurs mercredi soir.

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Indignation en France et ailleurs

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Voici les principales réactions à l'attaque, mercredi 7 janvier, de la rédaction de Charlie Hebdo.

• François Hollande, lors d’une intervention télévisée diffusée à 20h : « la liberté sera toujours plus forte que la barbarie (...) Le rassemblement de tous, sous tous ces formes, voilà ce qui doit être notre réponse (...) Notre meilleure arme c'est notre unité (...) Rien ne pourra nous faire fléchir. Vive la République et vive la France ».

Plus tôt dans la journée, le président de la République s'était exprimé sur les lieux de l'attaque : « C'est un acte d'une exceptionnelle barbarie commis contre un journal, qui représente l'expression de la liberté. Ces journalistes avaient toujours montré qu'ils voulaient agir pour défendre leurs idées et pour avoir cette liberté. Il y avait également des policiers pour les protéger. Ceux-là, journalistes, policiers, ont été lâchement assassinés. Il y a au moment où je m'exprime onze personnes qui sont mortes, quatre blessées grièvement. Il y a 40 personnes qui sont maintenant protégées et qui sont sauves. Nous aurons dans quelques heures le bilan exact.

« À 14 heures, je réunirai les ministres. Nous devons assurer la protection des gens contre ces barbares. Nous avons engagé le plan Vigipirate attentats. Les auteurs seront pourchassés aussi longtemps que nécessaire pour qu'ils soient poursuivis devant les juges et condamnés. C'est un attentat terroriste, cela ne fait pas de doute. Par rapport à un journal qui avait été plusieurs fois menacé et qui était protégé, il faut faire bloc. Montrer que nous sommes un pays uni. Il faut réagir comme il convient, avec fermeté, avec le souci de l'unité nationale. Telle sera ma volonté les prochains jours et les prochaines semaines. J'aurai une fois encore à parler aux Français. Plusieurs attentats terroristes avaient été déjoués ces dernières semaines. Nous sommes menacés, comme dans d'autres pays dans le monde, car nous sommes un pays de liberté. Personne ne doit penser qu'il peut agir en France contre les principes de notre République. Je pense aujourd'hui à ces victimes. »

 • John Kerry, secrétaire d’État américain, lors d’une intervention télévisée en français : « Aucun pays ne sait mieux que la France que la liberté a un prix. Parce que c’est en France que de nombreux idéaux démocratiques ont vu le jour. La liberté d’expression et la liberté de la presse sont des valeurs fondamentales, universelles. Il arrive que ces principes soient attaqués, mais jamais ils ne pourront être éradiqués parce que, partout dans le monde, des hommes et des femmes se dresseront toujours avec courage contre l’intimidation et la terreur que voudraient répandre ceux qui cherchent à les détruire. Je suis d’accord avec l’imam de France qui a dit aujourd’hui que les journalistes assassinés sont des martyrs de la liberté. Les assassins ont proclamé aujourd’hui que Charlie Hebdo est mort. Soyez sûrs d’une chose : ils ont tort. Aujourd’hui, demain, à Paris, en France, et à travers le monde, le pouvoir de la liberté d’expression vaincra dans la lutte contre l'obscurantisme. »

• La Maison Blanche, via des propos de son porte-parole Josh Earnest sur la chaîne MSNBC : « Toute la Maison Blanche est solidaire des familles de ceux qui ont été tués ou blessés dans cette attaque. » « De hauts responsables de la Maison Blanche sont en contact étroit avec leurs homologues français (...). Les États-Unis sont prêts à collaborer avec les Français pour les aider à mener l'enquête. »

• À Bruxelles, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, le président de la commission, s'est dit « profondément choqué » par un « acte intolérable, qui nous interpelle tous en tant qu'êtres humains et Européens ». À la tête du conseil européen, le Polonais Donald Tusk a quant à lui parlé d'« un acte effroyable » : « C'est une attaque brutale contre nos valeurs fondamentales, contre la liberté d'expression, pilier de notre démocratie. La lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes doit se poursuivre sans relâche. »

Côté parlement, son président Martin Schulz a affirmé : « Nous, Européens, ne céderons jamais sur les valeurs de liberté de la presse et d'expression, de tolérance et de respect mutuel que cette attaque a voulu remettre en cause. C'est un moment de grande tristesse mais nous ne devons pas réagir inconsciemment. Au-delà de nos opinions, de nos croyances, nous devons nous élever contre ces actes. J'appelle tous les citoyens à défendre ensemble nos valeurs. »

Les principaux groupes politiques ont également fait part de leur effroi. « Un crime odieux et abject », pour le groupe socialiste, tandis que le groupe des Verts parle d'« un crime odieux qui ne saurait souffrir d'aucune justification ni instrumentalisation ». À droite, le PPE dénonce des « assassinats insensés », tandis que sa délégation française (UMP) réclame un débat sur la lutte contre le terrorisme devant le parlement européen la semaine prochaine à Strasbourg. Au nom des libéraux (dont l'UDI-Modem), le Belge Guy Verhofstadt fait le parallèle avec le 11 Septembre : « C'est une tragédie pour la France et pour l'Europe. C'est notre 11 Septembre. En 2001, nous avons assisté à un abominable carnage au cœur économique et financier des États-Unis. Aujourd'hui, c'est une attaque barbare qui frappe la démocratie au cœur même de l'Europe, au cœur même de nos valeurs. Avec Charlie Hebdo, c'est un symbole de la liberté de pensée qui est visé. »

Angela Merkel, chancelière allemande, dans un communiqué : « Cet acte horrible est non seulement une agression contre la vie des citoyennes et des citoyens français, mais aussi une attaque que rien ne peut justifier contre la liberté de la presse et d'opinion, un fondement de notre culture libre et démocratique. »

• David Cameron, premier ministre britannique, sur Twitter : « Les meurtres de Paris sont répugnants. Nous sommes aux côtés du peuple français dans le combat contre la terreur et pour défendre la liberté de la presse. »

• L’Iran, par la voix du porte-parole de la diplomatie iranienne Marzieh Afkham cité par l’agence officielle Irna : « Tout acte terroriste contre des innocents est étranger à la pensée et aux enseignements de l'islam ». Cette attaque s’inscrit dans « la continuité d'une vague de radicalisme et d'une violence physique et mentale sans précédent » qui « se sont répandues dans le monde ces dix dernières années ».

• Christophe Deloire, directeur général de Reporters sans frontières (RSF), sur les lieux de l’attaque. Propos rapportés via Twitter : « C'est aujourd'hui sans commune mesure le jour le plus noir de l'histoire de la presse française. »

• Le Conseil français du culte musulman (CFCM), dans un communiqué : « Le Conseil français du culte musulman et les musulmans de France condamnent avec la plus grande détermination l’attaque terroriste d’une exceptionnelle violence commise contre le journal Charlie Hebdo. » « Cet acte barbare d’une extrême gravité est aussi une attaque contre la démocratie et la liberté de presse. » « Dans un contexte international politique de tensions alimenté par les délires de groupes terroristes se prévalant injustement de l’Islam, nous appelons tous ceux qui sont attachés aux valeurs de la République et de la démocratie à éviter les provocations qui ne servent qu’à jeter de l’huile sur le feu. » « Face à ce drame d’ampleur nationale, nous appelons la communauté musulmane à faire preuve de la plus grande vigilance face aux éventuelles manipulations émanant de groupes aux visées extrémiste quels qu’ils soient. »

• L’imam de Drancy, Hassen Chalghoumi, dans une déclaration à la presse : « Je suis très en colère. Les échos disent qu’ils (les attaquants) ont crié « Allah Akbar » (…) Leur haine, leur barbarie, ça n’a rien à voir avec l’islam. Ce sont des criminels, des barbares, (…) ce sont des Satan. Ils ont perdu leur âme, vendu leur âme à l’enfer. Il y a des familles qui pleurent maintenant. Nous tous, nous pleurons. Toutes les familles françaises pleurent. (…) Ils veulent la terreur, ils veulent la peur. Non, il ne faut pas qu’on cède. Il faut que nous soyons tous forts face à eux. »

• Tariq Ramadan, universitaire spécialiste de l’islam, via Facebook : Charlie Hebdo : NON! NON! NON! Contrairement à ce qu'ont apparemment dit les assassins-criminels dans l'attentat des bureaux de Charlie Hebdo, ce n'est pas le Prophète qui a été vengé, c'est notre religion, nos valeurs et nos principes islamiques qui ont été trahis et souillés.
Une condamnation absolue et une colère profonde (saine et mille fois justifiée) contre cette horreur!!! Qu'il me soit permis d'exprimer ici ma profonde sympathie et mes sincères condoléances aux familles des victimes. »

 • La Ligue des droits de l’homme, dans un communiqué diffusé sur son site : « Rien ne peut justifier une telle violence. La LDH condamne avec la même fermeté la volonté d’intimider un organe de presse. C’est la liberté de la presse tout entière qui est ainsi atteinte. C’est la République qui est, elle-même, blessée. La LDH exprime sa solidarité à la rédaction de Charlie Hebdo et aux blessés, et exprime ses condoléances aux familles des victimes. (…) Face à une telle barbarie, c’est en se retrouvant autour des principes de la démocratie et de l’Etat de droit que nous pourrons y faire échec. »

• Amnesty International France, dans un communiqué de son directeur Stéphane Oberreit : « C’est une journée noire pour la liberté d’expression et la presse libre. Mais plus que tout, c’est une tragédie humaine insensée. Ce crime atroce visait à assassiner des journalistes, réprimer la liberté d’expression et répandre la peur. Il doit être fermement condamné, et les autorités françaises doivent s’assurer que les responsables soient traduits en justice lors d’un procès équitable. Les journalistes menacés doivent être protégés, ils doivent pouvoir continuer leur travail sans craindre pour leur vie. »

• Danielle Tartakowsky, présidente de l’université Paris 8, dans laquelle Bernard Maris, économiste et journaliste à Charlie Hebdo, avait enseigné : « La nouvelle de l’attentat perpétré il y a quelques heures contre Charlie Hebdo en faisant 12 morts dont de prestigieux dessinateurs et journalistes sans lesquels notre univers politique ne serait pas aujourd’hui ce qu’il est nous frappe d’horreur et d’effroi. Elle nous affecte avec une violence d’autant plus grave que notre collègue Bernard Maris qui fut professeur d’économie à l’institut d’études économiques depuis 1999 est au nombre des victimes. En leur personne, c’est la liberté d’expression, le rire libérateur et la démocratie qu’on a tenté de mettre à mort. Il est de notre responsabilité de nous dresser contre ceux qui entendent étouffer la raison, l’intelligence et tous les fondements du vivre ensemble. 
Il est également de notre responsabilité de nous garder des amalgames qui pourraient tenter d’aucuns et de lutter contre tous les démons qui menacent. »

La CGT, dans un communiqué : « Après l’odieux attentat ayant fait plus d’une dizaine de morts et plusieurs blessés au siège de l’hebdomadaire Charlie Hebdo, ce mercredi matin, la direction confédérale de la CGT, son journal et La Nouvelle Vie Ouvrière, et le SNJ-CGT, horrifiés, tiennent à assurer l’ensemble des journalistes et des personnels du journal, ainsi que tous leurs proches, de leur totale solidarité. Profondément choquée par cet acte odieux, attristée et en colère, la CGT rappelle et salue le courage de ces hommes et ces femmes qui, chaque jour, chaque semaine, malgré les intimidations et les menaces, défendent la liberté de pensée et la liberté d’expression dans notre pays. Elle souhaite que les assassins soient au plus vite arrêtés et jugés, et que toute la lumière soit faite sur leurs motivations, ainsi que sur les conditions ayant permis que le siège de l’hebdomadaire ait pu être ainsi attaqué. »

• Philippe Val, ancien directeur de la rédaction de Charlie Hebdo, au micro de France Inter : « Je vais très mal. Mais c’est normal, non ? J’ai perdu tous mes amis aujourd’hui. C’était des gens tellement vivants, qui avaient tellement à cœur de faire plaisir aux gens, de les faire rire, qui avaient à cœur de leur donner des idées généreuses. C’était des gens très bons. C’étaient les meilleurs d’entre nous, forcément, comme tous les gens qui font rire, comme tous les gens qui sont pour la liberté, comme tous les gens qui sont pour qu’on puisse aller et venir librement, en sécurité. Ils ont été assassinés, c’est une boucherie épouvantable. Et il ne faut pas laisser le silence s’installer. Il faut vraiment nous aider. Il faut qu’on soit groupés contre cette horreur. La terreur ne doit pas empêcher la joie de vivre, la liberté d’expression (…) Ça serait bien si, demain, les journaux s’appelaient "Charlie Hebdo", si on titrait tous "Charlie Hebdo", si toute la France titrait "Charlie Hebdo". Ça montrerait qu’on n’est pas d’accord avec ça, que jamais on acceptera ça, que jamais, on ne laissera le rire s’éteindre, jamais on laissera la liberté s’éteindre. »

• Siné Mensuel, le magazine fondé par le dessinateur Siné après son départ de Charlie Hebdo, via Twitter : « Nous sommes totalement horrifiés par ce qui vient de se passer à Charlie Hebdo. »

 Le Monde, dans un texte publié sur le site du quotidien accompagné d'un dessin de Plantu : « Face à l’horreur soulevée par l’attentat dont notre confrère Charlie Hebdo a été victime ce matin, Le Monde exprime sa stupéfaction et son indignation, sa solidarité émue avec l’équipe de Charlie Hebdo et ses condoléances aux familles des victimes. En s’en prenant à notre confrère, c’est à la liberté de pensée et d’expression que s’en sont pris les auteurs de cet attentat, et donc à des valeurs fondatrices de notre société. Ces valeurs, Le Monde n’a cessé, depuis sa création, en 1944, de les défendre. La tuerie survenue ce mercredi 7 janvier ne fait que renforcer notre certitude qu’il est nécessaire de lutter contre l’ignorance, l’intolérance, l’obscurantisme et le fanatisme. Il est plus que jamais indispensable de rappeler que la liberté de la presse ne se négocie pas. »

Le groupe France Télévisions, dans un communiqué diffusé sur Twitter : « Le président-directeur général de France Télévisions Rémy Pflimlin et l’ensemble des collaborateurs du groupe expriment leur solidarité aux équipes de Charlie Hebdo et condamnent avec la plus grande force l’attaque meurtrière dont ont été victimes les journalistes et les personnels de ce média dans l’exercice de leur fonction, ainsi que les forces de l’ordre. »

• Serge Moati, journaliste, sur La Chaîne parlementaire : « C’est la République qui a été massacrée, la République qui a été atteinte à travers nos camarades journalistes. Moi j’ai grandi avec Charlie Hebdo comme des milliers et milliers d’autres. On a voulu bousiller notre République dans ce qu’elle a de plus expressif, notre démocratie, c’est-à-dire la presse. C’est ignoble, dégueulasse et les mots sont faibles, faibles, faibles, faibles... (…) Ils nous ont déclaré la guerre. Il faut que l’on soit tous des résistants de la laïcité, des résistants de la République (…) C’est pas le moment de flancher, pas le moment d’avoir peur. »

Acrimed, site d’information sur les médias : « L’attentat perpétré ce matin contre l’hebdomadaire Charlie Hebdo, dans lequel au moins dix salariés du journal auraient été tués, est un acte ignoble que rien ne saurait excuser. Des journalistes assassinés et c’est la liberté de toute la presse qui est visée et, à travers elle, toutes les libertés. L’association Acrimed tient à exprimer, bien que les mots soient faibles, son indignation et sa condamnation, et à présenter, dans ce moment tragique, sa solidarité avec toutes les victimes, leurs familles, leurs proches, et l’ensemble de l’équipe du journal. »

• Manuel Valls, lors d’une visite au commissariat du XIe arrondissement de Paris : « La France a été touchée dans son cœur. Chaque Français aujourd'hui est touché, horrifié. » « On a voulu s'attaquer au cœur de la France, on a assassiné des journalistes. Et des policiers. » « Nous venons de rencontrer les policiers du XIe arrondissement, de ce commissariat, les deux coéquipiers du policier qui a été abattu dans les circonstances que vous connaissez, horribles, terribles. » « Ils sont éprouvés, bien sûr, nous le sommes. Des hommes, des femmes, les yeux rougis, les larmes, mais solides en même temps. Ils savent qu'ils sont le bouclier des Français. » « Nous ferons tout, et c'est ça l'essentiel de la tâche des forces de l'ordre sous l'autorité de la justice, pour appréhender ces individus. C'est la seule tâche, c'est le seul objectif dans les heures qui viennent. » « Et nos compatriotes doivent connaître notre plus grande détermination à protéger nos concitoyens et donc à tout faire pour que ces individus soient appréhendés. »

• Fleur Pellerin, ministre de la culture, dans un communiqué : « Ce qui s’est passé ce matin au siège de Charlie Hebdo est une attaque odieuse contre un des piliers de notre démocratie, un acte d'une barbarie extrême contre ceux qui, au quotidien, font vivre l’information et animent le débat public. Toutes mes pensées vont aux familles et aux proches des victimes, aux forces de l’ordre, à l’ensemble des équipes de Charlie Hebdo, à qui je veux adresser tout mon soutien et un vibrant hommage. Je veux saluer le courage de ces combattants de la liberté, de toutes les femmes et de tous les hommes qui portent haut les valeurs de la liberté d’expression dans l'exercice quotidien de leur métier, l'un des plus beaux qui soient. Je veux saluer avec force leur engagement pour la démocratie. La République est et sera toujours aux côtés des défenseurs de la liberté d’information et d’expression. Nous défendrons ces valeurs avec toute la fermeté nécessaire. »

• Emmanuel Macron, ministre de l’économie, via Twitter : « Horrifié. Sans voix. Toutes mes pensées pour les victimes et leurs proches. #JeSuisCharlie »

• George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer, sur Twitter : « Tristesse insondable. Indignation totale. Tous unis contre la haine et la barbarie. »

L’Assemblée nationale, dans un communiqué commun signé par son président Claude Bartolone et les présidents de l’ensemble des groupes politiques : « Le massacre perpétré dans les locaux du journal Charlie Hebdo met la communauté nationale et ses représentants au défi de la démocratie et de ses valeurs. L’union nationale doit se faire autour de la mémoire des personnes lâchement assassinées, journalistes et policiers, de la solidarité envers les personnes blessées et envers toutes les familles des victimes. L’union nationale doit se faire autour de l’affirmation de valeurs et principes au fondement de notre République : la liberté sous toutes ses formes, et notamment la liberté d’expression, la liberté d’information, la liberté de comprendre, la laïcité. Par notre expression commune, nous affirmons l’union de toutes les forces républicaines pour défendre sans concession et sans faiblesse cette France que nous aimons tant, qui a fait de notre Nation ce qu’elle est et ce pourquoi elle est aimée. »

• Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, dans un communiqué : « La France a été l’objet d’un attentat terroriste. La République a été l’objet d’une attaque d’une lâcheté et d’une gravité extrêmes. (…) Il s’agit d’un carnage abominable et révoltant qui a vu un organe de presse être attaqué aux armes de guerre. C’est la liberté qui a été visée dont Charlie Hebdo est un acteur et un ambassadeur essentiel. Dans ce grand moment d’émotion, les pensées du Parti Socialiste vont aux victimes et à leurs proches. Le Parti Socialiste appelle les concitoyens à faire bloc autour des valeurs de la République. »

• Cécile Duflot, élue EELV de Paris, sur Twitter : « Totalement sous le choc de ce qui est arrivé à Charlie Hebdo… pensées fortes à toute l’équipe du journal et à leurs proches. »

• Nicolas Sarkozy, président de l’UMP: « Cette attaque est une tragédie nationale, c'est une atteinte directe, sauvage, à l'un de nos principes républicains les plus chers : la liberté d'expression. (...) Notre démocratie est attaquée. Nous devons la défendre sans faiblesse. La fermeté absolue est la seule réponse possible. (...) Notre nation est endeuillée, frappée au cœur, la République doit se rassembler.  J’appelle tous les Français à refuser la tentation de l’amalgame. »

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Des caricatures de Mahomet au dernier djihadiste de Charb, retour sur dix ans de polémiques

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L’image est d’une ironie qui ne peut que glacer le sang rétrospectivement. En page 7 du numéro de Charlie Hebdo paru ce mercredi, un petit dessin signé Charb, le directeur de la rédaction de l’hebdomadaire, assassiné aujourd’hui. À la phrase « Toujours pas d’attentats en France », un djihadiste roux répond : « Attendez ! On a jusqu’à la fin janvier pour présenter ses vœux. » Cette image macabre était-elle prémonitoire ?

Un des derniers dessins de Charb, publié le 7 janvier 2014Un des derniers dessins de Charb, publié le 7 janvier 2014 © Charb

Pour l’heure, on ne connaît pas avec certitude les motivations des auteurs de l’attentat qui a fait douze morts parmi les salariés de Charlie Hebdo et les policiers qui se trouvaient aux alentours. Mais comme on l’entend dans la vidéo filmée par l’agence de presse Première ligne, deux assaillants armés ont crié « Allahu Akbar » dans la rue. Et il est de toute façon impossible de ne pas songer à une attaque d’extrémistes islamistes, tant, depuis près de neuf ans, l’hebdomadaire a été au centre de polémiques tournant autour de l’islam. Certes, Charlie a toujours mis un point d’honneur à s’attaquer aux trois religions monothéistes, avec un mauvais goût assumé. Mais la place et la représentation de l’islam dans ses pages en ont fait la cible de nombreuses controverses. Et déjà, d’un attentat.

Au petit matin du 2 novembre 2011, les deux tiers de ses bureaux de l’époque avaient été brûlés, après le jet d’un cocktail Molotov dans sa rédaction. Dans la même journée, le site de l'hebdomaire était également piraté à deux reprises.

La une du 2 novembre 2011 de Charlie HebdoLa une du 2 novembre 2011 de Charlie Hebdo

L’enquête sur les auteurs de l’attentat n’a jamais rien donné, mais pour Charb, l'origine de l'incendie ne faisait aucun doute. Selon lui, les faits étaient directement liés à la sortie du numéro daté du même jour, surtitré « Charia hebdo » et illustré par une caricature de « Mahomet, rédacteur en chef ». « Afin de fêter dignement la victoire du parti islamiste Ennahda en Tunisie et la promesse du président du CNT (Conseil national de transition) que la charia serait la principale source de législation de la Libye, Charlie Hebdo a proposé à Mahomet d'être le rédacteur en chef exceptionnel de son prochain numéro », avait précisé le journal dans un communiqué. Sa une montrait un Mahomet hilare, avec ces mots : « 100 coups de fouet, si vous n'êtes pas morts de rire ! »

À l’époque, Charb avait indiqué avoir reçu de nombreuses menaces sur Twitter et sur Facebook que le journal s'apprêtait à transmettre à la police.

Voici son témoignage à BFM TV :

Interrogé par Rue89, il avait aussi déclaré : « Quel mode d'expression employer pour répondre à ces gens-là (…) ? Les vrais musulmans n'incendient pas les journaux. Le pire, c'est que ces trois cons vont faire passer tous les musulmans de France pour des intégristes. » À la suite de l’incendie, la rédaction du journal satirique avait été hébergée quelque temps dans les locaux de Libération.

Le journal avait obtenu le soutien de toute la classe politique. François Hollande, alors candidat à la présidentielle, avait exprimé son « indignation », jugeant que « le combat pour la liberté d'expression demeure, hélas, d'une désolante actualité ». Claude Guéant, ministre de l'intérieur de l’époque, avait quant à lui assuré : « Qu'on aime ou qu'on n'aime pas Charlie Hebdo, tout le monde, tous les Français doivent se sentir ce matin solidaires d'un journal qui exprime par son existence, et par sa façon d'être, la liberté de la presse. » Marine Le Pen déclarait, elle, que « l'attentat contre Charlie Hebdo est à la fois une atteinte à la liberté de la presse et une agression contre la laïcité », dans un communiqué intitulé : « La charia serait-elle intouchable en France ? » Même Yvan Rioufol, chroniqueur du Figaro à la droite de la droite, publiait un billet de blog dénonçant un « nouveau fascisme » et une « régression obscurantiste ».

Interrogée par LeMonde.fr, Sylvie Coma, la directrice-adjointe de la rédaction de l'hebdomadaire satirique, avait déclaré : « On va certainement être soutenu par Marine Le Pen et Riposte laïque. On le déplore mais on ne va pas se censurer pour cela. (…) Pour nous, dès que la religion devient un instrument politique, on le critiquera. »

La une du fameux numéro de Charlie hebdo de février 2006La une du fameux numéro de Charlie hebdo de février 2006

Mais c’est à partir de février 2006 que Charlie Hebdo a commencé à être dénoncé comme un ennemi par une partie du monde musulman, en France mais aussi à l’étranger. Il s'était retrouvé au cœur de la controverse qui avait entouré la publication dans le quotidien danois Jyllands-Posten de caricatures de Mahomet, que le journal satirique avait été le premier à reproduire en France. Ces caricatures, notamment celles représentant le prophète avec un turban en forme de bombe, avaient déclenché de vives critiques. Menacée, la rédaction de Charlie Hebdo avait été placée sous protection policière.

Le numéro spécial sorti à l'époque, et illustré par un dessin du prophète déclarant « C'est dur d'être aimé par des cons », avait valu au journal d'être poursuivi en justice par plusieurs associations musulmanes, dont l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), le Conseil français du culte musulman (CFCM) et la Grande Mosquée de Paris. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, avait témoigné en faveur de la liberté d'expression. Et les plaintes avaient finalement été rejetées par les tribunaux.


Des critiques sur les positions du journal vis-à-vis de l'islam

Le politologue Jean-Yves Camus, proche de la rédaction de l’hebdo, a déclaré toute son horreur sur le site du Monde.fr : « On n’a jamais vu, dans l'histoire de notre pays, un organe de presse être méthodiquement décimé selon un mode opératoire militaire. Aucun journal n'a été ainsi attaqué, car il y a un principe qui est celui de la liberté de la presse, qui était respecté jusqu'à présent. C'est un stade de l'escalade inimaginable. Les gens qui travaillaient à Charlie Hebdo n'ont aucun sentiment de haine envers qui que ce soit, surtout pas envers les musulmans. Ils sont dans la critique des religions. Ceux qui ont commis ces attentats n'ont rien compris. On est dans la haine absolue, la négation absolue de la pensée. »

Mais en France, tout le monde n’était pas sur cette ligne, notamment au sein de la gauche de la gauche.

Ainsi, dans son numéro de novembre 2011, le mensuel CQFD avait publié un texte très sévère, signé par un ancien de Charlie, Olivier Cyran, pour qui l’hebdo avait versé dans l’islamophobie pure et simple. « Dauber le musulman n’est plus seulement une bonne affaire commerciale, l’équivalent spirituel de la femme à poil en page 3 du Daily Mirror, c’est maintenant un gage d’appartenance à la gauche, et même à la gauche de gauche », regrettait-il. « Il faut se rendre à l’évidence : idéologiquement, les boute-en-train de Charlie Hebdo ont gagné la partie. Dix ans de vannes obsessives et de piailleries haineuses sur l’islam, consacrées par les “caricatures danoises” et une voluptueuse montée des marches au festival de Cannes aux côtés de BHL, ont diffusé leur petit venin dans les crânes les plus finement lettrés », dénonçait CQFD.

Un extrait d'un numéro de septembre 2012Un extrait d'un numéro de septembre 2012

Deux ans plus tard, une chanson faisant partie de la bande originale conçue pour le film La Marche (mais non diffusée dans le film) attaquait aussi très durement le journal (@rrêt sur images y avait consacré un article complet). Signé par certains des meilleurs rappeurs français, le morceau comportait notamment ce couplet, chanté par Nekfeu : « Je réclame un autodafé pour ces chiens de Charlie Hebdo. »

Dans un communiqué, la rédaction de Charlie avait dénoncé la « violence » de ces paroles, s’étonnant que la chanson reprenne « les propos que tient habituellement l'extrême droite musulmane ».

Le 20 novembre 2013, Charb et Fabrice Nicolino, un des journalistes de l'hebdomadaire, publiaient une tribune dans Le Monde pour répondre et redire que « Charlie Hebdo n'est pas raciste » : « Nous refusons de nous cacher derrière notre petit doigt, et nous continuerons, bien sûr. Même si c'est moins facile qu'en 1970, nous continuerons à rire des curés, des rabbins et des imams, que cela plaise ou non. Nous sommes minoritaires ? Peut-être, mais fiers de nos traditions en tout cas. Et que ceux qui prétendent et prétendront demain que Charlie est raciste aient au moins le courage de le dire à voix haute, et sous leur nom. Nous saurons quoi leur répondre. »

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Un attentat à nos libertés

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Douze morts, onze blessés. Une rédaction froidement massacrée, deux policiers tués. L'attentat commis par un commando de trois hommes contre Charlie Hebdo est bien « le jour le plus noir de la presse française », comme le dit Reporters sans frontières. C'est un acte sans précédent, un acte jamais survenu en France ni dans le reste du monde. C'est un acte de terreur – le plus meurtrier depuis cinquante ans – dont les premières victimes sont les membres de l'équipe de Charlie Hebdo. À travers eux, c'est un journal qui est mis à terre et un journal qui, depuis sa création en 1969, a été l'un des emblèmes de nos libertés.

Il s'agit bien sûr de liberté de la presse. Mais plus encore, de l'ensemble de nos libertés individuelles et collectives. À sa manière, Charlie Hebdo – et peu importe nos accords ou désaccords du moment – n'a cessé de revendiquer une liberté toujours plus grande. Il a chaque fois voulu repousser toutes les barrières érigées par les censeurs du moment, par les conventions vieilles et nouvelles, par les intérêts petits et grands, par les bien-pensants comme par les fanatiques. C'est dans cette radicalité, dans cette provocation permanente à la pensée et au débat, que ce journal dit satirique a élargi les espaces du débat public.

La satire, la critique, la provocation, la vulgarité mais aussi l'humour, le rire, la révélation et des positions éditoriales pimentées. Chaque semaine, Charlie Hebdo a rappelé que la liberté est un combat. Et c'est tout naturellement qu'en janvier 2009, il s'était joint à une soirée « pour une presse libre et indépendante » avec Mediapart, Les Inrockuptibles, Le Nouvel Observateur, Rue 89 et Marianne (lire ici). Au-delà de nos différences, il était cette seule évidence : la liberté ne se discute pas, ne se divise pas, ne se distribue pas selon les aléas d'un moment. Charb et Tignous avaient ce soir-là « dessiné » les débats tenus au théâtre du Châtelet. Nos deux amis sont morts dans l'attaque de ce mercredi.

Cabu, Charb, Tignous et Wolinski.Cabu, Charb, Tignous et Wolinski. © (dr)

Comme Cabu et Wolinski, également tués ce mercredi, Charb et Tignous n'avaient de cesse d'animer cette tradition ancrée au cœur de notre démocratie parce que développée lors de la Révolution française : faire du dessin de presse une écriture polémique des débats d'intérêt général. Cabu et Wolinski, comme bien d'autres dessinateurs de Charlie, auront été parmi les plus grands reporters et éditorialistes de la presse française. Que serait la mémoire de ces quarante dernières années sans leurs dessins qui, dès les années post-1968, racontaient la libération sexuelle, l'émergence de l'écologie, l'antimilitarisme et tous ces séismes venant bouleverser la société française ?

Les assassins de l'esprit qui ont ciblé Charlie Hebdo, par une action guerrière dont les premiers éléments laissent penser qu'elle a été minutieusement préparée et préméditée, s'en prennent donc au cœur de ce qui constitue la démocratie. Dans un entretien à Mediapart, l'historien Pierre Rosanvallon l'avait rappelé : « Un journal doit remplir deux fonctions : organiser l’espace public mais aussi produire des révélations. Révéler d’abord au sens de tendre un miroir à la société, révéler aussi au sens de faire la lumière, de mettre le doigt là où cela fait mal. »

L'espace public disparaît ; le miroir est brisé ; l'obscurité succède à la lumière : c'est l'objectif de toute entreprise terroriste que de frapper pour que la sidération et la peur fracassent nos libertés. Ce mercredi soir, les premiers éléments de l'enquête rendus publics par le procureur de Paris accréditent la thèse d'une attaque menée par des extrémistes islamistes. Depuis 2006, et l'affaire de la publication des caricatures de Mahomet, le journal est au centre de polémiques liées à l'islam. En 2011, un incendie criminel avait ravagé une partie de ses locaux.

Le massacre commis ce 7 janvier, s'il se confirme qu'il a été commis par des fanatiques se revendiquant de l'islam, aura des conséquences politiques à ce stade incalculables. Passé l'indignation évidente et unanime, passé le « souci de l'unité nationale » aussitôt évoqué par François Hollande, qui s'est déplacé mercredi sur les lieux de la tuerie, viendra le temps des questions et des fractures.

Questions sur la politique extérieure de la France et ses engagements militaires multiples. Ces engagements sont poursuivis au nom de la « guerre contre le terrorisme », une formule brouillonne qui laisse aveugle sur les réalités politiques d'une partie du monde arabe et empêche de penser les complexités des bouleversements en cours. Après les tueries de Mohammed Merah à Toulouse et à Montauban en mars 2012 – avec une école juive comme cible –, voilà une nouvelle et tragique démonstration que la France va devoir assumer une guerre sur son propre sol, sans autre horizon qu'une régression de nos libertés et des tensions sociales exacerbées.

Fractures internes ensuite : c'est la dislocation de notre paysage politique et social sous les coups de boutoir de l'extrême droite face à une gauche en pleine défaite idéologique. Depuis des années maintenant, l'extrême droite, ses idéologues et ses relais, tout comme une partie de la droite avec Nicolas Sarkozy dans le rôle de l'incendiaire, n'auront eu de cesse de créer « un problème musulman en France ».

Cette entreprise, allant de la discrimination rampante à la xénophobie revendiquée (lire l'article d'Edwy Plenel, L’idéologie meurtrière promue par Zemmour), est désormais au centre du débat public, stigmatisant des musulmans assimilés à un nouvel ennemi intérieur voire aux terroristes. Ce climat nauséabond est propice à tous les extrémismes. « On finit par créer un danger, en criant chaque matin qu'il existe, écrivait Émile Zola. À force de montrer un épouvantail, on crée le monstre réel. » Ce monstre a tué douze personnes mercredi 7 janvier.

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Avec Charlie Hebdo, contre la haine, pour la liberté

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En hommage aux victimes qui, pour nombre d’entre nous, ne sont pas seulement des confrères ou des consœurs, mais aussi des amis, des connaissances ou des camarades, il s’agissait, dans la diversité des sensibilités des journalistes présents, de dire ce qui nous rassemble après cet attentat contre nos libertés. Au-delà de la presse, ce massacre sans précédent est une alarme pour nous tous, pour notre société, pour notre pays.

Conçue avec Les Inrockuptibles et co-animée par son directeur, Frédéric Bonnaud, avec Edwy Plenel, directeur de Mediapart, cette soirée de veillée confraternelle a le soutien de Reporters sans frontières (RSF) qui y interviendra. Elle est ouverte à tous les journaux, en ligne ou imprimés, qui entendent témoigner en défense de nos libertés, contre les monstres de la haine, contre les épouvantails de la peur.

Spontanément des responsables de divers titres nous ont rejoints, tandis que nous lancions des invitations tous azimuts. En dehors de la presse, des personnalités engagées dans la défense des droits fondamentaux seront présentes, notamment Christine Lazerges, présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, Jean-Pierre Dubois, président d'honneur de la LDH, et Mehdi Lallaoui, président d'Au nom de la mémoire.

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Vos réactions, vos témoignages

Pour la France, de multiples menaces terroristes

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Après l’attaque meurtrière dont le journal Charlie Hebdo a fait l’objet mercredi 7 janvier, aucun élément de preuve ne permet de conclure à la responsabilité d’une groupe terroriste particulier. Mais plusieurs éléments suggèrent la piste de militants d’un groupe islamiste radical.

Jointe par téléphone par le journal L'Humanité, alors qu’elle était encore sur les lieux de la fusillade, la dessinatrice Corinne Rey a apporté ce témoignage : « J’étais allée chercher ma fille à la garderie, en arrivant devant la porte de l’immeuble du journal deux hommes cagoulés et armés nous ont brutalement menacées. Ils voulaient entrer, monter. J’ai tapé le code. Ils ont tiré sur Wolinski, Cabu… ça a duré cinq minutes… Je m’étais réfugiée sous un bureau… Ils parlaient parfaitement le français… Se revendiquaient d’Al-Qaïda. » Le directeur de Charlie Hebdo tué mercredi, Charb, lui-même faisait l’objet de menaces directes du groupe djihaidste Al-Qaïda et bénéficiait de la protection d’un garde du corps.

La vidéo montrant une partie de l’attaque laisse penser que le groupe d'assaillants s'était soigneusement préparé, ce qui semblerait plutôt indiquer la piste de l’État islamique, groupe djihadiste actif en Irak et en Syrie. Aucune revendication officielle n’a été faite par ce groupe. Toutefois, dans l’après-midi, un hashtag sur twitter est très vite apparu, proclamant que l’État islamique faisait le takbir (terme désignant en arabe la phrase « Allah est grand », ndlr) dans le centre de Paris. Sous ce hashtag, de nombreux « posts » sur le réseau social twitter faisaient référence aux caricatures de Charlie Hebdo et à l’attentat :

En septembre dernier, pour la première fois, l’État islamique a menacé directement la France pour sa participation à la coalition contre l’organisation djihadiste en Irak. « Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen – en particulier les méchants et sales Français – ou un Australien ou un Canadien, ou tout [...] citoyen des pays qui sont entrés dans une coalition contre l'État islamique, alors comptez sur Allah et tuez-le de n'importe quelle manière », a déclaré Abou Mohammed al-Adnani, le porte-parole de l'EI.

En visite en Turquie le 26 septembre 2014, le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve avait estimé que la « menace terroriste » que font peser les djihadistes de l’EI était « réelle chaque jour (…) Il y a une mobilisation totale de nos services, nous devons être vigilants », avait-il ajouté, rappelant que des mesures avaient été récemment prises pour renforcer la sécurité dans les lieux publics, après les menaces lancées par l'EI contre la France et ses ressortissants. Après l'attaque meurtrière contre Charlie Hebdo, Matignon a relevé le plan Vigipirate au niveau « alerte attentat », niveau d’alerte le plus élevé. La France se trouvait déjà en Vigipirate rouge depuis les attentats de Londres en 2005. Le niveau écarlate avait été activé après l'attentat perpétré par Mohammed Merah à Toulouse en 2012.

L’État islamique et Al-Qaïda sont en concurrence pour la primauté du djihad mondial. Ces derniers mois, plusieurs groupes ont prêté allégeance à l’EI en Algérie, au Yémen ou en Égypte (voir ici notre article), étendant son influence au-delà de la Syrie et de l’Irak.  

Contre la France, Al-Qaïda avait déjà « pris les devants ». Dans un message sonore mis en ligne dimanche 7 avril 2013, Ayman al-Zawahiri, le chef d'Al-Qaïda, a menacé la France en raison de son intervention au Mali. « Je préviens la France qu'avec la volonté de Dieu, elle connaîtra le même sort qu'a connu l'Amérique en Irak et en Afghanistan », avait alors affirmé al-Zawahiri dans son message.

De leurs côtés, les djihadistes français n’ont pas non plus attendu la proclamation de l’EI pour évoquer la possibilité de frapper l’État français et ses ressortissants. Principales cibles citées sur les forums, selon le chercheur Romain Caillet joint mercredi après-midi : les personnalités islamophobes et les anti-religieux s’attaquant à l’islam. Charlie Hebdo et Charb constituaient pour eux une cible prioritaire. L’hypothèse d’une « conjonction » d’intérêts entre un groupe de militants djihadistes français formés en Syrie ou en Irak et l’État islamique n’est donc pas à exclure.

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L'équipe «Charlie»

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La rédaction du journal satirique Charlie Hebdo a été la cible dans le XIe arrondissement de Paris d'un attentat, mercredi 7 janvier en fin de matinée. Les dessinateurs Cabu, Charb, Philippe Honoré, Wolinski et Tignous sont morts dans l'attaque. De même que l'économiste Bernard Maris, l'"Oncle Bernard" du journal, la psychanalyste Elsa Cayat qui assurait une chronique régulière intitulée "Le Divan", le correcteur Mustapha Ourrad, et l'agent de maintenance Frédéric Boisseau, employé de la Sodexo, qui se trouvait à l'accueil. Deux policiers, Franck Brinsolaro et Ahmed Merabet, ont également été tués.

À la suite de ce drame, retour sur les figures d'un collectif qui existe depuis 1970.

Charb

Charb n’avait pas peur. « Je n'ai pas de gosses, pas de femme, pas de voiture, pas de crédit, déclarait-il en 2012, après l’incendie volontaire du journal. C'est peut-être un peu pompeux ce que je vais dire, mais je préfère mourir debout que vivre à genoux. » À 47 ans, le directeur de la publication (depuis le départ de Philippe Val en 2009) y aura laissé sa peau.

© DR

Après Télérama et L’Humanité, Fluide glacial et L’Écho des savanes, le dessinateur et auteur de la chronique « Charb n’aime pas les gens », principal fabricant des unes du journal, faisait la promo de son canard en ces termes : « C’est un bon journal. Pardon, un excellent journal. Ce n’est pas modeste, mais si nous pensions faire de la merde, nous irions la faire dans des endroits où l’on est très bien payé pour la faire. »

Soutien du Front de gauche à certaines élections, il ne pardonnait pas à ses confrères leur complaisance vis-à-vis des politiques. « Jamais aucun journaliste ne se fait convoquer dans aucun bureau de directeur pour s’entendre dire : “Tu as été trop lèche-cul, là, mon chéri.” »

Depuis l'incendie du journal en 2011 (provoqué par un jet de cocktail Molotov mais surtout la publication des caricatures de Mahomet), Charb bénéficiait d'une protection policière. À l’époque, il avait lancé : « Quel mode d’expression employer pour répondre à ces gens-là qui sont (deux ou) trois cons ? Le pire, c'est que ces trois cons vont faire passer tous les musulmans de France pour des intégristes. » Prémonitoire. Mercredi, ils étaient trois, d’après le ministre de l’intérieur, à venir éradiquer son équipe à l’arme automatique. 

Georges Wolinski

À Libé, en 2012, il disait qu’il verrait bien ce mot de Cavanna gravé sur sa tombe : « Wolinski, on croit qu’il est con parce qu’il fait le con, mais en réalité il est vraiment con. » Il se corrigeait, disait à la réflexion préférer l’incinération et quand sa femme, moqueuse, lui demandait où elle pourrait bien larguer ses cendres, il rétorquait : « Tu les balanceras aux chiottes, comme ça chaque fois que tu t’assoiras sur ma tombe, je verrai ton cul. » Wolinski, 80 ans, est mort. Il n’y a plus qu’à espérer que son vœu se réalisera. 

Wolinski, né en 1934 à Tunis, débute dans un magazine de jardinage. En 1960, il apporte des dessins à Cavanna, qui vient de créer le journal satirique Hara-Kiri : c'est le début de sa carrière d'illustrateur. Il fonde dans les années 1960 L’enragé, avec Siné et Jean-Jacques Pauvert, qui débouchera sur Hara-Kiri Hebdo puis Charlie Hebdo dont Wolinksi sera rédacteur en chef jusqu’en 1981.

Wolinski, qui continuait encore aujourd’hui d’officier pour le Journal du dimanche, Paris-Match et Charlie, a travaillé pour à peu près toute la presse. S’il avait démarré « enragé », il a fini décoré de la Légion d’honneur. Il assumait. « On a fait Mai 68 pour ne pas devenir ce qu’on est devenus. »

En 2012, celui qui considérait que « la majorité n’avait pas le droit d’imposer sa connerie à la minorité » avait connu la consécration en étant exposé à la bibliothèque nationale de France (BNF). Sur les plus de 10 000 œuvres retrouvées dans ses cartons, surtout consacrées au sexe et à la politique, il en avait donné 1 200 à la BNF. L’exposition ne montrait pas que des culs et des seins. Au centre de l’exposition, on trouvait, selon le catalogue de l’exposition une photo de lui, couché dans son cercueil, levant son verre de whisky dans un rire joyeux défiant la mort.

Cabu

Il avait une bouille ronde et un coup de crayon aigu. Étrange de parler de lui à l’imparfait. Le Grand Duduche est parti définitivement en vacances. Une génération a grandi avec ce cousin rêveur de Gaston Lagaffe qui voudrait bien draguer la fille du proviseur. Et en détestant le beauf, ce gros crétin réac' qui trouve toujours que c’était mieux avant même s’il a trop bu pour se rappeler comment c’était.

© CC Okki

 « Comment exprimer ce sentiment de vivre un 11 Septembre intime ? » écrit Daniel Schneidermann dans sa chronique. Un de ces événements qui tracent une ligne entre l’avant et l’après, comme si un passé familier devenait d’un coup aussi irréel que l’Atlantide.

Jean Cabut, dit Cabu, né en 1938 à Châlons-en-Champagne, a publié ses premières illustrations en 1954 dans l’Union de Reims. Mobilisé pendant 27 mois à cause de la guerre d’Algérie, il en revient antimilitariste, anar et dessinateur impénitent. Dans les années 1960, il entre à Hara-Kiri et travaille aussi pour Pilote, où il crée les personnages du Grand Duduche et du Beauf. Hara-kiri est interdit en 1970 (pour avoir titré, à propos de la mort du général de Gaulle : « Bal tragique à Colombey – un mort »). Pour contourner l’interdiction, le journal devient Charlie Hebdo. Il disparaît en 1982, renaît en 1992. Cabu y dessinait encore jusqu’à ce qu’un glissement de terrain historique le fasse disparaître le 7 janvier 2015. Au risque de parler comme le beauf, on a envie de dire que c’était mieux avant.

Philippe Honoré

Son nom apparaissait dans un petit carré au coin de ses dessins, Philippe Honoré, né à Vichy le 25 novembre 1941 est tombé sous les balles de ses assaillants à 73 ans. Son dernier dessin qui représente le calife de l'organisation de l'État islamique Abou Bakr al-Baghdadi a fait l'objet du tout dernier tweet de la rédaction qui présentait ses vœux satiriques.

 

Bernard Maris

Il était oncle Bernard. Chaque semaine, il écrivait avec clarté et fougue sur l’économie. Il y disait tout le mal qu’il pensait de la finance, de la rente, des riches toujours plus riches qui demandaient de plumer toujours les pauvres, de la consommation sans fin et sans but, de cette Europe qui, par sa politique insensée, menait à la haine de soi et des autres. Chaque semaine, il rappelait avec conviction quelques évidences sur l’importance de l’égalité et du partage, du don et de la gratuité, de la culture. Bernard Maris a été assassiné, à 68 ans, dans son journal. Car Charlie Hebdo était son journal. Il avait participé à sa relance en 1992 et en était actionnaire. Il avait été directeur adjoint de la rédaction jusqu’en 2008.

© DR

C’est dire si Bernard Maris dans l’univers de l’économie universitaire détonnait. Docteur en économie, il avait commencé comme professeur à l’Université et continuait à enseigner à Paris VIII. Mais sa vraie passion était d’expliquer l’économie, non pas dans le sens l’économie pour les nuls, mais de faire comprendre les enjeux cachés de cette science volontairement opaque, de faire entendre une autre musique que celle rabâchée sur tous les tons par « les experts ».

Il avait commencé par écrire de nombreux ouvrages économiques puis avait continué à tenir des rubriques régulières dans les journaux. À côté de Charlie Hedbo, il y avait Marianne, parfois le Nouvel Obs, le Monde et même le Figaro. Il participait aussi à des émissions hebdomadaires d’économie le vendredi et le samedi sur France Inter et à de nombreuses émissions de télévision. Il était un débatteur redouté car il savait démonter en un clin d’œil les arguments du catéchisme libéral. Marié à Geneviève Genevoix, décédée en 2012, il avait aussi écrit plusieurs essais et romans. Son dernier ouvrage s’appelait Houellebecq économiste

Tignous

Tignous, de son vrai nom Dominique Verlhac, était né en 1957. Il fait partie des victimes de ce 7 janvier. Dessinateur de presse et caricaturiste, aussi talentueux que modeste, il est l’auteur de plusieurs albums (aux éditions Glénat et 12 Bis), avec une prédilection pour l’actualité politique.

Il a également illustré le livre Corvée de bois, sur un texte de Didier Daeninckx, ainsi que des romans et des essais. Il collaborait régulièrement à de nombreuses publications, dont Marianne, L'Humanité, Fluide glacial et Charlie Hebdo.

Tignous était également membre de l’Association de la presse judiciaire depuis plusieurs années, et il venait croquer prévenus et avocats avec gourmandise et malice, lors des grands procès. 

Riss

De son vrai nom Laurent Sourisseau, Riss est le directeur de la rédaction de Charlie Hebdo depuis 2009. Âgé de 48 ans, il fait partie des figures historiques de l’hebdomadaire puisqu’il collaborait déjà au prédécesseur « officieux », né pendant la guerre du Golfe, La Grosse Bertha. Avec sa grande carcasse, son regard noir et son front immense, Riss intimide parfois car, contrairement à nombre d’autres collaborateurs de Charlie, c’est un grand taiseux, « à la limite de l’autisme », selon certains, « lunatique » pour d’autres. mais la plupart des autres dessinateurs ont un grand respect pour son talent, et la manière dont il traduit son regard caustique sur la société dans ses dessins.

Autodidacte, Riss se distingue par la dualité de ses dessins. Il est capable d’un côté de caricatures outrées, parfois franchement grossières et scatos (mais souvent très drôles, il faut le dire). D’un autre côté, il excelle dans le dessin de presse classique, à l’ancienne, façon dessinateur d’audiences judiciaires, précis et méticuleux, ce qu’il a fait pendant plusieurs années en suivant les procès Touvier et Papon. Irrévérencieux, Riss était venu dessiner les obsèques de Paul Touvier à l'intérieur de l'église intégriste de Saint-Nicolas du Chardonnet, avant de se faire expulser manu militari.Le rédacteur de ces lignes se souvient aussi d’un dessin gigantesque (sur deux feuilles A3) que Riss avait créé pendant deux jours entiers dans le stade couvert qui accueillait la convention républicaine de 2000 qui a vu l’investiture de George W. Bush à Philadelphie.

Zineb El Rhazoui

Elle devait assister à la première grande réunion de rédaction de l’année 2015 mais le destin a voulu qu’elle soit bloquée sur le sol marocain, l’autre pays de cette journaliste franco-marocaine. C’est donc de l’autre côté de la Méditerranée que cette jeune journaliste a découvert dans l’effroi et la sidération ce jour funeste où sa rédaction a été décimée en plein jour. Militante farouche des libertés individuelles, fondatrice du mouvement marocain MALI pour le respect des droits de l’homme, passée brièvement par le porte-parolat de Ni Putes Ni Soumises en 2010, Zineb El Rhazoui s’est fait un nom dans le journalisme d’abord au Maroc où elle a fait ses débuts au Journal hebdomadaire, titre historique co-fondé par Ali Ammar et poussé à la fermeture en 2010 par la justice du royaume chérifien, selon un processus classique d’asphyxie financière. Étiquetée « la Marocaine athée d’origine musulmane de la rédaction », selon un de ses proches, depuis qu’elle a rejoint l’équipe de Charlie Hebdo en 2011, Zineb El Rhazoui a co-écrit le hors-série sur la vie du prophète avec Charb. 

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Lors de la dernière polémique autour de la publication de caricatures sur Mahomet, elle avait répliqué aux attaques dans une interview à Slate Afrique. « Je travaille à Charlie, parce que j’estime que c’est une rédaction anticléricale, laïque et athée et antiraciste, ce qui correspond parfaitement à mes principes (...) C’est un journal dont je partage les idées, pas toutes, mais l’essentiel. (…) Et quand je prends la parole pour défendre le fait que Charlie publie ces caricatures, je défends des principes qui sont les miens. » « Je refuse d’être qualifiée d’islamophobe parce que je critique cette religion », ajoutait-elle, considérant l’islamophobie comme « un non-sens » et la représentation du Prophète autorisée en islam. « Pour avoir lu le Coran et pour avoir appris par cœur une bonne partie du livre, il n’y a aucun texte ni dans le Coran ni dans la Sunna (enseignements du Prophète), qui interdisent de représenter le Prophète ou qui que cela soit. »

Jean-Baptiste Thoret

Critique cinématographique au regard acéré, Jean-Baptiste Thoret tient depuis quinze ans la rubrique de Charlie Hebdo sur les sorties de films. Spécialiste du cinéma américain des années 1970, il collabore régulièrement à de multiples émissions de radio (Pendant les travaux le cinéma reste ouvert sur France Inter, Mauvais genre et La Dispute sur France Culture) et occasionnellement à plusieurs revues spécialisées dont Les Cahiers du cinéma.

© DR

« Moi j’arrivais quand ça s’est déroulé, mon retard m’a sauvé. S'il n’y avait qu’un moment dans la semaine où on était tous à la rédaction, c’était bien le mercredi, de 10h à 14h pour la conférence hebdomadaire. À mon avis, les types le savaient.

Chacun à la rédaction avait conscience des risques parce qu’on avait les flics à notre porte. Charb à une époque venait à la rédaction toujours accompagné des policiers. Comme il y avait déjà eu un attentat, on se disait qu’une autre attaque pouvait venir mais pas comme ça. Là, c’est un changement de nature, un point de bascule. On n’était pas fous, tout le monde savait les menaces mais aujourd’hui il y a une telle haine qui peut s’exprimer sur les réseaux sociaux qu’au fond on finit par s’y faire, on se dit que c’est le quotidien.

Charlie, c’était vraiment le sentiment d’appartenir à un collectif avec la liberté d’avoir des gens qui pensaient des choses très différentes et en même temps qui se connaissent très bien. J’étais absolument libre d’écrire ce que je voulais. Cet hebdo, c’était un peu un moyen de dire des choses un peu à l’inverse des critiques institutionnels mais aussi d’avoir parfois l’occasion de faire de la critique un peu militante pour aider des cinéastes et envisager le cinéma différemment. »

Gérard Biard

Le rédacteur en chef de Charlie Hebdo était à Londres au moment de l’attentat. En 2012, il déclarait au Monde : « Si on dit aux religions : “Vous êtes intouchables”, on est foutus. » Il expliquait aussi combien l’anticléricalisme cimente la rédaction : « L'attaque contre toutes les religions, c'est ce qui constitue notre identité. La rédaction comprend des anarchistes, des écolos, des communistes, des trotskystes, des socialos. Mais on est tous d'accord sur le fait religieux. » Tous athées, disait-il.

Pour le site internet du journal, il avait pondu une autobiographie pleine d’« âneries »« Je suis né en 1959. C’est pour fêter cet événement exceptionnel que de Gaulle a instauré les nouveaux francs. (...) Pas plus tard qu’hier, Sharon Stone m’a encore envoyé un mail pour me dire que, vraiment, ce fut "fucking hot". (…) Je suis entré à Charlie en 1992, parce que Philippe Val et Cavanna cherchaient un chroniqueur de prestige pour relancer le journal et lui donner une aura internationale. C’est aujourd’hui chose faite. »

Fabrice Nicolino

Actif dans les colonnes de Charlie Hebdo depuis quelques années seulement (2010), Fabrice Nicolino y a repris le flambeau du journalisme engagé sur l’écologie qui s’y est épanoui depuis les années 1970. Dans ses articles et dans ses livres, il bataille contre les industries polluantes et les ravages du consumérisme, les agrocarburants, les pesticides mais aussi les faiblesses du mouvement écolo. Attentif aux mobilisations internationales, il a notamment contribué à faire connaître en France le travail de Theo Colborn, chercheuse américaine qui a révélé l’ampleur des dangers des perturbateurs endocriniens. 

Luz

Renaud Luzier, alias Luz, fait partie des « jeunes historiques » de la rédaction de Charlie, comme le raconte un ancien pigiste de l’hebdomadaire, le journaliste Édouard Perrin. Il appartient aussi clairement au groupe des « déconneurs » du journal. « J’ai connu mes plus grand fous rires professionnels avec Luz », confie une autre ancienne pigiste, Cécile Besson. Plus jeune que les anciens Cabu ou Wolinski, il est néanmoins rapidement devenu un des piliers de l’équipe avant de se diversifier en collaborant à Fluide glacial ou aux Inrockuptibles. Quand il a démarré à Charlie, dans les années 1990, il a dû travailler très dur car il côtoyait des gens qui étaient des références pour lui comme Cabu ou Gébé.

Outre le dessin, le journalisme (auquel il se destinait initialement quand il était étudiant), et la politique, Luz est un passionné de rock. « C’est un fan de musique punk, qui va énormément aux concerts », raconte Édouard Perrin. « Il s’est même mis à faire le DJ dans des soirées, mais il a dû changer son répertoire musical quand il a découvert que personne ne dansait sur du punk ! »

Philippe Lançon

Journaliste littéraire à Libération et écrivain, Philippe Lançon, chroniqueur à Charlie Hebdo, a été hospitalisé à la suite de la fusillade. Il est grièvement blessé. Il est né en 1963 dans la « banlieue française », selon sa notice biographique sur le site de l’hebdo satirique. Il vit à Paris, mais connaît aussi bien l’Espagne que Cuba, île sur laquelle il a lu pour la première fois Cent Ans de solitude, comme l’indique le site de la revue XXI, à laquelle il contribue.

© DR

Dans ce mook, il publie à l’été 2008 Les Pavillons jaunes de Macondo, à propos d’Aracataca, petit village de Colombie où est né Gabriel Garcia Marquez. Passionné de littérature latino-américaine et de cigares, il écrit des critiques hors-normes au style flambant. À Libé, où il est grand reporter, il a participé au lancement des Portraits.

Il a été primé pour son travail d’investigation et notamment pour son article "Alger, la franche". En 2011, il a obtenu le prix Hennessy du journalisme littéraire pour « l’extraordinaire qualité de ses articles ». Son dernier livre, L’Élan, est publié dans la collection Blanche aux éditions Gallimard. Il est aussi l’auteur des Îles chez Jean-Claude Lattès, qui se déroule à Cuba, et d’un livre publié sous le pseudonyme de Gabriel Lindero Je ne sais pas écrire et je suis innocent chez Calmann-Lévy. 

Laurent Léger

Laurent Léger, qui fait partie des rescapés, est un journaliste d’investigation. Il a notamment travaillé 12 ans à Paris Match, puis au Parisien, au Point et à Bakchich, avant de rejoindre Charlie Hebdo en 2009. Il est l’auteur de plusieurs livres d’enquête, le dernier en date (2012) portant sur les secrets qui entourent la santé des présidents de la République.

Sigolène Vinson

Née à Sainte-Foy-lès-Lyon en 1975, Sigolène Vinson a appris le théâtre avant de devenir avocate avec l’idée de faire de la politique. Elle a abandonné cette profession en 2007 pour se consacrer à l’écriture. Elle a publié trois romans, dont deux écrits avec Philippe Kleinmann. Le troisième, J’ai déserté le pays de l’enfance, est paru en 2011. Elle tient une chronique hebdomadaire à Charlie Hebdo depuis 2012. 

Antonio Fischetti

Né le 2 décembre 1960, physicien, Antonio Fischetti a enseigné au Conservatoire national des arts et métiers et il est aussi journaliste scientifique. Il a travaillé pour Sciences et Avenir,et a écrit depuis 1997 des chroniques sur la science et l’écologie pour Charlie Hebdo. 

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A Paris comme dans toute la France, hommages à « Charlie »

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« Je ne te souhaite pas une bonne année, elle est déjà pourrie. » Ce mercredi soir vers 17 heures, place de la République à Paris, les visages étaient tristes et fermés. Plusieurs milliers de personnes se sont réunies (au moins 15 000 selon la préfecture de police de Paris), comme dans des dizaines de villes de France (plus de 100 000 personnes sur tout le territoire), pour rendre hommage aux journalistes de Charlie Hebdo assassinés en fin de matinée.

La foule, qui a recouvert la totalité de la place, a réuni de nombreux journalistes, pour certains brandissant leurs cartes de presse, et de larges bataillons syndicaux (CGT, Sud, Unsa, FSU, notamment), beaucoup de cheveux blancs mais aussi de nombreux étudiants, tendant un stylo en l’air, tenant en main des unes plus ou moins récentes de l’hebdomadaire satirique ou distribuant des autocollants « Je suis Charlie ». Dans un coin, des Kurdes tiennent des panneaux : « À Paris comme à Kobané, c’est la même barbarie. »

A Paris, rassemblement en hommage à Charlie HebdoA Paris, rassemblement en hommage à Charlie Hebdo © S.A

Silencieuse pendant une heure, la foule a sporadiquement applaudi ou entonné « Liberté d’expression ! ». Une Marseillaise a été murmurée quelques instants, mais sans prendre d’ampleur, la majorité de la foule semblant préférer se recueillir. Vers 18 h 30, un individu a escaladé la statue de la République pour nouer autour de son bras un brassard noir.

Dans la foule, les personnes interrogées faisaient surtout part de leur sidération. « C’est quand les noms des dessinateurs tués ont commencé à tomber que j'ai vraiment réalisé », explique Marie, 25 ans. Non loin d’elle, Bénédicte dit être « la seule à être venue », car les amis de cette lycéenne « avaient tous peur : ils me disaient “C’est le meilleur endroit pour faire un second coup”. » Elle s’insurge : « Mais justement ! C’est dans ce type de moment qu’il ne faut pas avoir peur. »

Dans les rangs syndicaux, deux militants débattent de leurs désaccords. « Bien sûr que ça peut choquer des gens sincères dans leur foi, mais sans les religions, quand même… », avance l’un. « Des fous, il y en a partout, chez les religieux comme chez les athées », réplique l’autre. Celui-ci se dit « horrifié » par « le drame de Charlie », mais ajoute : « Il faudrait que ce soit l’occasion d’arrêter de faire n’importe quoi en Irak, en Syrie, en Libye… » 

A Paris, rassemblement en hommage à Charlie HebdoA Paris, rassemblement en hommage à Charlie Hebdo © compte twitter de @SThiefaine

Au milieu de la place, des militants du NPA ne taisent pas leur prise de distance avec « le Charlie des dernières années », jugé « islamophobe plus qu’anti-religieux », mais se remémorent les mobilisations altermondialistes de Millau, à la fin des années 1990, et la « gentillesse de Charb » et des autres dessinateurs qui illustraient en temps réel le rassemblement.

Plusieurs personnalités politiques se sont déplacées, notamment Cécile Duflot, Clémentine Autain, Anne Hidalgo, Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-Christophe Cambadélis, Claude Bartolone, Jean-Luc Mélenchon, Noël Mamère, ou encore Pierre Larrouturou. Aucun ne prendra la parole, mais tous paraissaient sincèrement émus, écrasant parfois des larmes en souvenir de journalistes et caricaturistes qu’ils ont connus personnellement.

Au fond de la place, un couple s’étreint. L’homme glisse à sa compagne : « Il ne fait pas si froid en fait, ça fait du bien de se tenir chaud. »

A Paris, rassemblement en hommage à Charlie HebdoA Paris, rassemblement en hommage à Charlie Hebdo © KL

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Charlie Hebdo : deux frères sont recherchés

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La police a diffusé mercredi 7 janvier au soir les avis de recherche de deux suspects dans l'attentat qui a frappé dans la matinée la rédaction de Charlie Hebdo, faisant 12 morts dont deux policiers. Un troisième suspect s'est rendu dans la nuit au commissariat de Charleville-Mézières, dans les Ardennes. Il s'agit d'un homme de 18 ans. Soupçonné d’avoir aidé les deux tireurs, il s’est rendu « après avoir vu que son nom circulait sur les réseaux sociaux », a expliqué à l’AFP une source proche du dossier. Il s'agirait du beau-frère d'un des deux autres suspects. Il a été mis hors de cause dans la matinée.

Les deux hommes toujours recherchés sont deux frères, Chérif et Said Kouachi, âgés de 32 et 34 ans. Les autorités ont lancé un appel à témoin. L'un d'eux avait été condamné, en 2008, dans l'affaire de la filière irakienne du XIXe arrondissement, à trois ans d'emprisonnement, dont 18 mois avec sursis. Il avait été interpellé peu avant de se rendre en Irak combattre aux côtés de la branche irakienne d'Al-Qaïda contre la coalition menée par les États-Unis.

Les suspects  recherchés pour l’attentat contre Charlie HebdoLes suspects recherchés pour l’attentat contre Charlie Hebdo

Selon des sources policières, des gardes à vue de leur entourage se déroulaient dans la nuit et des perquisitions ont d'ores et déjà eu lieu à Reims et à Charleville-Mézières.

Douze personnes ont été tuées – dix personnes présentes à Charlie Hebdo et deux policiers –, quatre ont été grièvement blessées et sept blessées plus légèrement, mercredi dans l'attaque de la rédaction de l'hebdomadaire satirique. Les dessinateurs Cabu, Charb, Wolinski, Philippe Honoré et Tignous sont morts dans l'attaque. Charb, de son vrai nom Stéphane Charbonnier, était le directeur de la publication de Charlie. L'économiste Bernard Maris est également décédé dans la fusillade, ainsi que Mustapha Ourrad, correcteur, Frédéric Boisseau, agent d'entretien, et Elsa Cayat, psychanalyste et chroniqueuse. Michel Renaud, ancien directeur de cabinet du maire de Clermont-Ferrand, fait partie des victimes. Président fondateur du Rendez-vous du carnet de voyage clermontois, Michel Renaud était venu rencontrer le dessinateur Cabu pour lui rendre les dessins qu'il avait prêtés à l'association clermontoise pour la dernière manifestation, fin novembre dernier, indique le quotidien La Montagne. Les deux policiers tués sont un membre de la brigade VTT du XIe arrondissement de 42 ans et un membre de la brigade de protection des personnalités de 49 ans.

Le journal est situé rue Nicolas-Appert dans le XIe arrondissement de Paris. Charlie Hebdo avait déjà fait l'objet d'un incendie criminel en novembre 2011, dans ses précédents locaux situés dans le XXe arrondissement. Selon un récit de Libération, les deux hommes armés qui ont pénétré dans les locaux cherchaient tout particulièrement Charb, le patron du journal. 

Selon nos informations, Laurent Léger, journaliste d'investigation pour l'hebdomadaire, était assis à la table de réunion lors de l'arrivée des assassins. Il a eu le réflexe de se jeter sous la table et de prévenir la police. Indemne, c'est lui qui a également dû procéder à l'identification des corps de ses collègues. Il était mercredi en début de soirée interrogé par les enquêteurs.

Sur placeSur place © MM

L'attaque a eu lieu peu après 11 heures mercredi matin. Sur une vidéo filmée par Première ligne, une agence de presse télévisuelle, les deux hommes armés crient Allahu Akbar (Dieu est grand) à l'extérieur du bâtiment. Selon une source policière, les assaillants auraient également crié « Nous avons vengé le prophète ».

Jointe par téléphone par le journal L'Humanité, alors qu’elle était encore sur les lieux de la fusillade, la dessinatrice Corinne Rey a apporté ce témoignage : « J’étais allée chercher ma fille à la garderie, en arrivant devant la porte de l’immeuble du journal deux hommes cagoulés et armés nous ont brutalement menacées. Ils voulaient entrer, monter. J’ai tapé le code. Ils ont tiré sur Wolinski, Cabu… ça a duré cinq minutes… Je m’étais réfugiée sous un bureau… Ils parlaient parfaitement le français… Se revendiquaient d’Al-Qaïda. »

Sur place, un voisin, Ludovic M., a assuré avoir entendu « 40 ou 50 coups de feu » alors qu'il se trouvait dans son appartement du boulevard Richard-Lenoir, juste derrière les locaux de Charlie Hebdo« Au début, j'ai cru que c'était des pétards de nouvel an chinois. J'ai vu par la fenêtre des policiers qui poursuivaient les malfaiteurs. Ils étaient deux personnes cagoulées, l'un d'eux avait un fusil de guerre. Ça tirait dans tous les sens. Dans la rue, les gens se cachaient derrière les voitures. Puis les tireurs sont partis dans une Citroën noire. »

Une autre vidéo circule sur les réseaux sociaux, elle a été prise près du journal. On y voit deux hommes abattre de sang-froid un policier à terre puis retourner à petites foulées dans leur véhicule. Nous en avons extrait quatre images :

Les assaillants ont pris la fuite à bord d'un véhicule, avant de l'abandonner et d'en voler un second, à son tour abandonné porte de Pantin, au nord de Paris. Selon le ministère de l'intérieur, 3 000 policiers sont mobilisés. La justice a lancé un appel à témoin, avec un numéro à contacter : 08 05 02 17 17. Les autopsies auront lieu ce jeudi, selon le procureur de la République, qui a tenu mercredi peu après 18 heures une conférence de presse.

François Hollande s'était rendu sur place vers 12 h 50. Il s'est adressé à la presse, parlant d'un acte d'une « exceptionnelle barbarie au cœur de Paris contre un journal, contre des journalistes ». Le président français a déclaré qu'il s'agissait d'un « acte terroriste ». « Cela ne fait aucun doute », a-t-il ajouté. « La France est aujourd'hui en état de choc devant un attentat terroriste, ça ne fait pas de doute », a déclaré François Hollande, accompagné du ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve, de la maire de Paris, Anne Hidalgo, du président de la région Ile-de-France Jean-Paul Huchon, et de plusieurs élus parisiens. La ministre de la justice Christiane Taubira s'est également rendue sur place, de même que les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, Claude Bartolone et Gérard Larcher. Le président a repris la parole à 20 heures, il a décrété une journée de deuil national jeudi, avec une minute de silence dans les services publics et les écoles à midi. La cathédrale Notre-Dame sonnera le glas au même moment. Les drapeaux seront en berne pendant trois jours.

François Hollande sur placeFrançois Hollande sur place © MM

Le président devait réunir ce jeudi matin à l'Élysée les ministres et responsables directement concernés par la protection à assurer sur tous les lieux potentiellement visés. Une telle réunion s'était déjà tenue mercredi après-midi. Le plan Vigipirate est passé à « Vigipirate attentat ». 

Le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, a dénoncé « une attaque d'une violence démente, barbare comme il n'y en a jamais eu ». « C'est aujourd'hui sans commune mesure le jour le plus noir de l'histoire de la presse française », a-t-il ajouté. « Ils sont rentrés dans d'autres locaux mais n'ont pas tiré, ils visaient clairement Charlie Hebdo », a-t-il encore indiqué.

Au moins 35 000 personnes se sont retrouvées mercredi soir à Paris, place de la République, pour montrer leur solidarité avec Charlie Hebdo (lire notre reportage ici et là notre portfolio). D'autres rassemblements ont eu lieu dans toute la France, et même dans le monde entier.

Enfin, l'ensemble des partis de gauche (PS, PRG, PCF, PG et EELV) ont décidé mercredi d'organiser une marche silencieuse samedi à 15 heures au départ de la place de la République à Paris. La décision a été prise après une réunion des différents partis à l'Assemblée nationale. Cette marche est « ouverte à l'ensemble des partis républicains », a déclaré le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis. Contactées par Le Monde, l'UDI s'y est dite favorable mais l'UMP n'avait pas encore donné sa réponse aux organisateurs mercredi soir.

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Attentat à «Charlie» : la droite dure et le FN fustigent déjà les appels à l'union

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Le visage grave, la mine décomposée, les principales figures de l'État se sont rendues ce mercredi 7 janvier rue Appert, dans le XIe arrondissement de Paris, où se trouvent les locaux de l'hebdomadaire Charlie Hebdo. De gauche, de droite, tous ont évidemment rendu hommage aux victimes de l'attentat le plus meurtrier en France depuis un demi-siècle : 12 morts (11 hommes, une femme) et onze blessés, dont quatre dans un état grave, selon le bilan dressé par le procureur de Paris. Tous ont dénoncé l'atteinte sans précédent aux libertés que constitue cet assassinat collectif dans une rédaction.

Mercredi soir, des dizaines de manifestations réunissant des dizaines de milliers de personnes ont été spontanément organisées dans toute la France, à l'appel d'associations, de syndicats et de citoyens révulsés par cet acte odieux. En direct à la télévision, François Hollande a annoncé une journée de deuil national, ce jeudi. Les drapeaux seront également mis en berne pendant trois jours, a décidé le chef de l'État.

Les principaux partis de gauche, d'EELV au parti radical de gauche, du PS au PCF, ont décidé d'organiser une grande « marche républicaine ». Le premier ministre Manuel Valls y a très officiellement convié le président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, et les dirigeants du principal parti d'opposition. Celui-ci a accepté, à condition que le rassemblement « soit digne, recueilli et ferme ». Prévue au départ ce samedi, elle aura finalement lieu dimanche, a annoncé jeudi 8 janvier Matignon, de nombreuses associations souhaitant également manifester ce jour-là.

Une heure après l'attentat, François Hollande, qui s'est rendu sur place immédiatement, avait dénoncé un « acte terroriste ». « Plusieurs attentats terroristes avaient été déjoués ces dernières semaines. Nous sommes menacés, comme dans d'autres pays dans le monde, car nous sommes un pays de liberté », avait-il dit dans sa toute première déclaration. Quelques heures plus tard, mercredi soir, le chef de l'État a exhorté dans une allocution les Français à l'« unité ». « Rien ne peut nous diviser, rien ne doit nous diviser, rien ne doit nous séparer », a martelé le chef de l'État. « La France a toujours combattu la barbarie quand elle a su faire bloc autour de ses valeurs. Rassemblons-nous face à cette épreuve et nous gagnerons. Rassemblons-nous. »

D'une même voix, l'écrasante majorité des responsables politiques a appelé à une forme d'« union nationale » après l'horreur du drame. À l'exception notable de certains responsables de la droite dure. Et surtout du Front national, qui a commencé à surfer sur le drame en agitant les peurs.

Unanimes, de très nombreux responsables de gauche, élus de terrain, ministres ou parlementaires ont immédiatement lancé des appels à l'union. Par la voix de son premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, le parti socialiste a appelé « les concitoyens à faire bloc autour des valeurs de la République ». « C’est dans ces moments que les Français doivent être unis face à la barbarie », a réagi la maire de Lille, Martine Aubry. « Je suis certain que cet acte monstrueux suscitera en France un sursaut devant cette horreur. Le pays, quelles que soient les appartenances politiques religieuses ou autres, doit se dresser d’un seul bloc, sans hésitation », a commenté le président de l'Institut du monde arabe, l'ancien ministre socialiste Jack Lang.

La secrétaire nationale d'Europe Écologie-Les Verts, Emmanuelle Cosse, a lancé le même appel à l'« union nationale autour de nos valeurs de liberté de la presse ». Le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, a exigé « une réaction nationale à la mesure de l’attaque qui vient de se produire (…) l’union de la nation la plus importante possible de toutes les forces républicaines de ce pays ». Pour Jean-Luc Mélenchon, le président du Parti de gauche, « c'est la force humaine qui va nous permettre de vaincre ce que ces gens essaient de faire ». « L'heure est au sang-froid et à l’union nationale contre le terrorisme, sans distinction de race et de religion », a réagi l'ancien ministre de l'intérieur de Lionel Jospin, Jean-Pierre Chevènement, président d'honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC).

À l'unisson, le président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone et tous les présidents de groupes politiques, du Front de gauche à l'UMP, ont eux aussi lancé un appel solennel à « l’union nationale autour de la mémoire des personnes lâchement assassinées, journalistes et policiers, de la solidarité envers les personnes blessées et envers toutes les familles des victimes, autour de l’affirmation de valeurs et principes au fondement de notre République ». Même appel du maire de Pau et président du Modem, François Bayrou. « Aujourd'hui, nous avons un seul devoir, nous serrer les coudes, faire l'union nationale. »

Le nouveau président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, a fait part de sa « profonde émotion face à cet acte abject qui heurte la conscience humaine ». « La République doit se rassembler, j'appelle tous les Français à refuser la tentation de l'amalgame et à opposer un front uni face au terrorisme, à la barbarie et aux assassins », a lancé le prédécesseur de François Hollande à l'Élysée, évoquant « un impératif d'unité nationale auquel nul ne peut ni ne doit se soustraire ». Son rival Alain Juppé a lui aussi appelé à « faire bloc ». Le président UMP du Sénat, Gérard Larcher, a appelé à un « sursaut républicain ». « Aux criminels terroristes, opposons notre unité nationale, notre sang-froid, notre détermination implacable », a réagi sur son blog l'ancien premier ministre François Fillon. Une ligne partagée par la plupart des cadors de l'UMP, de Bruno Le Maire à Laurent Wauquiez. « Personne ne doit se soustraire à l'union nationale », assure le député UMP Édouard Courtial.

Sitôt cet attentat connu, le gouvernement a relevé en Île-de-France le plan Vigipirate au niveau "alerte attentat", qui répond à  « une menace imminente » et correspond à une protection renforcée des organes de presse, des grands magasins, des lieux de culte et des transports scolaires. Malgré tout, plusieurs responsables de l'UMP ont d'ores et déjà joué la surenchère. Le député et maire de Nice, Christian Estrosi, réclame ainsi l'extension du plan "Vigipirate attentat" à toutes les grandes villes de France. Et certains responsables de l'UMP rejettent les appels à l'unité. Le secrétaire national de l'UMP David-Xavier Weiss juge ainsi « triste de voir la direction de l'UMP sombrer dans le verbiage et le piège de "l'unité nationale" ». Si son intervention est restée très cadrée ce mercredi, Nicolas Sarkozy a d'ailleurs prévenu : il attend des « mesures fortes contre le terrorisme ». « Nous devons élever notre niveau de vigilance », dit-il. Quelques mots qui laissent penser que l'UMP, une fois le deuil passé, pourrait faire monter la pression sur le gouvernement et réclamer de nouvelles mesures contre le terrorisme. Mercredi matin, sur le perron de l'Elysée après un entretien avec François Hollande, Nicolas Sarkozy a semblé entonné les airs néoconservateurs de l'après 11 septembre 2001. « Les hommes civilisés doivent s'unir contre la barbarie », a lancé l'ancien président de la République.

Mercredi soir, sur le plateau de l'émission spéciale organisée par Mediapart en hommage aux douze victimes de l'attentat, Christine Lazerges, la présidente de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), a d'ores et déjà averti contre l'éventuelle tentation de « diminuer nos libertés fondamentales pour lutter contre le terrorisme ». « Ce serait la plus grande erreur à commettre », a mis en garde Jean-Pierre Dubois. Le président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme (LDH) a dit craindre de futures lois d'exception, à l'instar du "Patriot Act" voté aux États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001.

En tous les cas, du côté de la droite dure et de l'extrême droite, la modération n'est déjà plus d'actualité. Et la porte des amalgames est grande ouverte, les meurtriers de Charlie Hebdo ayant crié « Allah Akbar » et « Nous avons vengé le Prophète ».

« Demain, si l'importation du conflit israélo-palestinien continue d'être favorisée en France par des textes comme celui de la résolution de reconnaissance unilatérale de la Palestine, et si les mesures législatives contre les terroristes ne sont pas plus téméraires, ils crieront "On a tué la France" », a illico lancé le député UDI Meyer Habib, porte-voix de l'aile dure de la droite israélienne.

« Il faut regarder la vérité en face, la France est en guerre », a estimé dans un communiqué le président de Debout La République, Nicolas Dupont-Aignan. Pas juste en guerre dans plusieurs pays du monde, mais aussi en « guerre intérieure », assure-t-il. « Aucun tabou ne doit résister à l’analyse. Abordons les vraies questions : le contrôle de nos frontières, les moyens de notre police et des services de renseignements, le fonctionnement de notre justice, la gestion et le financement du culte musulman en France, l’état de notre école publique », poursuit-il. Une façon d'appeler de ses vœux un véritable arsenal répressif.

Quant au Front national, il semble évident que le parti d'extrême droite compte rebondir sur ce drame. Et qu'il entend, malgré cette tragédie, faire des appels à l'« unité nationale » une preuve supplémentaire de l'existence d'un système « UMPS » qu'il vilipende.

Marine Le Pen donnera vendredi une conférence de presse spéciale sur l’attaque de Charlie Hebdo. Mais mercredi, dès le début de l’après-midi, la présidente du FN dénonçait auprès de l’AFP, sans disposer à cette heure d'éléments factuels pour l'affirmer, un « attentat terroriste commis par des fondamentalistes islamistes ».

Quelques heures plus tard, dans une intervention publiée sur le site du Front national, la présidente du FN a certes fait une rapide référence à l'union nationale. « La nation est unie pour condamner cet attentat odieux, la nation est unie pour dire que nous Français, quelles que soit nos origines, nous n’accepterons pas que soit attenté à nos vies et à nos libertés. » Mais l'essentiel de son discours fut bel et bien axé sur la « peur ». Marine Le Pen a ainsi évoqué une « guerre déclarée » à la France et « une idéologie meurtrière qui fait en ce moment même des milliers de morts dans le monde ». « L’objectif assumé de ces actes barbares est de terroriser, de paralyser par la peur pour soumettre et censurer. Et incontestablement, après cet acte ayant traumatisé la nation tout entière, la peur est là », décrétait-elle, avant de se poser en recours : « C’est ma responsabilité de dire que la peur doit être surmontée. »

Expliquant vouloir « libérer notre parole face au fondamentalisme islamique », Marine Le Pen a invité à « ne pas se taire, et commencer par oser nommer ce qu'il s’est passé : il s’agit d’un attentat terroriste commis au nom de l’islamisme radical ». Elle a également réclamé un « débat » sur le « fondamentalisme islamique ». « Pourquoi en est-on arrivé là ? Quel est le parcours de ces assassins, l'étendue des filières de l'islam radical sur notre sol, leurs financements ? Quels pays les soutiennent ? Les questions sont nombreuses et légitimes. » Moins de 24 heures après l'attaque, la présidente du FN a opportunément rappelé la vieille proposition de son parti d'un référendum sur la peine de mort.

Au Front national, certains dirigeants sont allés plus loin, remettant en cause l’idée même d’union nationale. « Ça ne veut rien dire, ce sont des mots, a balayé le vice-président du FN Louis Aliot sur LCI. On a de la solidarité, de la compassion pour les familles. Pour le reste, le devoir du président et du gouvernement, c'est de protéger ses concitoyens contre une menace qui est déterminée. Jusqu'à présent, ils ont voulu relativiser la menace en toutes circonstances. » « La menace, elle est chez nous, sous nos yeux », a-t-il expliqué.

Dans Le Figaro, Jean-Marie Le Pen, le président d’honneur du FN, a clairement refusé « de soutenir l'action gouvernementale impuissante et incohérente ». Il a aussi ironisé sur « les limites de cette union nationale. Inclut-elle, cette fois, le Front national ? Ou s'arrête-t-elle, seulement, des anarchistes à l'UMP ? D'habitude, nous sommes tacitement exclus de ce que l'on appelle l'union républicaine ».

D'ailleurs, si dans sa vidéo, la présidente du FN rejette toute confusion « entre nos compatriotes musulmans attachés à notre nation et à ses valeurs et ceux qui croient pouvoir tuer au nom de l’islam », cette ligne ne semble pas aussi claire dans son parti. La députée FN Marion Maréchal-Le Pen évoque dans un tweet un "ils" ambigu, qui peut entretenir la confusion :

Sur Twitter, Éric Domard, son conseiller aux sports, et membre du bureau politique, a fustigé ceux qui mettent en garde contre l'islamophobie.

Plusieurs voix au FN n'hésitent pas à établir un lien avec l'immigration. Jean-Marie Le Pen a ainsi évoqué une « guerre qui nous est faite par l'islamisme » et « un problème qui touche, évidemment de très près, à l'immigration massive subie par notre pays depuis quarante ans ». « L’UMPS va faire quoi maintenant ? Bah tout pareil pardi. Immigration massive, guerre contre Bachar (al-Assad), antiracisme, école progressiste, etc. », a réagi sur Twitter l’ancien président des jeunes frontistes, Julien Rochedy.

« Non, les assassins ne sont pas des “fous” ou des “marginaux” », a déclaré de son côté, Robert Ménard, maire de Béziers soutenu par le FN. Ce sont des tueurs islamistes qui veulent imposer la terreur comme leurs congénères de Syrie ou d’Irak. La différence est qu’aujourd’hui, après trente ans d’immigration galopante, ces choses-là sont possibles à Paris et en France. » « Tout doit être fait pour éviter la libanisation de notre pays », conclut-il. Dans une autre vie, le même Robert Ménard fut secrétaire général de l'association Reporters sans frontières. Celle-là même qui défend la liberté d'expression de par le monde.

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Les deux suspects figurent sur la liste noire américaine du terrorisme

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Ils figuraient « depuis des années » sur la liste des terroristes connus ou suspectés du gouvernement américain. Un responsable du renseignement américain a assuré jeudi au New York Times que Saïd et Cherif Kouachi, 34 et 32 ans, étaient identifiés depuis longtemps par les États-Unis comme de possibles djihadistes. Par conséquent, ils étaient inscrits sur la no fly list américaine, leur interdisant de prendre l’avion depuis ou en direction du sol américain.

Le quotidien, tout comme la chaîne de télévision NBC, affirme par ailleurs que Saïd Kouachi a passé plusieurs mois au Yémen en 2011, pour s'entraîner au maniement des armes. La formation pourrait avoir été dispensée par un membre d'Al-Qaïda dans le pays.

Ces informations émergent alors que les deux hommes recherchés pour l'attentat à Charlie Hebdo sont toujours introuvables. La nuit de recherche, dans une zone boisée à cheval entre l'Aisne et l'Oise, à 80 km au nord-est de Paris, n'a rien donné, malgré les centaines de membres de forces de l'ordre présents sur place, et le survol de la région par des hélicoptères durant la nuit. Selon les autorités, Saïd Kouachi a été « formellement reconnu » comme un « agresseur » ayant participé à l’attaque qui a fait douze morts, dont deux policiers mercredi matin.

La police a diffusé mercredi 7 janvier au soir les avis de recherche des deux suspects. Un troisième suspect s'est rendu dans la nuit au commissariat de Charleville-Mézières, dans les Ardennes. Il s'agit d'un homme de 18 ans. Soupçonné d’avoir aidé les deux tireurs, il s’est rendu « après avoir vu que son nom circulait sur les réseaux sociaux », a expliqué à l’AFP une source proche du dossier. Il s'agirait du beau-frère d'un des deux autres suspects. Il a été mis hors de cause dans la matinée.

Cherif Kouachi avait été condamné, en 2008, dans l'affaire de la filière irakienne du XIXe arrondissement, à trois ans d'emprisonnement, dont 18 mois avec sursis. Il avait été interpellé peu avant de se rendre en Irak combattre aux côtés de la branche irakienne d'Al-Qaïda contre la coalition menée par les États-Unis.

Les suspects  recherchés pour l’attentat contre Charlie HebdoLes suspects recherchés pour l’attentat contre Charlie Hebdo

Selon des sources policières, des gardes à vue de leur entourage se déroulaient dans la nuit et des perquisitions ont d'ores et déjà eu lieu à Reims et à Charleville-Mézières.

Douze personnes ont été tuées – dix personnes présentes à Charlie Hebdo et deux policiers –, quatre ont été grièvement blessées et sept blessées plus légèrement, mercredi dans l'attaque de la rédaction de l'hebdomadaire satirique. Les dessinateurs Cabu, Charb, Wolinski, Philippe Honoré et Tignous sont morts dans l'attaque. Charb, de son vrai nom Stéphane Charbonnier, était le directeur de la publication de Charlie. L'économiste Bernard Maris est également décédé dans la fusillade, ainsi que Mustapha Ourrad, correcteur, Frédéric Boisseau, agent d'entretien, et Elsa Cayat, psychanalyste et chroniqueuse. Michel Renaud, ancien directeur de cabinet du maire de Clermont-Ferrand, fait partie des victimes. Président fondateur du Rendez-vous du carnet de voyage clermontois, Michel Renaud était venu rencontrer le dessinateur Cabu pour lui rendre les dessins qu'il avait prêtés à l'association clermontoise pour la dernière manifestation, fin novembre dernier, indique le quotidien La Montagne. Les deux policiers tués sont un membre de la brigade VTT du XIe arrondissement de 42 ans et un membre de la brigade de protection des personnalités de 49 ans.

Le journal est situé rue Nicolas-Appert dans le XIe arrondissement de Paris. Charlie Hebdo avait déjà fait l'objet d'un incendie criminel en novembre 2011, dans ses précédents locaux situés dans le XXe arrondissement. Selon un récit de Libération, les deux hommes armés qui ont pénétré dans les locaux cherchaient tout particulièrement Charb, le patron du journal. 

Selon nos informations, Laurent Léger, journaliste d'investigation pour l'hebdomadaire, était assis à la table de réunion lors de l'arrivée des assassins. Il a eu le réflexe de se jeter sous la table et de prévenir la police. Indemne, c'est lui qui a également dû procéder à l'identification des corps de ses collègues. Il était mercredi en début de soirée interrogé par les enquêteurs.

Sur placeSur place © MM

L'attaque a eu lieu peu après 11 heures mercredi matin. Sur une vidéo filmée par Première ligne, une agence de presse télévisuelle, les deux hommes armés crient Allahu Akbar (Dieu est grand) à l'extérieur du bâtiment. Selon une source policière, les assaillants auraient également crié « Nous avons vengé le prophète ».

Jointe par téléphone par le journal L'Humanité, alors qu’elle était encore sur les lieux de la fusillade, la dessinatrice Corinne Rey a apporté ce témoignage : « J’étais allée chercher ma fille à la garderie, en arrivant devant la porte de l’immeuble du journal deux hommes cagoulés et armés nous ont brutalement menacées. Ils voulaient entrer, monter. J’ai tapé le code. Ils ont tiré sur Wolinski, Cabu… ça a duré cinq minutes… Je m’étais réfugiée sous un bureau… Ils parlaient parfaitement le français… Se revendiquaient d’Al-Qaïda. »

Sur place, un voisin, Ludovic M., a assuré avoir entendu « 40 ou 50 coups de feu » alors qu'il se trouvait dans son appartement du boulevard Richard-Lenoir, juste derrière les locaux de Charlie Hebdo« Au début, j'ai cru que c'était des pétards de nouvel an chinois. J'ai vu par la fenêtre des policiers qui poursuivaient les malfaiteurs. Ils étaient deux personnes cagoulées, l'un d'eux avait un fusil de guerre. Ça tirait dans tous les sens. Dans la rue, les gens se cachaient derrière les voitures. Puis les tireurs sont partis dans une Citroën noire. »

Une autre vidéo circule sur les réseaux sociaux, elle a été prise près du journal. On y voit deux hommes abattre de sang-froid un policier à terre puis retourner à petites foulées dans leur véhicule. Nous en avons extrait quatre images :

Les assaillants ont pris la fuite à bord d'un véhicule, avant de l'abandonner et d'en voler un second, à son tour abandonné porte de Pantin, au nord de Paris. Selon le ministère de l'intérieur, 3 000 policiers sont mobilisés. La justice a lancé un appel à témoin, avec un numéro à contacter : 08 05 02 17 17. Les autopsies auront lieu ce jeudi, selon le procureur de la République, qui a tenu mercredi peu après 18 heures une conférence de presse.

Le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, a dénoncé « une attaque d'une violence démente, barbare comme il n'y en a jamais eu ». « C'est aujourd'hui sans commune mesure le jour le plus noir de l'histoire de la presse française », a-t-il ajouté. « Ils sont rentrés dans d'autres locaux mais n'ont pas tiré, ils visaient clairement Charlie Hebdo », a-t-il encore indiqué.

Au moins 35 000 personnes se sont retrouvées mercredi soir à Paris, place de la République, pour montrer leur solidarité avec Charlie Hebdo (lire notre reportage ici et là notre portfolio). D'autres rassemblements ont eu lieu dans toute la France, et même dans le monde entier.

Enfin, une marche silencieuse aura lieu à 15 heures dimanche au départ de la place de la République à Paris. 

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L'union républicaine se construit sans le Front national

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Vingt-quatre heures après l'attentat contre Charlie Hebdo, l'heure est à l'unité nationale. D'une même voix, l'écrasante majorité des responsables politiques a appelé à une forme d'« union nationale » après l'horreur du drame. La première réponse concrète sera une manifestation dimanche à Paris, à 15 heures. À l'exception notable de certains responsables de la droite dure. Et surtout du Front national, qui a commencé à surfer sur le drame en agitant les peurs.

Concernant le Front national, le parti d'extrême droite compte rebondir sur ce drame. Jeudi, il s'est escrimé à faire de ces appels à l'« unité nationale » une preuve supplémentaire de l'existence d'un système « UMPS » qu'il vilipende. Marine Le Pen s'est indignée dans Le Monde contre le fait d'être tenue à l'écart de la « marche républicaine » organisée dimanche. Le Front national n'a reçu aucune invitation officielle à rejoindre la marche, alors que le premier ministre Manuel Valls y a très officiellement convié le président de l'UMP, Nicolas Sarkozy – reçu jeudi matin par François Hollande –, et les dirigeants du principal parti d'opposition. L'UMP a accepté, à condition que le rassemblement « soit digne, recueilli et ferme ». L'UDI et le MoDem appellent également à cette manifestation initialement due aux partis de gauche.

« Personne n'a convié le FN. Les choses sont désormais claires, les masques tombent. L'union nationale est une manœuvre politicienne minable », a réagi la présidente du FN, en déclarant ne pas vouloir « être intégrée à l'union nationale » qui n'est « pas un chantage où on peut venir à condition de la fermer ». « Tout cela, c'est une manière de tenter d'écarter le seul mouvement politique qui n'a aucune responsabilité dans la situation actuelle, ainsi que ses millions d'électeurs. Tous les autres partis sont morts de peur. Ils pensent à leurs petites élections et à leurs petits mandats », a-t-elle ajouté en expliquant que « si on ne (l')invite pas » elle ne va « pas (s')imposer » car « c'est un vieux piège ».

Marine Le Pen donnera vendredi une conférence de presse spéciale sur l’attaque de Charlie Hebdo. Mais mercredi, dès le début de l’après-midi, elle a dénoncé auprès de l’AFP, sans disposer à cette heure d'éléments factuels pour l'affirmer, un « attentat terroriste commis par des fondamentalistes islamistes ».

Quelques heures plus tard, dans une intervention publiée sur le site du Front national, la présidente du FN avait tout de même fait une rapide référence à l'union nationale. « La nation est unie pour condamner cet attentat odieux, la nation est unie pour dire que nous Français, quelles que soit nos origines, nous n’accepterons pas que soit attenté à nos vies et à nos libertés. » Mais l'essentiel de son discours fut bel et bien axé sur la « peur ». Marine Le Pen a ainsi évoqué une « guerre déclarée » à la France et « une idéologie meurtrière qui fait en ce moment même des milliers de morts dans le monde »« L’objectif assumé de ces actes barbares est de terroriser, de paralyser par la peur pour soumettre et censurer. Et incontestablement, après cet acte ayant traumatisé la nation tout entière, la peur est là », décrétait-elle, avant de se poser en recours : « C’est ma responsabilité de dire que la peur doit être surmontée. »

Expliquant vouloir « libérer notre parole face au fondamentalisme islamique », Marine Le Pen a invité à « ne pas se taire, et commencer par oser nommer ce qu'il s’est passé : il s’agit d’un attentat terroriste commis au nom de l’islamisme radical ». Elle a également réclamé un « débat » sur le « fondamentalisme islamique »« Pourquoi en est-on arrivé là ? Quel est le parcours de ces assassins, l'étendue des filières de l'islam radical sur notre sol, leurs financements ? Quels pays les soutiennent ? Les questions sont nombreuses et légitimes. » Moins de 24 heures après l'attaque, la présidente du FN a opportunément rappelé la vieille proposition de son parti d'un référendum sur la peine de mort.

Au Front national, certains dirigeants sont allés plus loin, remettant en cause l’idée même d’union nationale. « Ça ne veut rien dire, ce sont des mots, a balayé le vice-président du FN Louis Aliot sur LCIOn a de la solidarité, de la compassion pour les familles. Pour le reste, le devoir du président et du gouvernement, c'est de protéger ses concitoyens contre une menace qui est déterminée. Jusqu'à présent, ils ont voulu relativiser la menace en toutes circonstances. » « La menace, elle est chez nous, sous nos yeux », a-t-il expliqué

Dans Le Figaro, Jean-Marie Le Pen, le président d’honneur du FN, a clairement refusé « de soutenir l'action gouvernementale impuissante et incohérente ». Il a aussi ironisé sur « les limites de cette union nationale. Inclut-elle, cette fois, le Front national ? Ou s'arrête-t-elle, seulement, des anarchistes à l'UMP ? D'habitude, nous sommes tacitement exclus de ce que l'on appelle l'union républicaine »

D'ailleurs, si dans sa vidéo, la présidente du FN rejette toute confusion « entre nos compatriotes musulmans attachés à notre nation et à ses valeurs et ceux qui croient pouvoir tuer au nom de l’islam », cette ligne ne semble pas aussi claire dans son parti. La députée FN Marion Maréchal-Le Pen évoque dans un tweet un "ils" ambigu, qui peut entretenir la confusion :

Sur Twitter, Éric Domard, son conseiller aux sports, et membre du bureau politique, a fustigé ceux qui mettent en garde contre l'islamophobie.

Plusieurs voix au FN n'hésitent pas à établir un lien avec l'immigration. Jean-Marie Le Pen a ainsi évoqué une « guerre qui nous est faite par l'islamisme » et « un problème qui touche, évidemment de très près, à l'immigration massive subie par notre pays depuis quarante ans »« L’UMPS va faire quoi maintenant ? Bah tout pareil pardi. Immigration massive, guerre contre Bachar (al-Assad), antiracisme, école progressiste, etc. », a réagi sur Twitter l’ancien président des jeunes frontistes, Julien Rochedy.

« Non, les assassins ne sont pas des “fous” ou des “marginaux” », a déclaré de son côté, Robert Ménard, maire de Béziers soutenu par le FN. Ce sont des tueurs islamistes qui veulent imposer la terreur comme leurs congénères de Syrie ou d’Irak. La différence est qu’aujourd’hui, après trente ans d’immigration galopante, ces choses-là sont possibles à Paris et en France. » « Tout doit être fait pour éviter la libanisation de notre pays », conclut-il. 

« Demain, si l'importation du conflit israélo-palestinien continue d'être favorisée en France par des textes comme celui de la résolution de reconnaissance unilatérale de la Palestine, et si les mesures législatives contre les terroristes ne sont pas plus téméraires, ils crieront "On a tué la France" », a lancé le député UDI Meyer Habib, porte-voix de l'aile dure de la droite israélienne. 

« Il faut regarder la vérité en face, la France est en guerre », a estimé dans un communiqué le président de Debout La République, Nicolas Dupont-Aignan. Pas juste en guerre dans plusieurs pays du monde, mais aussi en « guerre intérieure », assure-t-il. « Aucun tabou ne doit résister à l’analyse. Abordons les vraies questions : le contrôle de nos frontières, les moyens de notre police et des services de renseignements, le fonctionnement de notre justice, la gestion et le financement du culte musulman en France, l’état de notre école publique », poursuit-il. Une façon d'appeler de ses vœux un véritable arsenal répressif. Une idée d'ores et déjà rejetée par le gouvernement et l'ensemble de la gauche, qui préfère, dans ce moment grave, jouer l'union contre la surenchère.

Mercredi soir, en direct à la télévision, François Hollande a annoncé une journée de deuil national, ce jeudi. Les drapeaux seront également mis en berne pendant trois jours, a décidé le chef de l'État. 

Une heure après l'attentat, François Hollande, qui s'est rendu sur place immédiatement, avait dénoncé un « acte terroriste »« Plusieurs attentats terroristes avaient été déjoués ces dernières semaines. Nous sommes menacés, comme dans d'autres pays dans le monde, car nous sommes un pays de liberté », avait-il dit dans sa toute première déclaration. Quelques heures plus tard, mercredi soir, le chef de l'État a exhorté dans une allocution les Français à l'« unité »« Rien ne peut nous diviser, rien ne doit nous diviser, rien ne doit nous séparer », a martelé le chef de l'État. « La France a toujours combattu la barbarie quand elle a su faire bloc autour de ses valeurs. Rassemblons-nous face à cette épreuve et nous gagnerons. Rassemblons-nous. »

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Unanimes, de très nombreux responsables de gauche, élus de terrain, ministres ou parlementaires ont immédiatement, eux aussi, lancé des appels à l'union. Par la voix de son premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, le parti socialiste a appelé « les concitoyens à faire bloc autour des valeurs de la République »« C’est dans ces moments que les Français doivent être unis face à la barbarie », a réagi la maire de Lille, Martine Aubry. « Je suis certain que cet acte monstrueux suscitera en France un sursaut devant cette horreur. Le pays, quelles que soient les appartenances politiques religieuses ou autres, doit se dresser d’un seul bloc, sans hésitation », a commenté le président de l'Institut du monde arabe, l'ancien ministre socialiste Jack Lang.

La secrétaire nationale d'Europe Écologie-Les Verts, Emmanuelle Cosse, a lancé le même appel à l'« union nationale autour de nos valeurs de liberté de la presse ». Le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, a exigé « une réaction nationale à la mesure de l’attaque qui vient de se produire (…) l’union de la nation la plus importante possible de toutes les forces républicaines de ce pays ». Pour Jean-Luc Mélenchon, le président du Parti de gauche, « c'est la force humaine qui va nous permettre de vaincre ce que ces gens essaient de faire »« L'heure est au sang-froid et à l’union nationale contre le terrorisme, sans distinction de race et de religion »a réagi l'ancien ministre de l'intérieur de Lionel Jospin, Jean-Pierre Chevènement, président d'honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC). 

À l'unisson, le président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone et tous les présidents de groupes politiques, du Front de gauche à l'UMP, ont eux aussi lancé un appel solennel à « l’union nationale autour de la mémoire des personnes lâchement assassinées, journalistes et policiers, de la solidarité envers les personnes blessées et envers toutes les familles des victimes, autour de l’affirmation de valeurs et principes au fondement de notre République »Même appel du maire de Pau et président du Modem, François Bayrou. « Aujourd'hui, nous avons un seul devoir, nous serrer les coudes, faire l'union nationale. »

Le nouveau président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, a fait part de sa « profonde émotion face à cet acte abject qui heurte la conscience humaine »« La République doit se rassembler, j'appelle tous les Français à refuser la tentation de l'amalgame et à opposer un front uni face au terrorisme, à la barbarie et aux assassins », a lancé le prédécesseur de François Hollande à l'Élysée, évoquant « un impératif d'unité nationale auquel nul ne peut ni ne doit se soustraire ». Son rival Alain Juppé a lui aussi appelé à « faire bloc ». Le président UMP du Sénat, Gérard Larcher, a appelé à un « sursaut républicain ». « Aux criminels terroristes, opposons notre unité nationale, notre sang-froid, notre détermination implacable », a réagi sur son blog l'ancien premier ministre François Fillon. Une ligne partagée par la plupart des cadors de l'UMP, de Bruno Le Maire à Laurent Wauquiez« Personne ne doit se soustraire à l'union nationale »assure le député UMP Édouard Courtial. 

Sitôt cet attentat connu, le gouvernement a relevé en Île-de-France le plan Vigipirate au niveau "alerte attentat", qui répond à  « une menace imminente » et correspond à une protection renforcée des organes de presse, des grands magasins, des lieux de culte et des transports scolaires. Malgré tout, plusieurs responsables de l'UMP ont d'ores et déjà joué la surenchère. Le député et maire de Nice, Christian Estrosi, réclame ainsi l'extension du plan "Vigipirate attentat" à toutes les grandes villes de France. Et certains responsables de l'UMP rejettent les appels à l'unité. Le secrétaire national de l'UMP David-Xavier Weiss juge ainsi « triste de voir la direction de l'UMP sombrer dans le verbiage et le piège de "l'unité nationale" ». Si son intervention est restée très cadrée ce mercredi, Nicolas Sarkozy a d'ailleurs prévenu : il attend des « mesures fortes contre le terrorisme »« Nous devons élever notre niveau de vigilance », dit-il. Quelques mots qui laissent penser que l'UMP, une fois le deuil passé, pourrait faire monter la pression sur le gouvernement et réclamer de nouvelles mesures contre le terrorisme. Mercredi matin, sur le perron de l'Elysée après un entretien avec François Hollande, Nicolas Sarkozy a semblé entonné les airs néoconservateurs de l'après 11 septembre 2001. « Les hommes civilisés doivent s'unir contre la barbarie », a lancé l'ancien président de la République.

Mercredi soir, sur le plateau de l'émission spéciale organisée par Mediapart en hommage aux douze victimes de l'attentat, Christine Lazerges, la présidente de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), a d'ores et déjà averti contre l'éventuelle tentation de « diminuer nos libertés fondamentales pour lutter contre le terrorisme ». « Ce serait la plus grande erreur à commettre », a mis en garde Jean-Pierre Dubois. Le président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme (LDH) a dit craindre de futures lois d'exception, à l'instar du "Patriot Act" voté aux États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001.

BOITE NOIREMise à jour: cet article a été actualisé jeudi à 16h50 avec la réaction de Marine Le Pen dans le Monde.

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Après le crime, quelle expression pour les musulmans?

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Le premier jour, « ils » se sont plutôt bien tenus. À l’exception de Marine Le Pen, les politiques ont maîtrisé leur langage et parlé « d’unité nationale ». Ainsi le président de la République : « C’est la République tout entière qui a été agressée. » Ainsi l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy : « J’appelle les Français à refuser la tentation de l’amalgame. » Ainsi Claude Bartolone et les présidents de groupe de droite et de gauche qui ont signé un appel à « l’union nationale ». Idem au Sénat autour de Gérard Larcher. Ainsi Alain Juppé, qui a lancé un message de même nature sur son blog : « C’est la nation tout entière qui doit s’unir et se mobiliser. »

Seul le Front national, dans une parfaite continuité entre le père et la fille, s’est emparé du malheur dès qu’il a frappé Charlie Hebdo, et tout le pays. C’est que le parti d’extrême droite, depuis sa création, anticipe les tensions pour en faire un pactole politique. Comme le disait benoîtement ce jeudi matin Wallerand de Saint-Just, probable candidat aux régionales en Île-de-France : « C’est vrai qu’il peut y avoir un impact électoral. »

Dans une vidéo diffusée mercredi soir, Marine Le Pen commençait par rejeter toute confusion entre « les compatriotes musulmans attachés à notre nation » et « ceux qui croient pouvoir tuer au nom de l’Islam » avant de lâcher le fond de sa pensée : « Cet évident refus de l'amalgame ne doit pas être l'excuse de l'inertie ou du déni. »

L’excuse et le déni ? Mais lesquels ? Qui donc retenait son indignation dans la France traumatisée ? Tout au long de cet affreux mercredi, des voix multiples ont dénoncé « ceux qui cachent une idéologie barbare derrière un masque religieux », selon la formule du président de l’UDI Jean-Christophe Lagarde.

Qui a jamais nié que ce massacre contre un journal et contre la liberté a été commis par des fanatiques? Qui n’a pas entendu de nombreux responsables de « la communauté musulmane » exprimer leur horreur? Qui a manqué la déclaration du président du Conseil français du culte musulman, Dalil Boubakeur, recteur de la grande mosquée de Paris, condamnant les « délires de groupes terroristes qui se prévalent injustement de l’islam ». Qui n’a pas été sensible aux paroles de Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux : « Les musulmans sont traumatisés. Ils en ont marre ! Cette majorité silencieuse se voit prise en otage par des fêlés. Il faut que les musulmans sortent massivement dans les rues pour exprimer leur dégoût ! »

C’est que derrière la retenue publique des premières heures, cet attentat a commencé à envenimer et à amplifier l’offensive idéologique entamée par les déclinistes sur le mode du « tout fout le camp », et poursuivie à gorge désormais déployée, dans un écho médiatique sans précédent, par l’essai d’Éric Zemmour, Le Suicide français, et le roman de Michel Houellebecq, Soumission. Cette offensive est clairement islamophobe, elle parle de « grand remplacement » et de renvoi des musulmans dans leur pays d’origine.

Mais elle remonte aussi au 11 Septembre et à la « guerre de civilisation » décrétée par George Bush et les néoconservateurs. Elle résonne en filigrane dans la déclaration de Nicolas Sarkozy, à la sortie de l’Élysée : « Les hommes civilisés doivent s’unir contre la barbarie. » Et elle est reprise par Pascal Bruckner dans un entretien au Figaro : « Nous sommes en guerre depuis des années, mais nous avons manifesté à l'égard de l'islam radical une complaisance coupable. Il sera très intéressant de voir les lignes de partage dans les jours à venir. Gageons que les collabos de tout poil plaideront pour une limitation de la liberté d'expression »

Quels « collabos », et quelle est cette expression muselée ? Il suffisait d’écouter RTL mercredi soir pour en avoir une idée. Marc Olivier Fogiel recevait ses invités habituels, Ivan Rioufol, l’éditorialiste du Figaro, Laurence Parisot, l’ancienne patronne du Medef, Xavier Couture, ancien de TF1, et Rokhaya Diallo, la journaliste et écrivain.

Au-delà des précautions oratoires, la « liberté d’expression » réclamée par Bruckner s’est exprimée sans retenue, envers son ennemi officiel, le fondamentalisme, et son complice implicite, « le musulman silencieux ». Des millions d’hommes et femmes, français pour la plupart, mis en demeure de se désolidariser publiquement des assassins pour prouver leur appartenance à la nation. 

« La gauche appelle aujourd'hui à manifester, a commencé Rioufol, c'est très bien et j'irai aussi manifester. Il faudrait également et urgemment que manifestent aujourd'hui les Français musulmans qui, évidemment, ne se reconnaissent pas dans cet attentat terroriste, sinon on va craindre effectivement les amalgames. »

Laurence Parisot bondit : « Vous laissez entendre qu'ils adhéreraient à cette folie terroriste ?

— Non, je ne dis pas cela, au contraire. Je les somme aujourd'hui de bien nous faire comprendre qu'ils n'adhèrent pas », se défend Ivan Rioufol.

Rokhaya Diallo s’indigne : « Quand j'entends dire qu'on somme les musulmans de se désolidariser d'un acte qui n'a rien d'humain, oui, effectivement, je me sens visée. J'ai le sentiment que toute ma famille et tous mes amis musulmans sont mis sur le banc des accusés.

— Parce que vous ne comptez pas vous désolidariser ? », insiste Ivan Rioufol.

Réponse de Rokhaya Diallo, qui retient ses larmes : « Non mais, vous pensez vraiment que je suis solidaire ? Est-ce que vous osez me dire, ici, que je suis solidaire ? Vous avez vraiment besoin que je verbalise ? Donc, moi, je suis la seule autour de la table à devoir dire que je n'ai rien à voir avec ça. »

Ce dialogue violent pose crûment le « débat » que veut imposer au pays l’extrême droite, et une bonne partie de la droite, mais qui interpelle aussi la gauche, et la divise. Les musulmans de France doivent-ils défiler en tant que tels dans les cortèges de dimanche prochain ? Comme Rokhaya Diallo, beaucoup considèrent qu’on ne doit pas désigner les Français en fonction de leur religion, et que les musulmans de France n’ont pas à dédouaner leur religion d’un crime commis par des terroristes.  

D’autres, à l’image de Robert Badinter, du philosophe Abdennour Bidar ou de l’imam de Bordeaux, estiment au contraire qu’il serait important que les musulmans de France expriment leur indignation. Pourquoi cette invitation, qui court le risque de se confondre avec les injonctions islamophobes ? Précisément, parce qu’elle est aux antipodes de celles-ci.

Parce que deux idées de la France s’opposent en fait dans cette affaire. L’extrême droite et une partie de la droite veulent abolir les diversités. Elles somment les Français d’origine étrangère de disparaître dans une unité nationale quasiment consanguine. Elles parlent d’assimilation. Donc d’abolition des identités d’origine. La « sommation » de la France de Zemmour, c’est que les musulmans prouvent leur appartenance en se fondant dans les manifestations. Qu’ils se montrent pour démontrer qu’ils n’existent plus. 

À l’opposé, la gauche et une partie de la droite modérée défendent l’idée d’une France plurielle. Elles revendiquent une France dont les diversités enrichissent le creuset national. L’espérance des Badinter, Bidar, ou Oubrou, c’est que les musulmans de France manifestent cette différence, au nom de ce qu’ils sont, et au nom de la France. Que soit dit, publiquement, que le crime de Charlie Hebdo est aussi un vol d’identité. Une identité certes chipotée par la France, trop souvent et trop longtemps, mais désormais détournée et insultée par les fanatiques. L’identité de millions de gens dont le seul désir est qu’on leur foute la paix. Une fidélité à soi-même, religieuse ou pas, dont l’expression, dans les cortèges, sonnerait comme un acte de légitime défense.

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L'Irak et le Yémen, creusets d'une nouvelle génération de djihadistes

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Les deux suspects dont les portraits ont été diffusés par les autorités françaises sont tout sauf inconnus de la justice et des services de renseignement. Ils font même figure d’anciens du mouvement djihadiste. Ils sont, en outre, issus d’une filière particulièrement active au cœur des années 2000, période charnière dans la formation d'une nouvelle génération de militants.

Chérif Kouachi, l’une des deux personnes recherchées avec son frère Saïd (âgés respectivement de 32 et 34 ans), avait été interpellé dans le cadre du démantèlement de la « filière des Buttes-Chaumont » qui envoyait déjà des combattants en Irak via la Syrie entre 2003 et 2005 (lire par ailleurs les éléments biographiques ici). Arrêté en 2005 juste avant de s'envoler pour l’Irak via la Syrie, avec un autre candidat, Thamer Bouchnak, il a été condamné le 14 mai 2008 à trois ans de prison dont 18 mois avec sursis.

Saïd Kouachi aurait lui passé plusieurs mois au Yémen en 2011 pour s'entraîner au maniement des armes, selon des renseignements américains. Les deux frères figurent « depuis des années » sur la liste des terroristes connus ou suspectés du gouvernement américain. Un responsable du renseignement américain a assuré jeudi au New York Times que Saïd et Cherif Kouachi, 34 et 32 ans, étaient inscrits sur la no fly list américaine, leur interdisant de prendre l’avion depuis ou en direction du sol américain.

En 2011, le Yémen constitue une opportunité intéressante pour le candidat au djihad désirant se perfectionner. La Syrie n’est pas encore conquise en partie par l’État islamique, et Al-Qaïda dans la péninsule Arabique (AQPA) vient de prendre une importante partie du territoire au sud du Yémen. Le pays paraît en mesure de constituer un front d’avenir pour le djihad, certes moins de prestigieux que le Sinaï, mais avec un développement potentiel important. Il est nécessaire de rappeler que l'AQPA n'a pas à ce jour fait allégeance à l'État islamique.

Un autre élément décisif est le fait que contrairement à d’autres branches d’Al-Qaïda, AQPA a été à la pointe d’une réflexion au sein des cercles djihadistes pour réussir à mobiliser des militants non-arabophones et cibler aussi le public anglophone, ou même francophone, en Europe. C’est le rôle du magazine Inspire, dans lequel apparaît la menace explicite contre Charb. AQPA est d’ailleurs à ce jour la seule organisation à avoir menacé l’ancien directeur de Charlie Hebdo.

Le Yémen est par ailleurs ce pays que les salafistes quiétistes (non-violents et apolitiques) visitent pour accroître leur connaissance islamique, ce qui a pu brouiller la piste des services de renseignement. « Il y a quelques années, j’étais sur place, explique le chercheur spécialiste du Yémen, Laurent Bonnefoy, et il y avait une centaine de Français, des familles, notamment dans l’Institut Dammaj, ou d’autres centres salafistes quiétistes. Il ne faut donc pas considérer que le simple fait d’aller au Yémen constitue une radicalisation en soi. Dans le cas des Frères, la radicalisation date de bien avant, de l’Irak, de la prison, même s’ils peuvent effectivement avoir acquis des connaissances techniques en explosif et maniement d’armes là-bas. »  

Par la suite, ces différentes filières ont contribué ensuite à former des combattants de l'organisation de l’État islamique, aujourd’hui solidement implantée dans ces deux pays, et qui a fait parler d’elle récemment : c’est en effet une autre figure de cette filière, Boubaker al-Hakim, qui a revendiqué en décembre au nom de l’État islamique l’assassinat perpétré en 2013 des deux opposants tunisiens Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi ; assassinats pour lesquels aucun procès n’a eu lieu pour l’heure.

Le rapprochement entre Chérif Kouachi et Boubaker al-Hakim a été fait mercredi soir dès la publication de l’identité des suspects par plusieurs spécialistes du mouvement djihadiste, dont le journaliste David Thomson, auteur des Français jihadistes, qui publiait sur Twitter leur message de revendication des assassinats des opposants politiques tunisiens le 17 décembre 2014.

« Nous allons revenir et tuer plusieurs d’entre vous, affirmait alors Boubaker al-Hakim (à droite). Vous ne vivrez pas en paix tant que la Tunisie n’appliquera pas la loi islamique. »

Tout comme celui de Chérif Kouachi, le parcours de Boubaker al-Hakim au sein de la mouvance djihadiste est ancien, et intimement lié au développement de ce nouveau terrain de djihad qui a formé toute une génération de militants. Présent en Irak dès 2002, Boubaker al-Hakim affirmait lors du procès du groupe y avoir séjourné en tout à quatre reprises. D’autres éléments étayent la proximité idéologique des frères Kouachi avec l’État islamique. Dans le groupe Kouachi figurait, selon le quotidien Le Monde, Salim Benghalem, membre de l’EI et inscrit fin septembre 2014 sur la liste noire du département d’État américain.

Auteur d’un chapitre consacré à la filière irakienne en France dans un ouvrage collectif sur l’évolution de la menace terroriste globale, l’ancien diplomate Jean-Pierre Filiu rappelle quant à lui ce jeudi sur son blog que « Boubaker al-Hakim avait servi de bouclier humain au régime de Saddam Hussein, à la veille de l’invasion des États-Unis de mars 2003 » et qu'il « avait ensuite enjoint aux micros de RTL et de LCI ses "potes du XIXe arrondissement" à le rejoindre pour "tuer des Américains" ». « Boubaker al-Hakim avait pu bénéficier, poursuit Jean-Pierre Filiu, de l’assistance des services de renseignement syriens, très actifs dans leur soutien à la résistance des anciens officiers de Saddam Hussein à l’occupation américaine. C’est à partir de Damas que la filière des Buttes-Chaumont s’était étendue jusqu’à Falloujah, fief djihadiste de l’Ouest irakien, en 2004 comme en 2014. »

Ce développement depuis l’invasion américaine de 2003 jusqu'à nos jours d’un nouveau terrain de djihad est le facteur clé pour comprendre le processus de maturation de la génération aujourd’hui trentenaire de Chérif Kouachi. Sur le fond, la « littérature » sur laquelle s’appuient ces militants est la même que celle de la génération précédente. Outre la formation via les imams qui diffusent leurs prêches sur YouTube, ils s’inspirent notamment de textes comme le testament d'Abdallah Azzam, imam palestinien mort en 1989 et qui joua un rôle clé dans l’expansion du djihad.

Mais c’est davantage le terrain d’intervention qui a façonné une nouvelle génération de djihadistes. L'invasion, le démantèlement puis l'occupation de l'Irak par l'armée américaine a fourni le contexte parfait pour le « djihad fondateur » des cadres qui animent aujourd’hui les groupes intégrés ou proches de l’État islamique, quand celui contre l’Union soviétique en Afghanistan avait servi de matrice à la création d'Al-Qaïda.

En Irak, la concurrence entre les deux réseaux a très vite pris fin : la branche de l’organisation fondée par Oussama Ben Laden a été absorbée par ce que l'on nomme alors encore l’État islamique d’Irak (EII) en 2006. À cette époque, à la suite de la mort du responsable d'Al-Qaïda en Irak, Abou Moussab Al-Zarqaoui, son successeur décide de faire allégeance à al-Baghdadi, chef de l'EII, ce qui lui permet de devenir ministre de la guerre de ce même EII. Al-Qaïda n’est plus représentée en Irak depuis cette date, ce que le numéro un d’Al-Qaïda, Zawahiri, reconnaît lui-même. Et depuis lors, la dynamique de victoire militaire et d’expansion en Syrie et en Irak a contribué à « ringardiser » Al-Qaïda, beaucoup moins pressé que l’EI de proclamer le Califat.

Après le retrait de l'armée américaine, l'EII a continué de bénéficier de la politique non seulement discriminatoire, mais littéralement éradicatrice de l’État central irakien à l’encontre des citoyens de confession sunnite. Menée par l’ancien premier chiite Maliki (en poste de 2006 à 2014 et soutenu à la fois par l’Iran et les États-Unis), cette politique a abouti au démantèlement de toute alternative modérée – telle celle des Frères musulmans irakiens, qui ont vu le vice-président irakien issu de ce mouvement condamné à mort et contraint à l'exil – et à jeter dans les bras de l’EII des centaines, peut-être des milliers de militants sunnites irakiens (sur ce thème, lire « Irak : Le double échec des Frères dans un pays en voie de partition » par Myriam Benraad, in Les Frères musulmans et le pouvoir, éditions Galaade, 2015).

Depuis le 21 septembre 2014, trois mois après la proclamation du Califat par l'émir de l'EI, al-Baghdadi, l’État islamique a déclaré la guerre à l’État français et à ses ressortissants, en représailles à l’entrée de la France dans la coalition internationale. C’est dans cet environnement propice qu'ont agi les djihadistes recherchés, s’ils sont bel et bien les auteurs des meurtres de mercredi. Isolés jadis au sein de petits groupes, en manque de « dirigeants » charismatiques, ces djihadistes ont désormais trouvé avec l’EI une nouvelle dynamique qui leur est familière puisqu’ils l’ont nourrie eux-mêmes par le passé en voyageant en Syrie et en Irak.

Le territoire du Califat n’a d'ailleurs pas été délimité par son émir, al-Baghdadi. Il est donc tout à fait permis aux militants locaux d’adhérer à l’objectif de l’EI tout en y ajoutant leur propre cause, en l’occurrence l’élimination de Charb et de l'équipe de Charlie Hebdo. « Le projet de l’État islamique, c’est de se consolider puis de s’étendre, nous expliquait en octobre dernier un militant djihadiste rencontré en Tunisie. Adnani (le porte-parole de l’État islamique, ndlr) a déclaré qu’il fallait s'attaquer aux mécréants partout dans le monde. Mais dans les organisations djihadistes, on ne prend pas directement les ordres d’un chef à l’étranger, cela ne marche pas comme ça. L’initiative vient d’abord des individus et des groupes locaux. »

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Les frères Kouachi, de l'amateurisme au professionnalisme

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Qui sont Chérif et Saïd Kouachi, les deux frères activement recherchés par la police et principaux suspects de la tuerie à Charlie Hebdo ? Deux jeunes en rupture avec la société, orphelins dès l’enfance de leurs deux parents immigrés d'Algérie, qui trouvent dans le djihadisme « une reconnaissance mondiale alors qu’ils n’ont jamais vécu qu’à la marge de la société », comme le note le sociologue Fahrad Khosrokhavar, spécialiste de la radicalisation islamiste (notamment en prison) dans un entretien à Mediapart à lire ici. Ballottés de foyer en famille d’accueil, ils ont emprunté les voies de la délinquance puis du djihad armé selon des mécanismes de radicalisation très classiques.

À 32 ans, Chérif Kouachi, le cadet, crâne rasé et léger bouc sur le portrait diffusé par la police, domicilié à Gennevilliers, est le plus connu des services antiterroristes français et certainement le plus expérimenté de la fratrie. Pas un novice formé sur le sol syrien mais un ancien de la filière des Buttes-Chaumont, surnom Abou Issen. Ce réseau du XIXe arrondissement de Paris envoyait des combattants en Irak de 2004 à 2006 renforcer les rangs de la branche irakienne d'Al-Qaïda, dirigée à l'époque par Abou Moussab al Zarkaoui. Chérif Kouachi ne quittera jamais la France. Interpellé en 2005 juste avant de s'envoler pour l’Irak via la Syrie, avec un autre candidat, Thamer Bouchnak, il a été condamné le 14 mai 2008 à trois ans de prison dont 18 mois avec sursis.

Peu avant son arrestation, son visage était apparu dans un numéro de l'émission « Pièces à conviction » diffusé en septembre 2005 sur France 3 et consacré au terrorisme. On l'y présentait comme un « élève assidu » de Farid Benyettou et de ses prêches sur « les bienfaits » des attentats suicides.

Dans un article de 2008 que vous pouvez relire ici, Patricia Tourancheau, journaliste à Libération, chronique le procès de cette filière qui relève « plutôt du système D » que d’une organisation. Une filière où les apprentis djihadistes étaient recrutés dans les cités HLM du nord de Paris et endoctrinés dans un coin de la mosquée Adda'Wa, dans le quartier Stalingrad, par un petit prédicateur d’origine algérienne à peine plus âgé, Farid Benyettou, qui passait pour un savant de l’Islam et se faisait appeler “émir”. Leur « entraînement civique » relevait du grand amateurisme. Il passait par des footings sous la pluie dans le parc des Buttes-Chaumont, des cours sur le maniement d’une kalachnikov dans le métro parisien…

Quelques années plus tard, Chérif Kouachi qui à 20 ans ressemble « plus à un fumeur de shit des cités qu’à un islamiste du Takfir, qui boit, fume, ne porte pas la barbe et a une petite amie avant le mariage », selon le récit d’audience de Libération, est soupçonné d’être derrière l’attentat le plus meurtrier jamais perpétré depuis plus de cinquante ans sur le sol français et les heures noires de l’OAS. En moins d’une dizaine d’années, « le musulman occasionnel », gamin paumé, livreur de pizzas qui avait peur de se faire tuer en Irak, et qui était révolté par les images de la prison d’Abou Ghraib, a plongé dans l'islam le plus radical, passant de l'amateurisme à un professionnalisme glaçant, à l'exception de cette carte d'identité qui aurait été laissée dans un des véhicules ayant servi à la fuite après le carnage à Charlie Hebdo. Dans une interview au Figaro, son avocat de l’époque commis d’office, Vincent Ollivier, qui l’a suivi de 2005 à 2008, se souvient d’« un jeune qui ne savait pas quoi faire de sa vie » ; « Du jour au lendemain, il a rencontré des gens, des islamistes radicaux, qui lui ont donné l'impression d'être important. Et cet apprenti loser a basculé. »

La prison y a participé. « S’il a d'abord changé physiquement car il a pratiqué la musculation, il est aussi devenu plus discret, plus silencieux », note son ancien conseil dans cet entretien au Figaro. Incarcéré du 29 janvier 2005 au 11 octobre 2006 à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne), Chérif Kouachi retrouve la liberté dans la foulée du jugement, sa peine étant couverte par la détention provisoire. Il a pris du muscle, considérablement changé. À sa sortie, il travaille à la poissonnerie du supermarché Leclerc de Conflans-Sainte-Honorine et conserve alors des liens avec certains de ses anciens complices des Buttes-Chaumont, selon les policiers de la sous-direction antiterroriste (SDAT), cités par Le Monde.

En 2008, comme le raconte ici Le Monde, Chérif Kouachi se marie avec pour seul témoin et seule famille son frère Saïd, de deux ans son aîné. Sa femme, animatrice dans une crèche, porte le voile intégral depuis qu'ils ont fait le pèlerinage à la Mecque. La même année, son nom est cité dans le projet d'évasion de l'islamiste Smaïn Aït Ali Belkacem, l’ancien membre du Groupe islamique armé algérien (GIA), condamné en 2002 à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir commis l’attentat à la station RER Musée-d'Orsay en octobre 1995 à Paris (30 blessés). Il écopera de cinq mois de détention, avant d’être libéré à l’automne 2010 après un non-lieu du parquet faute de preuves suffisantes.

Chérif Kouachi était aussi soupçonné d'être proche de Djamel Beghal, une autre figure de l'islam radical français, qui purge une peine de dix ans de prison pour un projet d’attentat en 2001 contre l’ambassade des États-Unis à Paris et avec lequel il était soupçonné d'avoir participé à des entraînements. Après avoir été mis en examen dans cette affaire, il a toutefois bénéficié d'un non-lieu. Les deux hommes se sont connus… en prison à Fleury. Ils ont été photographiés ensemble en avril 2010 à Murat, dans le Cantal, où Beghal est assigné à résidence avec deux autres noms du terrorisme, Ahmed Laidouni, condamné pour sa participation à une filière de djihadistes en Afghanistan, et Farid Melouk, membre du Groupe salafiste pour la prédication et le combat algérien.

À propos de son frère aîné Saïd, qui apparaît en périphérie de certains dossiers, on en sait beaucoup moins. Selon le journal local L’Union de Reims, il avait élu domicile dans le quartier Croix-Rouge à Reims. Marié à une Rémoise qui porte le niqab, il vit là depuis un peu plus d’un an. Le voisinage évoque un couple très discret, mais personne ne les connaissait vraiment. Depuis plusieurs jours, le couple n'était plus apparu dans le quartier…

Les deux frères ont passé six ans de leur jeunesse en Corrèze avec leur soeur, selon le journal La Montagne, au Centre des Monédières, appartenant à la fondation Claude-Pompidou. Ils avaient été placés là par les services sociaux de Paris de 1994 jusqu'à l'orée des années 2000.

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Un rapport propose de muscler « la République exemplaire » de Hollande

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Les mots risquent de manquer aux élus qui dénoncent déjà le « régime de Gestapo » mis en place après l'affaire Cahuzac. Mercredi 7 janvier, le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HAT), Jean-Louis Nadal, a remis au chef de l’État un rapport qui enfonce le clou, avec une vingtaine de recommandations pour accroître l'« exemplarité des responsables publics »

Jean-Louis Nadal remet son rapport sur l'exemplarité des acteurs publics au chef de l'Etat, le 7 janvierJean-Louis Nadal remet son rapport sur l'exemplarité des acteurs publics au chef de l'Etat, le 7 janvier © Présidence de la République

Inspiré par ce travail, François Hollande devait annoncer dans la foulée, jeudi 8 janvier, une seconde étape dans la moralisation de la vie publique, mais l'attentat contre Charlie Hebdo a fait exploser l'agenda présidentiel. Il faudra donc attendre pour savoir ce que le chef de l’État retient d'un rapport discrètement commandé après le limogeage de Thomas Thévenoud, ce ministre éphémère qui ne déclarait pas ses impôts et qui a retrouvé gîte et couvert à l'Assemblée nationale.

La copie de Jean-Louis Nadal, ancien haut magistrat, un temps soutien de Martine Aubry, n'est pas révolutionnaire – dans ses vingt propositions, il n'exige pas la fin du « verrou de Bercy » sur la fraude fiscale, ni franchement la suppression de la Cour de justice de la République ou l'indépendance des procureurs de la République (il était plus explicite sur l'indépendance du parquet dans son précédent rapport de 2013 à la ministre de la justice). Mais il compile des mesures concrètes et réalisables, pouvant servir de canevas à « la République exemplaire » promise par François Hollande pendant sa campagne de 2012, défigurée depuis par les démissions de quatre ministres (Cahuzac, Benguigui, Thévenoud, Arif) et de deux conseillers à l’Élysée (Morelle et Lamdaoui), emportés par les affaires.

Comme l'écrit Jean-Louis Nadal, avec un goût prononcé pour la litote, « la nécessité d'un parachèvement des réformes déjà entreprises est pressante », qu'il s'agisse des rapports des élus avec le fisc, des moyens de la HAT pour contrôler leur patrimoine ou encore du financement des partis politiques.

Éviter un nouveau Thévenoud :

Le rapport renvoie à une note cristalline du Trésor public de 1937 consacrée à la fraude fiscale, énonçant que « les impôts sont le prix à payer pour une société civilisée ». C'est sur ce sujet de la barbarie fiscale que Jean-Louis Nadal parle le plus dru : « Il est indispensable que les titulaires des plus hautes responsabilités publiques présentent une situation fiscale incontestable », parce qu'elle « conditionne à la fois la crédibilité de leur action et l’acceptabilité de leurs décisions par les Français ». Il préconise donc que le chef de l’État et le premier ministre puissent « vérifier la situation fiscale » des personnes qu'ils s'apprêtent à nommer au gouvernement (ils resteraient cependant « libres d'en tirer les conséquences qu'ils estiment pertinentes »).

Il recommande surtout que la République exige « un certificat » de tous les candidats aux élections nationales (présidentielles, législatives, sénatoriales et européennes), « prouvant qu'ils sont à jour de leurs obligations fiscales ». Une note de bas de page liste les « obligations » en question : l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et la TVA. Ce « certificat » minimal attesterait que les candidats ont bien rempli leurs déclarations depuis trois ans (voire qu'ils ont payé leurs avis d'imposition), mais ne supposerait pas de contrôle fiscal en bonne et due forme – sinon les services seraient débordés, estime Jean-Louis Nadal. Un fraudeur à l'ISF (impôt de solidarité sur la fortune) qui aurait omis de s'y soumettre ne serait donc pas repéré.

Alors que certains députés socialistes réclament au moins des « vérifications fiscales » approfondies et systématiques pour tous les parlementaires, comme pour les ministres depuis fin 2013 et sous l'autorité de la HAT, le rapport ne retient pas cette idée.

Se débarrasser d'un Balkany :

Après tout, si les fonctionnaires risquent la révocation en cas de fautes déontologiques graves, pourquoi pas les élus ? L'auteur suggère ainsi d'offrir à l'Assemblée et au Sénat le droit de « destituer certains de leurs membres en cas de manquement grave à l'exemplarité ». « La décision devrait d’abord résulter d’un vote à une majorité qualifiée de l’assemblée concernée », imagine Jean-Louis Nadal. Puis le Conseil constitutionnel serait saisi pour « apprécier la qualification des manquements constatés », histoire d'éviter les règlements de comptes politiques. Tout le monde pense à Patrick Balkany, Thomas Thévenoud ou Sylvie Andrieux, mais aucun nom n'est évidemment cité.

Jean-Louis Nadal retient une deuxième piste, tracée par des associations comme Transparency International ou Anticor, et même par le patron du Service central de prévention de la corruption (dans un entretien à Mediapart) : il faudrait que l'absence de condamnation pour corruption, favoritisme, détournement de fonds publics ou toute autre « atteinte à la probité » devienne une condition pour se présenter aux élections, au même titre que l'âge ou la nationalité.

Enfin, il veut « faire en sorte que les condamnations pour atteinte à la probité soient systématiquement assorties de peines d'inéligibilité ». Aujourd'hui facultatives, celles-ci sont « rarement prononcées » par les tribunaux en plus de l'amende ou de la prison, regrette Jean-Louis Nadal, qui parle de « magistrats souvent réticents ». Il préconise que l'inéligibilité devienne « une peine complémentaire obligatoire », dont le juge apprécierait la durée au coup par coup (maximum dix ans au pénal).

• Empêcher un Bygmalion bis :

En pleine affaire Bygmalion, l'ancien magistrat s'est penché sur l'argent des formations politiques et les failles béantes dans le contrôle de leurs comptes, confié pour l'essentiel à des commissaires aux comptes recrutés par les partis, accessoirement à la Commission nationale des financements politiques (CNCCFP), dont les moyens sont cruellement insuffisants (lire nos articles ici ou ). « La question (…) n'a pas été pleinement étudiée » pendant la mission, concède l'auteur, « par manque de temps et aussi d'expertise », mais il lance tout de même trois pavés dans la mare.

Jean-Louis Nadal recommande d'abord de « confier à la Cour des comptes », réputée plus puissante et pointilleuse que la CNCCFP, « le contrôle de la comptabilité des partis » – non « pas un contrôle de gestion » sur l'opportunité de telle ou telle dépense, mais pour « certifier la régularité, la sincérité et la fidélité » des chiffres. Tous ne seraient pas visés, simplement ceux qui touchent le plus de dotations publiques, soit treize partis sur plus de 300 enregistrés en France.

Cette réforme (dont Mediapart a déjà parlé ici) se heurte aux objections de moult trésoriers et professeurs de droit qui l'estiment inconstitutionnelle, au prétexte qu'elle heurterait l'article 4 de la loi fondamentale, selon lequel les partis « exercent leur activité librement ». Mais Jean-Louis Nadal argumente en droit, puis balaye. « Sous réserve d'un examen approfondi, (…) ça ne semble pas poser de difficulté. »

Deuxièmement, toujours aiguillonné par l'affaire Sarkozy-Bygmalion, il rappelle qu'en l'état de la loi, aucune peine d'inéligibilité ne permet de sanctionner les candidats à la présidentielle (en particulier le vainqueur) qui enfreignent les règles du jeu (fraudes, explosion du plafond de dépenses, etc.). « Il serait utile que le législateur se saisisse de cette question », glisse Jean-Louis Nadal, en rappelant la réponse imaginée en 2012 par la commission Jospin en cas d'élection d'un tricheur : une procédure de destitution (lire notre article).

Nicolas Sarkozy, dont le compte de campagne présidentielle a été rejetéNicolas Sarkozy, dont le compte de campagne présidentielle a été rejeté © Reuters

Enfin, pour éviter de nouveaux « contournements importants » du plafond et pallier l'insuffisance de contrôle de la CNCCFP sur les comptes de la présidentielle, il soumet « l'hypothèse » d'une publication des dépenses de chaque candidat « à intervalles réguliers », en clair en temps réel, qui permettrait « une veille citoyenne » (comme Eva Joly l'avait vaguement tenté en 2012 et comme ça « existe à l'étranger », aux États-Unis en particulier).

On devine toutefois que Jean-Louis Nadal, qui a auditionné des responsables de partis, n'y croit guère lui-même. « Une telle réforme supposerait indubitablement un accord républicain des formations représentées dans les assemblées parlementaires », note-t-il. Or, « cette concorde républicaine est rare sur les sujets institutionnels ». Depuis vingt-cinq ans, quand elle est scellée, c’est même plutôt pour enterrer toute réforme.

• Profil bas sur les enveloppes des parlementaires :

Jean-Louis Nadal sait qu'il horripile déjà dans l'hémicycle. Alors sur la question ultrasensible de l'indemnité pour frais de mandat (IRFM), cette enveloppe de 6 000 euros mensuels versée aux 925 parlementaires sans l'once d'un contrôle pour couvrir leurs frais professionnels, et régulièrement détournée à des fins personnelles, il botte en touche (voir nos révélations sur Jérôme Cahuzac ou le socialiste Pascal Terrasse).

En décembre, il a pourtant effectué un déplacement à Londres où le "scandale des notes de frais" de 2009 a décimé la moitié du Parlement, où des lords ont écopé de prison ferme pour quelques milliers d'euros escroqués, où désormais les députés sont remboursés uniquement sur factures (avec un bataillon de dizaines de fonctionnaires pour les trier).

Quelle leçon faut-il en tirer ? « Il n’appartient pas au présent rapport (…) de préconiser l’encadrement de tel ou tel dispositif qui relève de l’autonomie des assemblées », se retient Jean-Louis Nadal, qui escompte que l'Assemblée et le Sénat profiteront de la fin du cumul des mandats pour remettre à plat la question de leurs moyens matériels et de leur usage. Pas un mot, non plus, sur les abus d'« emplois familiaux » aux frais du contribuable.

• Des pouvoirs renforcés pour la HAT :

Quitte à ironiser sur son conflit d'intérêts, le rapporteur Jean-Louis Nadal recommande de doper les pouvoirs de Nadal Jean-Louis, président de la HAT. Depuis un an, en effet, l'autorité indépendante semble se heurter, en coulisse, à mille et un obstacles pour éplucher les déclarations de patrimoine et d'intérêts des responsables publics, en particulier dans ses rapports avec l'administration fiscale (9 000 personnes assujetties, "seulement" un millier de documents vérifiés pour l’instant).

Sur demande, le fisc est censé fournir « tous les éléments permettant d'apprécier » que les déclarations sont exhaustives et sincères. Dans les faits, la collaboration est « parfois inutilement longue et fastidieuse », révèle Jean-Louis Nadal.

Pour pallier ces « lacunes », il préconise donc que la Haute Autorité soit dotée « de moyens d'enquête propres, juridiques et humains, de nature à la rendre autonome, y compris de l'administration fiscale ». Décliné en pratique, cela signifierait un accès direct pour les agents de la HAT aux données du fisc, au fichier Ficoba (liste des comptes bancaires), aux signalements de Tracfin (cellule anti-blanchiment de Bercy), à la base Patrim (utilisée par Bercy pour estimer des biens immobiliers), voire à certaines procédures judiciaires.

Pour faciliter le « dialogue » avec les élus sur la valeur de leurs maisons (gros sujet de tensions), le patron de la HAT revendique aussi le droit « de faire réaliser des expertises » en direct, par des experts agréés auprès des tribunaux.

Cette batterie de recommandations a évidemment de quoi faire paniquer ceux des parlementaires qui ont voté contre les lois sur la transparence et la HAT en 2013 (la quasi-totalité de l’UMP). Mais Jean-Louis Nadal en fait une question de principe : « Dépendre du concours du pouvoir exécutif pour assurer le contrôle, notamment des membres du Parlement, n’est pas sans soulever de questions au regard du principe de la séparation des pouvoirs. » Il faut donc « parachever l'indépendance de la Haute Autorité ».
 

Au-delà de ces recommandations majeures, le rapport prône également une transparence accrue sur les marchés publics des collectivités ou sur les activités menées par les lobbyistes auprès des administrations, ou bien encore un renforcement de la Commission de déontologie des fonctionnaires, censée réguler le cumul d’activités et les départs dans le privé, mais qui surveille à l’aveugle faute d’informations. Sur la déontologie des fonctionnaires et des magistrats, plusieurs projets de loi sont d'ailleurs en carafe à l’Assemblée nationale depuis des mois, tance Jean-Louis Nadal. Un mauvais signal, à l'heure où il faut agir vite.

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

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Prise d'otages en Seine-et-Marne, prise d'otages porte de Vincennes

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Dernière minute. Une prise d'otages est en cours porte de Vincennes, dans une épicerie casher, HyperCacher, située dans une impasse. Une fusillade a été entendue et il y a au moins un blessé. L'homme était armé de deux pistolets-mitrailleurs, a précisé un délégué du syndicat Unité SGP FO, Rocco Contendo. De nombreux véhicules de police se rendent sur place. La section antiterroriste du parquet de Paris a ouvert une enquête, annonce le procureur.

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Le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve a confirmé vendredi 9 janvier au matin que les deux suspects dans l'attentat de Charlie Hebdo avaient été repérés en Seine-et-Marne, dans une commune proche de l'aéroport Charles-de-Gaulle. Une prise d'otages est en cours dans une entreprise de la commune de Dammartin-en-Goële (voir carte ci-dessous). Selon Cazeneuve, « le GIGN (…) se rend sur place et les opérations seront conduites dans les heures, les minutes qui viennent » dans le cadre d’un dispositif « piloté par le directeur général de la gendarmerie et de la police nationale sous l’autorité du parquet anti-terroriste et les services du ministère de l’intérieur »Des échanges de coups de feu avaient auparavant été entendus vers 9 heures dans la commune. 

Le New York Times cite Mohamed Douhane, présenté comme un haut gradé de la police qui suit les négociations. « Nous avons établi la communication avec les frères Kouachi », indique-t-il. « Ils disent qu'ils veulent mourir en martyrs. Ils se conduisent comme deux terroristes déterminés qui sont très certainement physiquement fatigués, mais qui veulent en finir par une grande et dernière démonstration de force et de résistance héroïque. Ils se sentent acculés et savent que leurs dernières heures ont sonné », ajoute-t-il.

Les deux suspects se seraient auparavant emparés d'une voiture, entraînant une course-poursuite sur la N2 à l'issue d'une nuit de traque infructueuse dans l'Oise et dans l'Aisne.

La nuit de recherche, dans une zone boisée, n'avait rien donné, malgré les centaines de membres de forces de l'ordre présents sur place, et le survol de la région par des hélicoptères durant la nuit. Selon les autorités, Saïd Kouachi a été « formellement reconnu » comme un « agresseur » ayant participé à l’attaque qui a fait douze morts, dont deux policiers mercredi matin.

© Reuters

Par ailleurs, des sources policières ont affirmé à l'AFP et au Monde, sans que l'on sache s'il s'agit des mêmes sources, qu'il existait un lien entre l'attaque de Charlie Hebdo mercredi et l'homme à l'origine d'une fusillade jeudi matin à Montrouge dans laquelle une fonctionnaire de police a trouvé la mort. L'homme impliqué dans cette fusillade, et qui est toujours en fuite ce vendredi midi, pourrait connaître les deux frères Kouachi.

Jusqu'à présent, le ministre de l'intérieur se refusait à faire le moindre lien entre les deux affaires. Jeudi matin, à Montrouge, un homme armé, équipé d'un gilet pare-balles selon des témoins, a ouvert le feu à l'arme de poing sur une fonctionnaire de police. Blessée grièvement, celle-ci est décédée quelque temps plus tard. Un agent de voirie a également été blessé. Le suspect a réussi à prendre la fuite, la police a perdu sa trace « dans le quartier de La Défense ». Deux personnes ont été interpellées dans le cadre de cette enquête à Grigny en banlieue parisienne.

La préfecture de police a diffusé l'avis de recherche suivant sur la fusillade de Montrouge :

 

Les deux frères Kouachi figuraient « depuis des années » sur la liste des terroristes connus ou suspectés du gouvernement américain. Un responsable du renseignement américain a assuré jeudi au New York Times que Saïd et Cherif Kouachi, 34 et 32 ans, étaient identifiés depuis longtemps par les États-Unis comme de possibles djihadistes. Par conséquent, ils étaient inscrits sur la no fly list américaine, leur interdisant de prendre l’avion depuis ou en direction du sol américain.

Le quotidien, tout comme la chaîne de télévision NBC, affirme par ailleurs que Saïd Kouachi a passé plusieurs mois au Yémen en 2011, pour s'entraîner au maniement des armes. La formation pourrait avoir été dispensée par un membre d'Al-Qaïda dans le pays.

La police avait diffusé mercredi 7 janvier au soir les avis de recherche des deux suspects. Un troisième suspect s'est rendu dans la nuit au commissariat de Charleville-Mézières, dans les Ardennes. Il s'agit d'un homme de 18 ans. Soupçonné d’avoir aidé les deux tireurs, il s’est rendu « après avoir vu que son nom circulait sur les réseaux sociaux », a expliqué à l’AFP une source proche du dossier. Il s'agirait du beau-frère d'un des deux autres suspects. Il a été mis hors de cause dans la matinée.

Cherif Kouachi avait été condamné, en 2008, dans l'affaire de la filière irakienne du XIXe arrondissement, à trois ans d'emprisonnement, dont 18 mois avec sursis. Il avait été interpellé peu avant de se rendre en Irak combattre aux côtés de la branche irakienne d'Al-Qaïda contre la coalition menée par les États-Unis.

Les suspects  recherchés pour l’attentat contre Charlie HebdoLes suspects recherchés pour l’attentat contre Charlie Hebdo

Douze personnes ont été tuées – dix personnes présentes à Charlie Hebdo et deux policiers –, quatre ont été grièvement blessées et sept blessées plus légèrement, mercredi dans l'attaque de la rédaction de l'hebdomadaire satirique. Les dessinateurs Cabu, Charb, Wolinski, Philippe Honoré et Tignous sont morts dans l'attaque. Charb, de son vrai nom Stéphane Charbonnier, était le directeur de la publication de Charlie. L'économiste Bernard Maris est également décédé dans la fusillade, ainsi que Mustapha Ourrad, correcteur, Frédéric Boisseau, agent d'entretien, et Elsa Cayat, psychanalyste et chroniqueuse. Michel Renaud, ancien directeur de cabinet du maire de Clermont-Ferrand, fait partie des victimes. Président fondateur du Rendez-vous du carnet de voyage clermontois, Michel Renaud était venu rencontrer le dessinateur Cabu pour lui rendre les dessins qu'il avait prêtés à l'association clermontoise pour la dernière manifestation, fin novembre dernier, indique le quotidien La Montagne. Les deux policiers tués sont un membre de la brigade VTT du XIe arrondissement de 42 ans et un membre de la brigade de protection des personnalités de 49 ans.

Le journal est situé rue Nicolas-Appert dans le XIe arrondissement de Paris. Charlie Hebdo avait déjà fait l'objet d'un incendie criminel en novembre 2011, dans ses précédents locaux situés dans le XXe arrondissement. Selon un récit de Libération, les deux hommes armés qui ont pénétré dans les locaux cherchaient tout particulièrement Charb, le patron du journal. 

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Après «Charlie Hebdo», une attaque antisémite Porte de Vincennes

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Un assaut coordonné. Vendredi vers 17 heures, les forces de l'ordre déployées à Dammartin-en-Goële ont donné l'assaut sur le bâtiment où s'étaient réfugiés les deux suspects dans l'attentat de Charlie Hebdo. Les deux frères Kouachi ont été tués lors de cet assaut, selon l'AFP, tandis que l'otage serait indemne. Quasiment au même moment, les forces de l'ordre donnaient l'assaut porte de Vincennes où un preneur d'otages était réfugié dans un Hyper Cacher. Il s'agissait d'Amedy Coulibaly, par ailleurs suspecté d'être l'auteur de la fusillade de Montrouge jeudi, qui avait coûté la vie à une policière. Des otages semblent avoir été libérés lors de cet assaut (voir les images ci-dessous). Mais quatre otages ont été tués, a confirmé dans la soirée François Hollande.


Le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve déclare après les assauts : « J'éprouve une immense tristesse en pensant à ceux qui ont perdu la vie, aux otages. Je remercie du fond du cœur les forces de l'ordre qui ont agi avec compétence et sang-froid. Cela fait leur grandeur. » Le ministre de l'intérieur s'est en revanche montré peu disert sur les victimes de l'attaque antisémite, refusant d'en donner le nombre. Il a fallu attendre François Hollande pour cela. Mais, à 21 heures, le nom de ces victimes n'était pas connu.

Jeudi matin, à Montrouge, un homme armé, équipé d'un gilet pare-balles selon des témoins, a ouvert le feu à l'arme de poing sur une fonctionnaire de police. Blessée grièvement, celle-ci est décédée quelque temps plus tard. Un agent de voirie a également été blessé. Le suspect avait réussi à prendre la fuite, la police avait perdu sa trace « dans le quartier de La Défense »

La préfecture de police avait diffusé vendredi en début d'après-midi l'avis de recherche suivant sur la fusillade de Montrouge :

 

On en sait par ailleurs un peu plus sur les frères Kouachi. Ceux-ci figuraient « depuis des années » sur la liste des terroristes connus ou suspectés du gouvernement américain. Un responsable du renseignement américain a assuré jeudi au New York Times que Saïd et Cherif Kouachi, 34 et 32 ans, étaient identifiés depuis longtemps par les États-Unis comme de possibles djihadistes. Par conséquent, ils étaient inscrits sur la no fly list américaine, leur interdisant de prendre l’avion depuis ou en direction du sol américain.

Le quotidien, tout comme la chaîne de télévision NBC, affirme par ailleurs que Saïd Kouachi a passé plusieurs mois au Yémen en 2011, pour s'entraîner au maniement des armes. La formation pourrait avoir été dispensée par un membre d'Al-Qaïda dans le pays.

Cherif Kouachi avait été condamné, en 2008, dans l'affaire de la filière irakienne du XIXe arrondissement, à trois ans d'emprisonnement, dont 18 mois avec sursis. Il avait été interpellé peu avant de se rendre en Irak combattre aux côtés de la branche irakienne d'Al-Qaïda contre la coalition menée par les États-Unis.

Les suspects  recherchés pour l’attentat contre Charlie HebdoLes suspects recherchés pour l’attentat contre Charlie Hebdo

Douze personnes ont été tuées – dix personnes présentes à Charlie Hebdo et deux policiers –, quatre ont été grièvement blessées et sept blessées plus légèrement, mercredi dans l'attaque de la rédaction de l'hebdomadaire satirique. Les dessinateurs Cabu, Charb, Wolinski, Philippe Honoré et Tignous sont morts dans l'attaque. Charb, de son vrai nom Stéphane Charbonnier, était le directeur de la publication de Charlie. L'économiste Bernard Maris est également décédé dans la fusillade, ainsi que Mustapha Ourrad, correcteur, Frédéric Boisseau, agent d'entretien, et Elsa Cayat, psychanalyste et chroniqueuse. Michel Renaud, ancien directeur de cabinet du maire de Clermont-Ferrand, fait partie des victimes. Président fondateur du Rendez-vous du carnet de voyage clermontois, Michel Renaud était venu rencontrer le dessinateur Cabu pour lui rendre les dessins qu'il avait prêtés à l'association clermontoise pour la dernière manifestation, fin novembre dernier, indique le quotidien La Montagne. Les deux policiers tués sont un membre de la brigade VTT du XIe arrondissement de 42 ans et un membre de la brigade de protection des personnalités de 49 ans.

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Les militants musulmans savent ce qu'ils ont à faire, merci pour eux

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Depuis mercredi et comme après chaque acte terroriste, les musulmans français sont invités à se désolidariser de l’acte commis. Leurs prises de parole sont guettées, leur présence dans les manifestations scrutée, et des journalistes, comme Yvan Rioufol ou Philippe Val, demandent qu’ils expriment leur indignation. Ces injonctions passent mal auprès des responsables associatifs que nous avons interrogés, qu’ils soient musulmans ou habitants de quartiers défavorisés et, à ce titre, souvent assimilés. 

Si certains ont participé à des rassemblements et entendent manifester dimanche, Abdelaziz Chaambi, responsable du collectif contre le racisme et l'islamophobie (CRI) à Lyon, se fait plus réfractaire. Il explique : « Je ne descendrai manifester que quand on me le demandera comme citoyen français et non comme musulman. Quand je manifeste contre la réforme des retraites, je ne le fais pas comme musulman. Parlez-nous comme à des républicains, même si on a une vision peut-être parfois différente de la république. On nous serine que la foi doit rester privée, et en fait non, là, elle devrait être étalée dans la rue… »

Lui, comme d'autres responsables interrogés, use de la comparaison pour se faire comprendre. « Il n'est jamais venu à l'idée de personne de demander aux chrétiens français de se désolidariser d'Anders Breivik en Norvège (après la tuerie d'Utoya), ou aux juifs de France de se désolidariser pour les morts de Gaza. Ni aux communistes de se désolidariser d'Action directe. » Même idée chez Ali Rahni, responsable associatif et d’Europe Écologie-Les Verts à Roubaix : « Quand le Ku Klux Klan ou l’IRA tuent, on ne demande pas aux catholiques ou aux protestants de s’excuser. »

Pour Nicky Tremblay, qui habite Toulouse et milite à la coordination nationale des “Pas sans nous”, l’injonction est insupportable et dangereuse, puisqu’elle fait planer l’idée qu’« il y aurait une solidarité a priori avec ces actes terroristes. Tous ceux qui se taisent vont être vus comme complices ? ». Selon Elsa Ray, porte-parole du CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France), cela est « insupportable d’autant qu’on oublie que dans l’attentat, il y a deux victimes de culture musulmane. Or on associe les musulmans aux tireurs, pas aux victimes ».

Pour Hanane Karimi, porte-parole de l’association “Les femmes dans la mosquée”, « cela revient à stigmatiser une frange de la population qui doit sans cesse faire montre de bonne citoyenneté. Mais je n’ai pas attendu qu’on me demande de manifester pour le faire. Demander de montrer patte blanche, c’est être dans l’exclusion. Comme si les musulmans n’étaient pas capables d’agir seuls, comme s’il fallait qu’on les y enjoigne ». Doctorante en sociologie, Hanane Karimi n’a pas apprécié l’initiative du hashtag #notinmyname apparu en Angleterre de la part de musulmans désireux de dénoncer le djihadisme. « Ceux qui signent “not in my name” ont intériorisé le discours ambiant. Ils donnent des gages de leur probité : on est de bons Français, de bons musulmans... » Pour Hanane Karimi, « il est normal que les représentants religieux, notamment les musulmans, rappellent le message de paix prôné par les religions, mais pas chaque musulman individuellement. C’est la différence entre la société civile et les groupes religieux ».

Ali Rahni ne partage pas ce point de vue sur “Not in my name” : « Cela ne me dérange pas car c’était un mouvement spontané. Ce qui me dérange, c’est quand on oublie que les actes de terrorisme relèvent de la responsabilité individuelle. Il n’y a pas de raison qu’il y ait punition collective. » Nombre de personnes interrogées se sont accordées sur un autre "hashtag" à diffuser sur les réseaux sociaux, répondant au #NousSommesCharlie : #NousSommesEnsemble

Sans que cela change quoi que ce soit à leur indignation, plusieurs militants associatifs tiennent en effet à prendre leurs distances avec Charlie Hebdo. Adil Fajry, travailleur social, ancien militant au NPA à Istres et candidat aux législatives, explique : « Évidemment qu'on condamne et qu'on est émus de ce qui se passe, peu importent les criminels d'ailleurs ! Ce jeudi midi, je suis allé au rassemblement de solidarité avec Charlie Hebdo. D'emblée, on me donne un autocollant "Je suis Charlie". Je ne l'ai pas pris. Désolé, mais je ne suis pas Charlie. À la limite, je suis plutôt Siné. Je n'ai pas de problème avec le fait qu'on critique et caricature ma religion, mais j'ai été choqué qu'on assimile le prophète avec le terrorisme. Ça ne me viendrait jamais à l'idée de mettre un doigt dans le cul de Jésus sur sa croix. Je ne trouve pas ça drôle. »

Adil Fajry cherche des explications, se remet en cause : « C'est compliqué pour notre génération de quadras de voir une réalité qu'on ne peut pas nier, celle des stages à Daech. On porte sans doute une grande responsabilité, nous qui avons habité et grandi dans les quartiers et qui leur avons tourné le dos une fois qu'on a réussi à en sortir. Mais c'est aussi parce qu'à notre époque, il y avait de l'éducation populaire, qu'on nous a appris à monter des projets et accéder à l'emploi. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, il y a un vide social et de l'échec scolaire, ce qui est le terrain le plus propice pour les charlatans et les instrumentalisateurs. »

Sihame Assbague, porte-parole de Stop contrôle au faciès, s’inquiète aussi même si, « à l'heure actuelle, il est surtout important de laisser passer du temps, de ne pas polémiquer pour respecter le deuil des victimes. Mais il y a besoin de dire aujourd'hui : "Nous ne sommes pas ceux que vous croyez, nous sommes aussi victimes de ce que vous pensez" ». Déjà instigateurs d'une tribune parue dans nos colonnes, plusieurs responsables de réseaux militants des quartiers populaires ont appelé à la tenue d'une manifestation lundi, à Bobigny (devant la préfecture de Seine-Saint-Denis), afin de dire leur « refus de la violence aveugle et marquer (leur) détermination à faire barrage aux extrémismes et à leur instrumentalisation ».

Nadir Kahia, responsable de Banlieue + à Gennevilliers, n'entend pas non plus polémiquer. « Mais on veut profiter de l'occasion pour se faire entendre et être enfin visible dans les médias. Ce qui se passe aujourd'hui n'est pas la conséquence d'un manque de moyens, mais un problème de volonté politique. Ça fait des années qu'on dit qu'il faut faire attention, que les premiers concernés par la délinquance et la drogue sont les habitants des quartiers eux-mêmes. Mais l'expression même d'une parole est compliquée. » Hanane Karimi, aussi, a hâte que les vraies problématiques soient posées : « La question n’est pas que religieuse : elle est politique et sociale. Comment se fait-il que des personnes formées à l’école de la République, où elles auraient dû apprendre ce qu’est la liberté d’expression, en arrivent à faire ça ? Après le temps de la citoyenneté, devra venir le temps de l’analyse. » 

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