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Benoît Hamon cherche à se placer au centre de la gauche

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Vieux-Boucau (Landes), de notre envoyé spécial.-  « Gauche promise, gauche due. Batterie faible. 10 %. » À la tribune, derrière Benoît Hamon, Pierre Laurent et Cécile Duflot, l’image apparaît furtivement en fond. Elle associe le slogan de l’université de rentrée du courant Un monde d’avance et l’avertissement fait au responsable du rétroprojecteur que la batterie de son ordinateur est épuisée. L'anecdote pourrait résumer l’état d’esprit du courant socialiste des proches de Benoît Hamon, ce week-end à Vieux-Boucau (Landes). Et même si les nombreux invités, venus de diverses sensibilités de la gauche critique de l’action gouvernementale, aspirent à recharger leurs batteries et à voir le PS ne plus frôler les 10 % dans les urnes, le coup de jus n’est pas encore pour tout de suite.

L'ex-ministre de l'éducation nationale Benoît Hamon.L'ex-ministre de l'éducation nationale Benoît Hamon. © Reuters

À nouveau, un événement rassembleur, organisé par un mouvement de gauche a vu planer au-dessus de ses débats morosité et désarroi. Sans que ne soit ébauché à nouveau d’alternative concrète. Pendant deux jours, la gauche non gouvernementale s’est encore reparlée et a encore souhaité une réorientation du cap gouvernemental, qu’elle sait pourtant illusoire. Sempiternelle ritournelle d’une nécessaire convergence aux perspectives bien incertaines.

Depuis les universités d’été des partis de gauche et la fête de L’Humanité, les mêmes ne cessent donc de se recroiser, pour affûter de façon toujours plus aiguë leurs critiques de l’orientation du gouvernement de Manuel Valls, et se montrer politiquement toujours plus proches dans leurs convergences programmatiques. Mais sans jamais s’inscrire dans une perspective de rupture. Comme le résume Henri Emmanuelli : « Jusqu’ici, le réformisme c’était “plus” ou “mieux”, désormais, c’est “moins” ou “pire”. Notre seul débouché politique, c’est de remettre sur ses pieds une gauche qui marche sur la tête. »

Dimanche, devant plus de 300 militants (une affluence en baisse par rapport aux années précédentes, mais toujours aussi jeune et issue des réseaux de jeunesse du parti, MJS et Unef), l’ancienne ministre écologiste Cécile Duflot s’est taillé un joli succès d’estrade, en confiant sa déception à mi-quinquennat et l’amertume de son « pari perdu avec François Hollande ». « Je ne pensais pas que la lutte infinie contre les déficits serait le seul horizon, lâche-t-elle. C’est inimaginable de dilapider si vite autant d’espoirs. »



De toutes parts, les politesses fusent entre les hérauts malheureux de la gauche au pouvoir sans la gauche. Benoît Hamon affirme sa conviction écologique comme paradigme déterminant d’un nouveau programme commun. Tout en pointant le faible écart qui l’éloigne du communiste Pierre Laurent, « en tout cas moins qu'entre le PS et le PCF à l'époque du programme commun (dans les années 1970 ndlr) ». Cécile Duflot se fait ovationner en estimant que « si le socialisme, c’est la justice sociale et la lutte contre les inégalités, alors je me sens beaucoup plus socialiste que le premier ministre ! ». Pierre Laurent souhaite que « bientôt », des socialistes puissent se faire applaudir par des communistes, comme lui peut l’être dans les cénacles du PS où il est invité.

Le secrétaire national du PCF appelle à « construire des scénarios de gauche à tous les niveaux : au parlement, dans les assemblées locales, dans les échéances électorales, sur le terrain social ». Henri Emmanuelli propose de son côté « la création de comités de rassemblement, pour que vive la gauche dans tous le pays ». La veille, Marie-Noëlle Lienemann insistait sur la nécessité de « rester un collectif », et souhaitait la rédaction d’une « plateforme commune ». Tout au long des tables rondes du week-end, les éternelles convergences se sont à nouveau affirmées, en bloc et en détail, de la VIe République à une grande réforme fiscale, en passant par la transition écologique ou la lutte contre les inégalités.

Désarmés face à la fracture à gauche, engendrée par le socialisme au pouvoir, les responsables des partis et courants sont comme les députés critiques à l’assemblée, tétanisés devant l’idée de franchir le Rubicon et d’acter une rupture, dont il ne cesse pourtant de tracer les contours. Réunis samedi en fin de journée, une partie de ceux qui ne veulent plus être appelés “frondeurs” ont ainsi justifié leur choix de s’en tenir à l’abstention. « Voter contre, ça aurait signifié que le PS appartient à François Hollande et Manuel Valls », a ainsi expliqué le député Laurent Baumel, tandis que son acolyte, Christian Paul, voit la contestation parlementaire comme « un antidote au rétrécissement insupportable de la gauche ».

Et si Philippe Noguès, un autre député régulièrement abstentionniste dans l'hémicycle, convient du « risque de causer une certaine lassitude, y compris auprès de ceux qui nous supportent », Henri Emmanuelli explique combien ils n’ont pas le choix : « Notre électorat ne comprendrait pas qu’on descende un gouvernement de gauche pour mettre la droite à la place. Il ne faut pas se leurrer : aux élections, les gens votent pour ou contre le PS. Tout se joue sur l’abstention d’un camp face à l’autre. » Un constat que partage Benoît Hamon, à l’occasion de son retour politique au premier plan : « Je ne veux pas abattre la gauche, je suis de gauche. »

Depuis son refus de poursuivre l’aventure gouvernementale, Benoît Hamon s’était fait discret. De retour, il présente un profil soigneusement travaillé, certes fidèle à son passé de leader unificateur des ailes gauche du PS, mais considérablement recentré, comme blanchi sous le harnais ministériel de la responsabilité. D’une formule, lors de son discours dominical, il dit son ambition : « On peut être radical, mais avec le sourire. »



Devant les siens, Hamon tient à livrer sa version du « récit de Frangy » : « Non, il ne s’agissait pas de deux ministres qui, enivrés, seraient allés un peu plus loin que prévu. Il s’agit d’un désaccord politique sur la façon d’être au service de ceux qui nous ont élus, et ce désaccord a été suffisamment grave que le gouvernement tout entier a été démissionné. » La veille, devant quelques journalistes, il convenait avoir lui aussi perdu son pari vallso-faustien. « On pensait que Manuel était plastique sur l’économie et pouvait incarner un rapport de force sur l’Europe, des positions sur lesquelles il était bien moins tranché que sur la sécurité, la laïcité ou l’ordre républicain. Ça n’a pas marché. »

Benoît Hamon à Vieux-Boucau, le 5 octobre 2014Benoît Hamon à Vieux-Boucau, le 5 octobre 2014 © S.A

À la tribune, Hamon pèse ses mots, se veut grave et souhaite prendre de la hauteur, en dénonçant ce qui constitue à ses yeux les quatre raisons de la « défiance » que connaît aujourd’hui le gouvernement qu’il a quitté (« absence de résultats », « promesses non tenues », « acceptation du désarmement de la politique » et « renoncement à l’espoir de progrès »). Il se fait aussi incisif sur la façon dont le pouvoir socialiste a cédé face aux lobbies divers, reculant sur la loi bancaire comme sur l’encadrement des loyers, sur le récépissé de contrôle d’identité comme sur la prise en compte de la pénibilité dans le calcul des retraites. « C’est cela qui altère la confiance du peuple, ce sentiment qu’on réévalue nos politiques en fonction d’intérêts privés, dit-il. On ne peut pas être plus sévère à l’égard de la CGT, qui a voté pour nous, qu’à l’égard du Medef. »

Redevenu député des Yvelines, élu à Trappes, il dit avoir été « profondément affecté » par l’attitude du gouvernement vis-à-vis du conflit

israélo-palestinien. « Nous avons commis une grave erreur d’appréciation sur Gaza, en donnant une lecture religieuse à un conflit éminemment politique », lâche-t-il. Mais Hamon se refuse pour autant à « accabler globalement le gouvernement », et ne se considère « pas dans l’opposition » : « Si nous voulons le rassemblement demain, il ne faut pas dire que le gouvernement est de droite, sinon ceux qui le soutiennent ne nous soutiendront pas. »

À ses troupes, à qui il recommande d’être « lucide, convaincu et optimiste », il a toutefois souhaité se montrer dans un rôle différent que celui du « chef de bande » qu’il occupait jusqu’avant son entrée au gouvernement, figure tutélaire de jeunes générations militantes successives.

« Benoît n’est plus le Hamon du congrès de Reims (où il avait recueilli 25 % des suffrages militants, en 2008 – Ndlr), explique Guillaume Balas, responsable d’Un monde d’avance. Il a été porte-parole du parti, puis ministre, il incarne plus que son courant. Il ne peut pas être complètement identifié à nous, mais se consacrer au rassemblement. » Hamon sait pouvoir être en mesure d’être l’un des moteurs d’un rassemblement qui n’en finit plus de se faire attendre. A la tribune comme en coulisses, il ne tarit pas d’éloges sur Arnaud Montebourg, Marie-Noëlle Lienemann ou Pouria Amirshahi. Et ne cache pas sa disponibilité pour être en première ligne, lors du futur congrès du PS.

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Arnaud Montebourg revient, l'œil rivé sur la présidentielle

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Laudun-l’Ardoise (Gard), de notre envoyé spécial.-  Même hors du gouvernement, Arnaud Montebourg reste suivi par une nuée de journalistes. Aux caméras et aux micros, il lance ses formules hautes en couleurs qui font de lui un bon client. « C’est le café du redressement ! » lâche-t-il, dimanche matin, en sirotant son petit noir. Une allusion à la « cuvée du redressement » adressée à François Hollande fin août, un jour de Fête de la rose et qui, le lendemain, lui a coûté son poste.

Ce week-end, l’ancien ministre réunissait 300 de ses amis et proches à Laudun-l’Ardoise, dans le Gard. Sa deuxième rentrée politique, un mois après sa démission forcée du gouvernement. « Le premier rassemblement d’une longue série », leur a-t-il promis, eux qui se sont souvent plaints de son incapacité à les organiser.

Arnaud MontebourgArnaud Montebourg © Reuters

À vrai dire, l’ancien ministre de l’économie n’a pas encore tout à fait tombé le costume du locataire de Bercy. Il dit : « Mon rôle en tant que ministre de l’économie… », raconte ses entrevues avec les grands de ce monde, parle « Made in France » et « innovation », ses slogans favoris depuis 2012 au ministère du redressement productif puis à celui de l’économie. Il sera même la semaine prochaine au Salon de l’automobile.

Pourtant, tout a changé. Les anciens de son cabinet, présents pour certains dans le Gard, se sont inscrits à Pôle emploi et ont troqué la veste pour des baskets. Montebourg se décrit en « citoyen ordinaire » qui, répète-t-il, « goûte (s)a popularité dans le métro ». « Je suis profondément heureux de me mettre en accord avec mes convictions. Cette nouvelle vie, c’est un de mes rêves, comme dix millions de Français qui veulent changer de vie. » L’ancien ministre envisage désormais de créer sa propre entreprise, avec quelques associés dont il tait le nom.

Le conseiller général de Saône-et-Loire ne sera pas candidat aux cantonales de mars 2015 : après dix-sept ans de mandats électifs, il n’en aura bientôt aucun. De ce départ à zéro imposé plus tôt que prévu par François Hollande et Manuel Valls, Montebourg fait un étendard. « Les Français ne veulent plus de ce système politique qui les a abandonnés, dit-il. Les dirigeants politiques doivent retrouver la société française, s’intéresser à ceux qui la composent. Partir de leurs problèmes pour définir des solutions, et non plus jeter des solutions qui conduisent à des désastres dont nous ne sommes plus très loin, et que nous devons conjurer. »


L’agenda personnel de celui qui, avec 17 %, fut le troisième homme de la primaire socialiste en 2011, n’a désormais plus qu’un horizon : l’élection présidentielle, la seule « à laquelle (il) envisage de (se) représenter un jour ». Mais pas question d’évoquer le sujet avant 2016, l’année d’un probable congrès du PS et d'éventuelles primaires socialistes pour désigner le candidat à la présidentielle. « Arnaud Montebourg n’est pas un mec accablé. Il travaille, il est au début d’un chemin. Il reste une incarnation, il lève une espérance », plaide le député PS Arnaud Leroy, l'un de ses proches. « C’est une traversée du désert qui commence, et c’est un art qu’Arnaud n’a jamais pratiqué », reconnaît Paul Alliès, président de la Convention pour la VIe République.

Dimanche midi, dans son discours de clôture, Montebourg est longuement revenu sur la « crise politique », la « dislocation » du 25 août lorsque « trois ministres importants du gouvernement » – Benoît Hamon, Aurélie Filippetti et lui – ont été démissionnés. Ce jour-là, « un pan de la montagne gouvernementale, un gros bloc s’est détaché ». Il refait l’histoire. « Nous avons pris la décision (…) de partir à trois pour des raisons politiques, partagées collectivement, sur la politique économique. » En réalité, au lendemain d’un discours offensif à sa Fête de la rose de Frangy-en-Bresse, Montebourg a été forcé de démissionner, pris de court par le premier ministre et le chef de l’État qui voulaient poser un acte d’autorité (lire nos articles). Hamon, qui ne pouvait pas le désavouer faute de perdre toute autorité sur l’aile gauche, l’a suivi.

Montebourg ne s’encombre pas de ces détails. Il préfère insister sur l’affrontement, au sein du gouvernement, entre deux lignes politiques devenues irréconciliables. « Il ne s’agit pas d’une querelle mais d’un désaccord. Le choix fondamental de notre gouvernement de rétablir les équilibres financiers est devenu une obsession, un mantra, une sorte de croyance, de culte obsessionnel. (…) Cet objectif est en train de devenir l’erreur fondamentale de ce quinquennat, et c’est notre responsabilité de le dire. Cette politique économique est une politique d’austérité. »

Une politique « stupide », dit-il même, empruntant les mots du président du Conseil italien Matteo Renzi. Montebourg éreinte le Traité de stabilité (TSCG) voté par le Parlement en 2012 alors que François Hollande avait promis de le renégocier. « C’était une erreur de ne pas l’avoir renégocié. » Il était alors ministre du redressement productif. À nouveau, il plaide pour porter, sinon la « confrontation », du moins « la contradiction » à l’Allemagne, garante d’une ligne orthodoxe en Europe. « Appliquer des règles aveuglément, c’est nous détruire nous-mêmes », met-il en garde, inquiet de la « transhumance massive des électeurs de l’UMP et du PS vers le FN. »

François Hollande n’est jamais cité nommément. Mais c’est bien le chef de l’État qui est visé lorsque Montebourg, qui s’était rallié à lui au deuxième tour de la primaire socialiste, s’en prend aux « erreurs commises par un esprit solitaire qui a parfois tous les pouvoirs ». Hollande visé, encore, lorsque Montebourg décrète le chant du cygne de la gauche au pouvoir, alliance « entre des barons locaux et une technocratie arrogante prédisposée, selon elle, à diriger le pays ». Manuel Valls n’est cité qu’une fois, désigné comme un simple continuateur des politiques de Fillon et Ayrault. En avril, Montebourg l'avait soutenu pour Matignon en échange d'une promesse d’inflexion de la ligne politique. Il estime aujourd'hui que « cet accord n'a pas été respecté ».

Montebourg éreinte aussi « l’incapacité du système gouvernemental actuel à organiser le doute, à se contrôler lui-même, à maîtriser ses propres erreurs, à lutter contre sa propre arrogance, à organiser sa propre humilité ». Il s’assigne désormais une double mission : « dessiner les perspectives de l’alternative », « faire renaître la gauche avant qu’elle ne meure ». À Manuel Valls, qui s’inquiétait en juin de la possible mort de la gauche, Montebourg rétorque : « Il y a d’un coté une certaine gauche qui disparaît pendant qu’une autre est déjà en train de vivre, de survivre et de préparer l’avenir. » « Le molletisme est mort, oui, mais pas la gauche », traduit un proche après le discours.

Laudun est une petite ville située dans la circonscription de Patrice Prat, un des rares députés estampillés 100 % “montebourgeois” à l’Assemblée. Pour cette rentrée, c’est le « noyau » des fidèles qui s’est donné rendez-vous, explique Paul Alliès : les anciens soutiens de Montebourg au sein du Nouveau parti socialiste (entre 2003 et 2005), les membres du réseau Des Idées et des Rêves, qui a phosphoré sur la primaire socialiste de 2011, etc.

« On lit un peu partout qu’Arnaud serait seul et entouré de zozos, ça me fait sourire, affirme Arnaud Leroy, autre soutien de Montebourg à l’Assemblée. Il y avait 2 000 personnes à Frangy cet été, 30 parlementaires assistent à nos réunions à l’Assemblée. » Ce week-end, en tout cas, seuls une douzaine se sont déplacés. Parmi eux, la présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée, Catherine Lemorton, élue toulousaine. « Arnaud a besoin de se ressourcer avec sa famille. Être ici, c’est d’abord une renaissance, une bouffée d’oxygène. Les copains de Haute-Garonne avec qui je suis venue se sentent un peu perdus », dit-elle. « On est là pour reprendre un peu d’air. Le contexte est tellement étouffant que ça fait du bien de de réfléchir ensemble », ajoute son collègue Philippe Baumel.

Les vedettes, elles, sont ailleurs. Dans les Landes, où Benoît Hamon réunissait ce week-end ses troupes d’“Un monde d’avance” (aile gauche du PS), mais aussi l’ex-ministre écologiste Cécile Duflot et le communiste Pierre Laurent (voir le reportage de Mediapart). « C’est dommage qu’ils fassent ça en même temps », peste un militant. Entre les deux hommes, il y a eu de la méfiance. Les souvenirs amers de la fin du Nouveau parti socialiste, avec Hamon et Emmanuelli, restent vifs. « Ils nous ont piqué les clés de la bagnole et nous ont laissés sur le bord de la route ! » se rappelle Catherine Lemorton. En 2005, lors du Congrès du Mans, Benoît Hamon avait pactisé avec François Hollande, alors premier secrétaire du PS, contre Montebourg.

Mais ces dernières semaines, ils ont beaucoup discuté. « Il y a une sorte de pacte de sang entre eux », dit Arnaud Leroy. « Ici comme là-bas, on parle de l’économie, de la Sixième République et du logement », souligne un proche de Montebourg.

À la tribune, Arnaud Montebourg cite  son « ami » Hamon, à qui il adresse un « salut amical et politique pour l’encourager à proposer, affirmer, les valeurs de la gauche ». Montebourg brasse d’ailleurs plus large. À Martine Aubry, qui s’apprête à prendre la parole, il dit « que sa voix nous manque et qu’il est temps qu’elle dise aussi ce qu’elle à nous dire ». Il « embrasse » Aurélie Filippetti (sa compagne) mais cite aussi Nouvelle Donne ou « les députés de la majorité (qui) ont fait des propositions alternatives ». Montebourg, bien que réservé sur les débouchés de la contestation des députés PS, leur adresse un soutien appuyé. « Dans une démocratie, ce sont les députés qui contrôlent le gouvernement et pas le gouvernement qui contrôle la conscience des députés », ajoute-t-il.

Ses proches le disent : au moment du congrès, prévu fin 2015 ou début 2016, Montebourg ne jouera pas le parti, lorgné par Hamon. Mais il se verrait bien en facilitateur d’une union entre les courants et sensibilités qui contestent la ligne “hollandaise”, des ailes gauches à Aubry. Pour le reste, Montebourg entend prendre de la hauteur. « Il pense que le parti est mort », dit un ami. « Les partis tournent autour d’eux-mêmes, précise Arnaud Leroy. Nous devons associer des gens qui ne sont pas des politiques, des associatifs, des gens du monde de la culture, des chercheurs. C’est plus important de discuter avec eux qu’avec Pierre Laurent. » « Valls serre des vis, d’autres (les “frondeurs” –Ndlr) disent qu’il faut les serrer différemment. Nous, nous ne parlons pas du serrage des vis : nous allons tenter de définir la France de 2030 », assure Valentin Przyluski, compagnon de route de Montebourg depuis 2009, qui a travaillé avec lui à Bercy.

Montebourg jure qu’il aimerait s’éclipser un peu. « Il va falloir s’habituer à ce que je sois dans un niveau d’exposition bien moindre que celui d’aujourd’hui », dit-il aux journalistes. Comme pour se convaincre lui-même. Ses amis aimeraient qu’il observe une cure de silence, lui qui adore faire parler de lui. « Il doit acquérir la gravité des chefs romains », dit l’un d’eux. « Le temps de la communication est fini pour nous, théorise Valentin Przyluski. Le marketing politique, les gens n’y croient plus. En deux ans, nous n’avons pas résolu les problèmes et la situation s’est aggravée. Ça doit nous rendre humbles par rapport à ce que nous allons proposer demain. Nous devons perdre du temps à travailler, nous ancrer dans un temps plus lent, retrouver une plateforme programmatique qui parle à la société alors que le monde se déconstruit sous nos yeux. On ne stoppe pas une hémorragie en un ou deux mois. S’il y a hémorragie aujourd’hui, c’est parce qu’on a perdu sur nos fondamentaux et que ce gouvernement n’a pas mené la bataille culturelle. »

Ses proches ont créé en juillet une association, La Plateforme, base pour structurer la galaxie Montebourg. Objectif : un début de programme « courant 2015 ». La Sixième République et la rénovation de la démocratie, thèmes identitaires chez Montebourg, seront évidemment centraux. « En 2017, tout est programmé pour qu’il soit candidat. Et c’est évident que la campagne qu’il fera sera centrée sur la Sixième République », dit Paul Alliès. « Mais on ne pourra pas se limiter à ça, ne serait-ce que parce que la priorité des gens est de bouffer et d’avoir un boulot », estime Arnaud Leroy. Autres pistes de travail évoquées : le patriotisme économique bien sûr, mais aussi le climat, la politique internationale ou la simplification du modèle social. « Notre méthode a toujours été l’innovation radicale. On ne s’interdit rien dans la pratique et dans les idées. Peut-être qu’on ne sera pas là où on nous attend et que certaines de nos propositions surprendront », lance Przyluski. Montebourg appelle de ses vœux la naissance, hors des partis, d’un nébuleux « corps de citoyens qui auront envie de s’occcuper de la France », « ouvriers, ingénieurs, syndicalistes, patrons ».

Mais auparavant, il faudra organiser le réseau. Pas simple. « La structuration organique de Montebourg est rebelle à toute organisation », dit joliment Paul Alliès. « Il n’a jamais rien structuré, pourtant ça fait des années qu’on lui dit de le faire, déplore plus crûment Arnaud Le Guay, un militant périgourdin. Mais cette fois, ça devient important, car son aisance médiatique ne va peut-être pas suffire. »

« On ne construit pas sur des éclats de voix, sur des coups de tête et des slogans. Si on veut construire, il faut une armature solide, que seule une structure idéologique combinée à l’exercice du pouvoir peut vous donner », avertit Patrice Prat. À Laudun, les amis de Montebourg n’ont qu’une crainte : qu’il n’en fasse bientôt qu’à sa tête, en parlant à tout bout de champ ou en s’imaginant jouer les hommes providentiels. « La résurgence de la gauche ne passera pas par un homme seul ou une femme seule, prévient le député Philippe Baumel, qui escalade chaque année le Mont Beuvray avec Montebourg. Et s’il fait cavalier seul, alors il finira seul. »

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La Manif pour tous s'adresse aussi à « la droite molle »

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« Merci de bien vouloir laisser les élus ouvrir la marche, ce sont eux qui portent notre voix ! » Les organisateurs de la “Manif pour tous” ont beau s’époumoner du haut de leurs chars pour demander aux manifestants de ne pas doubler les quelques personnalités de l’UMP venues soutenir le rassemblement parisien du dimanche 5 octobre, rien n’y fait. « Ces personnes ne représentent qu’elles-mêmes, grogne non loin de là Patrick, un marchand de journaux de 50 ans, qui a été de toutes les manifestations depuis le début du mouvement. La famille, c’est l’écharde dans la chair de la droite, à l’UMP comme au FN. Ils ne savent pas quoi en faire. »

Dans le cortège parisien de la “Manif pour tous”, le 5 octobre.Dans le cortège parisien de la “Manif pour tous”, le 5 octobre. © ES

Plusieurs représentants des deux partis sont pourtant présents ce dimanche. Laurent Wauquiez, Michèle Alliot-Marie, Xavier Bertrand, Hervé Mariton, Christine Boutin, Louis Alliot, Marion Maréchal-Le Pen, Bruno Gollnisch… Ensemble, ils fustigent pêle-mêle la loi Taubira, la prétendue “théorie du genre”, le recours aux mères porteuses ou encore le « matraquage fiscal des familles »… Autour d’eux, de nombreuses poussettes, quelques soutanes et beaucoup, beaucoup de drapeaux bleus et roses.

© ES

Les slogans évocateurs que l'on peut lire sur les pancartes – « Hollande, t’es foutu, les familles sont dans la rue », « Une belle-mère, oui, oui, oui ; deux belles-mères non, non, non », « Hollande, ta mère, est-ce qu’elle s’appelle Robert ? » – sont repris en chœur par les manifestants. Plus d’un an après l’adoption de la loi autorisant le mariage aux couples de même sexe, plus personne ne semble s’étonner que la droite et l’extrême droite défilent, tout sourire, au sein d’un seul et même cortège.

Les députés UMP Daniel Fasquelle et Laurent Wauquiez.Les députés UMP Daniel Fasquelle et Laurent Wauquiez. © ES
La députée FN Marion Maréchal-Le Pen.La députée FN Marion Maréchal-Le Pen. © ES

Ce qui étonne les manifestants, en revanche, c'est que certains élus UMP, qui avaient brillé par leur absence lors des derniers rassemblements, soient de nouveau à leurs côtés ce dimanche. En donnant des gages à la droite conservatrice deux jours avant la manifestation, Manuel Valls s'est quelque peu protégé des critiques. Les organisateurs de la “Manif pour tous” l'ont toutefois prévenu en fin de journée, en lançant à la foule : « À la prochaine fois. Si M. Valls n'est pas passé de la parole aux actes, nous reviendrons ! » 

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Malgré les déclarations du premier ministre, les membres du gouvernement socialiste – François Hollande et la ministre de l'éducation, Najat Vallaud-Belkacem, en tête – continuent de cristalliser la colère des manifestants. Mais ils ne sont pas les seuls. « La droite est aussi molle que la gauche, s'agace Christophe, une pancarte “La femme n'est pas une machine à bébés” à la main. Ils sont incapables d'adopter une position claire sur les valeurs que nous défendons et ils viennent défiler… C'est ridicule. »

Le député UMP du Val-d’Oise, Jérôme Chartier, n'est évidemment pas de cet avis. « Le vrai sujet, c’est la GPA (gestation pour autrui – ndlr) et nous sommes tous contre les mères porteuses, explique ce proche de François Fillon, dans la rue pour la première fois. Pour le reste, il s’agit de nuances… » Des nuances qui ont pourtant leur importance aux yeux des milliers de manifestants réunis à Paris – ils étaient 70 000, selon la préfecture de police et 500 000 selon les organisateurs – et à Bordeaux.

Car si les revendications du jour portent effectivement en grande partie sur la GPA et l'assistance médicale à la procréation (AMP, également appelée PMA) – sans qu’aucune distinction ne soit faite entre les deux sujets, qui n’ont pourtant rien à voir –, l’abrogation de la loi Taubira reste encore et toujours la principale marotte de la droite conservatrice.

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Or personne à l’UMP ne semble d’accord sur la façon de procéder en cas de retour au pouvoir en 2017. Même les élus défilant ce dimanche sous la même bannière ont chacun un point de vue différent sur la question. Quand Jérôme Chartier explique qu'il faudra simplement « réécrire le texte », Laurent Wauquiez, lui, s'exprime en faveur de l’abrogation pure et simple de la loi, alors même que le candidat qu'il soutient dans la course à la présidence du parti, Nicolas Sarkozy, ne se prononce pas encore clairement sur le sujet. « Nicolas Sarkozy est en pleine réflexion, mais ses proches sont là aujourd’hui… », élude un autre soutien de l’ex-chef de l’État, le cofondateur de La Droite forte, Guillaume Peltier.

Christine Boutin, quant à elle, estime que l’ancien président « devra être clair sur le sujet » s’il ne veut pas perdre « un million de voix ». Des voix que l’ex-présidente du parti chrétien-démocrate elle-même n'est toujours pas parvenue à récupérer, et ce malgré une présence continue lors des différents rassemblements de la “Manif pour tous”. En témoignent les 0,71 % péniblement engrangés par sa formation Force Vie aux dernières élections européennes. « Aujourd’hui, nous adressons un message à François Hollande, mais pas seulement, explique Ève, une manifestante de 43 ans. Nous souhaiterions que la droite nous entende. L’UMP devrait être beaucoup plus ferme. »

Comme beaucoup de manifestants interrogés ce dimanche par Mediapart, Ève ne se sent pas représentée par la classe politique française. Elle qui vote « tout le temps à droite, parfois même encore plus à droite », ne sait plus « à quel saint se vouer » tant « les partis louvoient sur la question ». « Même le FN est ambigu, renchérit Patrick, qui défile non loin de là. De toute façon, UMP ou FN, ce n’est pas le sujet. C’est notre honneur que l’on défend, même si je pense qu’on a déjà perdu. La GPA finira par être autorisée en Europe. C’est une première étape, après ce sera le clonage. C’est un engrenage à la Huxley (l’écrivain britannique Aldous Huxley, auteur du Meilleur des mondes – ndlr). »

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Présent dans le cortège, Stéphane Ravier, maire frontiste du VIIe secteur de Marseille, élu sénateur dimanche dernier, a expliqué être là pour « rappeler que la famille a quelque chose de sacré, en plus d’être naturelle ». « Contrairement à beaucoup de l’UMP, on n’a pas attendu une opportunité électoraliste pour venir, a-t-il précisé. Notre position est claire : on abrogera la loi sur le mariage homosexuel. La famille, c’est un homme et une femme. »

Un argumentaire repris le même jour par Marine Le Pen, au micro de France Inter dans l'émission “Tous politiques”. La présidente du Front national en a d'ailleurs profité pour justifier son absence à la “Manif pour tous” : « En tant que présidente de parti politique, je n'ai pas ma place dans cette manifestation, a-t-elle indiqué. Chacun au FN avait le droit d'y aller et de pas y aller. Pour ceux qui ne le voulaient pas, ça ne change pas le fond du programme du Front national. »

Certains absents du 5 octobre ont tout de même tenu à s'exprimer sur Twitter pour afficher leur soutien au mouvement. C'est notamment le cas du député UMP des Alpes-Maritimes, Éric Ciotti. D'autres, à l'instar du député et maire UDI de Montereau, Yves Jégo, ont préféré utiliser le réseau social pour marquer leur différence, en moquant de façon détournée le rassemblement.

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Didier Porte joue son spectacle, Didier Porte, à droite !, tous les mercredis à 21 h 30 au Théâtre Trévise : 14, rue de Trévise, 75009 Paris (réservation : 01 48 65 97 90).

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Les anti-FN se réorganisent mais sans stratégie commune

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Au lendemain de la victoire de l’extrême droite dans quatorze villes, ils ont été « assommés » et « isolés ». Dans certaines villes, l’opposition républicaine était en lambeaux, « il a fallu tout reconstruire », racontent-ils. Six mois plus tard, chaque municipalité frontiste compte son « comité de vigilance républicaine ». Mais le réveil des anti-FN a apporté son lot de questionnements.

Comment s’opposer à un Front national au-dessus de la barre des 20 %, qui a fait son entrée à tous les échelons, des mairies au Parlement ? Comment répondre à un FN qui a ouvert sa base militante, séduit les jeunes et est en passe de gagner la bataille de la communication ? Comment répliquer quand les manifs anti-FN ne mobilisent plus, et que le FN renverse la table en présentant ses opposants comme des « mauvais perdants » et des « anti-démocrates » « sectaires » ?

À l’approche du congrès frontiste, qui se tiendra à Lyon les 29 et 30 novembre, les discussions sont vives au sein des opposants de Marine Le Pen. D'un côté, les tenants d’une ligne antifasciste héritière des années 1990 et du slogan « F comme fasciste et N comme nazi », soucieux de rappeler l’histoire du FN que sa présidente n’a jamais reniée. De l’autre, ceux qui estiment que le FN ripoliné de Marine Le Pen nécessite de nouveaux outils et l’abandon d’une « opposition bête et méchante ». Faut-il parler du Front national ou considérer qu’en parler, c’est faire son jeu ? Continuer à tenir un discours moralisateur à ses électeurs ou les convaincre par des contre-argumentaires ? Mener des répliques nationales ou locales ? Abandonner les contre-manifestations ? Mediapart leur a posé la question.

Tous le reconnaissent : après la scission du FN en 1998 et la fuite d’une partie des troupes chez Bruno Mégret, comme après le siphonnage des voix frontistes par Nicolas Sarkozy en 2007, ils ont cru que le Front national était « cuit ». « En 1998, avec l’émergence d’Attac, on a eu un premier transfert de militants. Le 21 avril 2002 a été un sursaut sans lendemain. Et en 2008, Ras l'front s’est disloqué », se souvient André Déchot, ancien de Ras l'front aujourd'hui responsable du groupe de travail “extrême droite” de la Ligue des droits de l’homme (LDH).

André Déchot, de la Ligue des droits de l'homme.André Déchot, de la Ligue des droits de l'homme. © Capture d'écran Europe 1.

Pour ce militant quadragénaire, « 2007 semblait la confirmation d’une fin de cycle. Pendant cette décennie-là, tout le monde a baissé la garde. On a sous-estimé ce qui se passait à droite. Le FN n’était pas au pouvoir, mais ses idées l’étaient en partie. On a assisté à une radicalisation à droite de certains électeurs »« Certains ont cru que le problème, c’était Sarkozy et que la question FN était réglée », confirme Luz Mora, qui milite contre l’extrême droite depuis 2000, avec Ras l'front puis avec le réseau syndical antifasciste Visa. Et puis l’anti-fascisme n'était « plus à la mode », « c’était l’anti-mondialisme ».

Les syndicats sont les premiers à faire les frais du prétendu virage « social » affiché par Marine Le Pen (lire notre décryptage). Les cas de syndicalistes candidats pour le FN, tout en restant minoritaires, se multiplient. Et nombre d’ouvriers hier hermétiques à l’extrême droite prêtent désormais une oreille au discours du Front national. « En 2009, on a connu un “pic”. Il y a eu une prise de conscience des syndicats », témoigne Luz Mora. Lorsqu’en 2011, le cégétiste Fabien Engelmann, élu depuis maire d’Hayange (Moselle), rallie le Front national, la CGT rappelle que « la préférence nationale n'est pas compatible avec le syndicalisme ».

Mais la véritable alerte a eu lieu après les 18 % de Marine Le Pen en 2012, et les cartons du FN aux élections partielles de l’Oise et de Brignoles en 2013. Au PS, où la réplique au FN a été quasi inexistante pendant la campagne présidentielle (lire notre article), des militants sonnent l’alarme. « Beaucoup nous ont dit “il faut s’y remettre”, “on n'est pas armés pour répondre à un FN qui a changé de forme” », se souvient Sarah Proust, secrétaire nationale du PS chargée de la « riposte ». « Lors des partielles, les copains se sentaient seuls localement. » Avec la secrétaire nationale Elsa di Méo et le député Yann Galut, ils se remettent au travail : création d'une nouvelle « boîte à outils » régionalisée et organisation d'une tournée des fédérations pour former les militants.

Les secrétaires nationales du PS Elsa di Méo et Sarah Proust, qui ont relancé la lutte contre l'extrême droite.Les secrétaires nationales du PS Elsa di Méo et Sarah Proust, qui ont relancé la lutte contre l'extrême droite. © dr

Au Front de gauche, parti le plus en pointe sur les argumentaires de réponse au FN en 2012, les discussions et initiatives n’ont pas encore repris. « On va réfléchir à ce qu’on veut mettre en place face au congrès du FN de novembre », explique Alexis Corbière, secrétaire national du parti de gauche, chargé de la lutte contre l’extrême droite. Mais il annonce qu’il « n’ir(a) pas défiler bras dessus bras dessous avec le PS pour dire que le rempart à Le Pen, c’est François Hollande. Ce pouvoir joue la menace FN pour demander le rassemblement, Valls nous explique que le FN est aux portes du pouvoir. Cette dimension cynique et tactique me gêne ».

« On dit tous que la catastrophe est là, mais on ne fait rien », déplorait début septembre dans Mediapart Danielle Obono, l'une des anciennes porte-parole de Mélenchon pendant la campagne, membre d'Ensemble! « On n'a aucun discours sur le FN. Depuis le “Front contre Front” de Mélenchon, on a décrété que ça ne marchait pas, mais on n'a rien proposé depuis… » André Déchot, de la LDH, reconnaît qu’« en 2012, le Front de gauche avait fait bouger le curseur “identité nationale” vers l’identité citoyenne », mais il déplore qu’on soit ensuite « revenus à l’ancien modèle et un combat de coqs à Hénin-Beaumont ».

Luz Mora, du réseau syndical antifasciste Visa, engagée depuis 2000 contre l'extrême droite.Luz Mora, du réseau syndical antifasciste Visa, engagée depuis 2000 contre l'extrême droite. © dr

C’est du côté des associations et syndicats que l’impulsion est venue. Le réseau syndical antifasciste Visa, qui regroupe des militants de tous les syndicats, réalise argumentaires de réponse, brochures pédagogiques et formations, « pour répondre à ceux qui disent que le FN va sauver les salariés », explique Luz Mora.

En janvier, la CGT, FSU, Solidaire et des syndicats étudiants (l’UNEF et la FIDEL) ont lancé une « campagne unitaire » sur l’extrême droite, pour décortiquer les discours du FN et « outiller les militants ». « On veut montrer que la réponse est dans le progrès social, pas dans le repli sur soi et la haine de l’autre, rapporte Pascal Debay, 41 ans, secrétaire général de la CGT en Moselle. On a organisé des débats publics dans une trentaine de départements. On est en train de monter en puissance. »

De son côté, la LDH a remobilisé ses réseaux avec la reconstitution, fin 2012, d’un groupe de travail sur l’extrême droite et une réunion des sections. Une coordination nationale contre l’extrême droite (Conex) a été créée au printemps 2013, composée de VISA, des comités de vigilance, d’anciennes branches locales de Ras l'front, et de collectifs antifascistes comme la Horde. L’objectif : partager informations et matériel militant.

Ces initiatives aboutiront à une série d’événements, fin novembre, au moment du congrès frontiste : une quatrième session intersyndicale à l'initiative de la Conex ; un rendez-vous national des comités départementaux à Paris, rassemblant toutes les structures signataires de l'appel du Collectif Liberté Égalité Fraternité "Pour un avenir solidaire" ; l’université d'automne de la LDH ; le lancement de la cellule de veille du PS sur les villes d'extrême droite, lors d'un atelier de deux jours avec les ex-têtes de listes, les premiers fédéraux des départements concernés, les secrétaires de section.

Si la volonté de relancer l’opposition à l’extrême droite est claire, la manière de s’opposer l’est beaucoup moins. Pour Sarah Proust, qui a commencé son engagement contre l’extrême droite dans les années 1990, « qu’on le veuille ou non, le FN a changé, il est devenu plus dangereux qu’avant ». « J’ai dû modifier mon discours, mes méthodes, mes outils, raconte-t-elle. Il y a dix ans, face à Jean-Marie Le Pen, je ne faisais pas un argumentaire de fond sur la sortie de l’euro. Ce qui constituait hier une introduction à la lutte FN – "le FN est antirépublicain" – est devenu une conclusion qu'il faut désormais démontrer. »

Daniel Truong, de l'association Tusekoi, partenaire du centre social fermé par le maire FN de Fréjus.Daniel Truong, de l'association Tusekoi, partenaire du centre social fermé par le maire FN de Fréjus. © M.T. / Mediapart

André Déchot, de la LDH, reconnaît que « certains militants sont restés sur un antifascisme des années 1980-2000, et disent “Le Pen, on connaît”. Ils ne voient pas qu’un changement de forme s’est opéré au FN, qu’il joue le rôle du PCF d’hier en termes de promotion sociale et de promotion des jeunes. Une nouvelle génération arrive et elle n’est pas suffisamment débattue ». « Quand vous ne savez pas comment faire, vous faites les vieilles recettes, déplore-t-il. Quand l’extrême droite organise un événement, on fait une contre-initiative au lieu de produire la nôtre. »

La question se pose concrètement à l’occasion du congrès du FN. S'ils sont nombreux à estimer qu'il ne faut pas « rester muet face à un parti qui continue de prôner l’exclusion », ils prônent plutôt une riposte régionale, comme au congrès de Tours en 2011. « Ceux qui veulent un Strasbourg 1997 à Lyon n’auront pas 40 000 personnes et une semaine de forum, prévient André Déchot. Le FN l’utilisera en disant “nous pesons 20 % des voix, regardez comme ces gens ne sont pas démocrates”. Ce sera perçu comme une diversion. Ils pointeront le moindre accrochage. » « Les contre-manifs, on sait comment ça se termine, c’est un échec, tranche Pascal Debay, qui était présent à Strasbourg en 1997 et refuse désormais de « mettre toute son énergie dans des contre-manifestations systématiques ».

« Tous les modes d’opposition sont bons et complémentaires », nuance Luz Mora. « La manifestation existe encore. Il faut occuper le terrain, surtout face à la banalisation du FN dans les médias. » « Il n’y a pas un seul choix stratégique. Il faut tout faire : argumenter, moraliser, organiser des manifestations locales, nationales, aller au combat idéologique », pense aussi Sarah Proust, qui prône une réplique « globale » face à un parti devenu « multifacettes ». « Être face à Florian Philippot ou David Rachline, ce n’est pas pareil. Il faut tenir les deux maillons de la chaîne : décliner le discours sur tous les territoires, ne pas avoir des outils nationaux déconnectés, ni s’en tenir à des tracts régionaux. »

Dans les villes FN, la réplique marche pour l’instant sur deux jambes : un volet animation axé sur le « vivre-ensemble » et un travail de recension des propositions et déclarations des maires frontistes. Des informations que font remonter les « comités de vigilance » via un intranet mettant en réseau les villes. « L’important est d’analyser les gestions des maires, des députés, des eurodéputés, puis de les populariser. Il faut juger le FN non pas sur ses communiqués de presse mais sur ses propositions et amendements. On va les voir aux affaires », explique Luz Mora, qui ironise : « Et quand il y aura des soucis, le FN les exclura en disant “ce n’est pas nous”, comme il l'a fait dans les années 1990. » « Le FN aura un bilan. Et on pourra pointer les contradictions », abonde Pascal Debay, qui cite l’exemple du Pontet, où le maire « supprime la gratuité des cantines au nom d’économies budgétaires mais augmente son indemnité d’élu ».

C’est en région Paca, où l’extrême droite a remporté sept de ses quatorze villes, qu’on trouve le pôle de résistance le plus actif. À Fréjus (Var), plus grande ville frontiste avec 53 000 habitants, la socialiste Elsa di Méo a mis sur pied un Forum Républicain qui revendique 150 adhérents. L'association a déjà organisé des « journées du vivre ensemble » pour contrer l'université d'été du FNJ en septembre, et organisera en novembre sa deuxième réunion nationale des comités de vigilance, à Béziers. Une coordination des trois collectifs varois a aussi été mise en place, avec une lecture des bilans chaque mois. En épluchant les marchés publics de la municipalité FN, le Forum a aussi levé quelques lièvres, comme l’attribution de contrats à des sociétés amies.

À Cogolin (Var, 11 000 habitants), le comité de vigilance « Place publique » s’est fixé comme ligne de « ne pas se heurter pour se heurter » et de « s’opposer par des éléments factuels », raconte Sereine Mauborgne, sa porte-parole. Cette infirmière libérale de 42 ans, « centriste », veut « dénoncer les idées reçues entendues au café chaque matin pour montrer que le FN s’est ripoliné, mais n'a pas changé ». Elle énumère : « Lorsque le maire dit qu’il fait détruire une “extension illégale de la mosquée”, on explique qu’il s’agit d’une marquise pour protéger de la pluie ! Lorsque les habitants saluent le concert hommage au Pink Floyd, on explique qu'il avait été prévu par l’ancienne municipalité. On a fait invalider une décision municipale sur la culture, sur un vice de procédure. Il ne faut pas rater les verbes et les manières de détourner la réalité. »

Au Luc (Var, 9 500 habitants), Roger Depierre, ancien candidat sur la liste divers gauche, a pris la tête du comité « Ensemble pour le Luc » pour en faire « un contre-pouvoir municipal ». « La population est chloroformée, on l’amuse avec de la musique, on supprime l’épicerie solidaire, on donne moins de moyens à l’école. Nous, on ne veut pas donner un blanc-seing au FN », raconte-t-il.

Roger Depierre, président d'« Ensemble pour le Luc », le comité de vigilance du Luc, à Fréjus, le 7 septembre.Roger Depierre, président d'« Ensemble pour le Luc », le comité de vigilance du Luc, à Fréjus, le 7 septembre. © M.T. / Mediapart

À Béziers (Hérault, 71 000 habitants), Christophe Coquemont, le porte-parole du comité de vigilance, démonte une par une les « annonces médiatiques » de Robert Ménard « qui font parler mais qui sont inapplicables », à commencer par l'interdiction d'étendre du linge aux balcons.

À Hayange (Moselle, 16 000 habitants), le collectif « Hayange plus belle ma ville » se félicite d’avoir joué un rôle de premier plan dans la médiatisation de la gestion calamiteuse du maire, Fabien Engelmann. « Ce devait être un laboratoire du FN, on a eu le maire le plus incompétent, explique le porte-parole Marc Olenine. On a lancé des alertes aux médias : sur ses peintures d’une œuvre d’art et de wagons de mines, sur la suppression de l’atelier de danse orientale, sur sa page Facebook remplie de commentaires haineux et xénophobes de ses "amis". »

Cet ancien communiste, qui s’est ré-engagé à l’occasion des municipales, martèle que « l’échec » du maire est aussi celui du programme du FN, « inapplicable » : « Engelmann s’est coupé de toutes les collectivités locales avec lesquelles il devait travailler. Il applique avec zèle et incompétence le programme de Le Pen : fermeture des frontières, économie sur les fraudes sociales, priorité nationale. »

Mais ce travail de récit du quotidien dans une ville FN doit s’accompagner « d’événements populaires et de mobilisations pour créer, agir », explique Charly Nahmani, secrétaire national de l'UEJF, qui réalise un tour de France des municipalités frontistes. « Les gens ne s’engagent pas à cause d’un certain climat de peur. Il faut leur faire comprendre qu’ils ne sont pas des victimes de la municipalité, mais les ayants droit. » Secrétaire de la section PS de Fréjus et membre du Forum républicain, Tarik Belkhodja s’inquiète « de la résignation de la communauté maghrébine dans les villes varoises. La question, c’est de savoir comment les remobiliser et leur faire comprendre que ce n’est pas normal », explique-t-il.

Charly Nahmani, secrétaire national de l'UEJF, et Sacha Czertok, délégué national de l'UEJF, à Fréjus, le 7 septembre.Charly Nahmani, secrétaire national de l'UEJF, et Sacha Czertok, délégué national de l'UEJF, à Fréjus, le 7 septembre. © M.T. / Mediapart

Conférences, tourisme social, festival, animation : dans les villes FN, les comités de vigilance misent sur une présence permanente sur le terrain, et tentent de « retisser du lien social ». À Béziers, Christophe Coquemont estime qu’« avec Marine Le Pen, on est passés dans une autre dimension. Elle parle d’immigration, mais aussi d’économie, de chômage. On ne va plus dire aujourd’hui que le FN est un parti de fascistes, même s’il en a le terreau ».

Pour ce militant socialiste qui « a pris ses responsabilités » après la victoire de Robert Ménard, « il faut aller au contact des électeurs du FN, leur poser la contradiction sans les brusquer. Tous les matins, je passe au café pour discuter avec les gens. Après l’élection, la parole s’est libérée, on me disait “Alors ?! Nous, on a gagné !”. Ils ne votent pas pour des idées fascisantes, mais d’abord contre le PS et l’UMP. Ils ont le sentiment qu’on ne les aide plus. Parfois, quand on argumente, certains admettent que “oui, c’est vrai, on ne devrait pas tout mélanger” ». Le collectif ambitionne de créer un immeuble associatif avec l’achat commun d’un local municipal à l’abandon dans le centre-ville. « Ce sera un endroit pour boire un café, participer à la vie associative. On veut remettre le citoyen au cœur de la vie. »

Autre stratégie en question : l’indignation morale. Hier moteur de la mobilisation anti-FN, elle « s’est fracassée à cause de la désespérance économique et sociale », résume le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite. « La dénonciation morale du FN, si elle n'est pas adossée à une critique sociale, ne fonctionne pas », souligne Alexis Corbière, du Front de gauche. « Il faut dépasser la culpabilisation des électeurs frontistes, dire “c’est pas bien”, “ce sont des fascistes”. J’ai connu le 21 avril 2002, tout cela on l’a fait, on a vu le résultat », grince Pascal Debay, qui constate que, chez les « jeunes salariés, certains messages ne passent plus ». Sarah Proust reconnaît que dire aux jeunes « que leur vote FN est immoral, raciste et xénophobe » ne les tient plus à distance du FN. 

Pascal Debay, secrétaire général de l'Union départementale CGT de Moselle.Pascal Debay, secrétaire général de l'Union départementale CGT de Moselle. © Capture d'écran d'une vidéo de l'Humanité.

Derrière cette tentation de l'attitude moralisatrice, « le danger est qu’on reste dans l’entre-soi », met en garde Pascal Debay, qui voit le FN grignoter la Moselle : « On ne va pas se raconter d’histoires, le vote FN est important. J’ai vu des villages où le Front national a explosé. C’est lié à la déception de l’arrivée de Hollande, le poids de la trahison de Florange, l’explosion du chômage, la hausse de la pauvreté, cumulés à des questions qui traversent la société comme celle de l’islam. C’est explosif. Depuis deux ans, on sent que ça monte. Il y a un rejet des élites, de la classe politique, des organisations syndicales, des médias. On entend tout le temps “gauche ou droite, ça ne change rien de toute façon”. » Lui qui est éducateur spécialisé constate aussi « un rejet croissant des gens en difficultés, différents, au chômage. Il y a des personnes irrécupérables, il y a ceux qui votent FN par colère, ceux qui se laissent séduire par le vernis d'un prétendu “virage social”. Mais le message passe ».

« La stratégie “Front contre Front” ne marche pas. Le FN, qu’on le veuille ou non, a réussi à ne pas se positionner à l’extrême droite. À Hayange, il a pris une grande partie de l’électorat de gauche », confirme Marc Olenine.

Chantal Bonivar, de la Ligue des droits de l’homme de Picardie, fait le même constat en voyant « des villages ruraux tranquilles de l’Oise placer le FN en tête ». Dans cette région, où le parti lepéniste a réalisé ses meilleurs scores aux européennes, et où plusieurs groupuscules radicaux d’extrême droite sont durablement implantés, la LDH a créé un groupe régional qui recense toutes « les propositions discriminatoires et les propos anti-démocratiques » des élus FN. Dans l'Aisne, devenu le premier département frontiste, les européennes ont agi comme un détonateur : un comité de vigilance a été lancé fin septembre. « On est démunis, on se pose la question des méthodes de militantisme. En faisant des conférences-débats, on se retrouve entre convaincus. On va aller à la rencontre des gens, refaire du porte-à-porte, louer des salles dans les quartiers », raconte Chantal Bonivar.

« On entame un long travail de conviction, qui ne prendra pas le temps d'une campagne électorale », promet Pascal Debay. « Il faut se rendre accessibles, écouter, comprendre, aller voir les moins de 35 ans notamment. Parler de l’histoire du Front national, démonter le discours du FN qui dit s’adresser aux ouvriers, son argumentation économique, rappeler que ce que rapporte l’immigration est supérieur à ce que cela coûte. Et avant cela, il faut convaincre nos militants d’aller distribuer nos argumentaires, qu’ils soient assez costauds car on s’en prend plein la figure. »

« On est outillés. Maintenant, il faut prendre notre bâton de pèlerin, faire le tour des fédérations, faire des formations, du porte-à-porte », explique la socialiste Sarah Proust. « L'idée est d'être opérationnel pour les cantonales, en formant en priorité les fédés où le FN a des villes, puis on fera les régions qu'il vise, ajoute Elsa Di Méo. Mais la difficulté, c'est la mise en œuvre et la nécessité de trancher certaines questions. Par exemple : est-ce qu'on est obligé de faire du "anti-FN" pour maintenir un cordon sanitaire ? » Si cette question est tranchée nationalement, elle ne l'est pas forcément localement. À Hénin-Beaumont, la gauche locale estime que ce discours ne porte pas face à un Steeve Briois aux accents « sociaux ».

« Derrière ces initiatives pertinentes du PS, le national ne suit pas en termes de moyens, estime un fin connaisseur de l'extrême droite. Les cantonales sont en mars, à ce train-là les formations des fédéraux seront terminées en 2017… Ils ne sont pas dans le déni, mais le réveil est trop tardif. »

Car sur plusieurs points, la mobilisation rame encore. Exemple sur la bataille de la communication. « Sur l’outil Internet, l’extrême droite a dix ans d’avance, estime André Déchot. Égalité et Réconciliation (le mouvement d’Alain Soral - ndlr), Jean-Yves Le Gallou, des web télés comme TV-Libertés, et surtout le Bloc identitaire fonctionnent en réseaux de sites indépendants. Le réseau Ras l’front, les collectifs locaux, les associations monothématiques comme Droit au logement ont des sites propres mais on est restés sur une organisation centralisée, on ne sait pas fonctionner en toile. Il faut relancer notre réflexion. »

« On essaie d’être réactifs sur Internet, mais on ne passe pas notre temps devant notre ordinateur comme eux, nous sommes sur le terrain, eux n’y sont pas pour défendre les droits des salariés ! répond Luz Mora. Pour la militante, « l’outil internet est un vecteur, il ne remplace pas le reste. Notre brochure, on l’envoie gratuitement. »

Autre chantier, pour André Déchot : « renverser les imaginaires » et « reconstruire de la solidarité ». « La question, c’est comment on met au cœur du débat la défense et les promotions des droits dans une société qui se fragmente. Il faut retisser le militantisme solidaire, l’idée que la solidarité est une force et non une faiblesse. Mais c’est un travail sur le très long terme et qui ne répond pas à l’actualité immédiate, aux questions urgentes. » À Hénin-Beaumont comme à la LDH, des campagnes inclusives sur le thème du vivre ensemble ont été mises sur pied (voir ici et ).

Le Front des anti-FN doit surtout affronter divisions et isolement. « Les élections ont parfois laissé des plaies locales », reconnaît André Déchot. Dans le Var, l'« observatoire de la démocratie locale » de la LDH et le Forum républicain ne sont pas parvenus à travailler ensemble. Dans plusieurs villes, les comités peinent à recruter au-delà des listes de gauche. Bien souvent, les anti-FN de droite ne les ont pas rejoints. « On est relativement isolés, admet Sereine Mauborgne, à Cogolin. Ceux qui sont déçus de cette élection savent où nous sommes. Il faut rester humble, 53 % des habitants ont voté pour le FN. »

À Fréjus, Marie-Josée de Azevedo, jeune enseignante qui a pris la co-présidence du Forum républicain, reconnaît qu’elle peine à « attirer les foules. Les gens me disent “bien sûr je viendrai” et ne viennent pas. La population maghrébine a peur. On veut porter la parole de ceux qui ne peuvent pas s’exprimer ». Son collègue Michel Delage admet que l’élargissement de leur comité est difficile face à un maire « qui a convaincu au-delà du FN, et fait un travail de légitimation auprès des jeunes. Les gens disent: “laissez-le faire et on verra ensuite” ». À Béziers, le comité, né du Front républicain, a vu fuir ses membres de l’UMP après l’hommage commun à des fusillés de l'OAS de l’UMP Élie Aboud et de Robert Ménard.

La première réunion du Forum républicain avec SOS Racisme et l'UEJF, pour le bilan des 100 jours des maires FN, le 29 juin 2014.La première réunion du Forum républicain avec SOS Racisme et l'UEJF, pour le bilan des 100 jours des maires FN, le 29 juin 2014. © dr

Ils sont nombreux, parmi les anti-FN, à estimer que « les maires sont mal entourés » et « qu'il faut attendre qu'ils trébuchent ». Un leurre pour le politologue Jean-Yves Camus, qui estime vain de miser « sur l’effondrement des municipalités FN par les départs et scissions » ou « sur l’échec de maires incompétents ». L’équipe d’Hénin-Beaumont « semble solide » et David Rachline a confirmé son ancrage local en étant élu sénateur, fait remarquer le chercheur.

« La riposte ne doit pas tant porter sur des mesures symboliques que sur celles qui démontrent le fossé entre la ligne “sociale” du FN et sa pratique de gestion », affirme Jean-Yves Camus. Ce qui implique « d’éplucher les délibérations des conseils municipaux, d’être présent et actif sur le terrain pour préparer la reconquête », d'avoir une opposition municipale présente pour « pointer, en priorité, ce qui affecte quotidiennement la vie des habitants. À commencer par les plus défavorisés d’entre eux ». « Il faut redire qu'on est face à une force anticapitaliste qui ne défend pas les classes populaires et surtout porter une alternative politique, martèle Alexis Corbière. Sans oublier que le premier problème, c'est l'abstention. »

BOITE NOIRETous nos interlocuteurs ont été interviewés courant septembre, à l'occasion de reportages ou, pour certains, par téléphone.

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Dans l'Yonne (2/2), Pôle Emploi reconvertit dans la douleur les ouvriers

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Brienon-sur-Armançon (Yonne), de notre envoyé spécial.-  Attablés dans un petit snack bordant la départementale qui traverse le village de Brienon-sur-Armançon (Yonne), cinq hommes discutent de leur usine. Il s'agit de Sicli. Comme d'autres industries avant elle dans la région, cette fabrique d’extincteurs, présente depuis 1967 dans le centre de l’Yonne, s’apprête à fermer en janvier prochain (lire le premier volet de notre reportage ici). Aux fourneaux, leurs “entrecôtes-frites” à 8 euros sont préparées par Hubert, 25 ans, plombier de formation, restaurateur par obligation.

« J’ai deux CAP de plombier-chauffagiste. Après mon apprentissage, mon patron m’a demandé de me former quelque temps ailleurs avant de me reprendre. J’ai cherché un contrat un an et demi avec Pôle Emploi sans aucune proposition dans la région. J’en ai eu marre, dès qu’un snack a fermé, j’ai repris l’affaire. C’était la seule solution intéressante à mes yeux », raconte le jeune gérant. Des histoires similaires se répètent dans les bistrots ou les petits commerces du centre de l'Yonne. Celle d'un ex-manutentionnaire qui dit faire « des semaines de 95 heures » pour rentabiliser son café, acheté il y a neuf ans. Celle d'un ancien ouvrier d'usine devenu fleuriste à son compte dans un hypermarché.

Car dans le département, l'heure est à la reconversion dans la douleur. À Brienon comme à Saint Florentin, ou plus loin, à l’est, à Flogny-la-Chapelle ou à Tonnerre, dans ces communes qui avoisinent chacune les 5 000 habitants, le revenu annuel moyen oscille entre 17 000 et 20 000 euros. À l’exception d’une poignée de PME spécialisées dans la métallurgie, la plasturgie ou le recyclage encore solidement implantés à Brienon et Saint-Florentin, l’industrie s’est progressivement effacée du paysage local. Le nombre d'emplois dans ce secteur a chuté de 26,4 % en dix ans, tandis que celui des commerces et surtout des services connaissent une croissance de 2,4 % et 4,3 %.

À Tonnerre, cité coquette avec son architecture bourgeoise et ses monuments médiévaux, seules deux industries fragiles et aux mains de capitaux étrangers sont encore implantées. Dans les années 1980, l’usine Thomson, qui fabriquait, entre autres, des magnétoscopes, employait plus d’un millier de salariés, pour une population de 5 300 habitants. Le site a fini par fermer en 2002. Dix ans plus tard, c’est la cimenterie Lafarge et ses 71 employés qui cessait ses activités. La même année, Petit Bateau décidait de déplacer à Troyes (Aube), à soixante kilomètres de là, ce qu’il restait de ses ateliers.

« Jusqu’à (il y a) un an et demi, on observait un fort flux de licenciements économiques. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, on est au bout du processus », explique Sabine Gauffre, responsable de l’agence Pôle Emploi de Tonnerre. Elle dit lutter désormais contre « un chômage conjoncturel », qui frappe la région comme le reste de pays. Les locaux de l’agence ont été inaugurés en janvier dernier sur la place centrale de la ville. Jusqu'alors, les conseillers de l’antenne recevaient les chômeurs dans un appartement, au deuxième étage d’un immeuble mis à disposition par la mairie. « Au-delà de trois personnes à l’accueil, c’était l’embouteillage », raconte Mme Gauffre.

Des maisons médiévales, quelques vieux HLM du boom industriel, des champs... paysage classique des cités du centre de l'Yonne.Des maisons médiévales, quelques vieux HLM du boom industriel, des champs... paysage classique des cités du centre de l'Yonne. © Daniel Jolivet/ Flickr/ CC

Avec son équipe, passée de cinq à huit conseillers titulaires pour 1 100 demandeurs d'emploi à traiter, la directrice met en avant le suivi « au cas par cas » : « On n’est pas une agence de flux comme à Auxerre », argue-t-elle.

Dans cette ville, où l’histoire ouvrière vient de se refermer, la mission principale fixée par l’agence est de lever les freins psychologiques des demandeurs d’emplois et d'« ouvrir les horizons ». Avec, en premier lieu, la mobilité vers le proche vignoble du Chablis ou les bassins industriels de Troyes et Montbard (Côte-d’Or), à soixante-dix kilomètres de là. « Pendant longtemps, l’emploi était localisé. À l’époque de Thomson, l’entreprise organisait un ramassage de bus pour ses salariés. Beaucoup de demandeurs n’ont jamais eu le permis, c’est compliqué à gérer. Ce problème est particulièrement aigu pour les jeunes », explique Christophe, le plus ancien des conseillers du Pôle Emploi du Tonnerrois.

L’agence multiplie donc les partenariats avec les structures locales. Le Club Mob’ par exemple, une association qui prête des deux-roues aux travailleurs précaires, a rouvert ses portes en 2013, tandis que le conseil régional subventionne les tickets TER à 80 % pour les demandeurs d’emplois. « Dans l’industrie, les emplois qualifiés ont muté et ces populations ont déjà bougé », explique Mme Gauffre. Grâce à cette mobilité et à une « opération exceptionnelle » : l’implantation, en mars dernier, d’un McDonald avec, à la clé, ses 43 CDI à temps partiel, l’agence a observé en un an un recul de 6 % du nombre de demandeurs d’emploi.

Évoquant des travaux main dans la main avec les pouvoirs publics et les permanences de la Caisse d'allocations familiales (CAF) et de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), une conseillère note même « un fort retour de tous les services publics » dans cette zone rurale.

« Enfin bon, le retour de l’État quand on déploie une antenne Pôle Emploi, ce n’est jamais signe de dynamisme… », dit Amel* dans une moue. Cette fille d’ouvriers, tout juste diplômée d’un master en droit privé, se présente pour la première fois à la porte de l’agence de Tonnerre. Son père travaillait dans une fromagerie industrielle à Flogny, à quatorze kilomètres de là. Licencié en 2009 comme 143 autres salariés, il n’a jamais retrouvé d’emploi jusqu'à sa retraite.

Le nouveau Pôle Emploi de Tonnerre, inauguré en janvier 2014.Le nouveau Pôle Emploi de Tonnerre, inauguré en janvier 2014. © TSC/MP

Amel vise plutôt un emploi à Paris, à 1 h 45 d’ici, Lyon ou au mieux à Dijon. Elle est la dernière d’une fratrie de huit enfants qui, tous, ont déjà quitté la région. « J’ai eu la volonté de bouger grâce à mes frères quand ils étaient étudiants. Heureusement, car ici, personne ne hausse le ton. Je crois que les gens s’acclimatent vite au fait que ce soit devenu une sorte de far west. Comme si les gens avaient baissé les bras. »

Hubert, l’ex-plombier de Brienon devenu restaurateur, envisage lui aussi un départ à moyen terme. Son resto-snack, qu’il gère en solo, lui permet de dégager un salaire équivalent à celui qu'il percevait en étant plombier. Le jeune gérant propose des plats copieux et bon marché pour un public aux revenus fragiles : « On travaille surtout entre le 5 et le 22 du mois… quand les gens ont touché leurs allocations. » 

Sandra, sa compagne, vient lui donner un coup de main quotidien. Elle non plus n’a, à l'origine, rien d’une restauratrice. Elle est secrétaire de formation. Au chômage depuis un an après la liquidation de la PME où elle travaillait, Sandra a le sentiment d’aller à « Pôle Emploi comme pour pointer ». Les allocations ? Elle a « l’impression d’en avoir abusé », considère que les chômeurs comme elle perçoivent « trop d’aides ». Mais les seules offres d'emplois – des postes temporaires d'ouvrière – que l’agence Pôle Emploi d’Auxerre lui propose, elle préfère les refuser. D’abord par revanche sur son ancien emploi, où les heures supplémentaires impayées par son patron représentaient jusqu’à « une semaine de travail gratuit par mois », ensuite parce qu’elle voit autour d’elle « des gens qui ne foutent rien et qui profitent du système ». 

Le temps de passer des formations pour elle, de continuer quelques années à rentabiliser son investissement pour lui, le couple se verrait bien « monter une affaire dans le sud ». « J'en vois plein qui se mettent en auto-entrepreneurs car ils ne trouvent pas de boulot fixe », explique Hubert. 

À Tonnerre, l’idée de lutter contre le chômage par la reconversion fait son chemin depuis plus de vingt ans. En 1993, alors que l’usine Thomson bat de l’aile, les collectivités locales lancent le Centre de développement du Tonnerrois (CDT), un centre d’aide à la création d’entreprise et d’accompagnement de projets de reconversion. Près de 140 projets sont portés chaque année. Aujourd'hui, 75 % d’entre eux émanent de demandeurs d’emplois, contre à peine la moitié il y a quelques années.

« Avant, les gens venaient nous voir pour créer une entreprise, avec un projet mature. Depuis cinq ans, ils viennent nous voir car ils sont à bout. Beaucoup veulent s’installer en épicerie mais n'ont pas les moyens d’investir. Je me rappelle, en 2008, juste après la crise, d’un coup, on me proposait les mêmes projets de reconversion : cinq kebabs, cinq centres de soins, des coiffeurs à domicile… », raconte Hélène Couasse, responsable du CDT. Si avec son patrimoine architectural et ses promenades le long du canal de Bourgogne, Tonnerre ne manque pas de charme pour les touristes, le potentiel de ces commerces paraît faible pour qu'ils deviennent pérennes dans une ville de cette dimension.

Environ 30 % de ces projets voient chaque année le jour dans la petite commune et ses alentours. Une poignée de commerçants, beaucoup de restaurateurs et d’artisans, et encore plus dans les services à la personne. Avec le vieillissement de la population, ce secteur de l’aide aux plus âgés fait figure de nouveau poumon de l’économie locale. Selon l'Insee, l'Yonne est le 5e département français le mieux équipé pour héberger et encadrer les personnes âgées.

Pour Hélène Couasse, « un Ehpad (Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – ndlr) fait travailler beaucoup de monde, du plombier au cuisinier, du peintre au coiffeur à domicile. La sous-traitance a été rattrapée par les structures de ce type. » Pôle Emploi évalue à 901 embauches supplémentaires les besoins en « santé humaine et action sociale » dans le département. C’est devenu le premier secteur en termes de postes à pourvoir dans l’Yonne. L'hôpital de Tonnerre est actuellement le plus gros employeur de son bassin d'emplois. 

Alors qu’on conseille aux plus jeunes d’être mobiles, la population du centre de l’Yonne a vieilli. Et paradoxalement, c’est aujourd'hui devenu son meilleur atout pour remplacer la perte des industries.

BOITE NOIREJe me suis rendu à Saint-Florentin, Brienon-sur-Armaçon, Tonnerre et Flogny-la-Chapelle dans le but de faire témoigner les habitants, les travailleurs et les responsables des structures d'aide à l'emploi dans les villes de 5 000 habitants à l'heure de la désindustrialisation.

Tous ont été rencontrés entre le 17 au 20 septembre 2014.

* le prénom a été changée à la demande de l'intéressée.

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Un homme de Dassault exporte ses méthodes hors de Corbeil-Essonnes

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Fidèle à sa réputation, le parquet d’Évry n’a pas encore bougé. Le 22 juillet, Eloy Gonzalez, 4e adjoint au maire de Saintry-sur-Seine, a écrit au procureur d’Évry pour le prévenir qu’après avoir alerté le parquet sur des anomalies dans le financement de la campagne électorale de la maire (UDI), Martine Cartau-Oury, son « intégrité physique et morale » et « celle des membres de (sa) famille » était « menacée ». Il fait état « des réactions très vives », « et notamment des menaces de violence de la part du deuxième maire adjoint de Saintry-sur-Seine ».

Or le deuxième maire adjoint en question, Machiré Gassama, membre de la garde rapprochée de Serge Dassault, a déjà sa place, aux côtés de l’avionneur, dans un des dossiers sensibles du département. « Machiré a dit à l’un de mes amis qu’il allait s’occuper de moi, que ma famille et moi devrions quitter la ville, et qu’il allait me casser la figure, rapporte Eloy Gonzalez. Il m’a accusé d’être “un judas“ pour avoir demandé les comptes de campagne à la maire. » Deux mois après ces menaces, l’élu n’a même pas eu la visite d’un gardien de la paix, et le procureur d’Évry, joint par Mediapart, dit n’avoir pas vu passer sa lettre recommandée... La maire de Saintry, par contre, lui a retiré ses délégations et envisage d’exclure, mardi, l’adjoint trop curieux de l’équipe municipale.

Machiré Gassama, directeur du service de la jeunesse et des sports de Corbeil, est visé aux côtés du sénateur Serge Dassault, et de son bras droit, le maire de Corbeil Jean-Pierre Bechter, par une information judiciaire pour « association de malfaiteurs » ouverte, début septembre, après le dépôt d’une plainte avec constitution civile.

Rachid Toumi et Fatah Hou, deux adversaires du clan Dassault – soupçonnés d’avoir réalisé la vidéo des aveux du vieux sénateur l’automne 2012 – ont été victimes de tentatives d’homicides en janvier et février  2013. C’est lors des écoutes réalisées pour élucider la première tentative, que les policiers découvrent un échange entre Gassama et Jean-Pierre Bechter – révélé ici par Mediapart – au cours duquel les deux hommes semblent se réjouir d’un projet d’interpellation téléguidée de Fatah Hou au Maroc. Plus tard, Gassama s’entretient avec Younès Bounouara, quelques heures après qu’il eut tiré sur Fatah Hou. Il l’informe du pronostic vital de la victime (« c’est 50/50 »), et s’assure qu’il n’utilisera pas son téléphone.

Machiré Gassama, filmé devant les parents d'élèves de Saintry, par Corbeil infos.Machiré Gassama, filmé devant les parents d'élèves de Saintry, par Corbeil infos. © DR

Ces écoutes avaient de quoi provoquer des investigations supplétives visant Dassault, Bechter et Gassama, mais pas à Évry. L’avocate de Fatah Hou a donc saisi le procureur de ces faits, et ce dernier a ouvert une enquête préliminaire, pour la classer peu après. « J’aurais pu ne rien faire et attendre, réagit le procureur Éric Lallement. J’ai considéré qu’il n’y avait pas d’élément de nature à délivrer un réquisitoire supplétif. Les juges d’instruction d’ailleurs n’en ont pas demandé. » L’information judiciaire, des plus embarrassantes pour Bechter, a donc été ouverte, via le dépôt d’une plainte avec constitution civile devant le doyen des juges d’instruction.

« Que des voyous se tirent dessus, ce n'est pas mon problème. Le mis en cause (Younès Bounouara - ndlr) est effectivement connu de nos équipes, mais il n'avait pas de bureau à la mairie », a déclaré le maire de Corbeil au Point. Machiré Gassama, lui, a non seulement un bureau, mais une direction à la mairie de Corbeil. Et il s’est plaint, fin mai, d’avoir été victime d’une embuscade près de son domicile à Saintry. « D’après lui, les tireurs étaient postés de part et d’autre de la rue, a expliqué son avocate Violaine Papi au lendemain des faits. Des impacts ont été trouvés sur son véhicule. Son sentiment est qu’on a voulu le tuer et non plus l’impressionner. » L’enquête sur ces tirs n’a pour l’instant rien donné. Mais la tension reste vive entre les clans de Corbeil-Essonnes. Dans la nuit de dimanche à lundi, une école et la médiathèque des Tarterêts ont ainsi été partiellement incendiées par deux voitures béliers. Semble-t-il, un nouvel avertissement au clan Dassault.

À Saintry, l’équipe municipale se déchire sur les conditions de financement de la campagne municipale. La maire (UDI), Martine Cartau-Oury, refuse en effet de communiquer les comptes de campagne à ses colistiers. Et plusieurs fournisseurs ont d’ores et déjà saisi la justice des factures qu’elle refuse de payer. L’ardoise s’élève à près de 8 000 euros, dus à un imprimeur parisien, Editam, et à une société de communication essonnoise, Calligramme. Alerté par le passage des huissiers à la mairie, le 4e adjoint au maire, Eloy Gonzalez, a logiquement demandé des comptes à la mairie avant d’écrire au procureur. « S’il s’avérait que des entreprises n’ont pas été totalement réglées, vous tomberiez sous le coup des dispositions de l’article L.52-8 du code électoral pour des faits de financement de campagne électorale par des personnes morales », a-t-il averti en juillet.

Le dépôt d’un compte de campagne n’est pas obligatoire pour une ville de moins de 9 000 habitants – Saintry en compte 5000 –, mais le respect du code électoral, si... L’élu s’interroge sur deux autres prestations d’imprimerie, réalisées pour les municipales. Martine Cartau-Oury lui répond qu’elle ne comprend pas « sa démarche suspicieuse », et l’avertit « qu’afficher (ses) doutes de manière publique est grave ». Machiré Gassama le prend plus mal encore, en menaçant Gonzalez de représailles. L’élu dépose plainte le 20 août au parquet d’Évry, suivi par l’un des prestataires, le patron de Calligramme, Thierry Noël, qui se dit également « victime de menaces anonymes ces derniers temps ».

Contactée par Mediapart, Martine Cartau-Oury a admis être en litige avec l’un de ses fournisseurs, mais elle s’estime à l’abri de tout reproche. « J’ai tout payé sur mon budget personnel », fait-elle remarquer. Contacté, via son avocate Me Violaine Papi, Machiré Gassama n’a pas souhaité commenter nos informations.

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La farce de la taxe à 75% sur les hauts revenus va bientôt prendre fin

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Multipliant les cadeaux aux grands patrons et désespérant chaque jour un peu plus leur électorat, François Hollande et Manuel Valls ont choisi de conduire une politique économique si clairement néolibérale qu’on avait presque fini par oublier qu’il existait encore une taxe à 75 % sur les hauts revenus, ultime scorie d’une campagne présidentielle au cours de laquelle le candidat socialiste avait promis de suivre un cap exactement contraire. Et pourtant cette taxe à 75 % existe toujours. Mais plus pour très longtemps : validée par le Conseil constitutionnel le 29 décembre 2013, elle disparaîtra presque un an plus tard, à la fin de 2014.

C’est Manuel Valls, lundi, qui en a apporté la confirmation, à l’occasion d’un voyage à Londres. Et comme souvent, c’est avec un mépris affiché pour l’électorat de gauche, avec un art consommé de la provocation, qu’il a annoncé la bonne nouvelle aux milieux d’affaires. En usant d’une formule soigneusement préparée à l’avance, sans doute grâce à ses amis de l’agence Havas, il l’a fait presque avec délectation, en sachant que cela indignerait une fois encore les électeurs de gauche et que cela plairait, une fois de plus, aux milieux ultraconservateurs de la City : « My government is pro-business. »

Comment faut-il traduire la formule ? En vérité, cela va bien au-delà de la formule à laquelle s’était tenue Manuel Valls jusqu’à présent, devant notamment le Medef  : « Mon gouvernement est pour les entreprises. » Car le mot de « business », cela signifie tout autre chose que seulement les entreprises. Ce sont les affaires, c’est l’argent, ce sont les profits, c’est le monde de la finance. Vulgairement dit, c’est aussi le « pognon »…

Mais Manuel Valls ne s’en est donc pas tenu à cette seule provocation. Comme par défi, il a aussi fait une autre annonce qui complète la première : il a confirmé que la célèbre taxe à 75 % pesant soi-disant sur les hauts revenus serait supprimée à la fin de l’année.

Ce n’est certes pas une surprise. De longue date, François Hollande avait annoncé que cette mini-taxe payée par les entreprises sur les revenus de plus de 1 million d’euros qu'elles versent à certains de leurs cadres serait applicable sur la base des revenus de 2013 et 2014.

Mais avec délectation, Manuel Valls a indiqué que le gouvernement avait bien l’intention de ne pas aller au-delà, quand bien même toute la philosophie de son budget pour 2015 trouverait son inspiration dans les doctrines de la droite et des milieux patronaux. Sans le moindre souci de rééquilibrer ce budget radicalement de droite, Manuel Valls a donc confirmé la mort de la taxe à 75 % d’ici la fin de l’année : « Je sais que cette taxe a fait grand bruit ici [en Angleterre], et surtout notre décision de taxer les salaires très élevés. Mais beaucoup de gens oublient de dire que c’était temporaire. Ça n’existera plus au 1er janvier 2015 », a déclaré le chef du gouvernement dans des propos relayés par Bloomberg TV.

La provocation n’a certes pas grande importance car en vérité cette mini-taxe s’est avérée être une farce, organisée pour duper les électeurs de gauche. Et sa disparition ne changera quasiment en rien le caractère très inégalitaire du système fiscal français.

Que l’on se souvienne en effet de l’histoire passablement tourmentée et grotesque de cette mini-taxe (lire L’impôt sur les sociétés implose, la taxe à 75 % aussi). Pour apprécier la comédie à laquelle a donné lieu toute cette histoire, il faut se souvenir que le projet phare de François Hollande, avant l’élection présidentielle, était d’engager une « révolution fiscale » sur le modèle de ce que préconisait l’économiste Thomas Piketty, en fusionnant la Contribution sociale généralisée (CSG) et l’impôt sur le revenu, pour refonder un véritable impôt citoyen et progressif. Puis, en cours de campagne, le candidat socialiste a fait une embardée : mettant de côté ce projet très ambitieux, il a proposé une mini-taxe provisoire à 75 % pour les revenus dépassant 1 million d’euros. La suggestion était faite pour frapper les imaginations mais elle était en réalité très en retrait sur la précédente, car sans réforme de l’assiette de l’impôt, elle n’était pas de nature à rendre le système français plus progressif (lire Impôts: Sarkozy ment, Hollande bricole).

Puis, nouvelle reculade, quand le Conseil constitutionnel a censuré à la fin de 2012 cette réforme qui avait été (délibérément ?) très mal mise en œuvre par Jérôme Cahuzac, François Hollande a choisi une nouvelle fois de rabattre la voilure, en faisant en sorte que la nouvelle taxe soit payée non plus par les cadres dirigeants des entreprises, mais les entreprises elles-mêmes. Ce qui évidemment changeait tout, car cela ne corrigeait plus les injustices de l’impôt sur le revenu.

Mais quand on a découvert, à l'automne 2013, les modalités précises de cette nouvelle taxation dans les documents annexés du projet de loi de finances pour 2014, l’effet de sidération a été encore plus grand. Car le système a ainsi été conçu qu’il avantage les très grandes entreprises, qui bénéficient d’une sorte de bouclier fiscal. Et surtout, la nouvelle taxe à laquelle étaient soumises les entreprises concernées était déductible… de l’impôt sur les sociétés.

Pour saisir le mécanisme, il suffisait de se reporter à un fascicule budgétaire, qui est dénommé « Évaluation préalable des articles du projet de loi » et que l’on peut consulter ci-dessous :

D’abord, on découvrait (à la page 52) que la disposition était de portée microscopique puisque « environ 470 entreprises versent à approximativement 1 000 salariés ou dirigeants des rémunérations dont le montant annuel excède un million d’euros ». De surcroît, le dispositif initial avait été amendé : la taxe était de seulement 50 % du montant des rémunérations versées à des cadres dirigeants au-delà de 1 million d’euros annuels, mais, en plus, le montant de la taxe, qui était due deux années (en 2014 sur la base des revenus de 2013 et en 2015 sur celle des revenus de 2014), était plafonnée à hauteur de 5 % du chiffre d’affaires réalisé l’année au titre de laquelle la taxe était due.

Avec un taux d’imposition de 50 % et non plus de 75 % comme c'était prévu à l'origine, de surcroît plafonné à 5 % du chiffre d’affaires, la nouvelle taxe Hollande n’avait donc plus rien à voir avec la taxe initiale de 75 %, qui elle-même n’avait plus rien à voir avec la « révolution fiscale » promise avant la présidentielle. C’était si vrai que le plafonnement de 5 % sur le chiffre d’affaires a fonctionné comme un véritable « bouclier fiscal », à la manière de celui qu’en d’autres temps, Nicolas Sarkozy avait inventé au profit des très hautes fortunes.

Dans le cas présent, le plafonnement a en effet profité aux entreprises les plus riches. À titre d’illustration, examinons en effet ce qui est advenu pour les clubs de football de la Ligue 1. Au total, 114 joueurs ou entraîneurs évoluant dans les 15 clubs les plus riches, sur un total de 20, ont été concernés par la nouvelle taxation, dont 21 joueurs du PSG, 17 de l’OM, 14 de Bordeaux ou Lille ou encore 13 de Lyon.

La nouvelle taxe a donc concerné les trois quarts des clubs de L1. Mais le système de plafonnement n’a profité qu’aux plus riches. Le basculement de la taxe à 75 % vers une taxation de 50 % plafonnée à 5 % du chiffre d’affaires a ainsi permis au PSG de ne payer pour 2013 que 19,5 millions d’euros au lieu des 43,4 millions qui auraient découlé d'une taxe sans plafonnement, soit une économie de 23,9 millions d’euros générée par ce plafonnement. De leur côté, l’OM et Lyon ont respectivement fait une économie d’environ 7,8 millions et 6,6 millions d’euros.

En clair, vivent les riches ! Voilà l’une des aberrations du système inventé par les socialistes. Même Nicolas Sarkozy n’aurait sans doute pas conçu un système aussi biscornu, à l’avantage des plus hauts revenus.

Mais les bizarreries de cette nouvelle taxe ne s’arrêtaient pas là. La taxe est, en effet, de surcroît… déductible de l’impôt sur les sociétés. Le système est méticuleusement expliqué à la page 57 du fascicule « Évaluation préalable des articles du projet de loi » : « Sur la base d’un taux de taxation de 50 % et d’un plafonnement de la taxe à 5 % du chiffre d’affaires, le rendement de la taxe est estimé à 310 millions d’euros en rendement brut et à 210 millions en rendement net de la déductibilité de la taxe du bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés. » Traduisons : la déductibilité permet donc de minorer le coût de la taxe pour les entreprises, en 2014, de 100 millions d’euros. En clair, la taxe, qui était déjà de portée purement microscopique, était minorée encore de 30 %.

En bout de course, la fameuse taxe, celle qui a si fortement compté dans la campagne du candidat Hollande, a donc été purement symbolique : « Compte tenu de la mécanique de l’impôt sur les sociétés, la mesure rapportera donc 260 millions d’euros en 2014 et 160 millions d’euros en 2015, soit un rendement global de 420 millions sur deux ans », concluait ce fascicule budgétaire.

Voilà où nous en sommes arrivés ! La taxe à 75 % qui avait si fortement frappé les imaginations pendant la campagne présidentielle est devenue une pure pantalonnade ; et la finance, dont François Hollande se disait l’ennemi, a pris les commandes du budget de l’État.

Ultime symbole, et non des moindres : c’est donc devant la City, le temple de la finance que François Hollande prétendait combattre, que Manuel Valls a confirmé la suppression programmée de cet impôt croupion. Fiscalement, cela n’a strictement aucune importance. Politiquement, l’annonce est d’une arrogance et d'un cynisme sidérants. Comme pour signifier, à ceux qui en douteraient encore, que cette politique économique et sociale n’est résolument pas de gauche…

BOITE NOIREPour écrire ce "parti pris", j'ai fait des emprunts à un article écrit en 2013, que l'on peut retrouver ici.

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Amende de Sarkozy: encore une enquête judiciaire

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Le parquet de Paris a ouvert lundi 6 octobre une information judiciaire pour « abus de confiance », « complicité » et « recel » dans l'affaire de l'amende de 363 615 euros infligée par le conseil constitutionnel à Nicolas Sarkozy et que l'UMP avait réglée en lieu et place du candidat, annonce le quotidien Le Monde. Le journal précise que l'ancien président devrait être rapidement entendu dans ce dossier.

Alors que le parti a réglé en 2013 la pénalité financière de 363 615 euros imposée à l'ancien candidat à la présidentielle (liée au rejet de son compte de campagne), le parquet de Paris avait dans un premier temps ouvert une enquête préliminaire sur d'éventuels « abus de confiance », « complicité » et « recel de ce délit », au préjudice de la formation politique. Cette enquête avait été confiée à l'Office anticorruption de la police judiciaire de Nanterre.

Comme Mediapart l'avait raconté jeudi 3 juillet, la loi est en effet très claire : c’est le candidat sanctionné par le conseil constitutionnel qui doit « verser (l’amende) au Trésor public », pas son parti. Dans une note transmise à la nouvelle direction de l'UMP, un avocat sollicité par François Fillon avait récemment pointé ce risque d'abus de confiance.

Ce sont finalement les deux commissaires aux comptes de l’UMP, chargés de certifier les comptes du parti pour l'année 2013, qui ont alerté la justice cet été sur le paiement potentiellement illégal de cette amende, ainsi que des 153 000 euros que Nicolas Sarkozy était censé rembourser personnellement à l’État (et qui correspondaient à une avance de frais de début de campagne).

Nous republions ci-dessous notre analyse sur le sujet publiée le 3 juillet

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« Ma campagne n’a pas coûté un centime au contribuable », s’est flatté Nicolas Sarkozy mercredi 2 juillet, lors de son intervention sur TF1 et Europe 1. Il est vrai que le rejet de son compte de campagne par le conseil constitutionnel, à l’été 2013, l’a privé du moindre remboursement de frais par le Trésor public. Mais cette assertion ne manque pas de sel. En réalité, sa campagne truquée aurait dû rapporter beaucoup d’argent à l’État français.

Car s’il se confirme que Nicolas Sarkozy a caché 17 millions d’euros de frais de meeting aux autorités de contrôle, ce n’est pas une « amende » de 363 000 euros que le conseil constitutionnel aurait dû lui infliger, mais une méga-sanction de 17 millions d’euros, au profit de Bercy.

En effet, en cas de dépassement du plafond de dépenses légales, la loi prévoit que le conseil constitutionnel « fixe une somme égale au montant du dépassement que le candidat est tenu de verser au Trésor public ». En l’occurrence, si les "Sages" n’ont infligé qu’une pénalité de 363 615 euros à Nicolas Sarkozy, c’est qu’ils ont repéré seulement 363 615 euros de dépenses hors plafond, faute d’investigations réelles. Mais ils étaient loin du compte.

D’après la comptabilité cachée d’Event & Cie (la filiale de Bygmalion chargée d’organiser les meetings), l’entreprise s'est contentée de facturer 4,3 millions d’euros au candidat UMP alors que ses prestations valaient en fait 21,2 millions d’euros – soit quelque 17 millions d’euros de frais dissimulés aux autorités de contrôle (voir les révélations de Mediapart dans le détail). L’ancien directeur de campagne adjoint de Nicolas Sarkozy, Jérôme Lavrilleux, a d’ores et déjà raconté, lors de ses aveux, qu’Event & Cie s’était rattrapé en adressant de fausses factures à l’UMP.

Les trois juges saisis d'une instruction ouverte pour « faux et usage de faux », « abus de confiance » et « tentative d’escroquerie », s’efforcent désormais de vérifier tous ces chiffres. « Ma campagne sera-t-elle à nouveau réexaminée ?!, s’est d’ailleurs agacé Nicolas Sarkozy, mercredi soir. Elle ne l’a pas déjà été assez ? »

Assurément non. Un militant de la transparence, Raymond Avrillier, vient ainsi d’écrire à la commission des financements politiques (CNCCFP), qui a épluché le compte du candidat UMP en première instance, pour lui demander de « se considérer comme abusée en fait et en droit » et de « réviser » ses décisions – sur le montant de la pénalité comme sur les comptes 2012 de l’UMP, qu’elle a validés sans tiquer.

« La CNCCFP et le Conseil constitutionnel ont été grandement trompés quant au dépassement du plafond des dépenses électorales de M. Sarkozy qui est en réalité de plusieurs millions d’euros, écrit cet ancien élu écologiste, déjà très actif dans « l’affaire des sondages » de l’Élysée. La CNCCFP et le Conseil constitutionnel n’ont pas fixé la somme réelle, égale au montant du dépassement, que le candidat est tenu de verser au Trésor public ! »

Certains s'en inquiètent aussi à l’UMP, depuis quelques jours. Et quelques-uns poussent le raisonnement encore plus loin : « S’il s’avère que onze millions d’euros de dépenses ont été dissimulés (ndlr, le montant hors taxe initialement évoqué par l'avocat de Bygmalion), cela signifie que non seulement la pénalité aurait dû être de onze millions d’euros, mais aussi que des comptes faux ont été sciemment présentés au Conseil constitutionnel pour limiter le montant de cette sanction. En clair, qu’on pourrait parler d’une "escroquerie au jugement" du Conseil constitutionnel », analyse un proche de la nouvelle direction intérimaire.

D'après la jurisprudence de la Cour de cassation, l'escroquerie au jugement est une déclinaison de l’article 313-1 du code pénal sur l’escroquerie, qui concerne « le cas où un individu parvient, en trompant un tribunal par la production d’une pièce fausse, à obtenir une décision qui portera atteinte au patrimoine d’autrui ».

Sollicité par Mediapart, le secrétaire général du conseil constitutionnel n’a pas répondu à nos interrogations sur le sujet.

En fait, l’UMP commence tout juste à réaliser les risques juridiques relatifs à cette sanction de 363 000 euros. François Fillon, en particulier, s’est récemment interrogé sur la légalité de son paiement par le parti en 2013, alors qu’elle avait été infligée à Nicolas Sarkozy en personne.

Consulté à son initiative il y a quelques jours, un avocat a ainsi produit une note (déjà évoquée par L’Express) pointant un risque d’« abus de confiance ». La loi est en effet très claire : c’est le candidat sanctionné qui doit « verser (l’amende) au Trésor public », pas sa formation politique.

Or la somme a été réglée en octobre 2013 par l’UMP de Jean-François Copé, après que l’avocat du parti, Me Philippe Blanchetier, a produit une première note affirmant que c’était légalement possible. 

Interrogé par Mediapart, celui-ci s’étonne des embarras soudains à la tête de l’UMP. « Rien n’était caché, déclare-t-il. On aurait pu verser l’argent à Nicolas Sarkozy qui aurait payé le Trésor public, et personne n’y aurait vu que du feu. Nous avons préféré assumer. Pour moi, il n’y a pas d’abus de confiance. Il ne s’agit pas d’une amende pénale à proprement parler. Et il est quand même normal pour un parti d’essuyer les conséquences pécuniaires de la campagne présidentielle de son candidat. D’ailleurs l’administration fiscale n’a rien trouvé à y redire. »

D’après nos informations, l’UMP ne s’est d’ailleurs pas contentée de régler ces 363 000 euros. La formation a effectué un second virement de 153 000 euros, le même jour, correspondant à une avance de l’État que Nicolas Sarkozy avait touchée en début de campagne et qu’il était contraint de rembourser.

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Les fichiers de police en pleine croissance

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À compter du 1er janvier 2015, la France disposera d’un nouveau fichier de police. Il s’agit, au nom de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, d’enregistrer, à « titre expérimental », l’intégralité des données de tous les passagers atterrissant ou décollant en France, à l’exception des vols internes à la métropole. Ces données seront conservées pendant cinq ans (et anonymisées au bout de deux ans). L’ampleur de ce fichage donne le tournis : en 2013, les aéroports français ont accueilli près de 172 millions de passagers, dont 80 % sur des vols internationaux.

Le gouvernement socialiste français, arguant de l’urgence, a préféré créer son propre outil en passant par-dessus l’opposition de la commission des libertés civiles du Parlement européen, qui a rejeté, en avril 2013, un projet de fichier européen similaire. Prévue par la loi de programmation militaire adoptée en décembre 2013, l’Unité information passagers (UIP) a été officialisée par un décret, paru le 28 septembre 2014. Ses fonctionnaires seront chargés de gérer les données de réservation (dites PNR, pour passenger name record), d’enregistrement (API, sigle, erroné, de advanced passengers system) et d’embarquement transmises par les compagnies et de jouer l’intermédiaire avec les services de renseignement et d’enquête français.

Les données des passagers, expurgées des informations les plus sensibles (préférences alimentaires par exemple), devront être transmises par les transporteurs aériens « une première fois quarante-huit heures avant le départ du vol et une seconde fois à la clôture du vol, par envoi électronique sécurisé ». Elles seront automatiquement croisées avec le fichier des personnes recherchées (FPR) et le système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). En cas de réponse positive, l’unité de gestion alertera le service qui a signalé la personne au FPR et les policiers de l’aéroport concerné. En cas « de menace grave et d'urgence avérée et pour les seuls besoins de la prévention des actes de terrorisme et des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation », les agents des directions générales de la sécurité intérieure et extérieure (DGSI et DGSE) pourront avoir accès directement pendant sept jours à l’ensemble des données, sans passer par l'unité de gestion.

Le fichier pourra être utilisé pour suivre les déplacements de personnes déjà connues des services ou pour repérer des inconnus qui présentent un risque, « compte tenu de ses caractéristiques de déplacement ». C’est ce qu’on appelle du profilage. « L'exploitation des données API et PNR permettra en effet le ciblage des individus au travers de différents critères préétablis ainsi que leur classement sur une échelle de risques, grâce à l'utilisation d'un outil de scoring », explique la Cnil. L’autorité indépendante estime que vu son « ampleur », la future basse de données est « susceptible de porter une atteinte particulièrement grave au droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles ».

Ce nouveau fichier aurait, selon ses défenseurs, évité à la DGSI de se ridiculiser, le 23 septembre 2014, en attendant à l’aéroport Paris-Orly trois djihadistes de retour de Syrie, via la Turquie, alors que ceux-ci passaient tranquillement la frontière à l’aéroport de Marignane. « Une fois que le client est en l’air, nous aurons confirmation de l’avion sur lequel il a embarqué, quand il arrive et dans quel aéroport, explique le député (PS) Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale. Nous aurions donc su qu’ils allaient à Marseille et non à Paris. » Avant de préciser : « Évidemment, dans l’hypothèse où tout fonctionne et où la police nationale peut traiter le fichier PNR via Cheops… »

Car le portail informatique Cheops, qui permet depuis 2001 d’accéder à l’ensemble des fichiers de police et retracer l'ensemble des connexions de fonctionnaires, connaît de sérieux loupés. Le 23 septembre 2013, ce système national est ainsi resté hors service pendant plusieurs heures. « Nous avions eu une fiche Télex le matin avertissant d’une opération de maintenance de 14 heures à 17 heures », indique une source policière. C’est-à-dire que tout l'après-midi plus aucun fichier de police n’était accessible dans aucun commissariat, sauf à passer par d’autres services d’État comme la gendarmerie, les douanes, les préfectures ou les impôts. Mais ces derniers n'ont, par exemple, pas accès au fichier des personnes recherchées. « Il ne reste plus qu’à demander aux djihadistes de porter des badges à leur retour », ironise Christophe Crépin de l’Unsa Police. À en croire plusieurs officiers de police contactés, ces interruptions sont fréquentes, mais ont d’habitude lieu la nuit afin de ne pas trop gêner les services. Le ministre de l'intérieur a confié une enquête aux inspections générales de l'administration (IGA) et de la police nationale (IGPN).

Auditionnés le 25 septembre par la délégation parlementaire au renseignement, David Skuli, directeur central de la police de l'air et des frontières (PAF), et Patrick Calvar, directeur général de la sécurité intérieure, ont, selon Jean-Jacques Urvoas, pointé « des problèmes de puissance technique » de Cheops. « Visiblement, ils sont habitués à faire avec, ou plutôt sans, explique le président de la délégation parlementaire au renseignement. C’est lamentable. On ne cesse de mettre des applications supplémentaires dans Cheops, mais si on n’augmente pas ses capacités techniques, cela ne sert à rien. »

Selon notre décompte, un officier de police judiciaire lambda a aujourd’hui accès, via Cheops, à une trentaine de fichiers et logiciels, pour beaucoup créés ou légalisés depuis la fin des années 1990 (voir la liste en dernière page). En décembre 2011, deux députés avaient recensé 80 fichiers de police existants, contre seulement 34 répertoriés cinq ans plus tôt par le groupe de travail sur les fichiers de police et de gendarmerie, présidé par Alain Bauer. « Et les fichiers ne cessent de grossir au fur et à mesure qu'on rentre des personnes : nous avons un flux d’informations énorme avec des tuyaux trop petits », explique Christophe Rouget du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI). De plus, ces systèmes ont été surtout conçus, selon un officier de police judiciaire, pour faire remonter des statistiques et non pour l'opérationnel.

En 2011, Jacques-Alain Bénisti, député (UMP) du Val-de-Marne, et Delphine Batho, députée PS des Deux-Sèvres, alertaient déjà sur « l’instabilité chronique du logiciel Cheops », qualifiée de « très problématique ». Surtout pour l'accès au FPR, « consulté en permanence par les forces de l'ordre », qui repose lui-même « sur une technologie dépassée que la direction des systèmes d’information et de la communication (DSIC) du ministère de l’intérieur ne parvient plus à gérer ». « Les logiciels utilisés par les forces de l’ordre, pour certains très anciens et consommateurs de bande passante, sont également en cause », expliquaient les parlementaires. Leur rapport soulignait l’urgence d’investir « dans le domaine des infrastructures de réseau » et « de mettre en place des serveurs relais régionaux permettant de pallier les défaillances du serveur national ».

Près de trois ans plus tard, il n'existe toujours pas de système de secours. Le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve reconnaissait, le 1er octobre 2014 dans L’Express, que le système Cheops « repose sur une technologie aujourd'hui obsolète ». « Dès mon arrivée place Beauvau, j'ai demandé qu'on investisse les moyens nécessaires pour le moderniser », précise-t-il.

Suite à ce cafouillage, le ministre s’est rendu à Ankara « pour jeter les bases d'une meilleure coopération ». « Tout contrôle d'un Français en Turquie donnera désormais lieu à un signalement, a assuré le ministre dans l’hebdomadaire. Nous disposerons d'une liste actualisée de ceux qui se trouvent en rétention administrative. En cas d'éloignement, nous serons avisés à l'avance. » C’est-à-dire avant l’atterrissage, contrairement à ce qui s'est passé à Marseille…

Plus de 130 vols, d'une quinzaine de compagnies, venant de Turquie, atterrissent toutes les semaines dans une dizaine d’aéroports français. Un système de lecture optique, le réseau Covadis, permet aux policiers d’interroger automatiquement et en quelques secondes le fichier des personnes recherchées à partir de la bande MRZ du passeport. Mais pour les ressortissants européens, ce contrôle doit être effectué de « manière non systématique », comme le prévoit l’article 7 du Code frontières Schengen. « Le principe de Schengen est que le ressortissant de Schengen n’est pas considéré comme un danger pour les États membres », rappelle Jean-Jacques Urvoas. « Nous avons aussi beaucoup de pression commerciale, explique un policier de la PAF de Roissy. Surtout sur les terminaux des plates-formes de correspondance qui sont très concurrentielles. On nous demande de la fluidité. Une minute de retard en passerelle, c’est 1 500 euros de pénalités pour l’aéroport. Alors, quand six vols arrivent d’un coup, on fait de l’abattage. Si on commence à contrôler tout le monde, on se fait défoncer. »

À défaut de contrôler parfaitement les retours, le projet de loi antiterroriste, qui sera examiné mi-octobre par le Sénat, prévoit la manière forte. L’administration pourra interdire le départ de personnes soupçonnées d’aller participer à des opérations terroristes, des crimes de guerre ou contre l’humanité à l’étranger ; ainsi que ceux cherchant à rejoindre un « théâtre d’opérations de groupements terroristes (…) dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français ».

Le système Cheops donne accès à une trentaine de fichiers et de logiciels, classés dans quatre catégories :

  • Aide à l’enquête :

Agrippa, l'application des propriétaires et possesseurs d’arme / Arrêté du 15 novembre 2007

Pharos, la plate-forme qui permet de signaler les comportements illicites sur internet / lancée le 6 janvier 2009

Anadoc, l'application nationale d’archive de la documentation d’enquête de la police nationale / 2008

Fnis, le fichier national des interdits de stade / Arrêté du 28 août 2007

SNPC, le service du fichier national des permis de conduire / Arrêté du 20 décembre 1972

Aerope, une application qui permet aux officiers de police judiciaire d'obtenir le nom de l'opérateur auquel adresser leurs réquisitions sur la base d'un numéro de téléphone

LRPPN, le nouveau logiciel de rédaction des procédures de la police nationale, en cours de généralisation depuis 2014.

Accès aux vidéos des geôles, ainsi qu’à la vidéosurveillance

  • Identification :

Eucaris, une plate-forme d’échange d’informations entre les 27 États européens pour lutter contre les vols de véhicules et les fraudes à l’assurance / Traité de Prüm du 27 mai 2005

Fnaeg, le fichier des empreintes génétiques / Loi  du 17 juin 1998

Dicem, identification des quads, motos, etc.  / Arrêté du 15 mai 2009

FVV, le fichier national des véhicules volés / Arrêté du 15 mai 199

Foves, le fichier des objets et véhicules signalés qui doit, à terme, remplacer le FVV / Arrêté du 17 mars 2014

SIV, le système d'immatriculation des véhicules / avril 2009

FIJAISV, le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles et violentes / Arrêté du 9 mars 2004

FPR, le fichier des personnes recherchées / depuis 1969 et légalisé le 15 mai 1996

Stic, le système de traitement des infractions constatées / légalisé en 2001

TAJ, le traitement des antécédents judiciaires, qui remplace le Stic et le Judex, son équivalent gendarmesque, depuis début 2014

  • Immigration :

FNE, le fichier national des étrangers / Décret du 29 mars 1993

VIS, le système d’échange de données sur les visas entre les États de l'espace Schengen

iFado, une application en ligne sécurisée du Conseil de l’Union européenne qui aide les policiers européens à démasquer les faux documents d’identité ou de voyage

  • Pilotage

Geha, une application qui gère les habilitations de Cheops et permet aux policiers de s’authentifier

Tsua, le traitement relatif au suivi de l’usage des armes / Arrêté du 16 novembre 2011

Accès à la base Natinf, abrégé de NATure d’INFraction, qui attribue un code à chaque infraction

PVe, application de verbalisation électronique / Décret du 26 mai 2009

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EDF: Henri Proglio bien parti pour rester

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« Manuel Valls est d’accord, Jean-Pierre Jouyet est d’accord, Emmanuel Macron est d’accord et Ségolène Royal aussi est d’accord. Il n’y a objectivement aucun obstacle empêchant qu’Henri Proglio soit renouvelé à la tête d’EDF. Tout le reste n’est que péripétie, une agitation sans lendemain. » C’est ainsi qu’un connaisseur du dossier résume l’agitation qui a saisi le sommet de l’État ces dernières semaines autour d’EDF.

La question du renouvellement ou non d’Henri Proglio à la présidence d’EDF paraissait jusqu’alors encore lointaine : son mandat arrive à échéance le 22 novembre. Jusqu’à ce que tout semble soudain s’emballer au sommet de l’État. Dans la plus grande improvisation, le gouvernement a demandé dans les derniers jours de septembre que le conseil d’administration d’EDF du 29 septembre, censé préparer la  succession d’Henri Proglio, soit reporté. Cette réunion devait arrêter la liste des six administrateurs appelés à se présenter lors de l’assemblée générale d’EDF le 14 novembre. Dans la liste doit figurer le nom du futur président. Tout était en place pour que celui d’Henri Proglio y soit inscrit.

Tout était en place jusqu’à ce que Ségolène Royal monte au créneau. Au moment où la ministre de l’environnement défend à l’Assemblée son texte sur la transition énergétique, elle ne souhaitait pas que la question de la présidence d’EDF vienne embrouiller les débats. François Brottes, président de la commission des affaires économiques et spécialiste des questions énergétiques pour le parti socialiste, était sur la même longueur d’ondes : la nomination du président d’EDF devait attendre.

© Reuters

Le gouvernement s’est rendu à leurs arguments, obtenant que la délicate liste des administrateurs et de son président soit débattue ultérieurement par le conseil d’administration d’EDF, au moins après la fin des discussions du projet de loi à l’Assemblée, soit le 14 octobre. « Cette question se réglera après le débat de fond et le vote sur la Loi de transition énergétique. Je ne veux pas mélanger ou instrumentaliser la question de la gouvernance d'EDF avec la définition pour les Français de ce qui va leur apporter des emplois et la baisse de leur facture énergétique ; (…) C'est ma responsabilité de ministre de l'énergie de faire en sorte que les choses se fassent dans le bon ordre et avec les bonnes conditions de sérieux », a déclaré Ségolène Royal au micro d’Europe 1 le 30 septembre pour justifier ce bouleversement de calendrier.

La mise entre parenthèses de la présidence d’EDF est un soulagement non seulement pour la ministre de l’énergie mais aussi pour tout le gouvernement. Alors que la colère gronde dans les rangs des députés socialistes, l’Élysée et Matignon ne voulaient pas ouvrir un nouveau front avec la majorité. Tous le savent : le nom d’Henri Proglio est un chiffon rouge à gauche.

Sa nomination à la présidence d’EDF en novembre 2009 par Nicolas Sarkozy avait été accueillie par un flot de critiques au parti socialiste. Les ténors dénonçaient sa proximité avec le chef de l’État, le mélange des genres. Son maintien en même temps à la présidence du conseil d’administration de Veolia, son double salaire, sans compter sa guerre contre Anne Lauvergeon, alors présidente d’Areva, avaient rallié une grande majorité de la gauche contre lui. La promesse avait alors été faite : si la gauche revenait au pouvoir, Henri Proglio serait parmi les premiers à être démis de ses fonctions.

Manuel Valls n’était pas le dernier à le mettre en cause. « Le patron d’EDF qui fait campagne aujourd’hui aux côtés de Nicolas Sarkozy est-il tout à fait dans le respect de ce que doit être l’équilibre d’un haut fonctionnaire ou en tout cas d’un haut responsable nommé à la tête d’une grande entreprise ? Non, cela me paraît une attitude tout à fait anormale », expliquait en février 2012 celui qui était le directeur de campagne de François Hollande. Tout en se défendant de mener une chasse aux sorcières, il citait deux personnes à renvoyer en cas de victoire de la gauche : Bernard Squarcini, directeur de la DCRI, et Henri Proglio. Deux figures noires du sarkozysme, à l’entendre.

À l’arrivée de François Hollande à l’Élysée, ils sont donc nombreux à gauche à demander la tête d’Henri Proglio. Mais le président d’EDF dispose aussi de solides soutiens. Après avoir passé plus de trente-cinq ans à la Générale des eaux, devenue Veolia, il n’ignore rien du socialisme municipal. Il a travaillé avec toutes les grandes collectivités de gauche, connaît tous les élus, a eu le temps de développer un solide réseau d’amis et d’obligés. Outre Dominique Strauss-Kahn (un ami du temps d’HEC), il est au mieux avec Laurent Fabius, Claude Bartolone, Georges Frêche et tant d’autres poids lourds socialistes. Il a su rendre des services aux uns et autres, qui pour un stage à un des enfants, qui pour une mission à un proche. La question de l’éviction d’Henri Proglio d’EDF est donc vite écartée. Au nom de la normalité, du refus de polémiques stériles, l’Élysée décide de respecter les échéances : la question du remplacement d’Henri Proglio ne sera posée qu’à la fin de son mandat, a-t-il été décidé.

Depuis l’élection de François Hollande, Henri Proglio a fait profil bas, même s'il n'a pu éviter les éclats autour de ses tentatives de reprise de pouvoir chez Veolia. Il a accepté de diminuer sa rémunération pour se conformer à la législation et s’est montré disponible aux attentes du gouvernement. Il s’est bien gardé de le prendre de front, même quand celui-ci annonçait la fermeture de la centrale de Fessenheim ou la limitation de la production nucléaire. Cela ne l’a pas empêché de mener la contre-offensive pied à pied dans le secret des cabinets. Avec un certain succès. La fermeture de Fessenheim semble sans cesse repoussée.

Quand le gouvernement s’inquiète du sort d’Areva, en pleine déconfiture financière, Henri Proglio, soulignant que les relations se sont pacifiées entre EDF et le constructeur de l’EPR depuis le départ d’Anne Lauvergeon, accepte de porter assistance à son fournisseur, au grand soulagement de Bercy. Il se fait désormais le porte-drapeau national de l’EPR, promettant d’en construire deux en Grande-Bretagne. Il garantit aussi à Areva que le groupe conservera son rôle de fournisseur de combustible et de retraitement d’EDF sur le très long terme, avec quelques facilités financières à la clé.

Les discussions étaient tendues avec Delphine Batho, lorsqu’elle était ministre de l’environnement. Mais Henri Proglio a su la contourner. Il a apporté son soutien à Arnaud Montebourg, alors ministre du redressement productif, sur quelques dossiers sensibles. EDF a ainsi accepté d’aider à la solution de reprise de l’usine d’aluminium de Saint-Jean-de-Maurienne, qui paraissait condamnée. De l’avis de plusieurs observateurs et contre toute attente de leur part, Ségolène Royal et le président d’EDF ont su trouver des terrains d’entente sur plusieurs sujets, notamment sur les aides aux économies d’énergie.

Cela justifie-t-il de renouveler Henri Proglio à la tête d’EDF ? se demandent certains à gauche. Au moment où le gouvernement s’apprête à lancer sa politique de transition énergétique, n’est-il pas légitime de nommer un homme nouveau, censé mieux incarner cette nouvelle ligne ? ajoutent-ils. Ce qui permettrait, au passage, d’envoyer quelques signes favorables à la gauche et aux écologistes si malmenés ces derniers temps. La question se pose d’autant plus que le président de l’entreprise publique a 65 ans et sera atteint par la limite d’âge dans deux ans, sauf si la loi est modifiée.

Le président d’EDF est parfaitement conscient de la difficulté. Depuis plusieurs mois, il travaille avec discrétion et efficacité à lever les obstacles qui pourraient gêner sa reconduction. Des sondages internes ont été réalisés systématiquement pour mesurer le moral des salariés de l’entreprise, prévenir le moindre dérapage. La plupart des salariés reconnaissent qu'il sait défendre la maison.

Très vite, la CGT qui avait participé à imposer sa nomination en 2009 (voir EDF malaise à la CGT) a fait savoir qu’elle souhaitait elle aussi sa reconduction. « La CGT dit que si Henri Proglio n’était pas reconduit à EDF, elle en ferait un casus belli », assure un proche du dossier. Les milieux de la franc-maçonnerie, toute-puissante dans l’entreprise publique, paraissent aussi s’être à nouveau mobilisés pour soutenir sa reconduction.

Mais il restait aussi à gagner à cette cause Manuel Valls. Celui qui avait promis de renvoyer le président d’EDF il y a deux ans, accepterait-il de changer d’avis et de le reconduire deux ans plus tard ? « Stéphane Fouks (patron d’Euro RSCG) et Alain Bauer (des amis intimes de Manuel Valls depuis leur passage auprès de Rocard, mais aussi très proches conseillers d’Henri Proglio - ndlr) ont plaidé la cause du président d’EDF auprès du premier ministre. Ils avaient manifestement les bons arguments », s’amuse un observateur.

Dans les allées du pouvoir, on met en avant désormais le bon bilan d’Henri Proglio chez EDF. En cinq ans, explique-t-on, il est parvenu à redresser les comptes de l’entreprise, à apporter un calme social dans l’entreprise, à désengager sans trop de casse l’entreprise d’une aventure américaine qui s’annonçait ruineuse, à soutenir la filière nucléaire française en Grande-Bretagne, à prendre le tournant des énergies durables. Et même, a-t-on envie d’ajouter, à augmenter les tarifs de l’électricité, dans des proportions comparables à celles qu’avait annoncées son prédécesseur Pierre Gadonneix, mais sans provoquer de tollé. 

Un seul point noir est souligné dans sa gestion : contrairement à sa lettre de mission et aux engagements pris, Henri Proglio n’est pas parvenu à amener l’entreprise à augmenter le taux de disponibilité des centrales nucléaires françaises. Bien que le parc soit homogène et relativement récent, le nucléaire français affiche un des taux de production les plus bas dans le monde. « Mais cela n’est pas de nature à empêcher sa reconduction », dit un observateur. Même l’épisode du financement des spectacles de sa femme par EDF et le redressement fiscal de son épouse pour non-déclaration sont oubliés. « C’étaient des boules puantes pour le déstabiliser », tranche un de ses soutiens. Mardi 7 octobre, Libération révélait, cependant, que l'enquête ouverte sur le financement des spectacles avait abouti à de curieuses constatations : l'entrée d'un fonds souverain qatari, Qatari Diar, dans le capital de Veolia avait donné lieu à 182 millions d'euros de rétrocommissions qui se sont volatilisés entre le Luxembourg, Chypre et Singapour.

La reconduction d’Henri Proglio à la tête d’EDF, cependant, risque d’être d’autant plus mal acceptée à gauche qu’elle met en lumière l’immobilisme à la tête des grandes entreprises publiques depuis l’arrivée de François Hollande. « Guillaume Pepy à la SNCF, Stéphane Richard chez Orange, Augustin de Romanet à Aéroport de Paris… Quel que soit leur bilan, ou leur proximité avec le pouvoir de droite, tous ont été nommés ou reconduits sans discuter. À aucun moment, l’Élysée et Matignon n’ont osé ou voulu mettre des hommes plus proches d’eux », s’énerve un observateur de gauche. 

« De toute façon, qui voulez-vous mettre à la place ? Il n’y a pas de candidat évident pour EDF », réplique un proche du dossier. Au printemps, Thierry Breton, président d’Atos Origin, a été approché pour savoir s’il accepterait la présidence d’EDF. Quelque temps plus tard, L’Express rappelle qu’il vient de toucher 21 millions d’euros de stock-options, comme le signale Libération. Thierry Breton a fait un démenti formel, expliquant qu’il n’était pas intéressé par EDF. Jean-Pierre Clamadieu, président de Solvay, dont la candidature pour EDF avait été soutenue par Alain Minc en 2009, a lui aussi été approché. Il dit avoir décliné. Le nom de Guillaume Pepy a été à un moment évoqué, mais au vu de son bilan à la SNCF, le gouvernement a rangé très vite l’idée. Tout comme celle de Philippe Crouzet, président de Vallourec. Plus que son bilan contrasté, c’est sa proximité avec l’Élysée qui fait enterrer promptement la suggestion : sa femme – Sylvie Hubac – est directrice de cabinet de François Hollande.

« L’Élysée s’est encore agité pendant tout le dernier week-end de septembre pour trouver un candidat pour EDF », croit savoir un banquier d’affaires. « Ils n’ont trouvé personne. Qui voulez-vous que cela intéresse de telles fonctions, avec l’État actionnaire sur le dos et un salaire plafonné à 450 000 euros par an ? » poursuit-il, reprenant la complainte des anciens hauts fonctionnaires.

« Tous ces arguments ne sont pas sérieux. Il n’y aurait en France qu’une poignée de personnes pour prendre la direction des entreprises publiques ? Il n’y aurait ailleurs pas d’ingénieurs, de cadres dirigeants, aucun dirigeant à l’intérieur susceptible de prendre le relais... Si tel est le cas, alors c’est indéfendable : aucune entreprise, surtout publique, ne peut dépendre d’un seul homme. Qu’arrivera-t-il, si demain, ils sont empêchés d’exercer leur mandat pour une raison ou pour une autre ? EDF s’arrête ? » s’emporte un observateur du monde des affaires. « En fait, un petit clan, entre inspection des finances et ingénieurs des mines, a pris le contrôle de tout. Ils ont asséché le système, tiennent le politique, dissuadent tous les autres, afin de conserver leur pouvoir et l’utiliser à leur guise », poursuit-il.

L’Élysée et Matignon ont mesuré que le renouvellement, tel quel, d’Henri Proglio à la présidence d’EDF pourrait être difficile à gérer politiquement. Beaucoup à gauche risquent d’y voir un nouveau recul. L’idée a donc surgi d’annoncer en même temps que le renouvellement du président d’EDF la nomination d’un numéro deux. La reconduction d’Henri Proglio apparaîtrait ainsi comme une transition, un passage de témoin, pour celui qui conduirait l’entreprise pendant deux ans, le temps de former son successeur. La formule a déjà été utilisée chez Thales : Jean-Bernard Lévy assurant une présidence limitée dans le temps, afin que le directeur général, Patrice Caine, se prépare.

Cette idée sera-t-elle ou non retenue ? Selon certaines rumeurs, Olivier Lluansi, ancien responsable chez Saint-Gobain, devenu conseiller industrie et énergie de la présidence de la République, devrait quitter ce poste pour rejoindre le directoire de la très rentable RTE, la filiale chargée de la gestion des réseaux électriques d’EDF, en novembre. Là encore, le conflit d’intérêts ne semble manifestement gêner personne. Il pourrait même peut-être viser plus haut...

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Nicolas Sarkozy : un retour qui fait pschitt

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La bande-annonce était digne d’un blockbuster américain. Une situation apocalyptique. Un homme, un sauveur, un destin. Le retour de Nicolas Sarkozy, largement “teasé” par son entourage depuis l’échec du 6 mai 2012, s’annonçait comme un énorme succès. À écouter ses fidèles, l’ancien président allait tout casser, tout changer, tout révolutionner. Pour sauver l’UMP, mais pas seulement. « Sans Sarkozy, il n’y aurait plus de démocratie en France, en Europe et dans le monde », expliquait, dès novembre 2013 et avec le plus grand sérieux du monde, son ancien conseiller à l’Élysée, Henri Guaino.

Nicolas Sarkozy, entouré de Valérie Pécresse et Gérard Larcher, à Vélizy-Villacoublay, le 6 octobre.Nicolas Sarkozy, entouré de Valérie Pécresse et Gérard Larcher, à Vélizy-Villacoublay, le 6 octobre. © Youtube/NicolasSarkozy

Certains s’enhardissaient jusqu’à prendre leurs distances avec le “héros” de la droite ? Qu’importe. Ils rentreraient vite au bercail. « Je fais le pari que, dans deux ans, tout le monde sera revenu dans la famille sarkozyste », assurait, il y a encore quelques mois, Brice Hortefeux, l’« ami de trente ans », persuadé que la seule évocation du retour de l’ancien président ramènerait les âmes égarées dans le droit chemin. Comme dans un blockbuster américain toujours, le scénario était couru d’avance : oui, au bout du compte et malgré une série d’obstacles politiques et judiciaires, Nicolas Sarkozy finirait par libérer la nation. Ni plus ni moins. Son élection annoncée à la tête de l'UMP n'a jamais été le vrai sujet de la comédie qu'il joue devant nos yeux, ses velléités se situant bien au-delà de 2014 et de la rue de Vaugirard : en 2017, du côté de l'Élysée.

Mais depuis trois semaines que le film de la résurrection politique de l’ancien président est diffusé sur nos écrans médiatiques, la réalité rattrape la fiction. Disons-le tout de go : c’est un fiasco. Lui qui souhaitait un « retour stratosphérique » voit sa petite fusée piquer du nez à peine les moteurs enclenchés. Même Henri Guaino a du mal à cacher ce qu’il pense de la campagne de son mentor. « Ça se passe… », s’est-il contenté de soupirer sur LCP. La dynamique n’est pas au rendez-vous. L’effet Sarkozy ne marche pas, ou plus exactement, il ne marche plus. D’abord, parce l’ex-homme fort de la droite revient pour de mauvaises raisons. « Sarko ne veut revenir que pour une seule chose : se protéger judiciairement en prenant le parti comme bouclier », s’agaçait dès le mois de juillet un cadre de l’UMP à Mediapart. Ils sont nombreux, rue de Vaugirard, à partager cet avis. L’ancien président lui-même ne cache plus que les multiples affaires qui le visent ont fortement motivé sa décision.

« Je ne me plains pas, je continuerai à répondre à tout, a-t-il ainsi expliqué, le lundi 6 octobre, lors d'une réunion publique à Vélizy-Villacoublay (Yvelines). Mais cela a beaucoup renforcé ma détermination parce que je n'aime pas l'injustice, je n'aime pas le mensonge. Et si on voulait que je reste tranquille dans mon coin, il ne fallait pas agir comme ça. » En région parisienne, comme à Troyes (Aube) la semaine précédente, Nicolas Sarkozy déroule la même litanie. Parce que cela commence à lui « chauffer le bas du dos », comme il le dit lui-même, il prend la parole sur les affaires de sa propre initiative, sans qu’aucune question de la salle ne porte sur le sujet.

La mise en scène est rodée. Et le message adressé aux militants est clair : puisque vous ne me parlez ni de Karachi ni de Bettencourt ni de Kadhafi ni même de Bygmalion et des 11 millions d’euros récoltés par le “Sarkothon” grâce à vos dons, c’est moi qui vais vous en parler. Pourquoi ? Parce que que je n’ai rien à cacher. S’ensuivent généralement une série d’approximations, de contre-vérités, d’attaques visant la justice et la presse – Mediapart est particulièrement choyé – et de petites blagues, toujours les mêmes, qui ravissent un public conquis d’avance. Ce one-man-show, qui confine au Grand Guignol, sera en tournée dans toute la France jusqu'à fin novembre.

Réunion publique de Nicolas Sarkozy à Vélizy-Villacoublay, le 6 octobre.Réunion publique de Nicolas Sarkozy à Vélizy-Villacoublay, le 6 octobre. © ES

Avec un tel numéro – et pour paraphraser Xavier Bertrand –, Sarkozy ne séduit que les convaincus. Mais la fébrilité dont il fait montre dès lors qu’il s’agit d’évoquer les affaires ne trompe personne. L’ancien président a beau répéter qu’il ne souhaite pas qu’on lui impose un agenda, la justice en a décidé autrement. Et il le sait. En mettant en examen, le samedi 4 octobre, Éric Cesari, l’ancien directeur général de l’UMP, et en l’interdisant de rencontrer l’ex-chef de l’État, les juges qui enquêtent sur l’affaire Bygmalion ont resserré d’un cran supplémentaire l’étau judiciaire qui entoure Sarkozy. C'est désormais connu, jamais sous la Ve République un système présidentiel n'aura été cerné de si près par des juges anticorruption.

L’affaire Bygmalion est un énième cliché de l’album-photo judiciaire du sarkozysme, mais c’est aussi le dossier sur lequel les adversaires de l’ancien président misent le plus pour entraîner définitivement sa chute. Si aucun d’entre eux ne le dit clairement, les sous-entendus sont tels qu’ils ne laissent nulle place au doute. Nicolas Sarkozy joue les Pinocchio en assurant avoir « appris le nom de Bygmalion longtemps après la campagne présidentielle » ? François Fillon, Xavier Bertrand et Bruno Le Maire, pour ne citer qu’eux, se précipitent pour clamer qu’ils avaient « souvent entendu parler » de cette entreprise « qui travaillait régulièrement avec l’UMP ». Il veut briguer la présidence de l’UMP ? Soit, répondent ses rivaux. Mais il devra alors se plier à une « transparence totale » et « gérer les conséquences des enquêtes judiciaires en cours ». Le piège est tendu, il n’y a plus qu’à attendre.

Les affaires et Sarkozy sont du pain bénit pour ses concurrents. Ceux de l’élection de novembre (Hervé Mariton et Bruno Le Maire) n’en profiteront sans doute pas, mais les ambitieux de 2017 (François Fillon, Alain Juppé, Xavier Bertrand…) savent déjà qu’ils en tireront un petit quelque chose. En attendant que la justice fasse son travail, les rivaux de l’ancien président trouvent d’autres voies pour le mettre en difficulté. Et le choix des armes ne manque pas. Certains attaquent sur la forme en pointant la nervosité et l’agressivité de Nicolas Sarkozy. Mais le plus gros des critiques porte sur le fond, ou plus exactement, sur l’absence de fond.

Deux ans de réflexion. Deux ans durant lesquels toute pensée humaine a généralement le temps d’infuser. Deux ans de lectures, d’échanges et d’expériences. Et au bout du compte ? Rien. La première prise de parole de l’ancien président sur France 2 ne méritait qu’un seul commentaire : tout ça… pour ça !? Recycler vaguement deux idées d’un projet de 2012 – réforme de l’espace Schengen et recours aux référendums – et expliquer, sur la question du mariage pour tous, que l’« on a utilisé les homosexuels contre les familles », ne méritait certainement pas un entretien sur-mesure de 45 minutes sur le service public. C’est pourtant ce à quoi nous avons eu le droit. L'ex-chef de l'État a avancé de quelques millimètres plus récemment dans Le Figaro Magazine, en abordant ses « idées pour la France », semblant oublier au passage qu'il brigue la tête de l'UMP et non l'Élysée.

Nicolas Sarkozy en meeting à Lambersart, le 25 septembre.Nicolas Sarkozy en meeting à Lambersart, le 25 septembre. © Reuters

Si la sauce Sarkozy ne prend pas, c’est aussi parce que ses ingrédients sont les mêmes que ceux qui l’ont fait échouer en 2012 et qui n’ont toujours pas été digérés. L’ancien président à beau jeu de moquer, comme il l’a fait lundi soir à Vélizy-Villacoublay, cette UMP qui depuis deux ans « parle trop », mais « ne travaille plus ». Il fait exactement la même chose. Son programme pour le parti ? Lui-même. « Qu’on m’élise comme président et que je fasse le travail. Et vous allez voir que l’on va créer ce grand rassemblement. » L’égocentrisme pour seul projet. Une fois de plus, c’est un peu court. D’autant que le fameux « message de rassemblement » qu’il souhaite porter a lui aussi du plomb dans l’aile.

Certes, l’ancien président a encore son fan club dans le noyau dur des militants UMP. Mais pour le reste, c’est un homme seul. Parmi les élus de l’opposition, nombreux sont ceux à vouloir tourner la page. Près de 80 parlementaires ont d’ores et déjà officiellement parrainé les autres candidats à la présidence du parti, Hervé Mariton et Bruno Le Maire. Parmi la jeune génération, l’ancien ministre de l’agriculture peut également s’enorgueillir du soutien d’une grande partie des jeunes députés qui composent le collectif des “Cadets-Bourbon”, mais aussi de certaines “têtes pensantes” comme Maël de Calan, coanimateur du think thank labellisé UMP, La Boîte à idées.

Les quelques élus qui soutiennent Nicolas Sarkozy, en revanche, le font du bout des lèvres. Si le jeune député et maire UMP de Tourcoing (Nord), Gérald Darmanin, a accepté d’assurer le porte-parolat de la campagne de l’ancien président, il continue de répéter à l’envi qu’il soutiendra Xavier Bertrand pour la primaire de 2016. La fillonniste Valérie Pécresse réserve, elle aussi, son vote à Nicolas Sarkozy – une façon de s’assurer qu’il rendra la pareille aux futures régionales où l’ex-ministre de l’enseignement supérieur est candidate en Ile-de-France –, mais « il faut lire entre les lignes : c’est un vote, pas un soutien », prend soin de “stabiloter” son entourage à Mediapart. « Même NKM ne donne pas son blanc-seing », confie un proche de la députée de l’Essonne, qui fait pourtant partie de l’équipe rapprochée du candidat.

Nathalie Kosciusko-Morizet, Carla Bruni-Sarkozy et Valérie Pécresse en mai 2014, à Paris.Nathalie Kosciusko-Morizet, Carla Bruni-Sarkozy et Valérie Pécresse en mai 2014, à Paris. © Reuters

Au baromètre des tendances, figure encore l’épisode récent des sénatoriales où les soutiens de l’ex-chef de l’État (Jean-Pierre Raffarin, candidat plateau, et Roger Karoutchi, candidat à la présidence du groupe UMP) sont sortis défaits. Il ne fait pas bon être sarkozyste ces derniers temps et c'est en partie la raison pour laquelle la plupart des élus se murent dans le silence. Afin de les pousser à parler, “Sarkozy la menace” en convoque beaucoup dans ses bureaux parisiens de la rue de Miromesnil. Il les invite à réfléchir à la suite de leur carrière politique, leur explique que ce n’est pas le moment de se tromper. Des méthodes que d’aucuns, dans l’entourage de l’ex-chef de l’État, qualifient de « négociations », mais qui de fait, ont tout de la tentative d'intimidation.

La cerise sur le gâteau des camouflets subis par Nicolas Sarkozy a été posée par Jacques Chirac, le 2 octobre. « J’ai toujours su qu’Alain Juppé serait au rendez-vous de son destin et de celui de la France. Peu de chose pouvait me faire plus plaisir, pour moi-même, pour lui et surtout pour notre pays », a déclaré ce jour-là l’ancien président au Figaro, répondant ainsi à son épouse, Bernadette Chirac, qui avait qualifié le maire de Bordeaux « d’homme très très froid (qui) n'attire pas les gens ».

Bernadette Chirac fait partie du cercle désormais très fermé – pour ne pas dire confidentiel – des sarkozystes purs et durs. Elle y côtoie notamment Nadine Morano et les “bébés Hortefeux et Buisson” de la Droite forte, Geoffroy Didier et Guillaume Peltier. Des fidèles qui font un peu tache dans le décor de « renouveau » devant lequel l’ancien président essaie tant bien que mal de se maintenir. Aussi a-t-il choisi tout simplement de les écarter de son équipe de campagne. Une décision qui n’a pas manqué de susciter leur amertume, comme l’illustre cette anecdote rapportée par Le Canard enchaîné : lors du premier meeting de Nicolas Sarkozy à Lambersart (Nord), Nadine Morano a fait valoir son point de vue à son champion en qualifiant Gérald Darmanin de « chihuahua » et Laurent Wauquiez de « crevure ». « Ce sont les anciens qui t’ont fait gagner la présidence de l’UMP en 2004, et en 2007 l’Élysée. Alors que ce sont eux, les gens comme Wauquiez, NKM ou encore Pécresse qui t’ont planté en 2012 », a-t-elle ajouté, furibonde.

Entre la jalousie des fidèles, le silence des élus et la prudence des soutiens, Nicolas Sarkozy est encore loin, très loin de rassembler sa famille politique. Lui semble presque s’en moquer. Ce qui lui importe désormais, c’est de regarder le nombre de like augmenter sur sa page Facebook. « J’ai gagné 35 000 nouveaux amis en moins d'une journée, se félicitait-il au JDD, juste après son retour. C'est bouleversant de voir tous ces gens qui reprennent confiance. » L’ancien président devrait regarder de plus près ses fils de commentaires, où les messages d’encouragement ont parfois du mal à rivaliser avec les insultes et les moqueries.

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Les gros cadeaux d'un oligarque kazakh à l’équipe Sarkozy

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C’est une nouvelle affaire qui en rappelle d’autres. En 2009, plusieurs conseillers de Nicolas Sarkozy ont négocié avec l’oligarque kazakh Patokh Chodiev les conditions d’un marché de vente de 45 hélicoptères, de deux satellites d’observation au Kazakhstan et d’autres contrats pour un montant total d’environ 2 milliards d’euros. Mais l’oligarque qui offre ses contacts avec le président Noursoultan Nazarbaïev demande l’appui de l’Élysée pour sortir d’une affaire judiciaire en Belgique. Et il sort le grand jeu pour séduire le clan Sarkozy.

Selon des documents obtenus par Mediapart, Patokh Chodiev qui a pris contact avec certains conseillers dès 2008, invite le 25 septembre 2009 l’équipe de Sarkozy au restaurant trois étoiles L’Ambroisie — pour 11 000 euros —, puis il offre une montre de 44 000 euros au conseiller diplomatique Damien Loras. Quelques jours plus tard, le 6 octobre 2009, Nicolas Sarkozy rend une visite éclair, de quelques heures, au président Nazarbaïev « autour de la signature de contrats économiques », au grand dam des organisations des droits de l’homme, qui condamnent de longue date les pratiques de ce régime autoritaire.

« La meilleure façon de résoudre des problèmes, car il y a des problèmes, et j'en ai parlé avec le président, ce n'est pas forcément de venir en donneur de leçons, c'est de venir en ami pour essayer de trouver des solutions », explique alors Sarkozy.

Nicolas Sarkozy et Damien Loras, à l'Elysée, en avril 2012.Nicolas Sarkozy et Damien Loras, à l'Elysée, en avril 2012. © Reuters

C’est un virement de 300 000 euros reçu par un chargé de mission à l’Élysée, Jean-François Étienne des Rosaies, qui alerte le service de lutte contre le blanchiment Tracfin, et provoque une enquête du parquet, puis une information judiciaire, dont l’ouverture en mars 2013 a été dévoilée par Le Monde.

L’enquête pour « blanchiment en bande organisée », « corruption d’agents publics étrangers » et « complicité et recel » est confiée aux juges Roger Le Loire et René Grouman. Ces derniers ont mis en examen, début septembre, l’avocate en France de Patokh Chodiev, Me Catherine Degoul, qui a procédé elle-même, selon Le Monde, au virement sur le compte d’Étienne des Rosaies, chargé de mission à l’Élysée jusqu’en 2010.

Damien Loras, aujourd’hui consul général de France à São Paulo, a été la courroie de transmission entre l’Élysée et l’oligarque. Le diplomate, alors membre de la cellule diplomatique de l’Élysée (pour l’« Amérique, Russie, Caucase, Balkans et Asie centrale »), rencontre Patokh Chodiev fin 2008. Ce dernier noue parallèlement des contacts avec l’état-major d’EADS. Le 7 mai 2009, une rencontre scelle les contacts entre les industriels et l’oligarque dans la villa de ce dernier, “Le Petit Rocher”, au cap Ferrat. Le 23 juillet suivant, Damien Loras obtient de rencontrer le président Noursoultan Nazarbaïev avec son supérieur Jean-David Levitte, dans la même résidence.

Il s’agit, déjà, de préparer deux voyages importants au Kazhakstan. Le premier est celui des patrons d’EADS. Fin septembre 2009, Marwan Lahoud, directeur général délégué en charge de la stratégie et de l’international d’Airbus Group, et son bras droit, Jean-Pierre Talamoni, directeur du développement international, se rendent en jet privé Falcon 2000 (coût du voyage : 80 000 euros) à Astana pour y voir le premier ministre et fixer les modalités du contrat qui sera signé l’année suivante. Damien Loras, venu quant à lui dans un avion du gouvernement, est présent à ce rendez-vous.

Jean-Pierre Talamoni, pourtant, conteste vivement tout pourparler avec l’oligarque au sujet des hélicoptères kazakhs. « Si vous pensez que ce contrat se négocie avec un monsieur comme M. Chodiev, c'est une méconnaissance totale de ce genre d'affaires, déclare-t-il à Mediapart. En aucun cas nous n’avons discuté d'hélicoptères avec M. Chodiev. Il y a zéro commission et ça vous pouvez m'envoyer tous les flics de la terre : il y a donc zéro rétrocommission. »

MM. Talamoni et Chodiev, le 7 mai 2009, dans la villa du second au cap Ferrat.MM. Talamoni et Chodiev, le 7 mai 2009, dans la villa du second au cap Ferrat. © DR

Quand nous lui indiquons que Mediapart détient des photos de lui (voir ci-dessus) dans la villa personnelle de Chodiev, lors d'un rendez-vous de travail du 7 mai 2009, Talamoni répond : « En aucun cas nous discutions d'hélicoptères. On parle d'ouverture du Kazakhstan. Les affaires ne se font pas au niveau politique, elles se font au niveau industriel. Sarkozy avait annoncé le Rafale au Brésil, à Koweït, il annonçait des milliards de contrats qui n'ont jamais eu lieu. » Pourtant, six mois plus tard, son patron Marwan Lahoud et lui-même s'envolent rencontrer le premier ministre kazakh à Astana. Par ailleurs, Mediapart a pu consulter des traces d'autres rendez-vous entre Jean-Pierre Talamoni, Brigitte Floch', autre cadre d'EADS, et l'oligarque Chodiev, que ce soit à Bruxelles (Hôtel Conrad), à Londres (Hôtel Dorchester) ou au Plaza Athénée à Paris.

Les affaires étaient, de fait, bien parties. Le 25 septembre 2009, Patokh Chodiev choisit de sceller un peu plus cette « amitié » naissante, place des Vosges, au restaurant L’Ambroisie. Les invités : Damien Loras et sa femme, Patrick Balkany, l’ami du président (qui a profité de certains déplacements dans le jet privé de Chodiev), Bruno Joubert, conseiller diplomatique adjoint et « Monsieur Afrique » à l’Élysée (qui sera nommé quelques jours plus tard ambassadeur au Maroc), et l’amiral Alain Oudot de Dainville, patron de l’office d’armement ODAS. Prix du repas : 11 310 euros. La facture est réglée par Chodiev qui laisse un pourboire de 500 euros.

La note de restaurant à L'Ambroisie, place des Vosges, à Paris. La note de restaurant à L'Ambroisie, place des Vosges, à Paris. © DR

À la fin du repas, l’oligarque offre une montre en or blanc et bracelet crocodile d’une valeur de 44 000 euros à Damien Loras. La montre semble oubliée. Mais elle réapparaît le 26 mars 2010, dans un mail adressé à Claude Guéant, secrétaire général de l’Élysée, et son assistante, Nathalie Gonzalez-Prado, par un homme d’affaires ayant connu Chodiev.

Intitulé « Très urgent », ce texte très précis rappelle comment l’affaire a débuté, quels furent les premiers contacts entre Patokh Chodiev et les conseillers de l’Élysée, les dates, les lieux, les personnes présentes. Cet homme d’affaires attire l’attention sur un homme en particulier : Damien Loras avec qui il a un différend. « Je ne sais pas à l’heure où je vous écris si Damien Loras sert toujours les intérêts de la France ou les intérêts de M. Chodiev et les siens par la même occasion puisqu'il (Chodiev - ndlr) lui a payé une montre d'une valeur de 44 000 EUR. Facture à l'appui en pièce jointe. »

Obtenue par Mediapart, cette facture mentionne la remise de la montre, le 25 septembre 2009, date de la réception de L’Ambroisie.

La montre à 44 000 euros offerte à un conseiller de l'Elysée.La montre à 44 000 euros offerte à un conseiller de l'Elysée. © DR

« Oui, M. Chodiev m'a bien offert deux montres dont je ne connais pas le montant, a confirmé Damien Loras. Une pour moi et une pour ma femme. Mais deux jours après, je m'en suis ouvert à mon supérieur Jean-David Levitte. Après que mon assistante d'alors eut constaté que la cession de ce cadeau à une organisation ou association à vocation humanitaire n'était pas possible. » Damien Loras nie avoir reçu la montre en main propre lors de ce dîner. Il indique dans un mail suivant l'échange téléphonique avoir reçu « par porteur, peu après mon mariage (12 septembre 2009) des montres de valeur à mon domicile ». Et c'est pour cela qu'il n'aurait pu les refuser sur le moment. Car, indiquait-il, « je suis tout à fait d'accord qu'il est impensable dans des fonctions de ce type d'accepter ce genre de cadeaux ».

Le diplomate assure les avoir laissées dans un coffre de la « salle du chiffre » de l’Élysée. Contactés les services de l’Élysée n’ont pas été en mesure de confirmer la version de Damien Loras. Depuis 2012, les cadeaux reçus d’une valeur supérieure à 150 euros sont conservés dans une salle du Palais de l’Alma.

L’autre partie s’est jouée en Belgique, par l’intervention d’un homme politique libéral, vice-président du Sénat, Armand De Decker. Et c’est là où intervient Jean-François Étienne des Rosaies, qui le connaît bien. La demande de Patokh Chodiev n’est pourtant pas simple. Elle vise à le sortir d’un dossier judiciaire dans lequel il est mis en cause pour corruption — l’affaire Tractebel.

« Quand j’ai quitté la présidence du Sénat en juillet 2010, j’ai repris mes activités d’avocat, explique dans la presse belge Armand De Decker, en 2012, après les premières révélations du Canard enchaîné dans ce dossier. J'ai alors reçu un appel de Me Degoul et de Me Tossens, avocat bruxellois, pour que je les rejoigne dans la défense de Monsieur Chodiev. Il s'agissait d'un vieux dossier lié à l'affaire Tractebel, datant de 1996, et qui risquait, pour le ministère public, de se heurter au délai raisonnable. On est vite arrivé à la conclusion qu'il valait mieux une transaction. » Le politique assure qu’il n’a « jamais rencontré Monsieur Chodiev en personne ».

Pour Chodiev, la solution est législative. Elle dépend d’un nouveau texte sur la transaction pénale. En février 2011, une proposition de loi est déposée à la Chambre. En mars elle est adoptée. Elle est promulguée le 16 mai et Chodiev est tiré d’affaire. Une transaction est négociée avec le parquet de Bruxelles, qui abandonne ses poursuites contre la somme de 23 millions d'euros en août 2011. Plusieurs députés s’étonnent de la rapidité d’examen de ce texte, mais ils imaginent qu’il est destiné aux diamantaires.

Armand De Decker reconnaîtra dans la presse belge « connaître de longue date » le chargé de mission Étienne des Rosaies. Et ce dernier écrit lui aussi à Claude Guéant, le 28 juin 2011, pour résumer ses diligences pour « sauver Chodiev ». De Decker « nous a apporté l'adhésion des Ministres de la Justice, Finances et Affaires étrangères », écrit Étienne des Rosaies. C’est lui qui a « engagé » le vote à l'unanimité du parti libéral pour modifier la loi du Code civil de justice belge permettant à l'État de procéder à « des transactions financières dans des affaires pénales recouvrant notamment les chefs d'inculpation de blanchiment, faux en écriture et association de malfaiteurs ».

Ces manœuvres ont poussé, mardi, le député belge Olivier Maingain à demander la création d’une commission d’enquête dans un entretien accordé au Monde. « S’il est avéré que le pouvoir législatif belge a été instrumentalisé par le pouvoir sarkozyste pour in fine conclure un marché de vente d’hélicoptère, alors c’est un scandale d’État », a-t-il commenté.

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Philippe Poutou démissionne de la direction du NPA

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C'est par un mail envoyé dimanche soir à ses camarades que Philippe Poutou a tiré sa révérence de la direction du NPA. L'ancien candidat anticapitaliste à la présidentielle de 2012 a annoncé sa décision à ses camarades, en regrettant que le comité exécutif (CE) du parti soit trop « parisien » et que « de trop nombreuses choses sont décidées et faites hors du collectif ».

Evoquant une crise de direction, il ne quitte pas pour autant l'organisation et dit espérer que le prochain congrès, qui doit se tenir en février prochain, soit l'occasion de « se débarrasser de nos “conneries” », citant pêle-mêle « les problèmes de fonctionnement, de manque de démocratie, de manque de respect entre camarades ». Il ne s'épargne pas non plus : « A force, je me rends bien compte que je me déforme aussi, que je finis par décider seul, par faire ce que je veux. Ce qui n'est pas bon du tout. »

Joint par Mediapart, Philippe Poutou « ne souhaite pas en dire davantage » que ce qu'il a écrit. « C'est entre nous, c'est de la sauce interne, les questions de fonctionnement posent problème quand on se veut une organisation sociale et démocratique, dit-il. Mais si on veut que la discussion soit la plus sereine possible, elle ne doit pas se passer dans la presse. » Délégué CGT dans l'usine Ford de Blanquefort (Gironde), Poutou reste militant du NPA, membre de son conseil politique national (CPN), et notamment très engagé dans l'actuelle mobilisation contre le barrage de Sivens, dans le Tarn. Contactés, d'autres dirigeants du NPA n'ont pas donné suite à nos appels.

Philippe Poutou avec ses collègues salariés de Ford, lors d'une manifestation au salon de l'auto, le 4 octobre dernierPhilippe Poutou avec ses collègues salariés de Ford, lors d'une manifestation au salon de l'auto, le 4 octobre dernier © compte twitter de la journaliste AFP @chrisbnielsen

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La lettre de Philippe Poutou, ci-dessous

Ma démission du CE : comme une contribution pour le congrès

J’annonce maintenant ma démission du CE mais je précise de suite que ce n’est pas un évènement, ce n'est pas une décision brusque. C’est seulement le résultat logique de ma non intégration à l’équipe exécutive et de désaccords multiples sur le fonctionnement. En vrai, je n’étais qu’un « fantôme » au CE et ce, depuis le début. Donc pas de souci, mon choix n’aura pas de conséquences handicapantes. Faut dire que cela fait plus d'un an que je pense démissionner. J'ai alerté et questionné à plusieurs reprises sur mes problèmes d'intégration et sur nos problèmes de fonctionnement. J'ai envoyé plusieurs e-mails mais jamais de réponses, jamais de discussions à part quelques échanges avec quelques camarades réceptifs.

D’abord, une impossible intégration : Je n’ai jamais su ou pu m’intégrer. Habiter à 550 kilomètres, à 10 heures de transport aller retour (en train) ou à 6 heures en avion, ça complique. Malgré mon jour « npa » il m’était difficile de participer aux réunions le soir à 18h30 : Juste pour se faire une idée : y participer cela signifiait dormir à Paris et du coup devenait ingérable pour ma vie de famille. Ce sont mes limites, désolé. Faut savoir que je passe déjà quelques nuits à l’extérieur à l’occasion de participations à des initiatives diverses (manif, meetings, média). J’ai quand même tenté de faire le début des réunions, les retours chez moi à minuit, sans tram, à pied… un peu trop l’aventure à mon goût. Tout ça pour embaucher tôt le lendemain. Puis progressivement je ne suis plus venu aux réunions, je passais alors la journée du lundi à Roto (le siège du NPA, à Montreuil ndlr), puis le mardi puis n’importe quel jour, peu importe car dans tous les cas, il n’y avait pas de cadre collectif pour m’intégrer. Je me suis senti inutile de plus en plus. D’autant plus gênant que des camarades supposaient une mauvaise volonté de ma part, ignorant en quoi tout cela était compliqué pour moi. Ça fait bien partie des problèmes auxquels on est confronté et pas simple à gérer, ça pose notamment le problème de la participation régulière à un exécutif  quand on habite loin. Comment mettre en place un CE avec des camarades non-parisiens, peut-on élaborer un cadre pour le réussir ? Et puis quel lien entre l’exécutif et le CPN (conseil politique national, le parlement du parti ndlr), quelles fonctions pour chacun ? Pour permettre l’intégration de chaque camarade, cela suppose qu’on s’intéresse à l’autre, qu’on ait le souci de construire une équipe qui intègre tout le monde. On est obligés d’en discuter, de progresser dans notre structuration.

Ensuite, les désaccords sur le fonctionnement du CE (comité exécutif ndlr) : Je ne règle pas de comptes, je veux bien prendre ma part de responsabilité, donc on peut en discuter tranquillement. Les difficultés de fonctionnement concernent tout le monde, on peut tous se sentir responsables de notre incapacité collective à fonctionner démocratiquement, respectueux même des camarades. Le problème est ancien mais demeure, s’installe carrément. On pensait pouvoir le régler à l’occasion du dernier congrès mais non, on en est presque au même point. On ne s’en sort pas, on semble même complètement engluer dans des relations conflictuelles, destructrices, usantes, démoralisantes. Ce n’est pas seulement un problème de « tendances » car le conflit, l’agressivité, le manque de respect ou d’attention ou de correction, cela existe aussi au sein d’une même tendance, entre « groupes » ou cliques différentes.

Cette ambiance permet à chacun de fonctionner un peu comme il veut, chacun dans son « coin » au mépris de règles collectives, au mépris d’un fonctionnement démocratique où le souci est de rendre des comptes à la collectivité. La conséquence est logiquement un manque de transparence. Par exemple, il n'y a pas de compte-rendu de réunion CE. De trop nombreuses choses sont décidées et faites hors du « collectif ». Je peux l'illustrer avec les tâches de porte parole : les apparitions médiatiques ne sont pas discutées, ni le fond ni le choix d’y aller ou pas, de comment faire ; on ne discute pas des meetings, de quoi dire mais aussi d’où on veut aller, du pourquoi on va là et pas ailleurs, à quelles manifestations participerions-nous, quelles priorités, quels axes d'interventions dans telle ou telle situation. Une commission avait été mise en place pour gérer cette question, elle n’a jamais fonctionné correctement et a été abandonnée discrètement ou bien ça fonctionne en tout petit groupe. Cela donne des trucs pas terribles : je suis allé soutenir les « anti-barrage », les intermittents sans discussion, j’étais quasiment à mon compte. J'y suis allé à la demande des camarades investis dans ces mobilisations mais sans avis du CE. Mieux encore, pour la manif de Quimper le 2 novembre 2013, nous étions seulement 3 du CE en plus des camarades Bretons a avoir pris position clairement pour y aller, nous débrouillant avec la pression qui existait les jours précédents. A force, je me rends bien compte que je me déforme aussi, que je finis par décider seul, par faire ce que je veux. Ce qui n'est pas bon du tout.

Pour ne pas juste redistribuer des places et refaire un tour pour rien : Le congrès arrive et les disputes plus ou moins justifiées sur l’orientation à débattre vont s’intensifier. Mais il va bien falloir se coltiner sérieusement les problèmes de fonctionnement, de manque de démocratie, de manque de respect entre camarades. Les questions de démocratie ou de vie collective ne sont pas liées aux questions d'orientations ou de politiques telles l’opposition de gauche, les rapports avec les FdG, le sectarisme ou les tendances réformistes. D’un côté ou de l’autre, nous n’avons pas su faire pour mettre en place une direction qui permette de construire, de coordonner l’activité, d’aider les équipes militantes à se renforcer. D'un côté ou de l'autre, nous ne sommes pas plus transparent ou collectif. Le CE tel qu’il se comporte contribue au contraire à paralyser, à étouffer et même à abîmer. C’est triste parce nous réussissons à gâcher des possibilités de développement, à gaspiller des forces et à laisser des équipes militantes sans solution.

La période actuelle n’est pas si défavorable pour nous, il y a des choses à faire, à tenter. Pour cela, c’est obligatoire, il faut se débarrasser de nos « conneries ». Il faut que nous en parlions franchement, sans se faire la guerre, sans se vexer et sans en faire des histoires personnelles. Au Npa, nous subissons aussi l’opportunisme individuel, l’ambition personnelle, la prétention, le sentiment de supériorité ou encore l’aspiration à prendre la place (sa place) et à vouloir la garder. Il y a besoin de se remettre en cause sur toutes ces questions. Le congrès peut en être l'occasion. Cela nous donnerait de l’air frais, si utile pour discuter sereinement de notre construction ou reconstruction. On a besoin de revoir le rôle du CE, celui du CPN et le rapport entre les deux instances. Cela pourrait passer par limiter les fonctions du CE et renforcer celles du CPN. Il y aurait aussi besoin de voir comment fonctionner avec des camarades qui habitent loin, qui n'ont pas les mêmes disponibilités.

Le CE, le CPN, l’ensemble de la direction, ne doivent pas seulement être le lieu de débats ou de disputes sur l'orientation, ils doivent aussi s'intéresser à la vie du parti et des comités. Il serait nécessaire d'agir pour aider les équipes militantes à construire le Npa, impulser des initiatives, proposer de l’aide, organiser la collaboration, l’entre-aide entre les villes, les régions. Le CE/CPN doivent pouvoir organiser des meetings à Paris mais aussi s'y intéresser pour les autres régions, impulser des initiatives publiques dans les autres villes, dans les petites villes, dans les zones rurales. Le parti doit se construire partout et dans tous les milieux. Le CE souffre en plus d'être trop "parisien". Tout s'y concentre, les initiatives centrales comme les tensions.

La "crise" que nous vivons n'est pas seulement une crise de direction. On a la direction qu'on mérite. C'est peut être vache de le dire comme ça mais c'est ainsi. En tout cas, c'est forcément tout le parti qui trinque tant que nous n'arriverons pas à nous sortir de ces problèmes de fonctionnement. L'ensemble des militants, pas seulement ceux de la direction (CE et CPN) ont un rôle à jouer. Maintenant, avant le congrès et après.

Philippe

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Compte de campagne : le caillou dans la chaussure de Nicolas Sarkozy

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Il est le premier responsable. En juillet 2012, quand le compte de Nicolas Sarkozy est remis aux autorités de contrôle, il est non seulement signé de son trésorier de campagne et de son expert-comptable, mais aussi de la propre main du candidat. Ce jour-là, en bas du document, Nicolas Sarkozy appose son paraphe avec ces quelques mots: « Vu et certifié exact le compte et ses annexes. »

© Reuters

Comme le prévoit la loi pour tous les candidats, l’ancien président se porte ainsi garant à titre personnel de la régularité de ses dépenses – de même qu’il a emprunté des millions d’euros à titre personnel pour financer sa campagne, qu’il a encaissé à titre personnel une avance de l’État, etc. Or, on le sait aujourd’hui, ce compte et ses annexes étaient non seulement inexacts, mais grossièrement truqués.

Avec l’explosion de l’affaire Bygmalion, on voit de plus en plus mal comment le candidat Sarkozy en personne va pouvoir s’extraire de cette nasse. Les trois juges d’instruction chargés du dossier par le parquet de Paris en juin dernier, saisis de potentiels délits de « tentative d’escroquerie », « abus de confiance » et « faux et usage de faux », diront si Nicolas Sarkozy était au courant du maquillage de son compte de campagne et du système de fausse facturation mis en place avec Bygmalion pour minorer ses frais de meetings – ou bien si le “patron” a été tenu dans l’ignorance par ses lieutenants.

Mais que son implication soit démontrée ou non dans le dossier Bygmalion, il est une infraction “mineure” que Nicolas Sarkozy semble bien avoir commise et qu’il aura du mal à balayer : celle prévue par l’article 113-1 du code électoral qui punit d’un an de prison et de 3 750 euros d’amende (ou l'une de ces deux peines) tout candidat ayant « dépassé le plafond des dépenses électorales » ou déclaré des « éléments comptables sciemment minorés ».

Le compte de campagne déposé et certifié exact par Nicolas SarkozyLe compte de campagne déposé et certifié exact par Nicolas Sarkozy © Journal officiel

Les faits semblent en effet établis depuis la décision du Conseil constitutionnel de juillet 2013 (définitive et non susceptible de recours) : avant même les révélations sur les 17 millions d’euros de prestations cachées de Bygmalion, les « Sages » avaient déjà déniché 1,6 million d’euros de dépenses non déclarées par Nicolas Sarkozy (tracts, conseils en communication, etc.) et jugé « irrégulier » le financement de son meeting de Toulon (réglé avec l’argent de l’Élysée). Après avoir réintégré tous ces frais, le conseil constitutionnel avait estimé que le candidat dépassait de 460 000 euros le plafond de dépenses légal. Son compte rejeté, Nicolas Sarkozy avait automatiquement écopé d’une pénalité financière (de 360 000 euros) et dû tirer un trait sur le remboursement par l’État de ses frais de campagne (à hauteur de 10,6 millions d’euros).

Par conséquent, quel que soit le résultat de l’instruction menée sur le système de fausse facturation de Bygmalion, que le délit de « tentative d’escroquerie » puisse être imputé à Nicolas Sarkozy ou non (un lourd délit passible de sept ans de prison et de 750 000 euros d’amende quand il est commis « au préjudice d'une personne publique »), la voie semble relativement dégagée pour des poursuites sur la base du “petit” article 113-1 du code électoral, des poursuites a minima en quelque sorte, mais à l’encontre de Nicolas Sarkozy en personne.

Cet article-là, tout le monde semblait jusqu’ici l’avoir oublié. Il faut dire qu’il est rarement actionné par la justice pénale : les procureurs de la République semblent considérer en général qu’un candidat qui voit son compte retoqué par le juge administratif (à l’issue de législatives, de cantonales, etc.) est déjà suffisamment plombé par le non-remboursement de ses frais de campagne, voire par l’annulation de l’élection qui en découle. Mais tout poussiéreux qu’il soit, cet article existe bel et bien dans la législation française.

Les enquêteurs de l’Office central de lutte contre la corruption (qui travaillent avec les trois juges d’instruction) s’en sont souvenus. Leur patronne, Christine Dufau, fait visiblement référence à cette infraction dans un procès-verbal de synthèse daté du 1er octobre, dont Le Monde a dévoilé des extraits cinq jours plus tard. Pour que les trois juges aient le droit d’instruire sur cette base (et non plus seulement sur des soupçons de « faux et usage de faux », d’« abus de confiance » et de « tentative d’escroquerie »), il leur faut maintenant demander – et obtenir – un réquisitoire supplétif du parquet de Paris.

À vrai dire, le conseil constitutionnel aurait pu signaler au parquet ces faits susceptibles d’enfreindre l’article 113-1 dès l’été 2013, juste après leur décision de rejet du compte de Nicolas Sarkozy. La Commission nationale des comptes de campagne, elle aussi, aurait pu écrire au procureur de la République. En réalité, ni l’un ni l’autre n’ont bougé. Pourquoi ?

Les deux institutions ont sans doute considéré que le non-remboursement par l’État de 10,6 millions d’euros de frais de campagne constituait un coup de tonnerre suffisant dans le paysage politique. En clair, pas besoin d’en remettre une couche devant le juge pénal.

« Surtout, il n’y avait pas de précédent, assure l’ancien avocat de Nicolas Sarkozy devant le Conseil constitutionnel, Me Philippe Blanchetier, spécialiste de droit électoral. L’article 113-1 fait partie de ces dispositions du code qui sont très peu ou pas du tout appliquées. Probablement parce qu’on considère que la privation du droit au remboursement constitue une sanction suffisante. » Et de citer le cas du socialiste Jean-Pierre Huchon, dont le compte de campagne a été retoqué aux élections régionales de 2010 sans qu’il soit poursuivi pour autant au pénal.

L’intention du législateur était pourtant simple : ne laisser impuni aucun comportement attentatoire au principe d’égalité entre les candidats.

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Le gouvernement prépare une nouvelle offensive contre chômeurs et salariés

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Après un vibrant « J’aime les entreprises » à l’université d’été du Medef puis une version allemande « Ich mag die Unternehmen » à Berlin, le premier ministre Manuel Valls a offert, lundi, une nouvelle démonstration de la dérive libérale au sommet du pouvoir cette fois en anglais à Londres : « My government is pro-business ! [mon gouvernement est favorable au monde des affaires]. » C’était à Guildhall, à la City, le temple de la finance, cet adversaire sans visage que la gauche avait promis de combattre si elle accédait à l'Elysée. Mais la finance n’a jamais été une ennemie pour l’ancien maire d’Évry. C’est même une amie précieuse. Les plus hauts revenus ne seront plus taxés à 75 %. Cet impôt, promesse de campagne qui a tourné à la farce, sera supprimé dès la fin de l’année (lire ici), a-t-il confirmé outre-Manche.

Valls, qui se rêve en Tony Blair français, va même plus loin dans la distribution de gages au patronat sous couvert de la relance de l’économie et de la lutte contre le chômage de masse. Après les 40 milliards d’allègements de charges sans contrepartie et sans impact sur l’emploi, la réforme du marché du travail (ANI) qui a flexibilisé et précarisé un peu plus les salariés, celle des retraites qui allongent la durée de cotisation, il promet de vite s’attaquer au totem des 35 heures de Martine Aubry, au repos dominical et aux chômeurs « trop bien indemnisés ». De vieux marronniers du Medef, plein de clichés, que même la droite, même Nicolas Sarkozy, n’ont pas osé toucher, trop risqué socialement.

Voilà des semaines que Valls ou ses ministres, François Rebsamen (travail) et Emmanuel Macron (économie) en tête, distillent dans le débat public une tout autre idéologie que celle qui a porté François Hollande au pouvoir. Ils lancent des pavés dans la mare, des propositions scandaleuses, stigmatisantes, reprises en boucle dans les médias du matin au soir, qui désarçonnent, désespèrent et ulcèrent leur famille politique, son aile gauche ainsi que les syndicats de salariés, les associations de chômeurs et précaires. Souvent, ces sorties, qui se suivent et se ressemblent, sont présentées, commentées comme «le dernier couac du ministre untel » que Matignon vient d’emblée démentir d’un « ce n’est pas à l’ordre du jour », « la priorité, ce n’est pas créer un débat confus sur le temps de travail », etc.

Fin août, il y a eu ainsi « le couac » de Macron sur les 35 heures aussitôt recadré. Dans une interview au « Point » accordée les jours précédant sa nomination et publiée quelques jours après, l’ex-conseiller de François Hollande, en bon banquier, recommandait d’« autoriser les entreprises et les branches à déroger aux règles de temps de travail et de rémunération » « dans le cadre d’accords majoritaires avec les syndicats ». Soit la généralisation de ce qui existe déjà depuis la réforme du marché du travail de janvier 2013 (ANI) dans les entreprises en grandes difficultés économiques via les accords de maintien dans l'emploi. Quelques jours plus tard, début septembre, juste avant la grand-messe des partenaires sociaux, c’est François Rebsamen qui commettait « un impair ». Il demandait à Pôle emploi de renforcer le contrôle des chômeurs «pour vérifier que les gens cherchent bien un emploi» et appelait à la sanction en ressortant le discours de la droite et de l’extrême-droite sur « le chômeur fraudeur fainéant qui ne bouge pas de son canapé ».

C’était le tollé de la rentrée politique et sociale mais la langue de Rebsamen n’avait pas fourché. Dans un grand entretien accordé au journal bourguignon Miroirs, la semaine dernière, l’ancien maire de Dijon récidive. « Je me bats depuis longtemps pour une vision libérale de l'économie », annonce le titre. Le ministre revient notamment sur sa sortie sur «les chômeurs-fraudeurs» « qui n'a pas empêché 60 % de la population d'approuver ce message » : « Ils (les Français) ont conscience qu'il faut adapter notre système social, par ailleurs très protecteur : en renforçant les contrôles, en assouplissant les seuils, la législation sur les 35 heures, en autorisant le travail le dimanche. » Présentée comme un nouveau « couac » du ministre du travail, cette interview gênante, qui sera dépubliée à la demande du ministère puis republiée par le journaliste finalement (lire ici notre article), n’est que le miroir réfléchissant la pensée de Rebsamen et pas uniquement lui.

Aujourd’hui, la répétition est telle que le doute n’est plus permis sur les ambitions d’une partie de ce gouvernement. Il s’agit ni plus ni moins que de poursuivre l’entreprise de démolition du code du travail engagée depuis 2002 par la droite, de tester, diviser l’opinion publique sur des sujets éminemment explosifs pour faire passer ensuite en force les réformes au pas de charge. Le discours de Valls lundi à la City en témoigne. Depuis le début de sa tournée européenne, de l’Italie au Royaume-Uni en passant par l’Allemagne, pays où l'indemnisation du chômage a été rabotée depuis le début des années 2000 pour inciter au retour au travail, le premier ministre remet en question dans chacun de ses discours « le système français », ses blocages, ses verrous.

« La France a une préférence pour le chômage de masse bien indemnisé, c'est un fait », a-t-il dit en privé lors de sa visite à Berlin. « C'est (...) parce que nous acceptons malheureusement un chômage trop élevé, même s'il est bien indemnisé, que nous avons perdu du temps », a-t-il confié à son homologue finlandais la semaine dernière. Du pain bénit pour Pierre Gattaz, le patron du Medef. Dans son plan « un million d'emplois », il propose de « poursuivre la réforme de l’assurance-chômage pour accélérer le retour à l’emploi des chômeurs » et d'ouvrir pour ce faire de nouvelles négociations « sans attendre l’échéance de la convention actuelle ».

Ce mardi, dans l'émission Preuves par trois, sur Public Sénat, c’est un des très proches de Valls, Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État aux relations avec le Parlement, qui appuyait à son tour l’idée, suivi du porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll. « On le sait, il y a des gens qui ont un certain niveau de rémunération de substitution pour lequel ils peuvent se dire légitimement, “dans le système actuel, je peux attendre six mois un an avant de rechercher un travail” », a notamment déclaré Le Guen.

Derrière ces déclarations assenées comme des vérités, on retrouve tous les fantasmes rebattus sur les demandeurs d'emploi durant le quinquennat Sarkozy et pour lesquels le parti socialiste n’avait pas de mots assez durs à l’époque pour les condamner. Il en est un qui persiste : celui des emplois non pourvus, ces fameux jobs qui ne trouvent pas preneurs malgré le nombre élevé de chômeurs. Les chiffres varient du simple au double. Sous Sarkozy, on en comptait un jour 500 000, un autre 250 000. Sous Hollande, c’est aussi le yoyo. Rebsamen parlait de 350 000 emplois jusqu’à ce que Pôle emploi dévoile une étude, fin septembre, jugeant stérile le débat sur les statistiques et relativisant la réalité des offres non pourvues ainsi que la responsabilité des demandeurs d'emploi dans les difficultés de recrutement (lire ici l’article des Échos).

En France, la question de l’indemnisation des chômeurs, qui relève des partenaires sociaux sous la bannière de l'Unedic (l’organisme paritaire de gestion de l'assurance-chômage) et qui pose la question de la légitimité de l’État, est récurrente. Elle revient sur la table trois mois à peine après l’entrée en vigueur, début juillet, d'une nouvelle convention d'assurance-chômage. Celle qui fut signée en mars par trois syndicats (CFDT, FO et CFTC) et le patronat, et qui a entraîné le mouvement des intermittents du spectacle toujours mobilisé.

A la veille de l’ouverture ce jeudi de la négociation sur la modernisation du dialogue social qui doit réformer les seuils sociaux, les syndicats voient «une provocation» dans cette rhétorique empruntée au patronat. « Il n’est pas question, dans cette période de hausse du chômage, de baisser les droits des chômeurs, encore moins de renégocier la convention avant son terme », a réagi Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. « On s’en prend aux chômeurs et cela évite de parler du chômage », a renchérit son côté son homologue Thierry Le Paon de la CGT. «A quoi joue Valls, à quoi joue le gouvernement ?», se demandent-ils. En janvier dernier, François Hollande avait déclaré : « Ce n’est pas à un moment où il y a un taux de chômage élevé qu’il faut réduire les droits des chômeurs ». 

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Et revoilà la baisse des allocations familiales pour les plus riches

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« Il y a un gros danger politique », s'inquiétait il y a quelques jours ce parlementaire spécialiste des questions sociales. C'est peu dire que les 700 millions d'euros annoncés la semaine dernière sur la branche famille dans le projet de budget de la sécurité sociale sont mal passés. Ils s'ajoutent en effet aux 3 milliards d'économies prévus pour le seul budget de la Sécurité sociale l'année prochaine, notamment sur l'hôpital et les médicaments. Et aux 21 milliards d'économies sur le budget de l'État qui vont être votés dans les semaines à venir au Parlement. Pour de nombreux parlementaires socialistes, même les moins rebelles, c'est le coup de serpe de trop.

À peine présenté ce mercredi matin 8 octobre en Conseil des ministres, le projet de loi de finances de la sécurité sociale pour 2015 pourrait donc être retouché. À l'occasion, un des principes de base du système social français depuis les années 1930 pourrait sauter : le caractère uniforme des allocations familiales pour les familles. La droite dénonce un nouveau mauvais coup contre les familles. Les associations familiales sont contre. Mais est-ce une si mauvaise mesure ?

La sécurité sociale à la diète

D'abord, quelques éléments de contexte. Il y a dix jours, le gouvernement a présenté sa copie pour le budget de la Sécurité sociale 2015. Au total, la Sécurité sociale doit économiser 20 milliards d'euros entre 2014 et 2017 – une grosse part des 50 milliards d'économies décidées au début de l'année. Dans le projet pour 2015, on trouve quelques mesures ouvrant des droits nouveaux : tiers-payant intégral pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé, prime de 40 euros pour les retraités touchant moins de 1 200 euros, minimum vieillesse à 800 euros.

Mais il s'agit surtout d'une (nouvelle) diète sévère pour la branche maladie : 3,2 milliards de baisse de dépenses dans les hôpitaux, sur les médicaments ou encore des pénalités financières pour les établissements ne respectant pas les accords passés avec les agences régionales de santé.

À ces mesures, s'ajoutent les fameux 700 millions qui touchent la branche famille de la Sécurité sociale :

  • Une réforme consistant à mieux partager le congé parental entre les parents. Officiellement, pour encourager l'égalité homme-femme en incitant la mère puis le père à prendre, par exemple, dix-huit mois de congé chacun – le congé parental peut aller jusqu'à trois ans. Le congé parental vient pourtant d'être réformé. Et cet été encore, les députés PS estimaient qu'aller au-delà de six mois pour les hommes, qui le prennent très peu, était irréaliste. Sans incitation financière supplémentaire, les hommes, qui ont beaucoup à perdre car ils restent 20 % mieux payés que les femmes, ne risquent pas de se bousculer. Or la réforme prévoit que, si un des deux parents ne le prend pas, le congé serait ramené à dix-huit mois maximum. Sous couvert d'égalité, c'est surtout une façon de faire des économies substantielles...
  • La prime de naissance serait amputée à partir du deuxième enfant. Versée au septième mois de grossesse, elle est aujourd'hui de 923 euros, quel que soit le revenu des parents. Elle passerait à 308 euros à partir du deuxième enfant. 
  • La majoration de 64 euros par mois des allocations familiales n'entrerait en vigueur qu'au seizième anniversaire de l'enfant, et pas au quatorzième comme aujourd'hui. 
  • Enfin, le "complément de libre choix du mode de garde" (CMG) serait réduit. Actuellement versé sans condition de ressources aux familles qui font garder leur enfant de moins de 6 ans par une aide à domicile ou une assistante maternelle, il serait divisé par deux pour les 20 % des familles les plus aisées. Selon la Cour des comptes, il est profondément inégalitaire. Les 10 % des familles les plus modestes touchent 120 millions d'euros au titre de cette aide… et les 10 % les plus aisées plus d'un milliard d'euros.

La volte-face ?

Ces mesures sur la famille ne rapportent "que" 700 millions d'euros. Ce ne sont donc pas les plus massives. Mais, comme d'habitude dès qu'il s'agit de la famille, elles suscitent le plus de commentaires. À droite, qui a tôt fait de dénoncer la moindre évolution de la politique familiale comme une agression contre les familles… d'autant qu'elles ont été annoncées juste avant la "Manif pour tous" du 5 octobre. Mais aussi, et c'est plus gênant pour le gouvernement, à gauche. « C'est inacceptable et nous ne voterons pas », a prévenu le socialiste Christian Paul, un des députés PS les plus contestataires, au sujet de réduction de la prime à la naissance. « Je ne suis pas un frondeur mais je ferai entendre ma voix, qui reflète un point de vue majoritaire chez les députés PS. La ministre serait donc bien avisée de nous écouter », a renchéri son collègue Sébastien Denaja, hostile à une nouvelle réforme du congé parental. « On a un vrai risque de ne pas avoir de majorité », s'inquiétait ce week-end un député.

La semaine dernière, certains élus ont planché sur des solutions alternatives. Et mardi, lors de la réunion du groupe PS à l'Assemblée, quelques-uns ont proposé de « moduler » les allocations familiales pour les plus hauts revenus. En clair, les baisser pour les ménages les plus aisés. « Il y a une position très majoritaire dans le groupe pour étudier à nouveau la modulation des allocations familiales », assure Bruno Le Roux, le président du groupe PS de l'Assemblée.

Sans approuver à ce stade, le gouvernement envoie des signaux positifs. « C'est une proposition qui a une force réelle : plus nos revenus sont élevés, moins on touche d'allocations. Cette proposition n'est pas celle du gouvernement. Nous allons en discuter avec les parlementaires », dit la ministre de la santé Marisol Touraine, dont un proche assure qu'elle n'était de toute façon pas convaincue par les mesures initiales, dénichées à la va-vite pour contenter le ministère de l'économie. « C'est normal », ajoute le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis. « Bien sûr, tout peut évoluer, la discussion est ouverte », a lancé le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll. On a connu le gouvernement bien plus fermé.

Chaque année, plus de 12 milliards d'euros sont versés aux 5 millions de familles qui ont plus de deux enfants au titre des allocations familiales. C'est une bonne partie des 31 milliards d'euros de prestations familiales versées par la sécurité sociale. Créées en 1932 pour encourager la natalité, les "allocs" sont devenus un totem de notre système social. Elles ont la particularité d'être dites "universelles" : le tarif est le même pour toutes les familles (en tout cas toutes les familles au-delà de deux enfants, ce qui relativise leur caractère universel), quel que soit leur revenu : 127 euros par mois au-delà de deux enfants, 290 euros pour trois enfants et jusqu'à 452 euros pour quatre enfants, plus 162 euros pour chaque bambin au-delà.

En fait, raboter les allocations familiales, en les fiscalisant (ce qui n'est pas le cas aujourd'hui) ou en les plaçant sous condition de ressources n'est pas une idée neuve. Elle resurgit fréquemment dans les cabinets ministériels. « Ça fait vingt ans qu'on en entend parler, c'est un vrai serpent de mer ! » expliquait l'an dernier à Mediapart Antoine Math, spécialiste des politiques familiales à l'Ires.

Raymond Barre y avait pensé dans les années 1980. En 1994, le rapport Minc préconisait de les mettre sous condition de ressources. Premier ministre, Alain Juppé souhaitait les fiscaliser. Son successeur Lionel Jospin et sa ministre Martine Aubry étaient passés aux actes, avant de reculer sous la pression des associations familiales. Ce qui a laissé de mauvais souvenirs à François Hollande, qui était alors premier secrétaire du PS…

La commission Attali (2008 et 2010) avait repris l'idée, en vain. Pendant la dernière campagne présidentielle, Hollande jurait d'ailleurs qu'il n'y toucherait pas. « Je reste très attaché à l’universalité des allocations familiales qui sont aussi un moyen d’élargir la reconnaissance nationale à toute la diversité des formes familiales. Elles ne seront donc pas soumises à conditions de ressources », avait-il répondu à l'Union nationale des associations familiales (UNAF).

En 2013, le président de la Cour des comptes, l'ancien député PS Didier Migaud, a proposé de les fiscaliser, suscitant une nouvelle polémique. Quelques semaines plus tard, un rapport préconisait la « modulation » des allocations familiales des familles « des deux déciles de revenus supérieurs ». Autrement dit : diminuer les allocations des 20 % de familles les plus riches, sans « toucher le haut des classes moyennes ». De quoi rapporter entre 500 millions d'euros et un milliard.

À nouveau, cette mesure suscite une levée de boucliers. Parce qu'elle remet en cause l'"universalité" des allocations familiales, chère à la droite et à une partie de la gauche, à certains syndicats et aux associations familiales (lire par exemple l'argumentaire de l'Unaf). Parce qu'en période de ralentissement économique, elle va peser sur la consommation.

Mais aussi parce que cette mesure purement comptable semble ouvrir une brèche : si les allocations familiales sont modulées en fonction des revenus, pourquoi cela ne serait-il pas aussi le cas demain avec, par exemple, les dépenses de santé ? « La mise sous condition de ressources de l’ensemble des prestations familiales pour une partie des plus aisés – souvent évoquée – est une erreur, écrit Louis Maurin, directeur de l'observatoire des inégalités. Elle conduira, à plus ou moins longue échéance, à la remise en cause de l’ensemble de la protection sociale le jour où les riches et les bien-portants préféreront payer pour leurs enfants plutôt que pour ceux des pauvres et leurs malades. La France souffre aujourd’hui déjà d’un déficit de politiques universelles. »

Surtout, la mise sous plafond de ressources ne peut pas corriger à elle seule l'effet puissamment anti-redistributif du quotient familial.  Exception française, cette réduction fiscale permet un allègement d'impôt dès le premier enfant. Or selon le Conseil des prélèvements obligatoires, les 10 % des foyers les plus aisés captaient en 2011 46 % des baisses d'impôt qu'il générait (6,5 milliards d’euros sur 14 !) Les 50 % les moins riches, eux, ne bénéficiaient que de 10 % de la ristourne. Quant aux millions de Français non-imposables, ils n'en voient pas la couleur. Une forme de redistribution à l'envers, qui profite aux foyers les plus aisés.

Le gouvernement a déjà abaissé cet avantage fiscal à deux reprises, la dernière fois l'an dernier dans le budget 2014, de 2 000 à 1 500 euros par demi-part. L'ampleur des inégalités qu'il entraîne a donc été (un peu) réduite. Louis Maurin propose de le supprimer purement et simplement, et d'augmenter d'autant les allocations familiales en les versant cette fois dès le premier enfant. Une façon de les rendre vraiment universelles. « Le niveau global des allocations familiales serait doublé, ce qui aurait un effet très net de relance de l’activité, le quotient familial d’aujourd’hui servant surtout à alimenter l’épargne des couches aisées, écrit-il. Une grande majorité des familles des catégories populaires et moyennes y gagneraient. En particulier les jeunes couples des classes moyennes au moment de la venue de leur premier enfant. »

En 2011, Terra Nova, proche du PS, proposait son remplacement par un crédit d'impôt forfaitaire par enfant, assorti d'une vraie réforme fiscale pour rendre l'impôt sur le revenu beaucoup plus progressif. Sauf que la grande remise à plat fiscale promise par le candidat Hollande a été enterrée. À défaut de grand chambardement, nous voilà donc condamnés à assister chaque année à des bricolages budgétaires en matière de politique familiale et d'impôt. Et à entendre nos dirigeants débattre sans fin des allocations familiales, qui ne sont qu'une partie du problème.

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Les socialistes français se sont divisés face à Cañete

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De notre envoyé spécial à Bruxelles. Ils sont treize eurodéputés socialistes et avaient déjà connu quelques difficultés, en juillet, pour adopter une position commune – en l'occurrence, l'abstention – lors du vote qui devait confirmer Jean-Claude Juncker à la présidence de la commission. Le feuilleton mouvementé des auditions de commissaires, qui a pris fin mercredi, a confirmé à quel point les socialistes français étaient encore loin de s'entendre sur la manière de faire de la politique à Bruxelles.

D'après nos informations, la réunion de la délégation socialiste française, qui s'est tenue mercredi en début d'après-midi, en amont d'une série de votes décisifs pour le sort d'une batterie de commissaires, a été agitée. Les élus se sont séparés sans position commune. Au cœur des désaccords : la nécessité de s'affranchir, ou pas, de la coalition officieuse qui lie les conservateurs du PPE (premier groupe du parlement) aux sociaux-démocrates du S&D.

Cet accord, fermement défendu par le président du parlement, le social-démocrate allemand Martin Schulz, a des allures de pacte de non-agression : aucun conservateur ne s'en prend à un commissaire social-démocrate, et inversement, pendant la période des auditions. C'est pour respecter l'esprit de ce pacte, et éviter que Pierre Moscovici ne se fasse éjecter en représailles, que les sociaux-démocrates ont finalement appelé à voter pour le conservateur Miguel Arias Cañete. L'Espagnol, pourtant très contesté, deviendra commissaire au climat et à l'énergie à partir de novembre.

Certains socialistes français contestent sans détour cette stratégie. « Il n'est pas question que je sois pris en otage. Ce compromis sur le mode "je-te-tiens-tu-me-tiens-par-la-barbichette", je le refuse. Je suis un député libre », explique Édouard Martin, qui effectue ses premiers pas au parlement européen, et a voté contre Cañete mercredi soir, aux côtés des socialistes espagnols (mais à l'encontre de la consigne officielle des sociaux-démocrates).

Au risque de faire chuter Moscovici dans la foulée ? « Je sais bien qu'au parlement européen, il faut chercher des compromis. Et je sais aussi que les socialistes, nous n'avons pas gagné les élections. Mais pour moi, si Juncker veut une majorité au parlement, il doit venir la chercher, et nous faire des propositions. Cela ne peut pas être l'inverse, avec ce chantage permanent sur Moscovici si l'on ne vote pas Cañete », poursuit l'ancien syndicaliste.

À l'inverse, le socialiste Gilles Pargneaux, un proche de Martine Aubry, a quant à lui défendu, dans la dernière ligne droite, le conservateur espagnol, estimant qu'il avait fait la lumière sur ses conflits d'intérêts, cédé ses parts dans les sociétés de pétrole, et pris des positions plutôt progressistes sur la transition énergétique ces derniers mois (notamment la réduction d'au moins 40 % des gaz à effet de serre d'ici 2030).

« C'est vrai que la délégation française était divisée, d'autant que le cas de Miguel Arias Cañete est devenu un symbole pendant ces auditions », reconnaît Isabelle Thomas, une eurodéputée située à l'aile gauche du PS. « Nous n'avons pas de divergences de fond, personne ne trouve Cañete génial. C'est la stratégie qui diffère », précise une source interne à la délégation.

« Bien sûr, j’aurais, et de très loin, préféré un(e) autre commissaire désigné(e) que M. Cañete, et je partage la frustration de mes collègues, a réagi Pervenche Berès, à la tête de la délégation française, dans un communiqué. Mais ce sont les États membres qui proposent leur commissaire et rien ne dit que M. Rajoy (le premier ministre espagnol - ndlr) aurait daigné proposer un candidat plus crédible. » 

D'après nos décomptes, sur les neuf élus socialistes présents, quatre d'entre eux – Guillaume Balas, Édouard Martin, Emmanuel Maurel et Isabelle Thomas – défendaient une position plutôt offensive : contre Cañete (quitte, par conséquent, à prendre le risque de malmener Moscovici par ricochets). Tandis que les cinq autres – Pervenche Berès, Sylvie Guillaume, Louis-Joseph Manscour, Gilles Pargneaux et Vincent Peillon – plaidaient pour une attitude plus conciliante. Dans l'esprit de ces derniers, provoquer une crise politique serait contre-productif : mieux vaut établir des rapports de force avec la droite du parlement, et faire avancer le volet « relance » de l'économie européenne, priorité du PS français à Bruxelles.

Mais pour Isabelle Thomas, le compte n'y est toujours pas, malgré les modifications de dernière minute de certains portefeuilles, qui vont notamment profiter au socialiste néerlandais Frans Timmermans. Les ambiguïtés restent fortes. « J'ai encore l'impression que ce n'est pas une commission présidée par Juncker, à laquelle participent des commissaires sociaux-démocrates, mais une commission entièrement verrouillée par le PPE (droite, premier parti du parlement européen). Il reste trop de zones d'ombre. Pendant les auditions, nous n'avons pas eu de calendrier précis pour la révision du budget européen. Et l'enveloppe de 300 milliards d'euros de relance promise par Juncker reste encore très opaque », énumère cette eurodéputée, qui, en l'état, s'apprête à voter contre la commission Juncker, le 22 octobre, à Strasbourg. D'ici là, les socialistes français vont multiplier les réunions pour tenter d'échafauder une position commune.

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Transition énergétique: poussée électrique à l’Assemblée

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Depuis le début de la semaine, les députés examinent le projet de loi de transition énergétique. Le texte est long (64 articles), la discussion progresse lentement, victime de la stratégie d’obstruction des élus de l’UMP (lire notre boîte noire). Au fur et à mesure de l’examen des articles, leurs subtilités révèlent la complexité baroque du système énergétique français. La modification de certains détails peut entraîner des effets en cascade.

Ainsi en est-il de la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre dans la performance énergétique des logements. Lors des travaux préparatoires, le président de la commission spéciale, le socialiste François Brottes, a fait discrètement passer un amendement ultra technique qui retouche le code de la construction et de l’habitation (en son article L111-9) : à partir de 2015, un « plafond » d’émissions de gaz à effet de serre doit être pris en considération dans la définition de la performance énergétique des constructions neuves. Auparavant, un simple « niveau » était requis pour 2020. En apparence, c’est un progrès pour le climat. « La loi veut réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030 et les diviser par quatre en 2050, il est logique de les intégrer dans la réglementation thermique », explique-t-il.

Ségolène Royal lors de la présentation du compteur électrique "intelligent" d'ERDF, mai 2014 (©MEDDE).Ségolène Royal lors de la présentation du compteur électrique "intelligent" d'ERDF, mai 2014 (©MEDDE).

Le problème, c’est que cette mesure risque de favoriser l’installation de radiateurs électriques, a priori moins émetteurs de CO2 que les chaufferies au fioul et les chaudières à gaz, compte tenu de la part du nucléaire dans la production de notre courant (75 %). Or ce mode de chauffage est énergivore, au point de causer d’importants pics de consommation en fin de journée lorsque les ménages rentrent chez eux : on parle alors de « pointe ». Pour répondre à cette brusque hausse de la demande, il faut d’un coup fortement augmenter la production d’électricité et donc actionner les centrales thermiques (charbon, fioul, gaz), les seules capables de démarrer rapidement – contrairement aux réacteurs atomiques qui tournent « en base ». Si bien qu’en réalité, le chauffage électrique contribue lui aussi à dérégler le climat.

RTE, la filiale d’EDF chargée de transporter le courant, s’inquiète dans son dernier rapport du « séisme des pics de consommation » atteints lors de la vague de froid, en novembre 2012. Un phénomène qui fragilise le système électrique et aggrave le risque de « black out », au fur et à mesure qu’augmente le nombre de radiateurs. « Durant la dernière décennie, on a ainsi constaté une augmentation des pics de consommation deux à trois fois plus rapide que celle de la consommation annuelle en énergie », décrit RTE, selon qui : « En 2014, la variation de puissance atteint 2 400 mégawatts (MW) de plus par degré en moins en hiver, alors qu’elle était de 1 500 MW par degré en 2000. »

Mais pour François Brottes, les logements qui sortent aujourd’hui de terre sont bien isolés. La réglementation thermique (dite « RT 2012 ») limite leur dépense à 40 à 60 kilowattheure par m2 et par an. « Ils consomment beaucoup moins que les constructions des années 1970 et n’empêchent pas de bien gérer la pointe. La gestion du chauffage électrique n’a plus rien à voir avec ce qui se passait avant. Ce procès permanent est un peu intégriste », se défend-il. C’est aussi la vision du gouvernement, qui reconnaît que cette mesure permettrait de redonner de l’attractivité au chauffage électrique mais que ce n’est pas forcément une mauvaise chose dans des logements bien isolés. Dans l’hémicycle, Ségolène Royal devrait présenter un amendement reportant d’un an, à 2016, la réforme Brottes (article 5 de la loi), mais en acceptant la philosophie.

« Les normes "bâtiment basse consommation" (BBC), RT 2012, bâtiment passif & Cie font très fortement baisser la consommation, mais cette faible consommation continue de se faire au moment de la pointe et donc tout nouveau chauffage électrique vient aggraver la situation, analyse Raphaël Claustre, directeur du CLER (Réseau pour la transition énergétique) : ajouter du chauffage électrique à un bâtiment performant, c'est faire empirer la situation avec modération. »

Surtout, cela fait des années que le monde de l’énergie se divise sur le mode de calcul du bilan carbone du chauffage électrique. Ce fut même l’une des batailles homériques du Grenelle de l’environnement. Résultat : il n’existe toujours pas de méthode consensuelle. Vers 2007, une note commune de l’ADEME et de RTE apparemment validée et diffusée dans leurs services respectifs ne fut jamais officiellement publiée, car elle estimait la valeur marginale du contenu CO2 du chauffage électrique entre 500 et 600 grammes de CO2/kWh, soit plus que des chaudières au gaz. Alors qu’EDF et le lobby de l’électricité défendent un calcul en moyenne autour de 180 g CO2. Rien à voir.

« Cela fait dix ans qu’on se bat là-dessus, et ils pensent y arriver en quelque mois ? » s’étonne une bonne connaisseuse du sujet. Ancien membre d’une commission qui devait déterminer le bilan carbone de l’énergie, Raphaël Claustre raconte : « C’est le seul groupe de travail où j'ai entendu un fonctionnaire dire "on ne peut pas publier la méthode proposée par le ministère car elle n'a pas été validée par EDF". Il ne voyait pas où était le problème de faire valider les travaux de l'administration par une société anonyme. »

Raccourcir les délais va-t-il favoriser le mode de calcul d’EDF et donc renforcer le chauffage électrique ? Nul ne peut l’exclure. Ce n’est pas qu’un enjeu d’émissions de gaz à effet de serre. C’est aussi, beaucoup, une bataille de parts de marché : car depuis l’adoption de la nouvelle réglementation thermique pour le neuf, la part des convecteurs électriques dans les logements baisse : pour 2013, le chauffage électrique conserve la première place, à 42 % de la surface de plancher construite, mais loin des 70 % des années 2006-2009 (selon Cler Infos de septembre-octobre 2014).

Le chauffage au gaz est un bénéficiaire important de cette baisse, en revenant à 40 %, et donc plus haut que ses 30 % de parts de marché du début des années 2000. En logement collectif, la substitution de l’électrique (18 %) par du gaz (69 %), et dans une moindre mesure de la chaleur de réseau (11 %), est très nette. Et en maisons individuelles, qui représentent près de la moitié de la surface construite en 2013, le chauffage électrique se maintient à 61 %. Cette transformation en cours du marché du chauffage en France inquiète le secteur de l’électricité, y compris les fabricants de convecteurs.

L’autre risque, « c’est une fragilisation de la réglementation thermique et la création d’un désordre dans le secteur du bâtiment », analyse une experte. Tout le contraire de ce qu’il faudrait faire : rassurer et mettre en ordre de marche le secteur de la construction pour qu’il s’adapte aux enjeux de la transition énergétique.

BOITE NOIREAu troisième jour de discussion du projet de loi de transition énergétique à l'Assemblée, à 1 heure du matin, les députés en étaient toujours à l'examen du premier article (sur 64 en tout), bloqués par la stratégie d'obstruction des élus UMP. L'article 5 concerné par cet amendement n'avait donc toujours pas été discuté.

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Marseille : le sous-préfet sur le départ suite à ses propos sur les Kurdes

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À la suite des propos tenus par le directeur de cabinet du préfet de police de Marseille à l'encontre d'une délégation de Kurdes reçue le 3 octobre 2014, le ministère de l'intérieur avait demandé des « éclaircissements » à la préfecture de police. Contactée, la préfecture de police de Marseille préfère rester prudente. « Une procédure respectant le contradictoire est en cours, nous indique-t-on. Sans préjuger de la décision finale, elle permet un large éventail de décisions. » Mais selon nos informations, le sous-préfet Gilles Gray devrait quitter son poste de directeur de cabinet à la préfecture de police dans les prochains jours.

Le 3 octobre, lors d'une réunion avec une délégation de trois représentants kurdes à l'occasion de l'organisation d'une manifestation, le directeur de cabinet du préfet de police les a accusés « de mettre la merde à Marseille » et leur a conseillé d'aller combattre les djihadistes de l'État islamique. Le quotidien La Marseillaise a diffusé dès le lendemain de longs extraits d'un enregistrement de cette conversation.

Au cours de la discussion, Gilles Gray interpelle violemment la délégation à qui il reproche l’organisation de ces rassemblements et « de mettre la merde à Marseille ». « Faites gaffe tous les trois parce que moi je commence à en avoir marre », lance-t-il. « Ne nous prenez pas pour des cons, vous parlez au préfet de police, monsieur qui n’êtes-pas-français. » « Vous ferez ce qu’on acceptera, vous avez compris ça ? Ce n’est pas le club clodo ici, ce n’est pas le bordel. »

À plusieurs moments de la discussion, enregistrée par un des participants, Gilles Gray exhorte les Kurdes à quitter la France et à aller se battre contre les djihadistes de l’État islamique. « Vos sœurs et vos frères qui sont là-bas, il faut les aider, d’une manière ou d’une autre. (…) Ils ont besoin de kalash, d’hommes… » « C’est comme la communauté juive », affirme-t-il un peu plus tard. « Moi, si j’étais juif à Marseille, pensant à mon peuple et à mon pays, ben je serais dans l’armée israélienne, pas à Marseille. »

La préfecture de police de Marseille répondait lundi 7 octobre qu'il s'agit de « propos personnels qui ne sauraient engager l'État ». « C'était un rassemblement de plus de 1 000 personnes avec une demande de modification de parcours, donc le directeur de cabinet a reçu les organisateurs, précise-t-on. Il y a eu une réunion de plus d'une heure pour caler tous les aspects administratifs, puis un échange de propos personnels, qui ne sont pas anodins mais n'engagent pas l'État. Il y aura forcément des suites qui relèvent du ministère de l'intérieur. »

Mobilisée pour attirer l'attention sur le sort de la ville kurde de Kobané en Syrie, assaillie par le groupe État islamique (EI), la communauté kurde de Marseille a manifesté à plusieurs reprises ces derniers jours. Une tente avait été plantée sur le Vieux-Port.

Nommé sous-préfet en 1996, Gilles Gray a longtemps travaillé au sein des services de renseignement. Il fut notamment chef du cabinet du directeur de la surveillance du territoire (ex-DST) entre 1994 et 1996, puis sous-directeur de la protection économique à la Direction centrale du renseignement intérieur (ex-DCRI) de 2005 à 2009.

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