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Marie-Christine Blandin: «L’élection sénatoriale est un conflit d’intérêts»

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Entrée en politique en 1984 chez les Verts, devenue présidente du conseil régional Nord-Pas-de-Calais en 1992, sénatrice en 2001, réélue en 2011, présidente de la commission de la culture, Marie-Christine Blandin est la première grande notable de l’écologie politique. Une carrière derrière elle ! Quand on le lui fait remarquer, elle le conteste. La suite de l’entretien lui donne tort et raison. Oui, son expérience est longue. Mais non, elle n’a pas perdu son allant de débutante, ni son franc-parler.

D’entrée de jeu, elle pose le décor : à propos d’Europe Écologie dont elle a démissionné en juillet dernier. « L’écologie politique a toute sa pertinence mais elle n’arrive pas à s’organiser parce qu’elle a renoncé à ses valeurs de "politique autrement". Y en a qui cumulent, y en a qui louvoient dans les couloirs pour avoir des postes, la com' l’emporte sur le fond. »

La phrase est impitoyable, mais aussitôt nuancée par un autre jugement, encore plus dur : « Cette politique autrement, plus fraîche, plus désirable, que les écologistes n’ont pas su inventer, on peut leur en vouloir, mais elle est dans l'univers impitoyable d’une République fabriquée pour les cumulards, pour les gens qui construisent des carrières »...

Le reste est du même tonneau. Les lobbies qui gravitent au Sénat ? « Ils sont présents, et quelquefois on voit des rapports où vous avez l’impression que ce sont les fabricants de pesticides qui tiennent la plume. » Par quel moyen ? « Cela touche au vécu quotidien des notables qui fréquentent les cercles parlementaires. Ils vont au restaurant, en déplacement, à l’invitation des semenciers, des fabricants de pesticides, d’OGM, c’est là que circulent les connivences. » Des connivences qui ne concernent pas que les sénateurs. Marie-Christine Blandin parle aussi des lobbies de l’Assemblée…

À propos de ses dossiers, et du travail que peut réussir un parlementaire : « On vit dans le mépris du Parlement, et le basculement du Sénat à gauche n’a rien changé du tout. Dans notre République, faire un projet de loi qui concerne plusieurs ministres, c’est mission impossible. »

Dimanche ont lieu les élections sénatoriales, avec la victoire très probable de la droite. Marie-Christine Blandin, élue il y a trois ans, n’est pas directement concernée puisque son mandat court jusqu'en 2017, mais elle jure qu’elle n’ira pas au-delà. À propos du mode de scrutin, qui consiste à faire élire de grands notables par d'autres notables, elle a ces mots définitifs : « Des gens qui ont la responsabilité de grandes collectivités financent des gens d’autres collectivités, qui vont voter pour eux. C’est un vrai problème de la démocratie. C’est un conflit d’intérêts ! »

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BNP Paribas: Baudouin Prot, le dernier fusible

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C’est une nouvelle réplique du séisme provoqué par l’amende record de 8,9 milliards de dollars (6,52 milliards d’euros) imposée en juin par la justice américaine à BNP Paribas. Mardi 23 septembre, le président de la banque, Baudouin Prot, a confirmé son intention de démissionner de ses fonctions. Un conseil d’administration a avalisé vendredi la nomination de Jean Lemierre, conseiller du président, pour le remplacer à partir du 1er décembre.

Baudouin Prot et Michel Pébereau en mai 2011Baudouin Prot et Michel Pébereau en mai 2011 © Reuters

Même si la direction de la banque a tenu à prendre un peu de temps afin d’essayer de dissocier cette décision de la sanction américaine, cette révolution de palais était inscrite dès le jugement de la justice américaine. Dès le 30 juin, au moment où le montant de l’amende est tombé, nous écrivions que Baudouin Prot était la victime expiatoire toute désignée de cette immense condamnation. « Pendant des années, Baudouin Prot a été l’exécutant fidèle de Michel Pébereau. Il pensait lui succéder à son départ. Sa patience a été vaine. Au départ de Michel Pébereau, celui-ci a imposé une dyarchie, en imposant Jean-Laurent Bonnafé comme directeur général. Baudouin Prot a compris qu’il ne serait jamais PDG de BNP Paribas, coincé entre Jean-Laurent Bonnafé, héritier désigné, et Michel Pébereau, qui, malgré des distances, garde toujours un œil sur la banque. Aujourd’hui, il apparaît comme la victime désignée, car il ne sert à rien dans le dispositif de la banque », expliquait alors un bon connaisseur de la banque.

Cette analyse est totalement confirmée aujourd’hui. La banque avait commencé d’ailleurs à préparer le terrain. « Incidemment », des rumeurs avaient alors fuité sur l’état dépressif du président de BNP Paribas, ébranlé par la crise financière et l’affaire américaine. Les actionnaires avaient pu le constater lors de l’assemblée générale de la banque. Baudouin Prot, mal à l’aise, accroché à son discours, bafouillant, y peinait à s’expliquer sur la menace judiciaire qui pesait sur l'établissement. Une menace qui n’avait été révélée qu’en février, au moment de la publication des comptes, et largement sous-estimée : la banque avait alors provisionné 1,1 milliard d’euros pour faire face à la sanction américaine.

Le départ de Baudouin Prot, qui a associé son nom au développement de la banque sur tout le pourtour méditerranéen et en Ukraine notamment – deux expansions qui se révèlent plutôt malheureuses pour la banque aujourd’hui –, mais aussi à la prise de contrôle de Banco del Lavoro, deuxième banque commerciale en Italie, aurait dû marquer la fin de la période de transition après l’ère Pébereau chez BNP Paribas. C’est en tout cas l’espoir que semblait caresser le directeur général, Jean-Laurent Bonnafé. Très impliqué dans la défense de la banque face aux juges américains, il espérait qu’après le départ de Baudouin Prot, il pourrait réunir les deux fonctions et devenir PDG de BNP Paribas, comme cela avait été le cas du temps de Michel Pébereau, jusqu’à ce qu'en 2003, celui-ci dédouble la fonction, pour raisons de santé.

La question a agité les centres de pouvoir de la banque cet été, selon nos informations. Mais il a finalement été décidé de perpétuer cette séparation des pouvoirs et de nommer Jean Lemierre en remplacement de Baudouin Prot. Ancien inspecteur des finances, passé par la direction du Trésor avant de prendre la direction de la Banque européenne de reconstruction et de développement (Berd) pour finir par rejoindre en 2008, à la fin de son mandat, BNP Paribas comme directeur et conseiller du président, Jean Lemierre est très proche de Michel Pébereau, son ombre portée. Les salariés de BNP Paribas n’ont pas mis longtemps à comprendre le sous-titre du maintien de la séparation des pouvoirs dans la banque et le choix du plus proche conseiller du président : même s’il a officiellement abandonné toutes ses fonctions en 2011 pour ne garder qu’un poste d’administrateur au conseil d’administration de BNP Paribas, en coulisses, Michel Pébereau continue d'exercer une influence déterminante sur la conduite de la banque.

Le poids de cette figure tutélaire amène certains observateurs à s’interroger sur la tactique de la banque face à la justice américaine : dans quelle mesure n’a-t-elle pas usé d’expédients dans ses poursuites américaines, quitte à payer une amende plus élevée sanctionnant son mauvais vouloir face aux juges, pour protéger son illustre président ? Connu pour sa volonté de tout superviser, de tout connaître, de tout commander, celui-ci pouvait-il ignorer les pratiques des filiales de la banque aux États-Unis et en Suisse ? Les résultats substantiels apportés à la banque par les activités de négoce et de gaz, où BNP Paribas était numéro un mondial, ne pouvaient pas échapper au regard scrutateur de son président. L’importance de la filiale suisse lui était si connue que, dès la prise de contrôle de Paribas en 1999, Michel Pébereau avait siégé à son conseil. Il y est resté administrateur jusqu’en 2013. Pendant tout ce temps, il n’aurait rien vu ? Il n’aurait même pas été alerté par la procédure judiciaire entamée par la justice américaine dès 2007 ? Il n’aurait pas contrôlé l’application des mesures de contrôle, à la suite des avertissements donnés par les États-Unis ?

Un véritable cordon sanitaire a été installé par la banque autour de Michel Pébereau, tout au long de la procédure judiciaire américaine.

Georges Chodron de Courcel et Jean-Laurent Bonnafé en février 2014.Georges Chodron de Courcel et Jean-Laurent Bonnafé en février 2014. © Reuters

Distillant les informations au compte-gouttes, ce n’est qu’avec retard qu’elle a reconnu les risques encourus face à la justice américaine. Ce n’est que début juin, après les révélations du quotidien suisse Le Temps et de Mediapart, qu’elle a fini par reconnaître, du bout des lèvres, le rôle central de sa filiale suisse dans l’affaire. Toutes les accusations ont été détournées vers les responsables suisses et américains. Georges Chodron de Courcel, directeur général délégué de la banque et président de BNP Paribas Suisse, a opportunément découvert qu’à 64 ans, il avait atteint l’âge de la retraite et a accepté de se sacrifier pour préserver l’essentiel. Pendant tout ce temps, Michel Pébereau s’est fait oublier. Il n’a répondu à aucune question. Il n’est sorti de son silence pendant l’été que pour parler science-fiction !

L’ensemble des responsables politiques et de la haute fonction publique a cautionné, sans discuter, la ligne de défense de la banque : Michel Pébereau, un des parrains du capitalisme français, l’homme qui a écrit les mesures de sauvetage du système bancaire dans le bureau de Christine Lagarde pendant les nuits de crise de septembre 2008, est par nature intouchable. Les responsables français ont donc repris les indignations de la banque sur le montant insensé de l’amende record, ses arguments un peu éculés – ils avaient déjà été agités au temps de la faillite d’Alstom en 2003 – sur les risques systémiques posés au système bancaire, sans se poser la moindre question sur la responsabilité de ses dirigeants. Même si ce soutien sans faille risque d’avoir un coût pour les finances publiques : un tiers des 6,5 milliards d’euros d’amende payés à la justice américaine devraient être déduits de l’impôt sur les sociétés de la banque.

À l’intérieur de la banque, les explications de la direction, qui a promis que les sanctions américaines n’affecteraient ni l’emploi ni ses activités commerciales, ont eu un peu de mal à passer. Une quarantaine de salariés ont été désignés comme les responsables de cette affaire, pour avoir enfreint les ordres donnés par la direction, et détourné les contrôles, afin de perpétuer des pratiques illégales. Lorsque les salariés ont découvert dans la presse que c’était la justice américaine qui exigeait des sanctions et le renvoi d’un certain nombre de responsables, des salariés se sont demandé pourquoi la direction n’avait pas pris les devants. La complaisance dont ils font l’objet intrigue encore. « S’ils sont vraiment les seuls fautifs, pourquoi la direction n’a-t-elle pas porté plainte contre eux ? Cette amende a de telles conséquences pour la banque, qu’il semblerait normal de demander des comptes aux responsables », remarque un connaisseur de la banque.

Le départ de Baudouin Prot va-t-il permettre de tourner la page et de passer à autre chose, comme l’espère la direction ? Il a été, en tout cas, récompensé pour sa fidélité, suivant pas à pas Michel Pébereau, y compris dans l’exercice de ses stock-options. Ces dernières années, les deux dirigeants ont réalisé plusieurs millions de plus-values grâce à la vente de stock-options. En 2013, comme l’indique le rapport annuel de la banque, les deux responsables ont encore vendu des actions. Michel Pébereau a vendu 50 000 actions pour 2,4 millions d’euros. Une personne liée à Baudouin Prot a vendu 209 188 actions pour 9,2 millions d’euros.

Ces cessions sont intervenues en août 2013. À l’époque, la procédure judiciaire américaine n’est pas connue. Les premières indiscrétions sur le dossier, publiées par la presse suisse, datent de novembre 2013. La banque n’en a parlé qu’en février 2014. Mais à cette date, les dirigeants de BNP Paribas pouvaient-ils tout ignorer des poursuites intentées par la justice américaine ? On en revient à la question lancinante de ce dossier : qui savait quoi et quand ?

BOITE NOIRECet article a été modifié à la suite du communiqué de BNP Paribas vendredi soir, confirmant le départ de Baudoin Prot au 1 er décembre et son remplacement par Jean Lemierre

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Jean-Pierre Bel, le fantôme du Sénat

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Jean-Pierre Bel est président socialiste du Sénat, et ça fait trois ans que cela dure. Qui le sait ? Bel, ami de Hollande, est un président inconnu. « Je n'ai pas pour habitude de tirer sur l'ambulance », répond, féroce, le sénateur PS François Patriat, quand on lui demande de dresser le bilan.

Dimanche 28 septembre, Bel ne sera plus sénateur. Ce jour-là, 178 sièges (la moitié) seront renouvelés. La gauche va perdre la Haute Assemblée, qu'elle a remportée sur le fil voilà trois ans. Une nouvelle défaite pour la majorité, après huit législatives partielles perdues, des municipales et des européennes cataclysmiques. Avant même l'élection, les cadors de la droite ont, paraît-il, commencé à se répartir les bureaux du somptueux Palais du Luxembourg. Ils les connaissent si bien… À la fin des années 1990, Lionel Jospin s'en prenait au Sénat, cette « anomalie démocratique » sur-représentant le monde rural que la gauche n'arrivait jamais à conquérir. Depuis trois ans, la gauche gouvernait le Sénat. Mais personne, ou presque, ne s'en est aperçu.

Jean-Pierre Bel est depuis 2011 le deuxième personnage de l'État. Si Nicolas Sarkozy, puis François Hollande, étaient décédés ou empêchés, c'est lui qui aurait assuré l'intérim pendant cinquante jours, le temps d'organiser une nouvelle présidentielle. Bel est le premier président du Sénat de gauche depuis le radical Gaston Monerville (1947-1968). Mais il est resté discret. A donné peu d'entretiens. « Je ne suis pas fasciné par le narcissisme médiatique », dit-il à Mediapart. Son mode d'intervention privilégié a été le communiqué, si possible lénifiant. Bel a volontiers cédé sa place au perchoir pour présider les longues séances de débats. Une socialiste du Sénat le compare au « Petit Chose » du roman de Daudet. Elle veut dire que « c'est un type bien, un bon soldat ». Dans ces propos, on décèle quand même une pincée de condescendance.

C'est ainsi : Bel suscite les railleries. Dans les couloirs de la Haute Assemblée, on rit de ses absences et de ses escapades à Cuba, le pays de sa seconde épouse. « Je préfère être efficace et n'ai pas besoin de crier au-dessus des toits sans résultats (sic). Et puis, quand j'ai des choses à dire à François Hollande ou à Manuel Valls, je le fais en tête-à-tête. Plusieurs textes ou projets du gouvernement ont été modifiés ou pas menés du tout à la suite de mes interventions. » Il cite le projet de loi sur la décentralisation, découpé en trois par Ayrault en avril 2013. « Jean-Pierre Bel prône un exercice discret du pouvoir », assure Matthias Fekl, son ancien conseiller à la présidence, devenu député en 2012 puis secrétaire d'État de Manuel Valls. D'autres disent tout simplement qu'il ne travaille guère.

Jean-Pierre Bel dans la cour de l'Elysée, en octobre 2011Jean-Pierre Bel dans la cour de l'Elysée, en octobre 2011 © Reuters

Les derniers mois l'ont pourtant forcé à sortir un peu dans la lumière. Et pas pour de bonnes raisons. Il lui a fallu s'expliquer, début 2014, sur le rejet par le bureau du Sénat, grâce aux voix d'un mystérieux sénateur de gauche, de la levée de l'immunité parlementaire de l'industriel Serge Dassault. Après ce raté monumental, Bel a décidé que les votes auraient désormais lieu à main levée, plus à bulletin secret. Il y a quelques semaines, il a dû se résoudre à exfiltrer de son cabinet Sandra Thévenoud, l'épouse du député qui ne payait pas ses impôts, puisque tous deux remplissent une déclaration commune au fisc.

Une des réussites de Jean-Pierre Bel, c'est peut-être sa sortie. Le 5 mars, deux semaines et demie avant les municipales, il publie une tribune dans Le Monde. Sénateur du département rural de l'Ariège depuis 1998, il annonce qu'il ne sera pas candidat à un nouveau mandat et quittera alors la vie politique. Ce départ soudain étonne. « Les rats quittent le navire », persifle-t-on dans l'entourage de Claude Bartolone, le président de l'Assemblée nationale, avec qui les rapports sont ténus. « Mais qu'est-ce qui lui prend ? » s'étonne la “hollandaise” Marie-Arlette Carlotti, alors ministre de Jean-Marc Ayrault. À l'époque, le PS pense que le Sénat restera à gauche et la décision passe pour du courage. Bel évoque un « choix personnel très ancien » dont François Hollande a été prévenu un an et demi auparavant. « Avec les nouvelles dispositions sur la vie politique, je suis convaincu que nous entrons dans une nouvelle ère, écrit Bel. Pour redonner confiance dans la parole politique, on ne peut pas s'en tenir à proclamer des principes, il faut être capable de se les appliquer… et, d'abord, ne pas se considérer comme propriétaire de nos mandats. »

« J’ai souhaité (…) ne pas donner l’image ou la caricature de ce que j’ai malheureusement parfois constaté », dit-il alors sur Public Sénat. Dans son viseur, l'âge très avancé des sénateurs ou la fronde homérique de nombre de ses collègues, y compris socialistes, contre une promesse de campagne de François Hollande : l'interdiction du cumul d'un mandat de parlementaire et de responsable d'un exécutif local, bataille perdue d'avance dans laquelle certains sénateurs socialistes, à commencer par les actuels ministres François Rebsamen et André Vallini, ont mis toute leur énergie.

Bel, nouveau retraité du Sénat (avec pension à la clé), va bien quitter la politique ce dimanche, mais pas la vie publique. « Je ne rentre pas au couvent ! » confirme-t-il à Mediapart. En Ariège, ses proches évoquent un futur poste d'ambassadeur à Cuba. Il dément : « Non, je ne serai pas ambassadeur à Cuba, ni aujourd'hui, ni demain, ni dans le futur. » Une autre ambassade en Amérique du Sud ? Il réfute… sans fermer la porte. « À 65 ans, on ne peut plus être ambassadeur et je vais avoir 63 ans en décembre. » Autre piste évoquée, un poste de conseiller Amérique latine à l'Élysée. « Je ne sais pas si ce sera à l'Élysée ou dans le privé, répond-il. Rien n'est fixé, ni sur le papier ni dans ma tête. Je ferai ce que je voudrai. »

Bel l'anti-cumulard, favorable aux lois sur la transparence (au contraire de Bartolone, qui a pesé de tout son poids pour les édulcorer), se pose aujourd'hui en héraut de la modernisation de la vie politique. « Je ne soutiens pas le notabilisme, ce qui me vaut d'ailleurs des rancœurs », affirme-t-il. Il est pourtant un pur produit de l'appareil socialiste. Le genre de grand élu local, sympa, habile à la manœuvre mais assez transparent, que le PS a produit en série au cours des dernières décennies. « Un François Hollande bis », dit un ancien collaborateur à la Haute Assemblée.

Jean-Pierre Bel n'est certes pas “un fils de”. Ce Tarnais, fils d'un résistant cégétiste, fut gauchiste dans sa jeunesse, proche des mouvements antifranquistes, membre de la Ligue communiste révolutionnaire. Un peu par hasard, il s'installe en Ariège à la fin des années 1970. Il devient en 1983 maire du village de Mijanès. Il a surtout la chance d'avoir un beau-père influent, Robert Naudi, élu à la tête du conseil général de ce fief socialiste en 1985. Bel devient responsable de la communication du conseil général en même temps qu'il débute sa carrière politique : premier secrétaire fédéral du PS, puis conseiller régional proche de Lionel Jospin, secrétaire national du PS (aux fédérations puis aux élections, les postes les plus en lien avec l'appareil).

En 1995, il ravit à la droite la mairie de Lavelanet, capitale déchue du textile ariégeois (lire notre reportage). Il devient conseiller général et sénateur en 1998. En 2001, le député et conseiller général Augustin Bonrepaux tente un putsch contre Naudi. Bel se rallie. « La seule chose que je lui reproche, c'est d'avoir trahi son beau-père, soupire André Metge, ancien photographe au conseil général, dont Bel fut le témoin de mariage en 1991. Seuls une poignée d'élus sont restés fidèles à Naudi à ce moment-là. Jean-Pierre n'en faisait pas partie. »

Depuis, Bel et Bonrepaux se sont comme réparti les tâches. Bonrepaux règne en monarque sur l'Ariège, fief socialiste cryogénisé. Le président du conseil général a été mis en examen pour favoritisme dans deux marchés publics. Le procureur de Foix a par ailleurs confirmé à Mediapart qu'à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile, un juge d'instruction a été saisi cet été dans l'affaire du Club ariégeois Pyrénées investissement (Capi), une structure de lobbying du département dissoute en 2012 et dont un ancien trésorier a dénoncé les dérives.

Loin du marigot ariégeois, Bel, lui, vit sa vie au Sénat. En 2004, il est élu président du groupe PS. À sa façon : il laisse d'abord les ego des favoris s'entrechoquer puis récupère la mise, toujours au centre, toujours consensuel. « C'est un abbé de cour », lance un opposant ariégeois. « Il sent bien le vent et sait toujours se mettre au centre », dit un ancien collaborateur à la Haute Assemblée. Bel est réélu en 2008 à la tête du groupe socialiste.

Dans La Bataille du Sénat, ouvrage paru en 2011, Martine Aubry, alors première secrétaire du PS, le qualifie d'« opportuniste qui a été successivement de tous les courants ». Quelques mois avant la victoire de la gauche au Sénat, elle prévient : « Il ne sera pas l'homme de la situation. » Aujourd'hui, beaucoup lui donnent raison. En trois ans, Bel n'a jamais théorisé ce qu'est un Sénat de gauche. Et l'institution n'a guère brillé.

Le 25 septembre 2011, la gauche arrache la majorité au Sénat, à six voix près – Bel l'avait prévu depuis des semaines. Les mois qui suivent, la gauche sénatoriale est comme euphorique. Socialistes, écologistes, communistes et radicaux de gauche approuvent le droit de vote des étrangers aux élections locales. Les mêmes, moins les radicaux, soutiennent une loi du Front de gauche sur les licenciements boursiers. Sous la présidence Hollande, le Sénat adoptera même la loi d'amnistie sociale. Autant de textes abandonnés depuis. « Sous Nicolas Sarkozy, nous symbolisions un lieu de résistance et un laboratoire d'idées pour une politique nouvelle, explique Bel. S'il avait remporté la présidentielle, le Sénat aurait gardé cette image. » Mais voilà : c'est bien Hollande qui a gagné. Dans la foulée, l'unanimité des mois d'opposition à Sarkozy vole en éclats. Le Front de gauche, qui pèse 20 sénateurs, refuse d'entrer au gouvernement. Depuis 2012, le Sénat n'a voté aucun projet de loi de finances, aucune loi de financement de la sécurité sociale. Le rapport de force politique s'est déplacé tout entier vers l'Assemblée, qui a de toutes façons le dernier mot législatif. Le premier cabinet de Jean-Pierre Bel a surtout servi de marchepied aux futurs conseillers élyséens ou à des hauts fonctionnaires nommés depuis préfets par François Hollande. Maigre bilan.

« Dès l'élection de François Hollande, il n'y avait plus de majorité au Sénat », justifie Bel. Autrement dit : un autre que lui n'aurait pas fait mieux. « Un président avec un autre tempérament n'aurait pas résolu le fait que la ligne politique claire, définie par François Hollande, n'est pas soutenue par une partie de la majorité du Sénat, communistes en tête », abonde Jean-Pierre Sueur, le président PS de la commission des lois du Sénat. C'est dédouaner Bel un peu vite, dit François Patriat, sénateur et président de la région Bourgogne. « Le Sénat n'a pas donné une bonne image de lui pendant deux ans. Je ne suis pas sûr que les dignitaires de gauche se soient battus pour faire avancer les textes. Bel a constaté qu'il n'avait pas de majorité mais il n'a pas cherché à la construire. Il n'a pas su faire preuve d'autorité, de hauteur de vue pour négocier avec les partenaires de gauche et construire des majorités. » « Il n’a pas endossé le costume », concède Éliane Assassi, la présidente du groupe communiste au Sénat.

« Au-delà des textes budgétaires, le Sénat a voté huit lois sur dix », plaide Bel. Il rappelle toutes « ces choses qui se voient moins, mais très pragmatiques », que le Sénat a par ailleurs permis d'ajouter à certaines lois : la rémunération minimum des stagiaires, « des éléments essentiels pour les libertés publiques » dans la (très timide) réforme pénale, les alternatives à la prison pour les femmes enceintes. « Ce n'est pas à la une de l'actualité mais nous avons voté des lois fidèles à nos valeurs », ajoute Jean-Pierre Sueur. Il cite des dispositions de la loi de programmation militaire, de la loi sur la géolocalisation. Ou encore le texte sur la transparence de la vie politique après l'affaire Cahuzac, dont la version sénatoriale était en effet bien plus ambitieuse. Elle prévoyait notamment une simple publication des déclarations de patrimoine des élus au Journal officiel. L'Assemblée a refusé.

La publication annuelle de la réserve parlementaire du Sénat, dont la répartition était secrète, a toutefois survécu. C'est une des avancées de l'ère qui s'achève. Bel a aussi réduit le budget du Sénat, fait entrer la Cour des comptes dans l'institution (qu'elle n'audite toujours pas), confié la commission des finances à l'opposition. Mais il ne s'est attaqué qu'à quelques-uns des passe-droits et bizarreries de cette maison, dont Mediapart décrit l'ampleur depuis des années (lire ici notre dossier). « Je suis pour un Sénat différent, légitime auprès de nos concitoyens, qui soit une Assemblée prospective, un laboratoire de la démocratie participative, dit Bel. Parfois le Sénat me désespère. Faisons en sorte de faire disparaître tous ces anachronismes, car si cette institution ne change pas, le bicaméralisme (l'existence de deux chambres du Parlement – Ndlr) est menacé. » Pourquoi ne pas l'avoir fait ? « Peut-être ai-je manqué de temps. » Peut-être aussi M. Bel n'en avait-il pas vraiment l'envie.

BOITE NOIRECe portrait est le fruit d'entretiens réalisés ces derniers mois. L'entretien avec Jean-Pierre Bel a eu lieu jeudi 25 septembre. Il n'a pas relu ses citations.

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Tapie : un comptable public pourrait avoir à rembourser 268 millions d’euros

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Si dans d’innombrables procédures la justice n’avance que lentement dans l’examen de la célèbre affaire Tapie, et si les protagonistes les plus connus du scandale sont encore bien loin d’être renvoyés derrière la barre d’un tribunal, un premier jugement pourrait pourtant intervenir dans les prochaines semaines. Et c’est un fonctionnaire totalement inconnu du grand public dont le nom n’était jamais apparu jusqu’à présent dans l’histoire, qui pourrait en faire les frais. La Cour des comptes pourrait en effet condamner un comptable public, un certain Frank Mordacq, à rembourser sur ses biens personnels la somme colossale de 268 millions d’euros, soit une bonne partie des 405 millions d’euros alloués à Bernard Tapie au terme de la sentence rendue par trois arbitres le 7 juillet 2008.

Frank MordacqFrank Mordacq

L’audience qui a débattu de la responsabilité et des fautes éventuelles de ce comptable public s’est déroulée ce vendredi 26 septembre, devant la première chambre de la Cour des comptes, présidée par Raoul Briet. De toute la presse, seul Mediapart y a assisté – le communiqué de la Cour y invitant ayant été, il est vrai, fort discret (voir ci-dessous). Comparaissait donc devant lui et une ribambelle d’autres magistrats financiers ce dénommé Frank Mordacq, qui est actuellement administrateur général des finances publiques au service du contrôle budgétaire et comptable du ministère de la défense. Il est aussi connu comme le loup blanc au ministère des finances pour avoir, dans le passé, été le directeur de la réforme budgétaire et le directeur général de la modernisation de l’État et pour avoir donc été l’un des principaux artisans des réformes renforçant le contrôle et la transparence des procédures budgétaires de l’État.

 

Mais il a aussi été dans le passé, de 2007 à 2010, le comptable public – en clair celui qui signait les virements et paiements – de l’Établissement public de financement et de restructuration (EPFR), l’établissement public qui était l’actionnaire à 100 % du Consortium de réalisations (CDR), lequel CDR a accueilli en 1995 les actifs pourris du Crédit lyonnais et a donc hérité, au passage, du procès que l’ex-banque publique avait avec Bernard Tapie au sujet de la vente du groupe de sports Adidas. En clair, c’est donc Frank Mordacq qui a fait, en 2008 et 2009, certains des virements de l’EPFR, puisés dans les fonds publics, au profit du CDR, de sorte que celui-ci puisse s’acquitter d’une partie des 405 millions que les trois arbitres avaient alloués en dédommagement à Bernard Tapie.

Concrètement, ce sont deux paiements qui sont reprochés au comptable public, l’un en date du 4 septembre 2008 pour le montant faramineux de 152 millions d’euros, et l’autre, en date du 3 avril 2009, pour un montant presque aussi considérable de 116 millions d’euros, soit au total 268 millions d’euros.

En ce lieu solennel qu’est la première chambre de la Cour des comptes où la greffière se déplace en queue de pie avec à la main une canne surmontée d’un pommeau en ivoire, et où l’on observe, gravé dans le mur, le célèbre article 15 de la Déclaration des droits de l’homme (« La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration »), on a donc pu longuement entendre la rapporteure de la première chambre exposer les griefs qui, selon elle, pourraient être retenus contre le comptable public.

La 1re chambre de la Cour des comptesLa 1re chambre de la Cour des comptes

 

D’abord, dans le cas des 152 millions d’euros, elle a estimé que le comptable avait commis de très nombreuses irrégularités. En particulier, selon une disposition inscrite dans la loi en 1999 par Dominique Strauss-Kahn (lire Affaire Tapie : le coup de pouce de Strauss-Kahn), il était prévu que l’État pourrait prendre à sa charge une éventuelle condamnation dans l’affaire Adidas, mais à la condition suspensive près que l’ex-Crédit lyonnais supporte une contribution forfaitaire de 12 millions d’euros. Selon la rapporteure, le comptable public aurait donc dû s’assurer auprès de l’EPFR que cette condition suspensive avait bien été levée. Et comme cela n’avait pas été le cas, il aurait dû suspendre l’intégralité du paiement. Pointant d’autres irrégularités sur les systèmes de délégation de signature ou sur les dates d’ordonnancement de ces dépenses, la magistrate a donc considéré que le préjudice pour l’État était égal à la totalité de la somme engagée, soit l’intégralité de ces 152 millions d’euros.

Or, dans ce cas, l’article 60 de loi du 23 février 1963 est très clair : « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public dotées d'un comptable public. » Le même article précise encore : « La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes. » Conclusion implacable de la rapporteure : Frank Mordacq serait donc « redevable à l’EPFR de 152 millions d’euros ».

Dans le cas des 116 autres millions d’euros, qui ont été payés sept mois plus tard par le même comptable public, la rapporteure a estimé que diverses autres irrégularités auraient été commises. Notamment, elle a estimé qu’une partie de cette somme, soit les 45 millions d’euros alloués par les arbitres à Bernard Tapie au titre du préjudice moral, n’avait pas à être supportée par l’EPFR, car cette somme ne découlait pas des conditions de la vente d’Adidas. Dans ce cas-là aussi, a-t-elle estimé, le comptable public aurait donc dû suspendre le versement. Quant au solde, correspondant à une partie des indemnités pour préjudice matériel, elle a estimé que diverses autres irrégularités auraient été commises. En particulier, le paiement est intervenu au lendemain d’un conseil d’administration de l’EPFR, qui s’est tenu le 27 mars 2009, mais avant que la ministre des finances ne ratifie la dépense, ce qui n’interviendra qu’au cours du mois de juin suivant. En clair, le comptable public a engagé une dépense avant même qu’elle ne soit inscrite dans une loi de finances rectificative.

Même conclusion implacable : « Monsieur Mordacq est débiteur auprès de l’EPFR de 116 millions d’euros. »

De mémoire de hauts fonctionnaires, ce sont donc à des conclusions historiques – sans précédent connu dans la longue chronique des finances publiques – auxquelles est parvenue la rapporteure : elle a demandé que l’arrêt que prendra la Cour des comptes condamne le comptable public à rembourser à l’EPFR – en clair, à l’État – la somme colossale de 268 millions d’euros.

Il n’est pourtant pas dit que les magistrats financiers suivront forcément ces demandes. D’abord, sans le secours d’un avocat (« par mesure d’économie », a-t-il fait valoir en aparté à la fin de l’audience), le comptable public s’est longuement défendu des accusations portées contre lui. Il a contesté que le paiement des premiers 152 millions d’euros fut « subordonné » au paiement par l’ex-Crédit lyonnais des 12 millions d’euros. Selon lui, la disposition légale introduite dans le passé par Dominique Strauss-Kahn pouvait juste suggérer que toute condamnation éventuelle à la charge de l'État soit non pas suspendue au versement des 12 millions, mais minorée de cette somme.

Lisant une défense méticuleusement préparée par écrit, il a aussi fait valoir qu’un comptable public a pour seul interlocuteur l’ordonnateur de la dépense, en l’occurrence le président de l’EPFR et non la ministre des finances, et qu’il n’exerce de surcroît aucun contrôle sur la légalité de cette même dépense. « Je ne suis pas comptable de la légalité de la sentence des arbitres », s’est-il défendu.

Et puis, lâchant ses notes, le comptable a fini, en conclusion, par laisser percer son émotion, en relevant qu’on voulait lui faire rembourser une somme proche de 270 millions d’euros. « Comme si le comptable était le responsable de l’affaire Tapie. Le seul responsable. J’avoue que j’en suis interloqué », a-t-il lâché.

Avant de rendre leur arrêt, les magistrats financiers devront aussi soupeser les arguments avancés, juste avant que le comptable ne parle, par une magistrate présentant les conclusions du procureur général de la Cour des comptes.

La magistrate a d’abord rappelé que de très nombreuses procédures étaient engagées, au pénal comme au civil. Elle a également mentionné que plusieurs personnalités mises en examen, dont Bernard Tapie, avaient introduit une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le régime de leur garde à vue. Elle a aussi rappelé que la Cour de discipline budgétaire aurait aussi à se prononcer sur la question de savoir si les présidents du CDR et de l’EPFR avaient donné ou non de fausses informations à leur conseil d’administration. Et elle a enfin souligné le fait que la cour d’appel de Paris va examiner, le 25 novembre prochain, le recours en révision introduit contre la sentence – laquelle pourrait donc être rétractée à la fin de 2014 ou au tout début de 2015, si la fraude est prouvée.

Pour finir, la magistrate a donc soulevé ce qu’en droit on appelle une « question préjudicielle » (ici la définition de Wikipedia), qui suspend une décision que doit prendre une première juridiction à celle que pourrait rendre au préalable une seconde juridiction. Sous-entendu : il serait peut-être préférable de savoir si la cour d’appel de Paris va réviser l’arbitrage et donc condamner Bernard Tapie à rendre le magot qui lui a été alloué indûment, avant de condamner un comptable public à rembourser une partie de la même somme.

Le fait est que l’affaire Tapie est devenue, au fil des mois, un écheveau de plus en plus complexe, et qu’il apparaîtrait un peu surréaliste que la première décision de justice frappe une personne dont jusque-là nul n’avait entendu parler dans l’affaire. Alors que Bernard Tapie pourrait très prochainement voir annuler sa mise en examen pour escroquerie en bande organisée ; alors que Claude Guéant a donné de l’Élysée, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, d’innombrables instructions pour avantager son ami Bernard Tapie ; alors que la ministre des finances Christine Lagarde profite de la mansuétude de la juridiction d’exception qu’est la Cour de justice de la République et n’a été mise en examen que sous l’incrimination pour le moins légère de « négligence », il apparaîtrait curieux, comme par contraste, que les foudres de la loi s’abattent en premier sur un haut fonctionnaire qui n’est qu’un comparse dans toute l’histoire, quand bien même aurait-il commis des irrégularités.

C’est ce dilemme que les magistrats vont devoir trancher. L’arrêt a été mis en délibéré. Verdict d’ici « quatre à six semaines ».

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Aquilino Morelle, une rentrée tout en mensonges

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C’est sa grande rentrée médiatique. Après ses confidences mal maîtrisées au Point, où il parlait de « Tcheka hollandaise » et même de « purification ethnique », comparant sans rougir son sort à celui des Tutsis au Rwanda, Aquilino Morelle, conseiller « démissionné » de l’Élysée, a répondu aux questions du Nouvel Obs et du Monde daté de mercredi. Tout y passe : la rancune, la rancœur, la vexation, les accusations à tout-va, les mensonges. La violence de ses propos dit beaucoup de la faiblesse d’un pouvoir attaqué de toutes parts, au point qu’un ancien conseiller de François Hollande s’estime autorisé à s’en prendre directement au président de la République. Elle témoigne aussi d’un petit monde en vase clos, et profère beaucoup de contrevérités. Revue de détail.

« Parler de conflit d'intérêts n'a aucun sens. »

C’est ce qu’Aquilino Morelle explique au Monde. En réalité, l’ancien conseiller de François Hollande profite de la méconnaissance de la notion de conflit d’intérêts en France pour se dédouaner. La loi, à travers le statut général des fonctionnaires, interdit pourtant de travailler dans le privé sans autorisation. En l’espèce, Aquilino Morelle n’avait pas le droit d’effectuer une mission rémunérée pour un laboratoire privé, Lundbeck, sans demander l’autorisation préalable de son administration, l’Igas (inspection générale des affaires sociales). Il le sait pertinemment puisque, quand Mediapart l’avait interrogé avant la publication de l’enquête, Morelle avait d’abord raconté ne plus retrouver cette autorisation dans ses archives personnelles.

Aquilino Morelle quittant l'Elysée.Aquilino Morelle quittant l'Elysée. © (dr)

Dans son cas, le cumul d’activités non déclaré est d’autant plus problématique qu’il s’agit d’une société privée évoluant dans le secteur qu’est censé contrôler son corps d'inspection. Car si Morelle n'avait pas pour tâche de contrôler Lundbeck en tant que tel, il a lui-même écrit, au nom de l'intérêt général, des rapports sur l'industrie pharmaceutique, qui pouvaient avoir des conséquences sur Lundbeck. C’est la définition même du conflit d’intérêts. Admettrait-on qu'un fonctionnaire fasse des recommandations sur la grande distribution tout en se faisant rémunérer par Leclerc ou Carrefour ? Et comment Aquilino Morelle peut-il prétendre que son travail à l’Igas ne concernait pas les laboratoires pharmaceutiques alors que son rapport phare portait sur le Mediator et donc Servier ?

Au moment du rapport, il multipliait les déclarations sans ambiguïté sur la nécessité de déclarer d’éventuelles activités annexes, auprès des laboratoires, des responsables du médicament…

S’il n’a pas déclaré ces activités, c'est bien parce qu'il savait que c'était inadmissible. Et s'il n'a pas demandé d'autorisation, c'est bien parce qu'il savait qu'il ne l'obtiendrait pas.

« Le dossier est vide, je n’ai rien à me reprocher. »

Aquilino Morelle veut réduire son rapport à l’industrie pharmaceutique à un seul et unique contrat, avec le laboratoire Lundbeck. Il omet de rappeler que l’enquête de Mediapart, publiée en avril, avait dévoilé ses nombreux travaux et offres de services auprès de l’industrie pharmaceutique. Quand il était salarié d’EuroRSCG, il s’occupait notamment de ce secteur. Puis comme consultant, il a travaillé pour le laboratoire Lilly. Il a créé une entreprise de conseil, EURL Morelle, tout en demandant ensuite à son frère d’en être le gérant afin que lui-même ne soit pas trop visible sur les documents officiels. Il a postulé chez Servier, chez Sanofi, alors même qu’il était à l’Igas.

À l’Élysée, il tente aussi, tant bien que mal, de circonscrire les faits à la venue d’un cireur de chaussures. « Une seule fois », assure-t-il alors que le cireur dit être venu à de nombreuses reprises, et par deux fois, avoir travaillé dans le salon Marigny privatisé. Mais le reste ? Réquisitionner les chauffeurs de la présidence pour les trajets de sa famille ? Demander à ses secrétaires de s’occuper de ses locataires privés ? S’approprier les discours écrits par d’autres ? Aquilino Morelle ne voit visiblement pas le problème.

C’est un complot ourdi par François Hollande

C’est l’arme fatale dégainée par Aquilino Morelle. Du moins, le croit-il. Rien ne vaut l’hypothèse d’un complot fomenté à l’Élysée et ourdi par le président de la République en personne pour donner du sens à ses failles personnelles. Et puis c’est pratique : pas de preuves, pas d’éléments matériels, mais des confidences distillées de-ci de-là dans la presse qui a l’air de s’en réjouir.

Car cela devient malheureusement un rituel, mais Aquilino Morelle est manifestement accompagné par la presse dans sa recherche des sources de Mediapart – de sa part, on peut le comprendre. De la part de confrères et de consœurs, c’est plus étonnant. « Qui l’a balancé ? » écrit par exemple Le Nouvel Obs.

Pour Morelle, pas de doute : « J’ai été victime d’une élimination politique planifiée », dit-il dans l’Obs. « Pour beaucoup “d'amis du président”, j'étais un gêneur », dit-il dans Le Monde. Cinq mois après sa démission forcée, l’anachronisme est confondant : quand Mediapart publie son enquête sur le conseiller du président, Aquilino Morelle est au sommet de son pouvoir. Avec le remaniement, début avril, ses deux amis sont promus : Manuel Valls devient premier ministre et Montebourg ministre de l’économie. Morelle est alors politiquement parfaitement dans la ligne : convaincu sur la politique de l’offre, même s’il défend aussi les ajustements demandés par Arnaud Montebourg, et convaincu sur la demande d’ordre et de sécurité incarnée par Manuel Valls.

À en croire Le Nouvel Obs, Aquilino Morelle est même convaincu que François Hollande a « donné sa bénédiction à Mediapart ». Et l’hebdomadaire de citer « un proche du président, qui souhaite rester anonyme : “Hollande savait, évidemment, que l’article était dans les tuyaux. Il a laissé faire, il cherchait depuis longtemps un moyen d’exfiltrer Aquilino qu’il trouvait ingérable et qui formait avec Montebourg un duo incontrôlable” ». Rien que ça.

Hollande savait-il que Mediapart enquêtait sur un de ses plus proches conseillers ? Évidemment. Nous avons même interrogé officiellement l'Élysée quelques jours avant la parution de l’article. Et Hollande n'a rien fait ? Quelle drôle de question. Comme s’il n’avait qu’à nous dire « arrêtez tout » pour que nous cessions immédiatement notre enquête ! Les révélations de Mediapart sur Jérôme Cahuzac, Jean-Marie Le Guen ou même Faouzi Lamdaoui, autre conseiller de François Hollande à l’Élysée, en sont d’ailleurs la preuve…

Cité par Le Nouvel Obs, Jean-Pierre Mignard, avocat de Mediapart, aurait dit : « Il est probable qu’Edwy ait averti le chef de l’État. Cela ne change rien à ses positions, mais il prend généralement le temps d’informer, de dire. Il a toujours une attitude de tact vis-à-vis de François Hollande. » Soit notre avocat a parlé trop vite, soit ses propos ont été déformés. Quand nous lui demandons s'il a prononcé une telle phrase, il explique : « Je ne me souviens pas avoir dit ça, mais si je l’ai dit, je me suis aventuré à parler d’une affaire sur laquelle je n’ai et n’avais aucune information. » En effet. Les journalistes de Mediapart n’ont pas pour habitude de tenir informé leur avocat de la teneur des sources ni de l’avancée de leurs enquêtes... Sauf bien entendu, dans les dernières heures précédant la publication d'un article sensible, ce qui n'a pas été le cas ici.

C’est un complot ourdi par Servier.

C’est l’autre hypothèse échafaudée par Aquilino Morelle. Probablement parce que si c’est le diable qui lui veut du mal, lui ne peut être qu’un ange. Trois ans après le rapport de l’Igas sur le Mediator, Servier aurait donc soudainement eu l’idée de mener une enquête sur lui, puis aurait transmis des éléments à ses amis de Mediapart (nos articles toujours complaisants, ici, ou encore , avec le laboratoire Servier en témoignent !) – des éléments que nous nous serions empressés de publier. Limpide…

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Fichier Stic : la Cour européenne condamne la France

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La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France, le 18 septembre 2014, pour avoir refusé d'effacer les données d’un citoyen dans le fichier de police Stic (Système de traitement des infractions constatées). Le requérant, un homme de 55 ans, avait pourtant bénéficié d’un classement sans suite. La Cour a jugé que la conservation de ses données personnelles dans un fichier de police portait une atteinte « disproportionnée » au droit au respect de la vie privée. Elle estime de plus que le contrôle du fichier Stic, tel que prévu par la loi française, n'est pas un contrôle « effectif ». 

Le Stic, fusionné avec son équivalent gendarmesque, le Judex, a donné naissance début 2014 au Traitement des antécédents judiciaires (TAJ). Un beau bébé qui, à sa naissance, fichait 12,2 millions de personnes mises en cause (avec des doublons épurés au fur et à mesure) et plusieurs millions de plaignants. Contactée pour avoir des chiffres plus récents, la Cnil renvoie vers la direction générale de la police nationale qui se renseigne, puis le lendemain botte en touche : « La police judiciaire ne donne pas les chiffres, mais ce n'est pas super secret, vous devez pouvoir le trouver sur Internet »...

En 2008, la Cnil avait constaté que 83 % des fiches contrôlées à la demande de citoyens comportaient des erreurs ou des informations illégales. Quatre ans plus tard, elle a dû faire procéder à une rectification d’« informations déterminantes » dans près de 40 % des cas. Les parquets négligent ainsi souvent de transmettre au ministère de l’intérieur les décisions de justice favorables aux personnes fichées. D’après les ministères concernés, ce problème devrait être résolu grâce à la connexion entre le fichier TAJ et celui de la justice, qui répond au nom de Cassiopée.

Ces erreurs ont des conséquences parfois dramatiques, puisque ces fichiers de police sont également consultés dans le cadre d’enquêtes administratives. Ils sont utilisés par les préfectures et le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps) pour autoriser l’accès à près d’un million d’emplois dans la sécurité privée ou la fonction publique, ainsi que pour traiter des demandes de titres de séjour et de naturalisation. Environ 100 000 policiers et 79 000 gendarmes y ont par ailleurs accès dans le cadre de leurs enquêtes… ou pour tuer le temps. Entre le  1er janvier et le 5 octobre 2008, quelque 610 fonctionnaires avaient ainsi consulté la fiche de Jamel Debbouze et 543 celle de Jean-Philippe Smet, alias Johnny Hallyday.

Revenons à cette décision de la CEDH. Le requérant François-Xavier Brunet s’est retrouvé fiché comme « mis en cause » au Stic pour une durée de vingt ans, à la suite d'une violente altercation avec sa compagne en octobre 2008. Tous deux avaient déposé plainte, il a été placé en garde à vue, puis sa compagne s'est rétractée. L’affaire fut réglée par une simple médiation pénale et classée sans suite. «La médiation pénale est une alternative aux poursuites qui apporte une réparation aux dommages, précise la direction générale de la police nationale, contactée par Mediapart. Cela signifie qu'il y a bien eu infraction. » Le procureur d’Évry a refusé en décembre 2009 d’effacer sa fiche au motif que la procédure avait « fait l’objet d’une décision de classement sans suite fondée sur une autre cause que : absence d’infraction (...) ou infraction insuffisamment caractérisée (...) ». En effet, la loi permet aux procureurs d’effacer une fiche dans le cas d’un classement sans suite, uniquement si celui-ci était motivé par une insuffisance des charges. Ce qui n'était pas le cas.

La CEDH estime donc que le contrôle du Stic en France « ne saurait passer pour effectif, l’autorité chargée de l’exercer n’ayant pas de marge d’appréciation pour évaluer l’opportunité de conserver les données ». Seule évolution depuis 2009, il est désormais possible de déposer un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif. Un magistrat spécialisé, Paul Michel, procureur général de Grenoble, peut également être saisi, mais sans plus de pouvoir que les procureurs. Or les magistrats européens rappellent que les données enregistrées pour vingt, voire quarante ans dans le TAJ, n'ont rien d'anodin. Elles ont un « caractère intrusif non négligeable (...) en ce qu’elles font apparaître des éléments détaillés d’identité et de personnalité en lien avec des infractions constatées, dans un fichier destiné à la recherche des infractions ».

C'est donc la loi française qui est cause et devra être modifiée. Le cabinet du ministre de l'intérieur indique travailler sur le sujet avec la garde des Sceaux. « Le principe de l'existence du fichier TAJ n'est pas remis en cause, nous indique-t-on. La CEDH nous demande d'unifier les délais de conservation des données qui aujourd'hui varient dans des proportions importantes selon le motif de leur inscription. Par exemple, en cas de relaxe, il y a effacement, mais en cas de prescription, on conserve. »

Pour les défenseurs des libertés individuelles, c’est une petite victoire. Et notamment pour l’ex-commandant Philippe Pichon, mis à la retraite d’office de la police en mars 2009 pour avoir transmis les fiches Stic de Jamel Debbouze et Johnny Hallyday au site d’information Bakchich.info, en 2008, à l’appui de son combat contre les illégalités du fichier. « Cela montre bien que ce n’est pas moi mais l’administration et la gestion du fichier qui sont hors la loi », constate l'ex-officier. « Quel plus bel hommage pouvait-il y avoir à Philippe Pichon que cette décision du juge européen ?, se réjouit son avocat, Me William Bourdon. C’est désormais de la responsabilité du législateur de faire de la France un pays pionnier en adoptant un habeas corpus et en protégeant mieux ses lanceurs d'alerte. » 

Poursuivi pour « violation du secret professionnel », Philippe Pichon a été condamné le 22 octobre 2013 à une simple amende avec sursis. Sans aucune interdiction d’exercer, les juges soulignant les « convictions d’intérêt public » à l’origine de son acte. Le 3 juin 2014, le nouveau médiateur interne de la police nationale Frédéric Lauze a émis un avis favorable à sa réintégration dans le corps de commandement de la police nationale. « En l’absence d’utilisation à des fins personnelles ou privées des données ainsi publiées dans la presse, et eu égard à vos très bons états de service au sein de la police nationale, la sanction de mise à la retraite d’office me paraît disproportionnée », écrit cet inspecteur général.

Malgré ce, Jean-Marc Falcone, directeur général de la police nationale, fait la sourde oreille. Il a refusé le 22 août 2014 la réintégration du lanceur d’alerte, en s'en remettant à la décision du Conseil d’État, devant lequel Philippe Pichon a déposé un recours.

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Affaire Bismuth: les juges ont demandé les fadettes du bâtonnier

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Les gros cabinets d’avocats pénalistes parisiens sont sur le pied de guerre. Selon des informations obtenues par Mediapart, certains d’entre eux parmi les plus influents ont appris récemment que les juges d’instruction Patricia Simon et Claire Thépaut, en charge de l’affaire Sarkozy-Herzog-Azibert, avaient demandé les « fadettes » (factures détaillées où apparaissent les appels et SMS reçus et passés) de leur bâtonnier en exercice, Pierre-Olivier Sur.

Me Pierre-Olivier SurMe Pierre-Olivier Sur © Reuters

La chose semble à première vue légale, les juges ayant légitimement cherché à savoir qui, au barreau de Paris, avait pu prévenir discrètement (et, pour le coup, de façon tout à fait illégale) Thierry Herzog et Nicolas Sarkozy, en janvier dernier, que leurs lignes téléphoniques étaient écoutées à la demande du juge Serge Tournaire dans l’affaire Kadhafi.

La loi fait, en effet, obligation aux juges de prévenir le bâtonnier de l’Ordre des avocats quand un de ses membres est placé sur écoutes. Les investigations poussées des juges n’ont rien donné jusqu’ici sur ce point précis, même si leurs soupçons se sont clairement portés sur l’Ordre des avocats parisiens. Selon l’enquête, quatre personnes étaient au courant des écoutes : le bâtonnier Sur, son directeur de cabinet, un cadre administratif, et enfin le secrétaire-général de l’Ordre.

Afin de « fermer les portes », les juges Simon et Thépaut avaient également fait vérifier les appels entrants et sortants du tribunal de grande instance de Paris et de son pôle financier, ce qui n’avait rien donné non plus.

En guerre ouverte avec les juges Simon et Thépaut, qui sont soutenues par le parquet national financier (PNF), certains cabinets d’avocats pénalistes de Paris comptent bien instruire le procès public des « deux dames » qui ont mis Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog et Gilbert Azibert en examen pour « corruption », « trafic d’influence » et « recel de violation du secret professionnel ». Leur instruction vient d’ailleurs d’être gelée par la présidente de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, Édith Boizette, quelques heures à peine après l’annonce officielle du retour en politique de Nicolas Sarkozy.

Le 16 juillet dernier, très agacé par certains articles de presse sur cette même affaire, Pierre-Olivier Sur avait déposé plainte contre X... pour « recel de violation du secret de l’enquête et de l’instruction ».

Sollicité samedi matin par Mediapart, le bâtonnier des avocats de Paris, Pierre-Olivier Sur, dit n’avoir été informé de cette affaire de fadettes que vendredi, et par des journalistes. Aucun de ses confrères ne l’aurait donc averti ? À voir. Me Sur estime, en tout cas, déplacés les soupçons qui pèsent sur sa personne au vu de ces actes d'instruction.

En mars dernier, Pierre-Olivier Sur s'était fortement indigné des écoutes et des perquisitions effectuées par les juges au cabinet et au domicile de son confrère Thierry Herzog. Le bâtonnier avait également menacé d'appeler les avocats parisiens à s'opposer physiquement à une éventuelle perquisition à la Maison du barreau de Paris, place Dauphine. Cette opération baptisée “Ecureuil”, diversement appréciée par ses confrères, n'a pas eu de suite.

Nicolas SarkozyNicolas Sarkozy © Reuters

Les conflits entre magistrats et avocats ne datent pas d'hier, Eva Joly et Éric Halphen s'en souviennent. La mise en examen d'un avocat en vue comme Thierry Herzog ne pouvait donc que créer de nouvelles tensions.

Mais dans cette affaire Bismuth, les poursuites qui visent également l'ancien haut magistrat Gilbert Azibert, à la carrière très politique, peuvent faire craindre des interférences au sein même de la magistrature. Quant à la mise en examen inédite d'un ancien chef de l'État pour « corruption », elle provoque la fureur d'un Nicolas Sarkozy ivre de vengeance, et qui bénéficie encore de soutiens puissants et de nombreux relais.

Les « deux dames » savent à quoi s'en tenir. Mais les magistrats sont soumis au secret professionnel et à l'obligation de réserve, et ne peuvent donc répliquer aux attaques dont ils sont l'objet.

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A gauche, un petit pas vers le changement

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L'heure n'est plus à la critique systématique de la majorité. En invitant des personnalités de la “société civile”, magistrats, acteurs, responsables associatifs, et même un psychanalyste, une partie de la gauche s'est lancée dans une de ces grandes collectes d'idées dont elle est friande. La rencontre, baptisée « Échanger pour changer », s'est déroulée samedi 27 septembre à Paris, dans un bar du XXe arrondissement. Parmi les personnalités politiques invitées (voir notre boîte noire), plusieurs députés socialistes frondeurs (Jérôme Guedj, Laurent Baumel, Christian Paul...), les chefs de parti Pierre Laurent (PCF), Emmanuelle Cosse (EELV) et Pierre Larrouturou (Nouvelle Donne), l'ancienne ministre Cécile Duflot ou encore Clémentine Autain (Front de gauche), ont fait le déplacement. L'originalité de la démarche tenait à ce que, pour une fois, les politiques ne s'expriment pas, à l'exception du député Pouria Amirshahi (PS) lors d'un court discours introductif (8 minutes montre en main), en tant qu'organisateur de l'événement. 

Le député Pouria Amirshahi, organisateur de l'événementLe député Pouria Amirshahi, organisateur de l'événement © Yannick Sanchez

« Quand on fait des compromis avec les mots, on fait des compromis avec les principes. » À travers un discours sur la sémantique politique, le psychanalyste Gérard Miller a fait la démonstration de l'uniformisation du langage dans les partis politiques. « Les socialistes ont fait capitalisme première langue », tonne-t-il avant d'énumérer quelques exemples de cette dérive : les cotisations sociales sont devenues des charges sociales, les exploités sont devenus des gens en colère, les travailleurs sont assimilés à un coût du travail. Pour le psychanalyste, « la gauche ne parle plus comme la gauche et à force de parler comme la droite, elle agit comme la droite. Pour agir, reprend-il, il faut d'abord parler. »   

Le poids des mots, le représentant du collectif « Cité en mouvement », Bocar Niane, en sait quelque chose. Dans le triptyque « rassembler, former, dénoncer » qu'il défend, les ateliers de prises de parole en public jouent un rôle phare. « Si ces formations existent déjà à Harvard, HEC, Sciences-Po, aujourd'hui on ne forme pas les acteurs des quartiers à la prise de parole en public », constate-t-il. C'est pourquoi le collectif fondé en 2012, présent à Fontenay-sous-Bois, Saint-Ouen et Noisy-le-Sec, a fait de la formation un de ses fers de lance pour réorienter le débat public.

À en juger par les applaudissements, l'audience semble partager le constat que font les orateurs invités. Que ce soit lorsque le magistrat Serge Portelli parle des « réformes qui intéressent l'homme dans la justice » qui n'ont pas été entreprises, lorsque le président du collectif AC le feu et co-fondateur du tout nouveau syndicat des banlieues Pas sans nous (voir notre article ici), Mohamed Mechmache, évoque la défiance grandissante envers les politiques dans les banlieues ou quand la féministe Anne-Cécile Mailfert (Osez le féminisme) mentionne le recul du gouvernement sur les ABCD de l'égalité, le succès est retentissant. Tous critiquent l'action du gouvernement, mais pas sans évoquer de possibles champs d'expérimentation. 

Mohamed Mechmache, président du collectif « AC le feu », avec Bocar Niane de « Cité en mouvement »Mohamed Mechmache, président du collectif « AC le feu », avec Bocar Niane de « Cité en mouvement » © Yannick Sanchez

Pour Serge Portelli, il s'agit de développer les prisons ouvertes. « Nous n'en avons qu'une seule en France quand ailleurs en Europe, pour certains pays c'est un quart voire un tiers des établissements carcéraux », affirme-t-il. Mohamed Mechmache présente, lui, le concept de « démocratie d'interpellation par le bas » : « D'un côté, on récupère 10 % de la réserve parlementaire qu'on met dans un fonds commun, de l'autre 1 % du financement des partis politiques. » Le but, sponsoriser des projets urbains émanant des citoyens afin de les proposer aux élus locaux. Anne-Cécile Mailfert invite plutôt à « repenser les rapports au travail ». « Il n'y a qu'une bataille, souligne-t-elle, celle de l'égalité qui doit irriguer tous les champs de la société. »

Le dernier mot est revenu à Pouria Amirshahi : « Je ne vais évidemment donner aucune conclusion ni organisationnelle ni programmatique à la suite de ce qui s'est dit. Je voudrais simplement inviter toutes celles et tous ceux qui le veulent, dans leurs collectifs, à reproduire ce genre de rencontres, riches, génératrices de beaux lendemains partout en France. »  

À la fin des discours, le syndicaliste Olivier Leberquier, ancien de Fralib, plie ses affaires, prêt à repartir dans le sud un peu plus optimiste qu'à son arrivée. « On ne fait pas partie de ceux qui disent “non, il ne s'est rien passé”, même si évidemment ce qui nous intéresse, c'est ce qui se passe derrière. » Lui va retourner à sa charrue, galvanisé par la rencontre. La Société coopérative ouvrière de production de thés et infusions (Scop TI) qui est née de la fin du conflit avec Unilever n'en est qu'à ses débuts mais les idées ne manquent pas. « On s'est rendu compte que la récolte de tilleul en France était de 400 tonnes à la fin des années 90, elle oscille entre 10 et 15 tonnes aujourd'hui, alors on va travailler avec des producteurs locaux pour faire nos infusions », affirme-t-il avant de lancer aux personnalités politiques qui l'entourent : « Si vous avez besoin d'idées pour faire du développement durable, vous nous demandez. » Il faut cultiver notre jardin, aurait peut-être conclu Voltaire.  

BOITE NOIREL'initiative organisée par Pouria Amirshahi le 27 septembre a réuni les personnalités de la société civile suivantes : Mohamed Mechmache du collectif AC le feu, co-fondateur de la coordination nationale des « Pas sans nous », Philippe Torreton, acteur, Bocar Niane du collectif « Cité en mouvement », Serge Portelli, magistrat, Edwy Plenel, co-fondateur du site Mediapart, Anne-Cécile Mailfert, porte-parole d'Osez le féminisme !, Aurélie Trouvé d'Attac, Nadia Nguyen Quang du collectif Réseau éducation sans frontières et Olivier Leberquier des ex-Fralib.

Parmi les personnalités politiques présentes, figuraient Jean-Marc Germain, Barbara Romagnan, Daniel Goldberg, Fanélie Carrey-Conte, Pascal Cherki, Nathalie Chabanne, Christian Paul, Gérard Sébaoun, Jérôme Guedj, Guillaume Ballas, Emmanuel Maurel, Pierre Laurent, Emmanuelle Cosse, Cécile Duflot, Clémentine Autain et Pierre Larrouturou.

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Le Sénat repasse à droite, le FN gagne deux sièges

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La parenthèse de gauche du Sénat n’aura duré que trois ans. Et elle n’aura pas marqué les esprits. Dimanche 28 septembre, la Haute Assemblée, dont la majorité était à gauche depuis 2011, une quasi-exception sous la Cinquième République, est repassée à droite. Notamment grâce aux très bonnes performances de l’UDI centriste, qui aura un poids accru dans la future majorité sénatoriale.

Le résultat ne trouble pas spécialement l’exécutif. François Hollande et Manuel Valls savaient le Sénat perdu. Ils disposent toujours d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, qui détient le dernier mot pour le vote des lois. Après huit élections législatives partielles perdues, la défaite des municipales et des européennes, la perte du Sénat signe toutefois un nouveau revers pour un gouvernement impopulaire. Revers qui en annonce peut-être d’autres, alors que se profilent déjà les cantonales puis les régionales, respectivement en mars et en décembre 2015.

L’autre information importante de la soirée est l’entrée inédite du Front national au Sénat. « Une victoire historique », selon Marine Le Pen. Alors que les sénatoriales ne lui sont en général guère favorables à cause du mode de scrutin, le FN, aidé par la dose supplémentaire de proportionnelle introduite cette année, réussit à faire élire deux sénateurs : Stéphane Ravier et David Rachline, respectivement maires depuis mars dernier du septième secteur de Marseille et de Fréjus (Var). À 26 ans, David Rachline va même devenir le benjamin du Sénat. De toute évidence, le maire de Fréjus a bénéficié du soutien de nombreux grands électeurs de droite dans son département, un indice supplémentaire de la très grande porosité dans le sud-est de la France entre l’électorat de droite et celui du FN.

David Rachline (FN), nouveau benjamin du SénatDavid Rachline (FN), nouveau benjamin du Sénat © Reuters

La défaite de la gauche, nouvel épisode d’une série de revers électoraux depuis 2012, n’est pas une surprise : aux sénatoriales, le scrutin, indirect, reflète le résultat des municipales. Or celles de mars ont été calamiteuses pour le PS. Pour les experts socialistes des scrutins, la défaite serait même honorable au vu des prévisions. Le PS va jusqu'à se féliciter de certains « petits miracles » qui contiennent l’ampleur de la défaite, comme les réélections à quelques voix près des sortants Yves Daudigny (Aisne), Alain Anziani (Gironde) ou de la Marseillaise Samia Ghali. « La gauche résiste mieux que l'effet mécanique des résultats des municipales », affirme Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS, qui conteste toute « vague bleue ».

Depuis 2011, la gauche était majoritaire au Sénat de six petites voix. Dimanche, au vu de l’estimation disponible en milieu de soirée et dans l’attente d’une poignée de résultats plus tardifs en outre-mer, socialistes, communistes et radicaux de gauche ont perdu 21 sièges. La droite (UMP + centristes de l’UDI), elle, en a gagné 23 (14 pour l'UMP et 9 pour les centristes, ce qui est une performance). Elle dispose désormais d'une quinzaine de sièges au-dessus de la majorité absolue.

Sur 65 sénateurs sortants renouvelables ce dimanche, le Parti socialiste en abandonne 10. Les radicaux de gauche sont un des grands perdants du scrutin, avec 7 sièges perdus sur 12 à renouveler. Les communistes perdent 3 sièges sur 5. La faute, selon eux, à la réduction des dotations aux collectivités locales (11 milliards d’économies prévues d’ici 2017) et à la réforme territoriale. « De nombreux "grands électeurs", élus locaux pour la plupart, ont exprimé leur refus d’une réforme territoriale qui poursuit la logique de démembrement de la République et du service public des textes de Nicolas Sarkozy », écrit dimanche soir le groupe communiste (CRC) du Sénat dans un communiqué.

© Sénat

« Trois facteurs expliquent cette défaite, décrypte un proche de François Hollande : le résultat des municipales, une réforme territoriale qui n’a pas été bien comprise et la fragmentation de la gauche. » Pour ces sénatoriales, le PS, le Front de gauche et les radicaux étaient partis en ordre dispersé, faute d’accord électoral. « La gauche aurait pu sauver des sièges s’il y avait eu un accord », soutient Emmanuelle Cosse, la secrétaire nationale d’Europe Écologie-Les Verts. Les écologistes n’étaient pas directement concernés par le scrutin, n’ayant pas de sénateurs renouvelables cette année.

Samia Ghali, lors de la campagne des primaires PS à MarseilleSamia Ghali, lors de la campagne des primaires PS à Marseille © Reuters

Malgré le satisfecit officiel du PS, le parti et ses alliés radicaux de gauche du gouvernement enregistrent des défaites hautement symboliques. Dans les Bouches-du-Rhône, la sanction est particulièrement rude. Alors que le PS avait quatre sortants, seule Samia Ghali, candidate malheureuse à la primaire socialiste lors des dernières municipales, est réélue, et de justesse. Dans l’après-midi, elle a même cru sa défaite certaine, l'annonçant par SMS à Solférino, le siège parisien du PS.

Le PS local est humilié par Jean-Noël Guérini, le président du conseil général trois fois mis en examen. À la tête d’une liste dissidente, Guérini, qui a quitté le PS en avril dernier avant même que le parti ne prononce son exclusion, réunit trois fois plus de voix que les socialistes. Et fait élire, outre lui-même, deux de ses colistiers. Guérini a centré sa campagne sur de grands électeurs contre la future métropole marseillaise. Et il n'a pas manqué de faire miroiter aux élus locaux les subventions du conseil général. Dimanche, Samia Ghali a dénoncé « de l’argent public distribué » par Guérini pour « achet[er]» des voix. Elle sait de quoi elle parle, pour avoir été élue sur sa liste en 2008… Où siégeront les élus guérinistes ? A priori dans le groupe socialiste, avec les apparentés PS. « Guérini reste socialiste... socialiste marseillais... », dit ce responsable socialiste, loin d'ostraciser le puissant Guérini.

Le PS enregistre d’autres défaites symboliques. La Corrèze, le département que François Hollande a dirigé, et qui comptait deux sénateurs socialistes, repasse à droite. Conseiller de François Hollande, le maire de Tulle, Bernard Combes, à qui le chef de l’État avait suggéré de se présenter, ne réussit pas à se faire élire. En Savoie, un autre "hollandais", l’ex-ministre des affaires européennes Thierry Repentin, est nettement battu. Quant à Jean-Pierre Michel, ancien député socialiste qui fut dans les années 1990 le père du Pacte civil de solidarité (Pacs), il est battu en Haute-Saône, où les deux sièges de sénateurs passent à la droite. En Côte d'Or, la suppléante du ministre de l'emploi François Rebsamen, ancien président du groupe socialiste, n'est pas réélue.

Dans l’Hérault, le socialiste dissident Robert Navarro est réélu. Au grand dam de nombreux militants socialistes du cru, ses proches avaient blindé la liste de grands électeurs favorables à Navarro, ancien partisan de Georges Frêche, mis en examen pour abus de confiance à la suite d'une plainte du PS dans l’affaire des frais de fonctionnement de la fédération PS de l'Hérault. « Cela fait trois semaines qu’il invite des grands électeurs à tous les matchs possibles, en profitant des invitations de la région », soupirait un socialiste héraultais interrogé il y a quelques jours par Mediapart. Visiblement, ce lobbying acharné a payé.

Les radicaux de gauche, qui ont un ministre et deux secrétaires d’État dans le gouvernement Valls, enregistrent des revers notables. Dans le territoire de Belfort, le siège de Jean-Pierre Chevènement passe à l’UMP, et ce dès le premier tour. L’ancien ministre de Lionel Jospin siégeait au groupe radical de gauche (RDSE). Ancienne ministre de Jean-Marc Ayrault, Anne-Marie Escoffier est battue.

Mais la défaite la plus notable est celle de Jean-Michel Baylet. Le président du Parti radical de gauche (PRG), par ailleurs président multi-cumulard du conseil général du Tarn-et-Garonne et patron du groupe de presse La Dépêche du Midi, perd le siège qu’il détenait depuis 1995, sur fond de profondes rivalités au sein du PRG local. « C’est la preuve de l’essoufflement de son dispositif local », estime un dirigeant du PS. « Les grands électeurs de son département se sont révoltés », dit un autre.

Jean-Michel Baylet, qui aurait pu être nommé ministre en 2012 s’il n’avait pas des ennuis judiciaires, reste inquiété par la justice dans une affaire concernant des frais de bouche du conseil général. Mis en examen, il a bénéficié d'un non-lieu mais le parquet a fait appel. Ces derniers mois, tirant avantage du départ des écologistes du gouvernement, Baylet avait fait monter les enchères, brandissant la menace d'une démission des ministres radicaux si les conseils généraux ruraux étaient supprimés. Il avait obtenu gain de cause.

Jean-Michel Baylet, battuJean-Michel Baylet, battu © DR

Dimanche soir, l’UMP a fêté sa victoire. Parmi les arrivées notables à droite : François Baroin. Le député de l’Aube, qui sera sans doute le futur président de l’influente Association des maires de France (AMF), a récemment affiché son soutien à Nicolas Sarkozy. Il pourrait briguer la présidence du Sénat lors du prochain renouvellement sénatorial de 2017, juste après la présidentielle. Ce renouvellement, qui sera lui aussi fondé sur le résultat des municipales de 2014, devrait être encore plus favorable à la droite.

Dans les rangs de la droite, beaucoup de nouvelles têtes mais aussi un come-back : Alain Joyandet, ancien ministre de Nicolas Sarkozy qui avait démissionné en 2010. Mediapart avait alors révélé qu’il avait utilisé un jet privé facturé par l’État (coût 116 500 euros) pour se rendre en Martinique. Le ministre était aussi mis en cause dans une affaire de permis de construire contesté.

Dès dimanche soir, la bataille pour la présidence du Sénat a commencé. Mardi, une primaire interne à l’UMP désignera le vainqueur des trois candidats en lice : l’outsider Philippe Marini, mais surtout l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin ou Gérard Larcher, qui fut président du Sénat de 2008 à 2011. Dès dimanche soir, Larcher, encouragé par le bon score des centristes, a lancé des clins d’œil appuyés à ces derniers. « Celui qui sera désigné devra avoir la confiance de nos amis centristes », a-t-il martelé. Jean-Pierre Raffarin, qui soutient ouvertement le retour de Nicolas Sarkozy, risque d'avoir la tâche plus difficile. Les centristes décideront mardi s’ils présentent ou non un candidat. L’élection du président du Sénat aura lieu mercredi 1er octobre.

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MediaPorte : « Surtout, n'ayez pas peur ! »

Le FN ne s'applique pas le non-cumul des mandats qu'il défend

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Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais. Le Front national, qui se présente comme un opposant de longue date au cumul des mandats, ne semble pas vouloir l’appliquer quand il s’agit de ses propre élus. Élus sénateurs dimanche, David Rachline et Stéphane Ravier sont déjà tous deux conseillers régionaux et maires (le premier de Fréjus, le second du 7e secteur de Marseille).

Sur Europe 1, lundi matin, David Rachline a simplement annoncé qu'il renoncerait à son mandat de conseiller régional. Concernant celui de maire, il a répondu au Scan : « Après tout le travail réalisé dans ma commune de Fréjus, il est évident que je reste à la mairie. » Stéphane Ravier va lui aussi abandonner son mandat de conseiller régional.

Au Parlement européen, où le FN a envoyé en juin 23 eurodéputés, il compte également des cumulards. Le cas le plus emblématique est le secrétaire général du FN lui-même, Steeve Briois. Eurodéputé, il est aussi, depuis mars, maire d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) et conseiller communautaire (il n'apparaît plus en revanche dans la liste des conseillers régionaux du Nord-Pas-de-Calais). Steeve Briois a par ailleurs exprimé son mécontentement lorsqu'il a échoué à obtenir en avril une vice-présidence à la communauté d’agglomération d’Hénin-Carvin puis, le 23 septembre, lorsqu'il n'a pas réussi à s'emparer de la présidence du conseil de surveillance de l’hôpital d’Hénin-Beaumont.

Comme l'avait relevé l’Opinion, quatorze eurodéputés frontistes élus en juin étaient aussi conseillers régionaux : Jean-Marie Le Pen et Joëlle Melin (PACA), Marine Le Pen et Sylvie Goddyn (Nord-Pas-de-Calais), Nicolas Bay (Haute-Normandie), Marie-Christine Boutonnet (Champagne-Ardenne), Louis Aliot (Languedoc-Roussillon), Édouard Ferrand (Bourgogne), Jean-François Jalkh et Dominique Bilde (Lorraine), Sophie Montel (Franche-Comté), Bruno Gollnisch, Mireille d'Ornano et Dominique Martin (Rhône-Alpes). D'autres étaient aussi conseillers municipaux : Jean-Luc Schaffhauser à Strasbourg, Louis Aliot à Perpignan, Joëlle Melin à Aubagne, Florian Philippot à Forbach, Marie-Christine Arnautu à Nice, Nicolas Bay à Elbeuf, Dominique Martin à Cluses, Bruno Gollnisch à Hyères.

Des situations en contradiction totale avec les discours de ces mêmes élus. En 2008, David Rachline, alors conseiller municipal d’opposition à Fréjus (Var), raillait dans un communiqué ces « professionnels locaux du cumul » en s’en prenant à deux parlementaires-maires.

Le communiqué de David Rachline le 26 décembre 2008.Le communiqué de David Rachline le 26 décembre 2008.

Stéphane Ravier, de son côté, a plusieurs fois fustigé les cumulards sur son blog. En septembre 2012, dans un billet intitulé « La gauche sarkozyste : cumuler toujours plus pour gagner plus ! », il relaye un article de la Provence où il est question des « députés récalcitrants » et « des sénateurs qui jouent la montre » sur le non-cumul des mandats. Deux ans plus tôt, il fustige, dans un autre billetles « cumulards en puissance », il cible particulièrement « Hubert Falco, champion du cumul des mandats », et énumère ses fonctions : « Maire de Toulon, président de la Communauté Toulon-Provence, Secrétaire d’État à la Défense et aux Anciens combattants, ancien sénateur… »

Steeve Briois, secrétaire général du FN, a lui aussi souvent dénoncé le cumul des mandats de ses adversaires politiques. Exemple le 29 juin 2012, où Briois s’en prend au socialiste Philippe Kemel, maire et député de Carvin (Pas-de-Calais), qui était « opposé au cumul des mandats de maire et de député, sauf s’agissant des villes de moins de 20 000 habitants… comme Carvin par exemple! ».

« Philippe Kemel se ridiculise totalement en tombant dans cette vieille manie des socialistes qui consiste à donner des leçons de morale sans être fichus de se les appliquer à eux-mêmes, comme les bobos qui prônent la diversité et la mixité sociale, mais qui prennent bien soin d’inscrire leurs enfants dans des écoles privées et vivent dans des quartiers sécurisés ! », écrivait Steeve Briois dans son communiqué, appelant son adversaire « à un peu de décence ». 

Communiqué de Steeve Briois le 29 juin 2012.Communiqué de Steeve Briois le 29 juin 2012.

En 2011, Marine Le Pen, députée européenne et conseillère régionale, avait démissionné du conseil municipal d'Hénin-Beaumont en raison de la loi sur le non-cumul des mandats, tout en qualifiant ce texte « d’assez injuste » et « ayant des effets particulièrement aberrants ».

La position du Front national sur le cumul des mandats avait pourtant le mérite d’être claire. Dans son programme, page 103, on peut lire que le parti souhaite voter « une loi organique » qui, notamment, « rendra impossible le cumul des mandats exécutifs ».

Le 30 novembre 2012, Marine Le Pen avait expliqué à François Hollande être « très favorable » à la règle du non-cumul des mandats de parlementaire et d'exécutif local, et qu’elle espérait « qu'il passe par la voie du référendum pour pouvoir la faire appliquer ». Quelques mois plus tôt, en août 2012, Florian Philippot, vice-président du FN, ne disait pas autre chose, au micro de RMC (écoutez la vidéo ci-dessous à 6'20) : « Nous ne voulons pas d’un cumul entre une position de parlementaire et un exécutif local. Ça, on le dit de manière absolument constante. »

À l’Assemblée nationale, les deux députés frontistes, Marion Maréchal-Le Pen et Gilbert Collard, ont voté en janvier en faveur de la loi sur le non-cumul des mandats, qui doit s'appliquer en 2017. À la tribune du palais Bourbon, Marion Maréchal-Le Pen avait raillé ces sénateurs qui ne veulent pas se voir appliquer le non-cumul d'un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale : « Ils ont ainsi montré leur attachement aux privilèges », lançait-elle. 

La députée évoquait « un pas dans la bonne direction » et affirmait que le FN « réclama(it) depuis longtemps cette mesure », notamment pour une question de « disponibilité des élus ». « De nombreux parlementaires cumulent leur mandat avec celui de maire, de président de conseil général ou régional, certains cumulent ces deux mandats avec un troisième comme la présidence d’une intercommunalité, certains cumulent ces trois mandats avec une responsabilité importante dans un parti politique qui peut même être celle de président et certains cumulent même ces quatre fonctions avec un peu de conseil comme avocat par exemple, histoire de tuer un petit peu le temps. Comment sérieusement peut-on se consacrer à autant de mandats sans déléguer à outrance ? Personne n’a le don d’ubiquité (...). Il en va du respect de ses électeurs et de la performance de son travail », déclarait Marion Maréchal-Le Pen, en dénonçant « l’égo de certains élus qui souhaitent verrouiller leur circonscription pour tout contrôler ».

De son côté, Gilbert Collard affirmait en janvier que le cumul était mauvais pour le renouvellement des représentants politiques et le qualifiait de « dangereux » (voir la vidéo de son intervention). « Je crois qu’il est vital que nous ouvrions le partage démocratique, que l’on puisse permettre en interdisant le cumul à des hommes et à des femmes d’accéder à des fonctions qui leur sont interdites parce qu’il y a le cumul », disait-il.

Lundi, le député a réagi à notre article:

Interrogée lundi sur Europe 1 quant à cette contradiction, Marine Le Pen a répondu qu'elle ne voyait pas d'« incohérence de notre part. Nous avons clairement dit que nous étions contre le cumul des mandats mais nous appliquerons le non-cumul quand les autres se l'appliqueront eux aussi ». « Nous sommes confrontés à des mouvements politiques qui sont beaucoup plus puissants que nous (...). Alors oui, pour faire entendre la voix des millions de Français que nous représentons, nous ne ratons aucune occasion », a-t-elle ajouté.

De son côté, Steeve Briois justifie ce matin le cumul des mandats des deux sénateurs FN « C’est plus crédible de mettre en tête de liste un élu dans un exécutif qu’un simple militant. (...) C'est normal que nous mettions en avant nos élus brillants ayant fait preuve de réussite. Si MM. Ravier et Rachline ont été élus, c'est parce qu'ils sont plus crédibles que n'importe qui ». « La loi l’autorise pour l’instant, nous devrions être les seuls à appliquer quelque chose qui n’est pas encore applicable ? », interroge-t-il.

BOITE NOIREMise à jour: cet article a été actualisé lundi 29 septembre à 15h15 avec l'annonce par Stéphane Ravier de l'abandon de son mandat de conseiller régional, puis à 16h avec le tweet de Gilbert Collard réagissant à notre article.

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La Commission des financements politiques met la pression sur l'UMP

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« Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille. » Pour les dirigeants par intérim de l'UMP, le proverbe chiraquien se confirme. Déjà visé par deux informations judiciaires, secoué ce lundi 29 septembre par l'interpellation d'anciens responsables de Bygmalion, le parti doit en plus affronter des investigations d'un genre inédit de la Commission nationale des financements politiques (CNCCFP), qui refuse cette année d'enregistrer les comptes de l'UMP sans moufter et inaugure les nouveaux pouvoirs d'enquête que les “lois post-Cahuzac” lui ont conférés.

Dans une missive datée du mois d'août que Mediapart s'est procurée, l'autorité indépendante exige que les dirigeants de l'UMP (Chatel, Juppé, Raffarin et Fillon) lui communiquent toute une série d'explications, de « justificatifs » et de « pièces comptables », en particulier sur les conditions douteuses dans lesquelles le parti a pris en charge la pénalité financière infligée à Nicolas Sarkozy par le Conseil constitutionnel ou bénéficié d'un prêt de 3 millions d'euros du groupe UMP de l'Assemblée. Au passage, elle semble ouvrir un nouveau front, puisqu'elle interroge l'UMP sur les dessous du “Sarkothon” et sa miraculeuse récolte de dons (officiellement, plus de 11 millions d'euros en deux mois).

Sollicité, le secrétariat général de l'UMP n'a pas souhaité préciser les éléments de réponse qu'il avait renvoyés à ce stade. « Par respect pour la Commission, nous lui laissons le soin de faire ou de ne pas faire la publicité sur ces informations, explique-t-on à Mediapart. Mais les autres partis sont soumis à la même procédure, vous savez... »

•    L'emprunt caché de 3 millions d'euros :

Mediapart a révélé en juin que le parti, au bord de la cessation de paiement après les législatives de juin 2012, s’était tourné en catastrophe vers le groupe UMP de l’Assemblée et sa cagnotte (essentiellement constituée de dotations publiques censées servir au travail parlementaire). Depuis, le parti a beau clamer la « régularité » de cet emprunt de 3 millions d’euros, la question n’est toujours pas tranchée par la Commission, faute d'éléments pour en juger. À ce stade, ni le parti ni le groupe n'ont daigné publier le contrat, les avenants, l'échéancier des remboursements… Or la légalité de cet emprunt dépend précisément des conditions financières dans lesquelles il a été réalisé.

Christian Jacob a succédé à Jean-François Copé à la présidence du groupe UMP en novembre 2010Christian Jacob a succédé à Jean-François Copé à la présidence du groupe UMP en novembre 2010 © Reuters

Dans son courrier, la Commission souligne que ce « financement d'un caractère inusité et d'un montant significatif n’a fait l'objet d'aucune mention (dans les comptes déposés par le parti) en 2012, comme en 2013 ». Et visiblement, elle s'interroge sur les raisons de ce mutisme, sachant que la loi interdit à un groupe parlementaire de « consentir des dons ou des avantages directs ou indirects à un parti ». En l'occurrence, ne s'agirait-il pas d'un don par la suite déguisé en prêt pour "régulariser" l’opération ? Ou d'un prêt initialement consenti à des conditions plus favorables que celles du marché, voire à taux zéro ?

Après nos révélations, le président du groupe UMP, Christian Jacob, qui avait transféré les 3 millions d'euros en 2012 dans le dos de ses troupes, s'est justifié sur sa cachotterie en déclarant : « Si je rendais (le prêt) public, ça faisait la démonstration que le parti était en cessation de paiement. Les banques (du parti) se retiraient et c’était l’effondrement. » L'opération de 3 millions d'euros a ainsi été cachée aux banques comme à la Commission.

Aujourd'hui, celle-ci se rebiffe et use des pouvoirs de contrôle dont les “lois post-Cahuzac” l'ont enfin dotée. Elle demande ainsi à la nouvelle direction de l'UMP de lui communiquer « la décision ou la délibération ayant autorisé la souscription du prêt » – à supposer que cette décision ait été formalisée autrement que par un coup de fil entre Jean-François Copé, alors président du parti, et son ami Christian Jacob.

Elle réclame « la convention de prêt », « les avenants », « ainsi que les pièces comptables correspondantes ». Elle exige surtout les pièces « relatives aux remboursements éventuellement intervenus », en clair les preuves de sa légalité.

À ce stade, les “détails” que Christian Jacob a lâchés à la presse laissent en effet dubitatif, pour le moins. Interrogé sur le taux d'intérêt initial consenti à Jean-François Copé, il a répondu le 24 juin dernier : « J'en sais rien, j'ai plus en tête. » Et simplement expliqué qu'en 2013, lorsqu'un pool bancaire est venu refinancer le parti, il a « demandé à ce que le prêt (accordé par le groupe en 2012) soit annexé au pool bancaire avec les mêmes taux d'intérêt », soit 2,7 %. Mais avant, mystère. « Il y a eu une période de reconstitution de trésorerie du parti sans remboursement », a-t-il fini par lâcher, gêné.

D'après ses propres déclarations, seuls « 580 000 euros ont déjà été remboursés par le parti », sur les 3 millions. Les montants successifs des mensualités ? « Je les ai pas en tête », a encore balayé le patron des députés UMP. Sous peu, les relevés bancaires devraient parler.

•    L'amende personnelle de Nicolas Sarkozy soldée par l'UMP :

Sur ce dossier, la Commission mène visiblement sa petite enquête, en parallèle du parquet de Paris qui a décidé d’ouvrir une information judiciaire sur des soupçons d’« abus de confiance » (comme l'a dévoilé Le Monde le 24 septembre). En octobre 2013, en effet, l’UMP a réglé de sa poche la pénalité de 364 000 euros que le Conseil constitutionnel avait infligée au candidat Sarkozy – et à lui seul – après le rejet de son compte de campagne.

Cette somme correspondait aux “hors plafond” alors repérés par le Conseil constitutionnel – ils étaient en fait loin du compte, puisque Mediapart a révélé depuis que 17 millions d’euros de frais de meeting avaient été dissimulés avec la complicité de Bygmalion.

Dans son élan, l’UMP s’est en plus acquittée d’une petite somme que le candidat Sarkozy était prié de rembourser en personne au Trésor public (correspondant à un “fonds de caisse” avancé par l’État au début de la campagne). Mais de quel droit le parti a-t-il ainsi volé au secours financier de l’ancien président (qui multiplie pourtant les conférences grassement rémunérées aux quatre coins du monde) ?

La loi électorale est pourtant limpide, s’agissant des pénalités : c’est « le candidat (qui) est tenu de verser (la somme) au Trésor public ». En s’affranchissant de cette règle, les dirigeants de l’UMP n’ont-ils pas commis un « abus de confiance » ? Nicolas Sarkozy un « recel d’abus de confiance » ? Un juge d’instruction, sinon deux, va désormais s’emparer du dossier.

Nicolas Sarkozy en juillet dernierNicolas Sarkozy en juillet dernier © Reuters

À l’époque, la direction de l’UMP avait estimé légal de payer, sur la base d’une analyse de faisabilité fournie par Me Philippe Blanchetier, tout à la fois conseil du parti… et avocat du candidat Sarkozy devant le Conseil constitutionnel – il a depuis été remplacé.

Mais à vrai dire, dans sa “note blanche” non signée (concoctée avec un fiscaliste du cabinet Ernst & Young), Me Blanchetier avait surtout exploré les enjeux pour la feuille d’impôts de l’ancien président : Nicolas Sarkozy aurait-il obligation de déclarer au fisc ce cadeau de l’UMP ? Sous quelle forme ? Etc. À part ça, la prise en charge de l’amende avait paru naturelle, voire instinctive, dans les couloirs du parti alors présidé par Jean-François Copé (flanqué de l’ultrasarkozyste Éric Césari au poste de directeur général).

Un an plus tard, sceptique, la Commission veut connaître « l’analyse juridique (…) ayant conduit le parti à décider de payer ». Et savoir « quelle est la forme prise par cette décision ». En clair, qui est responsable de cette incongruité.

Arrivés cet été aux manettes de l’UMP, Alain Juppé et François Fillon avaient en tout cas pris conscience du risque pénal. Le coup était parti, l’amende payée, mais Me Philippe Blanchetier a été prié de produire une seconde note (dans laquelle il a balayé tout risque de poursuite pour abus de confiance), tandis qu’au moins un autre avocat, Me François Sureau, était sollicité pour une contre-expertise. Lui a jugé le risque « réel ».

Comme le parti s’apprêtait à déposer officiellement ses comptes à la Commission le 30 juin, une drôle de partie s’est illico jouée en coulisses. Du côté de François Fillon et d’Alain Juppé, on a insisté pour que les commissaires aux comptes de l’UMP, chargés de les certifier, jouent un minimum la transparence auprès de la Commission et mentionnent la persistance d’un débat juridique sur les fameux 364 000 euros – histoire de se border. Ils n’ont pas été entendus. Les deux commissaires aux comptes les ont déposés tels quels, avec une bombe à retardement dedans.

Bizarrement, les deux mêmes commissaires aux comptes ont adressé un signalement au parquet de Paris dès le lendemain pour pointer ces faits potentiellement délictueux, déclenchant l’ouverture d’une enquête judiciaire. Pourquoi pas plus tôt ?

•    Sur les coulisses du Sarkothon :

La Commission relève enfin une explosion des dons par carte bancaire en 2013, avec 6,6 millions d'euros collectés contre 1,9 millions en 2012. L'explication paraît simple : l'engouement suscité par le “Sarkothon” lancé en juillet 2013 par Jean-François Copé (pour compenser l'invalidation du compte de campagne de Nicolas Sarkozy dont les frais n’ont pas été remboursés). Mais la Commission semble avoir du mal à l'avaler. Et pour cause : « Le bulletin de souscription (au Sarkothon) n'indiquait qu'un seul mode de versement », par « chèque libellé à l'ordre de (l'UMP) », rappelle-t-elle.

Sans doute le parti a-t-il finalement accepté les CB. Mais la Commission veut y voir clair : « Il serait (...) nécessaire de préciser si l'augmentation (des dons par carte) constatée est ou non en relation avec (le Sarkothon) », demande-t-elle aux patrons de l'UMP, avec copie aux commissaires aux comptes.

Elle écrit surtout : « La Commission vous saurait gré de bien vouloir décrire les procédures de contrôle interne des versements par carte bancaire, notamment celles permettant de s'assurer que le titulaire de la carte est bien une personne physique », et non une entreprise, interdite de financement politique. En revanche, sur les espèces arrivées en pagaille par La Poste, la Commission ne pose aucune question. Il faut dire qu’elle n’a aucun moyen de contrôle.

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Etudiants : une politique publique en trompe-l’oeil

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Qu’ont vu les étudiants de la « priorité à la jeunesse » décrétée par François Hollande, qui s’était engagé à ce que les jeunes « vivent mieux en 2017 qu’en 2012 » ? Pour cette troisième rentrée universitaire depuis l’arrivée de Hollande à l’Élysée, la secrétaire d’État à l’enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, a tenu à montrer que son portefeuille était l’un des rares rescapés du plan d’économie drastique de 50 milliards d’euros – un objectif qui avait fait planer, avant l’été, de sérieux doutes sur la tenue des engagements en faveur des étudiants.

Dans un contexte où les universités tirent la langue pour boucler leur budget, le ministère a clairement choisi de donner la priorité au soutien financier direct aux étudiants : « Les deux tiers de l’augmentation de notre budget va à l’aide aux étudiants », a ainsi confirmé mercredi la secrétaire d’État. 458 millions d’euros en deux ans ont été engagés pour améliorer les dispositifs de bourses. « 77 000 nouveaux étudiants vont bénéficier d’une bourse cette rentrée. Ce qui porte depuis le début du quinquennat à 135 000 le nombre de nouveaux boursiers », s’est encore félicitée Geneviève Fioraso. L’essentiel de ces nouvelles aides concerne des bourses de 1 000 euros par an pour les étudiants des classes « moyennes à revenus modestes », qui jusque-là étaient uniquement exonérés de frais d’inscription. Les étudiants dans les situations sociales les plus précaires (échelon 7) ont vu, eux, leur bourse revalorisée sur l’année de 800 euros.

Depuis le début du quinquennat, l’année universitaire s’étant allongée, les étudiants touchent enfin le 10e mois de bourse, autrefois promis par Laurent Wauquiez mais jamais financé. Pour la secrétaire d’État, cette politique de bourses constitue donc un « effort sans précédent » qui s’accompagne aussi, en matière de logement, par la mise en place en cette rentrée d’un dispositif de caution locative pour les étudiants dépourvus de garants (Clé) qui vient s’ajouter – le poste le plus lourd du budget des étudiants – à l’engagement de créer 40 000 logements étudiants sur le quinquennat, lequel est pour l’instant en bonne voie. Un quart a déjà été livré, avec un rythme que n’avait jamais atteint le précédent plan Anciaux.

Najat Vallaud-Belkacem et Geneviève FiorasoNajat Vallaud-Belkacem et Geneviève Fioraso

Au sein de l’Unef, première organisation étudiante, on se félicite de ces « victoires syndicales » tout en appelant à poursuivre l’effort.  « Nous estimons que 150 000 étudiants ont effectivement vu leur situation s’améliorer grâce à cette politique de bourses. C’est important mais c’est quand même à rapporter au nombre total de boursiers – 600 000 – et surtout aux 2,4 millions d’étudiants », précise le président de l’Unef William Martinet, pour qui l’effort budgétaire doit « continuer à monter en charge jusqu’à la fin du quinquennat ».

L’engagement n° 39 du candidat Hollande de « créer une allocation d’études sous condition de ressources dans le cadre d’un parcours d’autonomie » paraît en tout cas bien loin. Du moins pour ceux qui avaient cru lire dans cet engagement la satisfaction d’une vieille revendication de l’Unef de créer une allocation d’autonomie, sorte de pré-salaire étudiant. La formule utilisée par le candidat était en fait suffisamment floue pour permettre au ministère de dire que la promesse est aujourd’hui tenue par la seule politique de revalorisation des bourses. « Nous n’avons aucun engagement pour la suite », reconnaît William Martinet. Rien n’indique en effet que l’effort financier pour revaloriser les bourses étudiantes se poursuive.

En 2014 comme en 2012, les étudiants français sont toujours en quête d’autonomie. Malgré ce coup de pouce aux bourses, l’écrasante majorité des étudiants dépend financièrement de la solidarité familiale pour poursuivre leurs études. Une solidarité qui devient, dans la crise sociale actuelle, de plus en plus difficile, surtout pour les étudiants d’origine modeste. Seuls 43 % des étudiants estiment avoir suffisamment d’argent pour couvrir leurs dépenses mensuelles, selon la dernière enquête de l’Observatoire de la vie étudiante, et 20 % des étudiants se plaignent que leur activité rémunérée empiète sur leur réussite.

Dans ce contexte, l’augmentation régulière du coût des études (due pour l’essentiel à l’augmentation des loyers mais aussi des frais d’inscription – validée par le gouvernement !) risque de fragiliser l’objectif affiché de démocratiser l’enseignement supérieur. Difficile de trouver sur ce point une cohérence des politiques publiques. Ainsi, l’annonce de la création de la caution locative étudiante – saluée par les organisations étudiantes – se fait au moment même où le gouvernement acte le détricotage de la loi Alur-Duflot sur l’encadrement des loyers (engagement n° 22 du candidat Hollande). « Nous déplorons d’autant plus cette reculade que les étudiants sont les premiers à en pâtir, car les prix qui augmentent le plus sont ceux des petites surfaces dans les villes en tension », affirme Julien Blanchet, de la Fage, seconde organisation étudiante. « Comme nous l’avons obtenu à Nantes Métropole, nous demandons l’encadrement des loyers de petites surfaces qui grèvent le budget des étudiants », poursuit-il. 

Derrière la revalorisation des bourses, la cure d’austérité générale n’a pas épargné les étudiants. Ainsi, le budget du Cnous (Centre national des œuvres universitaires et scolaires) a été amputé l’an dernier de 6,6 millions d’euros sur la mission restauration, provoquant la hausse du prix des repas. « L’offre de restauration universitaire saine et pas chère tend à diminuer et les acteurs privés du secteur rôdent pour récupérer le morceau », assure Julien Blanchet, déplorant un grave recul de cette politique d’aide indirecte aux étudiants. « À Saint-Étienne, depuis l’aménagement du site universitaire, avec le rapatriement des étudiants de santé on arrive à un campus avec 1 300 étudiants sans restauration universitaire. Il y a juste une cafétéria qui peut au maximum servir 300 étudiants », rapporte Julien Blanchet.

Les frais de santé ont également grimpé de 20 % ces trois dernières années pour les étudiants, en raison d'une hausse de la cotisation à la sécurité sociale étudiante et des complémentaires santé, de plus en plus chères.

Enfin, le sous-financement des universités depuis leur passage à l’autonomie pèse évidemment sur les conditions d’études. En cette rentrée encore, les étudiants vont découvrir « des labos de langues avec plus d’étudiants que de places, des cours de TD surchargés où les enseignants misent faute de mieux sur l’absentéisme. Et un peu partout, une réduction de l’offre de formation », précise Claudine Kahane, cosecrétaire générale du Snesup. Au moment où le nombre d’étudiants augmente, + 2,2 % dans l’ensemble des formations du supérieur et + 0,1 % à l’université cette année après des années de stagnation, accueillir les étudiants dans de telles conditions n'est pas forcément le meilleur signal envoyé à la jeunesse.

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«Emplois familiaux»: au Sénat, le mauvais exemple est venu d’en haut

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Et dire qu’il a vanté la « transparence » durant tout son mandat. D’après nos informations, le président sortant du Sénat, le socialiste Jean-Pierre Bel, a fait embaucher sa compagne par l’un de ses amis sénateurs en 2009 sur un poste d’assistante parlementaire rémunéré aux frais du Sénat. Ce contrat secret était jusqu’ici connu d’une poignée d’intimes et de fonctionnaires seulement.

Jean-Pierre Bel (PS) laisse son fauteuil de président du Sénat mercredi 1er octobreJean-Pierre Bel (PS) laisse son fauteuil de président du Sénat mercredi 1er octobre © Reuters


Ce n’est certes pas un scandale d’État. Sans doute pas une histoire à classer au rayon des « Affaires ». Mais parce que cet épisode en dit long sur les petits arrangements entre amis et les mœurs en cours derrière les dorures du palais du Luxembourg, on aurait tort de le considérer comme une anecdote.

À l’époque, en 2009, Jean-Pierre Bel préside le groupe socialiste du Sénat. Cet élu de l’Ariège est sur le point d’épouser une Cubaine, rencontrée au cours d’un voyage parlementaire sur l’île de Fidel Castro (comme il l’a lui-même rapporté dans la presse). À 24 ans, Iriadne Pla Godinez vient d’arriver en France, après avoir travaillé à l’hôtel Mercure de La Havane à l’organisation de circuits touristiques. « C’est une ancienne mannequin », souffle aussi Jean-Pierre Bel à certains de ses interlocuteurs.

Au 1er mars 2009, la jeune femme signe un CDD de collaboratrice parlementaire au service d’Alain Fauconnier, un sénateur socialiste de l’Aveyron proche de Jean-Pierre Bel. Le contrat, initialement prévu pour durer jusqu’en février 2010, est interrompu au 1er octobre 2009, quand la jeune femme intègre une formation à l’Institut supérieur du tourisme de Foix (une antenne de l’université de Toulouse implantée dans le département de son mari). Combien a-t-elle touché pour ce poste au palais du Luxembourg ? Interrogé par Mediapart, Jean-Pierre Bel fournit une feuille de salaire indiquant 957 euros brut par mois pour un mi-temps (731 euros net), soit un coût de 1 367 euros mensuels pour le Sénat (charges patronales comprises).

Quand on l’interroge aujourd’hui, Jean-Pierre Bel (qui ne s'est pas représenté aux sénatoriales dimanche 28 septembre) nie tout emploi fictif et tout arrangement. « Les choses sont très simples, affirme celui qui s’apprête à rendre son fauteuil de président ce mercredi 1er octobre. Alain Fauconnier m’a demandé si je connaissais un étudiant ou quelqu’un pour lui faire un travail de revue de presse, de recherches documentaires, etc. J’ai proposé celle qui était ma compagne. Elle a bien rendu service à Alain Fauconnier qui n’arrivait pas à trouver quelqu’un pour 700 euros par mois. » Aucun étudiant parisien, à l'entendre, ne voulait d’un petit boulot pareil...

Cinq ans plus tard, en tout cas, la jeune femme n’a visiblement pas laissé un grand souvenir à son employeur. Quand on l’appelle pour la première fois, Alain Fauconnier, surpris au volant de sa voiture, met un certain temps avant de "tilter".

– Mediapart : Je travaille sur les « emplois familiaux » au Sénat. Je voulais vous poser quelques questions sur Iriadne Pla Godinez.
– Alain Fauconnier : Quoi ?
– Sur votre ancienne assistante qui s’appelle Iriadne Pla Godinez…
– (Silence) Une ancienne assistante qui s’appelle Iriadne ? Mon assistante parlementaire, elle s’appelle Doris.
– Je vous parle d’avant 2011…
– Ah ok, je vois de quoi vous voulez parler.

L’élu assure alors que le contrat s’est fait « en toute transparence, en toute légalité ». « Ça n’a rien à voir avec un "emploi familial", ou un "emploi familial croisé" comme vous dites, puisqu’elle n’était pas encore mariée, s’agace Alain Fauconnier (battu aux sénatoriales de dimanche dernier). J’ai assisté à son mariage seulement un an après ! » Quelles tâches a-t-elle effectuées ? « Elle me faisait des dossiers de revues de presse, de la communication, ce genre de choses. Je la voyais deux jours par semaine quand j’étais à Paris. Il faut que le boulot soit fait, après je m’en fous. Moi je n’ai pas de pointeuse. »

Iriadne avait-elle les compétences requises, sachant que le Sénat exige « le baccalauréat ou quinze années d’expérience professionnelle » pour tous les assistants parlementaires ? Parlait-elle suffisamment le français ? « C’est quelqu’un qui est très diplômée, qui a un très bon niveau culturel, affirme Alain Fauconnier. Elle a un tas de diplômes. Elle parlait parfaitement le français, plusieurs langues d’ailleurs entre parenthèses. »

L’élu de l’Aveyron a le panégyrique facile. Si l’on en croit son dossier de candidature à l’Institut supérieur du tourisme fin 2009, Iriadne Pla Godinez peut certes faire état d’un « diplôme cubain de fin d’enseignement secondaire », mais pas d’un « tas de diplômes », ni français ni cubains. Lors de son embauche, elle pouvait par ailleurs faire valoir un « diplôme d’études en langue française » de niveau B1, obtenu à l’été 2008 (« L’utilisateur peut comprendre et poursuivre une discussion, donner son avis et son opinion. Il est capable de se débrouiller dans des situations imprévues de la vie quotidienne »). Mais pas beaucoup plus, comme le confirment certains témoins.

Le plus intrigant, au fond, c’est bien le secret qui a entouré cet emploi au Sénat. Pourquoi l’avoir caché s’il était parfaitement honorable ? Pourquoi Jean-Pierre Bel n’en a-t-il jamais fait état ? Ni Alain Fauconnier d’ailleurs, l’identité de ses autres assistants parlementaires étant pourtant publique ?

D’après nos informations, la jeune Cubaine, elle-même, n’en a fait aucune mention dans sa candidature à l’Institut supérieur du tourisme, alors même qu’il lui fallait, pour être acceptée, faire valoir ses expériences professionnelles passées. Ainsi, on n’en trouve pas trace dans son dossier (qui cite à la fois son emploi à l’hôtel Mercure de La Havane et un job d’assistante commerciale). Pas un mot non plus dans sa lettre de motivation. Pourquoi ne s’en est-elle pas prévalue ?

Quoi qu'il en soit, les dépenses engagées par le Sénat pour la rémunérer sont bien sûr restées modestes. Jean-Pierre Bel a beau jeu de balayer « tout amalgame » avec les cas de Bruno Le Maire ou de Jean-François Copé, qui ont secrètement rémunéré leur épouse à l’Assemblée pendant des années, à hauteur de plusieurs milliers d’euros par mois (comme Mediapart l’a révélé ici et ).  

Mais ce genre d’accommodements entre élus, de petits privilèges de coulisse, coûtent quand même cher à la démocratie. En termes d’image d’abord : qui peut comprendre qu’un sénateur de premier plan recase ainsi sa compagne ? Où est l’égalité des chances dans l’accès à ces emplois financés sur fonds publics ? C’est ensuite la qualité du travail parlementaire qui en pâtit, sur laquelle pèsent la sous-qualification et le sous-investissement de certains « emplois familiaux » – pas tous heureusement.

En la matière, les « lois post-Cahuzac » représentent un certain progrès, puisqu’elles ont obligé les parlementaires, pour la première fois en juillet dernier, à dévoiler l’identité de leurs collaborateurs (dans leurs déclarations d’intérêts). Cette transparence a rendu le phénomène des « emplois familiaux » enfin visible, avec une ampleur insoupçonnée. Ce dernier reste d’ailleurs difficile à cerner, nombre d’élus "dissimulant " leur épouse derrière un nom de jeune fille par exemple.

Grâce à des informations complémentaires, et à l’issue de recoupements fastidieux, Mediapart a ainsi dénombré 52 épouses, 28 fils et 32 filles de députés rémunérés sur fonds de l'Assemblée en 2014 (voir notre article). Dès 2011, nous avions aussi rapporté que 76 sénateurs rémunéraient un membre de leur famille – une statistique qui ne tenait pas compte du phénomène des « emplois croisés », bien répertorié dans la haute assemblée (l’élu X salarie la femme de Y).

Sollicité récemment par Mediapart, le déontologue de l’Assemblée a réagi en ces termes : « La proportion très importante d’"emplois familiaux” pose effectivement question, estime Ferdinand Mélin-Soucramanien. Quand on peut éviter ce type de situation, il vaut mieux l’éviter. » Pas sûr que ces recommandations suffisent à contrecarrer des décennies de mauvaises habitudes.

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A l'Assemblée, des députés frondeurs sont punis par le PS

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« Alors qu'on rabote les prestations sociales et à deux semaines du vote du budget, ce n'est quand même pas très fin. » Ce député PS reste sans voix. Comme cinq autres collègues de la commission des affaires sociales de l'Assemblée, il a reçu lundi après-midi un coup de fil d'un collaborateur du groupe PS de l'Assemblée nationale lui expliquant qu'il allait changer de commission. Mercredi 1er octobre est en effet le début de la session ordinaire à l'Assemblée.

À chaque rentrée, le casting des commissions (elles ont un rôle important à l'Assemblée, car c'est là que les lois qui arrivent dans l'hémicycle sont préparées) évolue toujours un peu, en fonction des desiderata des uns et des autres. Mais cette fois, Bruno Le Roux, le patron des députés socialistes a fait le ménage alors que le Parlement doit voter dans les prochaines semaines 21 milliards d'euros d'économie. Le vote de confiance du 16 septembre a montré (lire ici) qu'à l'Assemblée, Manuel Valls ne disposait plus que d'une majorité relative, alors que le PS détient théoriquement plus de la moitié des sièges à l'Assemblée. Pour les dirigeants du groupe PS, une éventuelle « extension du domaine de la fronde » dans les prochaines semaines (l'expression est de Bruno Le Roux) est donc un sujet de préoccupation majeur.

Bruno Le Roux, président du groupe PS à l'AssembléeBruno Le Roux, président du groupe PS à l'Assemblée © Reuters

Six députés de la commission des affaires sociales, qui ont en commun de ne pas avoir voté la confiance à Manuel Valls en s'abstenant, sont donc exfiltrés. Proche de Martine Aubry, Christian Paul, un des chefs de file des "frondeurs", spécialiste de la santé et de la sécurité sociale, est muté à l'éducation. Lieutenant de la maire de Lille, Jean-Marc Germain, spécialiste du social, est envoyé aux affaires étrangères (il avait lui-même demandé à quitter la commission, ne se sentant plus en phase avec les orientations du gouvernement). Gérard Sebaoun, médecin du travail de profession, devra aussi se familiariser avec les sujets internationaux. De même que Linda Gourjade.

Barbara Romagnan est exfiltrée au développement durable, alors qu'elle est actuellement rapporteure d'une commission d'enquête sur l'impact des 35 heures. Fanélie Carrey-Conte, spécialiste elle aussi des sujets sociaux, est envoyée à la défense, commission volontiers considérée comme un placard au vu des faibles prérogatives du Parlement en matière militaire. Romagnan, Sebaoun et Carrey-Conte appartiennent à l'aile gauche du PS.

Deux autres "abstentionnistes" se voient également punis. Philippe Noguès, très actif dans la commission du développement durable, est envoyé à la défense. « Je ne l'ai jamais demandé, dit-il. C'est une sanction minable qui va radicaliser mes positions. » Jean-Pierre Blazy quitte la commission des lois, lui aussi pour la défense.

« La méthode est détestable », commente Catherine Lemorton, présidente PS de la commission des affaires sociales, citée par Le Monde. « Je savais qu'il y aurait des changements, mais de là à le faire ainsi sans concertation ! »

Curieusement, d'autres "frondeurs" ne sont pas concernés. Par exemple Pouria Amirshahi, à l'aile gauche (lire notre reportage ici), qui reste à la commission des affaires étrangères – son attache naturelle, puisqu'il est élu des Français de l'étranger. Ou Laurent Baumel, qui prône la « rébellion parlementaire » et fait partie des plus virulents. Lui reste à la puissante commission des finances. « Le tir a été concentré sur les affaires sociales car il y a beaucoup de frondeurs en son sein. Cela avait posé des problèmes au gouvernement lors du vote du pacte de responsabilité », rappelle Baumel. Signe d'une contestation forte, Barbara Romagnan avait été élue rapporteure de la commission d'enquête sur les 35 heures contre la candidate officielle présentée par Le Roux.

Fin juin, le gel d'une partie des prestations sociales prévues dans le projet de loi rectificatif de la sécurité sociale n'était passé qu'à une voix près, comme Mediapart l'avait raconté. Or c'est au sein de cette commission que vont être discutées les 700 millions de coupes sur les prestations sociales annoncées lundi dans le cadre du budget 2015 de la Sécurité sociale.

« C'est dérisoire, commente Baumel. Ce n'est pas cela qui nous fera taire alors que l'évolution de la situation économique ne cesse de confirmer notre diagnostic. » Sans remettre en cause les 50 milliards d'économies prévues d'ici 2017, les socialistes contestataires plaident depuis des mois pour les allouer différemment, notamment en épargnant les collectivités locales et en relançant la consommation des ménages.

Inversement, des députés bien en vue à Matignon sont promus. Après avoir rompu avec l'aile gauche, Razzy Hammadi intègre la commission des finances. De même que Luc Belot, ancien soutien d'Ayrault devenu un vallsiste convaincu ces dernières semaines : il entre à la prestigieuse commission des lois, où il retrouvera dès mercredi les anciens ministres Aurélie Filippetti et Frédéric Cuvillier, qui ont démissionné du gouvernement lors du dernier remaniement. Ancien ministre "démissionné" par Manuel Valls fin août dans la foulée d'Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, qui réintègre également l'Assemblée ce mercredi, entre à la commission des affaires étrangères.

Dans un courrier envoyé mardi matin aux députés socialistes, que Mediapart s'est procuré, Bruno Le Roux assume ces mutations disciplinaires de façon laconique. « La nouvelle composition reflète tout à la fois l’ambition de réussir l’intégration des nouveaux arrivants et de satisfaire des demandes parfois anciennes de députés présents depuis 2012. (...) Le respect de nos règles collectives, enfin, a été un critère de choix. » Une mise en garde pour ceux qui seraient tentés par d'éventuelles dissidences.

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Patrick Balkany, ses dettes, son dada

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Le culot de Patrick Balkany est sans limites. En même temps qu’il fait face à une information judiciaire ouverte sur des soupçons de « blanchiment de fraude fiscale » et de « corruption passive », le député et maire de Levallois-Perret (UMP) tente encore, en toute discrétion et par tous les moyens, d’échapper au règlement d’une partie des pénalités financières qu’il s’est vu infliger dans les années 1990, après sa condamnation pour « prise illégale d’intérêts ». D’après nos informations, le conseil d’État doit ainsi se pencher, jeudi 2 octobre, sur un ultime recours de l’élu des Hauts-de-Seine – plus précisément sur « l’admission de son pourvoi en cassation ».

Patrick Balkany, maire et député UMP de Levallois-PerretPatrick Balkany, maire et député UMP de Levallois-Perret © Reuters

L’histoire remonte à 1996. Maire sortant tout juste battu aux municipales, Patrick Balkany est condamné au pénal à quinze mois de prison avec sursis et deux ans d’inéligibilité, pour avoir utilisé trois agents municipaux à ses domiciles privés pendant son mandat – l’un servait de jardinier, l’autre de gouvernante, le troisième d'homme à tout faire. En 1999, le parquet de la chambre régionale des comptes en tire toutes les conséquences financières : 45 734 euros d’amende (pour « gestion de fait ») et surtout 523 897 euros à rembourser à la ville de Levallois, soit l’équivalent des trois salaires.

Au fil des années et des recours intentés par Patrick Balkany (redevenu maire en 2011) pour éviter de payer, des intérêts viennent s’ajouter et finissent par représenter 232 000 euros supplémentaires en 2007.

Aujourd’hui, ce sont ces intérêts que Patrick Balkany n’a toujours pas réglés dans leur intégralité à la ville de Levallois – il a fini par s’acquitter du capital initial de sa dette en 2006. Ainsi, d’après des chiffres communiqués à Mediapart par Isabelle Balkany, le maire de Levallois est toujours redevable de 64 640 euros à sa propre municipalité !

Et il continue de batailler. Pour échapper au paiement de cette somme de 232 000 euros qu’il estime visiblement injustifiée, Patrick Balkany avait en effet lancé, en 2006, une demande de « remise gracieuse » auprès du ministre des finances – pour obtenir un rabais, voire l’effacement de tous les intérêts de sa dette. Pendant quatre ans, plusieurs ministres se sont repassé la patate chaude, jusqu’à ce que François Baroin, en juin 2011, rejette enfin la requête de l’ami de trente ans de Nicolas Sarkozy, alors président de la République. Mais pourquoi s’arrêter là ?

Tenace, Patrick Balkany a illico contesté ce refus ministériel devant la justice, criant à l’erreur d’appréciation. Le 31 mai 2012, le tribunal administratif a rejeté sa requête, l’élu a donc fait appel. Le 14 mars dernier, la cour administrative d’appel (devant laquelle Patrick Balkany a fait valoir « qu’il est dépourvu de toute valeur mobilière et immobilière »), a de nouveau donné tort au maire de Levallois. Qu’importe. Voilà Patrick Balkany devant le conseil d’État, juge administratif suprême du pays. Au passage, pour couvrir ses frais, il demande 4 000 euros à l'État.

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Parti radical: Rama Yade et Laurent Hénart devant la justice le 28 octobre

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Quatre mois après s’être affrontés devant les électeurs pour la présidence du Parti radical, Rama Yade et Laurent Hénart seront de nouveau face à face le 28 octobre, cette fois-ci devant les tribunaux. Candidate malheureuse à la succession de Jean-Louis Borloo, l’ancienne secrétaire d’État de Nicolas Sarkozy a déposé le 25 septembre dernier une “assignation à jour fixe” auprès du tribunal de grande instance de Paris, pour demander l’annulation de l’élection, en raison de fraudes sur le fichier d’adhésions. Des « irrégularités » que Mediapart avait détaillé quelques jours avant le scrutin du 22 juin, que le maire centriste de Nancy avait fini par remporter en engrangeant 61 % des voix (contre 39 % pour son adversaire).

Laurent Hénart et Rama Yade.Laurent Hénart et Rama Yade. © Youtube/JeSoutiensHenart et Reuters

Les deux candidats étaient très exactement à 1 021 voix d’écart (sur 4 556 votants). Or, selon l’assignation que Mediapart a pu consulter, 8 689 faits d’irrégularités ont été constatés dans les fichiers du parti valoisien par la conseillère régionale d'Île-de-France. Dates de naissances erronées (« 113 personnes âgées de 114 ans » et « 36 bébés de moins de deux ans »), utilisation d’adresses mail, de numéros de téléphone portable ou d’adresses postales identiques pour plusieurs adhésions, « apparition soudaine (…) de centaine d’adhérents », règlements en liquide, paiements collectifs effectués à partir d’une même carte bancaire ou d’un même ordinateur, pour des adhérents habitant des régions différentes… En tout, « 1 104 votes » sont concernés, insiste la requérante, « soit le quart du fichier des votants ! »

« Plus grave encore, plusieurs adhérents ont fait état d’usurpation de leur identité », précise encore l’assignation, qui s’appuie également sur le constat par huissier effectué le 18 juillet au siège du Parti radical, à la demande de Rama Yade, et auquel Mediapart a également eu accès. Depuis le commencement de l’affaire, l’entourage de Laurent Hénart argue de simples « erreurs de saisie ». « C'est beaucoup plus grave que cela, accuse l'ancienne secrétaire d'État. On ne parle pas de quelques erreurs sur des dates de naissance, mais bien d'adhésions suspectes, comme celles qui ont été faites par espèces, ce qui est interdit. »

Forte du constat d’huissier qui contient également des échanges de mails entre la directrice générale du Parti radical et la personne en charge des adhésions place de Valois, Rama Yade se dit certaine du caractère intentionnel des irrégularités. D'autant qu'« il y a eu des intimidations sur le personnel, poursuit la conseillère régionale d'Île-de-France. S’en prendre au plus bas de la hiérarchie pour en faire des boucs émissaires… C’est la preuve ultime qu’ils avaient des choses à se reprocher… » Le Parti radical – et a fortiori son nouveau président, Laurent Hénart – doivent déposer leurs conclusions avant le 21 octobre.

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Le dernier fiasco de l’ex-juge Bruguière: l’affaire des Moudjahidines du peuple

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Ce 17 juin 2003, le « coup de filet » est médiatisé avec force roulements de tambour. Pas moins de 1 300 policiers sont mobilisés pour arrêter – devant les caméras de télévision – quelque 158 « suspects » dans une affaire de terrorisme, et ce en raison de « soupçons d’attentats ». Bigre. Les « cibles » de cette opération policière ? Les Moudjahidines du peuple, des opposants iraniens installés depuis 1980 à Auvers-sur-Oise. Ils ont toujours été étroitement surveillés par les services français, avec qui ils échangent, semble-t-il, quelques informations, cela sans aucun incident notable. Qu’importe. À l'Assemblée, le ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, se félicite de cette grosse opération. La Direction de la surveillance du territoire (DST) a donc bien travaillé. Le parquet de Paris (alors dirigé par Yves Bot) est au garde-à-vous et le célèbre juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière est saisi du dossier. On allait voir ce qu’on allait voir.

  •  Voir les reportages diffusés, ce jour-là, au journal de 20 heures de France 2 (à partir de 3 min 10).

Onze années ont passé depuis cette opération à grand spectacle. Le dossier des Moudjahidines du peuple vient d’être refermé en silence par le juge d’instruction Marc Trévidic, le successeur de Jean-Louis Bruguière à l’antiterrorisme. Dans une ordonnance de 37 pages, signée le 16 septembre 2014, et dont Mediapart a pu prendre connaissance, le juge Trévidic accorde un non-lieu aux neuf dernières personnes qui étaient encore mises en examen dans ce dossier et qui, pour certaines, avaient effectué un court séjour en détention provisoire. Fin de l’affaire.

Les accusations d’« association de malfaiteurs », « usage de documents administratifs falsifiés », « subornation de témoin », « usurpation d’identité », « escroquerie en bande organisée », « blanchiment » et « recel » sont toutes abandonnées.

Dans son ordonnance, Marc Trévidic note que « l’information judiciaire a mis en lumière des mouvements financiers très importants et des circuits financiers relativement opaques ». Ainsi, des dons faits au Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) ont cheminé par « des circuits complexes », pour « déjouer la vigilance des services iraniens ». Et des fonds de l’association Iran Aide ont notamment transité par l’Allemagne.

Mais « dans ce dossier, l’accusation devait démontrer que l’argent n’avait pas été utilisé pour les projets humanitaires que les donateurs croyaient financer ». Or « l’impossibilité de mener les investigations sur les investissements réalisés effectivement en Iran ne permettait pas de faire la démonstration des éventuelles escroqueries en suivant l’argent et en prouvant qu’il avait servi à autre chose qu’initialement prévu. Cette démonstration n’a pas été suffisamment faite dans ce dossier, et il convient d’en tirer les conséquences juridiques », conclut le juge.

Au passage, une quarantaine d’ordinateurs et plusieurs véhicules qui étaient toujours, depuis onze ans, placés sous scellés, vont être restitués à leurs propriétaires. Définitivement mis hors de cause, ceux-ci vont maintenant pouvoir se retourner vers la justice pour réclamer une indemnisation du préjudice subi.

Le volet « terroriste » du dossier d’Auvers-sur-Oise avait déjà été soldé par une première vague de non-lieux, dans une ordonnance du même juge Trévidic en date du 11 mai 2011 (et dont Mediapart a également pris connaissance). « L’information judiciaire a confirmé les liens très étroits entre le CNRI, l’OMPI et l’ALNI, et le rôle primordial de l’état-major installé en France. En revanche, il n’a pas été démontré que cette activité importante depuis la France pouvait être mise en relation avec une entreprise terroriste », écrivait alors Marc Trévidic.

« D’une part, le dossier ne contient pas la preuve d’une action armée visant délibérément la population civile. Une telle démonstration validerait en effet la qualification terroriste en rendant inopérante toute référence à la résistance et à l’oppression, puisque la résistance à l’oppression implique a minima de viser l’oppresseur, à savoir le régime en place, et non pas l’oppressé, c’est à dire la population, argumentait le magistrat. D’autre part, si le juge ne peut pas se permettre de qualifier un régime en place de régime oppresseur, il ne peut pas non plus, en l‘absence d’éléments suffisants, décider qu’un mouvement d’opposition est un mouvement terroriste plutôt qu’un mouvement de résistance. »

L’épilogue de cette instruction-fleuve constitue un nouveau fiasco pour l’antiterrorisme à la française, longtemps incarné par Jean-Louis Bruguière, jusqu’à sa candidature malheureuse aux législatives de 2007, sous la bannière de l’UMP, face à Jérôme Cahuzac, puis un départ en retraite imposé par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

« On savait dès le départ que ce dossier était vide. À l’époque, la seule raison de ce coup de filet était de faire plaisir au régime iranien. La France négociait de gros contrats, notamment Total et Renault, et Dominique de Villepin venait de se rendre à Téhéran », rappelle Patrick Baudoin, l’un des avocats des opposants iraniens d’Auvers-sur-Oise. « Jean-Louis Bruguière s‘est prêté complètement à cette instrumentalisation de la justice par le pouvoir politique et pour des raisons politiques. Il a bien mérité le qualificatif de juge de la raison d’État », constate Me Baudoin.

Pour l’anecdote, cette instruction aura coûté une fortune aux contribuables, car les traductions des textes contenus dans les ordinateurs, confiées à des experts, se sont poursuivies pendant plusieurs années.

Depuis les attentats de 1986, qui ont donné naissance à la législation antiterroriste actuelle, renforcée en 2005, puis à nouveau en septembre 2014, policiers et magistrats français se targuent d’une efficacité qui serait reconnue et louée par leurs homologues étrangers. Ils assurent notamment que les arrestations préventives effectuées grâce à la notion pénale de participation à une entreprise terroriste ont évité de nombreux attentats. Ces méthodes font cependant fi de la présomption d’innocence, comme l’ont illustré plusieurs enquêtes. En outre, certains ratés, comme les affaires Mérah ou Nemmouche, ont montré que la surveillance de tous ne peut prévenir le passage à l’acte d'un seul.

Jean-Louis BruguièreJean-Louis Bruguière © Reuters

Pendant deux décennies, la star incontestée de la lutte contre le terrorisme, dans les médias, c'était lui. Un brin mégalomane, paraissant plus soucieux de soigner sa notoriété que ses dossiers, Jean-Louis Bruguière est surnommé « l'Amiral » ­par le petit monde judiciaire, depuis son abordage raté à Tripoli (Libye), en 1992, à bord d'un Aviso de la Marine nationale. Le juge français voulait à tout prix rencontrer le magistrat libyen Mohamed Murci pour lui remettre une commission rogatoire dans l’enquête sur l’attentat contre le DC-10 d’UTA (1989). Il avait été refoulé.

En 1994-95, Bruguière s‘était encore illustré en faisant rafler quelque 173 soi-disant « terroristes » ou complices du « réseau Chalabi », puis en laisser sommeiller son instruction. Son collègue Gilbert Thiel reprendra le dossier et le bouclera en délivrant 34 non-lieux. En janvier 1999, à l’issue du procès de masse organisé dans un gymnase de la pénitentiaire, un tiers des prévenus du « réseau Chalabi » bénéficie d’une relaxe (31 sur 138 sont entièrement relaxés et 20 autres condamnés pour des broutilles). La LDH et la FIDH comptabilisent alors dans ce dossier un total de 33 années de détention provisoire injustifiée. Un record.

L’ « amiral » Bruguière a également instruit de façon très controversée l’affaire des sept moines français assassinés à Tibérihine, préférant collaborer aveuglément avec les autorités algériennes plutôt que d’explorer toutes les pistes, et en premier lieu celle d’une bavure de l’armée algérienne. Jean-Louis Bruguière avait notamment laissé dormir dans son coffre-fort une pièce importante, sans la verser à la procédure.

C’est encore le juge Bruguière qui a défendu avec persévérance les intérêts de la raison d’État dans l’enquête sur l’assassinat du président du Rwanda, Juvénal Habyarimana, en avril 1994, qui avait déclenché le génocide rwandais (800 000 morts en cent jours).

Sans se rendre sur place, Bruguière s’est contenté d’une thèse qui arrangeait tout le monde, celle d’un attentat commis par le Front patriotique rwandais de Paul Kagamé. C’est encore le travail du juge Marc Trévidic qui permettra finalement de battre cette thèse en brèche.

Le juge Marc TrévidicLe juge Marc Trévidic © Reuters

Enfin, dans l’affaire de Karachi, Bruguière s’est encore illustré en soutenant obstinément la thèse d’un kamikaze terroriste, malgré son invraisemblance, et sans remettre en cause le rôle trouble des services pakistanais. L’ex-star de la galerie Saint-Éloi du palais de justice de Paris a même été visé par une plainte de familles des victimes de l’attentat pour « faux témoignage » et « entrave à la justice », après avoir, là encore, laissé de côté une pièce déterminante. Un manquement qui a également provoqué une autre plainte, contre l’État, pour « faute lourde ».

Ces fiascos successifs n’ont pas empêché l’ex-magistrat Bruguière d’être, en 2008, bombardé « Haut représentant de l’Union européenne auprès des États-Unis pour la lutte contre le financement du terrorisme dans le cadre du Terrorism Finance Tracking Programme/ SWIFT », et de donner depuis lors des conférences dans le monde entier.

En 2010, Jean-Louis Bruguière n'a pas hésité à voler au secours de Total. Voulant toujours persuader la justice que l'explosion de l'usine AZF est le résultat d'un acte terroriste, le groupe pétrolier avait fait appel à l'ex-juge du pôle antiterroriste de Paris. Dans un rapport de juin 2010, révélé par Mediapart, l'ancien magistrat entendait mettre en pièces le travail de la justice de Toulouse, qui avait conclu à un accident industriel. En vain.

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Budget: Pierre-Alain Muet (PS), entre colère et désarroi

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Pierre-Alain Muet est tout le contraire d’un ultra. Très jeune, en 1983, il approuve le virage économique de François Mitterrand. À partir de 1997, il conseille Lionel Jospin à Matignon. En 2007, Pierre-Alain Muet soutient Ségolène Royal, et en 2012, après avoir travaillé avec Martine Aubry pendant la primaire, il rejoint François Hollande devenu « le » candidat. Autant dire que Muet est d'abord légitimiste.

Or ce social-démocrate, qui ne rêve que d’unité du PS et de la gauche en général, est devenu un « frondeur » malgré lui. Après avoir signé l’appel des 100 en faveur d’un changement de politique économique, il n’a pas voté le pacte de responsabilité, et pas davantage le budget de la Sécurité sociale. Et quand on lui demande s’il a soudainement viré à gauche, il répond que c’est le gouvernement qui est allé à droite.

Son diagnostic est implacable : « François Hollande a dit au mois d’août qu’il y a un problème de demande dans toute l’Europe, et que c’est la conséquence des politiques d’austérité conduites depuis plusieurs années. Très bien ! Mais il termine en disant : “Mais nous continuerons notre politique de l’offre.” Il y a une divergence profonde entre le discours qu’il a tenu et la politique qui est conduite en France. »

Professeur d’économie, Pierre-Alain Muet bouillonne : « Ces derniers temps, j’ai trouvé insupportable le discours qui consiste à dire qu’on va sortir de la récession en accélérant la politique de l’offre ! On ne sort pas d’une récession avec une politique de l’offre ! Quand un urgentiste soigne un accidenté de la route, il commence par stopper les hémorragies, pas par réduire les fractures ! »

« Il faut savoir tenir tête au Medef, le rôle d’un gouvernement est de défendre l’intérêt général. Moi aussi j’aime l’entreprise, mais ce n’est pas la même chose d’accepter tous les discours du patronat », continue-t-il dans l’entretien. Et il conclut : « L’Europe va vers une catastrophe considérable, qui va rester dans l’histoire. Il ne s’agit pas de dire, tout penaud, qu’on n’a pas réduit les déficits, mais d’affirmer qu’on ne les réduira pas avec une Europe en récession. Il faut une année blanche de réduction des déficits. »

En somme, c'est tout le contraire du budget que le gouvernement présente ce mercredi. Et pourtant, Pierre-Alain Muet, qui traîne des pieds, et qui n’écarte pas de s’opposer à certaines mesures, a voté la confiance à Manuel Valls, pour affirmer qu’il « reste dans la majorité ». Est-il piégé ? Il répond « non » sans hésiter, mais tout au long de ce vingt-cinquième numéro d’Objections, il est moins catégorique...

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Sarkozy-Kadhafi : le tête-à-tête qui a tout changé

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Ce sont les premières mailles d’un écheveau. Le moment où tout a commencé. Les juges chargés d’enquêter sur le document libyen publié par Mediapart sur le financement occulte du candidat de la droite en 2007 ont recueilli plusieurs témoignages sur le premier voyage officiel de Nicolas Sarkozy en Libye, en octobre 2005. Ce voyage a donné lieu à un tête-à-tête avec Mouammar Kadhafi, au cours duquel le ministre français a demandé sans détour, selon le témoignage du marchand d'armes Ziad Takieddine, un soutien financier pour sa campagne électorale.

L’ancien ambassadeur de France en Libye, Jean-Luc Sibiude, et l’intermédiaire franco-libanais ont évoqué tous deux l’existence de cette rencontre sans témoin, en 2005. Selon l’intermédiaire, peu après ce tête-à-tête, le chef des services secrets intérieurs de Kadhafi, Abdallah Senoussi, lui a demandé d’évaluer le montant de l’aide à apporter à Nicolas Sarkozy, compte tenu de la demande formulée par ce dernier en direct à Kadhafi. Rentré à Paris, Ziad Takieddine a de son propre aveu rencontré Claude Guéant pour se faire préciser le montant d’un financement de campagne présidentielle.

Claude Guéant, Mouammar Kadhafi et Nicolas Sarkozy au temps de la lune de miel franco-libyenne.Claude Guéant, Mouammar Kadhafi et Nicolas Sarkozy au temps de la lune de miel franco-libyenne. © Reuters

Lors de l’enquête, les magistrats ont par ailleurs appris que Brice Hortefeux, le fidèle lieutenant du ministre, avait, trois mois après la visite de Nicolas Sarkozy, rencontré à Tripoli secrètement Abdallah Senoussi, acteur clé de la corruption franco-libyenne, sans en avoir informé les autorités diplomatiques françaises. Ce rendez-vous a eu lieu en compagnie de Ziad Takieddine, qui, après avoir contribué au financement occulte de la droite balladurienne, s’était converti en envoyé spécial des sarkozystes dans plusieurs pays arabes.

La visite officielle de Nicolas Sarkozy en Libye, le 6 octobre 2005, est restée un sujet d’interrogation pour plusieurs témoins. Venu officiellement discuter de lutte contre les flux migratoires, le ministre de l’intérieur n’est pas resté 24 heures sur place. Sa visite éclair avait été précédée par la venue de Claude Guéant, directeur de cabinet du ministre de l’intérieur, quatre jours plus tôt.

Une note préparatoire à ce déplacement rédigée par Takieddine avait de quoi alimenter tous les soupçons. Elle précisait que la visite du bras droit de Sarkozy (et futur n°2 de l’Élysée) était « inhabituelle » et devait « revêtir un caractère secret ». « Pour cette raison, il sera préférable que CG [Claude Guéant – ndlr] se déplace seul et que le déplacement s’effectue “sans fanfare” », écrivait alors l’intermédiaire. Le but ? Avoir « plus d’aise pour évoquer l’autre sujet important, de la manière la plus directe… » D’après des relevés de déplacements obtenus par la justice, Ziad Takieddine s’est rendu à Tripoli pour la première visite du ministre.

Entendu par les juges le 26 février 2014 sur ces premiers contacts Sarkozy-Kadhafi, l’ancien ambassadeur de France en Libye, Jean-Luc Sibiude, a relevé qu’après un premier entretien « élargi » — c’est-à-dire en présence de plusieurs diplomates —, Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi ont eu un long tête-à-tête, « peut-être le double de l’entretien élargi », a expliqué le diplomate. « Si j’ai indiqué que l’entretien privé a duré longtemps, c’est parce qu’à la fin de cet entretien, j’avais dit à l’interprète : “Ils ont dû en dire des choses.” Elle avait simplement répondu qu’elle était tenue au secret professionnel », a-t-il ajouté.

L’ancien ambassadeur a mentionné la venue de Claude Guéant quelques jours plus tôt — le samedi 1er octobre —, et sa réunion avec le ministre libyen de l’intérieur à cette occasion. « Je sais qu’il [Claude Guéant - ndlr] a eu d’autres contacts auxquels je n’ai pas participé ; ils ont dû avoir lieu à l’hôtel Corinthia où il résidait. (…) L’hôtel Corinthia est le seul hôtel de classe internationale à Tripoli, c’est d’ailleurs l’hôtel où a logé M. Sarkozy lors de sa visite comme ministre de l’intérieur en 2005, et en tant que président en juillet 2007. »

Un autre membre de l’ambassade, entendu le 30 juin par les gendarmes de la section de recherches de Paris, a confirmé le tête-à-tête Sarkozy-Kadhafi, lors de la visite d’octobre 2005. « Effectivement, cela me revient, il y a pu y avoir un moment sur la fin de l’entretien où l’on nous a demandé de sortir de la tente et où les deux personnages principaux ont pu se retrouver seuls ou avec d’autres personnes », a confié Jean-Guy Pérès, commissaire de police à la retraite, ancien attaché de sécurité intérieure à l’ambassade de France à Tripoli (2005-2008).

Le secret de cette première et mystérieuse conversation a été évoqué par Ziad Takieddine lors de son audition le 13 mars. Chef d’orchestre du rapprochement franco-libyen dès le printemps 2005, le marchand d’armes fut l’organisateur de tous les déplacements de l’équipe Sarkozy en Libye.

Devant les juges, l’intermédiaire a d’abord souligné que le 6 octobre 2005, Nicolas Sarkozy avait tenu à visiter les ruines de la maison de Kadhafi, détruite par des frappes aériennes américaines en 1986. Le ministre voulait donner « un signe fort au leader libyen » et « Kadhafi a beaucoup apprécié », a glissé Takieddine qui a signalé l’organisation d’un tête-à-tête entre les deux hommes lors de cette journée. « La visite s’est ensuite poursuivie au palais présidentiel où, en fin de rendez-vous, MM. Sarkozy et Kadhafi se sont entretenus en tête-à-tête sans interprète. »

« Le soir même, à l’hôtel, je suis revenu saluer M. Sarkozy avant son départ, j’étais accompagné de M. Senoussi. Nous sommes montés à la suite de M. Sarkozy et nous nous sommes installés dans le salon. M. Guéant était également présent. L’objet de cette discussion était notamment l’arrêt de la condamnation par contumace de M. Senoussi. M. Guéant s’était engagé à plusieurs reprises à ce sujet », a poursuivi Takieddine.

De nombreux documents rendus publics par Mediapart prouvent en effet que le cabinet Sarkozy s’était mis en quatre durant cette période pour qu’Abdallah Senoussi échappe à la sanction pénale que la justice française lui avait infligée, en le condamnant par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité en tant que principal instigateur de l’attentat contre le DC-10 d’UTA en 1989 — 170 personnes tuées dont 54 Français. Ainsi, un mois après la visite de Nicolas Sarkozy à Tripoli en 2005, l’avocat personnel et l’ami du ministre, Me Thierry Herzog, était désigné par Abdallah Senoussi pour défendre ses intérêts dans l’affaire du DC-10, comme l’ont montré plusieurs documents en possession de Mediapart. Une initiative qui sera suivie de nombreux conciliabules à Paris, comme nous l’avons déjà écrit.

Ziad Takieddine, poursuivant son récit devant les enquêteurs, a dévoilé pour la première fois le sujet des premiers échanges Sarkozy-Kadhafi lors de leur tête-à-tête d’octobre 2005 : « À l’issue de cette discussion, le soir au domicile de M. Senoussi, nous avons debriefé cette visite. À cette occasion, M. Senoussi m’a posé directement la question de savoir quel était le coût d’une campagne présidentielle en France. Je lui ai demandé pourquoi cette question (…) et il m’a répondu : “Ton ami a demandé une aide pour le financement de sa campagne au Leader” et M. Kadhafi voulait savoir combien cela pouvait lui coûter. »

Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi devant la maison bombarbée du second par les Américains.Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi devant la maison bombarbée du second par les Américains. © Reuters

L’intermédiaire explique avoir rencontré Claude Guéant dès son retour à Paris pour en parler, « toujours au même endroit, à savoir l’hôtel Sofitel à proximité du ministère de l’intérieur », précise-t-il. « Cet hôtel possède un petit salon avec un bar et nous nous voyions toujours à cet endroit (…) M. Guéant m’a répondu la chose suivante : “Peut-être il a pu demander une aide mais en tous les cas pas un financement de campagne” (…) Il m’a répondu que Sarkozy n’était pas encore candidat et j’ai insisté sur le coût et M. Guéant m’a affirmé 22 millions d’euros. Je suis donc retourné en Libye quelques jours plus tard et j’ai bien précisé à M. Senoussi le résultat de notre conversation (…) M. Senoussi m’a confirmé qu’il s’agissait d’une demande très claire de M. Sarkozy. »

Le plus fidèle lieutenant de Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux, alors ministre des collectivités territoriales, s’est rendu à son tour à Tripoli moins de trois mois plus tard. L’ancien ambassadeur Sibiude s’est dit « étonné » devant les juges par ce déplacement, qui a eu lieu précisément le 21 décembre 2005. D’après le diplomate, la visite de Brice Hortefeux en Libye « n’avait pas grand sens ». Du moins, officiellement.

« (Cette visite) m’a, pour ma part, étonné, car d’une part il semblait que la visite de M. Sarkozy se suffisait à elle-même et par ailleurs la visite de M. Hortefeux a débouché sur un accord entre les collectivités territoriales françaises et libyennes, ce qui n’avait pas grand sens dans le contexte libyen, ces entités n’existant pas en Libye. A posteriori, il m’a semblé que cet accord pouvait venir justifier un déplacement qui n’avait pas grand sens », a ainsi expliqué le diplomate.

Sans que les autorités diplomatiques françaises en soient informées, Brice Hortefeux rencontre alors secrètement Abdallah Senoussi en compagnie de Ziad Takieddine. À cette époque, Senoussi était toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt international émis par la France. Il est aujourd’hui détenu à Tripoli dans le plus grand secret. Les noms de Brice Hortefeux et d’Abdallah Senoussi apparaîtront dans le document révélé par Mediapart, daté de 2006, comme ayant tous les deux pris part aux négociations liées aux financements libyens de l’équipe Sarkozy en 2007.

Face aux juges, Brice Hortefeux, gêné aux entournures, a dû lui-même reconnaître sur procès-verbal cette entrevue qui ne figurait pas à l’agenda. « Monsieur Takieddine était sur place avant mon arrivée et il est resté après mon départ, j’ignore pour quelle durée. J’ignore les raisons de la présence à cette période de Ziad Takieddine en Libye, qu’elle s’explique sans doute par les liens qu’il avait avec les autorités libyennes de l’époque, comme il en avait avec les autorités saoudiennes ou libanaises », a expliqué le bras droit de Nicolas Sarkozy aux juges.

Lors de son déplacement, le ministre des collectivités territoriales s’est notamment entretenu avec les représentants de l’antenne libyenne de… l’UMP. Ce n’est que le soir, à l’issue d’un dîner officiel, que Brice Hortefeux a rencontré Abdallah Senoussi. « À l’issue du dîner, a expliqué l’ancien ministre, une voiture officielle libyenne m’a conduit dans un bâtiment où j’ai donc rencontré Monsieur Senoussi [….] Arrivé dans ce bâtiment étaient présents Monsieur Senoussi ainsi que Ziad Takieddine. La conversation a été indirecte puisque ni Monsieur Senoussi ni moi-même ne pratiquons couramment l’anglais. C’était donc une conversation indirecte dans le sens où Monsieur Senoussi s’exprimait en arabe et la traduction était faite tantôt par un interprète tantôt par Monsieur Takieddine. »

En ce qui concerne le contenu de la conversation, Brice Hortefeux est resté très elliptique. Il a évoqué une conservation qui « a duré 10 ou 15 minutes » sur le sujet de la maîtrise des flux migratoires, sur une durée globale d’entretien qui « a duré autour de 40 minutes ». Quid des 30 minutes restantes ? « Je précise que ni avec Monsieur Senoussi ni avec aucun de mes interlocuteurs libyens il n’y a eu de négociations commerciales pour lesquelles, au demeurant, je n’étais pas compétent dans mes attributions ministérielles. »

« Dans les relations entre le ministère de l’intérieur français et la Libye, il y avait essentiellement trois sujets, a précisé pour sa part l’ancien ambassadeur Sibiude. La maîtrise des flux migratoires, la lutte antiterroriste, et de façon non officielle, mais qui m’avait été indiqué par M. Guéant, la situation personnelle de M. Senoussi qui avait été condamné par contumace en France mais qui surtout faisait l’objet d’un mandat d’arrêt par Interpol. Et donc au cours des discussions non officielles, les Libyens demandaient à leurs interlocuteurs au ministère de l’intérieur français ce qu’ils pouvaient faire pour faire évoluer cette situation favorablement (…). Pour moi le fait que M. Hortefeux ait été reçu par M. Senoussi, ce que j’ignorais, n’est probablement pas sans rapport avec ces demandes des Libyens, il est probable d’après moi que ce sujet ait été abordé lors de cet entretien dont j’ignorais l’existence. »

Aujourd’hui détenu à Tripoli après avoir été livré à la Libye par la Mauritanie, où il s’était réfugié dans les mois qui ont suivi la chute du régime Kadhafi, Abdallah Senoussi est un témoin clé de l’affaire des financements libyens. Le 21 août 2011, lors d’une conférence de presse filmée, il avait déclaré au sujet de Nicolas Sarkozy : « Il a accepté de travailler avec les Libyens et nous l’avons aidé à devenir président de la France en finançant sa campagne. Plusieurs documents prouvent que nous l’avons financée. Sarkozy, quand il est venu en Libye, a aussi dit au Leader qu’il travaillerait dur pour [me] sortir du dossier DC-10 UTA. »

BOITE NOIREMediapart est à l’origine des révélations sur les soupçons d’un financement occulte libyen sous le règne de Mouammar Kadhafi à l’occasion de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy de 2007, lesquels soupçons sont aujourd’hui au centre des investigations judiciaires visant le premier cercle de l’ancien président de la République (lire notre dossier).

Après plusieurs mois d’une enquête commencée à l’été 2011 et ayant donné lieu à de nombreux articles sur les relations entre les proches entourages de Nicolas Sarkozy et de Mouammar Kadhafi, Mediapart a ainsi publié, le 28 avril 2012, un document officiel libyen évoquant ce soutien financier du régime de Tripoli au candidat Sarkozy au moment de l’élection présidentielle de 2007.

L’ancien chef de l’État français, qui n’a pas poursuivi une seule fois Mediapart en diffamation, a contourné le droit de la presse en nous attaquant pour « faux et usage de faux » au printemps 2012, tandis que nous ripostions en l’accusant de « dénonciation calomnieuse » (lire ici). L’enquête préliminaire menée par la police judiciaire ne lui ayant évidemment pas donné raison, Nicolas Sarkozy a déposé plainte avec constitution de partie civile à l’été 2013, procédure qui donne automatiquement lieu à l’ouverture d’une information judiciaire pour « faux et usage de faux ».

Mediapart, à travers son directeur de la publication Edwy Plenel et les deux auteurs de cette enquête, Fabrice Arfi et Karl Laske, a été placé fin 2013 sous le statut de témoin assisté dans ce dossier. Nous n’avons pas manqué de contester une procédure attentatoire au droit de la presse et de faire valoir le sérieux, la consistance et la bonne foi de notre enquête (lire ici et ).

De fait, nos révélations sont au cœur de l’information judiciaire ouverte un an plus tard, en avril 2013, pour « corruption » sur le fond des faits de cette affaire franco-libyenne qui inquiète grandement Nicolas Sarkozy et ses proches. L'instruction a été confiée aux juges Serge Tournaire et René Grouman.

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