De notre envoyé spécial à Hayange (Moselle). « Montrez-moi d’abord votre carte de presse. » L’employé municipal veut bien parler. Mais loin du centre-ville et il faut montrer patte blanche. À la mairie, « il y a des mouchards ». Le maire épie. Sur les forums en ligne, sur les réseaux sociaux, il traque ses ennemis, réels ou imaginaires.
En cinq mois, Hayange, ville de 16 000 habitants en Moselle conquise par le FN, une des onze municipalités gagnées en mars par le parti de Marine Le Pen, est devenu un camp retranché. D’un côté, les pro-Engelmann, anciens ou convertis, par conviction ou par intérêt. De l’autre, un bataillon de bric et de broc, frontistes en rupture de banc, militants de gauche et de droite, citoyens médusés, qui applaudissent ensemble au conseil municipal.
Le Front national rêve de montrer qu'il est prêt à gouverner. Mais à Hayange, le maire Engelmann (35 ans), conseiller politique « au dialogue social » de Marine Le Pen, accumule bourdes et mesures contestées, sur fond de gestion autocrate. Maintenant que des arrangements financiers douteux de sa campagne sont dévoilés au grand jour, il risque de un à trois ans d’inéligibilité.
Il y en a une que ces révélations libèrent : Marie Da Silva, l'ancienne premier adjointe, celle par qui le scandale est arrivé. « Je dors très bien depuis que j’ai tout dit », lance-t-elle. Elle a transmis récemment des documents à la Commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP), a déposé plainte le 2 septembre au TGI de Thionville contre Fabien Engelmann pour « abus de confiance, abus de bien social et harcèlement ».
Sur les affiches de campagne, Marie Da Silva était aux côtés de « Fabien ». Marie Da Silva, née Di Giovanni, est assistante de rédaction au Républicain lorrain. Elle a été encartée dix ans à la CGT, puis à Force ouvrière depuis son adhésion au Front national. C'était l'automne dernier. Marie Da Silva n’avait jamais fait de politique. Alain, le mari, est employé d’un sous-traitant d’ArcelorMittal en redressement judiciaire. Le couple habite une maison proprette juste derrière les « grands bureaux » de Florange, ce complexe industriel qui abrite les hauts-fourneaux, désormais à l’arrêt, que François Hollande s’était engagé à sauver. « Il y a eu Florange, et juste après Cahuzac. Je me suis dit : c’est bon, ils nous roulent sur la farine. J’ai contacté le FN. »
Pour Engelmann (passé par Lutte ouvrière et le NPA, c'est lui aussi un ancien de la CGT, qui l'a exclu), elle est une recrue de prix. Le « frontiste » est certes du cru – il est ouvrier municipal dans la mairie voisine de Nilvange, où travaille son père – mais il peine alors à constituer une liste qui fasse envie. Dans cette terre de tradition ouvrière ravagée par le chômage, Da Silva a le bon pedigree. Elle a été de toutes les associations. Commerçante à la fin des années 1980, elle a introduit les premiers « dessous sexy » sur le marché d’Hayange. Dans la vallée, elle est connue comme le loup blanc. Elle sera un recruteur efficace. « Sans moi, il n'aurait pas gagné », dit-elle. Le 30 mars, la liste Engelmann emporte la mairie avec 34,7 % des voix. Le maire PS, contesté, a été balayé au premier tour.
Sitôt élue, la première adjointe va déchanter. Et découvrir la réalité du personnage. Son Graal en main, le maire est devenu « autoritaire ». Engelmann affirmait à ses colistiers avoir posé des congés pour la campagne municipale ? Comme Mediapart l'a découvert, il était en arrêt maladie pendant plusieurs mois, alors que le FN s'en prend volontiers aux fraudeurs de la Sécurité sociale. Il vante la bonne gestion des deniers publics ? Le propriétaire de son ancienne permanence lui réclame 1 700 euros d’impayés. Elle s'aperçoit surtout que la campagne a été entachée d'irrégularités. Ses relations avec Engelmann deviennent exécrables. La crise dans les services municipaux s’amplifie.
Fin août, Marie Da Silva décide de révéler le linge sale du FN hayangeois. Par idéalisme (« je rêve d’un système anti-corruption »). Parce que la direction du parti, qu'elle a prévenue le 14 août, n'a pas réagi. Par ambition personnelle, ce qu’elle ne cache pas. Tant pis pour les éclats de verre. « Tu as livré Fabien aux chiens de la presse alors que cette affaire aurait pu être réglée en interne », l’accuse un frontiste. Elle dit au contraire croiser des habitants qui « lui disent merci les larmes aux yeux ».
Mercredi 3 septembre, dans l'atmosphère surchauffée du conseil municipal, Marie Da Silva s'est vu retirer son poste d'adjointe et ses délégations, au cours d'un vote douteux et sans isoloir, dont elle s’apprête à contester la régularité devant le tribunal administratif. Depuis sa nouvelle place, près d’une élue de gauche, elle a dénoncé une « chasse aux sorcières, une gestion des ressources humaines par la terreur et des arbitrages par le clientélisme ». Un opposant de droite a demandé la démission du maire. Marie Da Silva, sourire caméra professionnel, a tout redit devant les caméras. Son quart d'heure de gloire. Au premier étage de la mairie, les gros bras du FN et des opposants en sont presque venus aux mains.
L’« affaire » a éclaté le 23 août. Ce jour-là, le maire reçoit une équipe de Canal Plus. Il propose de faire l’entretien sur le perron de l’hôtel de ville. Dans le café en face, comme tous les samedis matin, Alain Da Silva sirote son petit noir. « J’ai pas réfléchi, j’ai foncé sur lui. » En survêtement, il lui réclame « son fric ». « Je veux mon fric. Tu as eu du fric en campagne que tu n'as pas déclaré. Je veux mon fric. » Il parle de « 3 000 euros ».
Diffusée sur Canal plus une semaine plus tard, la scène tourne sur les sites d’infos et réseaux sociaux. (Vidéo à partir de 14'50)
Pendant des mois, Marie Da Silva a pensé qu’une campagne électorale, c’était du cash qui se balade, des petits arrangements financiers. Un système digne des Pieds Nickelés, à mille lieues des règles strictes de la Commission nationale des comptes de campagne et du financement politique (CNCCFP) qui vérifie les comptes des candidats.
Elle a beaucoup fait les courses, des centaines d'euros, persuadée qu’on la rembourserait plus tard : du vin, de la viande, des timbres. Elle a fait établir des factures, certaines au nom du mandataire financier. Mais personne ne les lui a réclamées. Alors elle les a rangées dans un classeur. Fabien Engelmann ne nie pas ces dépenses courantes. Il affirme qu'elles n'avaient pas à être incluses dans le compte de campagne.
Marie Da Silva a surtout réglé l'imprimeur. C'était en mars, à la fin de la campagne. Comme Mediapart l’a révélé, le mandataire financier, Patrice Philippot, un responsable départemental du FN, n’a plus d’argent sur son compte. Il faut des tracts en urgence. Le 10 mars, un mandat en liquide de 1 000 euros au nom de Marie Da Silva est versé sur le compte d’un intermédiaire qui passe commande sur Internet.
Le 25 mars, entre les deux tours, Da Silva effectue un nouveau versement de 575 euros (lire notre enquête ici). « On a fait un tract que moi j’ai payé d’abord toute seule, dit-elle le 21 août au maire lors d'un échange téléphonique de vingt-cinq minutes que Mediapart a consulté. Et on a fait un deuxième tract plus petit (…) la semaine suivante qu’on a été à trois à payer, toi, moi et Damien. » Le fameux « Damien » est Damien Bourgois, un ancien du DPS, le service de sécurité du FN, désormais premier adjoint. Il nie avoir « donné de l'argent ce jour-là ».
Comme Mediapart l'a déjà raconté, les frais d'imprimeur seront remboursés à Marie Da Silva un mois et demi plus tard, grâce à un versement … sur le compte de sa belle-fille. Ce genre de « paiements directs » de la part des colistiers ou du candidat est pourtant interdit par la CNCCFP. C’est même un motif de rejet automatique des comptes de campagne. Patrice Philippot, le mandataire financier, un des responsables départementaux du FN, dit avoir tout ignoré. « C’est obligatoire de passer par le mandataire. Je ne savais pas qu’ils avaient fait ça. Si je l’avais su, j’aurais interdit au candidat de faire avancer de l’argent. » S’estime-t-il floué par son candidat ? « Je vous demande d’arrêter de me parler », dit-il, agacé, avant de raccrocher.
Marie Da Silva ne fait pas que payer : elle donne, aussi. Pendant une campagne électorale, les dons des personnes physiques sont possibles dans la limite de 4 600 euros. Mais chacun doit être déclaré, versé sur le compte du mandataire, faire l’objet de reçus délivrés par les préfectures. En novembre 2013, elle signe un chèque de 1 000 euros, au nom de Fabien Engelmann. Elle en a gardé la copie et la trace sur son compte. Quand Marie Da Silva le lui rappelle, le 21 août, il dit n'avoir « aucun souvenir ». Sollicité par Mediapart la semaine dernière, Fabien Engelmann avait expliqué que Marie Da Silva lui avait « acheté (s)on ancien Scenic » . En fait, comme le prouve le certificat d’immatriculation que Mediapart a pu consulter, le Scenic a été vendu le 16 août dernier à un garagiste de Thionville. « La cession est bien au nom de M. Engelmann, confirme le garagiste. Je l’ai acheté 250 euros. C’était une épave. »
Marie Da Silva est-elle la seule à avoir donné de l’argent ? Le 21 août, dans cette même conversation avec le maire, Marie Da Silva lui rappelle qu'un autre adjoint, Jordan Francioni, lui a aussi « prêté » 500 euros. « Je ne réponds pas à Mediapart », a opposé Francioni par SMS à nos sollicitations, sans démentir.
« Beaucoup d’argent a circulé pendant cette campagne », affirme un autre adjoint FN sous couvert d’anonymat. Engelmann multiplie alors les appels aux dons. « Il en parlait assez souvent, disait qu’il fallait aider », raconte Patrice Hainy, l’adjoint aux sports, qui a pris fait et cause pour Marie Da Silva. Officiellement, c’est pour « trinquer ». Dans la permanence d'Engelmann, il y a toujours une tirelire en forme de cochon. Les militants donnent aussi des enveloppes, comme cette militante qui avoue avoir donné 100 euros « mais veu[t] que ça reste ignoré ».
Les soirées militantes sont une autre occasion de collecter des dons. « En mars, avant le premier tour, lors de deux réunions thématiques, on a récolté pas mal de dons, raconte Marie Da Silva. Les participants donnaient à moi ou à Fabien, ou alors mettaient directement dans le cochon. Il y avait beaucoup de billets qui circulaient, des 10, 20 euros. Je ne sais pas combien d’argent a été récolté à chaque fois. » Cet argent, Marie Da Silva dit l'avoir remis à Fabien Engelmann. Le soupçonne-t-elle d'en avoir gardé une partie pour lui ? « Je suis en droit de me poser la question », lance-t-elle. Sollicité sur ces dons, Fabien Engelmann n'a pas répondu.
En tout cas, aucun de ses dons n'a fait l'objet du moindre reçu. Ils ne figurent pas dans les comptes de la campagne. Ce que confirme Patrice Philippot, le mandataire financier. « On avait précisé entre nous deux (Fabien Engelmann et lui, ndlr) qu’on ne prenait aucun don pour ne pas faire de papiers (sic) », explique-t-il. Dans un document interne datant de mars 2014, rédigé par le M. élections du FN, Jean-François Jalkh, le « recueil de dons sans passer par le mandataire financier » fait partie des « péchés mortels » à éviter absolument.
Depuis le 14 août, la direction du FN est informée des bizarreries de la campagne électorale de Fabien Engelmann. Ce jour-là, Marie Da Silva, son mari et deux adjoints se rendent à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais). La ville où Marine Le Pen s’était présentée aux législatives en 2012, face à Jean-Luc Mélenchon, a été remportée en mars dernier par Steeve Briois, le secrétaire général du parti, membre de la garde rapprochée de la présidente du FN.
Des photos les montrent, tout fiers, dans la mairie d’Hénin, symbole des conquêtes municipales du FN. L’après-midi, ils sont reçus par Briois et Bruno Bilde, un de ses adjoints. L’entretien dure trois heures, dans le bureau du maire. Briois demande des documents avant la fin du mois, en prévision du bureau national de rentrée, puis leur fait visiter la ville. Une semaine plus tard, le 22 août, Briois et Bilde reçoivent un dossier par courrier électronique. Des factures, des chèques, un des deux mandats-comptes prouvant les versements en liquide pour régler l’imprimeur. Marie Da Silva réclame un « retour rapide » : le 12 août, elle a été désavouée lors d'une réunion des adjoints conduite par Engelmann. Le 25, celui-ci lui a retiré ses délégations.
Le 27 août, Marie Da Silva adresse un ultimatum à plusieurs dirigeants du Front national. Marine Le Pen est informée. Elle lui fait passer le message : ne prendre aucune décision avant le bureau politique du 1er septembre, elle reviendra rapidement vers elle. Elle n'en fera rien. « C'est une affaire de Clochemerle, tranche-t-elle le 2 septembre sur France Info. Le maire conteste formellement cette situation, j'ai tendance à croire le maire. »
Depuis, des cadres du parti, dont le trésorier et avocat du FN, ont pris leurs distances avec Engelmann. De hauts responsables ne cachent plus leur embarras. Mais Marine Le Pen fait le dos rond. Ce week-end, dans Le Monde, la présidente du FN a évoqué des « éléments minimes », ajoutant que « les premiers pas des villes FN sont remarquables ».
Au-delà des irrégularités de sa campagne, les cinq premiers mois de Fabien Engelmann à la mairie ne peuvent pourtant qu'interroger sur la capacité réelle du parti à gérer des collectivités.
« En cinq mois, la commune a changé », a assuré Engelmann au conseil municipal du 3 septembre, citant la sécurité et la propreté. En réalité, le bilan est maigre. Un arrêté anti-mendicité a éloigné la poignée de personnes qui traînaient de temps en temps dans la ville. Pour le reste… Engelmann avait promis de baisser ses indemnités de maire ? Il a réduit celles de ses adjoints, pas la sienne. L’audit financier, sans cesse retardé, vient juste d’être lancé. Le FN vient de faire voter la hausse des loyers des logements vacants appartenant à la ville, une augmentation des tarifs de location pour les salles municipales, une baisse de l'aide de la mairie aux transports scolaires. « Pendant la campagne, vous avez montré la vitrine du FN, on commence à apercevoir l’arrière-boutique, lui a rétorqué l’ancien maire socialiste, Philippe David, à la table du conseil municipal. Hayange est isolée, vitrifiée. Vous n’avez aucun projet structurant, sinon des broutilles ou des coloriages. »
En réalité, Engelmann met beaucoup d'énergie à faire parler de lui. Il s'est entêté à repeindre en bleu un œuf ornant une fontaine en granit de l'artiste Alain Mila, en face de la mairie. Ses services l'en avaient dissuadé, certains adjoints aussi. En vain. Coup de projecteur médiatique garanti. Mais une œuvre d'art ne peut être modifiée sans l'accord de l'artiste. Au cœur de l'été, Aurélie Filippetti, alors ministre de la culture et élue de Moselle, a déploré une « violation manifeste du droit moral et des règles élémentaires du code de la propriété intellectuelle et de la protection du patrimoine ». Ces derniers jours, le maire a ordonné aux services techniques de gratter la peinture. Mais ils n'y sont pas parvenus. L'œuf va devoir être descellé, transporté par une société privée dans un atelier municipal, puis déplacé. Il faudra ensuite refaire la fontaine. La note risque d'atteindre des milliers d'euros.
Engelmann a enlevé le drapeau européen à la mairie, rajouté des drapeaux français. Il a aussi fait repeindre en bleu-blanc-rouge des wagons de mines qui servent de bacs à fleurs. Une « tentative de réinterprétation de l'Histoire », alors que « des immigrés de seize nationalités différentes se sont retrouvés au fond des mines de la région », selon l'association «Hayange plus belle ma ville ». Il devrait bientôt en faire repeindre un autre. Militant de la condition animale, Fabien Engelmann construit un chenil dans les ateliers municipaux. Et va baptiser une rue au nom de Brigitte-Bardot.
Pour le reste, le maire déploie la panoplie habituelle de l'extrême droite quand elle gère une ville. « Ils sont à l’extrême droite de l’extrême droite », dit un adjoint FN. La commune met depuis toujours des salles à disposition des syndicats. Ils devront bientôt payer un loyer. Le Palace, le cinéma municipal, n'ouvre plus que très rarement. Le maire souhaite le vendre, selon l’adjointe à la culture, Emmanuelle Springmann, qui n'a plus voix au chapitre. Le partenariat avec le festival du film arabe de la ville voisine de Fameck ne sera pas reconduit. « C’est une erreur. On est là pour tout le monde », déplore Springmann. Une association de danse orientale qui souhaitait emprunter un local s'est vu retoquer son dossier. « On m’a répondu que si on commence comme ça, il y aura bientôt des femmes voilées », raconte Patrice Hainy, l’adjoint aux sports. Discrètement, le maire tente de persuader les vendeurs maghrébins du marché d'aller vendre un peu plus loin. Il n'y aura pas non plus de parking à côté de la mosquée, comme Marie Da Silva l'avait promis à l'imam pendant la campagne. Dimanche 14 septembre, le maire organise la première « Fête du cochon ». Un hommage à la tradition « lorraine », où il est assuré que les musulmans d'Hayange ne se rendront pas.
La mairie est comme un bateau sans cap. Il n'y a pas de DRH, pas de directeur des services financiers. Quant à la directrice générale des services, elle a décidé de partir fin août, à la fin de sa période d'essai de trois mois. Élisabeth Calou-Lalesart est pourtant idéologiquement en phase avec le maire.
Candidate du « Rassemblement Bleu Marine » aux municipales à Saint-Cyr-sur-Mer (Var), cette chef d'entreprise était arrivée à Hayange par l'intermédiaire de la sphère anti-islam qui gravite autour du FN. Comme Engelmann, c'est une proche de Riposte laïque, qui a édité son livre, intitulé Pas de voile pour Marianne. Elle côtoie les fondateurs de Riposte laïque Christine Tasin et Pierre Cassen, ou le groupe « Génération Patriotes », animé par Stéphane Lorménil, l'ancien suppléant de Fabien Engelmann aux législatives de 2012.
Pourtant, la collaboration a tourné court. À la mairie, Engelmann décide seul, avec quelques adjoints et colistiers qui bénéficient de ses faveurs (un logement social, des bons du CCAS…). « Le maire est un gourou, avec sa petite cour autour qui applaudit. Engelmann, c'est Louis XIV », dit un adjoint FN. Alors qu'il héberge Élisabeth Calou, le maire augmente son salaire pour qu'elle lui reverse un loyer en liquide. Devant son refus, il baisse à nouveau son salaire, comme elle l'a rapporté à Libération.
Ce lundi 8 septembre, le syndicaliste CGT qui a accompagné Calou à son dernier entretien a même été convoqué par le maire qui lui reproche un « abandon de poste ». Avant de regagner le sud de la France, Calou a décrit à des proches une atmosphère de « peur », des salariés en souffrance, une ambiance « digne d'un film d'Al Capone ». Sollicitée, Élisabeth Calou a refusé de nous répondre : « Je ne souhaite plus m'en mêler, je veux tourner la page. » Elle vient d'être embauchée au Luc (Var), autre ville gagnée par le FN en mars.
Dans les services, l'atmosphère est lourde. Une dizaine de personnes sont parties. L'ancien DGS et son adjointe bien sûr, comme c'est souvent le cas quand une mairie bascule. L'ancienne directrice du Centre communal d'action sociale, qui ne voulait pas travailler avec le FN. Mais aussi des fonctionnaires de catégories B ou C, dans d'autres collectivités ou en disponibilité. « Le personnel de la mairie a peur », déplore l'adjoint aux sports, Patrice Hainy. Le dernier tract de la CGT déplore « fuite des compétences, désorganisation, démantèlement des services, sanctions abusives ». « La gestion d'Engelmann, c'est de la folie pure. Il intimide. Il soupçonne, il espionne, il sanctionne », dit Hugues Miller, secrétaire général des territoriaux CGT d'Hayange. Le maire veut supprimer 25 % des effectifs de la mairie. Mais d'après Miller, « il augmente dans le même temps des contrats aidés pour remplacer des contractuels en attente de titularisation ». Et embauche qui il veut.
Dans les couloirs de la mairie, l'ambiance est déplorable. « Un venin », dit la femme d'un employé « à bout ». « Tout le monde surveille tout le monde », dit ce fonctionnaire. « J'aimerais qu'il y ait de nouvelles élections, rêve tout haut un adjoint Front national. Comme ça je pourrais me barrer. C’est la première fois que je m’engage en politique, on ne m’y reprendra pas. Le FN, ils sont mouillés maintenant. Ils ne sont plus près d’avoir ma voix. »
BOITE NOIREContacté lundi à 15 heures, sur son répondeur et par SMS, Fabien Engelmann n'a pas donné suite à nos demandes de précision. Je lui ai également adressé à 16h15 par mail la liste des questions précises que je comptais lui poser. Sans plus de réponse de sa part.
Ces dernières années, je me suis rendu à plusieurs reprises à Hayange (par exemple là ou là). Cette fois, je m'y suis installé trois jours, de mercredi à vendredi dernier, pour raconter un premier bilan de la gestion de Fabien Engelmann. De peur des représailles, plusieurs personnes ont souhaité témoigner sous couvert d'anonymat.
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