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Michel Vinaver transcende l’affaire Bettencourt

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Michel Vinaver n’avait pas dit son dernier mot. On aurait pu croire achevée l’œuvre de ce récitant majeur de notre temps. À 87 ans passés, le dramaturge laissait huit tomes d’un Théâtre complet (Actes Sud et L’Arche, 2002-2005) qui, sous la banale humanité qu’il semble apparemment raconter, celle de l’ordinaire ou du quotidien, fait vivre l’Histoire, la grande, qui souterrainement la traverse. Un théâtre complet qui, avec Les Coréens, pièce de 1955, s’ouvrait sur la guerre froide menaçant de dégénérer en troisième guerre mondiale et qui, avec 11 septembre 2001, œuvre écrite sous le choc de l’événement dont l’ombre portée s’étend encore sur le présent du monde, se terminait par la toujours inachevée « guerre contre le terrorisme » qui est venue la remplacer dans l’imaginaire impérial du nouveau siècle.

Désormais il faudra y ajouter ce Bettencourt Boulevard qui paraît cette semaine à L’Arche et qui fut discrètement expérimenté lors d’un stage de comédiens, ce printemps, à la Maison Jacques Copeau (lire ici un écho dans la presse locale). Cette pièce réjouissante qui transcende l’affaire dont la révélation, à l’été 2010, fut le tournant de la présidence Sarkozy, le début de sa chute en somme, résonne comme une postface à l’ensemble de l’œuvre.

Une histoire de France, donc, en écho à ce qu’avait tôt compris Antoine Vitez, présentant en 1989, au Théâtre de l’Odéon à Paris, L’Émission de télévision, autre pièce de Vinaver qui anticipait l’âge de la téléréalité. « Vinaver, écrivait-il, nous embrouille avec la vie quotidienne. On a dit, pour qualifier son œuvre, cette expression vulgaire : le théâtre du quotidien, un théâtre du quotidien. Mais non : il nous trompe ; ce n’est pas du quotidien qu’il s’agit, c’est la grande Histoire ; seulement, il sait en extraire l’essence en regardant les gens vivre. »

En soixante ans de création, rien de ce qui fut et de ce qui est encore au cœur de notre histoire immédiate n’a été oublié ou épargné par Vinaver : la crise démocratique, la guerre d’Algérie, Mai 68, le chômage, l’usine, la télévision, l’atelier, les bureaux, la grève, la compétition, le capital, la concurrence, le travail, le voisinage, le crime, les catastrophes, le terrorisme, la guerre, le fait divers… Feu d’artifice final, Bettencourt Boulevard enfonce le clou en fouaillant notre actualité la plus récente et, aussi, la plus désespérante : les affaires, cet envers du monde où s’entremêlent politique et argent dans l’obsession du pouvoir. Les affaires, et l’obscénité qui, soudain, s’y donne à voir. Obscène, étymologiquement : ce qui est hors la scène, caché aux regards.

« Pièce en trente morceaux », selon les mots de son auteur, Bettencourt Boulevard s’ouvre, dans la première de ces trente scènes, sur la confrontation de deux voix venues d’outre-tombe, celles de deux des arrière-grands-pères, maternel et paternel, des petits-fils de Liliane Bettencourt, Jean-Victor et Nicolas Meyers. Voix d’Eugène Schueller, le père de Liliane, chimiste fondateur de L’Oréal, financier de l’extrême droite avant-guerre, rêvant d’une nouvelle Europe débarrassée du judaïsme, du bolchévisme et de la franc-maçonnerie. Voix du rabbin Robert Meyers, grand-père de l’époux de sa fille unique, Françoise, arrêté sous Vichy avec sa femme Suzanne, tous deux déportés dans le convoi du 12 février 1943 et gazés à Auschwitz.

D’emblée, en faisant surgir cette longue durée tragique qui surplombe tous ses autres personnages qui sont « ceux et celles qui ont fait la une des journaux », Michel Vinaver nous prévient que l’histoire dont il sera question ici, bien que tissée des faits immédiats de l’actualité, dépasse l’affaire médiatique et judiciaire qui est sa matière première.

C’est de la France qu’il s’agit, en sa part d’ombre telle que la mit soudain en lumière la masse de petits faits vrais dont est tissée l’affaire Bettencourt, ces vérités invraisemblables où la réalité semble dépasser la fiction. Une histoire de France donc, ou plutôt une contre-histoire de France avec ses mémoires meurtries, ses gloires égarées, ses richesses dilapidées, ses oligarchies avides, ses politiques sans scrupules… Sans compter son peuple inquiet dont l’alarme chemine par le détour d’une domesticité révoltée.

Puis arrive, après le duo de ces deux spectres opposés, le chimiste et le rabbin, la kyrielle des autres personnages. Ils sont tous réels, à l’exception d’un chroniqueur anonyme, ce récitant qui pourrait être aussi bien un journaliste de Mediapart, et d’un neuropsychiatre générique, dont le rôle souligne l’enjeu judiciaire de l’expertise médicale pour caractériser l’abus de faiblesse à l’encontre de Liliane Bettencourt. Défilent donc, outre cette dernière, son défunt mari, André, leur fille Françoise Bettencourt Meyers, son rival auprès de sa mère, le photographe François-Marie Banier, et le personnel de maison qui les entoure, femmes de chambre, comptable et majordome par lesquels le scandale éclatera, via les enregistrements clandestins de ce dernier.

Mais Lyndsay Owen-Jones, le PDG de L’Oréal à l’époque, est aussi présent, tout comme le gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, le ministre du budget Éric Woerth et son épouse Florence, ou, enfin, Nicolas Sarkozy, alors président de la République. La pièce étant, comme toujours chez Vinaver, tissée du matériau public qu’offre l’actualité, ils jouent tous leur propre rôle. En même temps, dans ce « copier-coller » qui est sa manière – travail de fragments, collage de morceaux, assemblage de phrases, éclatement de voix… –, Vinaver les laisse vivre sans chercher à démontrer ou à accuser. Il n’est pas juge, seulement récitant. Et c’est ainsi que, par la magie du récit, la réalité est sublimée en mythe, quêtant l’éternité tragique sous la surface de l’actualité.

Osera-t-on, dans notre basse époque, censurer mythe et tragédie ? Vinaver ne s’étant privé d’aucune des informations publiques à sa disposition, il ne manquerait plus que certains de ses personnages s’acharnent à donner corps à l’obscénité en cherchant à bouter hors de la scène la réalité qui dérange. On doute qu’ils s’y risquent, malgré ces magistrats qui, tels des Tartufe judiciaires, ont, en 2013, contraint Mediapart à censurer les enregistrements du majordome, sans lesquels l’affaire n’aurait jamais éclaté et les délits qui la constituent n’auraient jamais été révélés. En tout cas, Vinaver et son éditeur se sont prémunis contre cette mésaventure, avec cette arme préventive qui ruine le ridicule : l’ironie.

« Cette pièce, est-il ainsi écrit en prologue, dont le sujet est tiré de l’actualité la plus brûlante rassemble, chemin faisant, les éternels composants des légendes et des mythes. Les auteurs de la Grèce ancienne faisaient parfois intervenir, pour clore leurs pièces, un dieu ou une déesse. Dans le cas de l’affaire dite Bettencourt, l’issue, incertaine, est dans les mains de l’appareil de justice auquel s’adjoignent les ressources de l’expertise médicale. Ce qui intéresse Michel Vinaver est son présent mais aussi son passé, ses racines dans l’histoire de France des cent dernières années et ses prolongements où l’intime, le politique et l’économique se mêlent indissolublement. Le comique sans cesse affleure, mais tout autant le tragique, dans la chaîne de cette saga toujours passionnante : ceux et celles qui ont fait la une des journaux, que nous avons entendus à la radio ou vus à la télévision, défilent sur scène – un peu comme à l’époque de Shakespeare, quand celui-ci constatait : le monde est une scène dont nous sommes les acteurs et les spectateurs. De quel côté nous trouvons-nous ? »

Chez Vinaver, la politique a toujours été une question. Au lecteur, au spectateur de trouver les réponses. Bettencourt Boulevard n’y fait pas exception qui se termine sur cette interpellation lancée au public par le chœur de toute la troupe : « Qu’est-ce que le théâtre vient faire dans cette histoire ? Telle est la question. » « Écrire, confiait le dramaturge au début des années 1970 dans un Auto-interrogatoirec’est pour moi chercher à y voir un peu plus clair. C’est “interroger” la réalité, notamment celle dite politique. Faire cela est, me direz-vous, un acte politique. Oui, tout à fait. Alors… » Rien de plus politique, au sens principiel et moral du terme, que ce théâtre qui interroge et questionne, déplace et bouscule, plutôt que d’énoncer doctement des principes et de faire sentencieusement la morale.

Michel Vinaver © DRMichel Vinaver © DR

C’est en ce sens que Michel Vinaver est un « raconteur » comme l’entendait Walter Benjamin. Dans un texte de 1936 (à découvrir ici, chez Circé), ce dernier s’arrêtait sur cette figure en péril pour s’alarmer du déclin du récit dans notre modernité industrielle et marchande où l’on ne prend plus le temps d’écouter. Où, dans un tourbillon incessant, aujourd’hui efface hier avant d’être effacé à son tour par demain.

Le raconteur, c’est celui qui préserve en la communiquant l’expérience vécue mais sans chercher à lui donner d’explication. Il raconte ce qui a eu lieu, l’enchaînement des faits, le déroulement de l’action, les propos des protagonistes, mais laisse libre son lecteur ou son auditeur de s’imaginer la chose comme il l’entend. C’est exactement la manière Vinaver : raconter, réciter, dire, le plus précisément et le plus fidèlement, mais ne pas imposer à son auditoire une logique quelconque de l’histoire.

Mais cette réserve est une exigence : loin de laisser en repos son public, le raconteur Vinaver l’interpelle. Ses points de suspension valent sommation : et vous, que faites-vous de cette histoire ? Qu’allez-vous en conclure ? Aussi a-t-on hâte de voir jouer ce Bettencourt Boulevard tant c’est, peut-être, l’œuvre majeure de notre crise démocratique. Pour les journalistes que nous sommes, artisans des petits faits vrais, c’est aussi une belle récompense : voir notre matériau d’actualité immédiate sublimé en récit de longue durée, au-delà du présent qui lui a donné corps, au plus près du mythe qui lui survivra.

De ce point de vue, avec Bettencourt Boulevard, le théâtre de Michel Vinaver en remontre au cinéma français, si prudent, si timide, si frileux dès qu’il s’agit de nos affaires sensibles. Quand le cinéma américain ne cesse de s’approprier ce vrai invraisemblable que fait surgir l’investigation journalistique, son pendant hexagonal reste souvent en retrait, contribuant  à notre dépression démocratique par son hésitation à promouvoir en récit national cette réalité qui dérange, et qui, parce qu’elle dérange, libère, instruit et réveille.

On aimerait croire que c’est là le message subliminal du titre choisi pour sa pièce par Vinaver. Bettencourt Boulevard fait en effet écho à Sunset Boulevard (Boulevard du crépuscule), film noir américain de Billy Wilder, sorti en 1950, où de vieilles stars déchues du muet et quelques figures mondaines d’Hollywood jouent leurs propres rôles. Le chroniqueur du film de Wilder est un mort dont la découverte du cadavre, flottant dans une piscine, occupe la première séquence. Vinaver a-t-il pensé, avant de bifurquer, à cet autre mort, ballotté par les eaux du golfe du Morbihan, l’avocat Olivier Metzner qui fut au centre de l’affaire Bettencourt avant de disparaître sans crier gare en mars 2013 (lire ici notre article) ?

Par son audace et sa vitalité, Bettencourt Boulevard bouscule nos silences et nos prudences. En nous demandant ce que nous allons faire de tout ça, ce fatras de mensonge, d’hypocrisie et d’aveuglement dont l’argent est le socle, le raconteur Vinaver nous appelle au réveil. Car, depuis son origine grecque, la tragédie est cousine de la démocratie. Sa mise en scène est un bienfait, façon d’affronter l’obscénité, de regarder en face ce qui nous blesse, de grandir en conjurant la peur et la honte.

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Que la chasse aux chômeurs commence !

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Dans la descente aux enfers que le gouvernement socialiste impose au pays, il ne manquait plus que cela ! Tout au long des mois derniers, on a eu droit à une ribambelle de cadeaux aux patrons, à un plan d’austérité périodiquement durci, au refus de tout coup de pouce en faveur du Smic, à la prolongation du gel des rémunérations publiques. On a eu droit aussi, ces derniers jours, à l’annonce de nouvelles mesures de déréglementation du travail, portant sur les seuils sociaux des entreprises ou peut-être même sur le travail du dimanche, sans parler de la remise en cause de l’encadrement des loyers prévue par la loi Duflot. Oui, on a eu droit à tout... sauf à l’ouverture de la chasse aux vrais faux chômeurs, qui a longtemps été l’un des sports favoris de la droite, notamment sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Mais le ministre du travail, François Rebsamen, a sans doute jugé que c’était un tort. A l’occasion d’un entretien sur la chaîne de télévision Itélé, ce mardi 2 septembre dans la matinée, il a donc comblé cette omission et décrété à son tour l’ouverture de la chasse aux chômeurs.

Au cours de cet entretien, le ministre du travail a d’abord admis que le gouvernement avait perdu son pari d’inversion de la courbe du chômage : « On se bat mais cela n'a pas régressé, c'est un échec », a-t-il admis. Mais au lieu de reconnaître que la politique du gouvernement était inadéquate pour endiguer la vague montante du chômage, suscitant des effets d’aubaine massifs au profit des entreprises et de leurs actionnaires, mais sans avoir d’effets favorables pour l’emploi ou l’investissement, il a suggéré que les chômeurs étaient eux-même responsables de cette impasse. « Nous ne baissons pas les bras », a-t-il ainsi lâché, avant de suggérer que si certains étaient au chômage, c’était peut-être partiellement de leur faute. « En France, 350 000 emplois ne trouvent pas preneurs », s’est-il ainsi inquiété.

Et, embrayant sur ce constat discutable, le ministre a donc annoncé qu’il entendait faire la chasse aux chômeurs qui traînaient un peu des pieds pour reprendre un travail. « Je demande à Pôle Emploi de renforcer les contrôles pour être sûr que les gens cherchent bien un emploi », a-t-il déclaré. Et si ce n'est pas le cas, a-t-il poursuivi, « il faut qu'il y ait, à un moment, une sanction (…) C'est négatif, pour ceux qui recherchent des emplois, d'être à côté de personnes qui ne cherchent pas d'emploi ». Cette mission de contrôle nécessite un « état d'esprit différent, des convocations et des vérifications (...) Sinon on est radié », a conclu François Rebsamen.

Et pour bien souligner que ce propos ne lui avait pas été extorqué ou qu’il n’avait pas commis une maladresse, le ministre du travail a quelques instants plus tard commis ce tweet, qui confirme l’intention du gouvernement de durcir les contrôles et éventuellement les sanctions contre les chômeurs.

 

Dans la foulée, le nouveau ministre de l’économie, Emmanuel Macron a enfoncé le clou. En déplacement en province, il a justifié, quelques heures plus tard, ses déclarations contre les 35 heures et a apporté son appui à François Rebsamen, estimant « normales » les pratiques de contrôle annoncées par le ministre du travail. Avant d’ajouter : « C’est ce que veulent tous les Français ».

Ce genre de propos à l’emporte-pièce, teinté de populisme, suggérant qu’une partie des chômeurs sont en réalité des feignants – propos dont le Front national fait son miel – sont, certes, fréquents dans le débat public français. Mais jusqu’à présent, c’est effectivement la droite, le plus souvent, qui en avait le monopole. Et la gauche avait presque à chaque fois, socialistes en tête, vivement condamné ces projets, s’indignant que l’on puisse stigmatiser les populations les plus fragiles et faisant valoir que ces dérapages visaient à chercher des boucs émissaire pour cacher l’échec des politique de lutte contre le chômage.

Pour comprendre en quoi les propos de François Rebsamen sont inquiétants et choquants, il suffit donc d’aller puiser dans le passé les déclarations indignées proférées par les… dirigeants socialistes eux-mêmes !

Tout au long des années 1990, des polémiques ont ainsi périodiquement éclaté sur le sujet. A peine devenu premier ministre, Alain Juppé avait ainsi demandé, en septembre 1995, à trois députés, Charles de Courson (UDF-FD, Marne), Gérard Léonard (RPR, Meurthe-et-Moselle) et Francis Delattre (UDF-PR, Val-d'Oise) de conduire une mission pour essayer de mesurer l’ampleur des fraudes sociales ou des pratiques abusives. Et l’installation de cette mission avait donné le coup d’envoi a de violentes polémiques parce qu’Alain Juppé avait cité « la fraude au RMI [revenu minimum d'insertion], l'immigration illégale, le travail clandestin et les faux chômeurs » au nombre de ces abus et gaspillages. Comme Le Monde (10 mai 1996) l’avait rappelé quelques temps plus tard,  la socialiste Martine Aubry, ex-ministre du travail, s'était déclarée « outrée » et « profondément choquée » par cette démarche tendant, selon elle, à « montrer du doigt les plus fragiles ».

Plus près de nous, à la fin de 2005, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin avait pris un décret visant à renforcer le contrôle des demandeurs d’emploi, en permettant notamment que les agents des administrations du chômage puisse croiser leurs données avec celles de l’administration fiscale. Nouveau tollé ! Et cette fois, le Parti socialiste avait été aux avant-postes pour dénononcer le dispositif, en publiant un communiqué, signé d’Alain Vidalies, qui est toujours en ligne sur le site Internet du PS.

Sous le titre (qui pourrait servir de nouveau aujourd’hui) « Pour le gouvernement, la lutte contre le chômage est une lutte contre les chômeurs », on pouvait ainsi lire cette véhémente protestation : « En adoptant un nouveau décret visant à renforcer le contrôle des demandeurs d’emploi, le gouvernement confirme que pour lui, la lutte contre le chômage est d’abord une lutte contre les chômeurs. Le code du travail, dans sa rédaction actuelle, permet déjà aux agents de contrôle de se faire communiquer « tous documents et informations nécessaires à l’accomplissement de leur mission ». Autoriser ces autorités à croiser les informations qu’elles détiennent avec les documents de l’administration fiscale revient à encourager un véritable harcèlement des demandeurs d’emploi, qui aura pour seul effet d’hypothéquer le contrat de confiance nécessaire à leur réinsertion. ».

Et le communiqué poursuivait par ces constats, qui prennent avec le recul une forte résonance. « Plutôt que de chercher à rogner par tous les moyens les droits des demandeurs d’emploi, le gouvernement serait bien inspiré de favoriser leur retour à l’emploi et de s’attaquer aux causes du chômage. Alors que la France ne crée toujours aucun emploi, et que le chômage baisse depuis sept mois par le seul effet des radiations administratives et des départs massifs à la retraite, cette nouvelle décision, prise en catimini en pleines vacances de Noël, sans la moindre concertation avec les organisations syndicales et les associations de chômeurs, traduit l’incapacité du gouvernement à redonner confiance aux Français ».

Encore plus près de nous, quelques mois après son accession à l’Elysée en 2007, Nicolas Sarkozy avait donné instruction au gouvernement de François Fillon de préparer à son tour de nouvelles mesures de sanction contre les vrais-faux chômeurs (Lire Sanctionner les chômeurs : ce qui se fait en Europe et Dès la rentrée, les chômeurs devront accepter les « offres raisonnables »). Le 8 avril 2008, en déplacement à Cahors, Nicolas Sarkozy avait donc annoncé un texte de loi  « qui permettra de tirer les conclusions du refus par un chômeur de deux emplois raisonnables ». Et dans les jours qui avaient suivi, le secrétaire d'Etat à l'emploi, Laurent Wauquiez, avait précisé ce qu’il fallait entendre par cette notion très floue d’emplois « raisonnables ». Il s'agit, avait-il dit, d'une offre «dans le prolongement de ce que vous avez fait avant, de votre formation, dans un bassin géographique qui vous permet de vous déplacer pour aller sur votre job, et avec un niveau de salaire et de rémunération qui est à peu près dans la fourchette ».

Aussitôt, la gauche avait bien compris les dangers que ce projet faisait peser sur les chômeurs, et les risques d’arbitraire que cela pouvait générer. Cela a donc déclenché un nouveau séisme, et le Parti socialiste a été le premier à exprimer son indignation, dans un autre communiqué en date du 15 avril 2008 que l’on peut également retrouver dans les archives du site Internet et qui porte la signature non pas d’un seul secrétaire national mais du Bureau national du PS.

Ce communiqué, il faut le relire ligne à ligne, car en vérité, il pourrait lui aussi servir aujourd’hui. « Le projet de renforcement des sanctions contre les chômeurs qui ne retrouvent pas d’emploi, élaboré sans la moindre concertation avec les organisations syndicales, est le dernier avatar de la politique de rigueur systématisée par la droite. La première conséquence d’une telle régression sera une nouvelle vague d’exclusion de demandeurs d’emploi de l’indemnisation chômage, c’est à dire une énième altération du pouvoir d’achat de nos concitoyens les plus durement frappés par la précarité. Il est manifeste que cette majorité est prête à tout pour parvenir à afficher une baisse statistique des chiffres du chômage : après la multiplication des radiations administratives, l’encouragement au travail précaire et aux contrats à temps très partiel, notamment dans le secteur des services à domicile, voici venue l’obligation pour les chômeurs d’accepter des emplois au rabais, même loin de chez eux, sous peine d’exclusion de l’indemnisation chômage. »

Et le communiqué ajoutait : « La politique qui consiste à faire des demandeurs d’emploi les responsables de leur sort a déjà fait maintes fois la preuve de sa nocivité et de son inefficacité. La France est aujourd’hui confrontée à une explosion de la précarité, qui frappe durement les chômeurs mais aussi nombre de travailleurs. Seule une lutte renforcée contre le travail précaire et une meilleure prise en charge des demandeurs d’emploi, en termes d’indemnisation comme de suivi et de réinsertion professionnelle, serait de nature à répondre à cette urgence sociale. Le gouvernement vient à nouveau de confirmer qu’il fait le choix opposé. »

Mot pour mot, toutes ces critiques se retournent donc aujourd’hui contre ceux qui les professaient hier et qui font mine de les oublier. Elles constituent un réquisitoire d’autant plus violent contre la politique socialiste d’aujourd’hui que le débat s’est ensuite envenimé sous la présidence de Nicolas Sarkozy – et cela, tous les dirigeants socialistes, à commencer par François Rebsamen, en ont forcément gardé la mémoire.

On se souvient en effet que le nouveau dispositif de sanction voulu en 2008 par Nicolas Sarkozy n’a, en fait, jamais été véritablement appliqué. Sous la déferlante du chômage, les agents de Pôle Emploi, submergés par l’ampleur de la catastrophe sociale et en nombre gravement insuffisant, ont eu d’autres chats à fouetter que de faire la police du chômage. Mais dans les rangs de la droite et de la droite radicale, beaucoup ont enfourché, à l’approche de l’élection présidentielle, cette thématique douteuse suggérant que la France était un « pays d’assistés » (Lire La France, un « pays d’assistés » ?). A l’initiative du sulfureux conseiller de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson, venu de l’extrême droite, puis de cadres de l’UMP, dont Laurent Wauquiez, une campagne a été lancée contre « l’assistanat ». Et c’est à un véritable concours Lépine réactionnaire auquel on a assisté, certains préconisant de supprimer les allocation de RSA à certains de leurs bénéficiaires ; d’autres recommandant de contraindre les chômeurs d’effectuer des travaux d’intérêt général.

Et dans la grande transgression qui l’a conduit, notamment sous l’influence du même Patrick Buisson, à siphonner certaines idées de l’extrême droite, Nicolas Sarkozy, a lui-même enfourché ce cheval de bataille, au plus fort de la campagne présidentielle, en annonçant qu’en cas de victoire, il pourrait soumettre à un référendum cette question de l’indemnisation des chômeurs. Il en avait fait l’annonce en février 2012, dans un entretien au Figaro Magazine.

Mais contre cela, la gauche s’est dressée. A commencer par le Parti socialiste, qui a bien compris, à l’époque, le populisme qui était à l’œuvre dans toutes ces suggestions. Et François Hollande avait trouvé les mots juste pour dire que, lui président, c’est d’abord la lutte contre le chômage qui serait la priorité, pas la lutte contre les chômeurs. En clair, il avait bien fait comprendre que cette mise à l’index des chômeurs, leur stigmatisation, étaient une indignité. A Créteil, quelques jours plus tard, il avait donc mouché à bon droit Nicolas Sarkozy : « Il n'est jamais utile pour un président sortant qui est en échec de s'en prendre aux plus fragiles », avait-il déclaré, avant d’ajouter : « Ce n'est pas ceux qui sont les victimes qui doivent aujourd'hui être les responsables ». 

Tristesse et misère de la politique, quand elle est frappée d'insincérité: François Hollande n'est d'ailleurs pas le seul à l'époque à mettre en garde le pays contre les projets de son rival. Il y a aussi un élu socialiste qui est aux avant-postes, un certain... François Rebsamen, qui se déchaîne sur son compte Twitter.

Et pas plus tard que dimanche dernier, lors de son discours devant l’Université du PS à La Rochelle, Manuel Valls a lui-même semblé s’inscrire dans cette philosophie. « Ne laissons jamais s'installer toutes ces caricatures sur l'assistanat : aucun Français ne rêve de vivre des minimas sociaux ! Alors mettons plus d'énergie leur garantir du travail, à les former, à mettre toutes les chances de leur côté pour qu'ils puissent saisir les opportunités qui leur sont offertes ». Mais visiblement, la belle promesse a été sitôt jetée aux oubliettes. Et ce sont d’autres consignes qui ont été données aux agents de Pôle Emploi.

Après tant d’autres, ce reniement des socialistes n’est donc pas pour surprendre. Mais il laisse naturellement un goût amer dans la bouche, car cette fois, ce sont les couches sociales les plus fragiles qui sont prises pour cible. Le journal 20 Minutes s’est amusé à faire une vidéo établissant qu’encore une fois, c’est à un véritable copié collé de la politique Sarkozy auquel procède le gouvernement socialiste, et l’exercice est pour le moins troublant.

 

C’est d’autant plus choquant qu’au-delà du populisme dont sont empreintes les déclarations de François Rebsamen, par delà les controverses troubles qu’elles vont venir relancer, elles sont aussi contredites par de très nombreux experts qui s’intéressent au marché du travail. D’abord, l’idée défendue par le ministre du travail selon laquelle, « en France, 350 000 emplois ne trouvent pas preneurs » doit être maniée avec des pincettes. Dans une enquête très bien documentée, La Tribune expliquait, en juin, par le menu les nombreuses raisons pour lesquelles cette statistique était sujette à caution.

Et par ailleurs, des études établissent les effets pervers de certaines politiques qui visent au premier chef à stigmatiser les chômeurs. On peut en particulier se référer utilement à une étude très intéressante de la Dares, le service d’études du ministère du travail. Dans un « Document d’études » (n°178, décembre 2013), que l’on peut télécharger ici ou consulter ci-dessous, les experts mettaient en évidence les raisons nombreuses pour lesquelles la politique de contrôle des chômeurs et éventuellement de sanctions, doivent être conduites avec un très grand discernement, si l’on veut éviter des effets pervers.

 

 

On lira en particulier ce document à partir de la page 33 : il établit avec minutie tous ces effets pervers possibles sur le parcours des chômeurs.

Du coup, les déclarations de François Rebsamen ont entraîné toute cette journée de mardi un flot de réactions indignées, notamment dans le monde syndical. A quelques variantes près, tous les communiqués expriment la même colère et sont à l'unisson de l’Union syndicale Solidaires : « Poursuivant son offensive de séduction du Medef et des milieux d’affaire, le gouvernement par la voix du ministre du travail s’en prend aujourd’hui directement aux chômeurs en mettant en cause leur volonté de retrouver un emploi et en demandant aux services de pôle emploi d’accroître les contrôles. Alors que le nombre de chômeurs a augmenté de plus de 500 000 personnes depuis le début du quinquennat de François Hollande, M Rebsamen préfère tenter de s’attaquer au thermomètre plutôt qu’aux causes profondes de ce désastre social qui fait basculer une large partie de la population dans une grande précarité. ».

Il y a juste le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis qui a publié un communiqué un peu différent de tous les autres. Dans une « mise au point », il a fait valoir ce regret : « En ce jour important de rentrée scolaire pour des millions de jeunes Français, le président de la République a annoncé un "grand plan numérique pour l'école" qui associera les collectivités territoriales, l'Etat et les éditeurs. Les annonces faites sur d'autres sujets, en particulier sur le contrôle des chômeurs, brouillent le message présidentiel, et nous le regrettons. »

Mais visiblement, ce souci de communication, François Rebsamen n’y a pas pris garde. Et dans la grande dérive libérale que connaît le gouvernement, il est des bornes qui n’ont plus grand sens. Le ministre du travail a donc allègrement franchi celle sur le contrôle des chômeurs, sans doute sans même mesurer que cette transgression pourrait lui être reprochée. Dans le climat néolibéral dans lequel barbotte le gouvernement, peut-être a-t-il même pensé jouer les bons élèves.

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Comment la Cour de justice enterre les affaires

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« La Cour de justice de la République a été conçue pour ne pas fonctionner. » Ce jugement sans appel est émis par un haut magistrat qui a siégé à la Cour de justice de la République (CJR), et il est partagé (en privé) par nombre de ses collègues. Ce n’est pas le dernier événement en date, la mise en examen a minima de Christine Lagarde, ce mardi, dans l’affaire Tapie, malgré un dossier très lourd, qui risquerait de modifier cette analyse. Pas plus que la dernière audition, toujours sous le statut hybride de témoin assisté (et non pas de mis en examen), d’Éric Woerth, ce jeudi, dans l’affaire de l’hippodrome de Compiègne.

Christine LagardeChristine Lagarde © Reuters

Depuis trois longues années, la commission d’instruction de la CJR, composée de trois magistrats issus de la Cour de cassation, se hâte lentement de traiter les dossiers Lagarde et Woerth, les deux seuls dont elle est saisie. À la manière d’un juge d’instruction, elle procède à des auditions, mais sur un mode très policé et à un rythme paisible, dans les locaux feutrés et confortable de la CJR, un bel hôtel particulier (818 m2), rue de Constantine, sur l’esplanade des Invalides.

Il s'agit là de discussions entre gens bien élevés – Mediapart a pu en prendre connaissance –, qui n’ont rien à voir avec les interrogatoires serrés de suspects auxquels procèdent les policiers au cours des gardes à vue. Les magistrats de la CJR sont souvent en fin de carrière, et ne passent pas pour être féroces.

En règle générale, la commission d’instruction vérifie et reprend soigneusement tout le dossier qui lui a été soumis, avec un luxe de précautions. Elle peut déléguer des actes d’enquête à la police, mais ses investigations dépendent aussi, pour partie, de l’instruction menée parallèlement sur le volet non-ministériel du même dossier, et qui est confiée à d’autres magistrats. Ceux-ci et ceux-là échangent procès-verbaux et documents…, mais n’en font pas toujours la même lecture.

On peut constater cet hiatus dans l’affaire Tapie-Lagarde : les juges d’instruction Serge Tournaire, Guillaume Daïeff et Claire Thépaut, du pôle financier de Paris – pourtant bien plus surchargés en dossiers que la CJR –, n’ont pas hésité à mettre en examen Bernard Tapie, Stéphane Richard, Maurice Lantourne et Pierre Estoup pour « escroquerie en bande organisée », un délit grave, passible de dix ans de prison et un million d’euros d’amende. Alors que l'ex-ministre de l'économie Christine Lagarde, dont plusieurs éléments factuels (lire nos articles ici, et encore ) attestent qu’elle a favorisé une solution favorable à Tapie au détriment des intérêts de l’État, s’en tire finalement avec une petite mise en examen pour « négligence », un délit non intentionnel, passible d’un an de prison et 15 000 euros d’amende.

Eric WoerthEric Woerth © Reuters

Autre souci : ces deux enquêtes parallèles et interdépendantes peuvent se ralentir mutuellement. Ainsi, le peu d‘empressement mis par les juges Roger Le Loire et René Grouman, du pôle financier de Paris, à instruire le volet non ministériel de l’affaire de Compiègne, dans laquelle aucune mise en examen n’a été prononcée à ce jour, explique certainement le sort plutôt favorable réservé jusqu’ici à Éric Woerth à la CJR. Malgré un rapport d’expert en tout point accablant (révélé par Mediapart), qui a prouvé que les terrains forestiers et l’hippodrome de Compiègne ont été bradés par le ministre du budget, et cela au mépris des procédures en vigueur, comme l’ont confirmé les auditions des anciens ministres Hervé Gaymard et Bruno Le Maire.

Historiquement, la Cour de justice de la République a été créée en 1993 (et installée début 1994) pour traiter le volet ministériel de l’affaire du sang contaminé. Il s’agit d’une juridiction d’exception, conçue pour épargner aux ministres les rigueurs de la justice ordinaire, celle des simples citoyens. Seule la CJR peut, en effet, instruire et juger les éventuels délits commis par un ministre dans l’exercice de ses fonctions. Dans les faits, elle ne condamne presque jamais personne. 

Il faut dire que l’architecture de la CJR est celle d’une usine à gaz. Un premier filtre très efficace a été conçu pour écarter d’emblée les plaintes considérées comme fantaisistes, insuffisamment fondées, ou uniquement instrumentalisées à des fins politiques : il s'agit de la commission des requêtes, composée de hauts magistrats, qui effectuent un tri draconien. Environ une centaine de plaintes sont déposées chaque année, mais la plupart sont rejetées, et la CJR n’a jugé que quatre affaires depuis 1994.

Une fois passée à travers ce tamis de la commission des requêtes, une plainte sérieuse et argumentée peut, éventuellement, atterrir à la fameuse commission d’instruction. Et si, par extraordinaire, le ministre visé est ensuite mis en examen, il faut encore attendre les réquisitions du parquet général de la Cour de cassation avant un éventuel renvoi devant la juridiction de jugement.

Huit à dix ans de procédure ont parfois passé quand le procès s’annonce, mais c’est pourtant la partie la plus difficile du processus judiciaire : cette formation de jugement de la CJR est en effet composée majoritairement de parlementaires (douze juges sur quinze, contre seulement trois magistrats professionnels) qui ont déjà montré leur réticence à juger leurs pairs lors du procès de Charles Pasqua, en 2010.

Charles PasquaCharles Pasqua © Reuters

Le procès de Charles Pasqua a été une véritable parodie, au cours de laquelle la moitié des juges parlementaires a sagement gardé le silence, quand l’autre moitié n'a osé que quelques questions prudentes et ampoulées, voire quelques compliments déplacés. Au bout du compte, Charles Pasqua a été relaxé dans deux dossiers de corruption très lourds – pour lesquels plusieurs personnes avaient écopé de peines de prison ferme devant le tribunal correctionnel de Paris –, et l'ancien ministre n’a été condamné que très symboliquement dans le dossier le moins grave des trois, s'en tirant avec une peine de prison avec sursis, sans aucune mesure d’inéligibilité.

« La CJR est une juridiction faite par des élus pour des élus, constatait alors François Colcombet, ancien magistrat et ex-député PS, interrogé par Mediapart. On puise dans un vivier beaucoup trop petit pour la constituer : les parlementaires connaissent l'homme qu'ils jugent ; ils ne peuvent pas ne pas en tenir compte. C'est le cas dans cette affaire… Je ne veux pas dire que c'est une juridiction de connivence, mais c'est l'équivalent d'un tribunal de commerce de petite ville, où les commerçants se connaissent tous et se jugent entre eux, avec tous les dangers que cela représente, notamment celui d'être exagérément bienveillant. Est-on sûr, dans le cas présent, que personne n'a jamais reçu de médaille du ministère de l'intérieur, du temps de Pasqua (de 1986 à 1988, puis de 1993 à 1995) ? En stricte justice, presque tous les parlementaires de la CJR auraient dû se déporter… »

Autre preuve de cette grande mansuétude, le seul autre ministre à avoir été condamné par la CJR, Michel Gillibert, n’avait, lui aussi, écopé que d’une peine de prison avec sursis, en 2004, pour des détournements de fonds publics. Question exemplarité de la peine, on pourrait imaginer mieux…

Edouard BalladurEdouard Balladur © Reuters

À cette inégalité de traitement s'ajoute un autre problème, celui du temps passé, qui a pour effet d'adoucir la sanction tout en limitant le sens de la peine prononcée. On le constatera encore avec le prochain dossier qui s'annonce à la CJR, celui de Karachi, dans lequel les ex-ministres Édouard Balladur et François Léotard sont susceptibles d'être poursuivis… pour des faits qui remontent au début des années 1990.

Par ailleurs, la question des finances publiques a parfois été mise en avant pour critiquer la Cour de justice de la République. Or la CJR a « un coût très limité pour le budget de l’État », selon le rapport du parlementaire Christian Eckert, même si son budget annuel est de 866 000 euros en 2014, avec un loyer représentant à lui seul 450 000 euros par an.

Quoi qu'il en soit, la Cour de justice de la République est une anomalie démocratique, dont la survivance ne peut que renforcer chez le citoyen le sentiment d’une justice à plusieurs vitesses, d’une inégalité entre les humbles et les puissants devant la loi, voire d’une immunité organisée des politiques. Sa suppression était une des promesses du candidat Hollande en 2012. Après avoir temporisé, puis semblé renoncer, le président de la République a finalement relancé l'idée de supprimer la CJR en juin dernier, mais sans garantie de calendrier.

Lire également sous l'onglet Prolonger

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

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Le maire FN d'Hayange rattrapé par ses factures de campagne

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« Nous sommes prêts à gouverner », répète Marine Le Pen depuis dimanche, à l’occasion de sa rentrée politique. On peut encore en douter à voir la gestion de son conseiller « au dialogue social », le maire d’Hayange (Moselle), Fabien Engelmann. Depuis quelques jours, les règlements de comptes dans l’équipe municipale d’Hayange tournent au grand déballage, démontrant au passage l’amateurisme de certains élus frontistes.

D’après des documents réunis par Mediapart, l’adjointe au maire, Marie Da Silva, en conflit ouvert avec le maire depuis cet été, a bien payé certaines prestations destinées à la campagne électorale. En lieu et place du mandataire financier, ce qui est strictement interdit. Au vu des règles fixées par la Commission nationale des comptes de campagne et du financement politique (CCNCFP), qui vérifie les comptes des candidats aux élections, Fabien Engelmann, l'un des onze maires Front national élus en mars, risque désormais de voir son élection invalidée.

Marine Le Pen et Fabien Engelmann, son conseiller politique « au dialogue social » et maire d'Hayange.Marine Le Pen et Fabien Engelmann, son conseiller politique « au dialogue social » et maire d'Hayange. © dr

Mi-août, Fabien Engelmann a dépossédé sa première adjointe de ses délégations (personnes âgées et affaires sociales). Lors de la campagne, le visage de cette ancienne déléguée syndicale CGT puis FO, une employée du Républicain Lorrain de 52 ans, figurait sur toutes les affiches. Mais elle accuse désormais le maire d'« incompétence » et d'« autoritarisme ». Le 3 septembre, lors d’un conseil municipal qui s’annonce houleux, elle redeviendra officiellement simple élue municipale. 

Depuis mars, Hayange, 16 000 habitants, la ville des derniers hauts-fourneaux de Lorraine, fermés par ArcelorMittal, est détenue par le Front national qui l'a ravie au PS. Mais quelques mois à peine après la victoire du FN, qui détient 23 des 33 sièges du conseil municipal, rien ne va plus. Arrivée le 1er juin, la nouvelle directrice des services, Élisabeth Calou, ex-candidate du Rassemblement Bleu Marine aux municipales à Saint-Cyr-sur-Mer (Var), a quitté la ville au bout de sa période d'essai de trois mois, sans donner d'explications.

La crise couve depuis des mois. « À la mairie, les gens sont tétanisés, témoigne Marie Da Silva. Le maire ne cesse de régler des comptes personnels. Il fait pression sur les gens pour qu'ils partent, veut tout gérer. Il a déstabilisé le fonctionnement du centre communal d’action sociale, s’apprête à déloger les syndicats du local municipal qui leur était loué par la mairie. » L’adjointe n’a pas non plus apprécié les « coloriages » du maire, qui a entrepris cet été de repeindre une fontaine et un monument d’hommage aux mineurs lorrains. 

Mais le conflit est surtout financier. L’adjointe affirme avoir payé de sa poche 3 000 euros de dépenses de campagne. En partie versés sur le compte personnel de Fabien Engelmann. Selon elle, la somme n'aurait été que partiellement remboursée, sans être déclarée dans les comptes officiels du candidat déposés à la CNCCFP.

L'affaire a été révélée par une scène stupéfiante, captée par un journaliste de la Nouvelle Édition de Canal Plus, diffusée ce lundi 1er septembre. On y voit l'époux de la première adjointe, face caméra, réclamer au maire 3 000 euros que le couple lui aurait versé dans le cadre de la campagne : « Je veux mon fric. Tu as eu du fric en campagne que tu n'as pas déclaré. Je veux mon fric. » (voir la vidéo à partir de 14’50).

« Quand on a commencé la campagne, Fabien Engelmann n'avait pas un sou, raconte à Mediapart Marie Da Silva. Il m'a demandé de lui avancer un peu d'argent. En novembre 2013, je lui fais un premier chèque de 1 000 euros, à son nom. Ensuite, j'ai payé l'apéro “saucisson-pinard”, lorsque Louis Aliot (vice-président du FN – Ndlr) est venu à Hayange (le 29 novembre 2013 – Ndlr). Au total, j’ai déboursé 3 000 euros. Ces paiements n'apparaissent pas dans ses comptes de campagne. » L’adjointe explique avoir, ce mardi, déposé plainte contre le maire pour « abus de confiance, abus de biens sociaux et harcèlement » au tribunal de grande instance de Thionville.

Fabien Engelmann confirme l’existence d’un chèque de 1 000 euros, mais assure que c’est parce que « M. Da Silva a acheté (s)a vieille Scénic (sic). » Ce que l’intéressée dément : « Il a vendu sa Scénic il y a quinze jours ! » Concernant la soirée avec Louis Aliot, si Engelmann confirme les dépenses et ne dément pas qu’elles ont été prises en charge par Mme Da Silva, il explique qu’il ne s’agit pas de dépenses de campagne et qu’elles n’ont donc pas été intégrées aux comptes de campagne qu’il dit avoir transmis fin mai, « dans les délais », à la CNCCFP.

L'un des tracts en question, avant le second tour des élections municipales.L'un des tracts en question, avant le second tour des élections municipales. © Mediapart

En revanche, le maire confirme que c’est bien son adjointe qui, en mars, a réglé 1 575 euros destinés à l’impression de « deux tracts » : « un quatre pages couleur avant le premier tour des municipales, et un tract recto-verso avant le deuxième tour », précise Engelmann.

Comme en attestent des documents que Mediapart s’est procurés, la dépense a été réglée directement en espèces, via deux mandats-comptes, le 10 puis le 25 mars, à “Terre de Fer”, une association locale spécialisée dans le graphisme. « Son responsable est un de nos électeurs », assure Engelmann.

Les mandats-comptes des 10 et 25 mars 2014.Les mandats-comptes des 10 et 25 mars 2014. © Mediapart

Cet intermédiaire a ensuite passé commande, le 25 mars, à un imprimeur sur internet. La dépense n’a donc pas été réglée par le mandataire financier, Patrice Philippot, seul habilité au yeux de la loi à engager des dépenses. « La livraison devait se faire sous 48 heures, se justifie Fabien Engelmann. Mon mandataire travaille beaucoup, il n’est pas toujours joignable. Marie Da Silva a donc versé une caution. » Pour ne pas éveiller les soupçons, le remboursement de l'adjointe s'effectue par un drôle de circuit : le 9 mai, c'est sa belle-fille qui touche le chèque de 1 575 euros de l'association Terre de fer.

L'affiche de campagne de Fabien Engelmann et Marie Da Silva.L'affiche de campagne de Fabien Engelmann et Marie Da Silva.

Pour se mettre en règle avec la commission des comptes de campagne, Fabien Engelmann a ensuite produit à la CNCCFP une attestation en bonne et due forme attestant que c’est bien le mandataire financier qui a réglé la facture. « Un faux », assure Marie Da Silva. « Mon compte est clean, ce n’est pas Bygmalion ! » rétorque Engelmann.

Joint à plusieurs reprises par Mediapart, le trésorier et avocat du FN, Wallerand de Saint-Just, finit par expliquer qu’il « patauge » sur ce dossier et qu'il « ne conna(ît) pas le cas et la cuisine d'Engelmann ». Il nous renvoie vers Jean-François Jalkh, le vice-président en charge des élections, qui explique qu’il reviendra à la commission nationale des comptes de campagne d’estimer ces éventuelles irrégularités, mais argumente : « À toute règle, il y a des exceptions. La commission tolère qu’il y ait certaines dépenses après la désignation du mandataire financier. Il y aura peut-être une discussion sur les dates, on verra. »

Pourtant, les règles de la commission des comptes de campagne sont claires : seul « le mandataire règle les dépenses engagées en vue de l’élection, à l’exception de celles prises en charge par les formations politiques et des concours en nature ». Autrement dit, ni un de ses candidats, ni un de ses colistiers ne peut le faire, « sauf à de très rares exceptions », explique-t-on à la commission des comptes de campagne.

La CNCCFP, qui « n’a pas encore instruit le dossier », refuse de se prononcer sur le fond de l’affaire. Mais elle précise qu’une prestation d’imprimeur ne fait pas partie des exceptions tolérées. « C’est une grosse dépense, donc c’est le mandataire qui doit payer, dit-on. Les dépenses directes, du candidat ou de ses colistiers, sont une cause substantielle de rejet des comptes. » Quand elle l’examinera, la commission pourrait donc rejeter automatiquement le compte de campagne de Fabien Engelmann. En cas de rejet de ses comptes, le candidat n’est pas remboursé. Et son dossier est transmis au tribunal administratif, qui peut décider d’une peine d’inéligibilité de un à trois ans. Marie Da Silva affirme avoir apporté ses preuves à la Commission des comptes de campagne le 29 août. Une information que la commission se refuse à commenter.

Selon nos informations, la direction du Front national a été alertée bien avant que la polémique n’éclate. Le 14 août, la première adjointe d’Hayange se rend avec des colistiers à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) pour rencontrer le maire, Steeve Briois, qui est aussi le secrétaire général du parti. Après trois heures de discussion, ce proche de Marine Le Pen leur demande de lui transmettre des documents pour étayer leurs dires. Ce qui sera fait le 22 août, dans un mail dont Mediapart a eu copie.

Steeve Briois et Marine Le Pen, lors d'un meeting à Hénin-Beaumont, le 14 mars 2014.Steeve Briois et Marine Le Pen, lors d'un meeting à Hénin-Beaumont, le 14 mars 2014.

Le maire d'Hénin-Beaumont a visiblement fait état de cette rencontre à la direction du FN puisque le trésorier du parti nous confirme que « des gens d’Hayange sont venus voir Steeve Briois ». Questionné par Mediapart, l'intéressé balaie la question : « Je ne vous répondrai pas parce que vous faites des articles pourris » (sic).

Fin août, deuxième alerte au Front national. Cette fois par Fabien Engelmann lui-même. Anticipant les révélations de son adjointe, l’élu téléphone à Jean-François Jalkh, le monsieur élections du FN. « Il m’a fait état d’un litige avec sa colistière, et m’a dit qu’il comptait écrire à la commission des comptes de campagne. Je lui ai dit que c’était une excellente idée de matérialiser ce litige », explique M. Jalkh.

Le 1er septembre, en amont du bureau politique du FN, au siège, à Nanterre, Marine Le Pen s’entretient de l’affaire avec Fabien Engelmann, pendant une demi-heure. « On a vu Engelmann, on lui a dit : “c’est quoi ce truc ?” Marine Le Pen lui a dit de se démerder », rapporte Wallerand de Saint-Just. Le maire d’Hayange assure de son côté que la patronne du FN l’a assuré de son soutien.

Sollicitée via son cabinet, Marine Le Pen n'a pas donné suite. Questionné sur France Info, mardi matin, elle a évoqué une « affaire de Clochemerle » et tenté de minimiser l’affaire, préférant y voir « un désaccord entre la première adjointe et le maire », et assurant qu'elle avait « tendance à croire le maire ». « Si la première adjointe a des éléments, qu'elle les montre, qu'elle les donne à la justice, c'est aussi simple que cela dans une République bien tenue », a-t-elle indiqué. Contacté, son bras droit Florian Philippot, vice-président du parti en charge de la communication, nous répond qu’il « ne parle pas à Mediapart ».

Mais dans le parti, certains prennent déjà leurs distances avec le maire d’Hayange. « Les candidats du Front national, ce n’est pas le Front national. Ils sont indépendants, nous on ne peut pas tout faire ! Si le compte de campagne est rejeté, ce sera celui d’Engelmann », insiste Wallerand de Saint-Just.

« Sur la salade du compte, je me doutais qu’il y avait un problème », rapporte à Mediapart un cadre du FN, qui y voit les limites de son parti une fois au pouvoir : « Dans cette affaire, il y a beaucoup d’amateurisme et d’inexpérience. Il y a des gens qui débarquent en politique, puis qui sont élus… Nous sommes de très bons gestionnaires, mais dans les municipalités Front national on se frotte aux réalités, on sort du laboratoire là… »

De son côté, Fabien Engelmann tente de décrédibiliser son adjointe, qu’il avait pourtant choisie pour être sa numéro deux. « Elle fréquente des groupes qui manifestent avec le GUD et a dit lors d’une réunion qu’elle était 100 % raciste », lance-t-il. « On va trouver tous les défauts à la mariée, maintenant qu’elle lève le voile », ironise un cadre du Front national.

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Dépenses de campagne du FN à Hayange : « C’était convenu comme ça »

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L'adjointe au maire FN d'Hayange, Marie Da Silva, en conflit ouvert avec le maire depuis cet été, a payé certaines prestations destinées à la campagne électorale. En lieu et place du mandataire financier, ce qui est strictement interdit. Depuis lundi, le maire et conseiller « social » de Marine Le Pen, Fabien Engelmann, peine à apporter des explications solides. Et sa défense s'écroule un peu plus avec les propos qu'il tient dans un enregistrement audio, évoqué par Francetv info mercredi matin, et que Mediapart a pu consulter en intégralité. Nous publions une partie du verbatim.

Mardi 2 septembre, pour justifier que la dépense d’imprimerie pendant sa campagne municipale n’a pas été réglée par le mandataire financier, seul habilité à engager des dépenses aux yeux de la loi, Fabien Engelmann expliquait à Mediapart : « La livraison devait se faire sous 48 heures. Mon mandataire travaille beaucoup, il n’est pas toujours joignable. Marie Da Silva (sa première adjointe, ndlr) a donc versé une caution. »

Ce n’est pas la réponse qu’il a apportée à sa première adjointe dans un échange téléphonique de vingt-cinq minutes, enregistré le 21 août, et que Mediapart a consulté. « Pourquoi on avait dû lui (au mandataire financier, ndlr) faire un mandat-cash au début, c’était parce qu’il avait pas assez d’argent sur son compte, et on devait absolument lancer l’impression de ces tracts », y explique cette fois le maire frontiste.

Marine Le Pen et Fabien Engelmann, son conseiller politique « au dialogue social » et maire d'Hayange.Marine Le Pen et Fabien Engelmann, son conseiller politique « au dialogue social » et maire d'Hayange. © dr

Son adjointe avait payé, pendant la campagne, 1 575 euros destinés à l’impression de deux tracts. La dépense avait été réglée directement en espèces, via deux mandats-comptes, le 10 puis le 25 mars, à “Terre de Fer”, une association locale spécialisée dans le graphisme. Pour ne pas éveiller les soupçons, le remboursement de l'adjointe s'était effectué par un chèque de l'association Terre de fer encaissé le 9 mai par... sa belle-fille. Puis pour se mettre en règle avec la commission des comptes de campagne, Fabien Engelmann avait ensuite produit à la CNCCFP une attestation en bonne et due forme montrant que c’est bien le mandataire financier qui a réglé la facture.

L’enregistrement démontre que ce drôle de circuit avait été convenu en amont : « Terre de fer nous a rendu un chèque de 1 500 euros, tu as souvenir ? Après je te l’avais donné et je t’avais dit “après tu l’encaisses par qui tu veux”. Donc c’était soit toi qui devais l’encaisser, ou si c’était ta belle-fille, tu te rappelles, on voulait pas que ce soit toi ni moi, t’as souvenir de ça? » dit le maire à Marie Da Silva lors de leur échange téléphonique. « C’était convenu comme ça, Marie », lui rappelle-t-il ensuite.

Le dossier de Fabien Engelmann est entre les mains de la Commission nationale des comptes de campagne et du financement politique (CCNCFP), qui vérifie les comptes des candidats aux élections. Le maire risque un rejet de ses comptes de campagne et une peine d'inéligibilité de un à trois ans.

Dans cet enregistrement, Fabien Engelmann ne semble pas franchement au fait de la loi : « De toute manière, dans une campagne électorale, chaque personne de la liste peut faire un don, premièrement un don, et peut très bien aussi payer les choses », dit-il à son adjointe. « Je tombe, tout le monde tombe, réfléchis bien ! lui répète son adjointe lors de leur échange. Ça va faire exploser le Front national au niveau national aussi. »

Comme Mediapart l’a raconté mardi, la direction du Front national a été alertée bien avant que la polémique n’éclate. Le 14 août, la première adjointe d’Hayange se rend avec des colistiers à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) pour rencontrer le maire, Steeve Briois, qui est aussi le secrétaire général du parti. Après trois heures de discussion, ce proche de Marine Le Pen leur demande de lui transmettre des documents pour étayer leurs dires. Ce qui sera fait le 22 août, dans un mail dont Mediapart a eu copie.

En amont, l’adjointe avait eu plusieurs échanges avec Steeve Briois. D'après nos informations, le 21 août, le maire d’Hénin-Beaumont la rappelle pour venir aux nouvelles. « Le dossier est complet », lui explique Marie Da Silva. « Il faudrait faire une copie des documents déjà et l’envoyer en lettre suivie, pour être certain que ça arrive », lui demande Steeve Briois. « Faudrait l’envoyer par mail en fait, par mail ce sera beaucoup plus simple », demande-t-il finalement.

« J’attends que Marine (Le Pen, ndlr) rentre, elle doit rentrer je pense d’ici la semaine prochaine, pour faire le point avec elle aussi », explique-t-il. « On a peur d’être lâchés par vous », lui confie l’adjointe. « Parce qu’ici on se sent vraiment piégés… On se méfie avec Fabien, on se méfie… », lui confie l’adjointe. « Oui, bien sûr », répond Briois. L’adjointe lui explique par ailleurs que Fabien Engelmann a « repeint tous les wagonnets en bleu blanc rouge ». « Vous pouvez prendre des photos d’ailleurs de ça ? » lui demande le secrétaire général du parti.

Mediapart publie le verbatim de la conversation entre Fabien Engelmann et Marie Da Silva. Bien décidée à faire détailler par le maire son arrangement, interdit par la Commission nationale des comptes de campagne, l'adjointe y joue volontairement les ingénues.

– Marie Da Silva : Tu dis que ma belle-fille a encaissé le chèque ?

– Fabien Engelmann : Bah, Terre de fer nous a rendu un chèque de 1 500 euros, tu as souvenir ? Après je te l’avais donné et je t’avais dit “après tu l’encaisses par qui tu veux”. Donc c’était soit toi qui devais l’encaisser, ou si c’était ta belle-fille, tu te rappelles, on voulait pas que ce soit toi ni moi, t’as souvenir de ça ?

– Oui, mais moi j’ai payé Terre de fer pour les imprimés, pour les tracts qu’on a distribués pour la campagne, d’accord, tu t’en rappelles quand même que j’ai payé ?

– Tu as pas tout payé, tu avais payé une partie. Et le reste moi je t’avais donné en liquide, y avait même Damien qui était là quand j’avais...

– Nan on a payé deux fois, on a fait deux tracts. On a fait un tract que moi j’ai payé d’abord toute seule hein, et on a fait un deuxième tract plus petit, moins conséquent. On avait le quatre pages que moi j’ai payé, et on a fait un tract recto-verso la semaine suivante qu’on a été à trois à payer, toi, moi et Damien (Damien Bourgeois, 2e adjoint FN à Hayange, ndlr).

– Oui mais tout est bon puisque tu as récupéré ton argent là, tu as récupéré tout ton argent.

– Mais nan j’ai pas récupéré mon argent.

– Mais je t’ai donné le chèque de Terre de Fer, qui c’est qui l’a encaissé ce chèque ?

– Mais quel chèque de Terre de fer ? Moi j’ai payé à Terre de fer, il va pas me refaire un chèque.

– Mais bien sûr que si, il t’a refait un chèque puisque tu sais très bien que le mandataire financier a eu à rembourser ce qu’il avait avancé... Pourquoi on avait dû lui faire un mandat-cash au début, c’était parce qu’il avait pas assez d’argent sur son compte, et on devait absolument lancer l’impression de ces tracts. Et lui après il a ré-encaissé l’argent de mon compte de campagne que Hervé (Hervé Hoff, tête de liste FN à Thionville aux municipales en mars, ndlr) nous a prêté et qu’on a fait enregistrer aux impôts. Mais toi après ce chèque là, tu l’as encaissé, je te l’ai donné, alors… là j’ai demandé d’avoir la copie. Quelqu’un a encaissé ce chèque, c’est pas moi qui l’a encaissé ! (sic) Donc ce chèque là, je te l’avais remis, et tu l’as fait encaisser par je ne sais pas qui et tu as récupéré l’argent, c’était convenu comme ça Marie.

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Une monarchie néolibérale

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Et maintenant les secrets d'alcôve ! Rien ne nous sera donc épargné dans cette longue séquence politique aux allures de descente aux enfers, inaugurée par le conseil des ministres de rentrée, le 20 août. Séquence qui redessine de fond en comble la présidence de François Hollande et, avec elle, la troisième expérience de la gauche au pouvoir sous la Ve République. Secrets d'alcôve donc, amours du président, intimité d'un couple, vie privée et vie publique dans un mélange totalement revendiqué. Nicolas Sarkozy avait bruyamment assumé la mise en scène publique de cette équation privée: cela ne fut pas pour rien dans sa défaite de 2012 et le rejet épidermique de sa personne.

Le piège se referme à nouveau sur François Hollande, ayant endossé lui aussi pleinement ces institutions monarchiques où le roi en son palais de l'Élysée règne et vit avec sa cour et ses courtisanes. Il aurait pu d'entrée rompre avec cette détestable pratique (de Gaulle ne s'y était jamais prêté), il a fait le choix de reprendre tout entier l'héritage de son prédécesseur (lire ici un article d'Edwy Plenel)... Puisque François Hollande voulut que Valérie Trierweiler fût baptisée « Première dame » de France (c'est ainsi que le site officiel de l'Élysée la présentait et narrait ses « activités », la présidence lui ayant attribué bureau et collaborateurs), il s'exposait en conscience à ce que le dévoilement de l'homme privé et de « son misérable petit tas de secrets » envahisse le débat public et devienne un fait politique.

François Hollande et Valérie Trierweiler.François Hollande et Valérie Trierweiler. © Reuters

Mesurer les intentions réelles ou supposées de Valérie Trierweiler, sa sincérité ou ses règlements de comptes, la véracité même des faits relatés, ne sont ici d'aucun intérêt sauf à alimenter la médiocrité d'un feuilleton de téléréalité qui nous engloutit dans le ridicule glauque des déballages intimes. Considérons seulement les effets politiques de ce livre (titré Merci pour ce moment, un titre à la Marc Lévy, c'est dire...), ils sont dévastateurs. Pour trois raisons.

D'abord par ce qu'affirme l'ancienne compagne du chef de l'État. Il n'y aurait aucune raison de s'y intéresser ou d'y accorder un quelconque crédit, si ces propos ne venaient compléter et comme confirmer ce qui fut déjà dit par d'autres de François Hollande. L'indifférence de l'homme, l'insincérité voire le mensonge, la distance et les calculs d'opportunité, les double et triple fonds : c'est aussi – et il s'agit là de comportements politiques – ce qu'ont raconté et écrit des responsables politiques, ministres limogés en mars dernier lors de la chute de Jean-Marc Ayrault, collaborateurs élyséens sur le départ, ainsi qu'une autre ministre Cécile Duflot dans son récent livre De l’intérieur (lire ici notre article).

On aimerait donc se moquer et surtout ignorer les comportements privés du chef de l'État s'ils ne faisaient écho à certains de ses comportements publics dans cette autre relation, celle qu'il entretient cette fois avec l'opinion publique et tout particulièrement avec l'électorat de gauche et ses représentants. Du petit adultère bourgeois, figure classique du vaudeville bas de gamme dont on se passera volontiers, l'écho de ce livre – parce que sa parution intervient dans un moment charnière du quinquennat – nous mène bien ailleurs, sur des questions politiques majeures qui entrecroisent pratique du pouvoir, institutions, contrôle démocratique et sincérité de la parole publique.

Le candidat du « Moi président » n'aura donc rien respecté de ses principaux engagements, le premier étant « la présidence normale ». Coutumier des critiques des institutions, fin connaisseur des folies de la Ve République et de sa présidence hors sol et hors contrôle, François Hollande aura choisi de bout en bout d'en utiliser tous les atours et tous les leviers, jusqu'à hypertrophier un peu plus encore cette fonction présidentielle qui est le moteur de la profonde crise de légitimité de la représentation politique. L'« accident Trierweiler » nous rappelle qu'il conserva cette fonction de « Première dame » créée par Nicolas Sarkozy, heureusement inexistante dans toutes les autres démocraties européennes (qui est M. Merkel ?, la chancelière a toujours pris soin de tenir à l'écart de tout regard sa vie privée).

Ce ne pourrait être qu'anecdote, or cette première décision en annonçait bien d'autres qui, toutes, s'inscrivent dans une pratique jusqu'au-boutiste des institutions. Rien n'a ainsi changé en matière de nominations, pouvoir clé du président. François Hollande a flatté les proches (Jack Lang à l'Institut du monde arabe), son seul bon vouloir écrasant à l'occasion l'avis de sa majorité parlementaire (quand Jacques Toubon est nommé Défenseur des droits). Et rien n'a changé dans l'utilisation de toutes les ressources constitutionnelles organisant la concentration des pouvoirs.

François Hollande aura décidé seul, et sans consultation, débat ni vote parlementaire, du déclenchement de deux guerres (Mali et Centrafrique). C'est seul également qu'il voulait en déclencher une troisième (bombardements sur la Syrie). C'est seul encore qu'il choisit de renoncer à renégocier le traité européen, sa majorité parlementaire devant s'incliner quelques semaines plus tard le pistolet sur la tempe. C'est seul enfin – et sans plus de consultations gouvernementale ou parlementaire – qu'il décida d'entamer le grand virage de son quinquennat en annonçant en janvier le lancement du désormais fameux « pacte de responsabilité ».

Un président monarque donc. Rien de bien nouveau, dira-t-on. C'est au contraire d'une stupéfiante nouveauté si on veut se souvenir que Hollande fut élu comme le président de la gauche (et même des gauches puisqu'elles appelèrent à voter pour lui). Cette gauche qui dans son inventaire, certes incomplet, des années Mitterrand mit au débit de ce bilan la pratique déjà monarchique de l'auteur du Coup d'État permanent. Cette gauche qui est depuis des années traversée par un débat critique sur la dangerosité des institutions de la Ve République et la nécessité d'évoluer ou de galoper vers une VIe République. Avec un seul objectif : en finir avec cette représentation hypertrophiée du chef qui, au passage, vient légitimer toutes les visions autoritaires et antidémocratiques du Front national.

À la surprise du président monarque, dont le livre de Valérie Trierweiler prétend décrire quelques symptômes, s'articule la sidération qui a saisi une large partie de l'opinion publique (et pas seulement le PS) face à l'ampleur et à la brutalité du virage politique affiché depuis trois semaines. Il n'y a qu'en France qu'un tel virage peut être pris sans que le chef d'État, à l'abri dans son donjon élyséen, n'ait à engager à la fois un processus de médiation (consultations, débats, explications) et de relégitimation (via les électeurs, le parti majoritaire ou le Parlement). Ce fut le cas pour Tony Blair et sa troisième voie, pour Gerhard Schröder et son agenda 2010. Même au pouvoir, les deux hommes durent non pas rendre compte a posteriori mais convaincre et gagner des majorités d'idées a priori.

Le président monarque a ainsi décidé de se libérer de toute entrave. Sont passés par-dessus bord en cette rentrée 2014 ses engagements de campagne, son programme initial, la parti qui l'a mandaté, sa majorité parlementaire et l'essentiel des électeurs qui l'avaient choisi. Les ressources institutionnelles permettront de mater les parlementaires (Valls obtiendra sans coup férir la confiance sur sa déclaration de politique générale qui aura lieu dès le 16 septembre), comme le Parti socialiste (« J'ai besoin d'avoir un parti qui soit à l'unisson de ce que je propose », a affirmé Hollande). Quant aux électeurs, ils ne seront appelés à trancher qu'en 2017, avec la menace d'un Front national aux portes du pouvoir...

« Je suis et demeure social-démocrate », a réaffirmé contre toute évidence François Hollande. Les médias s'interrogent : social-libéral, vraiment ? Vraiment pas et les derniers jours auront au moins permis de clarifier la nature du nouveau cours politique engagé. « Valls est un libéral conservateur », note Philippe Marlière (son billet de blog est ici), qui a participé au lancement des « socialistes affligés » (lire ici l'article de Stéphane Alliès). Ce pouvoir n'a en rien rompu avec « le national libéralisme », explique dans un entretien à Mediapart le chercheur Jean-François Bayart (entretien à lire ici).

François Hollande et Emmanuel Macron à l'ElyséeFrançois Hollande et Emmanuel Macron à l'Elysée © Reuters

Plus abruptement, cette politique vient de s'afficher comme simplement néolibérale. Et le nouveau pouvoir vient de le claironner haut et fort en mettant à bas quelques piliers de ce qu'est traditionnellement un programme de la gauche classique de gouvernement.

– D'abord les 35 heures et le processus de réduction du temps de travail, dorénavant décrié par Emmanuel Macron, ce brillant banquier d'affaires sans légitimité politique autre que d'avoir été choisi par le président monarque pour occuper le poste de ministre de l'économie. Tous ces vieux dogmes fatiguent le nouveau ministre : « Il faut revenir sur des certitudes passées, qui sont, à mes yeux, des étoiles mortes », avait-il expliqué à Mediapart il y a quelques mois (lire ici l'article de Lenaïg Bredoux).

– Ensuite, une déréglementation plus large du monde du travail sous prétexte de s'attaquer aux rentes (réelles) de quelques professions protégées.

– Ensuite, le travail du dimanche et l'urgence décrétée à le libéraliser : ce sont ainsi des années de luttes syndicales et de déclarations comme d'engagements du PS qui sont effacés.

– Ensuite, les seuils sociaux et l'organisation de la représentation des salariés dans l'entreprise : là encore, la dérégulation envisagée est un épouvantail pour les syndicats et pour la gauche.

– Ensuite, l'abandon de l'encadrement des loyers annoncé haut et fort par Manuel Valls. Outre la gifle assenée à Cécile Duflot et sa loi – votée à l'unanimité de la gauche –, c'est l'abandon d'une demande constante des socialistes (l'adoption de la loi Mermaz visant à maîtriser l'évolution des loyers fut l'une des plus grandes batailles parlementaires de la fin des années 1980).

– Ensuite, l'annonce d'un contrôle des chômeurs et la réhabilitation indirecte du thème chéri de la droite – « la chasse aux fraudeurs et aux assistés » (lire ici l'article de Laurent Mauduit).

« Il faut revisiter un des réflexes de la gauche, selon lequel l’entreprise est le lieu de la lutte des classes et d’un désalignement profond d’intérêts », nous déclarait encore Emmanuel Macron. « J'aime l'entreprise », clame Manuel Valls devant un parterre de patrons du Medef, n'évoquant pas même les salariés qui la font vivre. Ce sont là deux exemples types des cantiques du néolibéralisme, d'ordinaire entonnés par la droite classique. Et d'autres suivront, n'en doutons pas, tant Manuel Valls est impatient de tourner la page de ce qu'il appelait, durant la primaire socialiste de 2011, « le socialisme du XIXe et du XXe siècle ».

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Le virage soudain de l'exécutif piège l'UMP

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« Être contente pour l’opposition, c’est cesser d’être. » Cette formule de l'écrivain Alphonse Karr raisonne dans beaucoup d’esprits à l’UMP ces derniers temps. Comme une équation délicate à résoudre, une question lancinante à laquelle les ténors de la droite ont du mal à répondre : comment rester dans une “opposition constructive” lorsque la majorité au pouvoir applique peu ou prou les idées que l’on défend ?

L’accélération libérale de Manuel Valls, la nomination-symbole de l’ancien banquier d’affaires Emmanuel Macron au ministère de l’économie, la remise en cause de l’encadrement des loyers prévu par la loi Duflot, la sortie – suivie du rétropédalage – du ministre du travail sur le renforcement du contrôle des chômeurs, les annonces de nouvelles mesures de déréglementation du travail portant sur les seuils sociaux des entreprises, voire sur le travail du dimanche… En l’espace de quelques jours, la droite a vu bon nombre de ses prières exaucées… par l'exécutif.

Une situation qui gêne d'autant plus l'UMP que ses responsables, après s'être longuement déchirés sur fond d'affaires et de batailles d'egos, avaient choisi de jouer en cette rentrée la carte du rassemblement, en prenant pour seule cible le gouvernement. Mais le virage de ce dernier modifie sensiblement la donne. « Maintenant que Manuel Valls mène la politique que nous aurions dû mener, que nous soutenons, le problème de l’UMP est de savoir quelle va être son attitude vis-à-vis de (lui) », a ainsi amorcé l’eurodéputé Alain Lamassoure, le 2 septembre sur RFI. D’autres élus de l’opposition, comme le député des Alpes-Maritimes, Lionnel Luca, ou son collègue de la Drôme, Patrick Labaune, lui ont emboîté le pas sur Twitter :

Alain Lamassoure ne cache pas se réjouir du tournant amorcé par le gouvernement. « Il est envisageable qu’un certain nombre de grandes réformes aillent dans notre sens et que l’UMP laisse passer certains textes, voire les vote », explique-t-il à Mediapart. Sans pour autant envisager une « grande coalition » – « impossible compte tenu du système politique et du mode de scrutin français » –, l’eurodéputé veut croire à un « accord de principe entre le gouvernement et l’opposition », mais prévient contre les risques de l’unanimité.

« Dans une démocratie, l’unanimité est un désastre, plaide-t-il. Il faut qu’il y ait une opposition constructive, pas forcément négative. Mais en jouant Embrassons-nous, Folleville !, c’est le jeu des extrémistes que nous faisons. » « Le FN sera le grand bénéficiaire de tout cela », regrette également Bruno Le Maire qui juge « insuffisante » la manière dont le gouvernement aborde son tournant. « Le compte n’y est pas, poursuit-il. Il y a des mots que je n’entends pas dans la bouche de Valls : la réforme des retraites, par exemple. »

Le député de l’Eure, également candidat à la présidence de l’UMP en novembre prochain, accorde toutefois « un mérite » au premier ministre : celui d’obliger la droite « à sortir du bois et à être plus claire » sur sa ligne idéologique. « L’UMP paye l’incapacité qu’elle a eue, au cours du quinquennat de Nicolas Sarkozy, à aller au bout de ses convictions », indique-t-il, rejoint sur ce point par le député de la Marne, Benoist Apparu. En revanche, l’ancien ministre du logement rejette l’idée que le FN puisse tirer profit du monstre “UMPS” que le parti de Marine Le Pen ne cesse d’alimenter.

« Quand j’ai proposé l’union nationale, on m’a dit que c’était la meilleure façon de faire monter le Front, mais c’est absurde, affirme-t-il. La culture française veut que les oppositions soient par tradition bêtement manichéennes. Qu’on arrête de s’affronter sur de la mauvaise foi ! La caricature du gouvernement comme de l’opposition, cela nie à la qualité du débat public. » Benoist Apparu met d’ailleurs en garde ceux qui voudraient, à droite, donner dans la surenchère. « Nous devons continuer à défendre nos positions, même si elles sont rejointes intellectuellement par le gouvernement. Inutile d’aller sur une ligne encore plus droitière… », lance-t-il à destination de sa famille politique.

Le député de la Drôme, Patrick Labaune, va dans le même sens : « On ne doit pas être dans l’opposition systématique, il faut voir l’intérêt national. Et si cela coince la droite, tant pis ! » Le spectre de la surenchère n'est pourtant pas loin. Il a même déjà été amorcé sur le plan économique puisque là où l’exécutif promet 50 milliards d’économies en trois ans, l’UMP, elle, en propose 130, sur cinq ans.

En annonçant qu’il avait donné des instructions à Pôle emploi pour que les contrôles sur les chômeurs soient renforcés et que des radiations soient éventuellement prononcées, François Rebsamen a poussé d’un cran supplémentaire, mardi 2 septembre, le mimétisme sarkozyste. « Ce qu’a dit le ministre du travail est frappé au coin du bon sens », se félicite d'ailleurs la députée copéiste de l’Yonne, Marie-Louise Fort. Mais à l’UMP, qui n’est plus à un clivage près, la question divise.

« Plutôt que de multiplier les contrôles, on devrait mieux accompagner les chômeurs, affirme ainsi Bruno Le Maire. Je n’ai jamais été favorable à ce qu’on se contente de taper sur les plus fragiles, sans être capable de les accompagner, cela n’a pas de sens. C’est une politique clientéliste et injuste, pas une politique de droite. » Un exemple, parmi d'autres, du piège auquel les responsables de l'opposition se retrouvent confrontés après l’accélération libérale du gouvernement Valls : l'obligation de réaliser le fameux inventaire des années Sarkozy que beaucoup à l'UMP se refusent encore à faire. Et la nécessité, pour le parti, de s’accorder enfin sur une ligne idéologique que les différents courants qui le traversent peinent à définir depuis la défaite de 2012.

« Tant que l’UMP n’a pas de dirigeant légitime, c’est un peu le chacun pour soi dans l’expression », reconnaît Alain Lamassoure, qui distingue la vision européenne du particularisme français : « Selon les critères français, le gouvernement de Valls mène une politique économique de droite, mais c’est en réalité une politique moderne. D’ailleurs, vu du parlement européen, l’UMP est un parti de gauche ! »

Manuel Valls et Nicolas Sarkozy dans les tribunes du parc des Princes, le 2 mars 2014.Manuel Valls et Nicolas Sarkozy dans les tribunes du parc des Princes, le 2 mars 2014. © Reuters

Faisant fi de la dichotomie droite/gauche – distinction qu'ils jugent « rétrograde » et « restrictive » –, nombreux sont ceux, à l’UMP, à souligner « la bonne direction » prise par « l’inflexion sociale-démocrate » de Manuel Valls. La plupart des responsables de l’opposition se réjouissent que « le gouvernement ait enfin compris que la droite avait raison », tout en regrettant qu’il ait mis « deux ans à s’en rendre compte ». « Que de temps perdu ! C’est désolant d’amateurisme. Ce pouvoir est à jeter… », soupire Bruno Le Maire, qui pointe « le mensonge politique » de François Hollande. « Pour les gens de gauche, c’est une trahison. »

C’est d’ailleurs parce qu’il y a eu « trop de mensonges depuis le discours du Bourget » que la droite entend rester sur ses gardes. Ne pouvant attaquer frontalement une politique qu’ils appellent de leurs vœux, les responsables de l’opposition ont choisi d'adopter une nouvelle posture : sourire « des belles paroles » prononcées par Valls et répéter à l'envi qu'ils attendent désormais « leur traduction en actes ».

« Alors Pierre, comme ça on croit au Père Noël ? » a ainsi ironisé par SMS le secrétaire général de l’UMP, Luc Chatel, au président du Medef, Pierre Gattaz, après l’accueil dont a bénéficié le premier ministre à l’université d’été du Medef, le 27 août. « Ce qui m’afflige, c’est de voir des patrons applaudir à tout rompre des discours insuffisants, déplore pour sa part Bruno Le Maire. Le député de l’Eure annonce d'ailleurs sa métamorphose : « Avec François Hollande, je suis devenu saint Thomas. Je ne crois que ce que je vois. »

« Comme on dit chez moi : c’est au pied du mur qu’on voit le maçon ! » renchérit Marie-Louise Fort qui se dit gênée par « la culture de l’annonce » prônée par le gouvernement. « Le vote se fait sur quelque chose de concret, pas sur des discours, conclut Benoist Apparu. Je crains qu’à force de discussions avec tel ou tel parti de gauche, les orientations soient finalement différentes. » En attendant, tous écouteront avec attention le discours de politique générale que prononcera Manuel Valls devant le parlement le 16 septembre. Une seule certitude en tête : ils ne voteront pas la confiance au gouvernement. Opposition oblige.

BOITE NOIRESauf mention contraire, toutes les personnes citées dans cet article ont été jointes par téléphone le 2 septembre.

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La Rochelle: Valls calme le jeu face à des militants exaspérés

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La Rochelle, de notre envoyé spécial.   L'ambiance était électrique ce dimanche matin, à La Rochelle. Et au terme d'une semaine marquée par l'« accélération » libérale de Manuel Valls, puis d'une réaction de diverses franges du parti samedi (lire ici), le premier ministre a tempéré ses ardeurs d'aggiornamento à marche forcée du PS.

C'est le responsable des universités d'été, David Assouline, qui a essuyé en introduction les plâtres fissurés, recueillant la plus grosse bronca matinale en évoquant Manuel Valls et l'amour des entreprises. À l'inverse, la présidente du MJS, Laura Slimani, aura livré un discours aussi offensif qu'ovationné (voir ici), emportant l'applaudimètre de la matinée. Les « Vive la gauche ! Vive la gauche ! » ont également parsemé les discours d'une salle moins bien « faite » que les prédictions l'avaient annoncé, jusqu'à recouvrir les premières secondes du discours de Valls.

Situés au fond des deux côtés de la grande salle rectangulaire de l'espace Encan, le centre autour de la tribune étant visiblement plus enclin à applaudir, voire s'enthousiasmer (hormis la tribune du MJS), les socialistes mécontents n'ont toutefois pas eu de réelle provocation à conspuer. Le premier ministre a recueilli les applaudissements les plus fournis en affirmant son attachement aux 35 heures (« il n'y aura pas de remise en cause de la durée du temps de travail » (comme une récente interview du nouveau ministre de l'économie, Emmanuel Macron, le laissait redouter). Ou quand il a expliqué qu'il était nécessaire d'« adapter le rythme de réduction des déficits à la situation économique, au niveau de la croissance ». Ou encore lorsqu'il évoqua la fusion entre le RSA et la prime pour l'emploi, comme la réforme des rythmes scolaires.

Discours de Manuel Valls à La Rochelle, 31 août 2014

Autre différence notable au vu de ses discours des deux dernières années sur le sujet, Valls a été longuement soutenu par l'assistance quand il a détaillé son intention de « refaire nation », entamant un long plaidoyer en faveur de la jeunesse des quartiers populaires, du respect de l'islam, comme de la lutte contre les discriminations. Mais sans parler ni de droit de vote des étrangers, ni de lutte contre le contrôle au faciès (une loi sur les actions de groupe en matière discriminatoire pourrait voir le jour dans les prochains mois). Quitte même à se faire applaudir contre lui-même, quand il appelle à arrêter « de stigmatiser des populations en les ramenant à leurs origines », ce dont il s'était rendu coupable à propos des Roms il y a un an.

En défendant le bilan socialiste en matière de création de postes de fonctionnaires et d'emplois d'avenir, il a également martelé combien « nous ne faisons pas de l'austérité », parvenant même à se faire féliciter de tenir son « objectif de 50 milliards d'économies », en le comparant à « la folie » des « 100 ou 150 milliards » annoncés par la droite. L'accueil fut plus modéré, quand il demanda le soutien au président de la République, mais à force d'insistance, il parvint à faire se lever peu à peu la salle.

Au total, le premier ministre n'a pas pris de réel risque, ni tenté de pousser plus loin idéologiquement l'avantage institutionnel issu de son 18 Brumaire du week-end dernier (lire ici). Ses seules audaces partagèrent les réactions de la salle, quand il parla du pacte de responsabilité ou du « début de confiance » accordée aux « chefs d'entreprise ». À ce moment, face aux sifflets, il quitte son texte et s'adressant face à lui (et aux principaux dirigeants et cadres de la direction du parti), il lance, bravache : « Si vous sifflez ces mots, quel message adressez-vous aux Français. Alors je vous demande de vous lever ! » La standing ovation du centre ne suffira alors pas à couvrir le tollé des extrémités.

Sans citer son nom, Valls irrita aussi l'épiderme militant en faisant allusion à Emmanuel Macron. « J'ai entendu, depuis quelques jours, de nombreuses réactions, de nombreux commentaires, sur un jeune ministre qui venait d'être nommé…, entame-t-il. Des commentaires avant même qu'il n'ait eu le temps de faire ses preuves. Mais j'aurais aimé qu'à l'unisson nous nous félicitions davantage que la République ait su reconnaître les compétences, le travail, l'engagement. » Huées dans la salle, tombée dans le piège d'une habileté rhétorique de Valls, concluant ce passage sur Najat Vallaud-Belkacem. « Ça apprendra certains à me laisser finir… »

Au moment de conclure un discours non-exempt de novlangue (« Nous sommes les héritiers de l'avenir ») et de surréalisme (quand il fait applaudir, « car j'ai le sens de la camaraderie », Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, ministres pourtant brutalement congédiés six jours plus tôt), Manuel Valls s'est remémoré ses congrès passés au sein du PS, quand il était jeune rocardien (années 1980), puis jospiniste (années 1990), puis l'aile droite du parti (années 2000).

Et il a essayé de profiter de son nouveau statut pour emporter la ligne d'un parti qu'il n'avait auparavant jamais réussi à convaincre. « Il n'y a ni virage, ni tournant. Il y a une ligne : celle de la vérité, de la réforme et de l'efficacité », lance-t-il, en concluant son éloge de « la gauche, celle qui gouverne », pour qui « la meilleure façon de ne pas renoncer à l'idéal, c'est de ne pas renoncer au réel ». Mais les applaudissements restèrent alors mesurés.

Peu après, le premier ministre a estimé devant quelques journalistes que son intervention « clôt une semaine très cohérente », mais se veut lucide. « Un discours ne sera pas suffisant. Ça n'efface pas les différences, mais je continue, je ne lâche rien. Ce qui est en train de se jouer, c'est l'avenir du pays, pas celui du parti. » Sans doute conscient que ce n'est pas avec le parti qu'il parviendrait à imposer ses vues pour le pays. À l'extérieur, les « frondeurs » occupent l'espace, et répètent en boucle combien « le risque du grand écart est grand » entre un tel discours et la réalité des actes. « Se faire applaudir sur les valeurs communes de la gauche, ce n'est pas très difficile, estime le député Christian Paul. Nous, nous souhaitons qu'il ne s'enferme pas dans ses certitudes. Il demande que l'on se respecte et j'en suis tout à fait d'accord. Mais le respect, ça signifie aussi d'écouter les mécontentements. »

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Les liens Sarkozy-Courbit au cœur d'une nouvelle affaire

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Après son départ de l’Élysée, Nicolas Sarkozy s’est fait offrir plusieurs voyages en jet privé par son ami, l’homme d’affaires Stéphane Courbit, selon des informations du Monde et de l’AFP. Il s’agirait d’un vol Le Bourget-Doha (Qatar) du 9 au 11 décembre 2012, puis d’un trajet Le Bourget-Teterboro (New Jersey) du 30 janvier au 3 février 2013, et enfin d’un vol Le Bourget-Abou Dhabi, du 26 au 27 février 2013.

Le premier l'a transporté à Doha pour participer au Forum mondial du sport au Qatar. Deuxième déplacement, l'aller-retour pour Teterboro, dans le New Jersey, en compagnie de son épouse, Carla Bruni. Le troisième voyage en cause avait pour destination Abou Dhabi, aux Émirats arabes unis. Nicolas Sarkozy était invité au Global financial markets forum, organisé par la banque nationale d'Abou Dhabi, pour y donner une conférence.

Nicolas SarkozyNicolas Sarkozy © Reuters

Le montant global de ces déplacements serait de 330 000 euros. C’est le montant qui a, en tout cas, été facturé à la société Lov Group Industrie (LGI) de Stéphane Courbit par l’affréteur, la Société nouvelle Trans Hélicoptère Service (SNTHS). Cette entreprise est dirigée par Pierre-Marc Dreyfus, l'une des dix personnes mises en examen dans le dossier français dit « Air Cocaïne ». Pierre-Marc Dreyfus a été placé sous mandat de dépôt du 10 septembre 2013 au 28 août dernier.

Basée à Lyon, la SNTHS est spécialisée dans les vols d'affaires et la gestion d'avions privés. Elle a affrété les vols suspects, et notamment celui du Falcon 50 appartenant au lunetier Alain Afflelou qui a été intercepté le 19 mars 2013 sur l'aéroport international de Punta Cana (République dominicaine) avec à son bord trente-six valises contenant 682 kilos de cocaïne. Quatre Français avaient alors été interpellés, dont Alain Castany, le troisième pilote. Les enquêteurs ont découvert dans son portable les numéros de téléphone de nombreuses personnalités, notamment celui de Nicolas Sarkozy.

C’est au cours de cette enquête sur le trafic de cocaïne que les enquêteurs et la juge marseillaise Christine Saunier-Ruellan sont tombés incidemment sur les vols offerts à Nicolas Sarkozy. Interrogé ce jeudi par Mediapart, le parquet de Marseille indique toutefois ne pas encore avoir été saisi de ces faits nouveaux par un “soit-transmis” de la juge d’instruction, et que toute hypothèse sur les suites procédurales de cette “affaire dans l’affaire” serait prématurée.

En droit, des poursuites pour « abus de biens sociaux » sont envisageables contre les dirigeants de Lov Group, sauf à prouver que Nicolas Sarkozy voyageait pour le bien et dans l’intérêt de cette société. L’ex-président lui-même pourrait éventuellement être poursuivi pour « recel », bien que Jacques Chirac ait, voilà quelques années, échappé à une procédure de ce type dans l’affaire Euralair.

L'avocat de Stéphane Courbit, Me Christophe Ingrain, a confirmé au Monde la prise en charge par Lov Group des trois déplacements de Nicolas Sarkozy : « Ces vols avaient pour objet la création d'un fonds d'investissement dans lequel l'ancien président de la République aurait été impliqué. Nous détenons tous les documents nécessaires pour le prouver », déclare-t-il. Avocat au cabinet d’affaires de Jean-Michel Darrois, Christophe Ingrain se trouve être l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy pour la justice à l’Élysée, de 2007 à 2010. Il était alors magistrat. Sollicité par Mediapart ce jeudi, il n'a pas donné suite.

Quant à Stéphane Courbit, qui a fait fortune dans la télé-réalité, c’est un ami de Nicolas Sarkozy, d’Alain Minc et de Jean-Michel Darrois. Les quatre hommes se sont notamment associés dans un projet de fonds d’investissement faramineux, visant à lever un milliard d’euros, qui a été révélé par Mediapart en janvier 2013 (lire notre enquête ici).

Stéphane CourbitStéphane Courbit © Reuters

Stéphane Courbit est, par ailleurs, renvoyé en correctionnelle dans l’affaire Bettencourt, et sera jugé pour « abus de faiblesse» à partir du 25 janvier prochain, à Bordeaux, aux côtés d’Éric Woerth et Patrice de Maistre.

Alors protecteur de l’héritière L’Oréal, l‘avocat fiscaliste Pascal Wilhelm avait fait signer à Liliane Bettencourt deux protocoles d’accord, en décembre 2010 puis en mars 2011 (la vieille dame était alors hospitalisée), qui l’ont conduite à investir quelque 143 millions d’euros au sein de la société Lov Group Industrie de Stéphane Courbit. Or l’homme d’affaires était l'un des clients de Me Wilhelm, qui se trouvait de facto en conflit d’intérêts. Pour convaincre Liliane Bettencourt et sa fille, l’avocat fiscaliste avait également fait effectuer par un autre de ses clients, la banque Messier-Maris de Jean-Marie Messier, une mission d’audit de Lov Group Industrie.

Les choses n’ont pas traîné. « Le versement intervenant avec une extrême rapidité laisse suspecter l’existence de difficultés financières naissantes importantes, voire même déjà réalisées, l’objectif de ces investissements étant manifestement de rembourser en grande partie des dettes ou d’effectuer à partir de LGI des remontées importantes d’argent vers d’autres sociétés du groupe Courbit », écrivent les juges d'instruction dans leur ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, signée le 7 octobre 2013.

Liliane Bettencourt n’aura d’ailleurs vu l’homme d’affaires qu’une demi-heure, le 15 décembre 2010, et l’aurait pris pour un « chanteur », selon un courriel adressé par Wilhelm à Courbit, quelques jours plus tard.

« L’intérêt financier ou social d’un investissement financier total de 143,7 millions pour Liliane Bettencourt, dans cette opération financière axée principalement sur le poker en ligne, l’énergie et la production audiovisuelle (domaine assurément étranger au domaine habituel de ses investissements) n’est pas démontré, ni d’ailleurs le soi-disant embellissement financier consécutif des deux sociétés du groupe Courbit et tout particulièrement de la société LGI », écrivent les juges. Selon eux, dans cette curieuse opération, « Liliane Bettencourt a même subi une grave perte financière nette, non causée, de 4,93 millions d’euros ».

Les clauses suspensives et de désengagement qui étaient prévues initialement ayant disparu des contrats, l’octogénaire ne peut plus récupérer sa mise aujourd'hui. Selon des informations obtenues par Mediapart, la famille Bettencourt n’a toujours pas réussi, malgré de nombreuses procédures, à récupérer un seul euro sur les 143 millions investis dans le groupe de Stéphane Courbit, alors en difficulté.

Depuis sa défaite de mai 2012, Nicolas Sarkozy bénéficie de revenus confortables et de déplacements gratuits (même s'il ne perçoit plus son traitement de membre du Conseil constitutionnel, n'y siégeant plus). Il perçoit 6 000 euros mensuels en tant qu'ancien président, engrange des revenus de son cabinet d’avocats et donne en plus des conférences grassement payées à travers le monde (lire nos articles ici et ). En tant qu’ancien chef de l’État, Nicolas Sarkozy a également droit à des vols gratuits et illimités en classe affaires sur Air France, mais il semble préférer les jets privés.

Nicolas SarkozyNicolas Sarkozy © Reuters

Autre trouvaille des enquêteurs : Stéphane Courbit n'est pas le seul mécène de Nicolas Sarkozy. Un quatrième vol avait été affrété, le 21 mars 2013, par la société SNTHS, au profit de Nicolas Sarkozy. Il s'agissait de permettre à l'ancien président de se rendre à Bordeaux où il était convoqué aux fins de mise en examen par les juges de l'affaire Bettencourt, avant d'obtenir un non-lieu aux attendus très sévères. Mais l'interception du Falcon 50 sur le tarmac de Punta Cana a obligé Nicolas Sarkozy à embarquer dans un autre avion, également mis à sa disposition par la SNTHS. Avec une différence : les factures indiquent que ce vol a finalement été pris en charge par l'Association de soutien à l'action de Nicolas Sarkozy (Asans). Un discret “parti de poche” de l’ancien président, installé dans son ancien fief de Neuilly-sur-Seine.

Cette micro-formation politique, dont Mediapart avait dévoilé l’existence à l’été 2010, aurait donc financé ce vol Paris-Bordeaux effectué le 21 mars 2013 par l’ex-chef de l’État, en avion privé, pour répondre à la convocation des juges. Cet usage privatif des fonds du parti est-il bien conforme à l’objet social défini dans ses statuts ? D’après le Journal officiel, ce parti de poche – dont on s’est toujours demandé quels types de dépenses il pouvait bien prendre en charge – a été créé en 2000 pour « défendre et promouvoir les idées de liberté, de solidarité, de justice et de réforme défendues par Nicolas Sarkozy ». Y compris devant un juge ?

Interrogé par Mediapart sur la légitimité voire la régularité d’une pareille dépense, le mandataire financier de la formation politique, Didier Banquy, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à Bercy, répond que son rôle s’arrête à la perception des dons et qu’il n’est « en rien informé de la vie financière de l’association ». « Mais à partir du moment où il y a ce type de statuts, ajoute-t-il, c’est pour financer l’action de Nicolas Sarkozy au sens large… » Très large, donc. Au-delà même de la vie politique !

Aujourd’hui, aucun adhérent ne risque certes de s’estimer floué ni abusé, puisqu’il n’y en a aucun. Pas plus qu’il n’y a de tracts, ni de manifestations publiques organisées par ce parti de façade, sinon de confort – un tiroir-caisse. À sa création d’ailleurs, l’association a tout bonnement été domiciliée chez Franck Louvrier, l’ancien conseiller communication de Nicolas Sarkozy à l’Élysée, simple boîte aux lettres.

L’argent de cette structure ultrapersonnelle, pilotée jusqu’à récemment par deux proches de Nicolas Sarkozy (Christian Estrosi à la présidence et Brice Hortefeux à la trésorerie), provient pour l’essentiel des chèques de ses gros donateurs (quelques dizaines), qui versent chacun plusieurs milliers d’euros pour intégrer ce secret cénacle. Si l’État ne le subventionne pas, il le finance tout de même indirectement, puisque tous ces dons ouvrent droit à réductions d’impôts.

Liliane BettencourtLiliane Bettencourt

Dans un listing datant de 2006-2007, auquel Mediapart avait eu accès, on dénichait pêle-mêle les noms de René Ricol (par la suite nommé médiateur du crédit par l’Élysée, en 2008, puis commissaire général à l’investissement en 2010), du financier Marc Ladreit de Lacharrière ou encore de plusieurs dirigeants du groupe de casinos Tranchant. Sont-ils encore donateurs ? Trouveraient-ils quelque chose à redire à cette affaire de jet privé ? Dans la liste, on tombait surtout sur des membres de la famille Bettencourt, non seulement Liliane et André (décédé), mais aussi leur fille Françoise… à l’origine de la plainte pour « abus de faiblesse » sur sa mère qui a déclenché toute l’affaire Bettencourt et, par effet boule de neige, la convocation judiciaire de Nicolas Sarkozy de mars 2013.

Alors que ce parti de poche avait été mis en sommeil sous la présidence de Nicolas Sarkozy (1 077 euros de recettes en 2011 pour 4 000 euros de charges à peine), il semble s’être réveillé en 2012. Cette année-là, plus de 20 000 euros ont été dépensés (sans lien officiel avec une campagne électorale), dont quelque 8 000 euros de frais de voyage. Encore en réserve dans les caisses fin 2012 : 190 000 euros.

Sachant que Nicolas Sarkozy dispose d’une seconde entité beaucoup plus officielle (« l’Association des amis de Nicolas Sarkozy »), réellement active de son côté puisqu’elle est chargée d’organiser son grand retour à coups de meetings, la nature politique du « parti » de Neuilly s’avère décidément douteuse.

 

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François Hollande, libéral décomplexé

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C’est le grand coming out libéral du gouvernement. Discours devant le Medef, seuils sociaux, travail du dimanche, contrôle des chômeurs, relance des partenariats public-privé, 35 heures : depuis dix jours, l’exécutif multiplie les déclarations prenant totalement ses électeurs à contre-pied. Le PS en est abasourdi. Même certains proches de François Hollande s’inquiètent d’une droitisation mal maîtrisée. Mais la majorité d’entre eux assume, heureux d’avoir enfin le loisir de dire publiquement ce à quoi ils ont toujours cru.

François Rebsamen est évidemment de ceux-là. Sa dernière sortie sur le contrôle des chômeurs n’est pas une surprise. D’abord parce qu’il n’a jamais été un spécialiste des questions sociales et que sa nomination au poste de ministre du travail est surtout une compensation à son échec pour la place Beauvau. Les risques de dérapages mal contrôlés – “Rebs” a dû rectifier ses propos et annuler un déplacement dans un Pôle emploi prévu mercredi – en sont d’autant plus élevés.

© François Rebsamen / Twitter

Surtout, s’il aime à rappeler son passage à la Ligue communiste dans sa jeunesse, l’ancien maire de Dijon et sénateur, cumulard assumé, revendique depuis de longues années sa proximité avec certains patrons de sa région qui l’ont convaincu, dixit Rebsamen, des « corsets » qui entravent l’économie française, de la manie à créer « des corps d’inspecteurs pour tout et n’importe quoi », et d’un Code du travail qu’il « faudrait expurger un peu ».

Avant l’été, le ministre du travail, nommé quelques semaines plus tôt, a raconté à des proches que trois responsables du bâtiment étaient passés le voir rue de Grenelle et lui avaient fait part de leur opposition aux nouvelles règles sur la pénibilité. Ce soir-là, Rebsamen a rapporté avoir tranché : « C’est fini, la fiche. Il faut ramener du réalisme et de la simplification dans la vie économique. » « Il faut être efficace et ne pas avoir de barrière idéologique », explique parfois Rebsamen en privé. Et s’il récuse l’adjectif « social-libéral », il assume que la politique de l’offre menée par l’exécutif le contraint à « avoir le patronat avec nous ». « On est dans la main du patronat quand on fait une politique de l’offre », a-t-il confié récemment.

François HollandeFrançois Hollande © Reuters

Au sein de la “hollandie” historique, celle qui se réunissait en 2009 à Lorient quand François Hollande était au plus bas des sondages, ils sont nombreux à revendiquer une vision de l’économie enfin épurée de la « gauche XXe siècle » dont Martine Aubry est, à leurs yeux, l'une des représentantes. C’est par exemple le cas de Gwendal Rouillard, député de Lorient, proche de Jean-Yves Le Drian, l’actuel ministre de la défense. « Une nouvelle équipe expérimentée et courageuse, aux côtés de Manuel Valls, a été choisie pour réformer efficacement », explique-t-il dans un billet de blog intitulé « Ayons le courage de réformer ». À La Rochelle la semaine dernière, il affirmait déjà, cité par Le Monde, vivre « peut-être enfin la mutation du PS que j'espérais depuis tant d'années. Paradoxalement, c'est la plus belle semaine de la gauche française depuis que j'ai commencé à militer ! »

« Nous, on ne flotte pas. Cela n’a même jamais été aussi clair. Le discours de Manuel Valls devant le Medef, sur le fond, rejoint ce que François Hollande dit depuis longtemps », explique aussi un conseiller “hollandais”, qui rapporte que la réunion des amis de Hollande à La Rochelle a réuni 400 personnes vendredi dernier. De fait, le chef de l’État a tenu des propos assez proches depuis sa participation, dans les années 1980, aux « transcourants » du PS et sa campagne de la primaire faisait la part belle au soutien aux entreprises et au désendettement de la France. « On est aujourd’hui dans l’équilibre “hollandais” de la primaire », poursuit ce conseiller, qui admet tout de même un « décalage de forme par rapport à la campagne présidentielle. »

Le rassemblement des “hollandais” à La RochelleLe rassemblement des “hollandais” à La Rochelle © Stéphane Le Foll / Twitter

Preuve que le virage libéral assumé de l’exécutif n’est pas qu’une OPA de Manuel Valls sur le quinquennat de François Hollande. « C’est la ligne du président. La social-démocratie est une forme d’adaptation », explique un ami du président de la République, convaincu que le remaniement signe la victoire idéologique de son mentor sur le PS et le reste de la gauche.

Stéphane Le Foll, autre très proche de François Hollande, assume lui aussi d’incarner une gauche qui prend à revers une partie de sa base sociale. Régulièrement, il rapporte la même anecdote datant de la campagne de 2007 de Ségolène Royal. À l’époque, il a vu des ouvriers dubitatifs voire opposés à l’augmentation du Smic à 1 500 euros promise par la candidate socialiste. Le Foll y voit la preuve que les « vieilles recettes » ne fonctionnent plus auprès de l’électorat populaire.

« La gauche a la capacité à s’arc-bouter sur des symboles. Si on veut s’adresser aux couches populaires et moyennes, il faut aussi faire le tri entre les enjeux passés et ceux d’aujourd’hui », disait aussi, la semaine dernière, le ministre de l’agriculture, lors d’une rencontre informelle avec la presse à La Rochelle. Avant de glisser : « C’est quand même quand on a été le plus à gauche (sous Lionel Jospin – Ndlr) qu’on n’a pas été au deuxième tour…» Puis : « Il faut clarifier idéologiquement ce qu’on est en train de faire. »

Concrètement, le porte-parole du gouvernement, fidèle parmi les fidèles de François Hollande, estime, deux ans et demi après la victoire du PS à la présidentielle, qu’il faut enfin théoriser son action et mettre des mots sur la politique menée. Cela peut sembler insensé. De fait, dans les mots, c’est jusqu'ici la confusion la plus totale qui a régné : le président de la République mène une politique qu’il se refuse à définir, conforme à sa réticence profonde et fondamentale à penser son action (lire notre enquête sur le “hollandisme”).

Il a même été jusqu’à rejeter les références qu’il revendique aujourd’hui à contretemps : il a refusé se réclamer de Gerhard Schröder, avant de lui rendre un hommage appuyé, tout en oubliant que le chancelier SPD lançait ses réformes de dérégulation en bataillant à Bruxelles pour desserrer l’étau du déficit. Il a esquivé en 2013 l’appellation « social-démocrate », que son premier ministre d’alors, Jean-Marc Ayrault, reprenait à son compte, pour l’utiliser quelques mois plus tard, en janvier 2014, en annonçant un « pacte de responsabilité » qui n’avait pas grand-chose de social-démocrate tant les contreparties demandées aux entreprises et pour les salariés étaient quasi inexistantes.

Depuis le virage du pacte de compétitivité (et le CICE post-rapport Gallois) à l’automne 2012, les choix de plus en plus libéraux de François Hollande ont contribué à dévitaliser les mots choisis par ses proches, qui ne savent plus s’ils sont socialistes (ils sont de moins en moins nombreux parmi les ministres à encore utiliser le mot), sociaux-démocrates (le terme remporte un franc succès mais sans être toujours bien défini) ou sociaux-libéraux (peu s’en revendiquent, mais c’est surtout par crainte de braquer leurs militants). À La Rochelle, en fin de semaine dernière, plusieurs ministres confiaient leur trouble, sous couvert d’anonymat (lire notre reportage).

La confusion, et le malaise profond qu’elle engendre auprès de l’électorat de François Hollande, relève à la fois de la personnalité du président de la République, rétif à toute théorisation et adepte de la gestion au fil de l’eau, et de l’inadéquation évidente entre la politique menée et la campagne présidentielle, singulièrement le discours du Bourget. Plus personne ne la nie, y compris au cœur du pouvoir.

Parmi les proches de François Hollande, elle est même parfois assumée avec une légèreté déconcertante : plusieurs de ses conseillers ou de ses ministres ont confié ces derniers mois qu’il ne fallait pas avoir la naïveté de croire tous les discours de campagne. D’autres, moins cyniques, plaident l’état pitoyable des finances publiques et de l’appareil productif à leur arrivée au pouvoir – « pire qu’attendu » – et promettent que le décalage est moins idéologique que chronologique. Ils savent aussi les crispations provoquées par leur politique au sein des militants socialistes – tous, ou presque, reconnaissent que si le congrès du PS était organisé demain, les “hollandais” le perdraient –, mais ils restent convaincus que quand « les résultats viendront », les polémiques s’éteindront.

En attendant, une minorité d’entre eux confie désormais son malaise. Ce n’est plus seulement le cas d’amis et de compagnons de route de longue date de François Hollande, comme l’avocat Jean-Pierre Mignard (sur la nomination de Jacques Toubon), le syndicaliste Jean Grosset (sur les seuils sociaux) ou le directeur de théâtre Jean-Michel Ribes (sur les intermittents). C’est aussi le cas de certains ministres ou ex-ministres, “hollandais” revendiqués.

« Valls a une ligne clairement identifiée. Elle est social-libérale. Moi je suis social-démocrate. À côté de ce discours au Medef, il faut réaffirmer que notre objectif est que l’emploi et la croissance servent les objectifs de justice sociale et de redistribution. Ne parler que des entreprises est tronqué. La réforme ne suffit pas à elle-même. Oui il faut débloquer, simplifier, fluidifier. Mais être de gauche, c’est améliorer les services publics et la solidarité », confie un ministre important du gouvernement.

Manuel Valls et Pierre Gattaz, le 27 août 2014 à l'université d'été du MedefManuel Valls et Pierre Gattaz, le 27 août 2014 à l'université d'été du Medef © Reuters

« Donner des gages au patronat, OK, mais pour aller où ? » s’interroge un autre ministre. Sous couvert d’anonymat, il confie son trouble sur la nomination d’Emmanuel Macron à Bercy (« pour être ministre, t’as même plus besoin de te colleter aux électeurs »), sur le manque de confrontation avec l’Allemagne pour emporter le rapport de forces européen, ou sur la stratégie dite de triangulation qui veut qu’un responsable politique chasse dans le camp adverse. « Penser qu’on va gagner avec un électorat de droite et se couper de toutes nos bases, c’est une erreur d’analyse », glisse ce partisan de longue date de François Hollande. Un jeune conseiller du gouvernement, lui aussi “hollandais” revendiqué, souffle pour seul commentaire : « “Hollandais”, je ne sais pas ce que ça veut dire. On n’a jamais été l’avant-garde mais on avait des valeurs. Là, la déprime est générale. »

Frédéric Cuvillier, ministre puis secrétaire d’État aux transports, a même publiquement justifié son départ du gouvernement, fin août. Parce qu’il n’a pas eu le grand ministère dont il rêvait, parce qu’il supportait difficilement de travailler avec Ségolène Royal, et parce que, dit-il, « le message des municipales n’a pas été entendu ». « C’est vraiment une séparation violente, blessante. C’est douloureux lorsqu’on a une forme d’idéal et qu’il est insuffisamment pris en compte », racontait-il en marge de La Rochelle à une poignée de journalistes.

Le maire de Boulogne-sur-Mer insistait aussi sur le péril Front national dans la région Nord-Pas de Calais : « Les Français sont prêts à comprendre les sacrifices, mais dans leur quotidien, le logement, les transports, l’aménagement du territoire, des régions souffrent. La désespérance est là. Et le prisme budgétaire n’a de sens que s’il s’accompagne d’une vision porteuse d’espoir. C’est ce qui permet de battre le FN. »

Pendant les années de vaches maigres, les partisans de François Hollande s’appelaient ironiquement entre eux le « club des 3 % » – le niveau de popularité de leur chef de file à l’époque. L’appellation pourrait resservir.

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Le secrétaire d'Etat au commerce extérieur ne déclarait pas ses impôts

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Le gouvernement Valls II aura tenu dix jours. Jeudi, l'Élysée a annoncé le remplacement d'un des secrétaires d'État, Thomas Thévenoud, par le député socialiste Matthias Fekl, en charge du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

D'après nos informations, Thomas Thévenoud, élu député pour la première fois en juin 2012, ne déclarait pas ses impôts depuis plusieurs années – un contribuable « défaillant », pour reprendre le jargon de l'administration fiscale. Ces dernières années, selon certaines sources, celle-ci aurait lancé une procédure « d'imposition d'office », théoriquement à la suite de relances et mise en demeure, pour prélever à la source une part des revenus de l'élu (vice-président du conseil général de Saône-et-Loire depuis 2008). À ce stade, Mediapart n'a pas pu obtenir d'informations sur les montants concernés.

Thomas ThévenoudThomas Thévenoud © DR

Sollicité par Mediapart, l'intéressé n'a pas répondu à nos questions. Dans une déclaration écrite envoyée à l'AFP après sa démission, Thomas Thévenoud a finalement admis « des retards de déclaration et de paiement » au fisc, qu'il affirme désormais « intégralement régularisés ». « Je n'ai jamais fait l'objet d'aucune poursuite judiciaire ou fiscale », indique-t-il encore.

Jeudi en fin d'après-midi, le cabinet de Manuel Valls avait déclaré à l'AFP que le « premier ministre a considéré que, suite à une situation découverte après sa nomination, M. Thévenoud ne pouvait poursuivre sa fonction. Le premier ministre et M. Thévenoud ont convenu que ce dernier devait remettre sa démission ». Dans son communiqué, l'Élysée avait esquivé le sujet en évoquant des « raisons personnelles »

Thomas Thévenoud avait été une des surprises du dernier remaniement : élu en Saône-et-Loire, il a été un temps considéré comme un proche d'Arnaud Montebourg, limogé du gouvernement après ses critiques de la politique économique de François Hollande et de Manuel Valls. Lors de la dernière fête de la rose de Frangy-en-Bresse, Montebourg en avait fait l'éloge mais politiquement, ils étaient assez éloignés.

Un autre secrétaire d'État du gouvernement Valls, Jean-Marie Le Guen, toujours en place, a déjà été épinglé pour des problèmes fiscaux. D’après des informations recueillies par Mediapart en juin, ce dernier a initialement « sous-déclaré » son patrimoine d'environ 700 000 euros à la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique. Mediapart avait révélé qu'il devrait subir un redressement fiscal sur son impôt sur la fortune, qui pourrait logiquement atteindre 50 000 euros rien que sur l'année 2013.

À l'époque, Thomas Thévenoud, interrogé par nos soins, avait refusé de réagir, par SMS, en tant que porte-parole du groupe PS à l'Assemblée : « Pas de commentaires pour l'instant. »

Il avait également été membre de la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Cahuzac. Il avait alors déclaré au micro de RTL : « J'ai une question toute simple à lui poser : pourquoi a-t-il menti à la représentation nationale ? (Et) pourquoi il s'est menti à lui-même ? » Avant de conclure : « Cahuzac est un ancien collègue, ça a été un ministre qui avait un savoir-faire, mais il nous a menti et c'est une véritable trahison. »

Thévenoud était aussi, depuis mars 2013, vice-président de la mission d’information sur la fraude fiscale. En octobre dernier, il lançait à propos des demandes de régularisation reçues par le fisc de la part de fraudeurs : « Faites repentance fiscale parce que le compte à rebours va s'enclencher. »

Matthias FeklMatthias Fekl © DR

Thomas Thévenoud est remplacé par Matthias Fekl. Jeune député brillant, ce dernier s'est fait remarquer à l'Assemblée, où il est élu député depuis juin 2012. Proche de Pierre Moscovici pendant plusieurs années, il s'est montré plusieurs fois critique de l'exécutif – sur le respect du Parlement ou certains éléments de la politique d'immigration par exemple – sans jamais rejoindre les “frondeurs”. Dans un entretien à Mediapart, publié samedi, il critiquait aussi l'inclination sociale-libérale du nouveau gouvernement.

« C'est un gouvernement cohérent, derrière une ligne, mais qui court le risque d'avoir une assise politique extrêmement étroite. Au sein de la gauche, de ses valeurs, de ce que nous avons collectivement porté pendant la campagne présidentielle, de la diversité de celles et ceux qui ont élu François Hollande, ce gouvernement risque, sur plusieurs points, de s’éloigner de nos engagements », expliquait-il, quelques jours avant sa nomination. Avant d'ajouter : « Un gouvernement progressiste ne peut être un simple gestionnaire. Il lui revient d'ouvrir des perspectives, de nouveaux horizons de conquêtes, d'être imaginatif. Nous ne devons pas donner le sentiment que nous mettons en œuvre ce que Nicolas Sarkozy n'a pas fait. »

Au commerce extérieur, et sous l'autorité de Laurent Fabius, Matthias Fekl aura notamment pour tâche de défendre la position de la France sur le traité de libre-échange avec les États-Unis.

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Matthias Fekl (PS): «Le social-libéralisme est dépassé»

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Cet entretien a été publié le 30 août 2014, soit quelques jours seulement avant que Matthias Fekl soit nommé secrétaire d'Etat au commerce extérieur, en remplacement de Thomas Thévenoud.

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Matthias Fekl (36 ans) est député du Lot-et-Garonne. Secrétaire national du PS à la laïcité, aux institutions et à la rénovation démocratique, cet ancien strauss-kahnien, très engagé sur les questions d'asile et d'immigration, défend l'idée d'une profonde réforme des institutions. Il ne fait pas partie des « frondeurs », mais se montre critique sur la ligne du nouveau gouvernement Valls.

En écho au premier secrétaire général du parti, Jean-Christophe Cambadélis, qui a regretté en ouverture de l'université d'été du PS à La Rochelle que le parti se soit « dissous dans la gestion » et plaide pour un « nouveau progressisme », Matthias Fekl craint que les socialistes ne donnent « le sentiment que nous mettons en œuvre ce que Nicolas Sarkozy n'a pas fait. (…) La gauche, c’est une dynamique. Ce n'est ni le repli, ni le conservatisme, ni une vision répressive de la société ». Partisan d'un renforcement du Parlement, il juge que le recours aux ordonnances, envisagé par le gouvernement, ne peut servir à « contourner le débat démocratique ni à demander un blanc-seing au Parlement sur des sujets majeurs ».

Matthias FeklMatthias Fekl © DR

Le gouvernement « Valls-II » est-il minoritaire ?

C'est un gouvernement cohérent, derrière une ligne, mais qui court le risque d'avoir une assise politique extrêmement étroite. Au sein de la gauche, de ses valeurs, de ce que nous avons collectivement porté pendant la campagne présidentielle, de la diversité de celles et ceux qui ont élu François Hollande, ce gouvernement risque, sur plusieurs points, de s’éloigner de nos engagements. Il faut bien sûr mener des réformes profondes, vu l'état de notre pays. Tout le monde le sait. Personne au PS ne dit que la France peut continuer à dériver. Mais un gouvernement progressiste ne peut être un simple gestionnaire. Il lui revient d'ouvrir des perspectives, de nouveaux horizons de conquêtes, d'être imaginatif. Nous ne devons pas donner le sentiment que nous mettons en œuvre ce que Nicolas Sarkozy n'a pas fait.

Est-ce désormais, selon vous, l'agenda de François Hollande et de Manuel Valls ?

Non, mais prenons-y garde. Tout le monde sait qu’il faut faire des économies et engager des réformes, on ne peut pas tergiverser là-dessus. Mais la gauche, c'est plus que ça. C’est une certaine vision de la société, où le destin des individus n’est pas fixé au berceau, où l’émancipation de chacun redevient possible. C’est l’idée que la lutte contre les inégalités est au cœur de notre engagement. C'est porter de vrais changements pour transformer en profondeur le pays.

Réformer la fiscalité par exemple, c'est un projet d'ampleur, pas des ajustements et des rapiéçages successifs à chaque loi de finances. Dans l'entreprise, notre projet ne peut pas être simplement de faire sauter les seuils sociaux, une vieille demande du patronat. La seule manière progressiste d’aborder le sujet, c’est de refonder la participation des salariés à la vie et aux décisions de leur entreprise. Il nous appartient de bâtir une vraie démocratie sociale. Les salariés doivent être mieux représentés à tous les échelons, le dialogue social doit devenir une réalité concrète dans l’entreprise. C’est d’ailleurs la condition d'une véritable social-démocratie, avec des syndicats forts et responsables et des patrons à l'écoute, avec une volonté commune de compromis, une participation effective des salariés, y compris sur les choix stratégiques.

Mais il faut aller plus loin que la social-démocratie traditionnelle, en inventant de nouveaux modèles de développement. La gauche ne peut pas rester seulement sur un modèle productiviste, attendre le retour de la croissance comme certains attendent le retour de la pluie. La croissance telle qu’elle a existé pendant les Trente Glorieuses ne reviendra plus telle quelle.

Le gouvernement mène-t-il encore une politique de gauche ?

Poser les choses de cette manière, c'est prendre le risque de caricaturer le débat entre les orthodoxes gardiens de la vraie foi et les hérétiques. En revanche, oui, notre projet politique est historiquement progressiste, et nous ne devons pas l'enfermer dans la pure gestion.

Cette dimension progressiste est donc absente des préoccupations de François Hollande et de Manuel Valls ?

Je me méfie des procès d'intention, quelques jours après la constitution d'un nouveau gouvernement. En tout état de cause, le progressisme, c'est d'abord une vision dynamique de la société. C'est réconcilier la France avec l'Europe, et l'Europe avec la France. C'est inscrire notre action politique dans un cadre européen. On ne peut pas juste appréhender l'Europe avec des tableaux Excel et le seul impératif des équilibres budgétaires. C'est aussi porter des initiatives, en matière économique (encourager des investissements massifs par exemple), mais aussi en ne réduisant pas l’Europe à sa stricte dimension économique. Pourquoi ne pas créer, par exemple, ce fameux service civique européen pour les jeunes dont on parle tant mais qu'on n'a jamais fait ? Ce serait une belle initiative à porter par la France et l’Allemagne auprès de nos partenaires européens.

Le progressisme, c'est aussi ouvrir de nouveaux espaces de liberté : redonner à chacun la possibilité de choisir sa vie, de construire son parcours, de ne pas être assigné à une place prédéfinie. C'est réparer l'ascenseur social, lutter contre les discriminations. Que le gouvernement s’attaque résolument aux contrôles au faciès, en expérimentant avec tous les acteurs de terrain les différentes solutions qui ont fait leurs preuves dans d’autres pays. Cela ne coûterait pas un euro et changerait la vie de millions de Français. La gauche, c’est une dynamique. Ce n'est ni le repli, ni le conservatisme, ni une vision répressive de la société.

Le gouvernement entend légiférer par ordonnances sur le travail dominical et les professions réglementées. Qu'en pense le secrétaire national « aux institutions et au renouveau démocratique »  du PS  ?

Les ordonnances peuvent être utiles pour légiférer sur des sujets techniques. Elles ne peuvent pas être utilisées pour contourner le débat démocratique ni pour demander un blanc-seing au Parlement sur des sujets majeurs.
 

Manuel Valls s'est fait applaudir à l'université d'été du Medef, en disant « J'aime l'entreprise » mais surtout en transgressant en une heure de discours à peu près tous les tabous de la gauche…

Tous les socialistes aiment l’entreprise, quand elle investit, qu’elle innove, qu’elle prend des risques et qu’elle fait de ses salariés de véritables acteurs. Mais je le dis : une majorité de gauche ne peut pas réussir si elle se contente de transgresser de soi-disant « tabous  », surtout lorsque ce sont des avancées sociales. Ça ne fait pas un projet politique. Évidemment que les entreprises créent de la richesse, mais plutôt que de célébrer les actionnaires, célébrons les vrais créateurs de boîtes, les entrepreneurs imaginatifs, les PME  ; facilitons la création d'activité, notamment dans les quartiers populaires ou les zones rurales, où beaucoup de gens fourmillent d'imagination.

Le gouvernement s'inspire désormais ouvertement des réformes menées en Allemagne à la fin des années 1990 par Gerhard Schröder. Poursuit-il un projet ouvertement social-libéral ?

En tout cas, il serait étrange de le faire alors que l'Allemagne, pays que je connais bien pour y avoir grandi, tente précisément aujourd'hui de réparer les dégâts de cette période, qui a entraîné une précarisation d'une partie de la société et instauré la stigmatisation des chômeurs. La mise en place aujourd’hui du salaire minimum par la grande coalition, c'est une réponse aux conséquences néfastes d’une partie de ces réformes. La force de l'Allemagne ne vient pas de la précarisation d’une partie de ses citoyens, mais de son appareil industriel, extrêmement compétitif et innovant, qui exporte massivement.

Le social-libéralisme est nocif, mais surtout totalement dépassé. Ne courons pas après des recettes anciennes en nous inspirant – avec vingt ans de retard  ! – de ce qui a été fait ailleurs. Pour une fois, innovons  !

Certains socialistes ont déploré la « brutalité » du remaniement et de l'éviction du gouvernement de plusieurs personnalités qui réclamaient une réorientation des politiques menées. Cela vous a-t-il aussi interpellé ?

Je suis fidèle au précepte de Jean-Pierre Chevènement : « Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne. » C’est dans cette logique que le président François Hollande et le premier ministre Manuel Valls ont agi. Au-delà de cet épisode, il y a deux façons de répondre à la crise d'une société française crispée, parfois tétanisée. Une façon autoritaire et conservatrice, que Lionel Jospin a parfaitement analysée dans Le Mal napoléonien. Et puis une autre, fidèle à notre histoire, qui mobilise les citoyens, lutte contre les privilèges et redonne espoir. Le maintien de l'ordre et le respect des comptes publics ne peuvent résumer le projet politique de la gauche. « Classes laborieuses, classes dangereuses », cela ne peut être notre programme !

Manuel Valls se comporte-t-il comme Napoléon ?

Je ne veux pas me livrer à ce genre de comparaison. Je dis simplement que le gouvernement ne peut pas marcher sur une seule jambe.

Vous émettez des nuances fortes avec la politique gouvernementale mais ne faites pas partie des « frondeurs ». Pourquoi ?

Il est normal que le Parlement soit un lieu de débats, surtout lorsqu’il y a des interrogations légitimes et sincères sur bien des sujets. Mais cette initiative me semble dépourvue de débouché politique. Nous devons éviter le face-à-face entre deux gauches sans espace de dialogue. La confrontation brutale serait périlleuse à court terme et létale à moyen terme. On ne peut en rester à ce dialogue impossible, sans pistes ni perspectives. Tout en laissant toutes les voix s'exprimer, il est indispensable de garder le lien entre nous et d’avancer ensemble sur un certain nombre de sujets que nous ne pouvons pas esquiver : bâtir une nouvelle République en réformant nos institutions, lutter contre la reproduction sociale, porter une voix d'ouverture sur certains sujets de société, inventer des projets de modernisation de l'économie et de la participation dans l'entreprise, imaginer une autre croissance. Mais aussi rassembler la gauche et toutes les forces progressistes.

Hors du gouvernement, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon peuvent-ils prendre la tête d'une coalition  des mécontents ?

C'est une possibilité. Méfions-nous de ne pas nous diviser encore plus. Construisons des perspectives politiques qui peuvent nous unir.

Le PS est-il en état de se reconstruire sur les bases que vous préconisez ?

Il n'est jamais trop tard. Jean-Christophe Cambadélis (le premier secrétaire du PS, ndlr) a convoqué des États généraux du parti, ce sera un moment important où tous les sujets devront être abordés. Le PS est divisé, mais soit on se résigne et dans ce cas on enterre la gauche pour trente ans, soit on ouvre ensemble de nouvelles perspectives. Toute une dynamique est à bâtir. Reconstruire un logiciel politique au pouvoir est la configuration la plus compliquée. On peut reprocher au PS de ne pas l'avoir fait pendant dix ans.

Notamment François Hollande, qui fut premier secrétaire du PS pendant une décennie (1997-2008) ?

Désigner un bouc émissaire est toujours commode : c’est une responsabilité collective.

BOITE NOIREL'entretien, réalisé au téléphone le week-end du 30-31 août, a été relu et légèrement amendé – sur des détails et des formulations.

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Démission de Thévenoud : encore un scandale fiscal au gouvernement

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L'amateurisme de l'exécutif laisse sans voix. Deux ans après l'affaire Cahuzac, trois mois après les révélations sur Jean-Marie Le Guen et la « sous-évaluation » grossière de son patrimoine immobilier, François Hollande et Manuel Valls ont réussi l'exploit, lors du dernier remaniement gouvernemental, de faire une fois de plus appel à un élu en délicatesse avec le fisc. Jeudi 4 septembre, Thomas Thévenoud, tout nouveau secrétaire d'État au commerce extérieur, a finalement été contraint à la démission à cause d'un problème de « conformité avec les impôts », comme l'a bizarrement formulé Matignon, qui affirme avoir découvert ce problème « après sa nomination ».

Mediapart avait été alerté dès la fin du mois de juillet sur la situation fiscale de l'intéressé, conseiller général de Saône-et-Loire depuis 2008, député depuis juin 2012, sans toutefois disposer d'éléments suffisamment probants pour écrire quoi que ce soit. 

Thomas ThévenoudThomas Thévenoud © Reuters

D'après des informations récoltées depuis, cet ancien chargé de formation chez ERDF, marié à la chef de cabinet du président du Sénat, ne déclarait pas ses revenus depuis plusieurs années. Certaines sources évoquent même le déclenchement, après plusieurs relances infructueuses, d'une procédure « d'imposition d'office » – un point non confirmé par l'intéressé, qui n'a pas retourné jeudi nos appels.

Dans un communiqué transmis dans la soirée à l'AFP, l'élu de Saône-et-Loire, qui rappelle n'avoir « jamais fait l'objet d'aucune poursuite judiciaire ou fiscale », a finalement admis des « retards de déclaration et de paiement », « à ce jour intégralement régularisés avec l'ensemble des pénalités qui s'y réfèrent ».

Mais à quelle date exactement a-t-il régularisé ? C'est désormais la question centrale – au-delà des montants concernés et de l'ampleur des « retards » – pour comprendre la gravité de cette affaire. Thomas Thévenoud a-t-il attendu sa nomination pour payer, contraint et forcé, ses dettes fiscales ? A-t-il donc accepté sa promotion avec une grenade dégoupillée dans la besace, faisant courir un risque politique majeur à sa majorité ? Pour un gouvernement de gauche qui prétend lutter contre la fraude fiscale, l'image est désastreuse – même si la faute reprochée au socialiste n'apparaît pas de la même gravité que l'évasion fiscale massive de Jérôme Cahuzac ou la sous-évaluation grossière de son patrimoine par Jean-Marie Le Guen.

La transparence sur cette date est aussi capitale pour calculer combien de temps Thomas Thévenoud a pu siéger à l'Assemblée nationale tout en trimballant son ardoise fiscale.

Porte-parole du groupe PS au Palais-Bourbon jusqu'à sa nomination le 26 août, Thomas Thévenoud faisait partie, à 40 ans, des figures montantes de l'Assemblée. Aux yeux d'un exécutif lâché par l'aile gauche du PS, il présentait aussi le mérite d'être issu du même territoire qu'Arnaud Montebourg et d'être identifié comme l'un de ses proches – bien que leur proximité politique soit toute relative. Son nom avait déjà circulé lors du précédent remaniement, début avril.

Ses camarades socialistes se disent aujourd'hui estomaqués. « Comment peut-on "oublier" de déclarer ses impôts ? s'interroge-t-on à l'Assemblée. La créativité des socialistes dépasse l'entendement. » Le week-end dernier, Thomas Thévenoud recrutait encore tranquillement pour former son cabinet. « Je dois dire que sa psychologie m'échappe... », réagit l'un de ses amis.

« C’est évidemment une très mauvaise nouvelle et on s’en serait bien passé. C'est un coup dur, indéniablement. Ça nourrit la défiance à l’égard des responsables politiques », a commenté vendredi la ministre de l’éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem. Elle a également estimé qu’il était « légitime » de se demander si Thévenoud pouvait décemment rester député, même si rien ne l’oblige à démissionner.

Ancien membre de la commission d'enquête sur l'affaire Cahuzac, Thomas Thévenoud avait à l'époque déclaré : « J'ai une question toute simple à lui poser : pourquoi a-t-il menti à la représentation nationale ? (Et) pourquoi il s'est menti à lui-même ? » Avant d'assener : « C'est une véritable trahison. » En octobre dernier, il lançait encore à propos des demandes de régularisation des fraudeurs : « Faites repentance fiscale parce que le compte à rebours va s'enclencher. »

Le sien s'est enclenché à la seconde où il a été promu. Depuis les réformes sur la transparence de la vie politique, adoptées en 2013 en réponse à l'affaire Cahuzac, la loi prévoit en effet que « tout membre du Gouvernement, à compter de sa nomination, fait l'objet d'une procédure de vérification de sa situation fiscale » – ce qui n'est pas systématique pour les parlementaires. Celle-ci est pilotée par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HAT), nouvellement créée et présidée par l'ancien haut magistrat Jean-Louis Nadal, qui interroge les services compétents de Bercy.

Jeudi soir, la HAT confirmait avoir lancé les opérations sur les six « entrants » du 26 août (dont Thomas Thévenoud et l'ancien banquier Emmanuel Macron) dès le lendemain de leur nomination. D'après les textes, le directeur général des finances publiques disposait ensuite d'un délai d'un mois pour rendre compte à l'autorité indépendante. À ce stade, impossible de savoir si la HAT a déjà été destinataire des résultats relatifs à Thomas Thévenoud ou s'ils ont emprunté un « circuit court » : directement sur le bureau du premier ministre.

Alors évidemment, pour sauver ce qu'il reste à sauver de son image, l'exécutif ne manquera pas d'affirmer que la démission du fautif vient prouver l'efficacité des nouveaux dispositifs de contrôle, votés sur l'impulsion de François Hollande contre l'avis de l'UMP. Que cette fois, la sanction est tombée sans que la presse ait encore écrit la moindre ligne. Cela n'est pas faux.

L'Élysée pourra faire valoir le bilan encourageant de la HAT, qui a déjà visé plusieurs membres des gouvernements successifs de François Hollande. Ainsi en mars 2014, elle a saisi le parquet de Paris du cas de Yamina Benguigui, ex-ministre de la francophonie sous Jean-Marc Ayrault, soupçonnée d'avoir omis d'indiquer dans sa déclaration de patrimoine des actions détenues en Belgique (une enquête préliminaire est en cours). Puis en juin, l'instance présidée par Jean-Louis Nadal a contraint Jean-Marie Le Guen, l'actuel secrétaire d'État aux relations avec le Parlement, à corriger sa déclaration en réévaluant la valeur de ses biens immobiliers, grossièrement minorée de 700 000 euros (lire nos révélations) – une procédure qui devrait en toute logique déboucher sur un lourd redressement fiscal. On notera que Jean-Marie Le Guen n'a jamais été prié de démissionner pour autant.

Sur le terrain des conflits d'intérêts, la HAT est enfin intervenue auprès de Geneviève Fioraso, l'actuelle secrétaire d'État chargée de la recherche, pour prévenir tout risque lié à son compagnon, haut placé au Commissariat à l'énergie atomique (CEA) comme directeur délégué de la direction de la recherche technologique (CEA Tech). La HAT a incité Geneviève Fioraso à se décharger officiellement « des actes de toute nature intéressant (CEA Tech) », comme le prévoit désormais un décret... paru en plein cœur de l'été.

Mais dans le dossier Thévenoud (remplacé jeudi soir par le député PS Matthias Fekl), c'est le bon fonctionnement de l'administration fiscale en Saône-et-Loire comme à Bercy, ces dernières années, qu'il reste à évaluer. À ce stade, trop de pièces manquent encore au puzzle pour saisir si le député a été traité comme n'importe quel citoyen – dans les mêmes délais, avec la même diligence. Il faudra aussi vérifier si des alertes, même informelles, n'avaient pas été lancées à des politiques locaux ou nationaux, et ignorées.

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Coquerel (PG) : « Pas question de mourir avec le PS ! »

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Ce samedi a lieu un conseil national déterminant pour l'avenir du Front de gauche, après les déceptions électorales du printemps. Divisés sur la marche à suivre, PCF et PG semblent emprunter des chemins différents. Le secrétaire national communiste Pierre Laurent plaidant, jusque devant les socialistes à La Rochelle, pour « l'écriture d'un chemin commun » avec les « frondeurs » et l'aile gauche du PS comme les écologistes d'EELV, tandis que Jean-Luc Mélenchon défend l'émergence d'un mouvement dépassant les partis et défendant le passage à une VIe République.

Pour Éric Coquerel, qui est devenu secrétaire national chargé de « la coordination politique » du Parti de gauche, au sein de sa nouvelle « direction collégiale », il importe de ne plus être rattaché au « système » et à la « gauche qui gouverne ». « Des assises avec tous les opposants à la politique de Hollande, ce ne sera pas suffisant pour répondre à l’ampleur de la crise », estime-t-il. Quant à savoir si le Front de gauche va être capable de surmonter ses désaccords, et notamment la question de l'autonomie vis-à-vis du PS, il répond : « Je l'espère »… Entretien.

Eric CoquerelEric Coquerel © Reuters

L’organisation du Parti de gauche (PG) a changé lors de ses dernières universités d’été. Jean-Luc Mélenchon et Martine Billard ont abandonné leur co-présidence et la direction est désormais « collégiale ». Cela signifie qu’eux seuls pouvaient assumer cette fonction ?

Non, cela signifie que ce rôle de président était paradoxal pour un parti qui se bat pour la fin de la Ve République. À partir du moment où tous deux, pour des raisons politiques, souhaitaient ne plus assurer la fonction de leadership organisationnel d’un parti, on a jugé que cela n’était plus utile. Dans les faits, ce sera notre prochain congrès qui validera cette suppression, mais le bureau national du PG a décidé de ne pas les remplacer.

Quand on a créé le PG, tous les fondateurs se reconnaissaient derrière le leadership intellectuel et politique de Jean-Luc. À l’époque, la fonction de président semblait alors logique même si, pour sa part, il a toujours été dubitatif sur cette fonction. À partir du moment où il fait un pas de côté, pour surtout se consacrer à l’émergence d’un mouvement pour la VIe République, on en a profité pour réorganiser les choses.

Comment jugez-vous l’état du PG aujourd’hui ?

En juin, on a eu une période difficile. Les européennes ont été un échec, et ont marqué la fin d’un moment stratégique pour nous. Cela faisait quasiment six ans qu’on était sur la brèche, au four et au moulin, et beaucoup de fatigue et de tension avaient été accumulées. On a pris deux mois pour déjà vérifier si on était tous encore d’accord politiquement. On a perdu un peu de militants, mais notre “remue-méninges” de la mi-août à Grenoble a permis de bien repartir. Et on constate des adhésions et des ré-adhésions depuis. Pour aborder la période qui s’ouvre, on est en bonne santé.

Vous parlez de la fin d’un moment stratégique. Quelle analyse faites-vous de votre échec ?

On a bien réussi jusqu’à la présidentielle, en réunissant l’autre gauche pour changer le rapport de force face au PS. On a sorti « notre gauche » de la marginalité pour devenir un acteur incontournable. Deux ans après, il y a aussi eu quelques réussites, car nos marches, du type de celle du 5 mai 2013 pour la VIe République, l’ont été, mais c’est vrai que globalement nous n’avons pas atteint notre objectif. Le PS s’écroule, on ne passe pas devant, et le FN termine en tête. Donc c’est un échec. Parce qu’on s’est ingénié pendant deux ans à dilapider le succès de la présidentielle, en tout cas à ne pas être capable de le rééditer. C’est principalement dû à l’absence de stratégie nationale commune. Il était vain de penser qu’on pourrait effacer aux européennes la division des municipales. Elle nous a rendus largement illisibles et divisés. Mais en plus, les alliances contractées aux municipales avec le PS ont ramené le FDG dans le « système ». Le Front de gauche pouvait apparaître comme le cousin de famille très critique, mais en appartenant quand même à la même famille que la gauche qui gouverne aujourd’hui.

Ce qui nous entraîne au raisonnement suivant : vu qu’aux yeux du plus grand monde, c’est LA gauche qui gouverne, l’idée que l’alternative dépende de l’unité de l’autre gauche dans l’objectif de passer devant le PS pour bousculer le rapport de force à gauche ne convainc pas assez. C’était la stratégie originelle du FDG mais après trois ans de Hollande, elle ne marche plus. Il a cassé encore davantage tous les repères par sa politique ! Cette hypothèse mobilise la partie la plus politisée de l’électorat mais pas tous ceux qui se disent, même  inconsciemment : s’ils imaginent s’allier au 2nd tour pour gouverner alors c’est qu’ils appartiennent au même monde. Il faut donc être capable d’arriver à une alternative qui ne dépende pas de forces du système, qui ne dépendent donc pas des alliances avec le PS au second tour.

En l’état, ça revient à faire le pari que le PS va inéluctablement s’effondrer, et qu’il n’y a plus rien à attendre de lui…

En effet, je ne pense pas que ce parti résistera longtemps aux échecs électoraux. Ce qui est à venir, ce sont des défaites aux départementales et aux régionales. Or, le PS vit en s’appuyant sur ses élus. Ce parti a changé irrémédiablement de sociologie et de nature, par rapport à ce qu'il était voilà trente ans, et il est désormais étroitement lié à la défense de la société de marché, au libéralisme. Aujourd’hui, il y a une quarantaine de frondeurs contre 200 députés qui soutiennent le gouvernement. À La Rochelle, après une semaine vraiment insupportable pour tout homme de gauche, Valls reçoit quelques huées mais réussit son coup à la fin. Trois jours après avoir été adoubé par l’université d’été du Medef, il conclut sans trop de souci celle de son parti.

Encourager les critiques internes du PS et les soutenir dans un congrès en espérant qu’ils prennent la majorité, sans certitudes en plus sur la sincérité du scrutin, ce serait pendant un an dépendre de ce parti et apparaître avec lui comptables du bilan du quinquennat Hollande. Or le PS actuel ne subsistera pas après 2017, et pas question de mourir avec lui et Hollande ou un(e) autre social-libéral(e) de remplacement.

C’est pour cela que Jean-Luc a proposé un pas de côté avec le projet d’un mouvement pour la VIe République. Il ne s’agit pas de nier l’utilité des partis mais de créer un mouvement qui les dépasse, Ce doit être différent, plus ample, plus à même de mobiliser le peuple. L’objectif est de remettre en mouvement au moins une partie des millions d’abstentionnistes des dernières européennes. Et, comme il n’y aura pas deux candidats libéraux qualifiés, voire pas du tout, c'est de jouer ainsi le second tour de la prochaine présidentielle et la victoire. Ce n’est pas contradictoire avec l’existence du FDG mais chacun comprendra que ce ne peut être le simple prolongement du FDG. Il faut viser plus large : fédérer le peuple.  

Jean-Luc et Mélenchon et Pierre Laurent, à Grenoble, le 25 août 2013Jean-Luc et Mélenchon et Pierre Laurent, à Grenoble, le 25 août 2013 © S.A

Pourquoi n’y aurait-il pas deux candidats libéraux au second tour en 2017 ?

Bon an mal an, si on regarde l’histoire française des trente dernières années, le peuple français n’adhère toujours pas au libéralisme. Souvent cela s’est exprimé dans des formes politiques confuses, comme Chirac et la fracture sociale en 1995 face à Balladur, ou Sarkozy en 2007 qui faisait campagne sur un retour d’un pilote à la tête de l’État, ou encore Hollande et la grand-messe du Bourget. C’est aussi, à sa façon ethniciste et néo-fasciste opposée à la nôtre, le FN qui s’adosse désormais à un discours antilibéral. Or aujourd’hui, le PS est dans le même camp libéral que la droite traditionnelle. A minima un des deux sera éliminé. Et celui qui vient de gouverner est le plus affaibli. Nous voulons donc faire en sorte qu’on ne finisse pas dans un duel FN / droite extrémisée.

Mais la relation au PS reste cependant le principal différend entre vous et les communistes, qui plaident toujours pour des convergences avec les socialistes critiques et les écologistes… Ce différend ne semble pas pouvoir être davantage surmonté que les années précédentes…

Est-ce que ce différend est surmontable ? Je l’espère… Le PG a été créé pour forger le Front de gauche. Donc on ne part pas dans l’objectif de sacrifier l’union de forces militantes précieuses. Il y a beaucoup d’accords entre nous, et un diagnostic commun face au gouvernement Valls. Mais il y a aussi des débats et des divergences sur ce qu’il faut faire. L’analyse selon laquelle l’orientation Valls/Hollande serait minoritaire chez les socialistes, et qu’il conviendrait alors d’aider à remettre le PS sur les bons rails, me semble être une analyse fausse. C’est une illusion de penser que le PS va changer de centre de gravité dans les deux ans. Il faut donc vérifier qu’on est bien d'accord là-dessus car cela a des implications très concrètes. J’espère que nous y parviendrons.

On n’est pas opposé à discuter avec les frondeurs, on discute d’ailleurs avec certains d’entre eux. Mais on a peu de temps devant nous, et il ne faudrait pas qu’ils nous ramènent, avec leurs ambiguïtés, au système déjà évoqué. Pour résumer, si c’est pour discuter et finir aux côtés de Cambadélis, ça ne nous intéresse pas. Nous avons jusqu’à décembre pour voir se clarifier les choses. Nous allons donc regarder avec attention ce que font les frondeurs et EELV sur le vote de confiance. S’ils ne sont pas d’accord, qu’ils fassent tomber Valls 2, car les applaudimètres de La Rochelle ne suffisent pas à nous convaincre. S’ils sont au bout du compte avec nous dans l’opposition à Hollande tant mieux, cela ira plus vite. Mais ce qui est sûr, c’est que nous ne pouvons pas dépendre d’eux et de leur évolution incertaine. Il faut donc construire quelque chose qui ne dépende pas d’eux, sur des bases claires d’opposition assumée.

Qu’est-ce qu’on peut attendre réellement et concrètement aujourd’hui du Front de gauche ?

Très franchement, depuis un an environ, tout le monde est d’accord pour évoluer et se dépasser vers un “front du peuple”. Sauf qu’on n’arrive pas à concrétiser ce dépassement. Le mouvement pour une VIe République c’est donner vie à ce Front du peuple. Mais si on veut que ça marche, on ne peut pas le faire en transvasant le défaut structurel du Front de gauche : celui d’être un cartel. Créer ce cartel a été un pas positif, nécessaire. C’était bien que ça existe sous cette forme, mais on voit bien que nos assemblées citoyennes n’ont jamais été à même de rassembler beaucoup plus largement que l’addition des militants de nos partis. Ou alors rarement. Certes cela n’a pas été suffisamment voulu ni encouragé mais ce n’est pas le seul problème. Je ne crois pas que le peuple ait envie aujourd’hui d’adhérer massivement à une organisation ni à un cartel. Or c’est cela l’ambition si on veut renverser la table. Des assises avec tous les opposants à la politique de Hollande, pourquoi pas ? Ça peut être utile, mais ce ne sera pas suffisant pour répondre à l’ampleur de la crise, et ça ne donnera pas davantage envie aux gens d’adhérer.

 

Les élections régionales ne peuvent-elles pas être l’occasion d’élargir l’expérience de la municipale grenobloise ? Et celle-ci passe aussi par des accords entre partis ou courants politiques…

On reste un parti, donc on ne nie évidemment pas leur rôle, encore moins au moment d’élections. Mais si on parle de Grenoble, il y a une alliance entre deux partis, mais surtout un grand mouvement citoyen. C’est dans ce sens que ça doit se passer : des partis qui travaillent à déclencher une dynamique citoyenne qui les dépasse. C’est la condition d’une révolution citoyenne. Est-ce que le Front de gauche peut œuvrer à ce déclenchement citoyen ? Cela implique déjà pour les régionales de trancher un débat préalable entre nous : se garantir d’être autonome du PS lors des prochains scrutins. On ne peut pas rejouer les dernières municipales et attendre jusqu’à un mois avant, que le PCF ne décide de stratégies variables, et que nous nous retrouvions dans un patchwork illisible.

Ce mouvement pour la VIe République laisse entendre que les partis ne suffisent plus. Mais y a-t-il aujourd’hui, alors qu’un gouvernement élu par la gauche est au pouvoir, la place pour une mobilisation d’ampleur ?

Je n’ai absolument aucune certitude sur le fait qu’on y arrive, mais je ne vois pas d’autres solutions pour éviter le pire que d’espérer que le peuple revienne aux affaires. Pour une très grande majorité de la population, y compris une grande part de ceux qui ont voté Hollande pour se débarrasser de Sarkozy, constatons que le clivage gauche-droite n’a plus de sens. C’est un crève-cœur mais les responsables sont ceux qui comme Hollande ont brouillé ce clivage, pas le peuple. On ne peut dès lors faire reposer un mouvement visant à fédérer le peuple sur son appartenance obligée à LA gauche. Ce qui n’empêche pas que notre projet est évidemment de gauche au sens réel du terme. On connaît l’électorat politisé du Front de gauche, il est constant, il tourne autour de 7 % à chaque élection sauf justement lors des présidentielles. Si on en croit les sondages qui testent les mêmes candidats qu’en 2012, le potentiel de la présidentielle est toujours là. Il faut aller le rechercher, le mettre en mouvement, l’élargir chez ceux qui s’abstiennent comme chez ceux qui n’en peuvent plus de Hollande. Comme le dit Jean-Luc Mélenchon : « Le système n’a plus peur de la gauche, il a peur du peuple. » Cela signifie aussi que pour combattre le système, le peuple ne compte plus sur la gauche. Pour lui parler, il faut tenir compte de cette équation sinon on se fait plaisir et on se rassure à bon compte.

Mais vous évoquez la VIe République depuis la présidentielle, et avez déjà organisé une marche le 5 mai 2013 sur le sujet. Or cette revendication se résume essentiellement à la convocation d’une assemblée constituante, ou de l’instauration d’un référendum révocatoire de mi-mandat. Ce contenu n’est-il pas un peu “léger” pour mobiliser ?

On pourrait penser que la constituante est uniquement une méthode, mais c’est en réalité l’expression d’une volonté : que le peuple redevienne souverain. C’est un moteur essentiel. Une nouvelle constitution ne peut pas être le fait que de partis ou d’experts. Ça n’est pas neutre, c’est au moment de la constituante de 1789 que sont nées spatialement la gauche et droite : pour compter les voix, on a mis ceux qui s’y opposaient au nom de la souveraineté populaire à gauche de l’hémicycle et les autres à droite. Mais bien sûr nous portons aussi une conception de la VIe. Le pouvoir revenant au parlement, en finir avec le fait que la politique soit un métier réservé à une minorité, instaurer une république sociale, bref le peuple souverain partout y compris pour contester le pouvoir démesuré accordé au capital. Nous voyons la VIe République comme une réponse globale dans un moment où le capitalisme prive le peuple de sa souveraineté, pas seulement comme une approche institutionnelle.

Cela va passer par quel type d’initiatives ?

Nous sommes évidemment en phase avec Jean-Luc Mélenchon quand il explique que ce ne peut être le mouvement d’un parti, et encore moins d’un homme. Vous comprendrez dès lors que les choses ne sont pas calées. Il faut déjà travailler à réunir des personnalités diverses qui sont d’accord pour le lancer comme on a su le faire pour initier la marche du 5 mai. Par ailleurs, il y a au moins un principe : il faut que ce soit un processus populaire, donc qu’on puisse par exemple y adhérer directement. Il faut que cela nous dépasse rapidement.

Mais l'essentiel, y compris dans l’irruption populaire que nous espérons, ce sont les batailles sociales et citoyennes contre le gouvernement Valls 2 qui vont avoir lieu. Tout ce qui peut rassembler les syndicats, les associations, les syndicats, en respectant évidemment l’indépendance et les formes d’actions propres de chacun, sur cet objectif, comme nous l’avons fait lors de la marche du 12 avril, est également essentiel et en rien contradictoire d’un mouvement pour la VIe République. Car le mieux serait d’en finir très vite avec ce gouvernement de droite.

BOITE NOIREL'entretien a eu lieu jeudi 4 septembre dans un café parisien. Il a duré un peu moins d'une heure, et a été relu et amendé (sur la forme) par Éric Coquerel.

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Thévenoud : le fisc a prélevé d'office son indemnité de député

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Pour récupérer l’argent que lui devait Thomas Thévenoud, l’administration fiscale a dû aller jusqu’à ponctionner son indemnité de député, directement à la source. D’après des informations obtenues par Mediapart, le fisc a ainsi expédié ces dernières années plusieurs « avis à tiers détenteur » aux services de l’Assemblée nationale afin de recouvrer un montant total avoisinant les 10 000 euros.

Avant d’être propulsé au gouvernement le 26 août dernier, le socialiste avait passé deux ans sur les bancs du Palais-Bourbon, où il pourra retourner automatiquement d'ici quelques semaines.

Thomas ThévenoudThomas Thévenoud © Reuters

Jeudi soir, après sa démission forcée du poste de secrétaire d’État au commerce extérieur, Thomas Thévenoud a d’ores et déjà admis des « retards de déclaration et de paiement » vis-à-vis du fisc, sans préciser aucune date, ni aucun montant. Il a surtout évité de spécifier la date à laquelle sa situation fiscale a été définitivement régularisée.

Mediapart a révélé dès jeudi soir que le socialiste de Saône-et-Loire (toujours conseiller général), n'avait pas rempli ses déclarations de revenus depuis plusieurs années et qu'il avait été, après plusieurs relances, soumis à une procédure d'« imposition d'office ».

Sollicité par Mediapart, Bernard Roman (PS), l’un des trois questeurs du Palais-Bourbon (ces députés chargés par leurs collègues de la gestion de l’Assemblée), a refusé de confirmer ou d’infirmer nos informations. « Je ne souhaite pas commenter de cas individuels », explique-t-il. Il reconnaît simplement que des « avis à tiers détenteur », visant les traitements de quelques députés ou des retraites d'anciens, arrivent de temps à autre aux services financiers de l’Assemblée, qui les exécutent de façon mécanique.

 → Mise à jour : Vendredi soir, Thomas Thévenoud a accordé sa première interview de ministre démissionnaire au Journal de Saône-et-Loire, titrée: « On peut m’accuser de négligence, pas de malhonnêteté ». Le socialiste y confirme nos informations sur son imposition d'office, sans aller jusqu'à expliquer la procédure de prélèvement sur son indemnité parlementaire, ni les montants concernés.

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Aux Baumettes, les familles de détenus se retrouvent sur le trottoir

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C’était depuis quinze ans une halte pour les proches des détenus avant d’entrer aux Baumettes. Au bout de la ligne de bus 22, en contrebas du centre pénitentiaire de Marseille (9e arrondissement), les « femmes de parloirs » trouvaient 35 mètres carrés où poser leur cabas de linge propre, prendre un café, discuter, régler un problème de permis de visite ou tout simplement s’abriter du mistral et des intempéries. Mais depuis le 1er août 2014, le petit local du Centre d’accueil des Baumettes (CAB) a baissé son rideau métallique. Faute de financements, l’association a résilié le bail et licencié un de ses deux salariés. À défaut de renflouements d’ici mi-octobre, Robert Bret, président de l'association, envisage le dépôt de bilan (lire en page trois).

L'ancien local du CAB, à 200 mètres des Baumettes, a fermé début août.L'ancien local du CAB, à 200 mètres des Baumettes, a fermé début août. © LF

« Le centre d'accueil remplissait une carence de l’administration en maintenant le lien qui doit exister entre la prison et la société », regrette Me Lionel Febbraro, avocat marseillais à l’origine d’une pétition pour le maintien du CAB. La loi pénitentiaire de 24 novembre 2009 reconnaît « le droit des personnes détenues au maintien des relations avec les membres de leur famille ». Dans les établissements pénitentiaires délégués au privé, c’est un prestataire rémunéré qui mène à partir d’un cahier des charges l’accompagnement des familles. « Comment expliquer alors que l’État – dans les établissements restant encore à gestion publique, comme les Baumettes – ne soit plus en mesure de financer pleinement une action s’inscrivant dans la loi ? » s’étonne Robert Bret, ancien sénateur et élu municipal communiste, dans une lettre envoyée le 25 mars 2014 au préfet de police de Marseille.

Un espace d’accueil des familles est prévu au sein du futur établissement Baumettes 2, qui doit ouvrir en 2017, afin « que l'enfant ait une vision apaisée et sereine de l'enfermement de son parent », expliquait son architecte dans Marsactu. Dans l’entrebâillement d’un portail gardé par un vigile, on aperçoit un gigantesque chantier, coincé au pied des collines des calanques. Deux bâtiments de béton gris percés de petites ouvertures sont déjà sortis de terre.

En attendant, c’est sur un bout de trottoir que les familles guettent l’appel, au milieu des couffins et des poussettes. Les visiteurs en profitent pour écrire au marqueur le nom de leur proche et son numéro d’écrou sur leurs grands cabas. Une femme glisse ses tongs dans son sac à main et enfile des chaussures à talon. Seul « luxe », quatre bancs que l'administration a fini par installer.

L'entrée des parloirs aux Baumettes.L'entrée des parloirs aux Baumettes. © LF

Le CAB a provisoirement trouvé refuge dans un petit local, percé en 2010 dans le premier mur d’enceinte des Baumettes. Les bénévoles partagent ces 20 m2, mis à disposition par l’administration, avec l'Association parents de détenus (APD). Ce mardi matin, les surveillants sont en retard. Ils débarquent à 8 h 10, précédés par le bruit de leur trousseau de clefs, pour ouvrir et inspecter rapidement les lieux. C’est rudimentaire – des toilettes, quelques chaises – et pour la confidentialité on repassera.

Pas de place non plus pour la ludothèque de l’association, alors qu’en 2013 le CAB a accueilli près de 4 000 enfants (sur un total de 29 200 visiteurs). « Cela montre bien l’indifférence ; c’est honteux que personne n’ait pensé aux enfants », s’indigne Araxie Gagachian, salariée de l’association depuis sa création en 1999.  Elle a vu grandir pas mal de gamins. « En quinze ans, l’atmosphère de la prison, les possibilités d’accès, de regard extérieur se sont réduites », estime Araxie Gagachian. Et se retrouver dans un local pénitentiaire coincé entre deux murs d’enceinte ne faisait pas vraiment partie du projet associatif d’origine, pensé à la fin des années 1980 par des magistrats, des avocats et des militants des cités. 

À l'époque, il était question d'héroïne et non de trafics de cannabis, mais le constat était déjà le même : l'absence de lieu-relais qui retienne les proches de détenus sur le point de sombrer. « Nous louions un minibus qui partait du centre social des Flamants (14e arrondissement) et amenait les mamans des Flamants, de la Busserine, des Iris, aux parloirs des Baumettes », se souvient Yamina Benchenni, éducatrice spécialisée de formation et militante d'extrême gauche. Les fondateurs imaginaient donc un lieu ambitieux, à l’extérieur de la prison, avec un espace pour les familles qui viennent de loin et sont obligées de dormir à l’hôtel. « Au départ, ils voulaient racheter un bar devant la porte des Baumettes qui s’appelait “On est mieux ici qu’en face”, mais on s’est heurtés à l’opposition des riverains, des organisations syndicales qui ne voulaient pas “avoir des voyous juste en face” et de l’administration pénitentiaire qui avait racheté le bâtiment », raconte l’ancien élu communiste Robert Bret.

Au fond du local, un petit carnet à la main, les visiteurs se pressent autour de deux bornes électroniques installées en août par l’administration pénitentiaire pour réserver les parloirs. Selon les statistiques officielles, le taux d'occupation de la maison d'arrêt des Baumettes atteignait 155,8 % au 1er août 2014, avec 1 865 détenus pour 1 197 places. Chaque prévenu a théoriquement droit à trois parloirs par semaine, chaque condamné à deux.

Jusqu'en août 2014, les parloirs ne pouvaient être pris que de l'intérieur des Baumettes.Jusqu'en août 2014, les parloirs ne pouvaient être pris que de l'intérieur des Baumettes. © LF

Mais pour espérer réserver un rendez-vous un mercredi ou un samedi, jours communs aux trois bâtiments du centre pénitentiaire, « il faut être devant les Baumettes aux aurores quinze jours avant », explique Nadine, 49 ans, qui habite Marignane. « À 10 heures le vendredi, tout est déjà parti », confirme une autre femme. Et lorsqu’il n’y a plus de créneau disponible, plutôt que de se faire engueuler, les standardistes des Baumettes ne décrochent tout simplement plus. « C’est l’enfer, poursuit Nadine. On y passe des journées entières. Il m’est arrivé de recharger mon téléphone portable deux fois sans les joindre ! » « L’administration pénitentiaire, c’est une porte fermée et un téléphone qui ne répond pas », résume Robert Bret.

Seules les associations permettent d’entrouvrir cette porte. Comme pour ces trois jeunes, venus de La Castellane (15e arrondissement) à l’extrémité nord de la ville, qui ont trouvé porte close pour leur double parloir de 8 h 45. Il est précisément 8 h 45 et ils trépignent. « Les surveillants sont juste derrière la porte mais il nous ont dit trop tard, alors que nous étions à l’heure. » Un coup de fil plus tard sur la ligne interne, le problème est résolu : ils rentreront au prochain tour de parloir, mais pour une demi-heure seulement. « L’administration décroche, car ils savent que nous avons un rôle régulateur », se félicite Robert Bret.

L'entrée des Baumettes où a lieu l'appel pour les dix parloirs de la journée.L'entrée des Baumettes où a lieu l'appel pour les dix parloirs de la journée. © LF

Trois fois par semaine, Nouara, 48 ans, traverse la ville depuis Grand Littoral (15e arrondissement) afin de voir son fils en préventive depuis un an et demi « pour une bagarre en récidive ». Le vendredi, elle passe trois heures dans les transports en commun uniquement pour réserver le parloir du samedi. C’est une « abonnée » du CAB où elle avait l’habitude de venir grappiller des nouvelles sur ce qui se passe en prison, prendre le café et se réchauffer. « L’hiver, ça va être l’horreur avec tous les enfants dehors », redoute-t-elle. Nouara a en poche les cartes électroniques d’une dizaine de proches de détenus qui travaillent, habitent loin ou ne peuvent se déplacer. Elle prend les parloirs pour eux. Chacun ses astuces, les minutes sont précieuses. « Je préfère le parloir de 8 h 20, il est un peu plus long. Le 8 h, des fois, ils le plient », confie avec un petit sourire une femme toute menue. Et quand le système des parloirs entre en collision avec la réforme des rythmes scolaires, cela devient un vrai casse-tête. Ce mercredi matin, Karima, 34 ans, est venue du centre-ville avec ses trois enfants. Le plus jeune a neuf mois. « J’avais oublié qu’il y avait école le mercredi matin cette année pour les deux aînés, dit-elle, ennuyée. Je ne sais pas comment on va faire car le samedi, c’est impossible d’avoir des parloirs. »

L’association aide aussi les proches à faire leurs premiers pas dans un univers carcéral méconnu. « Le public accueilli, ce n’est pas le grand banditisme, dit Robert Bret. Ce sont les plus vulnérables, les gens qui ne s’attendaient pas à cette épreuve et qui se retrouvent d’un coup marginalisés, marqués du fer rouge de l’infamie. Certaines femmes sont complètement épuisées par l’incarcération de leur fils ou de leur époux et auraient besoin d’un suivi. » Baya, 52 ans, se souvient qu’elle ne savait plus que pleurer lorsque son fils de 18 ans a été placé en détention provisoire, accusé de cambriolage à main armée. « J’étais perdue, ce sont eux qui m’ont pris le premier parloir, expliqué pour le linge, etc. », dit-elle. « Le fait de dire bonjour, de prendre un thé avant de rentrer au parloir où il y a l’angoisse, c’est humain… »

Le CAB est en contact avec l'administration pénitentiaire et les magistrats pour régler des situations individuelles.Le CAB est en contact avec l'administration pénitentiaire et les magistrats pour régler des situations individuelles. © LF

Car à l’extérieur, pour les proches, c'est la double peine. « On est condamnés comme eux, on n'a plus de dignité », dit Nadine dont le conjoint a encore dix-huit mois à tirer. D’abord financièrement : frais d’avocats, frais de transports, mandats, télévision, cantine, « en prison tout se paie », rappelle Nadine qui compte tout. « Les mandats, normalement, ça met 48 heures à arriver, mais, lui les reçoit en fin de mois, donc quand je n’ai plus de cigarettes après le 20 du mois, bien souvent, c’est lui qui m’en donne ! » raconte-t-elle. Baya, qui habite La Cayolle (9e arrondissement), une des rares cités du sud de Marseille, a quitté son travail de caissière pour s’occuper de son fils incarcéré et de ses deux autres enfants. La prison la ronge. « Vous n’avez plus de vie. J’ai vieilli, je ne mange plus, je ne dors plus, je me réveille en sursaut. Pourquoi a-t-il fait ça ? Qu’est-ce qui peut lui arriver là-dedans ? Et quand il va sortir, va-t-il arrêter ou vont-ils lui apprendre des choses pires ? » Son fils ne s’étend pas sur les conditions de détention, mais le linge qu’elle récupère chaque semaine parle pour lui. « Il a une odeur de moisissure pas possible, c’est horrible », dit Baya. « Une fois, une seule fois, il m’a dit : “Il y a un détenu qui décide de tout ce qu’on va faire dans la journée. C’est lui qui décide si on sort ou pas, si on va jouer au foot ou pas.” »

En octobre 2012, les contrôleurs qui avaient inspecté les Baumettes étaient revenus bouleversés : rats, cafards, crasse, inondations, fenêtres cassées, immondices, racket, passages à tabac, viols. Les Baumettes 2, avec une capacité de 573 places, ne résoudront qu’une partie du problème. Car la partie la plus vétuste et la plus dure, la maison d'arrêt des hommes (Baumettes 3), n’a quant à elle eu le droit qu’à quelques travaux de rénovation. Leila, la soixantaine, est sortie pour ne pas pleurer devant les autres. Son fils est en détention provisoire depuis deux ans au quartier d’isolement, celui réservé aux présumés violeurs, isolés pour leur propre sécurité. « Il est plein de cachets, il s’est automutilé et menace de se suicider », sanglote-t-elle, adossée au mur d’enceinte. En cas de risque suicidaire, l’association peut effectuer des signalements à l’administration, « mais c’est comme des bouteilles à la mer », dit Araxie Gagachian. Via l’association, Leila fait aussi passer à son fils des blocs de papier pour écrire ses demandes de remise en liberté. Et de la documentation sur l’ADN et sur la Cour européenne des droits de l’homme.

Un parloir des Baumettes en octobre 2012.Un parloir des Baumettes en octobre 2012. © G. Korganow/CGLPL

Une grand femme brune surgit comme une tornade dans le local, poussette à la main. Son « parloir » a été écourté car elle avait « oublié » une puce téléphonique dans son portefeuille. Elle est catastrophée : « C’est moi qui l’ai signalée au surveillant ! » assure-t-elle. Son permis de visite est suspendu en attendant un débat contradictoire. Elle ne verra pas son compagnon avant plusieurs semaines. Selon Robert Bret, de plus en plus de familles tentent de faire rentrer des produits illégaux lors des parloirs : argent, téléphone portable, clefs USB, shit, etc. Il évoque des cas de rackets, favorisés par la surpopulation et le sous-effectif de surveillants. Le SPS estime qu’il manque environ 60 surveillants sur 585 postes. « Il y a deux ou trois surveillants pour un bâtiment de 600 détenus, indique Cyril Antolin, 28 ans, secrétaire régional du Syndicat pénitentiaire des surveillants (SPS). Certains jours, nous ne pouvons même plus assurer les douches. Ça crée des tensions, avec des petits caïds qui font la loi. Les familles se font menacer à l’extérieur et sont obligées de faire rentrer de la résine de cannabis ou de l’argent. »

Depuis le début de l’été, le climat s’est encore durci au sein de la prison. Fin juillet, trois détenus ont été gravement blessés dans les douches avec un couteau à lame en céramique ; le 16 août, c’est un surveillant, agressé par un détenu, qui a eu les deux poignets fracturés. Selon les syndicats, de nombreux couteaux et matraques circulent toujours. Il seraient rentrés dans des colis lancés depuis le chantier du nouveau bâtiment. « En juillet, un week-end, près de 70 colis sont tombés dans la cours de promenade, nous en avons récupérés certains mais d’autres ont été remontés par les “yoyos” (des fils entre les fenêtres des cellules – Ndlr) », indique Cyril Antolin. Le centre se passerait donc bien de familles à cran en plus des tensions internes. « Nous représentons les familles donc nous sommes souvent taxés d’angélisme, remarque Araxie Gagachian. Mais si les familles n’arrivent pas à résoudre leurs problèmes, ce sont les détenus qui seront directement impactés et il risque d’y avoir des rébellions et des mutineries. »

L'association a trouvé refuge dans le local de la Porterie.L'association a trouvé refuge dans le local de la Porterie. © LF

En quatre ans, le centre d’accueil des Baumettes a perdu un tiers de ses subventions, passant de 84 000 euros versés en 2010 à 57 000 euros promis en 2014 (par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, le département des Bouches-du-Rhône, le fonds interministériel de prévention de la délinquance, le Cucs). Et encore seuls 32 500 euros étaient arrivés dans les caisses début septembre 2014, selon l’association. « S’ils n’honorent pas leurs subventions, nous serons en situation de dépôt de bilan fin octobre », indique Robert Bret, président de l’association. Trois autres institutions, la ville de Marseille, la caisse d'allocations familiales (CAF) des Bouches-du-Rhône et l'administration pénitentiaire, n’ont pour l’instant pas renouvelé leur subvention. « Depuis quelques années, les subventions sont données uniquement sur des projets de moins de deux ans, soupire Robert Bret. On nous dit que les subventions n’ont pas pour objet de payer des loyers, qu’il faut se tourner vers le mécénat et les fondations. » L’ancien élu a donc arpenté la chambre de commerce et d’industrie de Marseille. « Mais, en terme de communication, pour une entreprise, les Baumettes, ce n’est pas très valorisant… »

Caroline Pozmentier, adjointe à la sécurité et à la prévention du maire de Marseille, indique que deux subventions seront votées lors du conseil municipal du 13 octobre 2014. « Nos subventions ont diminué, mais nous n’avons pas abandonné le CAB », assure-t-elle, en rappelant que l’association remplit avant tout une mission régalienne. L’élue indique que ses services ont donc demandé au CAB de « s’inscrire » dans les objectifs de la « stratégie territoriale et partenariale » du Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). L’un de ces objectifs est « le suivi personnalisé des populations précaires quand il y a un enfant primo-délinquant, de l’absentéisme scolaire », explique Caroline Pozmentier.

Plus de 500 personnes passent dans les parloirs chaque jour.Plus de 500 personnes passent dans les parloirs chaque jour. © LF
Contactée, l’administration pénitentiaire n’a pour l'instant pas donné suite. De son côté, la préfecture de police de Marseille, qui, en 2014, a accordé 6 000 euros à l'association au titre du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) en 2014, répond privilégier « plutôt les actions qui visent la réinsertion professionnelle et qui ont un lien plus “mesurable” avec notre sujet », c'est-à-dire la prévention de la délinquance. En bref, les cofinanceurs ont conditionné leur soutien à l'implantation de l'association dans le local mis à disposition par l'administration pénitentiaire et à son partenariat avec l'Association parents de détenus. Une réponse trop tardive et insuffisante pour les responsables du CAB, qui n'entendent pas « être transformés en auxiliaires de justice ». L'APD, qui fonctionne uniquement avec des bénévoles et 18 000 euros de budget annuel, compte, elle, poursuivre son activité, malgré la petite taille du local. « Ça pourra aller en attendant 2017 », assure sa présidente, Jacqueline Seimpère. En période de restriction budgétaire, les bénévoles ont les épaules larges…

 

Lire Au pied des murailles, sur le site marseillais Chez Albert, qui avait suivi en 2012 le début des travaux aux Baumettes

BOITE NOIRELes personnes citées ont été rencontrées le 2 et le 3 septembre 2014 aux Baumettes, à l'exception de Nadine, jointe par téléphone après avoir découvert son texte sur les « femmes de parloir » sur le blog de Bruno des Baumettes, un ancien détenu. Elle y parle du regard des autres, lorsqu'elle se rend aux Baumettes, dans le bus, dans le métro…

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Le FN a toujours autant de mal avec la liberté d'informer

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Le Front national a du mal à cohabiter avec la démocratie, malgré la « normalisation » revendiquée par Marine Le Pen depuis sa conquête de la présidence du parti. Samedi, à Fréjus (Var), où est réunie ce week-end l’université d’été du FNJ, le mouvement jeune du FN, notre journaliste a été proprement éjectée du rassemblement, à la mi-journée, après avoir pourtant assisté à la session matinale, et malgré une accréditation en bonne et due forme donnée le matin-même.

« Vous ne pouvez pas re-rentrer, nous avons reçu des consignes de la direction en début d’après-midi. Nous devons également reprendre votre badge (un autocollant “presse” donné aux journalistes à l’entrée – ndlr) », a expliqué le service de presse, après avoir fait raccompagner notre journaliste à l’extérieur par trois membres du service d’ordre tentant de lui arracher l’autocollant. Quelques minutes plus tôt, le photographe Alain Robert, pris pour un journaliste de Mediapart, a été poussé violemment par un membre du service de sécurité, qui lui a lancé : « Mediapart, tu te casses ! »

Les confrères de la presse écrite et du web (AFP, Le Monde, L’Opinion, L’Humanité, Le Ravi, Le Canard enchaîné), ainsi que certaines radios (RFI) ont décidé en conséquence de boycotter l’université d’été. « Il n’appartient pas au FN, ni au FNJ, de décider quels journalistes peuvent, et quels journalistes ne peuvent pas couvrir les évènements qu’ils organisent, a de son côté déclaré Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières, dans un communiqué. Qu’un parti politique s’avise de sélectionner les journalistes autorisés à traiter de son actualité est une dérive évidemment très dangereuse. » Qui ajoute : « Le Front national dispose d’une couverture médiatique nationale. Les principes démocratiques voudraient que le parti accepte la pluralité de cette couverture. L’éviction pure et simple d’une journaliste et plus généralement, l’interdiction d’un média sont des méthodes indignes d’un parti républicain, qui se doit de respecter le droit à l’information. »

Quelques heures plus tôt, devant les jeunes frontistes, le secrétaire général du parti, Steeve Briois, vantait pourtant les investigations de Mediapart. Évoquant les affaires du PS dans le Pas-de-Calais, dénoncées par le FN depuis plusieurs années, il a expliqué : « Tout ça, nous l’avons découvert parce que nous avons fouiné, nous avons fait un travail d’investigation bien plus important que Mediapart. (…) Dénoncer, c’est bien. N’hésitez pas à faire ce travail d’investigation », a-t-il conseillé aux futurs candidats du FN. Un conseil qui n’était visiblement pas valable pour les journalistes qui travaillent sur le Front national.

Interrogé sur cette exclusion par notre consœur de L’Opinion, Philippe Martel, le chef de cabinet de Marine LePen a répondu : « Ça fait deux ans qu'ils sont interdits de séjour, ils devraient le savoir », tout en reconnaissant qu’au niveau de l’image donnée par le parti, ce n’était « pas malin ». Rappelons que dans un entretien donné à l’hebdomadaire Le Point du 29 mai 2014, Philippe Martel affichait la couleur, affirmant que le parti avait mis en place un « plan média » pour « attaquer à mort les journalistes ».

De son côté, la direction du FN assume totalement cette décision. Interrogés samedi par nos confrères, Florian Philippot, vice-président du FN, comme Julien Rochedy, le président du FNJ, ont justifié l’accréditation puis l’éjection de notre journaliste par un « petit problème de coordination et d'organisation », comme l’a résumé Rochedy à l’AFP, alors que « Mediapart ne rentre pas dans les manifs du Front depuis très longtemps, depuis que Mediapart a boycotté le FN à la présidentielle ». Le même Rochedy, pourtant croisé la veille par notre journaliste, n'avait pas réagi.

Depuis la campagne présidentielle de 2012, le Front national refuse à Mediapart l’entrée de ses événements. Une décision formulée en février 21012 par plusieurs de ses responsables (lire notre billet « Le Front national censure la presse »), et qui intervenait après le refus de Mediapart d’inviter Marine Le Pen à notre émission live 2012, mais aussi après notre décryptage détaillé de son projet présidentiel (comme pour tous les partis).

À l’époque, nous avions choisi d’inviter les candidats de l’alternance (ou de l’alternative) progressiste et démocratique : François Bayrou, Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon et François Hollande. Nous avions explicité notre choix de ne pas inviter Marine Le Pen.

« Nous ne sommes pas un service public et nous ne sommes pas plus soumis aux critères du CSA. Ce sont nos choix éditoriaux qui, jour après jour, construisent l’identité éditoriale, l’offre rédactionnelle qui vous est proposée. C’est ainsi que plutôt qu’une interview de Marine Le Pen, nous avons préféré depuis 2008 une autre démarche journalistique : le reportage, l’enquête et l’expertise. À ce titre, le Front national a été méthodiquement couvert. Et le Front national a d'ailleurs parfois reconnu la qualité de cette couverture ! » avait expliqué François Bonnet, le directeur éditorial de Mediapart (vous retrouverez une large sélection de ces enquêtes et reportages en page 3).

Marine Le Pen avait ainsi cité, un mois plus tôt, sur France Inter (voir les images à 4’30), notre enquête sur les pressions subies par les maires qui avaient parrainé le FN en 2007 (« Parrainer le FN : des maires disent “plus jamais” »). L’un de nos reportages (« En Moselle, “la peur du FN n'existe plus”») a également été cité à la tribune du meeting de Metz, le 11 décembre 2012. Depuis, son parti a également souvent relayé et cité nos enquêtes sur le PS ou l’UMP.

Depuis la campagne de 2012, nos journalistes sont donc systématiquement refoulés des événements du Front national, une date qui correspond également à une accélération du travail d'enquête de Mediapart sur le sujet (lire page 3). À la Convention du FN à Lille, en février 2012 (lire notre article), au Zénith, en mars 2012, ou plus récemment, en avril, lors d’une réunion militante d’Aymeric Chauprade, puis lors d’une conférence de presse de Marine Le Pen sur les européennes, malgré l’invitation de notre journaliste par le directeur de communication du candidat Chauprade (lire l’article du figaro.fr).

Mais Mediapart n’est pas le seul média boycotté par le Front national. Ces derniers mois, malgré la stratégie de « dédiabolisation » affichée par le parti, plusieurs journalistes ont été refoulés d’événements officiels du FN : un journaliste de L’Express dont les enquêtes sur le passé sulfureux de David Rachline ont déplu au nouveau maire, Canal Plus (le « Petit Journal », régulièrement, et la « Nouvelle édition »). Lors de la campagne municipale par exemple, les équipes de Yann Barthès, qui ont cassé plusieurs plans com’ de Marine Le Pen, n'ont pu accéder à une conférence de presse du candidat FN aux municipales d'Avignon, entraînant un boycott général des journalistes qui, ce jour-là, a contraint le FN à revenir sur sa décision. Même chose quelques semaines plus tard, lors d'un discours de Marine Le Pen pour ses vœux à la presse. La présidente du mouvement avait alors expliqué que « certains médias sont dans un combat politique, ils en assument les conséquences ».

En décembre 2012, c'est un photographe de l'AFP qui n'avait pas reçu l'aval de la direction du Front national pour assister à une conférence de presse. Il avait été refoulé du siège du parti à Nanterre, qui avait fait savoir que les images de Marine Le Pen diffusées par l'agence étaient « laides » et « aberrantes ». « Vous vendez des photos d'elle tellement laides qu'elles frisent l'insulte », avait expliqué à l'agence de presse la directrice de cabinet de Marine Le Pen.

En janvier 2011, lors du Congrès de Tours, les Le Pen décident de bloquer l’accès à Azzedine Ahmed Chaouch, journaliste à M6, mais surtout auteur du livre Le Testament du diable (Les éditions du Moment), qui a déplu aux dirigeants du parti. Les hebdomadaires Rivarol et Minute n’ont pas pu couvrir le congrès non plus : Jean-Marie Le Pen leur reprochait d’avoir trop servi Bruno Gollnisch dans la bataille interne au parti.

Si un journaliste assiste à une scène sans y avoir été invité, il peut aussi se trouver physiquement en danger. Lors du même congrès de 2011, Mickaël Szames, journaliste de France-24, a été agressé par deux hommes du service d'ordre, condamnés par la suite « pour violences commises en réunion, suivies d'incapacité de travail n'excédant pas huit jours ». Ils ont également écopé d'une amende, en réparation des préjudices moral et matériel.

Le 12 juin dernier, le service d’ordre du Front national a violemment bousculé une quinzaine de journalistes venus couvrir, à Nice, un meeting de Jean-Marie Le Pen. Brigitte Renaldi, journaliste d’Europe 1, a porté plainte pour violence contre sa personne. Une autre journaliste a reçu un coup à la poitrine. Dans un communiqué de soutien, RSF rappelait : « l’histoire du FN est émaillée d’incidents à l’égard des journalistes, notamment sous la présidence de Jean-Marie Le Pen. Entre 1990 et 2011, Reporters sans frontières dénombre plus d’une vingtaine d’épisodes violents impliquant le service d’ordre du parti d’extrême droite ou ses militants. »

En novembre 1992, tous les journalistes avaient boycotté le discours de Jean-Marie Le Pen, en solidarité avec le journaliste Thomas Legrand, interdit de travail. Le FN avait essayé d’empêcher la diffusion d’une enquête dans « Envoyé Spécial », sur France 2, à laquelle participait Thomas Legrand. À l'époque, le FN avait appelé RMC, faisant passer la consigne suivante, en substance : « Pour sa sécurité, Thomas Legrand ne devrait pas venir au congrès. » Des journalistes avaient été, dans la foulée, agressés lors de la Fête bleu-blanc-rouge, d'où le boycott.

Autre épisode, début 1998 : la première réunion du pré-gouvernement du FN à l'hôtel Crillon place de la Concorde à Paris. À l'époque, John-Paul Lepers, de Canal Plus, avait posé une question anodine à Jean-Marie Le Pen, qui n'avait pas daigné répondre, malgré plusieurs relances. Des journalistes avaient quitté la salle pour protester, s'attirant les foudres du parti qui les avait supprimés de la mailing-liste des communiqués pendant trois mois.

Le Front national ne se contente pas de cibler des médias. Il sait également mettre la pression sur les chercheurs ne diffusant pas la bonne parole de sa présidente. Mediapart avait raconté, en décembre 2012, les tweets du compte du FN qualifiant deux chercheurs d’« extrême droite ». Florian Philippot reprochait aux deux universitaires d’avoir qualifié le FN « d’extrême droite » dans les médias.

Tout récemment, des chercheurs se sont plaints que plusieurs projets d'enquête au Front national n'ont pu aboutir faute d'autorisation de la direction. Florian Philippot a d’ailleurs sermonné publiquement sur Twitter un sociologue qui avait expliqué au Figaro que les collectifs créés en nombre par le FN (collectif d’enseignants, collectif de jeunes entrepreneurs, etc.) étaient des « coquilles vides » dont les chiffres d'adhésion restaient par ailleurs « impossible à vérifier ». Les chercheurs couvrant l’extrême droite soulignent d’ailleurs que cette situation n’existe pas chez les autres partis. Dépendants du Front national pour leurs enquêtes, entretiens et questionnaires, ces universitaires sont soumis à une forme d’autocensure lors de leurs interventions médias, conscients qu’une analyse qui déplaît au FN pourrait leur fermer à l'avenir les portes du parti.

Un autre épisode, rapporté par l'historien des extrêmes droites Nicolas Lebourg : en juin 2013, Florian Philippot n'a pas compris pourquoi le parti n'était pas invité à un colloque de chercheurs pour les 40 ans du FN (lire ici).

Si elle exclut certains médias (et, donc, certains chercheurs), Marine Le Pen sait également s’en servir pour dérouler sa stratégie. Possibilité offerte par des médias scrupuleusement « impartiaux », voire carrément « porte-micro ». Ces derniers jours l’ont encore montré avec une interview de Marine Le Pen dans Le Monde, vendredi; Florian Philippot, vice-président du Front national, chez Patrick Weill de France Inter, ce samedi matin, ou encore les inévitables direct de BFM TV pour couvrir l’université d’été.

Et c’est ainsi que Florian Philippot peut sans problème se retrouver avec le titre de « plus gros squatteur de matinales de l'été » décerné par LeLab d’Europe 1.

Derrière ce rapport aux médias du Front national se pose pour les journalistes la question de la couverture du FN. Comment couvrir le Front national ? Quelle place lui accorder ? Faut-il interviewer Le Pen ? Pendant la campagne présidentielle, nous avions interrogé nos confrères sur le sujet. Cet éternel débat qui agite la profession, se pose aujourd’hui tout particulièrement pour la presse quotidienne régionale dans les 14 villes gagnées par l’extrême droite (dont 11 FN).

Interrogé en 2012, Thierry Richard, chef du service politique à Ouest-France, nous expliquait ainsi que le Front national a fait évoluer le journal dans la façon de titrer les papiers : « Le tournant, ça a été la phrase de Jean-Marie Le Pen : “Les chambres à gaz sont un détail de l’histoire de France.” On s’est dit : on ne peut pas un jour titrer une interview comme ça. Depuis lors, on a changé notre façon de titrer les interviews, pour le FN comme pour les autres. On évite les citations. On ne veut pas être le tableau d’affichage du Front national. »

Dans les années 1990, Var-Matin avait été un véritable contre-pouvoir face au maire frontiste Jean-Marie Le Chevallier. Et aujourd’hui ?

Retrouvez ci-dessous l'expertise détaillée du programme du FN :

Front national: notre contre-argumentaire en 20 fiches

Nos 20 fiches (regroupées ici dans un seul dossier) :
1/ Un «nouveau FN» bien proche de l'ancien

2/ La sortie de l'euro
3/ La dette
4/ L'«Etat fort»
5/ Economie et social
6/ Agriculture
7/ Immigration
8/ Sécurité
9/ Justice

10/ Logement
11/ Santé et recherche
12/ Education
13/ Ecologie

14/ Place des femmes
15/ Laïcité

16/ Culture
17/ Démocratie et institutions
18/ Presse et numérique

19/ Politique étrangère
20/ Europe

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Pour rappel, une sélection de nos articles sur le FN et Marine Le Pen. Cliquez sur les titres ci-dessous :

Enquêtes sur le Front national :
«Quand le directeur de campagne de Marine Le Pen moque le “client-électeur”», enquête du 29 mars 2011.
«Les chers parrains du Front national», enquête du 18 novembre 2011.
«Parrainer le Front national: des maires disent plus jamais», enquête du 19 janvier 2012.
- «FN: quatre gestions municipales, quatre échecs» (série de 4 articles), septembre 2012.
- «La «GUD connection» tient les finances de Marine Le Pen», 17 octobre 2013.
- «Du GRECE au GUD: la galaxie radicale de Marion Maréchal-Le Pen», 29 janvier 2014.
- «Chauprade, un pied au FN, l'autre chez les ultras d'extrême droite», 13 mai 2014.
- «Les villes FN, un nouveau business pour les sociétés proches de l'extrême droite», 28 août 2014. 

Marine Le Pen et sa tentative de « dédiabolisation » du FN :

- « Les réseaux russes de Marine Le Pen », 19 février 2014
- « La rencontre bricolée de Marine Le Pen avec des retraités », 2 novembre 2013.
- « Le Pen, les médias et le “FN new look” », 16 septembre 2013.
« Le Pen vs Le Pen: l'impossible normalisation du Fron national », article du 1er août 2011.
« Front national: les réseaux obscurs de Marine Le Pen », article du 9 septembre 2011.
« Comment parle Marine Le Pen: une journée dans le Var », reportage du 13 mars 2011.
« Comment Marine Le Pen construit sa boîte à idées », enquête du 12 janvier 2011.
« Enquête sur une stratégie de communication », enquête du 21 avril 2010.
« Marine Le Pen et la grosse bête qui monte », analyse du 14 décembre 2010.
« Fin de parti pour le FN », enquête du 17 mars 2009.

La riposte au Front national :
- « Face au FN, des stratégies de riposte à géométrie variable », enquête du 1er février 2012.
« Les syndicats veulent contrer le discours “social” du FN », enquête du 24 mars 2011.
« Immigrés: une boîte à outils pour répondre à Le Pen et Sarkozy », article du 11 mai 2011.

Le virage soi-disant «social» du FN et sa tentative de récupération du vote ouvrier :
« Le Pen: son “Vive la sociale” de pacotille inquiète la gauche et l'UMP », enquête du 14 décembre 2011.
« En Moselle, “la peur du FN n'existe plus” », reportage du 10 décembre 2011.
« Marine Le Pen reprend le slogan de Mélenchon », billet de blog du 11 décembre 2011.
« Sur le terrain, le FN n'est pas le “parti des ouvriers” »,  enquête du 5 octobre 2011.
« Comment Marine Le Pen parle aux classes populaires », enquête sur les ressorts du vote FN dans les milieux populaires.
« L'OPA du FN sur la “démondialisation” »,  enquête du 24 mai 2011.
« A Saint-Nazaire, les ouvriers veulent résister aux assauts du Front national », reportage du 18 mars 2011.
« Cantonales: là où perce le FN » et « Ces fractures françaises que révèle la percée du FN ». Analyses des résultats du FN aux élections cantonales de mars 2010.

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A Montreuil, le Front de gauche choisit de se maintenir en vie

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Le Front de gauche n’est pas mort, mais il ne bouge pas encore. Ce samedi, dans la salle des fêtes de la mairie de Montreuil, environ 200 responsables nationaux et cadres locaux, encartés et non-encartés, se sont reparlé. Toute la journée, à huis clos, sauf pour la dernière heure et demie, les interventions de trois minutes ont dégagé un consensus autour du rejet franc et massif du gouvernement Valls, mais rien de plus. Tout juste a-t-il été décidé une réunion du même type courant novembre, et énoncé une volonté de relancer d'ici là les assemblées citoyennes. Avec le sentiment, vu le peu d’enthousiasme ambiant, qu’il s’agissait là de formules de politesse, davantage que de réelle dynamique.

« En juillet, le Front de gauche était proche de la mort, mais ce n’est plus le cas, tout le monde était présent et s’est reparlé, philosophe l’eurodéputée Marie-Christine Vergiat. Il faut déjà se satisfaire de cela, et se dire que c’est une première étape. » De cette journée, à laquelle ont assisté côte à côte Pierre Laurent et Jean-Luc Mélenchon, on ne retiendra toutefois qu’une « déclaration » commune, somme toute assez convenue, évoquant des participations à d’éventuelles manifestations syndicales à venir, des « initiatives » à prendre, mais sans dire lesquelles, la VIe République comme « moyen essentiel de sortie de crise », ou un appel à « ne pas voter la confiance » à Manuel Valls.

 

Assemblée générale du Front de gauche, Montreuil, le 6 spetembre 2014Assemblée générale du Front de gauche, Montreuil, le 6 spetembre 2014

 

Pour autant, impossible de dire de quoi demain sera fait au Front de gauche, chacun parmi les diverses composantes du rassemblement de la gauche radicale semblant rester dans son couloir stratégique, et personne n’ayant visiblement envie de se confronter sur ses différends, faute de pouvoir réellement les trancher.

 « On a encore du travail à faire sur notre projet par rapport à l’incroyable glissement d’un gouvernement qui n’a plus rien de social et qui est désormais strictement néo-libéral, explique le dirigeant communiste Francis Parny. Le rassemblement de la gauche que nous appelons de nos vœux ne peut plus prendre la même forme qu’il y a dix ou quinze ans… » Pour le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, si « le diagnostic fait consensus : il n’y a aucun avenir avec le gouvernement Valls », il reste au Front de gauche à trancher l’éternel débat « sur la construction d’un rassemblement alternatif ».

Lui défend un retour de la gauche plurielle moins le social-libéralisme, avec des écologistes et des socialistes en désaccord avec les orientations du pouvoir actuel. À la fête de L’Humanité, le week-end prochain, il fera bon accueil à Cécile Duflot et Emmanuelle Cosse, comme à Christian Paul et aux « principaux frondeurs ». Et Laurent ne cache pas sa volonté de mettre en scène les convergences. « C’est un moment pour concrétiser des actions, des discussions sur l’alternative gouvernementale, dit-il. Le Front de gauche a un rôle de premier plan à jouer. À nous d’être audacieux et de ne pas attendre que se déroule le scénario dramatique déjà annoncé par les sondages. »

Pour la direction communiste, l’union de la gauche reste la voie la plus réaliste de sortie de l’impasse, loin des espoirs de « révolution citoyenne » de Jean-Luc Mélenchon. « Des réalités commencent à s’imposer, dit Pierre Laurent. Beaucoup pensaient il y a peu que le PS ne bougerait jamais ou que les écologistes ne sortiraient jamais du gouvernement. Et les lignes vont continuer de bouger dans le mouvement social. »  Le sénateur PCF assure ne pas vouloir « continuer un tête-à-tête » avec le parti de gauche (PG), mais entend « convaincre qu’il y a un chemin praticable à emprunter ».

Mais les proches de Mélenchon semblent plus que sceptiques sur la viabilité de ce chemin. « On note les réflexions chez certains socialistes, mais elles paraissent bien faibles face aux chantages à la dissolution », tempère ainsi l’ancienne co-présidente du PG, Martine Billard. « Accompagner des actes, oui. Applaudir des paroles, non », renchérit Alexis Corbière, secrétaire national du PG. Lui-même ancien socialiste, il s’agace des atermoiements et des tergiversations, et redoute une « perte de temps » supplémentaire. « Je ne doute pas de la sincérité du tourment des frondeurs socialistes, que je connais bien pour certains, dit-il, mais si ça se finit par des abstentions, à quoi bon… Les faits trancheront, mais on ne peut pas bâtir une stratégie sur l’évolution au PS. »

Comme l’a indiqué à Mediapart Éric Coquerel (lire l’entretien), le PG a surtout plus envie désormais de se tourner vers le peuple et les abstentionnistes que de continuer à négocier des coalitions avec le « système ». Mais si personne n’a contesté les envies de Jean-Luc Mélenchon de dépasser le Front de gauche en lançant un « mouvement pour la VIe République », peu ont fait connaître leur enthousiasme devant l’initiative. « On est les seuls à proposer quelque chose qui sort des vieilles recettes, des campagnes militantes et des discussions avec toute la gauche », explique Corbière. D’accord, « la situation est compliquée, inédite et dangereuse, mais soit on continue à se le dire indéfiniment et on se plombe à force de se le dire, soit on essaie de s’adapter à la période, et de répondre à la crise civique ».

Même si la révolution bolivarienne ne vient pas en France, Mélenchon et les siens n’abandonnent pas la lecture latine des événements. « L’expérience sud-américaine a bien montré que les grands changements sociaux vont toujours avec les grands changements institutionnels », dit Corbière, tandis que les dirigeants du PG évoquent désormais l’expérience espagnole de Podemos (parti né du mouvement des indignés).

 

Olivier Dartigolles, Pierre Laurent et Jean-Luc Mélenchon, à Montreuil le 6 septembre 2014Olivier Dartigolles, Pierre Laurent et Jean-Luc Mélenchon, à Montreuil le 6 septembre 2014 © compte twitter de Alexis Corbiere

 

À mi-chemin entre PCF et PG, la troisième composante du Front de gauche, les anticapitalistes d’Ensemble ! (rassemblement d’anciens communistes rénovateurs et d’anciens de la LCR et du NPA) cherchent une troisième voie compromissoire. « Nous sommes aujourd’hui en tension entre la nécessité d’occuper un espace politique distinct de la gauche gouvernementale et la difficulté de ne pas tomber pour autant dans la logique de cordon sanitaire avec le PS », explique Clémentine Autain. Pour elle, le modèle à suivre doit être celui des collectifs antilibéraux de la campagne du référendum de 2005 : « Être clair sur notre positionnement et créer des passerelles », jusqu’à des socialistes (comme Fabius, Emmanuelli ou… Mélenchon). Elle prolonge : « C’est un peu ce qui s’est passé à Grenoble. Avec un discours clair, on a accompagné des passerelles citoyennes et soutenu un écologiste, alors même qu’EELV participait au gouvernement. » Quid alors des socialistes ? « Soit ils continuent dans le même bateau et contribuent à le couler, soit ils en changent. »

Ensemble ! défend de son côté l’idée d’assises locales puis nationales, avec toutes les forces intéressées, afin de « réenclencher un processus de discussion » sur quatre thèmes (démocratie, partage des richesses, transition écologique, luttes pour l’égalité). Mais sans certitude, là non plus, que l’initiative emporte l’adhésion d’un Front de gauche pour l’instant peu désireux de partir à l’abordage militant, jugeant préférable de prendre le temps de l’observation de la décantation du paysage politique. « Il faut reconnaître qu’au rythme où vont les choses, on en vient à faire l’analyse politique à la semaine »,soupire l’ancienne co-présidente du PG, Martine Billard.

L’impression d’un Front de gauche anémié irrite aussi de nombreux cadres, fatigués de l’emprise des logiques d’appareil sur le rassemblement de la gauche radicale. Parmi eux, Danielle Obono, l’une des anciennes porte-parole de la campagne présidentielle. Elle ne mâche pas ses mots sur l’apathie généralisée d’un mouvement qui prend son temps pour se remettre en branle. « On dit tous que la catastrophe est là, mais on ne fait rien, dit-elle. On réagit à la petite semaine, mais on ne construit rien. Par exemple, on n'a aucun discours sur le FN. Depuis le “Front contre Front” de Mélenchon, on a décrété que ça ne marchait pas, mais on n'a rien proposé depuis… »

Amère, Obono se lamente devant une situation où « tout le monde s’écoute parler et manier la langue de bois, se redit tout ce qu’on se dit depuis 5 ans, en remplaçant Sarkozy par Valls. À force, les adhérents de 2012 se sont peu à peu retirés, et il ne reste plus que les survivants. Ce n’est pas avec ça qu’on reconstruira la gauche ». Moins pessimiste et plus patiente, Clémentine Autain veut croire que le réalisme imposera à chacun de continuer à jouer collectif : « C’était déjà utile de se reparler, vu qu’on avait pris l’habitude d’être distant les uns des autres. Tout le monde a dit son attachement au Front de gauche, et c’est une bonne chose, car de toutes façons on n’a pas le choix : si le Front de gauche meurt, qui survit ? »

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Dominique Rousseau : « On a inversé la fonction de la Constitution ! »

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Divorce entre un pouvoir élu et ceux qui ont voté pour lui récemment, contradictions entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, présidentialisme isolé dans des réflexes monarchiques, jeux de rôles ambigus entre le président de la République et le premier ministre : les évènements politiques de cette rentrée s'inscrivent dans les blocages institutionnels et les malfaçons constitutionnelles de la Ve République.

Dominique RousseauDominique Rousseau

Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne examine pour Mediapart les ressorts profonds d'une débâcle politique qui n'est pas seulement celle du parti socialiste mais aussi celle d'un régime constitutionnel de plus en plus inapte à prendre en compte les évolutions et les exigences des sociétés contemporaines.

Mediapart. Ce à quoi nous avons assisté la semaine dernière s'apparente-t-il à un énième déchirement du PS ou à une crise institutionnelle ?  

Dominique Rousseau. Incontestablement, c'est d’abord une crise institutionnelle. Les institutions, qui sont faites pour permettre un échange fluide et continu entre les gouvernés et les gouvernants, sont aujourd'hui bloquées. Elles n’entendent plus ce qui se dit dans la société et la société ne les écoute plus. Cette situation politique peut être qualifiée d’autisme institutionnel puisque les canaux institutionnels de communication entre les gouvernés et les gouvernants sont aujourd’hui bouchés.

Les montres molles, Salvador DaliLes montres molles, Salvador Dali

Mais c’est aussi une crise sociale. On entend souvent dire qu’un conflit entre l’exécutif et le Parlement, ou entre le président de la République et le premier ministre, n’est pas si grave car il s’agirait « seulement » d’une crise institutionnelle. Ce n’est pas ma position. Cette crise institutionnelle est une crise sociale parce que les institutions sont, dans la conjoncture actuelle, ce qui fait tenir debout les sociétés. Sans institutions, les sociétés ressembleraient aux montres molles de Salvador Dali. Si les institutions sont en crise, c'est qu'il y a une crise du lien social. Les institutions ne sont qu’une mise en abyme de l’ordre social.

On a aussi beaucoup entendu le vocabulaire de la « crise de régime ». Vous paraît-il pertinent ?

Oui, il y a une crise de régime, qui se situe elle-même à l’intérieur de la crise socio-institutionnelle dont je viens de parler. La crise de régime renvoie à cette figure constitutionnelle française qui fait coexister deux institutions élues au suffrage universel, le président de la République, et l’Assemblée nationale. Et les circonstances politiques ont conduit à faire du président un capitaine dans une structure qui reste parlementaire. Or il y a une incompatibilité entre président actif et régime parlementaire. Au Portugal, en Autriche, le président est élu mais il n’est pas le capitaine ; le capitaine, c’est le premier ministre.

On ne découvre pas aujourd’hui cette incompatibilité, mais jusqu’à présent, on a mis des rustines sur la Constitution de 1958, comme la réduction du mandat de 7 à 5 ans et des élections législatives calées juste après la présidentielle. Mais, souvent, une rustine n’empêche pas la chambre à air de fuir ailleurs. C’est la situation aujourd’hui. Il faut changer ce régime constitutionnel qui conduit à une impuissance politique, du parlement à qui on demande de se taire, de l’Élysée qui n’a plus la majorité de sa politique.

La Constitution actuelle fonctionne comme un bouclier pour les gouvernants, elle protège le président de la République et le premier ministre des « secousses de l’opinion », comme disent les journalistes. Mais une Constitution doit être d’abord un bouclier qui protège les citoyens contre le risque d'arbitraire des gouvernants ! On a inversé la fonction d'une Constitution qui est de garantir au peuple que ceux qui exercent le pouvoir en son nom respecteront ses volontés.

Pourquoi cette crise éclate-t-elle maintenant ?

Parce que les rustines n'ont fait que déplacer le problème et que cela devient impossible de résoudre le blocage qui se crée de manière répétitive entre l’Assemblée nationale et l’exécutif par de simples rafistolages. Depuis la réforme du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, en 2002, tous les quinquennats – ceux de Chirac, Sarkozy ou Hollande – ont connu des difficultés de fonctionnement liées à l’impossibilité de définir le véritable responsable politique.

Chirac s’est heurté à Sarkozy, Sarkozy s’est heurté à Fillon et Copé, Hollande se heurte aux frondeurs. Le problème n’est donc pas politique, c’est un problème structurel, lié à ce que nos institutions ne sont pas solides, mais rigides. Or, entre le chêne et le roseau, on sait celui qui s'en sort en cas de tempête. À l’heure actuelle, nos institutions corsètent la société, qui ne peut s’exprimer au Parlement, et cela déborde.

À vous entendre, le problème serait donc moins le présidentialisme, que la dyarchie du pouvoir légitime ?

Charles de Gaulle en 1961Charles de Gaulle en 1961
Absolument. Le problème depuis 1958, malgré ce qu'en disait de Gaulle, est qu'il y a une dyarchie qui finit toujours par entraîner des blocages entre le premier ministre et le président de la République, indépendamment de la volonté des hommes et des couleurs politiques. De Gaulle et Pompidou, Pompidou et Chaban, Giscard et Chirac, Mitterrand et Rocard… Il y a un défaut de fabrication politique qu’on a voulu dissimuler sous le tapis, mais aujourd’hui, la poussière est devenue un tas qui a troué le tapis constitutionnel.

Un autre élément très important de cette crise de régime est que ceux qui nous gouvernent sont enfermés dans ce que j’appelle une « pensée d'État ». Ce sont des énarques très compétents, mais formatés à penser les choses de la société à partir d'un a priori sur ce qu'est l'intérêt général. Ils estiment que les citoyens sont incompétents pour définir ce qu'est l'intérêt général de la société et jugent donc normal de définir eux-mêmes ce qu’il est. C'est une pensée tragique pour la France qui a aujourd’hui besoin d'une « pensée de la société. »

Les « gens » sont capables, si on les laisse s’exprimer et délibérer, de produire des règles, de trouver l’intérêt général. Ce ne sera sans doute pas le même que celui produit par la promotion Voltaire, mais ce sera à hauteur des expériences vécues par les gens. La démocratie n'est pas une question d'arithmétique, mais une question d’expériences de vie. Or notre société raisonne à partir d'une pensée d'État abstraite, au moment où elle a besoin d'une pensée des expériences.

Dans les dernières années, toutes les questions importantes ont été sorties non par des députés, mais par les lanceurs d'alerte. La société est capable de mettre sur la place publique non seulement les questions qui font problème, comme la santé, l’alimentation, le logement, mais elle est aussi capable de produire des réponses, d’imaginer des règles nouvelles pour l’intérêt général.

Pensez-vous que l'écriture d'une nouvelle Constitution pourrait résoudre les dysfonctionnements à répétition de la politique française ?

Oui, mais à condition que ce soit une vraie réécriture, et non une écriture qui vise à distribuer autrement le pouvoir entre ceux qui l'ont déjà. Elle devrait faire accéder à l'exercice du pouvoir ceux qui en sont à la marge ou en sont exclus.

Cela veut d’abord dire qu'il faut créer une nouvelle assemblée où s'expriment les expériences de vie concrètes. La question prioritaire ne me semble pas être de donner plus de pouvoir à l’Assemblée nationale, mais de permettre à ce que De Gaulle appelait les « forces vives » de disposer d’une assemblée pour représenter les citoyens concrets, dans leurs activités professionnelles, associatives ou de consommateurs. Ce que n’est absolument pas le Conseil économique, social et environnemental aujourd’hui. Il faudrait donc le remplacer par une vraie Assemblée sociale.

Aujourd’hui, l’Assemblée nationale représente le citoyen abstrait et il faut une autre assemblée pour représenter les citoyens concrets, c’est-à-dire situés dans leurs activités professionnelles et sociales. Et il faut bien sûr reconnaître à cette assemblée un pouvoir délibératif et non seulement consultatif. Dans nos sociétés complexes, la volonté générale doit être connectée avec ce que vivent quotidiennement les gens, dans leurs métiers ou leurs activités sociales de parents d’élèves, de consommateurs… Or notre régime actuel repose sur une conception unidimensionnelle du citoyen, à savoir l’électeur. Le citoyen est pourtant pluriel et les autres figures du citoyen doivent s’exprimer dans une assemblée pour exister.

Souvenez-vous du raisonnement de l’abbé Siéyès « Qu'est-ce que le Tiers-État ? Tout. Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordre politique ? Rien. Que demande-t-il ? À être quelque chose. » Il a fallu que le Tiers-État se dote d’une assemblée pour pouvoir participer à la volonté générale. Il faut aujourd'hui un processus similaire pour ce citoyen « social », qui doit disposer d’une nouvelle assemblée, l’assemblée sociale, pour pouvoir exprimer la manière dont il vit, travaille ou consomme.

Cela modifiera les thèmes sur lesquels légiférer et la manière de le faire. Regardez par exemple la question du fait religieux et du voile en entreprise. L’Assemblée nationale juge qu’il faut une loi parce qu’elle est prise dans des préoccupations électoralistes, mais le Conseil économique et social a jugé qu’il fallait laisser les acteurs sociaux régler les problèmes sans en passer par la loi, car ils ont une bien meilleure vision des enjeux, des difficultés et des manières de les résoudre.

Le deuxième élément fondamental, si on rédigeait une Constitution, serait la suppression du Conseil d'État, qui se définit parfois lui-même comme étant l'âme de l'État. Or, aujourd'hui, ce dont notre société a besoin, c'est précisément de rompre avec cette conception bonapartiste et étatique d'un lieu sacré où se fabriquerait l'intérêt général, pour laisser vivre les institutions de la société qui, par la délibération, l'échange d'arguments, la vivacité de l'espace public, peuvent produire cet intérêt général renouvelé.

Supprimer le Conseil d'État signifierait concrètement que le contentieux administratif serait transféré à la cour de cassation, à l'intérieur de laquelle on créerait une chambre administrative. Et la fonction consultative, exercée actuellement par le Conseil d'État, serait transférée au ministère de la Loi, qui devrait remplacer le ministère de la Justice.

En effet, les caractéristiques de la justice ne sont pas compatibles avec sa participation à un gouvernement, car la justice doit être impartiale, objective et neutre, or un gouvernement est partial, et c’est normal. Je propose donc de sortir la justice du gouvernement et de remettre la formation, la nomination et la discipline des magistrats à une autorité constitutionnelle indépendante. Le ministère de la justice pourrait alors devenir un ministère de la Loi, chargé de vérifier que les projets de loi de ses collègues sont écrits dans une rédaction juridique cohérente, notamment avec les textes européens.

La façade du Conseil d'Etat au Palais RoyalLa façade du Conseil d'Etat au Palais Royal

Le Conseil d'État est une institution respectable, mais qui exprime un moment situé de l'histoire politique de la France, celui où la France avait besoin de l'État pour se construire. Aujourd'hui, la France a besoin de la société civile pour continuer son histoire. La suppression du Conseil d'État permettrait de débloquer les énergies de la société et de faire émerger une diversité sociale des gouvernants. Le problème n'est pas de critiquer l'élite. Toute société a besoin d'une élite. Le problème de la France est d'avoir une élite mono-formatée. Dans les autres pays, il y a une élite, mais elle est diversifiée dans sa formation et ses origines. Cette élite mono-formatée a servi à faire la France d’hier ; la France du XXIe siècle se fera par une élite pluri-formatée.

Vous avez écrit que la Constitution était le « miroir magique » de la société. Mais espérer résoudre une crise sociale en écrivant une meilleure Constitution ne relève-t-il pas aussi d’une forme de « pensée magique », ou du moins d’illusion ?

On peut évidemment dire que c'est parce que je suis juriste que j’ai écrit ça. Mais je suis persuadé que dans nos sociétés post-métaphysiques, où il n'y a pas un lieu extérieur et supérieur à l'Homme pour dire ce qui est bien et ce qui est mal, où il n'y a plus Dieu, plus la Nature, plus la Classe ouvrière, où il n’y a plus un principe transcendantal donnant aux hommes la garantie que c'est comme cela qu'il faut faire, ce qu’il reste à l’Homme pour faire lien, c'est le droit, c'est-à-dire la discussion entre les hommes. Comme le disait Sartre, nous sommes désormais condamnés à être libres, à déterminer nous-mêmes par la discussion les règles de notre vie commune. C’est pour cela que le droit a un rôle déterminant à jouer dans la refondation démocratique, même s’il n’est bien évidemment pas le seul.

Première de couverture de la Constitution tunisienne de 2014Première de couverture de la Constitution tunisienne de 2014

En ce sens, le droit possède un aspect magique, car lorsque le droit dit : « les hommes et les femmes sont égaux », cela oblige les hommes et les femmes à se voir comme des êtres égaux. Regardez la lutte qui s’est produite, en Tunisie, pour inscrire cette égalité dans la Constitution et ne pas accepter de parler seulement de « complémentarité » entre les hommes et les femmes. La Constitution possède un aspect performatif qui conduit les hommes et les femmes à se conduire comme la Constitution le dit.

Le sentiment actuel de débâcle politique vient aussi de l'écart entre la posture autoritaire, voire autiste, des têtes de l'État et du sentiment de leur impuissance réelle. Cette impuissance, qui est aussi liée à des phénomènes de globalisation, à des grandes évolutions sociales et sociétales ou à des mutations aussi bien économiques qu'anthropologiques pourra-t-elle vraiment être combattue ou compensée par un meilleur fonctionnement institutionnel ?

Je crois justement que ce que je vous dis là implique un profond changement de paradigme. Affirmer le basculement d'une pensée d'État à une pensée de la société ouvre notamment sur la société-monde, l'espace-monde et une Constitution-monde. Si on reste dans le cadre des États, on demeure avec des souverainetés qui s'opposent, alors qu’aujourd'hui, on voit apparaître des intérêts communs mondiaux, autour de l'eau, de la santé, de l’alimentation, du climat, qui ne sont pas des problèmes allemands, français, colombiens ou japonais, mais des questions mondiales. Le fait que les sociétés soient confrontées partout aux mêmes problèmes engendre une société civile mondiale qui trouvera un jour sa Constitution. Les souverainetés étatiques ne peuvent bloquer sur le long terme les connexions des sociétés civiles.

Logo de la CPILogo de la CPI

Il existe déjà des éléments de cette Constitution mondiale avec la Cour pénale internationale ou les revendications pour un tribunal international du commerce, ou une Cour constitutionnelle internationale. On a déjà compris qu’un certain nombre de questions, tels les crimes contre l’humanité, ne pouvaient plus être jugées à l’intérieur d’un État. Ce sera pareil pour les questions écologiques ou économiques. Dans cet embryon de Constitution mondiale et de refondation démocratique dont les sociétés du monde ont besoin, c’est bien le droit qui est en première ligne, même si, bien sûr, la culture, l’art ou l’économie participent aussi de ce mouvement.

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La nouvelle génération de l'UMP ne veut plus « courir après le FN »

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De notre envoyée spéciale à Nice (Alpes-Maritimes). Il aura fallu un sondage plaçant Marine Le Pen en tête au premier tour de la présidentielle de 2017 pour que l’UMP s’inquiète de nouveau du Front national. Ou plus précisément, pour qu’une partie de ses responsables se décide à refaire du FN un adversaire dont les « idées pernicieuses » – pour reprendre les mots tenus samedi 6 septembre par Alain Juppé au campus de La Baule (Loire-Atlantique) – devraient être attaquées par la droite, au lieu d'être récupérées.

Après deux années de quasi-mutisme sur le sujet, certains ténors de l’opposition se démarquent aujourd’hui du Nicolas Sarkozy de 2012 – celui qui avait jugé que Marine Le Pen était « compatible avec la République » – pour reconsidérer le Front national non pas comme un parti à écouter, mais bien comme « un problème pour la France », comme l’a défini ce week-end le député de l’Oise et ancien ministre, Éric Woerth.

À Nice, où les listes frontistes ont remporté davantage de sièges aux dernières municipales que celles des socialistes, le parti de Marine Le Pen est un sujet de conversation permanent depuis trente ans. Les différentes interventions qui ont émaillé le campus des jeunes populaires, organisé par le député et maire Christian Estrosi ces 6 et 7 septembre, n’ont pas échappé à la règle. Certes, à la tribune, l’adversaire n°1 de l’UMP est resté officiellement François Hollande. Mais dans les rangs très clairsemés du Théâtre de Verdure, nombreux étaient ceux à juger le président « déjà hors course ».

Jean Rottner, Nadine Morano, Jean-Pierre Raffarin, Christian Estrosi et Roger Karoutchi, au campus de Nice le 7 septembre.Jean Rottner, Nadine Morano, Jean-Pierre Raffarin, Christian Estrosi et Roger Karoutchi, au campus de Nice le 7 septembre. © ES

« Notre ennemi n’est plus le parti socialiste pour la simple et bonne raison qu’il n’y a plus de gauche française », résumait ainsi dimanche matin le jeune député et maire de Tourcoing, Gérald Darmanin, pour qui le départ de Jean-François Copé de la présidence de l’UMP n’est pas étranger à cette nouvelle prise de conscience du danger FN. « Le fait qu’il ne soit plus là, cela aide à reparler du FN », confie à Mediapart ce proche de Xavier Bertrand.

À l’en croire, la ligne “pain au chocolat” tenue depuis la défaite de 2012 ayant été écartée au mois de juin par le scandale Bygmalion, l’UMP peut désormais « redevenir ce qu’elle était » avant le discours de Grenoble, la stratégie Buisson et les polémiques sur la prétendue “théorie du genre”. Une façon de se décomplexer de “la droite décomplexée”, en somme.

Pour comprendre quel rapport la nouvelle génération de l’UMP entretient avec le Front national, Mediapart a rencontré plusieurs jeunes élus ou représentants des “jeunes pop”. Tous sont entrés en politique dans les années 2000 grâce à Nicolas Sarkozy. Et beaucoup regrettent la drague poussée avec les idées frontistes amorcée durant le mandat de ce dernier. Pourtant, la plupart d’entre eux continuent à soutenir l'ancien président dans ses velléités de retour. À une condition toutefois : qu'il enterre définitivement sa stratégie de droitisation.

Bataille de stands au campus de Nice.Bataille de stands au campus de Nice. © ES

Ils sont venus à Nice pour participer à des débats sur le gaullisme, le logement ou encore la croissance. Pour remettre la machine à idées de l'opposition en route. Ils ont applaudi à tout rompre lorsque Laurent Wauquiez a déclaré vouloir revenir sur le mariage pour tous. Et ils ont réservé le même accueil à Bruno Le Maire deux minutes plus tard lorsque celui-ci a indiqué l’inverse. La clarté et la compréhension n'étaient pas forcément au rendez-vous.

Malgré cela, les “jeunes pop” interrogés pas Mediapart étaient tous ravis de « se retrouver en famille ». Et qu’importe si le campus niçois a suscité peu d’enthousiasme – le week-end n’a réuni que 180 personnes au plus fort de la journée de dimanche et ce, malgré la puissance de la fédération des Alpes-Maritimes –, l'essentiel pour eux était de montrer qu'ils étaient présents. Lire leurs témoignages page suivante.

Table ronde “Comment rétablir l'autorité de l'État ?", au campus de Nice le 6 septembre, en fin de matinée.Table ronde “Comment rétablir l'autorité de l'État ?", au campus de Nice le 6 septembre, en fin de matinée. © ES
  • Alexandre Vesperini, 27 ans. Sur Twitter : « Conseiller de Paris, conseiller du 6e délégué à l'environnement et au développement durable, secrétaire national de l'UMP. Sinon j'aime bien Barry White »
Alexandre Vesperini.Alexandre Vesperini. © ES

Si le seul objectif de l’UMP, c’est de contenir le Front national, ce n’est pas la peine. Et si on continue à dire qu’on fera comme eux, ils ne cesseront de monter. Dans tous les cas, le vrai problème de la France, ce n’est pas le FN, mais l’abstention. C’est là que notre vivier se trouve. La Droite forte – courant droitier de l’UMP codirigé par Geoffroy Didier et Guillaume Peltier, ndlr – considère que la priorité est de reprendre les dix points qui nous séparent de Le Pen, mais c’est faux !

Bien sûr que certains de nos électeurs sont partis au FN. Non pas parce qu’ils étaient racistes, mais parce que nous avons été nous-mêmes “grands diseux et petits faiseux” sur des sujets aussi sensibles que l’immigration ou l’identité. Nous n’avons pas besoin de Buisson pour engager de grandes réformes et, surtout, pour s’y tenir. Nous pouvons appliquer une politique sécuritaire sans faire de l’esbroufe maurrassienne.

Rien ne sert d’électriser les gens. On ne gouverne pas un pays en désignant des boucs émissaires. D’ailleurs à l’UMP, ça n’a pas marché. Nous devons retrouver ce qu’avait fait Nicolas Sarkozy en 2007, tout en renouvelant notre discours. Car le grand défi du futur président de notre parti sera de se distinguer de la politique du Front national, mais aussi de celle du gouvernement de Valls qui chasse sur nos terres. Avant toute chose, l'UMP doit commencer par se détendre.

  • Marine Brenier, 28 ans. Sur Twitter : « Adjoint au Maire #territoire @VilledeNice #Nice06 #metropoleNCA - Responsable @JeunesPop06 Délégué national @jeunesump - @cestrosi @ump – juriste »
Marine Brenier.Marine Brenier. © ES

Dans les Alpes-Maritimes, cela fait trente ans que nous entendons parler du Front national. Nous savions ce que c’était bien avant tout le monde et nous nous doutions qu’avec leurs idées démagos, ils finiraient par toucher le public. Je suis très contente que l’UMP parle de nouveau du FN. La ligne Buisson a été la grande erreur de Nicolas Sarkozy. L’avenir de la droite est au centre.

Depuis deux ans, nous étions dans une phase de reconstruction qui nous a rendus inaudibles. Nous n’avons porté aucune voix d’opposition. Aujourd’hui, je ne suis pas certaine que la meilleure façon de combattre le Front national soit de parler d’immigration. Nous devons laisser les marottes du FN au FN. D’ailleurs, dans la liste des tables rondes que nous avons proposées aux “jeunes pop” pour le campus de Nice, pas un seul sujet sur l’immigration ou la sécurité n’a été retenu…

En revanche, c’est intéressant d'écouter les élus frontistes. À Nice, le FN est entré au conseil municipal en mars dernier. Quand on entend Marie-Christine Arnautu (tête de liste du “Rassemblement Bleu Marine” aux dernières élections, ndlr), ça fait peur. Ce qu’elle dit n’a pas de sens.

  • Stéphane Tiki, 26 ans. Sur Twitter : « Auto entrepreneur, Secrétaire National de l'UMP, Délégué National des Jeunes UMP »
Stéphane Tiki.Stéphane Tiki. © ES

Le Front national vit sur les problèmes des Français. Alors quand un problème est réglé, cela fait une solution et des points en moins pour Marine Le Pen. Imaginer que le FN puisse être au second tour de la présidentielle, c’est choquant et en même temps, cela nous permet d’ouvrir les yeux, de prendre le temps d’expliquer que ce parti n’a pas changé malgré les apparences.

L’UMP n’a jamais couru après le Front national. À Grenoble en 2010, c’était important que Nicolas Sarkozy tienne un discours fort à ce moment-là. Il faut arrêter de laisser des sujets au FN. Parler de sécurité et d’immigration n’empêche pas de parler du reste. Nous ne sommes pas allés assez loin lors du dernier quinquennat. Désormais, l’UMP doit se concentrer sur une seule chose : elle-même. Et arrêter de se cacher.

  • Damien Abad, 34 ans. Sur Twitter : « Député de l'Ain - Conseiller régional Rhône-Alpes - Ancien député européen »
Damien Abad.Damien Abad. © ES

Donner un coup de barre à droite ou un coup de barre au centre est dans tous les cas une mauvaise stratégie. Notre système politique est au bout du rouleau, il a besoin d’être réformé en profondeur. La meilleure façon de reconquérir des électeurs, c’est de faire du terrain. La droite doit défendre ses idées, mais la droitisation ne rapportera pas une voix du Front national.

Nous avons déjà fait des erreurs avec ce parti dans le passé et nous avons pu constater que cela ne marchait pas. Répéter, comme nous le faisons depuis des années, que voter à gauche, c’est voter FN, ça ne sert à rien. Le seul moyen de restaurer de la crédibilité, c’est le renouveau.

Je soutiens la candidature de Bruno Le Maire, mais je n’oublie pas que c’est Nicolas Sarkozy qui m’a amené à l’UMP. Il a bousculé la droite en bien et en mal. S’il revient, il faudra tirer le bon de son expérience et éviter les crispations. Nous devons être clairs sur nos convictions, tout en restant ouverts d’esprit. Notre ennemi n°1, c’est nous-mêmes.

Les responsables politiques ne doivent pas s’abaisser à aller tout le temps dans le sens de ce que les gens pensent. Je reconnais que ce n’est pas facile, mais la facilité ne paye à personne. Il y a des lignes rouges à ne plus franchir. Nous devons par contre investir d’autres sujets : le thème du progrès, par exemple. J’aimerais que ce soit un thème clivant pour la gauche et la droite en 2017.

  • Christelle d’Intorni, 29 ans. Maire de Rimplas (Alpes-Maritimes), avocate
Christelle d'Intorni.Christelle d'Intorni. © ES

Le souci ne vient pas du Front national, mais de notre famille politique. Quand nous aurons résolu nos problèmes, nous serons capables de combattre tout le monde. L’UMP doit réaffirmer les valeurs du gaullisme, refondre le parti et laisser la place à la jeunesse. Le vote FN est encore un vote sanction, parce que les gens en ont marre. Mais je suis certaine qu’il ne se fait pas sur les idées que Marine Le Pen défend.

Les personnes que je rencontre estiment que l’UMP ne fait pas une politique de droite et qu’elle ne tient pas ses promesses. Ce qui manque à notre famille politique, c’est la proximité, la possibilité d’expliquer, comme je le fais dans ma petite commune, ce que sont vraiment nos idées. Les électeurs de droite ont mal vécu la fin du mandat de Nicolas Sarkozy et tout ce qui a suivi, mais ce n’est pas trop tard. Nous devons les raisonner pour qu’ils ne votent pas FN et leur rappeler que le seul intérêt qui prime, c’est celui de la France.

  • Rudolph Granier, 35 ans. Sur Twitter : « Ici pour moi, Patron des jeunes gaullistes à l'@ujpfrance, Supporter #rugby pour @ASMOfficiel et @SFParisRugby. Elu parisien 75020 »
Rudolph Granier.Rudolph Granier. © ES

Pour les militants de la droite républicaine, le mélange entre droite et extrême droite n’a pas de sens. En 2010, nous avons franchi certains caps… Nous sommes allés trop loin. Nous avons manipulé des peurs, sur les frontières, sur les étrangers, et cela nous a fait perdre. Quand la droite n’est plus la droite, c’est le FN qui monte.

La meilleure façon de lutter contre le Front national, c’est de cesser de parler comme eux. Alors oui, c’est plus compliqué d’expliquer que l’espace Schengen n’est pas qu’un gruyère plutôt que de jeter l’anathème sur telle ou telle population... Le discours dont les Français ont besoin est un discours gaulliste. Nous devons revenir à des choses plus primaires.

Ce que nous allons demander aux militants en novembre prochain, c’est de faire le choix de l’intelligence et de la responsabilité pour élire notre futur président. En 2017, le candidat de l’UMP devra être dans la synthèse et non pas dans le calcul d’appareil. En attendant, je m’engage à publier en mars prochain un bilan post-municipales : “FN, année 1.” Pour montrer en quoi notre parti se distingue de celui de Marine Le Pen, ne serait-ce que dans l’exercice du pouvoir.

  • Aurore Bergé, 26 ans. Sur Twitter : « Conseillère politique @ump - Chef de file de l'opposition #Magny78 - Conseillère communautaire @sqy // Combattante #AlterEgales // Consultante senior @spintank »
Aurore Bergé.Aurore Bergé. © ES

La “chance” que nous avons, c’est que le Front national dirige désormais un certain nombre de villes. Nous allons pouvoir mettre en place une sorte d’observatoire pour montrer ce qu’est, concrètement, un élu d’extrême droite, mettre en lumière la ligne de fracture très forte qui existe entre eux et nous, et prouver qu’ils ne sont pas au niveau.

Notre espace se trouve au centre. Il y a eu un virage en 2010 avec le discours de Grenoble. L’UMP a voulu faire du racolage vers les électeurs du FN. Cela a été un double échec : l’absence d’actes nous a fait perdre les électeurs frontistes et le discours, les électeurs du centre. Ensuite, pas peur de déplaire, nous avons été incapables de faire notre bilan. Quant au reste, nous étions inaudibles.

Nous avons par exemple été très mauvais sur le mariage pour tous. Dire aujourd’hui que nous reviendrons dessus est un énième mensonge. Nous risquons à nouveau de décevoir… L’UMP doit se démarquer par de nouvelles propositions. Qu’on arrête avec l’immigration et la sécurité ! Sur le terrain, au quotidien, les gens ne parlent pas de cela. Ils nous disent simplement qu’ils veulent respirer.

Les ténors persistent à croire que le noyau dur du parti est droitier, mais je suis convaincue que le courant de la Droite forte ne gagne pas sur le fond de ses propositions qui sont farfelues, mais parce qu’il se présente comme le premier soutien de Nicolas Sarkozy. Or, c'est loin d’être le seul...

  • Jonas Haddad, 26 ans. Sur Twitter : « Adjoint au maire de Bernay | Co-auteur de Droite 2.0 (L'Harmattan) | Secrétaire national de l'UMP (à l'entrepreneuriat) | Délégué national des Jeunes Populaires »
Jonas Haddad.Jonas Haddad. © ES

Je distingue trois jeunesses aujourd’hui : celle des quartiers populaires où le communautarisme est en train de s’installer ; celle des zones péri-urbaines, poumon du Front national au niveau des jeunes ; et celle des quartiers plus aisés qui ne croit plus en la France et qui la quitte. Pour reconquérir les jeunes de la deuxième catégorie, il faut leur parler. Et cela commence par des visites dans des lycées professionnels ou agricoles.

Il faut également parler aux jeunes qui n’ont pas d’emploi. Avant, la droite leur disait : “Vous n’avez pas d’emploi, mais vous êtes jeunes, vous allez vous démerder.” Désormais, elle doit changer de discours et valoriser l’entreprenariat. Nous devons insister sur un message positif et ne pas aller dans leur sens en leur disant que le seul problème, c’est l’immigration. Ce sont des milieux qui attendent qu’on les bouscule. Nous n’allons pas courir après les idées du FN, nous allons courir après les problèmes des gens, c’est différent.

Je ne suis pas d’accord quand Alain Juppé dit que les idées du FN sont pernicieuses. C’est une erreur de prendre ce parti comme un ensemble. Nous devons territorialiser les solutions. Marine Le Pen a structuré un réseau local, ce que n’avait pas fait son père, et cela lui a réussi. Pour autant, les gens attendent que nous affirmions nos convictions, pas que nous fassions du FN light. Les doubler sur leur droite serait inutile.

BOITE NOIRESauf mention contraire, toutes les personnes interrogées dans cet article ont été rencontrées les 6 et 7 septembre, au campus UMP de Nice.

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