Quantcast
Channel: Mediapart - France
Viewing all 2562 articles
Browse latest View live

Le drôle de calendrier de la tribune des 200 députés soutenant Hollande

$
0
0

«Moi, je ne doute pas de la majorité. » « La majorité sera au rendez-vous. » Mardi soir sur France 2, et mercredi à l'université du Medef, Manuel Valls, à la tête depuis mardi 27 août d'un gouvernement assumant désormais clairement une politique sociale-libérale, s'est dit certain d'avoir les parlementaires avec lui « lors des textes budgétaires et financiers, notamment le pacte de responsabilité ». Le premier ministre, qui n'y est pas contraint par la Constitution, a d'ailleurs annoncé qu'il solliciterait la confiance du Parlement « en septembre ou en octobre ».

Pour le premier ministre, la publication par Le Monde, ce jeudi 28 août, d'une tribune de plus de 200 députés PS appellant au « rassemblement » derrière François Hollande est donc une aubaine.

Titré « Ni godillots, ni déloyaux », cet appel déplore « la permanence d'une défiance a priori à l'égard de l'exécutif », allusion à la contestation de certains députés PS contre le gouvernement. Elle se manifestera bruyamment ce week-end, à l'université d'été du PS à la Rochelle : samedi matin 30 août, les “frondeurs”, qui n'ont désormais plus de ministres au gouvernement pour les représenter, comptent lancer leur courant « Vivre la gauche ».

Dans ce texte assez général, les 200 députés signataires réclament « une cohérence, par un cap constant ». « Il ne s'agit pas de se montrer sourds aux manifestations d'inquiétude, poursuivent-ils. Mais on ne peut redonner confiance à un pays qui doute par des coups de volant brusques et répétitifs. Un rassemblement, car c'est ce qui fait notre force, nous permet de convaincre et d'entraîner avec nous les Français. »

A priori, c'est un soutien de poids pour le premier ministre : 200 députés, c'est une très grosse partie du groupe socialiste, qui détient à l'Assemblée la majorité absolue avec 290 sièges (apparentés compris). « C'est de loin le texte le plus signé par des députés PS depuis deux ans. Même s'ils se désignent comme l'“appel des 100”, les “frondeurs” n'ont jamais été cent », insiste Christophe Borgel, député et secrétaire national du PS aux élections, à l'initiative de ce texte.

Parmi les signataires, on retrouve de très nombreux “hollandais” ou des personnalités de l'aile droite du PS. Ainsi que beaucoup d'élus de terrain, peu connus à l'Assemblée, qui appartiennent au “Marais” socialiste. En revanche, les “frondeurs” (aile gauche, aubrystes, proches d'Arnaud Montebourg, etc.) ne l'ont pas signée. Ni l'ancien ministre Philippe Martin ou les élus du nouveau courant Cohérence socialiste – parmi lesquels Valérie Rabault, la rapporteure générale du budget à la commission des finances, un des postes les plus prestigieux de l'Assemblée. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, qui assure ce jeudi au Monde que « le social-libéralisme ne fait pas partie » du « vocabulaire » socialiste, ne fait pas non plus partie des signataires. Pas plus que l'ancien ministre Jean-Marc Ayrault, redevenu simple député. « Personne ne doute de sa loyauté, mais ce n'était pas sa place d'ancien premier ministre », justifie un de ses proches. « Ayrault comme Cambadélis ne pouvaient pas signer, ils se placent au-dessus de la mêlée », assure-t-on au groupe PS de l'Assemblée.

« Plus de 200 députés (...) derrière Hollande », ont titré jeudi lesechos.fr. « Plus de 200 députés socialistes appellent au “rassemblement” derrière Hollande », lit-on sur libération.fr, qui reprend une dépêche de l'AFP. « À la veille de l'ouverture de l'université d'été du PS à La Rochelle, les députés pro-gouvernements s'en prennent aux frondeurs », assure le figaro.fr.

Manuel Valls et François Hollande auront donc beau jeu de se prévaloir dans les prochains jours de ce soutien massif. À la nuance près que cette tribune a été rédigée bien avant le remaniement. Difficile donc d'en faire une preuve fiable de la « loyauté » du groupe socialiste, même si de nombreux parlementaires socialistes soutiennent assurément le tournant social-libéral intervenu depuis lundi (ou craignent plus prosaïquement d'être balayés^ en cas de législatives anticipées).

Cette tribune circule depuis le début du mois d'août, à l'initiative de Christophe Borgel, député et secrétaire national du PS aux élections. « L'idée était de prouver que nous étions rassemblés. Il s'agissait aussi de dire qu'on en avait assez de certains députés très médiatiques que l'on voit partout. On savait que ce serait publié au moment de La Rochelle, mais on ne se doutait pas alors qu'il y aurait un remaniement avec de tels changements », assure un des signataires, un peu marri d'avoir signé, au vu des péripéties de la rentrée politique.

Le 19 août, le texte n'est encore signé que par 45 députés (la plupart proches de François Hollande ou de Manuel Valls, cliquez ici pour télécharger la liste). Ce jour-là, le président du groupe PS, Bruno Le Roux, l'envoie alors à l'ensemble du groupe socialiste. « Plusieurs de nos collègues ont pris l’initiative, en cette rentrée, d’écrire un texte dont tu trouveras copie ci-jointe, écrit-il dans un courrier électronique que nous nous sommes procuré. Celui-ci me semble refléter le travail et l’état d’esprit de notre groupe. Je t’invite, bien entendu si tu le souhaites, à t’associer à cette initiative. » Quelques jours plus tard, le texte, censé ne pas être publié, est même posté sur son blog par un député socialiste étourdi.

« J'ai signé cette tribune mi-août, confirme Geneviève Gaillard, députée des Deux-Sèvres. Je suis plutôt sur la ligne “frondeuse”, mais j'étais d'accord avec cet appel à la loyauté au président dans un contexte politique très difficile. Évidemment, on ne savait pas à ce moment qu'il y aurait un remaniement. »

D'après Christophe Borgel, le nombre de signatures a largement augmenté depuis le début de la semaine. « Nous sommes actuellement à 215 signataires, et certains députés qui le souhaitent n'ont pas encore signé », assure-t-il. La preuve, selon lui, qu'il y a « une majorité solide dans le groupe : c'était d'ailleurs la vocation de ce texte, avant même la crise de ces derniers jours ».  

« Évidemment, cela n'empêche pas les débats et les interrogations, ajoute Borgel. Le premier ministre ne souhaite d'ailleurs pas que tout le monde se mette au garde-à-vous. En revanche, il ne souhaite pas que se développent des débats qui ont pour but de renverser le gouvernement. »

Pourtant, des « interrogations », certains signataires en ont. Et comme Geneviève Gaillard, ils se sentent pris à contre-pied. L'ancienne maire de Niort, sèchement battue aux municipales de mars, assure ainsi que sa signature ne vaut « en aucun cas soutien à ce qui s'est passé depuis trois jours. Démissionner Arnaud Montebourg de cette façon, j'ai trouvé la méthode un peu violente. Quant à ce qu'a dit Manuel Valls devant le Medef, cela me choque un peu. Depuis le début de cette semaine, il y a un tournant social-libéral de l'exécutif. Deux branches du PS apparaissent clairement. Et ce n'est pas parce que j'ai signé ce texte en août que je ne pense pas aujourd'hui ce que je vous dis là. »

Matthias Fekl (Lot-et-Garonne) a également signé le texte mi-août. Il assure lui aussi que ce texte ne vaut pas « un blanc-seing à tout ce qui va se passer par la suite ». Quant à la présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée, Catherine Lemorton, une proche d'Arnaud Montebourg, elle a signé le texte « mardi matin », avant l'annonce du nouveau gouvernement. Plus pour ne pas paraître déloyale que par conviction, laisse-t-elle entendre.

« J'assume ma signature, dit-elle à Mediapart. Mais cela ne m'empêche pas de dire ce que je pense. Or quand j'entends ce matin Emmanuel Macron se poser la question du maintien des 35 heures, je me dis qu'on a vraiment franchi la ligne jaune, qu'on est en train d'évacuer nos derniers fondamentaux. » « Si on nous demandait de signer la tribune aujourd'hui, je ne suis pas sûre que nous serions encore 200 », ajoute-t-elle. Sur le site régional objectifnews.com, ce mercredi, l'élue de Haute-Garonne s'est inquiétée : « Le nouveau gouvernement est dans la ligne du président. Il n'y aura plus de voix dissonante. Mais qui parlera aux couches populaires que nous sommes en train de perdre à présent ? »

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Un attentat aux USA en 2009 planifié par le FBI


Invité du Medef, Valls fait se pâmer les patrons

$
0
0

Manuel Valls avait accepté de longue date l’invitation du Medef, ce mercredi 27 août, à la traditionnelle université d’été de l’organisation patronale, à Jouy-en-Josas (Yvelines), sur le campus d’HEC. Bien avant le tout récent remaniement qui lui a permis d’exfiltrer les ministres qui ne partageaient pas le dogme économique présidentiel, à commencer par Arnaud Montebourg, et d’introniser à Bercy le controversé Emmanuel Macron, ancien banquier d’affaires à l’orientation clairement sociale-libérale (lire ici).

Les événements des derniers jours n’ont pas bousculé son agenda. Bien au contraire: c’est à croire que ce rendez-vous tombait à pic. Pour son premier discours d’après-remaniement, le premier ministre n’a pas fait de quartier. En un peu moins d’une heure, Manuel Valls, deuxième premier ministre en exercice à se rendre aux universités d’été du Medef (après Jean-Marc Ayrault en 2012), s’est livré à une véritable ode aux entrepreneurs.

Devant un auditoire en grande partie conquis, qui lui a réservé une ovation debout, il n’a guère fait d’annonces concrètes. Il a en revanche livré un parfait discours social-libéral, reprenant parfois mot pour mot les propos du patron du Medef, Pierre Gattaz. Il a également pris un plaisir manifeste à multiplier les provocations sémantiques à l’égard de son camp. Comme autant de preuves de son affranchissement vis-à-vis de certains dogmes sociaux de la gauche.

Sous le charme, Pierre Gattaz a d’ailleurs pillé le dictionnaire des synonymes pour saluer un discours « de grande clairvoyance », de « pragmatisme », de « grande vérité », de « lucidité ». « Il y aura peut-être un avant et un après », s’est-il enthousiasmé. Même si le patron des patrons continue de réclamer trois fois plus d’exonérations de cotisations sociales pour les entreprises que les 40 milliards prévus dans le « pacte de responsabilité » pour la période 2014-2017. Le Medef présentera mi-septembre 20 propositions pour baisser les dépenses publiques et créer « un million d’emplois en cinq ans ».

Son discours, Manuel Valls l’a sciemment agrémenté de pépites bien rutilantes, dont certaines ne figuraient pas dans son texte écrit et ont été très applaudies. Des saillies au moins autant destinées à cajoler l’auditoire qu’à apparaître comme celui qui « parle vrai ». Et dont le but semble aussi de faire se hérisser les poils d’une partie de sa majorité. Comme ce « j’aime l’entreprise ! » aux allures de slogan, répété deux fois. Son allusion à la « simplification » du « code du travail », chiffon rouge pour plusieurs syndicats ou partis de gauche. Cette ode à la « filière nucléaire, grande filière d’avenir », un pied de nez aux écologistes. Son refus de parler de « cadeaux aux patrons », une expression souvent utilisée à gauche – et « absurde » selon lui car « une mesure favorable aux entreprises, c’est une mesure favorable au pays tout entier ». Son ode au « pragmati[sme]» sur la question des seuils sociaux, dont une partie de sa majorité refuse la remise en cause. Ou l'éternelle affirmation selon laquelle « la France vit au-dessus de ses moyens depuis quarante ans ».

Autre exemple : cet hommage vibrant à « l’Allemagne, qui, elle, a su mener les réformes nécessaires » du temps du chancelier social-démocrate Gerhard Schröder. Son appel aux « partenaires sociaux » mais aussi aux « formations politiques » à se « réformer », une phrase improvisée qui vise évidemment ses camarades socialistes. Cette affirmation selon laquelle « il y a un problème de coût du travail dans notre pays », diagnostic que de nombreux économistes et des élus de gauche contestent – et que François Hollande réfutait en 2012. Ou encore l’utilisation à au moins deux reprises du mot « entraves » pour décrire l’environnement administratif dans lequel évolueraient les entreprises.

Tout cela, auquel il faut ajouter l’appel final à « la mobilisation de toutes les énergies », tisse un discours libéré de tout imaginaire de gauche, digne d’un responsable du centre voire de la droite modérée.

Avec Pierre Gattaz, les images utilisées sont parfois les mêmes. Par exemple quand il s’agit de décrire l’état du dialogue social, certes délabré dans notre pays. Le patron du Medef dénonce-t-il « tous ceux qui jouent la même pièce de théâtre depuis quarante ans dans notre pays, avec les postures médiatiques et les claquements de portes, les déclarations idéologiques, les emportements simulés, les injonctions dogmatiques » – ce qui est au passage assez savoureux tant le Medef maîtrise, au moins aussi bien que les syndicats, l’art de la dramatisation médiatique –, Valls entonne le même refrain, dénonçant « des postures, des jeux de rôle auxquels nous sommes tellement habitués (…) Ces jeux de rôle où chacun se lamente, croit savoir ce que l’autre va dire, avant même qu’il n’ait parlé ». « Notre pays crève de ces postures », ajoute-t-il. Cette phrase non plus n’était pas dans son discours.

« Le premier ministre a choisi de venir faire applaudir sa politique par le Medef, le jour même de la publication des chiffres du chômage qui continuent d’augmenter », a répliqué Thierry Le Paon, secrétaire général de la CGT. Pour Force Ouvrière, Jean-Claude Mailly a regretté que le gouvernement s’en remette « au bon vouloir des entreprises » pour « s’en sortir ». Laurent Baumel, un des animateurs de la contestation parlementaire socialiste, a déploré « un copié-collé du type de discours que tenait Tony Blair dans les années 95-97-99 en Angleterre, c’est-à-dire que c’est une proposition idéologique pour rompre avec tout ce que à quoi nous avons cru à gauche depuis des décennies ».

Manuel Valls et Pierre Gattaz, lors de l'université du Medef, mercredi.Manuel Valls et Pierre Gattaz, lors de l'université du Medef, mercredi. © Reuters

Bien des délégués du Medef, eux, sont conquis. « Ça va dans le bon sens, sur tout », se félicite Jacqueline Pichot, permanente de l’organisation patronale en Eure-et-Loir. Ancien dirigeant du Medef et fondateur des universités d’été du Medef, Denis Kessler, le patron du réassureur Scor, qui en 2007 réclamait que « le programme du Conseil national de la résistance » soit « méthodiquement défai[t]», boit du petit lait et ne s’en cache pas. « Les mots sont nouveaux, la grammaire change. Il nous dit "j’aime l’entreprise", alors qu’au Bourget François Hollande désignait la finance comme son ennemi. Il utilise désormais des termes affectifs, ça nous change du discours défensif d’un Jospin ! »

Pour Kessler, le moment est même « assez historique ». « Ce que Valls a dit aujourd’hui est un décalque du manifeste Blair-Schröder (publié en 1999), qui n’avait pas été signé à l’époque par Lionel Jospin et François Hollande, alors premier secrétaire du PS. Tout l’enjeu de ce manifeste était alors de neutraliser l’entreprise comme enjeu dans le débat politique, en particulier dans leurs partis sociaux-démocrates. En disant en substance "Foutez la paix aux entreprises", Manuel Valls s’inscrit dans leur sillage. J’aurais évidemment été extrêmement heureux de l’entendre il y a quinze ans, mais il faut croire que la France a toujours du retard : il faut que nous soyons à Étretat pour commencer à nous apercevoir qu’il y a une falaise !»

Kessler dit faire preuve d’un « attentisme positif » mais assure, soudain trivial, qu’il jugera Valls « au cul du camion ». Autrement dit : sur les résultats. En attendant, il lui promet « une série d’obstacles à franchir ». « Ce ne sera pas facile, prédit-il. Souvenons-nous du plan Juppé en 1995 ou de la réforme des retraites de 2003. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il a brûlé une partie de ses vaisseaux sur sa gauche. Il a quitté les rivages de la gauche traditionnelle. Pour lui, il n'y aura pas de retour. Il prend un risque, il fait un pari. S’il réussit, il recevra tous les lauriers. S’il échoue, nous entrons en terre inconnue. C’est un peu Last Exit to Brooklyn. »

Pour la bonne figure, Manuel Valls a tout de même exhorté les entreprises à signer davantage d’accords dans les branches professionnelles pour préciser l’application du pacte de responsabilité. Il a assuré que les « pouvoirs publics, comme nos compatriotes, [seraient] particulièrement attentifs » à « l’utilisation (…) des 40 milliards ». « Les Français n’admettraient pas – et ils auraient raison – que les dividendes versés ou que les plus hautes rémunérations explosent. » Mais il a soigneusement évité le terme de « contreparties », honni par le Medef, qui est pourtant la revendication d’une partie de sa majorité.

Il a appelé de ses vœux une « alliance entre ceux qui décident et ceux qui produisent (…), entre les employeurs et les salariés » tandis que syndicats et patronat se retrouvent le 10 septembre pour définir l’agenda social. Il a enfin rappelé la ligne présidentielle au sujet de l’Europe, qui était un des points de friction majeurs entre le duo exécutif et Arnaud Montebourg : oui, l’« euro est surévalué » mais il ne peut y avoir « de face-à-face avec l’Allemagne ». Et puis, visiblement content de son coup, Manuel Valls s’en est allé.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Un attentat aux USA en 2009 planifié par le FBI

Le drôle de calendrier de la tribune soutenant Hollande

$
0
0

«Moi, je ne doute pas de la majorité. » « La majorité sera au rendez-vous. » Mardi soir sur France 2, et mercredi à l'université du Medef, Manuel Valls, à la tête depuis mardi 27 août d'un gouvernement assumant désormais clairement une politique sociale-libérale, s'est dit certain d'avoir les parlementaires avec lui « lors des textes budgétaires et financiers, notamment le pacte de responsabilité ». Le premier ministre, qui n'y est pas contraint par la Constitution, a d'ailleurs annoncé qu'il solliciterait la confiance du Parlement « en septembre ou en octobre ».

Pour le premier ministre, la publication par Le Monde, ce jeudi 28 août, d'une tribune de plus de 200 députés PS appellant au « rassemblement » derrière François Hollande (cliquer pour la lire et afficher la liste des signataires) est donc une aubaine.

Titré « Ni godillots, ni déloyaux », cet appel déplore « la permanence d'une défiance a priori à l'égard de l'exécutif », allusion à la contestation de certains députés PS contre le gouvernement. Elle se manifestera bruyamment ce week-end, à l'université d'été du PS à la Rochelle : samedi matin 30 août, les “frondeurs”, qui n'ont désormais plus de ministres au gouvernement pour les représenter, comptent lancer leur courant « Vivre la gauche ».

Dans ce texte assez général, les 200 députés signataires réclament « une cohérence, par un cap constant ». « Il ne s'agit pas de se montrer sourds aux manifestations d'inquiétude, poursuivent-ils. Mais on ne peut redonner confiance à un pays qui doute par des coups de volant brusques et répétitifs. Un rassemblement, car c'est ce qui fait notre force, nous permet de convaincre et d'entraîner avec nous les Français. »

A priori, c'est un soutien de poids pour le premier ministre : 200 députés, c'est une très grosse partie du groupe socialiste, qui détient à l'Assemblée la majorité absolue avec 290 sièges (apparentés compris). « C'est de loin le texte le plus signé par des députés PS depuis deux ans. Même s'ils se désignent comme l'“appel des 100”, les “frondeurs” n'ont jamais été cent », insiste Christophe Borgel, député et secrétaire national du PS aux élections, à l'initiative de ce texte.

Parmi les signataires, on retrouve de très nombreux “hollandais” ou des personnalités de l'aile droite du PS. Ainsi que beaucoup d'élus de terrain, peu connus à l'Assemblée, qui appartiennent au “Marais” socialiste. En revanche, les “frondeurs” (aile gauche, aubrystes, proches d'Arnaud Montebourg, etc.) ne l'ont pas signée. Ni l'ancien ministre Philippe Martin ou les élus du nouveau courant Cohérence socialiste – parmi lesquels Valérie Rabault, la rapporteure générale du budget à la commission des finances, un des postes les plus prestigieux de l'Assemblée. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, qui assure ce jeudi au Monde que « le social-libéralisme ne fait pas partie » du « vocabulaire » socialiste, ne fait pas non plus partie des signataires. Pas plus que l'ancien ministre Jean-Marc Ayrault, redevenu simple député. « Personne ne doute de sa loyauté, mais ce n'était pas sa place d'ancien premier ministre », justifie un de ses proches. « Ayrault comme Cambadélis ne pouvaient pas signer, ils se placent au-dessus de la mêlée », assure-t-on au groupe PS de l'Assemblée.

« Plus de 200 députés (...) derrière Hollande », ont titré jeudi lesechos.fr. « Plus de 200 députés socialistes appellent au “rassemblement” derrière Hollande », lit-on sur libération.fr, qui reprend une dépêche de l'AFP. « À la veille de l'ouverture de l'université d'été du PS à La Rochelle, les députés pro-gouvernements s'en prennent aux frondeurs », assure le figaro.fr.

Manuel Valls et François Hollande auront donc beau jeu de se prévaloir dans les prochains jours de ce soutien massif. À la nuance près que cette tribune a été rédigée bien avant le remaniement. Difficile donc d'en faire une preuve fiable de la « loyauté » du groupe socialiste, même si de nombreux parlementaires socialistes soutiennent assurément le tournant social-libéral intervenu depuis lundi (ou craignent plus prosaïquement d'être balayés^ en cas de législatives anticipées).

Cette tribune circule depuis le début du mois d'août, à l'initiative de Christophe Borgel, député et secrétaire national du PS aux élections. « L'idée était de prouver que nous étions rassemblés. Il s'agissait aussi de dire qu'on en avait assez de certains députés très médiatiques que l'on voit partout. On savait que ce serait publié au moment de La Rochelle, mais on ne se doutait pas alors qu'il y aurait un remaniement avec de tels changements », assure un des signataires, un peu marri d'avoir signé, au vu des péripéties de la rentrée politique.

Le 19 août, le texte n'est encore signé que par 45 députés (la plupart proches de François Hollande ou de Manuel Valls, cliquez ici pour télécharger la liste). Ce jour-là, le président du groupe PS, Bruno Le Roux, l'envoie alors à l'ensemble du groupe socialiste. « Plusieurs de nos collègues ont pris l’initiative, en cette rentrée, d’écrire un texte dont tu trouveras copie ci-jointe, écrit-il dans un courrier électronique que nous nous sommes procuré. Celui-ci me semble refléter le travail et l’état d’esprit de notre groupe. Je t’invite, bien entendu si tu le souhaites, à t’associer à cette initiative. » Quelques jours plus tard, le texte, censé ne pas être publié, est même posté sur son blog par un député socialiste étourdi.

« J'ai signé cette tribune mi-août, confirme Geneviève Gaillard, députée des Deux-Sèvres. Je suis plutôt sur la ligne “frondeuse”, mais j'étais d'accord avec cet appel à la loyauté au président dans un contexte politique très difficile. Évidemment, on ne savait pas à ce moment qu'il y aurait un remaniement. »

D'après Christophe Borgel, le nombre de signatures a largement augmenté depuis le début de la semaine. « Nous sommes actuellement à 215 signataires, et certains députés qui le souhaitent n'ont pas encore signé », assure-t-il. La preuve, selon lui, qu'il y a « une majorité solide dans le groupe : c'était d'ailleurs la vocation de ce texte, avant même la crise de ces derniers jours ».  

« Évidemment, cela n'empêche pas les débats et les interrogations, ajoute Borgel. Le premier ministre ne souhaite d'ailleurs pas que tout le monde se mette au garde-à-vous. En revanche, il ne souhaite pas que se développent des débats qui ont pour but de renverser le gouvernement. »

Pourtant, des « interrogations », certains signataires en ont. Et comme Geneviève Gaillard, ils se sentent pris à contre-pied. L'ancienne maire de Niort, sèchement battue aux municipales de mars, assure ainsi que sa signature ne vaut « en aucun cas soutien à ce qui s'est passé depuis trois jours. Démissionner Arnaud Montebourg de cette façon, j'ai trouvé la méthode un peu violente. Quant à ce qu'a dit Manuel Valls devant le Medef, cela me choque un peu. Depuis le début de cette semaine, il y a un tournant social-libéral de l'exécutif. Deux branches du PS apparaissent clairement. Et ce n'est pas parce que j'ai signé ce texte en août que je ne pense pas aujourd'hui ce que je vous dis là. »

Matthias Fekl (Lot-et-Garonne) a également signé le texte mi-août. Il assure lui aussi que ce texte ne vaut pas « un blanc-seing à tout ce qui va se passer par la suite ». Quant à la présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée, Catherine Lemorton, une proche d'Arnaud Montebourg, elle a signé le texte « mardi matin », avant l'annonce du nouveau gouvernement. Plus pour ne pas paraître déloyale que par conviction, laisse-t-elle entendre.

« J'assume ma signature, dit-elle à Mediapart. Mais cela ne m'empêche pas de dire ce que je pense. Or quand j'entends ce matin Emmanuel Macron se poser la question du maintien des 35 heures, je me dis qu'on a vraiment franchi la ligne jaune, qu'on est en train d'évacuer nos derniers fondamentaux. » « Si on nous demandait de signer la tribune aujourd'hui, je ne suis pas sûre que nous serions encore 200 », ajoute-t-elle. Sur le site régional objectifnews.com, ce mercredi, l'élue de Haute-Garonne s'est inquiétée : « Le nouveau gouvernement est dans la ligne du président. Il n'y aura plus de voix dissonante. Mais qui parlera aux couches populaires que nous sommes en train de perdre à présent ? »

Vendredi 29 août, une des signataires, Anne-Lise Dufour-Tonini, députée et maire de Denain, a d'ailleurs exprimé dans un communiqué et sur son profil Facebook son « profond désarroi » sur la « ligne politique, économique notamment, de ce Gouvernement ». « Les applaudissements nourris du patronat rassemblé, en conclusion de l’intervention du Premier ministre, résonnent bizarrement pour la fille d’un ouvrier d’USINOR, élue d’un territoire frappé de plein fouet par les ravages de la crise économique et sociale », écrit cette proche de Martine Aubry.

Elle poursuit: « Il ne suffit pas de proclamer "aimer l’entreprise" pour apporter des réponses politiques à la crise économique. (...) La condamnation brutale de toute « autre politique » est particulièrement malvenue au moment où le crédit emploi compétivitité (CICE) financé en partie par la hausse de la TVA sur les ménages, censé inciter les entreprises à relancer leurs investissements et à embaucher, semble davantage servir à gratifier les actionnaires. Je ne peux pas non plus passer sous silence les premières déclarations du nouveau Ministre de l’économie et de l’industrie, qui vient de remettre en cause les 35 heures, le SMIC, tout en s’interrogeant, sans doute pour faire bonne mesure, sur le poids coupable des "droits acquis par les travailleurs" sur notre économie osant les qualifier de handicap. Ces propos sont à l’exact opposé de ma matrice intellectuelle, ainsi que du fondement de mon engagement politique depuis plus de 25 ans. Il est hors de question pour moi d’accepter un "tournant social-libéral", qui n'est pas ce pour quoi j'ai fait campagne et ai été élue! »

BOITE NOIREAjout: vendredi 13h, la réaction d'Anne-Lise Dufour Tonini, députée PS du Nord et proche de Martine Aubry

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Un attentat aux USA en 2009 planifié par le FBI

Hollande plus interventionniste que jamais dans un «monde cruel»

$
0
0

C'est un exercice auquel se prête, chaque année, le président de la République. Un long discours pour expliquer et justifier la position de la France dans le monde. La conférence des ambassadeurs, grand moment pour le corps diplomatique français, est l'occasion de tracer les grandes lignes de la politique extérieure de la France. La mise au point a été sans surprise, alors que l'armée française est directement engagée dans deux pays africains depuis l'an dernier, que ces derniers mois ont vu progresser plusieurs conflits, notamment en Ukraine, où la diplomatie française s'est montrée largement en retrait, et que sur Israël/Palestine, la position de François Hollande s'était déjà nettement démarquée de ses prédécesseurs.

Pas surprenant, donc, que Gaza ne soit évoqué qu'au bout du dix minutes de discours, sans un mot sur l'agression israélienne. François Hollande évoque la « troisième crise de Gaza », et dit vouloir « assurer une supervision internationale de la destruction des tunnels, sécuriser les points de passage entre Gaza d'une part, Israël et l'Égypte d'autre part, et enfin, donner à l'Autorité palestinienne les moyens de répondre à la crise humanitaire et d'entreprendre, une nouvelle fois, la reconstruction de Gaza ».

Sur l'Irak en revanche, les ennemis sont identifiés : une « organisation barbare », un « terrorisme » qui « se nourrit du chaos » – des accents qui rappellent la conférence des ambassadeurs de l'an dernier, lorsque le président s'était prononcé pour une intervention en Syrie, et dont il a encore regretté, ce jeudi, qu'elle ait fait défaut. François Hollande s'est ainsi montré très offensif, rappelant que la France envoie maintenant en Irak non seulement de l'aide humanitaire à destination des réfugiés au Kurdistan irakien, mais aussi des armes « aux forces engagées en première ligne contre l'État islamique ». Le montant de ce soutien militaire, toutefois, restera confidentiel.

Cette décision d'armer les combattants kurdes a été suivie par d'autres pays européens – notamment l'Italie, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, pourtant peu encline à intervenir de la sorte ; preuve, selon le président, que la France est sur une ligne cohérente aux yeux de ses partenaires. Et elle entend bien rester en première ligne de ce dossier. Non seulement François Hollande a affirmé la nécessité, pour la communauté internationale, d'armer les forces de l'opposition qui affrontent l'État islamique, mais il a également appelé à une conférence internationale sur l'Irak, à Paris, « dès que le gouvernement irakien sera constitué, afin que les Irakiens se rassemblent ». Fait nouveau, ces discussions pourraient inclure l'Iran, explique-t-on à l'Élysée, si ce dernier pays montre, de façon incontestable, son renoncement au nucléaire militaire.

La conférence des ambassadeurs en intégralité © Présidence de la république

À plusieurs reprises dans son discours, le président a ainsi défendu une ligne militariste et tiré la couverture à lui. « Nous sommes critiqués, en France – pas à l'étranger : on nous reproche d'agir seuls. Mais nous ne sommes pas seuls, nous sommes les premiers, c'est différent. » Le président a d'ailleurs tenu à justifier l'intervention de l'armée française sur les deux théâtres africains que sont le Mali et la Centrafrique, constatant qu'elle avait porté ses fruits : la « démocratie a été rétablie » au Mali ; « Nous avons évité les massacres » en République centrafricaine. Pourtant, dans un cas comme dans l'autre, les problèmes sont bien loin d'être résolus : la situation demeure extrêmement instable au Mali tandis que la population centrafricaine est prise en étau entre les bandes armées.

François Hollande a eu beau s'afficher à la pointe sur la scène internationale, répétant que la France ne peut rester indifférente à ce monde vu comme « dangereux, brutal, cruel » et affirmant que l'intention de la France, même si elle intervient en premier, « est toujours d'agir avec ses partenaires européens », force est de reconnaître que sur l'Ukraine, loin d'être les premiers, les Français sont longtemps restés absents et flous sur leurs intentions. C'est Angela Merkel qui assure ces dernières semaines les tentatives de médiation entre Kiev et Moscou.

« Plus que jamais, l'Europe doit être présente, dans un monde où la neutralité ne lui est pas permise », a déclaré le président, qui a tenté de remettre la France au centre du jeu en rappelant que la première rencontre entre Vladimir Poutine et Petro Porochenko avait eu lieu précisément en Normandie, le 6 juin dernier. « Depuis, la chancelière et moi-même avons poursuivi nos démarches pour nouer les fils du dialogue », a ainsi avancé François Hollande, appelant même à une réunion entre la France, l'Allemagne, la Russie et l'Ukraine : « une réunion dans le format Normandie, on peut dire que maintenant la marque est déposée » (sic)... Exit, au passage, la Pologne, pourtant très active, elle, dès le début de la crise ukrainienne, et plus proche, culturellement et historiquement, de ce pays voisin.

En matière européenne également, François Hollande a tenté de s'affirmer pour raccrocher les wagons. « L'Europe doit changer, a-t-il dit. Elle doit remettre en cause un certain nombre de politiques, clarifier son organisation, retrouver le soutien des peuples et surtout, gagner la bataille de la croissance de l'emploi. » Pas sûr toutefois que le programme d'investissements annoncé par Jean-Claude Juncker et qui sera au menu des discussions à Bruxelles ce samedi 30 août sera à la hauteur de ces ambitions. D'un montant de 300 milliards d'euros, ce programme aurait bien été rehaussé à 1 000 milliards d'euros pour le parti socialiste.

Dans une version initiale de son discours, François Hollande soulignait d'ailleurs : « Nous pourrions même aller plus loin. » Mais devant les ambassadeurs, il a pris finalement acte de ces 300 milliards – qui consistent en réalité davantage en la mobilisation de fonds déjà existants qu'en un plan de relance –, précisant qu'il fera en sorte que ce plan soit « confirmé, mis en œuvre, et dans les meilleurs délais ». L'idée des 1 000 milliards est donc définitivement enterrée, comme semblaient déjà l'indiquer les récents propos de Pierre Moscovici, lequel se destine à un grand portefeuille économique au sein de la nouvelle commission qui devrait être formée à Bruxelles d'ici le 10 septembre.

Qu'importe si les propos présidentiels sont en totale contradiction avec les moyens – sans parler de la politique économique intérieure –, François Hollande entend défendre, lors du conseil européen de samedi, « une nouvelle initiative de croissance » ainsi qu'un allègement des critères de réduction des déficits budgétaires. Il compte proposer « un sommet de la zone euro pour prendre les décisions nécessaires ». Un sommet de plus, donc, pour un président qui, pour l'heure et malgré les annonces, n'a pas infléchi la politique d'austérité européenne.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Un attentat aux USA en 2009 planifié par le FBI

Le 18 Brumaire de Manuel Valls

$
0
0

Le remaniement du 25 août a été un « coup de tête » réussi par surprise contre la Ve République. L’affaire fut rondement menée, en deux temps, dans la plus pure tradition bonapartiste. Au « pronunciamiento » du 2 avril contre Jean-Marc Ayrault qui imposa au sommet de l’État le triumvirat Valls-Montebourg-Hamon, a succédé le putsch du 25 août au cours duquel le premier se débarrassa des deux autres. C'est ainsi, pour paraphraser Marx (Le 18 Brumaire de Louis Napoléon Bonaparte), qu'au coup de main du 2 avril a répondu le « coup de tête » du 25 août.

Le 25 août, ce qui a été renversé n'est pas le pacte de responsabilité, c’est la réorientation de la politique économique défendue par Arnaud Montebourg. L'alliance entre Manuel Valls et Arnaud Montebourg a fait long feu. Une fois installé à Matignon, le nouveau premier ministre n’avait nullement l’intention de revenir sur le pacte de responsabilité et la politique d’austérité imposée par l’Allemagne. Le meilleur élève de Blair n’était pas devenu un disciple de Roosevelt par l’opération du Saint-Esprit. L’ami de Cahuzac n’allait pas se convertir au colbertisme, fût-il participatif, défendu par Montebourg.

Mais reprenons le fil des événements.

Manuel Valls, le 22 juillet dernier.Manuel Valls, le 22 juillet dernier. © Reuters

J’ai raconté dans un précédent article (Arnaud Montebourg ou l’atermoiement illimité) comment s’est formée l’alliance entre Arnaud Montebourg et Manuel Valls à l’automne 2013, alliance qui a abouti au « pronunciamiento » du 2 avril. « C’était un samedi, se souvient un conseiller d’Arnaud Montebourg. Il y a eu ici, dans l’appartement de fonction du ministre du redressement productif, une réunion de deux heures. Il y avait Manuel Valls, Benoît Hamon, Arnaud Montebourg et Aquilino Morelle, l’influent conseiller du président à l’Élysée, l’homme de Montebourg et l’ami de Valls. "J’échange ton soutien à ma politique contre mon soutien à ta nomination à Matignon", propose Montebourg à Valls. À l’appui de ce deal, il lui fait lire une note de ses services, qui démontre que la stratégie du pacte de responsabilité et des coupes budgétaires conduit à la récession et va aggraver le déficit public et le chômage en 2014, 2015 et peut-être 2016. "Tu réorientes la politique économique et on sort de l’austérité. C’est le prix de mon soutien", propose Montebourg à Valls. Pourquoi ? Parce que c’est l’intérêt de la France, de la gauche, de tout le monde. Il a pris la note, il l’a fait tourner chez ses experts. Il ne connaît rien à l’économie... »

Finalement, toujours selon ce conseiller, Manuel Valls tranche : « Tu as raison, il faut ouvrir le débat macroéconomique... » Les mots sonnent étrangement après la réaction de Valls au discours de Montebourg le 24 août à Frangy. C’était un accord pour mettre fin à l’austérité. « La veille du deuxième tour des municipales, je suis reçu à l’Élysée, raconte Arnaud Montebourg. J’ai dit à Hollande : "Je ne participerai pas à un gouvernement Ayrault." Il sentait qu’il y avait de la rébellion dans l’air. La veille de ce deuxième tour, j’ai rédigé une lettre : je lui demandais 1. La réorientation de la stratégie macroéconomique de la France  2. Le départ d’Ayrault. »

C’est la première fois sous la Ve République qu’un ministre fait pression sur le président de la République pour lui imposer le choix de son premier ministre. De Gaulle ou Mitterrand aurait viré le premier qui aurait tenté d'exercer une telle pression. Montebourg en convient : « Mais c’est fini, je suis pour la VIe, je pratique la sixième République à l’intérieur de la Ve... Et nous avons écrit ensemble le programme. Aquilino Morelle prenait des notes. Nous avons écrit le texte qui a servi de base au discours de politique générale de Manuel Valls le 8 avril, devant l’Assemblée nationale. » « Enfin, ajoute-t-il d’un ton sibyllin, partiellement... partiellement... »

Le président est au pied du mur. Affaibli par le résultat des élections municipales, bouleversé, raconte-t-on, par la perte du bastion socialiste de Limoges, il se range à l’avis des conjurés en moins de quarante-huit heures et nomme, contre toute attente et toute logique électorale, Manuel Valls à Matignon.

C’est la « Blitzkrieg » de Montebourg, une guerre éclair qui a pour objectif stratégique de casser « la dorsale libérale » du gouvernement incarnée, selon lui, par Jean-Marc Ayrault, Pierre Moscovici, Jérôme Cahuzac et d’autres. Peu importe que Jérôme Cahuzac ne soit plus membre du gouvernement et que Pierre Moscovici soit donné partant pour Bruxelles, où il brigue un poste de commissaire européen. Peu importe que Manuel Valls soit bien plus à droite que Jean-Marc Ayrault, qui restait compatible avec l’aile gauche du PS et les écologistes. La « story » de la « dorsale libérale » a l’avantage de donner des airs d’épopée à une alliance de circonstances. Plutôt qu’un New Deal à la française, c'est un simple deal politicien.

Et c’est ce deal qu’a trahi Manuel Valls.

Appelons-le comme on veut, alliance générationnelle, pari politique ou échange de bons procédés, l'accord entre Valls et Montebourg se révéla très vite un marché de dupes. « Montebourg et Hamon ont ainsi justifié le deal : Valls est plastique, raconte un haut fonctionnaire. Il acceptera de bouger ! En fait, il est allé dans la même direction, d’un pas plus ferme et plus rapide. Plus loin dans la trahison, plus vite. Le piège s’est refermé sur eux. Maintenant c’est le chantage permanent avec les députés socialistes. Si vous ne votez pas, vous faites le jeu du Front national. Valls a mis le couteau sous la gorge de son propre parti. C’est du racket ! »

Arnaud Montebourg et Benoît Hamon.Arnaud Montebourg et Benoît Hamon. © Reuters

Quelques semaines après le pronunciamiento du 2 avril, Montebourg comprend qu’il a été berné. À ceux qui lui reprochent son tournant vallssien, ses appels à l’union nationale, aux patrons patriotes, « petits et grands », sa légitimation du CICE et du pacte de responsabilité, ses silences lors des attaques de Valls contre les Roms (même si, en privé, l’avertissement est tombé : « Ne nous entraîne pas là dedans... »), il tient à défendre l’ancrage à gauche de sa politique.

N’a-t-il pas obtenu la création d’un comité d’économistes anti-austérité composé, entre autres, de Joseph Stiglitz, le prix Nobel américain, et du keynésien Jean-Paul Fitoussi ? N’a-t-il pas fait signer à Manuel Valls un décret de contrôle des investissements étrangers en France, une arme de « démondialisation », et obtenu la nationalisation partielle d’Alstom après celle de PSA ? Ne s’apprête-t-il pas à lancer ses grands travaux, un programme de construction de barrages dans la grande tradition du New Deal ? Pour preuve de son ancrage à gauche, Arnaud Montebourg n’hésite pas à afficher son amitié avec Jean-Claude Mailly, le leader du syndicat FO, et à brandir comme un bulletin de victoire un tract de la CGT qui le félicite d’avoir sauvé l’entreprise Ascometal, un succès incontestable à mettre au crédit de son action, comme la restructuration de Rio Tinto, la première grande réussite industrielle stratégique de son ministère.

Dans son récent discours-programme du 10 juillet, le ministre ne se prive pas de morigéner les porteurs de pin’s du Medef, une allusion à celui que portait Gattaz avec l’inscription « 1 Million d’emplois », et ne retire en rien ses philippiques contre les familles Peugeot et Mittal. Des mots qui tranchent avec ceux de Manuel Valls devant ce même Medef, le 27 août (notre article ici).

La décision de Montebourg est prise dès le mois de juin : engager le débat macroéconomique au sein du gouvernement. Alors il fait pression sur Valls. Celui-ci, habile manœuvrier feint la complicité (il aurait dit à Benoît Hamon : « Les 50 milliards, c’est du délire ! »). Il prétend hésiter entre une position de loyauté à l’égard du président à laquelle il s’estime tenu pendant quelques mois et le rapport de force. Chaque fois que Montebourg voit Valls, il le sermonne : « Il faut bouger, il faut que tu m’expliques comment tu vas bouger. Chaque fois que je le vois, je lui rappelle notre accord. » L’alliance est un combat.

Montebourg fait monter la pression. Le dimanche de Pentecôte, lors de l’ascension du Mont-Beuvray avec Christian Paul, un des leaders des députés frondeurs, il a senti la colère des militants qui l’accompagnent. À l’Assemblée, il encourage ses amis députés à répartir leurs votes entre les frondeurs et ceux qui soutiennent le gouvernement. Ensuite, le chemin est balisé. Le 10 juillet, son grand discours de politique générale à Bercy. Puis la Fête de la rose à Frangy et l’université d’été du PS à La Rochelle. L’argumentaire est rodé. C’est l’appel à rompre les rangs européens de l’austérité imposée par l’ordolibéralisme allemand. Le double joug de Bruxelles et de Berlin plonge l’Europe dans la déflation. Puis viendra le vote de la loi de finances 2015, le test ultime de la volonté de Valls d’infléchir la politique économique. « Si Valls choisit d’infléchir, c’est bien. Sinon c’est bien aussi. Je ferai comme Cincinnatus. Je retournerai à mes bœufs et à mes champs », confie-t-il début juillet 2014.

Manuel Valls laisse faire et encourage même la rébellion d'un Montebourg « qui est dans son rôle quand il défend le redressement industriel de le France ». En réalité, il le pousse à la faute. Il n’attendra pas les bras croisés le vote de la loi de finances. Il ne laissera pas Montebourg sortir du bois et déclencher une crise gouvernementale en démissionnant avec fracas. Deux jours avant Frangy, Montebourg donne une interview au Monde. Matignon n’y trouve rien à redire. À Frangy, il demande à nouveau aux côtés de Benoît Hamon, n°2 du gouvernement, « une inflexion majeure de notre politique ». Rien de nouveau qu’il n’ait déjà dit à maintes reprises.

François Hollande et Manuel Valls, six heures de réunion, mardi.François Hollande et Manuel Valls, six heures de réunion, mardi. © Reuters

À Matignon, Valls Brutus se tient prêt. Montebourg était utile pour conquérir Matignon. Il est désormais un obstacle pour y rester. Il faut s’en débarrasser. Reste à trouver le prétexte et le bon timing. Pour le timing, Frangy fera l’affaire. Quant au prétexte, ce sera une de ces provocations à l’égard du président, que Valls encourage en privé se moquant lui-même de François Hollande qu’il surnomme « Toto ». Toute la France ne l’a-t-elle pas vu défier le président en débouchant à Frangy une bouteille de « cuvée du redressement », à la manière d’un Sarkozy raillant le roi fainéant ?

Entouré de ses conseillers, Valls est déterminé. La fine équipe qui l’accompagne depuis Évry quand ce n’est pas depuis la fac de Tolbiac, est sur le pied de guerre. On regarde en direct le discours de Montebourg guettant le moindre faux pas. On sourit d’aise quand il fustige l'austérité, cette « idéologie destructrice », ce « mauvais médicament » contre le chômage et la croissance. On s’attend à le voir déplorer des « erreurs collectives » commises sur le plan économique en Europe et s’appuyer sur les critiques du prix Nobel d'économie Paul Krugman ou encore la présidente du FMI, Christine Lagarde.

Le ministre de l'économie ne s'en prend pas directement au président, ni au premier ministre Manuel Valls. La cible de Montebourg, c’est l’Europe. C’est là que Valls l’attend. « Nous avons été de bons élèves de la classe européenne » en suivant les principes « les plus extrémistes de la droite allemande ». « La deuxième puissance économique de la zone euro n’a pas à s’aligner sur les axiomes idéologiques de l’Allemagne. » À peine ces mots sont-ils prononcés que la décision est prise.

Hollande en voyage à la Réunion, Valls ne peut réagir à chaud. Ce sera donc une déclaration de l’« entourage », facile à démentir en cas de désaccord avec le président. Une source proche du premier ministre déclare à l’AFP : « Un ministre de l’économie ne peut pas s’exprimer dans de telles conditions sur la ligne économique du gouvernement et sur un partenaire européen comme l’Allemagne. » « Une ligne jaune a été franchie. » Les termes sont pesés au trébuchet. Jaune n’est pas rouge. L’ambiguïté de la formule autorise tous les commentaires. Cela peut ouvrir la voie à un simple avertissement si Hollande ne veut pas trancher. Sinon « le premier ministre est déterminé à agir dans les prochains jours ».

La dépêche de l’entourage détourne l’attention du discours de Frangy. En quelques minutes, la peur a changé de camp. De la transgression annoncée à l’attente d’une sanction. De la faute supposée à la punition attendue. Le débat politique cède la place au théâtre du châtiment. Le lendemain matin, Valls se rend à l’Élysée pour dicter ses conditions au président de la République. Il veut la tête de Montebourg. Il ne se contente pas d’une démission forcée du contestataire. Il veut retailler le gouvernement à sa mesure.

Hollande est sommé de s’exécuter. Le pronunciamiento du 2 avril avait vu pour la première fois sous la Ve république un quarteron de ministres imposer l’un des leurs à Matignon. Le coup de main du 25 août réalise l’impensable, un « autogolpe » au cours duquel un premier ministre prononce à la fois sa démission et sa nomination. Du jamais vu : le 18 Brumaire de Manuel Carlos Valls !

« Un gouvernement de soldats », ira même jusqu’à dire Valls. Diable. Est-on en guerre ? Dans l’esprit de Valls, oui. Invité de France 2 le lendemain, il ira jusqu’à évoquer les menaces terroristes, les attentats, les bruits de bottes en Ukraine, pour justifier le remaniement de son gouvernement. La guerre, c’est son hubris. Comme son philosophe de chevet Bernard-Henri Lévy, présent sur tous les champs de bataille du néoconservatisme. Comme son spin doctor Stéphane Fouks tout couturé de cicatrices (DSK, Cahuzac) et conseiller historique (entre autres du PDG d’EDF, Henri Proglio, et du patron d’Orange, Stéphane Richard).

Manuel Valls et Pierre Gattaz, lors de l'université du Medef, mercredi.Manuel Valls et Pierre Gattaz, lors de l'université du Medef, mercredi. © Reuters

Aux lendemains de son putsch, Manuel Valls se rend à l’université du Medef et y dépose devant un parterre de patrons ravis le scalp de l’ex-ministre de l’économie. Il y tient un langage néolibéral, contresignant de sa main le pacte de responsabilité, en jetant aux orties les contreparties, le code du travail et toute précaution verbale, affirmant sans barguigner : « N’est-il pas absurde ce langage qui ose parler de cadeaux aux patrons? » Il déclare sa flamme pour l’entreprise, adopte la posture du meilleur élève du Medef, promet qu’avec lui tout va changer : « Il était temps de sortir des postures, des jeux de rôles. » « J’aime l’entreprise. J’aime l’entreprise ! » l’entend-on minauder en tartufe néolibéral. Il ne s’agit plus de convertir le patronat au socialisme, mais d’enrôler les socialistes dans les rangs du Medef. Le parterre patronal se pâme, rapporte Mathieu Magnaudeix. « La gauche qui dépolitise l’entreprise, c’est du jamais vu en France », se félicite Denis Kessler, l’idéologue du Medef.

Le 25 août, Manuel Valls a ainsi mis fin au quinquennat de François Hollande. Ce qui a été renversé, ce n’est pas l’hégémonie de la finance et le partenariat historique de la droite française et du patronat, c’est toute volonté de réorientation de la politique économique, et c'est bien au-delà l'effacement symbolique du programme du Conseil national de la Résistance, ce programme que Denis Kessler, justement, veut mettre à bas depuis des années. Divine surprise ! L’élite du pays, désinhibée par trente années de néolibéralisme, a trouvé son félon « socialiste ». Un ex-conseiller ministériel du gouvernement Ayrault fit ce constat désabusé : « L’avion FH2012 qui a décollé du Bourget s’est écrasé hier à Jouy-en-Josas » !

----------------------------------

P.-S.-« La Cacanie, écrivait Robert Musil dans L’Homme sans qualités, était, dans l'actuel chapitre de l'évolution, le premier pays auquel Dieu eût retiré son crédit, le goût de vivre, la foi en soi et la capacité qu'ont tous les États civilisés de propager au loin l'avantageuse illusion qu'ils ont une mission à accomplir. C'était un pays intelligent, qui abritait des hommes civilisés. Ils se sentaient environnés de meurtres, de violences, de passions, de sacrifices, de grandeur, événements qui se déroulaient d'une façon ou d'une autre dans la pelote embrouillée autour d'eux... Ils ne savaient plus où aboutissaient leurs sourires, leurs soupirs, leurs pensées. Ainsi l'homme cultivé était-il un homme qui sentait on ne sait quelle dette s'accroître sans cesse, qu'il ne pourrait plus jamais acquitter. Il était celui qui voyait venir la faillite inéluctable : ou bien il accusait l'époque dans laquelle il était condamné à vivre, encore qu'il prît autant de plaisir à y vivre que quiconque, ou bien il se jetait, avec le courage de qui n'a rien à perdre, sur la première idée qui lui promettait un changement. »

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Un attentat aux USA en 2009 planifié par le FBI

A La Rochelle, des ministres «lost in translation»

$
0
0

La Rochelle, de nos envoyés spéciaux.   Ils sont comme groggy. Ministres ou secrétaires d’État, ils sont toujours de l’équipe de Manuel Valls et comptent y rester. L’essentiel de la politique menée leur convient, ils ne voient pas franchement d’alternative. Mais la mise en scène d’un tournant libéral de l’exécutif les met mal à l’aise. Après deux ans et demi d’exercice du pouvoir, l’exécutif ne sait plus très bien où il habite ni ce qu’il est. Social-libéral, social-démocrate, socialiste, les mots valsent et ne semblent plus signifier grand-chose.

En chœur, bien sûr, l’Élysée et le gouvernement défendent l’éviction d’Arnaud Montebourg et de Benoît Hamon. Jurent qu’il était impossible qu’un ministre de l’économie critique la politique économique qu’il devait mettre en œuvre. Qu’au-delà des mots, certaines attitudes sont insupportables. Les éléments de langage sont calés : les partants sont au choix des immatures peu dignes d’occuper une fonction si importante, des manœuvriers qui ont confondu le congrès du PS avec le gouvernement, ou des comédiens qui jouent de postures au service de leur ambition.

« Au-delà de la ligne, c’est le style, le ton et la désinvolture qui étaient problématiques », explique une ministre du gouvernement. « Ils se sont comportés comme des gamins. Arnaud (Montebourg, ndlr) est intéressant et travailleur mais c’est un comédien. Il a joué. Benoît (Hamon, ndlr) n’avait pas mesuré qu’il serait la vedette américaine alors qu’il était ministre de l’éducation nationale à huit jours de la rentrée scolaire », dit un de ses collègues.

Stéphane Le Foll à La Rochelle, vendrediStéphane Le Foll à La Rochelle, vendredi © Reuters

 

Mais ce ne sont que petites phrases et fausses confidences destinées à éteindre un incendie médiatique. Elles ne sauraient étouffer tous les doutes, même parmi les partisans les plus farouches de François Hollande. Cette incertitude, voire ce désarroi, ce sont les membres d’un gouvernement, militants du parti socialiste depuis de longues années, obligés de s’expliquer toute la journée sur leur appartenance à la gauche. Ce sont des journalistes de tous médias qui leur demandent quelle est la différence entre leur politique et celle de la droite. C’est ce ministre, dans le train qui l’emmène à La Rochelle, qui accepte de répondre à la question sans même trouver incongru qu’elle soit posée.

« Manuel Valls est social-libéral. Il a une ligne clairement identifiée. Mais à côté de ça, il faut réaffirmer que notre objectif est la justice sociale et la redistribution. L’enjeu de l’emploi n’est pas le seul : il faut créer des richesses pour relancer l’activité mais aussi pour faire des réformes sociales de redistribution », explique un ministre qui a toujours revendiqué son appartenance à la deuxième gauche de Michel Rocard. Et qui insiste : « Il faut être sur une ligne sociale-démocrate. Il faut l’expression d’une volonté sociale. Je ne suis pas du tout social-libéral, je suis social-démocrate. »

Favorable à un assouplissement du travail de dimanche, critique envers les « blocages et pesanteurs » dont souffrirait la France, partisan de la réduction des déficits, ce membre important du gouvernement veut pourtant continuer à parler « services publics et solidarité ». « Être de gauche, c’est ça. Ne parler que des entreprises, c’est tronqué. » L’incroyable, en réalité, est de devoir le préciser.

« En ce moment, je suis un mauvais porte-parole du gouvernement, car on ne sait pas où Manuel Valls et François Hollande vont », lâche aussi un secrétaire d’État. Lui aussi juge qu’il n’y avait pas d’autre issue possible que le départ des ministres, mais le regrette. « Le sujet, c’est l’expression publique des désaccords, dit-il. Les débats continueront à avoir lieu, même si on peut avoir un questionnement sur la qualité de ce débat. » En revanche, il ne se remet pas de la nomination d’Emmanuel Macron à Bercy : « Les symboles, quand il ne reste plus que ça, c’est important. » Et de considérer cette promotion comme « une faute de fabrique, on va être obligé de rappeler les voitures à l’usine ».

Pour autant, il veut croire que ce « tournant libéral » ne durera pas. « Il y aura des rééquilibrages, assure-t-il. Car aujourd’hui il manque un pan dans le discours du Medef (prononcé mercredi par Manuel Valls, ndlr), c’est la question du volet social de l’action gouvernementale. Ce sujet, Manuel aura besoin de l’ouvrir, il n’est pas fou. Le tournant libéral ne peut pas tenir, on ne peut pas faire une politique sans le parti et sans majorité à l’Assemblée. »


Social-démocrate, pas social-libéral, c’est le mantra également répété par les proches de François Hollande. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture et porte-parole du gouvernement, fait le service après-vente devant la presse : lui aussi doit rappeler qu’il est de gauche. « Le PS est un grand parti de gauche avec une assise populaire qu’il faut garder. Nous avons quatre grands principes : la lutte contre les inégalités ; privilégier la production face à la rente ; la transition énergétique ; l’éducation qui reste une priorité. Ces valeurs montrent bien que notre politique est de gauche. Je revendique ces valeurs de gauche », explique-t-il.  En soi, la scène est éclairante. Le Foll insiste : « On n’est pas social-libéral, on est des sociaux-démocrates. La preuve, on s’est beaucoup appuyé sur le dialogue social. » Des mots déjà prononcés par le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis jeudi dans Le Monde.

Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS.Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS. © Reuters

Ce dernier a, ce vendredi à La Rochelle, de nouveau insisté : « Le social-libéralisme, ce n’est ni notre langage, ni notre culture, ni notre tradition. » Face « à un trouble qui s’est installé par un enchaînement d’événements », il souhaite « fixer des lignes rouges ». Et il prévient : « Je marquerai la même distance avec le social-libéralisme qu’avec certaines critiques exprimées par l’aile gauche. » Avant de toutefois souhaiter que le PS puisse « se moderniser sans se renier » et de lancer des « états-généraux des socialistes » (voir ici), pour « définir un nouveau progressisme » dans les quatre prochains mois.

Deux ans et demi après la victoire de François Hollande, les principaux responsables du gouvernement et du PS en sont donc à justifier ce qu’ils font, et même ce qu’ils sont. Et signe supplémentaire d’un certain désarroi, on n’y comprend pas grand-chose. La définition de la social-démocratie varie d’un ministre à l’autre. Quand l’un rappelle l’importance conférée au dialogue social, et donc à la nécessité de compromis entre des forces ayant des intérêts divergents, l’autre affirme que la lutte des classes a disparu depuis longtemps.

« La social-démocratie, c’est l’adaptation », dit un ministre en une formule dont on peine encore à comprendre le sens. Un autre ajoute : « Quand on se met dans la main de la politique de l’offre, il faut avoir le patronat avec nous. C’est notre faiblesse. On est dans la main du patronat. » Un troisième défend que la social-démocratie, c’est de ne pas faire ce que ferait la droite – une définition par la négative. C’est ne pas remettre en cause la protection sociale, ne pas baisser les salaires, ne pas faire davantage d’économies, ne pas dérembourser des médicaments, ne pas toucher à la durée légale du travail. Être de gauche, pour le gouvernement, c’est ne pas être de droite. Pour la suite, Stéphane Le Foll promet : « Il faut clarifier idéologiquement ce qu’on est en train de faire. »

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Un attentat aux USA en 2009 planifié par le FBI

Paroles de militants PS: «On parle de social-libéralisme, j'enlèverai le mot social»

$
0
0

La Rochelle, de notre envoyé spécial.   L'université du PS à La Rochelle s'est ouverte vendredi sur fond de tensions grandissantes entre les députés frondeurs et le gouvernement. Les militants interrogés sont eux partagés, pour ne pas dire un peu perdus. Qu'ils soutiennent la nouvelle ligne plus libérale du gouvernement ou qu'ils la contestent, tous s'accordent ce premier jour à dire qu'il faut ouvrir le débat. Pendant ces trois journées, nous rendrons compte des témoignages de militants.

  • « On parle de social-libéralisme, j'enlèverai le mot social »
    Gilles Harau, 52 ans, membre du Parti socialiste depuis 1981, fonctionnaire territorial.
     
Gilles HarauGilles Harau © Yannick Sanchez

« Depuis lundi il y a eu un tournant brutal de la politique menée. On parle beaucoup de social-libéralisme, personnellement j'enlèverai le mot social. À partir du moment où quelqu'un qui se dit de gauche se fait ovationner par le Medef, ça pose un problème. Plus ça va, plus la ligne politique de François Hollande s'écarte des soixante engagements pour lesquels il a été élu. Je ne suis pas anti-entreprise, au contraire, mais si l'idée c'est que les Français se sacrifient pour que les multinationales augmentent leurs dividendes, alors là c'est inacceptable.

Franchement quand je discute avec des militants, un certain nombre sont vraiment remontés, même ceux qui ne se situent pas à gauche du parti. J'en connais même plusieurs qui pensent à quitter le PS à cause de cette ligne économique. C'est dramatique parce que cela profite au Front national. Aujourd'hui, on n'entend pas assez les adhérents. C'est précisément alors que les cotes de popularité de l'exécutif s'effondrent qu'il faut ouvrir le débat, on ne peut pas cadenasser les gens qui ont d'autres propositions. » 

  • « On s'est retrouvé talonné par le Front national »
    Michèle Gauthier, retraitée de l'éducation nationale, sympathisante socialiste de Cournon-d'Auvergne (Puy-de-Dôme)
Michèle GauthierMichèle Gauthier © Yannick Sanchez

« J'habite dans une ville très ancrée à gauche. Aux dernières élections on s'est retrouvé au coude à coude avec le Front national, notamment dans mon quartier, c'était une première et je sais de quoi je parle puisque je m'occupe d'un des bureaux de vote. Le problème c'est que les gens aujourd'hui attendent des résultats trop vite, ils sont dans l'immédiateté. Bien sûr que le chômage et la pauvreté de certains sont un drame mais on ne peut pas attendre des dirigeants un coup de baguette magique.

J'entends de plus en plus de discours de gens qui ont perdu tout espoir en la politique. Ils ne voient plus la différence entre la droite et la gauche. Le risque chez cet électorat qui n'est pas très politisé, c'est qu'il se retrouve à voter FN. Je connais une ancienne chef de section du parti socialiste qui a rendu sa carte et qui adhère maintenant aux idées de Marine Le Pen. Il ne faut pas oublier que l'on fait partie des rares pays en Europe qui, malgré la crise économique, ont réussi à conserver leur modèle social. Personnellement, je n'adhère plus au Parti socialiste parce que je trouve qu'il n'y a pas assez de débat. Même au niveau local, il y a les béni-oui-oui et ceux qui veulent l'ouvrir se font dézinguer. »

  • « Il y a une forme de hold-up politique qui est menée »
    Mathurin Levis, 23 ans, membre du bureau national du mouvement des jeunes socialistes (Yvelines), étudiant en master d'histoire
Mathurin LevisMathurin Levis

Il faut que l'on arrive à s'extraire de cette vision selon laquelle l'exercice du pouvoir conduit nécessairement à se séparer d'une partie de sa base militante. Aujourd'hui, l'orientation politique est très éloignée de ce pour quoi on s'est battus pendant la campagne présidentielle de 2012. La gauche au pouvoir ne doit pas être synonyme de reniement. Avec la nomination d'Emmanuel Macron comme ministre de l'économie, le symbole donné est désastreux et forcément une fracture est en train de se créer entre les militants et le gouvernement.

La réalité électorale, c'est que l'on a perdu 8 millions de voix entre 2012 et les élections municipales de 2014. Au lieu d'ouvrir le débat, le premier ministre répond de façon autoritaire. Nous n'avons pas élu François Hollande pour qu'il mène une lutte aveugle contre les déficits. Selon moi, la première des erreurs est de dire qu'il n'y a pas d'autre politique possible.

Quand on entend que certaines revendications sur les hausses salariales sont considérées comme des réflexes pavloviens, je pense au contraire qu'il faut arrêter d'avoir des réflexes libéraux quand on est de gauche. Je suis d'accord avec Manuel Valls quand il dit que la gauche peut mourir, la responsabilité aujourd'hui est de réussir à fédérer les forces de gauche, sinon le rapport de force entre les différents courant (EELV, Front de gauche, PS) ne peut que s'accentuer. »

  • « Tous les moyens de lutte contre le chômage ont échoué »
    Jean-Paul Chartron, adjoint à la mairie de Firminy, « hollandais » de longue date et adhérent socialiste depuis 1968.
Jean-Paul ChartronJean-Paul Chartron © Yannick Sanchez

 « Moi, je suis sans état d'âme. On a un vrai problème de chômage en France. L'emploi des jeunes, ça mériterait une union nationale des politiques, c'est une question qui va au-delà des courants droite-gauche. Et ce que dit Manuel Valls est peut-être ce qui va permettre de changer la France d'ici quinze ans. Je suis élu depuis 1977 et je constate que tous les moyens pour lutter contre le chômage ont échoué. Il y a toujours eu des débats au Parti socialiste et je pense qu'au final la base militante va adhérer.

D'une manière générale, le passage au pouvoir réduit la cote de popularité mais ce qui m'inquiète tout de même, c'est la réduction du socle politique. Il n'y a plus les Verts, le Front de gauche, ça ne veut pas dire que ça ne va pas marcher. Localement, c'est vrai que l'argent devient plus rare mais ce n'est pas l'addition de politiques locales qui fait une politique nationale. On continue de travailler sur la réindustrialisation mais on est bien obligé de lutter parallèlement pour réduire les déficits. On n'a pas les moyens de faire autrement. J'aimerais que Valls soit le premier ministre qui a endigué le chômage. »

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Un attentat aux USA en 2009 planifié par le FBI

Paroles de militants PS: «Il faut du concret, du boulot, du pouvoir d'achat»

$
0
0

La Rochelle, de notre envoyé spécial.  L'université du PS à La Rochelle s'est ouverte vendredi sur fond de tensions grandissantes entre les députés frondeurs et le gouvernement. Les militants interrogés sont eux partagés, pour ne pas dire un peu perdus. Qu'ils soutiennent la nouvelle ligne plus libérale du gouvernement ou qu'ils la contestent, tous s'accordent à dire qu'il faut ouvrir le débat. À l'issue de la troisième et dernière journée, plusieurs craintes reviennent : en particulier l'éloignement de la ligne du gouvernement avec la base militante et la montée du Front national. Pendant ces trois journées, nous rendons compte des témoignages de militants.

  • « Notre responsabilité, c'est de l'ouvrir, c'est de huer, c'est de siffler s'il n'y a que ça pour avoir un débat »
    David Fontaine, 33 ans, secrétaire de section à Saint-Étienne-de-Rouvray (Seine-Maritime), adjoint au maire en charge des affaires scolaires.
David FontaineDavid Fontaine © Yannick Sanchez

En ce moment, les conseils municipaux sont assez sportifs. Nous, on fait clairement la distinction entre une ligne sociale-libérale et une ligne socialiste travaillée ardemment autour de Martine Aubry et validée par l'élection de Hollande. Il y a une demande très forte de nos militants d'avoir un vrai débat. Certains parlementaires ont signé l'appel des 100, ils sont nos relais et ces relais sont trop timides.

Avec les militants que nous croisons tous les jours, on se rend compte que la politique libérale menée par le gouvernement met en péril toute réforme progressiste. Et ce n'est pas en brandissant l'épouvantail FN que l'on va gagner des élections, il faut faire la politique pour laquelle on a été élu.

À Saint-Étienne-de-Rouvray, on voit les baisses de dotations dans tous les domaines. J'ai une classe qui va fermer et les 60 000 postes dans l'éducation nationale, on n'en voit pas encore la couleur. Il faut revenir aux fondamentaux, au concret, sans perdre notre ADN de gauche. Je me souviens de la première dame qui est venue voter aux primaires chez nous. C'était une vieille dame, vraiment pauvre, elle a débarqué à 7 h 45 avec une pièce de un euro dans la main et elle nous a dit « je vous la donne parce qu'il faut que la gauche gagne ». Je me demande aujourd'hui ce qu'elle pense du quinquennat.

Dans nos mesures au quotidien, c'est à cette vieille dame qu'il faut penser. Quand on va dans les marchés, les gens nous disent « on vous connaît les socialistes à Saint-Étienne, vous vous êtes fait avoir comme nous ». Notre responsabilité, c'est de l'ouvrir, c'est de huer, c'est de siffler s'il n'y a que ça pour avoir un débat.  

  • « J'ai l'impression qu'on n'était pas prêt à gouverner dans la durée »
    Marie Gallet, 24 ans, adhérente depuis décembre 2011 à la section socialiste de Guise (Aisne). Elle se dit pour une social-démocratie à la française. 
Marie GalletMarie Gallet © Yannick Sanchez

François Hollande avait dit qu'il n'y aurait pas d'état de grâce. S'il pouvait faire une politique très à gauche il le ferait. Autour de moi, j'entends plusieurs personnes dire que la gauche va mourir ou que le PS va mourir. J'ai l'impression qu'on n'était pas prêt à gouverner dans la durée. La sixième république, c'est une réflexion que l'on peut avoir, le moment est charnière. Mais il faut faire attention à ne pas créer du trouble et être dans la cacophonie générale. Comme disait Ségolène, aimez-vous les uns les autres...

Quand on veut un changement profond d'institutions, ça se joue à la présidentielle car s'il y a des changements il faut que ce soit fait avec le peuple. Il y a des choses à faire, Hollande avait dit qu'il supprimerait l'immunité présidentielle. Mais on a d'abord besoin de réformes sociales, économiques et après on s'occupera des institutions. Il faut quelque chose que les gens peuvent palper, du concret, du boulot, du pouvoir d'achat. 

  • « Il faut être optimiste et réussir à mettre d'autres valeurs dans la tête des gens »
     Jean-Pierre Payraud, 62 ans, ancien maire d'Épinouze (Drôme) pendant 22 ans et ancien président de la communauté de communes de la Porte de DrômArdèche.
Freddy Martin-RossetFreddy Martin-Rosset © Yannick Sanchez

La première chose que l'on aurait dû mettre en place, c'est la réforme fiscale, mais est-ce qu'on peut se permettre une crise interne aujourd'hui ? Le Front national dans nos campagnes est à 30 %. Alors je suis sans état d'âme, je pense qu'il faut serrer les rangs.

Je suis très pessimiste parce que nos jeunes qui ont été éduqués par la télévision, on leur a dit qu'il fallait être consumériste mais on n'en a pas fait des citoyens informés. Ils ne peuvent pas s'acheter des écrans plats et ils pensent que le FN va rétablir leur pouvoir d'achat. Il y a même des immigrés de seconde ou troisième génération qui votent pour Marine Le Pen, si on ne voit pas là l'urgence !

On n'a pas le choix, il faut être optimiste et réussir à mettre d'autres valeurs dans la tête des gens. À notre niveau, on a un petit pouvoir mais sans grande marge de manœuvre. Les collectivités locales, on les a étranglées. Alors je suis franchement pour un projet de sixième république à la Montebourg. Il faut sortir de ces institutions où les députés votent ce que le gouvernement veut et se font engueuler après sur les marchés. Ce n'est pas ça être un représentant du peuple.

  • « Le vrai débat, c'est le rapport de force entre l'entreprise et la finance »
    Abdelkader Slifi, 35 ans, enseignant en macroéconomie, conseiller municipal d'Argenteuil (Val-d'Oise) dans l'opposition.
Abdelkader SlifiAbdelkader Slifi © Yannick Sanchez

On a perdu la ville d'Argenteuil à 187 voix parce qu'on n'arrivait justement pas à expliquer sur le terrain les orientations politiques du gouvernement sur le plan économique. Je suis d'accord sur le fait qu'il faut restaurer la compétitivité des entreprises mais pas sans contreparties. Ça ne me pose pas de problèmes que Manuel Valls dise qu'il aime l'entreprise mais encore faut-il voir à quelles entreprises il s'adresse.

Le vrai débat, c'est le rapport de force entre l'entreprise et la finance. Keynes disait que les difficultés du capitalisme se posent quand la finance prend le dessus sur l'entreprise. Il faut défendre les petites et moyennes entreprises devant les banques qui n'accordent pas de crédits et qui spéculent sur l'épargne des Français. 

La politique menée pour le moment est un échec parce qu'on n'a pas réussi à résoudre le problème du chômage des jeunes alors que c'était l'une des priorités de François Hollande. Paradoxalement, il n'y a aucun parti qui débatte autant que le nôtre, c'est ce qui me donne tout de même envie de rester au PS.

  • « Il faut arrêter le concours de beauté permanent au PS »
    Jean-Marc Tanguy, 35 ans, éducateur dans un centre départemental d’action sociale, conseiller municipal d’opposition à la mairie de Quimper et membre de la commission nationale handicap. Il se dit proche du député Jean-Jacques Urvoas (lui-même proche de Valls) et des idées de Martine Aubry.
Jean-Marc TanguyJean-Marc Tanguy © Yannick Sanchez

« Hollande ne s’est pas fait élire comme Mitterrand en 1981, c’est-à-dire sur des promesses utopistes de gauche. Au moins il va jusqu’au bout. Par contre, le sourire de Jean-Pierre Jouyet lors de la nomination d’Emmanuel Macron au ministère de l’économie, c’est vraiment "on va dans le mur et en plus on klaxonne".

Au niveau économique, la grande mesure de gauche je ne la vois pas dans ce quinquennat, mais c’est vrai que les marges de manœuvre ne sont pas là. Personnellement, je rêve d’un Hollande qui aurait renversé la table et qui aurait fait un gouvernement d’union de gauche avec des gens comme Martine Aubry, Barbara Pompili ou encore Clémentine Autain et qui aurait rejoint Matteo Renzi sur la réorientation de la politique économique en Europe.

Localement, c’est difficile à l’heure actuelle. Il y a des militants qui partent, quelques secrétaires de section même, on a des cœurs à reconquérir. Mais c’est le fonctionnement du parti qui crée ça aussi. Quand je suis rentré au PS, on m’a dit, ici c’est 80 % d’élus et 20 % de gens qui veulent l’être, aujourd’hui c’est plutôt l’inverse. Il faut arrêter le concours de beauté permanent au PS. Certains parlent des ouvriers avec des trémolos dans la voix alors qu’il n’y en a quasiment plus dans le parti, c’est un vrai problème. »

  • « Le discours de Valls au Medef m’a traumatisé »
     Abderaman Djasnabaille Florent, 52 ans, chirurgien et militant PS depuis 1980. Il dit n'appartenir à aucun courant de pensée à l'intérieur du PS. 
Abderaman Djasnabaille FlorentAbderaman Djasnabaille Florent © Yannick Sanchez

« Je suis de ceux qui ont milité  à l’époque du fameux "Touche pas à mon pote" de SOS racisme. Je trouve que la politique qui est menée aujourd’hui est une dangereuse dérive. Il faut d'abord que le cap soit à gauche et qu’après on fasse une ouverture vers les entreprises, pas l’inverse. Le discours de Valls au Medef m’a traumatisé. Il faut certes aider les entreprises à être plus compétitives mais ça ne doit pas se faire en négligeant la dimension sociale.

Dans les soixante engagements, il y avait le discours sur la finance, l’école de Chicago, le libéralisme à outrance, ça m’avait beaucoup marqué. Soit on s’est trompé en faisant le programme et on n’a pas assez pris en compte l’ampleur de la crise, soit le diagnostic était justement le bon. Il y a encore la possibilité de rectifier le tir avec un grand congrès extraordinaire. Il faut rassembler car on ne pourra pas gagner sans la réconciliation du peuple de gauche. En ce sens, le combat que mène la gauche du parti est salutaire, sans être sectaire. »

  • « Les frondeurs sauvent l’honneur de la gauche »
    Daniel Lubraneski, secrétaire de la section d’Auxerre (Yonne), adhérent depuis 2008. Ancien membre du PSU avant, pendant et après 1968.
Daniel LubraneskiDaniel Lubraneski © Yannick Sanchez

« J’ai des valeurs fermes de gauche et je suis atterré par ce qu’il se passe. Avec la situation économique épouvantable, on est dans le corner. Je ne suis pas contre la réduction des déficits mais les réduire à marche forcée est contre-productif. Le coût de l'endettement – avec un taux d'emprunt autour de 1,3 % – est peu élevé et il faut miser sur la croissance pour faire reculer le chômage. Je regrette que Hollande n’ait pas eu l’audace d’affronter la droite allemande et de renégocier le traité de stabilité européen. On se retrouve enfermé dans un carcan européen libéral qui n’est pas le cadre socialiste.

Le peuple de gauche est désespéré et nous nous séparons de notre base électorale qui est profondément déçue. Les frondeurs sauvent l’honneur de la gauche en montrant qu’une autre politique est possible. Localement, certains sympathisants PS qui ont voté à la primaire socialiste en viennent à nous dire que la seule solution est le FN, c’est dire l’état de désespérance. Et quand j’entends que le gouvernement compte procéder par ordonnance, c’est une fuite en avant. 

  • « Hollande, c'est soit un génie et tout cela nous échappe, soit sa politique est un dogme qui n'est pas socialiste »
    Anne-Laure Jaumouillié, 35 ans, enseignante en histoire-géographie et candidate aux municipales 2014 à La Rochelle, vainqueur de la primaire citoyenne à gauche et battue par le candidat DVG Jean-François Fountaine. Membre du PS depuis avril 2002, se définit comme aubryste.
Anne-Laure JaumouilliéAnne-Laure Jaumouillié © Yannick Sanchez

« Le débat, il pourrait ne pas y en avoir si le gouvernement appliquait le programme de François Hollande. On parle des "frondeurs" mais le terme n'est pas approprié parce qu'ils essaient juste de faire appliquer les soixante engagements du candidat. Je suis consternée par le discours de Manuel Valls au Medef. Est-ce qu'on est vraiment obligé de dire que l'on aime l'auditoire auquel on s'adresse, ce "j'aime l'entreprise" ? Pourquoi pas "j'aime les infirmières" ou que sais-je encore. Au-delà de ça, c'est considérer que le monde de l'entreprise est homogène.

Cette politique ne marche ni d'un point de vue économique, ni électoralement. La droite ne va pas se mettre à voter pour lui en 2017. Hollande, c'est soit un génie et tout cela nous échappe soit sa politique est un dogme qui n'est pas socialiste. Là où j'en veux aux politiques, c'est de ne pas parvenir à être plus coercitif. Que l'argent public finance les entreprises, c'est normal mais c'est le manque de contreparties qui m'inquiète. » 

  • « Il y a une fracture générationnelle entre ceux qui exercent le pouvoir et les militants »
    Fabien Fundéré, 33 ans, assureur et adhérent au Parti socialiste depuis 2010, Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Il dit n'appartenir à aucun courant de pensée à l'intérieur du PS. 
Fabien FundéréFabien Fundéré © Yannick Sanchez

« Il y a peut-être une accélération de l'érosion de la base militante mais je crois qu'elle était masquée par la dynamique des primaires socialistes et de l'élection présidentielle. Je crois qu'il y a une fracture générationnelle entre ceux qui exercent le pouvoir et les militants. Mais cette diminution du nombre de militants est un phénomène de long terme. On a besoin de chercher des idées à l'extérieur du parti pour être en phase avec les attentes de la société.

On me parle de crise mais pour être né dans les années 80, j'ai toujours vécu dans un contexte de crise. J'ai l'impression d'être en perpétuelle crise économique, sociale. Mais ce moment de doute doit justement être celui où on peut croiser les expériences et tenter des choses. On a le droit de se tromper, je n'attends pas d'un politique qu'il soit l'homme ou la femme providentiel(le), ce n'est pas une religion. Par contre je suis plus exigeant sur la démarche, avoir une ligne, faire preuve de pédagogie. C'est peut-être ce qui a manqué avec François Hollande, il y a eu un flottement nuisible à cette exigence. Mais si la clarification a lieu, je suis pour, il faut être positif et constructif. »

  • « On parle de social-libéralisme, j'enlèverai le mot social »
    Gilles Harau, 52 ans, membre du Parti socialiste depuis 1981, fonctionnaire territorial.
     
Gilles HarauGilles Harau © Yannick Sanchez

« Depuis lundi il y a eu un tournant brutal de la politique menée. On parle beaucoup de social-libéralisme, personnellement j'enlèverai le mot social. À partir du moment où quelqu'un qui se dit de gauche se fait ovationner par le Medef, ça pose un problème. Plus ça va, plus la ligne politique de François Hollande s'écarte des soixante engagements pour lesquels il a été élu. Je ne suis pas anti-entreprise, au contraire, mais si l'idée c'est que les Français se sacrifient pour que les multinationales augmentent leurs dividendes, alors là c'est inacceptable.

Franchement quand je discute avec des militants, un certain nombre sont vraiment remontés, même ceux qui ne se situent pas à gauche du parti. J'en connais même plusieurs qui pensent à quitter le PS à cause de cette ligne économique. C'est dramatique parce que cela profite au Front national. Aujourd'hui, on n'entend pas assez les adhérents. C'est précisément alors que les cotes de popularité de l'exécutif s'effondrent qu'il faut ouvrir le débat, on ne peut pas cadenasser les gens qui ont d'autres propositions. » 

  • « On s'est retrouvé talonné par le Front national »
    Michèle Gauthier, retraitée de l'éducation nationale, sympathisante socialiste de Cournon-d'Auvergne (Puy-de-Dôme)
Michèle GauthierMichèle Gauthier © Yannick Sanchez

« J'habite dans une ville très ancrée à gauche. Aux dernières élections on s'est retrouvé au coude à coude avec le Front national, notamment dans mon quartier, c'était une première et je sais de quoi je parle puisque je m'occupe d'un des bureaux de vote. Le problème c'est que les gens aujourd'hui attendent des résultats trop vite, ils sont dans l'immédiateté. Bien sûr que le chômage et la pauvreté de certains sont un drame mais on ne peut pas attendre des dirigeants un coup de baguette magique.

J'entends de plus en plus de discours de gens qui ont perdu tout espoir en la politique. Ils ne voient plus la différence entre la droite et la gauche. Le risque chez cet électorat qui n'est pas très politisé, c'est qu'il se retrouve à voter FN. Je connais une ancienne chef de section du parti socialiste qui a rendu sa carte et qui adhère maintenant aux idées de Marine Le Pen. Il ne faut pas oublier que l'on fait partie des rares pays en Europe qui, malgré la crise économique, ont réussi à conserver leur modèle social. Personnellement, je n'adhère plus au Parti socialiste parce que je trouve qu'il n'y a pas assez de débat. Même au niveau local, il y a les béni-oui-oui et ceux qui veulent l'ouvrir se font dézinguer. »

  • « Il y a une forme de hold-up politique qui est menée »
    Mathurin Levis, 23 ans, membre du bureau national du mouvement des jeunes socialistes (Yvelines), étudiant en master d'histoire
Mathurin LevisMathurin Levis

Il faut que l'on arrive à s'extraire de cette vision selon laquelle l'exercice du pouvoir conduit nécessairement à se séparer d'une partie de sa base militante. Aujourd'hui, l'orientation politique est très éloignée de ce pour quoi on s'est battus pendant la campagne présidentielle de 2012. La gauche au pouvoir ne doit pas être synonyme de reniement. Avec la nomination d'Emmanuel Macron comme ministre de l'économie, le symbole donné est désastreux et forcément une fracture est en train de se créer entre les militants et le gouvernement.

La réalité électorale, c'est que l'on a perdu 8 millions de voix entre 2012 et les élections municipales de 2014. Au lieu d'ouvrir le débat, le premier ministre répond de façon autoritaire. Nous n'avons pas élu François Hollande pour qu'il mène une lutte aveugle contre les déficits. Selon moi, la première des erreurs est de dire qu'il n'y a pas d'autre politique possible.

Quand on entend que certaines revendications sur les hausses salariales sont considérées comme des réflexes pavloviens, je pense au contraire qu'il faut arrêter d'avoir des réflexes libéraux quand on est de gauche. Je suis d'accord avec Manuel Valls quand il dit que la gauche peut mourir, la responsabilité aujourd'hui est de réussir à fédérer les forces de gauche, sinon le rapport de force entre les différents courant (EELV, Front de gauche, PS) ne peut que s'accentuer. »

  • « Tous les moyens de lutte contre le chômage ont échoué »
    Jean-Paul Chartron, adjoint à la mairie de Firminy, « hollandais » de longue date et adhérent socialiste depuis 1968.
Jean-Paul ChartronJean-Paul Chartron © Yannick Sanchez

 « Moi, je suis sans état d'âme. On a un vrai problème de chômage en France. L'emploi des jeunes, ça mériterait une union nationale des politiques, c'est une question qui va au-delà des courants droite-gauche. Et ce que dit Manuel Valls est peut-être ce qui va permettre de changer la France d'ici quinze ans. Je suis élu depuis 1977 et je constate que tous les moyens pour lutter contre le chômage ont échoué. Il y a toujours eu des débats au Parti socialiste et je pense qu'au final la base militante va adhérer.

D'une manière générale, le passage au pouvoir réduit la cote de popularité mais ce qui m'inquiète tout de même, c'est la réduction du socle politique. Il n'y a plus les Verts, le Front de gauche, ça ne veut pas dire que ça ne va pas marcher. Localement, c'est vrai que l'argent devient plus rare mais ce n'est pas l'addition de politiques locales qui fait une politique nationale. On continue de travailler sur la réindustrialisation mais on est bien obligé de lutter parallèlement pour réduire les déficits. On n'a pas les moyens de faire autrement. J'aimerais que Valls soit le premier ministre qui a endigué le chômage. »

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Un attentat aux USA en 2009 planifié par le FBI


Rythmes scolaires: à Marseille, Gaudin fait le choix du chaos

$
0
0

C’est ce qui s’appelle faire l’impasse. À quelques jours de la rentrée, la mairie de Marseille s’est décidée à lever le voile sur ce qu’elle a préparé dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires qui s’applique dans toutes les villes cette année. Et la réponse tient presque en un mot : rien. La réforme a eu beau monopoliser depuis deux ans le débat politique sur l’école, Marseille – deuxième ville de France – n’a tout simplement rien prévu pour le passage de la semaine à 4,5 jours. Au risque de provoquer une rentrée cauchemardesque.

« On fera une bonne rentrée scolaire malgré les conditions défavorables qui nous sont imposées », a tenté de minimiser le maire UMP Jean-Claude Gaudin, lors d’une conférence de presse ce 25 août. La mairie a choisi de s’inscrire dans le décret dérogatoire de Benoît Hamon, avec un temps d’activités périscolaires regroupé sur le vendredi après-midi. Elle ne proposera aucune activité pour l’instant et même aucune solution alternative de garde des enfants.

Le maire UMP Jean-Claude Gaudin.Le maire UMP Jean-Claude Gaudin.

Le vendredi, les parents marseillais sont donc invités à reprendre leur enfant à 11 h 30 ou 13 h 30 après la cantine. Quelques centres de loisirs seront certes ouverts pour faire de la garderie, mais rares seront les familles pouvant en bénéficier compte-tenu de la très faible capacité d’accueil dans cette ville qui n’a jamais investi ce secteur. À titre d’exemple, dans les 2e et  3e arrondissements, la maire PRG Lisette Narducci a d’ores et déjà prévenu que, dans son secteur, seules 500 places seraient disponibles pour 7 000 enfants.

L’organisation du mercredi s’avère tout autant acrobatique. Aucune jonction n’est assurée entre la fin de l’école, à 11 h 30, et l’ouverture des quelques centres aérés à 13 h 30, et il n’y aura de toutes façons pas de cantine. Aux parents de se débrouiller. La mairie a bien évoqué le principe d’une garderie entre 11 h 30 et 12 h 30, assurée par des enseignants volontaires, mais là encore l’improvisation paraît totale. « Les enseignants n’ont jamais été consultés à ce sujet », précise Sébastien Fournier, représentant du Snuipp pour les 13e et 14e arrondissements. « Mais c’est la stratégie de Gaudin. Si ça ne marche pas, on pourra toujours dire que c’est la faute des enseignants ! »

Du côté des parents, une certaine incrédulité domine. « Ils ont eu deux ans pour mettre en place cette réforme. C’est complètement irresponsable et scandaleux », estime Jean-Philipe Garcia, président de la FCPE 13.

Séverine Gil, présidente du mouvement des parents d’élèves de l’enseignement public, confie pour sa part que beaucoup de parents marseillais ne sont toujours pas au courant des modalités de cette rentrée, puisque dans les écoles l’organisation théorique de la semaine (voir ci-dessous) qui continue d’être affichée porte la mention pour le vendredi après-midi : « activités périscolaires ». « Alors qu’en réalité, il n’y a rien ! s’étrangle-t-elle. Quand je leur explique  que ça va durer pendant des mois, certains parents n’y croient pas, ils continuent de penser que la mairie ne peut quand même pas faire ça. Il y a des parents qui risquent de se faire virer de leur boulot mais ils s’en foutent. C’est une honte. »

La ville a bien annoncé qu’elle mettrait progressivement en place des activités le vendredi mais sans s’engager sur aucune date précise. Dans le métro marseillais, s’étalent donc, en cette veille de rentrée, des affiches pour recruter des animateurs. Il faut dire que la ville n’a lancé son appel à projet auprès des associations que mi-juillet avec une obligation de réponse avant le 8 août quand la plupart des grandes villes avaient déjà bouclé leurs projets depuis des mois.

Le bras de fer engagé par Jean-Claude Gaudin sur cette réforme explique en grande partie le cafouillage actuel. Après avoir demandé pendant des mois un nouveau moratoire d’un an pour appliquer la réforme, alimentant la fronde des maires de droite à la veille des municipales, son équipe s’est finalement résolue à déposer un projet d’organisation au mois de mai. Un projet, sans surprise, retoqué par le rectorat puisqu’il restait sur la semaine de quatre jours… Mais qui a permis au maire réélu de jouer la victime « du sectarisme du gouvernement » tout en annonçant une hausse des impôts locaux pour financer la réforme.

Car c’est l’autre point qui ulcère les Marseillais. Gaudin, en en faisant porter la responsabilité sur le seul gouvernement, qui ne compense qu’en partie le coût de la réforme et encore de façon provisoire, a annoncé que la réforme coûterait 22 millions d’euros, un chiffre qui laisse pour le moins perplexe. « Comment peuvent-ils annoncer cela puisqu’ils n’ont pas de projet ? Elle ne coûte rien leur réforme. Zéro », s’agace la présidente du Mouvement des parents de Marseille. « La seule chose qu’ils ont payée, c’est une étude réalisée par le cabinet KPMG pour interroger les parents par fax et internet. Et cela a été un fiasco puisqu'ils n'ont eu que 2 000 réponses. »

Le chiffre avancé par la ville fait aussi un peu sursauter l’élue PS Annie Lévy-Mozziconacci qui rappelle que l’Association des maires de France a estimé le coût de la réforme à 150 euros par enfant et par an, ce qui ferait pour une ville comme Marseille, qui compte 74 000 élèves du premier degré, un grand maximum de 10 millions d’euros. Avec un financement de l’État de 6,7 millions d’euros cette année. « Et encore, précise l’élue, la ville a fait ses projections sur l’hypothèse que seuls 40 000 enfants s’inscriraient aux activités périscolaires. »

Interrogée par Mediapart, l’adjointe à l’éducation Danielle Casanova réplique qu’il ne faut pas oublier tous les coûts induits par la réforme, comme « les frais de chauffage des écoles le mercredi matin qui coûtera un ou deux millions d’euros par exemple ». « À ce niveau, on n’est même plus dans l’amateurisme, c’est vraiment de l’irresponsabilité », fulmine l’élue d’opposition Annie Lévy-Mozziconacci, qui estime que la ville paie des années de désintérêt pour tout ce qui touche à la jeunesse.

Plaquette de présentation de la villePlaquette de présentation de la ville

Pour assurer une montée en charge progressive des futures activités périscolaires – dont on ne sait rien à ce jour, l’appel d’offres de la ville étant des plus sommaire –, la ville doit encore recruter 3 000 détenteurs du Bafa (brevet d’aptitude aux fonctions d’animateurs). « Nous n’en avons aujourd’hui que 350. La preuve que tout cela n’est pas politicien, c’est que les associations qui ont répondu à notre appel d’offres ont beaucoup de mal à en trouver », précise l’adjointe à l’éducation de la ville.

« Aujourd’hui, Gaudin découvre que seules 90 écoles sur 440 sont adossées à un centre de loisir mais la faute à qui ? », interroge Annie Lévy-Mozziconacci. Dans quels locaux se dérouleront à terme les activités périscolaires ? Mystère. « Il faudra que les référents de la ville pour les activités périscolaires (il y en aura un par école) négocient avec les enseignants pour qu’ils acceptent de laisser leur classe », prévient Danièle Casanova qui reconnaît que cela ne sera « pas simple ». Un euphémisme alors que la majorité des enseignants se sont prononcés contre l'utilisation de leurs classes.

« Il y a quand même énormément d’associations à Marseille qui auraient pu proposer des activités intéressantes. Elles n’ont jamais été consultées », regrette de son côté Séverine Gil. « C’est vrai qu’il y aura des difficultés à la rentrée, on ne le nie pas, admet Danièle Casanova, mais c’est précisément pour cela que nous voulions un report de la réforme. Maintenant qu’il nous faut la mettre en place, nous allons faire en sorte de proposer quelque chose de qualité. Nous allons notamment contrôler le casier judiciaire au deuxième degré (accessible aux administrations qui emploient des personnes en contact avec la jeunesse - ndlr) de tous les animateurs afin de rassurer les parents. » Pas sûr que cela suffise. Des blocages d’école sont déjà prévus pour la rentrée.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Un attentat aux USA en 2009 planifié par le FBI

Comment la Cour de justice enterre les affaires

$
0
0

« La Cour de justice de la République a été conçue pour ne pas fonctionner. » Ce jugement sans appel est émis par un haut magistrat qui a siégé à la Cour de justice de la République (CJR), et il est partagé (en privé) par nombre de ses collègues. Ce n’est pas le dernier événement en date, la mise en examen a minima de Christine Lagarde, ce mardi, dans l’affaire Tapie, malgré un dossier très lourd, qui risquerait de modifier cette analyse. Pas plus que la dernière audition, toujours sous le statut hybride de témoin assisté (et non pas de mis en examen), d’Éric Woerth, ce jeudi, dans l’affaire de l’hippodrome de Compiègne.

Christine LagardeChristine Lagarde © Reuters

Depuis trois longues années, la commission d’instruction de la CJR, composée de trois magistrats issus de la Cour de cassation, se hâte lentement de traiter les dossiers Lagarde et Woerth, les deux seuls dont elle est saisie. À la manière d’un juge d’instruction, elle procède à des auditions, mais sur un mode très policé et à un rythme paisible, dans les locaux feutrés et confortable de la CJR, un bel hôtel particulier (818 m2), rue de Constantine, sur l’esplanade des Invalides.

Il s'agit là de discussions entre gens bien élevés – Mediapart a pu en prendre connaissance –, qui n’ont rien à voir avec les interrogatoires serrés de suspects auxquels procèdent les policiers au cours des gardes à vue. Les magistrats de la CJR sont souvent en fin de carrière, et ne passent pas pour être féroces.

En règle générale, la commission d’instruction vérifie et reprend soigneusement tout le dossier qui lui a été soumis, avec un luxe de précautions. Elle peut déléguer des actes d’enquête à la police, mais ses investigations dépendent aussi, pour partie, de l’instruction menée parallèlement sur le volet non-ministériel du même dossier, et qui est confiée à d’autres magistrats. Ceux-ci et ceux-là échangent procès-verbaux et documents…, mais n’en font pas toujours la même lecture.

On peut constater cet hiatus dans l’affaire Tapie-Lagarde : les juges d’instruction Serge Tournaire, Guillaume Daïeff et Claire Thépaut, du pôle financier de Paris – pourtant bien plus surchargés en dossiers que la CJR –, n’ont pas hésité à mettre en examen Bernard Tapie, Stéphane Richard, Maurice Lantourne et Pierre Estoup pour « escroquerie en bande organisée », un délit grave, passible de dix ans de prison et un million d’euros d’amende. Alors que l'ex-ministre de l'économie Christine Lagarde, dont plusieurs éléments factuels (lire nos articles ici, et encore ) attestent qu’elle a favorisé une solution favorable à Tapie au détriment des intérêts de l’État, s’en tire finalement avec une petite mise en examen pour « négligence », un délit non intentionnel, passible d’un an de prison et 15 000 euros d’amende.

Eric WoerthEric Woerth © Reuters

Autre souci : ces deux enquêtes parallèles et interdépendantes peuvent se ralentir mutuellement. Ainsi, le peu d‘empressement mis par les juges Roger Le Loire et René Grouman, du pôle financier de Paris, à instruire le volet non ministériel de l’affaire de Compiègne, dans laquelle aucune mise en examen n’a été prononcée à ce jour, explique certainement le sort plutôt favorable réservé jusqu’ici à Éric Woerth à la CJR. Malgré un rapport d’expert en tout point accablant (révélé par Mediapart), qui a prouvé que les terrains forestiers et l’hippodrome de Compiègne ont été bradés par le ministre du budget, et cela au mépris des procédures en vigueur, comme l’ont confirmé les auditions des anciens ministres Hervé Gaymard et Bruno Le Maire.

Historiquement, la Cour de justice de la République a été créée en 1993 (et installée début 1994) pour traiter le volet ministériel de l’affaire du sang contaminé. Il s’agit d’une juridiction d’exception, conçue pour épargner aux ministres les rigueurs de la justice ordinaire, celle des simples citoyens. Seule la CJR peut, en effet, instruire et juger les éventuels délits commis par un ministre dans l’exercice de ses fonctions. Dans les faits, elle ne condamne presque jamais personne. 

Il faut dire que l’architecture de la CJR est celle d’une usine à gaz. Un premier filtre très efficace a été conçu pour écarter d’emblée les plaintes considérées comme fantaisistes, insuffisamment fondées, ou uniquement instrumentalisées à des fins politiques : il s'agit de la commission des requêtes, composée de hauts magistrats, qui effectuent un tri draconien. Environ une centaine de plaintes sont déposées chaque année, mais la plupart sont rejetées, et la CJR n’a jugé que quatre affaires depuis 1994.

Une fois passée à travers ce tamis de la commission des requêtes, une plainte sérieuse et argumentée peut, éventuellement, atterrir à la fameuse commission d’instruction. Et si, par extraordinaire, le ministre visé est ensuite mis en examen, il faut encore attendre les réquisitions du parquet général de la Cour de cassation avant un éventuel renvoi devant la juridiction de jugement.

Huit à dix ans de procédure ont parfois passé quand le procès s’annonce, mais c’est pourtant la partie la plus difficile du processus judiciaire : cette formation de jugement de la CJR est en effet composée majoritairement de parlementaires (douze juges sur quinze, contre seulement trois magistrats professionnels) qui ont déjà montré leur réticence à juger leurs pairs lors du procès de Charles Pasqua, en 2010.

Charles PasquaCharles Pasqua © Reuters

Le procès de Charles Pasqua a été une véritable parodie, au cours de laquelle la moitié des juges parlementaires a sagement gardé le silence, quand l’autre moitié n'a osé que quelques questions prudentes et ampoulées, voire quelques compliments déplacés. Au bout du compte, Charles Pasqua a été relaxé dans deux dossiers de corruption très lourds – pour lesquels plusieurs personnes avaient écopé de peines de prison ferme devant le tribunal correctionnel de Paris –, et l'ancien ministre n’a été condamné que très symboliquement dans le dossier le moins grave des trois, s'en tirant avec une peine de prison avec sursis, sans aucune mesure d’inéligibilité.

« La CJR est une juridiction faite par des élus pour des élus, constatait alors François Colcombet, ancien magistrat et ex-député PS, interrogé par Mediapart. On puise dans un vivier beaucoup trop petit pour la constituer : les parlementaires connaissent l'homme qu'ils jugent ; ils ne peuvent pas ne pas en tenir compte. C'est le cas dans cette affaire… Je ne veux pas dire que c'est une juridiction de connivence, mais c'est l'équivalent d'un tribunal de commerce de petite ville, où les commerçants se connaissent tous et se jugent entre eux, avec tous les dangers que cela représente, notamment celui d'être exagérément bienveillant. Est-on sûr, dans le cas présent, que personne n'a jamais reçu de médaille du ministère de l'intérieur, du temps de Pasqua (de 1986 à 1988, puis de 1993 à 1995) ? En stricte justice, presque tous les parlementaires de la CJR auraient dû se déporter… »

Autre preuve de cette grande mansuétude, le seul autre ministre à avoir été condamné par la CJR, Michel Gillibert, n’avait, lui aussi, écopé que d’une peine de prison avec sursis, en 2004, pour des détournements de fonds publics. Question exemplarité de la peine, on pourrait imaginer mieux…

Edouard BalladurEdouard Balladur © Reuters

À cette inégalité de traitement s'ajoute un autre problème, celui du temps passé, qui a pour effet d'adoucir la sanction tout en limitant le sens de la peine prononcée. On le constatera encore avec le prochain dossier qui s'annonce à la CJR, celui de Karachi, dans lequel les ex-ministres Édouard Balladur et François Léotard sont susceptibles d'être poursuivis… pour des faits qui remontent au début des années 1990.

Par ailleurs, la question des finances publiques a parfois été mise en avant pour critiquer la Cour de justice de la République. Or la CJR a « un coût très limité pour le budget de l’État », selon le rapport du parlementaire Christian Eckert, même si son budget annuel est de 866 000 euros en 2014, avec un loyer représentant à lui seul 450 000 euros par an.

Quoi qu'il en soit, la Cour de justice de la République est une anomalie démocratique, dont la survivance ne peut que renforcer chez le citoyen le sentiment d’une justice à plusieurs vitesses, d’une inégalité entre les humbles et les puissants devant la loi, voire d’une immunité organisée des politiques. Sa suppression était une des promesses du candidat Hollande en 2012. Après avoir temporisé, puis semblé renoncer, le président de la République a finalement relancé l'idée de supprimer la CJR en juin dernier, mais sans garantie de calendrier.

Lire également sous l'onglet Prolonger

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Un attentat aux USA en 2009 planifié par le FBI

Les socialistes pris au piège de la Ve République

$
0
0

La Rochelle, de nos envoyés spéciaux.   La volonté du prince. Le remaniement surprise du gouvernement a pris de court les ministres, les députés mais aussi les militants socialistes. À La Rochelle, pour leur université d’été, ils sont tous un peu sonnés, par l’ampleur du coup de semonce et par la rapidité de la manœuvre. Et comme impuissants face au « verrou » de la Ve République.

Le piège dans lequel se trouve le PS face à la politique menée par François Hollande et Manuel Valls, et le caractère personnel, voire solitaire, d’une orientation gouvernementale sur laquelle les dirigeants socialistes ne peuvent guère influer, semblent avoir fait progresser l’idée de mener à nouveau le débat sur la VIe République.

« On a quelque chose à inventer », dit un ancien ministre débarqué lors du remaniement d’avril. Le constat est partagé par Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, les “frondeurs”, Cécile Duflot et les écologistes… Tous ont réuni leurs courants vendredi soir à La Rochelle, pour discuter de leur « structuration » et ont envie de recréer un « espace critique ». Mais ils ne savent pas bien comment ni vraiment pour quoi faire.

La Rochelle, samedi.La Rochelle, samedi. © Yannick Sanchez

Dans toutes les discussions, les mêmes écueils apparaissent : tous ceux qui ne se retrouvent pas sur la ligne libérale du gouvernement finissent empêtrés dans leurs contradictions. Ils disent que la politique actuelle n’a « plus de base, ni de légitimité démocratique ou sociologique » (dixit un ancien du cabinet d’Arnaud Montebourg) mais jurent qu’ils ne peuvent souhaiter l’échec du gouvernement. « On espère quand même avoir tort », dit un autre “ex” de chez Montebourg.

Ils estiment que « Valls cherche l’affrontement » (selon un député proche de Martine Aubry) mais qu’il « ne faut pas lui faire ce cadeau ». « Je ne fais pas de la politique pour flinguer mon propre camp », dit un responsable socialiste pourtant effaré par l’évolution de l’exécutif.

Ils veulent tenter d’infléchir la ligne mais craignent le couperet venu de l’Élysée et la menace d’une dissolution en cas de rejet d’un texte. Jérôme Guedj, l’un des chefs de file de l’aile gauche du PS, estime qu’« il faut décontaminer ce chantage à la dissolution. S’il n’y a pas de vote de confiance, il peut juste y avoir un autre gouvernement de nommé. Mais acter cela, ça signifie la fin du président ».

« Si on ne vote pas la confiance ou le budget, faut pas rêver ! soupire un autre député. Valls ne sera pas remplacé par un autre gouvernement plus à gauche. Ce sera la dissolution. » « Dans la Ve République, la seule légitimité vient de la présidentielle… et c’est tous les cinq ans », souffle aussi un conseiller ministériel dépité. « Et c’est toujours le même problème, soupire l’eurodéputé Guillaume Balas, proche de Benoît Hamon, pour pouvoir changer les institutions, il faut pouvoir gagner la présidentielle… »

Le député Pouria Amirshahi estime que même si le système est à bout de souffle, la situation empire. « Au fond, la gravité des institutions de la Ve République a perdu de sa force incontestable, dit-il. Elles ne suffisent plus à l’exécutif pour s’imposer à sa majorité parlementaire. Du coup, il en rajoute dans la brutalité et l’autoritarisme. » « Ils ont les institutions pour eux, mais ça ne fait qu’accroître le problème », abonde Balas. Certains imaginent d’ailleurs un Manuel Valls continuant « de pousser son avantage toujours plus loin, jusqu’à se faire mettre en minorité à l’Assemblée. Si les députés acceptent, il est gagnant, s’ils refusent, il démissionne en se disant empêché. »

Alors, les avis divergent sur la marche à suivre, entre ceux qui veulent « aller jusqu’au bout » et ceux qui « ne veulent pas faire ce cadeau à Valls ». Un député socialiste soutenant le gouvernement, mais moins Manuel Valls, avoue de son côté son trouble devant la stratégie vallsienne : « Je ne comprends pas comment on peut être à ce point fan de la Ve, et se démarquer à ce point du fait majoritaire. »

Aujourd’hui, le sujet institutionnel est devenu central dans les discussions militantes. L’atelier consacré à ce sujet à La Rochelle a fait salle comble et « tout le monde y a demandé un changement en faveur du parlementarisme », note le député Matthias Fekl. Jusqu’ici défendu par les minorités au PS (la gauche socialiste dans les années 1990, le courant NPS dans les années 2000), le débat constitutionnel avait été peu à peu enterré, jusqu’au forum des institutions confié par Martine Aubry à Manuel Valls, en 2010. Un forum qui avait entériné la conversion du PS à la Ve République et au présidentialisme. « On a fait une connerie en abandonnant le sujet et en se rangeant derrière ceux qui disaient “la VIe république, ça donne pas à manger aux gens”, regrette Balas. Sans des institutions différentes, on ne peut pas espérer obtenir de meilleure base sociale. »

Le collectif Cohérence socialiste, conduit par les députés Karine Berger et Yann Galut, évoque dans le livre Contre la mort de la Gauche (coécrit par Valérie Rabault, Karine Berger, Yann Galut et Alexis Bachelay) le choix de supprimer le poste de premier ministre et le droit de dissolution. La sénatrice de l’aile gauche Marie-Noëlle Lienemann prévoit déjà d’organiser un colloque au Sénat sur la VIe République, à l’automne. Et regarde d’un œil intéressé la volonté de Jean-Luc Mélenchon de mener bataille sur le sujet, tandis que les écologistes font de l’obtention d’une dose de proportionnelle leur dernier motif de croyance dans le quinquennat Hollande.

Même Jean-Christophe Cambadélis dit avoir « noté que le sujet institutionnel montait dans le parti et chez les militants », et a déclaré vendredi que cette question devrait figurer au centre du prochain congrès, et être tranchée par les militants.

En attendant, l’exécutif continue de s’approprier les leviers de la Ve République que la gauche a si souvent critiqués. Samedi, le cabinet de Manuel Valls à Matignon a confirmé que le gouvernement voulait procéder par ordonnances pour le projet de loi sur l’économique prévu pour le mois d’octobre, ce qui permet de court-circuiter le Parlement. Et notamment pour un sujet emblématique à gauche et au PS : la déréglementation du travail du dimanche. Un ancien ministre glisse dans un soupir : « Ils vont réussir à tuer d'un même coup la gauche et la Ve République... Bel exploit. »

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Un attentat aux USA en 2009 planifié par le FBI

Matthias Fekl (PS): «Le social-libéralisme est dépassé»

$
0
0

Matthias Fekl (36 ans) est député du Lot-et-Garonne. Secrétaire national du PS à la laïcité, aux institutions et à la rénovation démocratique, cet ancien strauss-kahnien, très engagé sur les questions d'asile et d'immigration, défend l'idée d'une profonde réforme des institutions. Il ne fait pas partie des « frondeurs », mais se montre critique sur la ligne du nouveau gouvernement Valls.

En écho au premier secrétaire général du parti, Jean-Christophe Cambadélis, qui a regretté en ouverture de l'université d'été du PS à La Rochelle que le parti se soit « dissous dans la gestion » et plaide pour un « nouveau progressisme », Matthias Fekl craint que les socialistes ne donnent « le sentiment que nous mettons en œuvre ce que Nicolas Sarkozy n'a pas fait. (...) La gauche, c’est une dynamique. Ce n'est ni le repli, ni le conservatisme, ni une vision répressive de la société ». Partisan d'un renforcement du Parlement, il juge que le recours aux ordonnances, envisagé par le gouvernement, ne peut servir à « contourner le débat démocratique ni à demander un blanc-seing au Parlement sur des sujets majeurs ».

Matthias FeklMatthias Fekl © DR

Le gouvernement « Valls-II » est-il minoritaire?

C'est un gouvernement cohérent, derrière une ligne, mais qui court le risque d'avoir une assise politique extrêmement étroite. Au sein de la gauche, de ses valeurs, de ce que nous avons collectivement porté pendant la campagne présidentielle, de la diversité de celles et ceux qui ont élu François Hollande, ce gouvernement risque, sur plusieurs points, de s’éloigner de nos engagements. Il faut bien sûr mener des réformes profondes, vu l'état de notre pays. Tout le monde le sait. Personne au PS ne dit que la France peut continuer à dériver. Mais un gouvernement progressiste ne peut être un simple gestionnaire. Il lui revient d'ouvrir des perspectives, de nouveaux horizons de conquêtes, d'être imaginatif. Nous ne devons pas donner le sentiment que nous mettons en œuvre ce que Nicolas n'a pas fait.

Est-ce désormais, selon vous, l'agenda de François Hollande et de Manuel Valls ?

Non, mais prenons-y garde. Tout le monde sait qu’il faut faire des économies et engager des réformes, on ne peut pas tergiverser là-dessus. Mais la gauche, c'est plus que ça. C’est une certaine vision de la société, où le destin des individus n’est pas fixé au berceau, où l’émancipation de chacun redevient possible. C’est l’idée que la lutte contre les inégalités est au cœur de notre engagement. C'est porter de vrais changements pour transformer en profondeur le pays.

Réformer la fiscalité par exemple, c'est un projet d'ampleur, pas des ajustements et des rapiéçages successifs à chaque loi de finances. Dans l'entreprise, notre projet ne peut pas être simplement de faire sauter les seuils sociaux, une vieille demande du patronat. La seule manière progressiste d’aborder le sujet, c’est de refonder la participation des salariés à la vie et aux décisions de leur entreprise. Il nous appartient de bâtir une vraie démocratie sociale. Les salariés doivent être mieux représentés à tous les échelons, le dialogue social doit devenir une réalité concrète dans l’entreprise. C’est d’ailleurs la condition d'une véritable social-démocratie, avec des syndicats forts et responsables et des patrons à l'écoute, avec une volonté commune de compromis, une participation effective des salariés, y compris sur les choix stratégiques.

Mais il faut aller plus loin que la social-démocratie traditionnelle, en inventant de nouveaux modèles de développement. La gauche ne peut pas rester seulement sur un modèle productiviste, attendre le retour de la croissance comme certains attendent le retour de la pluie. La croissance telle qu’elle a existé pendant les Trente Glorieuses ne reviendra plus telle quelle.

Le gouvernement mène-t-il encore une politique de gauche ?

Poser les choses de cette manière, c'est prendre le risque de caricaturer le débat entre les orthodoxes gardiens de la vraie foi et les hérétiques. En revanche, oui, notre projet politique est historiquement progressiste, et nous ne devons pas l'enfermer dans la pure gestion.

Cette dimension progressiste est donc absente des préoccupations de François Hollande et de Manuel Valls ?

Je me méfie des procès d'intention, quelques jours après la constitution d'un nouveau gouvernement. En tout état de cause, le progressisme, c'est d'abord une vision dynamique de la société. C'est réconcilier la France avec l'Europe, et l'Europe avec la France. C'est inscrire notre action politique dans un cadre européen. On ne peut pas juste appréhender l'Europe avec des tableaux Excel et le seul impératif des équilibres budgétaires. C'est aussi porter des initiatives, en matière économique (encourager des investissements massifs par exemple), mais aussi en ne réduisant pas l’Europe à sa stricte dimension économique. Pourquoi ne pas créer, par exemple, ce fameux service civique européen pour les jeunes dont on parle tant mais qu'on n'a jamais fait ? Ce serait une belle initiative à porter par la France et l’Allemagne auprès de nos partenaires européens.

Le progressisme, c'est aussi ouvrir de nouveaux espaces de liberté : redonner à chacun la possibilité de choisir sa vie, de construire son parcours, de ne pas être assigné à une place prédéfinie. C'est réparer l'ascenseur social, lutter contre les discriminations. Que le gouvernement s’attaque résolument aux contrôles au faciès, en expérimentant avec tous les acteurs de terrain les différentes solutions qui ont fait leurs preuves dans d’autres pays. Cela ne coûterait pas un euro et changerait la vie de millions de Français. La gauche, c’est une dynamique. Ce n'est ni le repli, ni le conservatisme, ni une vision répressive de la société.

Le gouvernement entend légiférer par ordonnances sur le travail dominical et les professions réglementées. Qu'en pense le secrétaire national « aux institutions et au renouveau démocratique »  du PS  ?

Les ordonnances peuvent être utiles pour légiférer sur des sujets techniques. Elles ne peuvent pas être utilisées pour contourner le débat démocratique ni pour demander un blanc-seing au Parlement sur des sujets majeurs.
 

Manuel Valls s'est fait applaudir à l'université d'été du Medef, en disant « J'aime l'entreprise » mais surtout en transgressant en une heure de discours à peu près tous les tabous de la gauche…

Tous les socialistes aiment l’entreprise, quand elle investit, qu’elle innove, qu’elle prend des risques et qu’elle fait de ses salariés de véritables acteurs. Mais je le dis : une majorité de gauche ne peut pas réussir si elle se contente de transgresser de soi-disant « tabous  », surtout lorsque ce sont des avancées sociales. Ça ne fait pas un projet politique. Évidemment que les entreprises créent de la richesse, mais plutôt que de célébrer les actionnaires, célébrons les vrais créateurs de boîtes, les entrepreneurs imaginatifs, les PME  ; facilitons la création d'activité, notamment dans les quartiers populaires ou les zones rurales, où beaucoup de gens fourmillent d'imagination.

Le gouvernement s'inspire désormais ouvertement des réformes menées en Allemagne à la fin des années 1990 par Gerhard Schröder. Poursuit-il un projet ouvertement social-libéral ?

En tout cas, il serait étrange de le faire alors que l'Allemagne, pays que je connais bien pour y avoir grandi, tente précisément aujourd'hui de réparer les dégâts de cette période, qui a entraîné une précarisation d'une partie de la société et instauré la stigmatisation des chômeurs. La mise en place aujourd’hui du salaire minimum par la grande coalition, c'est une réponse aux conséquences néfastes d’une partie de ces réformes. La force de l'Allemagne ne vient pas de la précarisation d’une partie de ses citoyens, mais de son appareil industriel, extrêmement compétitif et innovant, qui exporte massivement.

Le social-libéralisme est nocif, mais surtout totalement dépassé. Ne courons pas après des recettes anciennes en nous inspirant – avec vingt ans de retard  ! – de ce qui a été fait ailleurs. Pour une fois, innovons  !

Certains socialistes ont déploré la « brutalité » du remaniement et de l'éviction du gouvernement de plusieurs personnalités qui réclamaient une réorientation des politiques menées. Cela vous a-t-il aussi interpellé ?

Je suis fidèle au précepte de Jean-Pierre Chevènement : « Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne. » C’est dans cette logique que le président François Hollande et le premier ministre Manuel Valls ont agi. Au-delà de cet épisode, il y a deux façons de répondre à la crise d'une société française crispée, parfois tétanisée. Une façon autoritaire et conservatrice, que Lionel Jospin a parfaitement analysée dans Le Mal napoléonien. Et puis une autre, fidèle à notre histoire, qui mobilise les citoyens, lutte contre les privilèges et redonne espoir. Le maintien de l'ordre et le respect des comptes publics ne peuvent résumer le projet politique de la gauche. « Classes laborieuses, classes dangereuses », cela ne peut être notre programme !

Manuel Valls se comporte-t-il comme Napoléon ?

Je ne veux pas me livrer à ce genre de comparaison. Je dis simplement que le gouvernement ne peut pas marcher sur une seule jambe.

Vous émettez des nuances fortes avec la politique gouvernementale mais ne faites pas partie des « frondeurs ». Pourquoi ?

Il est normal que le Parlement soit un lieu de débats, surtout lorsqu’il y a des interrogations légitimes et sincères sur bien des sujets. Mais cette initiative me semble dépourvue de débouché politique. Nous devons éviter le face-à-face entre deux gauches sans espace de dialogue. La confrontation brutale serait périlleuse à court terme et létale à moyen terme. On ne peut en rester à ce dialogue impossible, sans pistes ni perspectives. Tout en laissant toutes les voix s'exprimer, il est indispensable de garder le lien entre nous et d’avancer ensemble sur un certain nombre de sujets que nous ne pouvons pas esquiver : bâtir une nouvelle République en réformant nos institutions, lutter contre la reproduction sociale, porter une voix d'ouverture sur certains sujets de société, inventer des projets de modernisation de l'économie et de la participation dans l'entreprise, imaginer une autre croissance. Mais aussi rassembler la gauche et toutes les forces progressistes.

Hors du gouvernement, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon peuvent-ils prendre la tête d'une coalition  des mécontents ?

C'est une possibilité. Méfions-nous de ne pas nous diviser encore plus. Construisons des perspectives politiques qui peuvent nous unir.

Le PS est-il en état de se reconstruire sur les bases que vous préconisez ?

Il n'est jamais trop tard. Jean-Christophe Cambadélis (le premier secrétaire du PS, ndlr) a convoqué des États généraux du parti, ce sera un moment important où tous les sujets devront être abordés. Le PS est divisé, mais soit on se résigne et dans ce cas on enterre la gauche pour trente ans, soit on ouvre ensemble de nouvelles perspectives. Toute une dynamique est à bâtir. Reconstruire un logiciel politique au pouvoir est la configuration la plus compliquée. On peut reprocher au PS de ne pas l'avoir fait pendant dix ans.

Notamment François Hollande, qui fut premier secrétaire du PS pendant une décennie (1997-2008) ?

Désigner un bouc émissaire est toujours commode : c’est une responsabilité collective.

BOITE NOIREL'entretien, réalisé au téléphone ce week-end, a été relu et légèrement amendé – sur des détails et des formulations.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Un attentat aux USA en 2009 planifié par le FBI

A La Rochelle, des rébellions désordonnées

$
0
0

La Rochelle, de nos envoyés spéciaux.  Pour l’heure, ce sont des résistances désordonnées. Mais elles n’ont cessé de s’exprimer, à l’extérieur comme à l’intérieur de l’espace Encan, lieu de l’université d’été du PS à La Rochelle. Ce samedi, l’endroit a été transformé en bunker de bord de mer, avec barrages filtrants de CRS et policiers armés postés sur le toit de l’aquarium voisin, afin de tenir éloignés la cinquantaine de manifestants de la CGT disant “non à l’austérité” et quelques drapeaux palestiniens. De l’autre côté, la passerelle permettant de franchir le canal a été relevée. Sur l’autre rive, se trouvait l’amphi de la faculté où avaient rendez-vous les députés « frondeurs ».

Samedi, à La RochelleSamedi, à La Rochelle © MP / SA

Ce pont coupé n’a pas empêché, malgré le détour de plusieurs minutes engendré, plus de 500 militants de venir ovationner la trentaine de députés rebelles, qui ont décidé de lancer l’initiative « Vive la gauche ». Un appel, qu’ils entendent faire signer par un maximum de militants, et qui se veut le prélude d’une réunion des courants aubrystes et des ailes gauche du PS, afin de peser à l’Assemblée comme dans le parti, et entraîner avec eux le « marais » parlementaire comme militant, actuellement en proie au doute.

Dans une ambiance surchauffée, les courtes interventions des différents élus ont recueilli de vifs applaudissements, le maximum étant atteint lors de l’entrée surprise de la ministre de la justice, Christiane Taubira. Celle-ci ne s’est pas exprimée au micro, se contentant d’afficher un large sourire, avant de repartir une dizaine de minutes après, et de lâcher aux caméras, avant d’enfourcher son vélo : « On a laissé les Français se démoraliser, oublier cette morale républicaine et perdre le moral eux-mêmes. Je dis qu’aujourd’hui nous n’avons pas le choix. Nous devons refaire place à la politique. »

La garde des Sceaux conclut : « La politique, c’est le courage de s’interroger sur la vie dans la cité, sur les espaces que nous créons, pour nous entendre, pour nous comprendre, pour nous disputer, et pour nous rassembler. Je veux y prendre ma part. Ce matin, j’y ai pris ma part. Et j’en assume les conséquences. »

Dans l’amphi, tous enfoncent le même coin, celui de la résistance à « une tentative de coup d’État idéologique d’une ultra-minorité sur l’ensemble de son camp » (Pascal Cherki). On évoque sa « loyauté », non au gouvernement, « mais au programme pour lequel on a été élu » (Nathalie Chabanne et Fanélie Carrey-Conte), son « incompréhension » devant un « pouvoir qui discute avec tout le monde sauf avec sa propre majorité », qui « n’est pas l’ami des entreprises, mais seulement des actionnaires » (Arnaud Leroy), son rejet du « social-libéralisme, idiot utile de la droite » (Henri Emmanuelli) et de l’idée selon laquelle « il faudrait être une armée silencieuse et résignée » (Laurent Baumel).

A La Rochelle, la réunion de Vive la gaucheA La Rochelle, la réunion de Vive la gauche © MP / SA

Ensemble, ils ont appelé à « quitter l’état d’esprit de sidération » dans lequel le PS est plongé, selon les termes du président du conseil général de l’Essonne, Jérôme Guedj, pour qui « une course de vitesse s’est engagée » avec ceux qui « souhaitent que nos orientations soient désormais indexées sur celles du Medef », complète Pouria Amirshahi. Il ajoute : « Si nous commémorons Jaurès, nous n’organiserons pas les obsèques du socialisme. »

Figure de l’aile gauche du parti, Gérard Filoche a quant à lui rappelé « la violence inouïe » que fut « la liquidation du vieux Labour par Tony Blair », celui qui « était ami des syndicats » et qui désormais « n’est plus dirigé que par des Macron ». « Ils se sont tous fait exclure (ceux du “vieux Labour”), car ils ont commis l’erreur de se diviser… » Moins enflammé, Jean-Marc Germain se réfère au projet socialiste « voté par tout le monde en 2011 », sous la direction de Martine Aubry. Et dit d’une voix blanche : « La gauche, ce n’est pas ce que nous sommes en train de faire. »

Pour autant, bien difficile de savoir encore comment va s’amplifier le mouvement, en l’absence de date de congrès et au-delà de discussions avec d’autres partis à gauche, ni quels peuvent être les objectifs de « Vive la gauche » à l’Assemblée, hormis rallier de nouvelles forces pour pouvoir changer le cours des choses, notamment sur l’élaboration du prochain budget. « On s’est au moins rassuré, en reprenant un peu de moral militant, dit un des chefs de file de la rébellion. Pour la suite, rien n’est écrit… » « Cécile (Duflot, ndlr) rêve de récréer le PSU. Montebourg dit que le PS est dans le même état que la SFIO pendant la guerre d'Algérie... Mais on ne refait pas l'histoire. On sent bien qu'il faut organiser quelque chose qui fasse le lien entre la gauche du PS, les Verts, le PCF... Mais pour l'instant, la gauche, on n'en est pas à la reconstruire. On en est à faire des piqûres de ciment pour ne pas qu'elle s'écroule », décrypte un dirigeant socialiste.

« La nouveauté, c’est que la synthèse socialiste n’est plus aussi facile qu’avant, constate Guillaume Balas, responsable du courant Un monde d’avance (UMA, proches de Benoît Hamon). Et la distance entre le social-libéralisme et la social-démocratie est devenue un gouffre. » Pour autant, il veut croire que « la gauche de transformation sociale » est majoritaire dans l’électorat de gauche, « si on y met au cœur la question de l’écologie ».

Et si ce tropisme l’éloigne d’Arnaud Montebourg, il se félicite du fait que « ce que dit Arnaud commence à être crédible, y compris aux yeux du mainstream économique ». Le même Montebourg, ainsi que Benoît Hamon et Aurélie Filippetti, ont vu leurs noms applaudis durant la réunion, même s’ils ont fait le choix de s’exprimer, eux, à l’intérieur des universités d’été, en maintenant leur participation à des débats où ils auraient dû parler comme ministre.

Montebourg: encore des idées et des rêves ?

En fin de matinée, Arnaud Montebourg faisait son grand retour devant les militants socialistes. Sa participation à une table ronde sur la politique industrielle a été maintenue, le plateau s’est simplement enrichi de la présence de Michel Sapin, le ministre des finances et des comptes publics, dont les relations avec le ministre démissionné sont assez détestables. À l’arrivée, Montebourg récolte quelques sifflets dans une salle archi-comble. Une heure et demie plus tard, il est ovationné à la fin de son discours, essentiellement consacré à son bilan de ministre du redressement productif. L’ancien candidat à la primaire a simplement glissé en conclusion : « Les hommes d’État n’ont pas vocation à se taire. C’est même parfois leur destin de se faire congédier quand, parfois, pas toujours mais parfois, ils ont raison. »

Montebourg n’en dira pas davantage. Il semble encore sonné. Ses partisans sont dans le même état. Beaucoup supportaient difficilement sa présence au gouvernement et l’appelaient à partir au plus vite mais aucun d’entre eux n’avait prévu le calendrier imposé par Manuel Valls et François Hollande. Le soulagement se mêle parfois à l’amertume. « Ils font le tournant sur notre dos, en nous faisant passer pour des anti-entreprises. La divergence n’est pas là où ils le disent : ce n’est pas la première gauche contre la deuxième gauche. C’est la question du niveau des déficits et de la dureté de la discussion avec l’Allemagne », explique un ancien conseiller du cabinet d’Arnaud Montebourg à Bercy.  

Arnaud Montebourg, samedi à La RochelleArnaud Montebourg, samedi à La Rochelle © Reuters

« La trajectoire de réduction des déficits ne nous permet pas de faire les réformes prévues. Il faut des marges de manœuvre ! Mais Hollande et Valls n’iront jamais au clash avec l’Allemagne. Ils n’ont pas voulu prendre la tête d’un mouvement européen ; ils ne font que suivre Renzi (le premier ministre italien, ndlr). Dans ce qu’ils proposent, il n’y a pas d’offre claire, mais un discours médiatique, le storytelling d’une gauche sans idées », martèle un de ses anciens collègues, compagnon de route de Montebourg depuis la primaire de 2011.

Environ 200 de ses partisans se sont réunis vendredi soir à La Rochelle pour discuter de l’avenir de leur sensibilité regroupée de façon assez floue dans le réseau Des idées et des rêves (le titre du livre-programme d’Arnaud Montebourg pendant la primaire de 2011). « Il faut recréer un espace critique, face à la grosse bouillie que nous voyons où on mélange fidélité au président et ligne droitière », explique un proche de Montebourg. Leur première université de rentrée, prévue les 4 et 5 octobre dans le Gard, est maintenue. Une lettre d’information devrait être réactivée et les tentatives de consolider le réseau des délégués départementaux de nouveau relancées – « on ne fait pas un courant, on structure un réseau ». Mais l’ancien candidat de la démondialisation a toujours eu le même défaut : se désintéresser de l’organisation interne de son parti et de la structuration d’une sensibilité prête à le soutenir.

Hamon digère lentement

Son ancien camarade du gouvernement, Benoît Hamon, a le défaut inverse : celui de s’être longtemps cantonné à gérer les jeux d’appareil qu’il maîtrise à merveille pour le compte de l’aile gauche du PS. Cette fois, il est lui aussi encore à court de stratégie. Il aurait voulu rester au gouvernement, sa présence à Frangy-en-Bresse et le durcissement brutal de Manuel Valls et de François Hollande l’ont conduit à suivre Arnaud Montebourg. Les proches du président de la République en sont encore mal à l’aise : ils auraient eux aussi souhaité que Hamon qui avait donné tous les gages de loyauté reste. Ils s’inquiètent de le voir arriver à l’Assemblée comme député et grossir les rangs des “frondeurs”.

En attendant, l’ex-ministre de l’éducation nationale reste silencieux. Samedi, il est arrivé pour sa table ronde sur l’égalité républicaine. La salle l’a ovationné, avant d’applaudir encore plus fort Christiane Taubira qui parvient à conserver son statut d’icône de la gauche en étant restée au gouvernement de Manuel Valls. Benoît Hamon semble lui aussi un peu sonné, il ne veut manifestement pas en rajouter.

Au micro, il parle école, puis s’arrête pour choisir prudemment les mots de sa conclusion : « Aujourd’hui, vous comme moi, nous savons que nous qualifier pour le second tour des élections présidentielles sera difficile. Sachant le péril qui menace, la question qui nous est posée, (...) c’est : avez-vous utilisé toutes les marges de manœuvre pour lutter contre les inégalités ? On peut échouer. Mais on peut échouer parce qu’on a été empêché, entravé, parce qu’on a perdu une bataille politique. On peut échouer aussi parce qu’on n’a pas tenté. Rien n’est perdu. » Applaudissements. Taubira en rajoute en lui caressant le dos.

« Il est dans la prise de recul et de hauteur, dit l’un de ses proches. Il a envie de s’investir et de réfléchir à la question éducative comme député, car il est clairement frustré par cette situation. » Objectif : « s’aérer du parti et occuper tous les terrains possible. Délaisser le parti serait une erreur, s’y cantonner aussi. »

Martine Aubry encadre les loyers, Valls sifflé à son arrivée

Ses partisans avaient prévenu qu’elle allait bientôt s’exprimer – « dans quelques semaines, sur le fond. Cela fait deux ans qu’elle est silencieuse, ça frémit, elle a envie de dire des choses », disait encore un de ses proches vendredi. Ils n’avaient pas franchement prévu que ce serait au beau milieu de l’université d’été du PS à La Rochelle.

Samedi, Martine Aubry est sortie de son silence pour contester frontalement la politique de Manuel Valls : dans un communiqué, elle a expliqué vouloir appliquer l’encadrement des loyers à Lille, une disposition de la loi Duflot dont le premier ministre a annoncé vendredi l’abandon. « Lille a besoin d'une régulation de ses loyers. La loi Alur le permet », écrit-elle. Avant d’insister : « Nous demandons que, comme Paris, Lille et d'autres villes volontaires bénéficient de l'encadrement des loyers prévus par la loi Alur dans le respect de l'engagement 22 de François Hollande. »

Martine Aubry, c’est le fantôme du PS qui inquiète le plus les proches de François Hollande. La seule qu’ils jugent capables d’incarner une alternative et fédérer les mécontents. Elle envisage de publier une contribution écrite pour les États généraux du PS, prévus cet automne, et ses amis vont se réunir en octobre. Mais c’est aussi celle qui déçoit souvent ses partisans en préférant gérer sa ville et s’occuper de sa famille que de se lancer dans une conquête improbable du pouvoir. « Elle a perdu la primaire. Elle ne sera pas présidente de la République et elle ne sera pas appelée à Matignon. Elle n’a pas d’ambitions personnelles. Et elle ne veut pas flinguer son camp », explique un de ses proches.

En attendant, elle conserve une aura qui peut contribuer à l’isolement et à l’affaiblissement de Manuel Valls. Le premier ministre est arrivé samedi après-midi à La Rochelle sous les huées d’un petit groupe de militants de la CGT :

Le reste de la gauche dubitatif

Pour la première fois depuis l’élection de François Hollande, le PS a réuni autour d’une même table toutes les formations de la gauche de gouvernement, jusqu’aux plus obscures (le Front démocrate de Jean-Luc Bennahmias ou le Mouvement unitaire progressiste de Robert Hue). Et même les alliés les plus compréhensifs ont fait part de leur doute, comme le président du MRC de Jean-Pierre Chevènement, Jean-Luc Laurent, qui a appelé à une « réorientation radicale de l’Union européenne, sans laquelle il n’y aura pas de retour de la croissance possible ».

Robert Hue a très poliment plaidé pour « un minimum de souffle social » et « atténuer quand même le présidentialisme, parce que c’est pas possible… ». Moins prudemment, le président du PRG, Jean-Michel Baylet, a tonné sur le respect des accords électoraux avec son partenaire socialiste : « Faites attention, il ne reste plus que nous au gouvernement. »

Bien plus incisive, et remontée depuis l’abandon de la loi Alur sur le logement, la secrétaire nationale d’EELV, Emmanuelle Cosse, a tenu a rectifier le discours de Matignon. « Il ne s’agit pas d’une loi écologiste, elle a été portée par des socialistes, explique-t-elle. En premier lieu par Thierry Repentin, mais aussi Jean-Yves Le Bouillonnec et tous les maires socialistes qui ont milité pour l’encadrement des loyers. Pas par idéologie, mais par besoin de régulation dans nos villes ! En Allemagne, cela fait 15 ans qu’ils encadrent les loyers, c’est ça la compétitivité… »

Mais celui qui a emporté l’applaudimètre, devant une salle visiblement conquise au rejet de l’orientation empruntée cette semaine, c’est Pierre Laurent. Secrétaire national du PCF, il a dénoncé « les ovations par le Medef de la politique annoncée » ou le détricotage de la loi Alur sur le logement, « un copié-collé de la fédération des promoteurs de l’immobilier ». Sous quelques sifflets, mais beaucoup d’applaudissements, Laurent a pris le temps d’insister sur « l’échec, au mépris de toutes les alertes venues de toutes les familles de la gauche, d’une politique à l’évidence minoritaire parmi ceux qui ont voulu le changement ».

Le chef de file communiste se dit « prêt à ouvrir un autre chemin de la gauche » en partenariat avec les socialistes. Mais il joint à sa proposition plusieurs avertissements, diversement appréciés. « Aujourd’hui, nous devrions avoir honte d’être de gauche et enterrer Jaurès une deuxième fois ? » interroge-t-il, avant de relancer : « Est-ce que c’est Pierre Gattaz (le président du Medef, ndlr) qui va nous aider à penser le monde de demain une deuxième fois ? Imposer le travail du dimanche par ordonnances, c’est ça la gauche ?! »

Et de faire connaître les sujets qu’il accepterait de discuter : « ouvrir le dossier des salaires, refonder la démocratie et en finir avec l’autoritarisme présidentiel, s’attaquer au coût du capital ». Tout en prévenant, sous les vivats et les « Unité ! Unité ! Unité ! », qu’il ne faudrait pas compter sur lui « pour rivaliser avec la droite sur son terrain, afin d’être devant elle face au FN ».

Concluant l’échange, Jean-Christophe Cambadélis n’a pas franchement répondu aux interpellations, se contentant d’une ode historique à la complexité de l’union de la gauche, assortie de quelques formules dont il a le secret (« unité n’est pas unisson »). Et de répéter pour la quatrième fois en trois jours que « le PS n’est pas un parti social-libéral et il ne le sera pas », puis de dire sa « peur » que des « débats mal maîtrisés » conduisent à l’élection du FN et à une « gauche marginalisée ». Pas sûr que cela suffise à convaincre les colères qui s’expriment.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Un attentat aux USA en 2009 planifié par le FBI

Face aux mécontentements socialistes, Manuel Valls calme le jeu

$
0
0

La Rochelle, de notre envoyé spécial.   L'ambiance était électrique ce dimanche matin, à La Rochelle. Et au terme d'une semaine marquée par l'« accélération » libérale de Manuel Valls, puis d'une réaction de diverses franges du parti samedi (lire ici), le premier ministre a tempéré ses ardeurs d'aggiornamento à marche forcée du PS.

C'est le responsable des universités d'été, David Assouline, qui a essuyé en introduction les plâtres fissurés, recueillant la plus grosse bronca matinale en évoquant Manuel Valls et l'amour des entreprises. À l'inverse, la présidente du MJS, Laura Slimani, aura livré un discours aussi offensif qu'ovationné (voir ici), emportant l'applaudimètre de la matinée. Les « Vive la gauche ! Vive la gauche ! » ont également parsemé les discours d'une salle moins bien « faite » que les prédictions l'avaient annoncé, jusqu'à recouvrir les premières secondes du discours de Valls.

Situés au fond des deux côtés de la grande salle rectangulaire de l'espace Encan, le centre autour de la tribune étant visiblement plus enclin à applaudir, voire s'enthousiasmer (hormis la tribune du MJS), les socialistes mécontents n'ont toutefois pas eu de réelle provocation à conspuer. Le premier ministre a recueilli les applaudissements les plus fournis en affirmant son attachement aux 35 heures (« il n'y aura pas de remise en cause de la durée du temps de travail » (comme une récente interview du nouveau ministre de l'économie, Emmanuel Macron, le laissait redouter). Ou quand il a expliqué qu'il était nécessaire d'« adapter le rythme de réduction des déficits à la situation économique, au niveau de la croissance ». Ou encore lorsqu'il évoqua la fusion entre le RSA et la prime pour l'emploi, comme la réforme des rythmes scolaires.

Discours de Manuel Valls à La Rochelle, 31 août 2014

Autre différence notable au vu de ses discours des deux dernières années sur le sujet, Valls a été longuement soutenu par l'assistance quand il a détaillé son intention de « refaire nation », entamant un long plaidoyer en faveur de la jeunesse des quartiers populaires, du respect de l'islam, comme de la lutte contre les discriminations. Mais sans parler ni de droit de vote des étrangers, ni de lutte contre le contrôle au faciès (une loi sur les actions de groupe en matière discriminatoire pourrait voir le jour dans les prochains mois). Quitte même à se faire applaudir contre lui-même, quand il appelle à arrêter « de stigmatiser des populations en les ramenant à leurs origines », ce dont il s'était rendu coupable à propos des Roms il y a un an.

En défendant le bilan socialiste en matière de création de postes de fonctionnaires et d'emplois d'avenir, il a également martelé combien « nous ne faisons pas de l'austérité », parvenant même à se faire féliciter de tenir son « objectif de 50 milliards d'économies », en le comparant à « la folie » des « 100 ou 150 milliards » annoncés par la droite. L'accueil fut plus modéré, quand il demanda le soutien au président de la République, mais à force d'insistance, il parvint à faire se lever peu à peu la salle.

Au total, le premier ministre n'a pas pris de réel risque, ni tenté de pousser plus loin idéologiquement l'avantage institutionnel issu de son 18 Brumaire du week-end dernier (lire ici). Ses seules audaces partagèrent les réactions de la salle, quand il parla du pacte de responsabilité ou du « début de confiance » accordée aux « chefs d'entreprise ». À ce moment, face aux sifflets, il quitte son texte et s'adressant face à lui (et aux principaux dirigeants et cadres de la direction du parti), il lance, bravache : « Si vous sifflez ces mots, quel message adressez-vous aux Français. Alors je vous demande de vous lever ! » La standing ovation du centre ne suffira alors pas à couvrir le tollé des extrémités.

Sans citer son nom, Valls irrita aussi l'épiderme militant en faisant allusion à Emmanuel Macron. « J'ai entendu, depuis quelques jours, de nombreuses réactions, de nombreux commentaires, sur un jeune ministre qui venait d'être nommé…, entame-t-il. Des commentaires avant même qu'il n'ait eu le temps de faire ses preuves. Mais j'aurais aimé qu'à l'unisson nous nous félicitions davantage que la République ait su reconnaître les compétences, le travail, l'engagement. » Huées dans la salle, tombée dans le piège d'une habileté rhétorique de Valls, concluant ce passage sur Najat Vallaud-Belkacem. « Ça apprendra certains à me laisser finir… »

Au moment de conclure un discours non-exempt de novlangue (« Nous sommes les héritiers de l'avenir ») et de surréalisme (quand il fait applaudir, « car j'ai le sens de la camaraderie », Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, ministres pourtant brutalement congédiés six jours plus tôt), Manuel Valls s'est remémoré ses congrès passés au sein du PS, quand il était jeune rocardien (années 1980), puis jospiniste (années 1990), puis l'aile droite du parti (années 2000).

Et il a essayé de profiter de son nouveau statut pour emporter la ligne d'un parti qu'il n'avait auparavant jamais réussi à convaincre. « Il n'y a ni virage, ni tournant. Il y a une ligne : celle de la vérité, de la réforme et de l'efficacité », lance-t-il, en concluant son éloge de « la gauche, celle qui gouverne », pour qui « la meilleure façon de ne pas renoncer à l'idéal, c'est de ne pas renoncer au réel ». Mais les applaudissements restèrent alors mesurés.

Peu après, le premier ministre a estimé devant quelques journalistes que son intervention « clôt une semaine très cohérente », mais se veut lucide. « Un discours ne sera pas suffisant. Ça n'efface pas les différences, mais je continue, je ne lâche rien. Ce qui est en train de se jouer, c'est l'avenir du pays, pas celui du parti. » Sans doute conscient que ce n'est pas avec le parti qu'il parviendrait à imposer ses vues pour le pays. À l'extérieur, les « frondeurs » occupent l'espace, et répètent en boucle combien « le risque du grand écart est grand » entre un tel discours et la réalité des actes. « Se faire applaudir sur les valeurs communes de la gauche, ce n'est pas très difficile, estime le député Christian Paul. Nous, nous souhaitons qu'il ne s'enferme pas dans ses certitudes. Il demande que l'on se respecte et j'en suis tout à fait d'accord. Mais le respect, ça signifie aussi d'écouter les mécontentements. »

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Un attentat aux USA en 2009 planifié par le FBI

Les socialistes dans le piège de la Ve République

$
0
0

La Rochelle, de nos envoyés spéciaux.   La volonté du prince. Le remaniement surprise du gouvernement a pris de court les ministres, les députés mais aussi les militants socialistes. À La Rochelle, pour leur université d’été, ils sont tous un peu sonnés, par l’ampleur du coup de semonce et par la rapidité de la manœuvre. Et comme impuissants face au « verrou » de la Ve République.

Le piège dans lequel se trouve le PS face à la politique menée par François Hollande et Manuel Valls, et le caractère personnel, voire solitaire, d’une orientation gouvernementale sur laquelle les dirigeants socialistes ne peuvent guère influer, semblent avoir fait progresser l’idée de mener à nouveau le débat sur la VIe République.

« On a quelque chose à inventer », dit un ancien ministre débarqué lors du remaniement d’avril. Le constat est partagé par Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, les “frondeurs”, Cécile Duflot et les écologistes… Tous ont réuni leurs courants vendredi soir à La Rochelle, pour discuter de leur « structuration » et ont envie de recréer un « espace critique ». Mais ils ne savent pas bien comment ni vraiment pour quoi faire.

La Rochelle, samedi.La Rochelle, samedi. © Yannick Sanchez

Dans toutes les discussions, les mêmes écueils apparaissent : tous ceux qui ne se retrouvent pas sur la ligne libérale du gouvernement finissent empêtrés dans leurs contradictions. Ils disent que la politique actuelle n’a « plus de base, ni de légitimité démocratique ou sociologique » (dixit un ancien du cabinet d’Arnaud Montebourg) mais jurent qu’ils ne peuvent souhaiter l’échec du gouvernement. « On espère quand même avoir tort », dit un autre “ex” de chez Montebourg.

Ils estiment que « Valls cherche l’affrontement » (selon un député proche de Martine Aubry) mais qu’il « ne faut pas lui faire ce cadeau ». « Je ne fais pas de la politique pour flinguer mon propre camp », dit un responsable socialiste pourtant effaré par l’évolution de l’exécutif.

Ils veulent tenter d’infléchir la ligne mais craignent le couperet venu de l’Élysée et la menace d’une dissolution en cas de rejet d’un texte. Jérôme Guedj, l’un des chefs de file de l’aile gauche du PS, estime qu’« il faut décontaminer ce chantage à la dissolution. S’il n’y a pas de vote de confiance, il peut juste y avoir un autre gouvernement de nommé. Mais acter cela, ça signifie la fin du président ».

« Si on ne vote pas la confiance ou le budget, faut pas rêver ! soupire un autre député. Valls ne sera pas remplacé par un autre gouvernement plus à gauche. Ce sera la dissolution. » « Dans la Ve République, la seule légitimité vient de la présidentielle… et c’est tous les cinq ans », souffle aussi un conseiller ministériel dépité. « Et c’est toujours le même problème, soupire l’eurodéputé Guillaume Balas, proche de Benoît Hamon, pour pouvoir changer les institutions, il faut pouvoir gagner la présidentielle… »

Le député Pouria Amirshahi estime que même si le système est à bout de souffle, la situation empire. « Au fond, la gravité des institutions de la Ve République a perdu de sa force incontestable, dit-il. Elles ne suffisent plus à l’exécutif pour s’imposer à sa majorité parlementaire. Du coup, il en rajoute dans la brutalité et l’autoritarisme. » « Ils ont les institutions pour eux, mais ça ne fait qu’accroître le problème », abonde Balas. Certains imaginent d’ailleurs un Manuel Valls continuant « de pousser son avantage toujours plus loin, jusqu’à se faire mettre en minorité à l’Assemblée. Si les députés acceptent, il est gagnant, s’ils refusent, il démissionne en se disant empêché. »

Alors, les avis divergent sur la marche à suivre, entre ceux qui veulent « aller jusqu’au bout » et ceux qui « ne veulent pas faire ce cadeau à Valls ». Un député socialiste soutenant le gouvernement, mais moins Manuel Valls, avoue de son côté son trouble devant la stratégie vallsienne : « Je ne comprends pas comment on peut être à ce point fan de la Ve, et se démarquer à ce point du fait majoritaire. »

Aujourd’hui, le sujet institutionnel est devenu central dans les discussions militantes. L’atelier consacré à ce sujet à La Rochelle a fait salle comble et « tout le monde y a demandé un changement en faveur du parlementarisme », note le député Matthias Fekl. Jusqu’ici défendu par les minorités au PS (la gauche socialiste dans les années 1990, le courant NPS dans les années 2000), le débat constitutionnel avait été peu à peu enterré, jusqu’au forum des institutions confié par Martine Aubry à Manuel Valls, en 2010. Un forum qui avait entériné la conversion du PS à la Ve République et au présidentialisme. « On a fait une connerie en abandonnant le sujet et en se rangeant derrière ceux qui disaient “la VIe république, ça donne pas à manger aux gens”, regrette Balas. Sans des institutions différentes, on ne peut pas espérer obtenir de meilleure base sociale. »

Le collectif Cohérence socialiste, conduit par les députés Karine Berger et Yann Galut, évoque dans le livre Contre la mort de la Gauche (coécrit par Valérie Rabault, Karine Berger, Yann Galut et Alexis Bachelay) le choix de supprimer le poste de premier ministre et le droit de dissolution. La sénatrice de l’aile gauche Marie-Noëlle Lienemann prévoit déjà d’organiser un colloque au Sénat sur la VIe République, à l’automne. Et regarde d’un œil intéressé la volonté de Jean-Luc Mélenchon de mener bataille sur le sujet, tandis que les écologistes font de l’obtention d’une dose de proportionnelle leur dernier motif de croyance dans le quinquennat Hollande.

Même Jean-Christophe Cambadélis dit avoir « noté que le sujet institutionnel montait dans le parti et chez les militants », et a déclaré vendredi que cette question devrait figurer au centre du prochain congrès, et être tranchée par les militants.

En attendant, l’exécutif continue de s’approprier les leviers de la Ve République que la gauche a si souvent critiqués. Samedi, le cabinet de Manuel Valls à Matignon a confirmé que le gouvernement voulait procéder par ordonnances pour le projet de loi sur l’économique prévu pour le mois d’octobre, ce qui permet de court-circuiter le Parlement. Et notamment pour un sujet emblématique à gauche et au PS : la déréglementation du travail du dimanche. Un ancien ministre glisse dans un soupir : « Ils vont réussir à tuer d'un même coup la gauche et la Ve République... Bel exploit. »

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : iCloud et bruteforce


La Rochelle: Valls calme le jeu face à des militants exaspérés

$
0
0

La Rochelle, de notre envoyé spécial.   L'ambiance était électrique ce dimanche matin, à La Rochelle. Et au terme d'une semaine marquée par l'« accélération » libérale de Manuel Valls, puis d'une réaction de diverses franges du parti samedi (lire ici), le premier ministre a tempéré ses ardeurs d'aggiornamento à marche forcée du PS.

C'est le responsable des universités d'été, David Assouline, qui a essuyé en introduction les plâtres fissurés, recueillant la plus grosse bronca matinale en évoquant Manuel Valls et l'amour des entreprises. À l'inverse, la présidente du MJS, Laura Slimani, aura livré un discours aussi offensif qu'ovationné (voir ici), emportant l'applaudimètre de la matinée. Les « Vive la gauche ! Vive la gauche ! » ont également parsemé les discours d'une salle moins bien « faite » que les prédictions l'avaient annoncé, jusqu'à recouvrir les premières secondes du discours de Valls.

Situés au fond des deux côtés de la grande salle rectangulaire de l'espace Encan, le centre autour de la tribune étant visiblement plus enclin à applaudir, voire s'enthousiasmer (hormis la tribune du MJS), les socialistes mécontents n'ont toutefois pas eu de réelle provocation à conspuer. Le premier ministre a recueilli les applaudissements les plus fournis en affirmant son attachement aux 35 heures (« il n'y aura pas de remise en cause de la durée du temps de travail » (comme une récente interview du nouveau ministre de l'économie, Emmanuel Macron, le laissait redouter). Ou quand il a expliqué qu'il était nécessaire d'« adapter le rythme de réduction des déficits à la situation économique, au niveau de la croissance ». Ou encore lorsqu'il évoqua la fusion entre le RSA et la prime pour l'emploi, comme la réforme des rythmes scolaires.

Discours de Manuel Valls à La Rochelle, 31 août 2014

Autre différence notable au vu de ses discours des deux dernières années sur le sujet, Valls a été longuement soutenu par l'assistance quand il a détaillé son intention de « refaire nation », entamant un long plaidoyer en faveur de la jeunesse des quartiers populaires, du respect de l'islam, comme de la lutte contre les discriminations. Mais sans parler ni de droit de vote des étrangers, ni de lutte contre le contrôle au faciès (une loi sur les actions de groupe en matière discriminatoire pourrait voir le jour dans les prochains mois). Quitte même à se faire applaudir contre lui-même, quand il appelle à arrêter « de stigmatiser des populations en les ramenant à leurs origines », ce dont il s'était rendu coupable à propos des Roms il y a un an.

En défendant le bilan socialiste en matière de création de postes de fonctionnaires et d'emplois d'avenir, il a également martelé combien « nous ne faisons pas de l'austérité », parvenant même à se faire féliciter de tenir son « objectif de 50 milliards d'économies », en le comparant à « la folie » des « 100 ou 150 milliards » annoncés par la droite. L'accueil fut plus modéré, quand il demanda le soutien au président de la République, mais à force d'insistance, il parvint à faire se lever peu à peu la salle.

Au total, le premier ministre n'a pas pris de réel risque, ni tenté de pousser plus loin idéologiquement l'avantage institutionnel issu de son 18 Brumaire du week-end dernier (lire ici). Ses seules audaces partagèrent les réactions de la salle, quand il parla du pacte de responsabilité ou du « début de confiance » accordée aux « chefs d'entreprise ». À ce moment, face aux sifflets, il quitte son texte et s'adressant face à lui (et aux principaux dirigeants et cadres de la direction du parti), il lance, bravache : « Si vous sifflez ces mots, quel message adressez-vous aux Français. Alors je vous demande de vous lever ! » La standing ovation du centre ne suffira alors pas à couvrir le tollé des extrémités.

Sans citer son nom, Valls irrita aussi l'épiderme militant en faisant allusion à Emmanuel Macron. « J'ai entendu, depuis quelques jours, de nombreuses réactions, de nombreux commentaires, sur un jeune ministre qui venait d'être nommé…, entame-t-il. Des commentaires avant même qu'il n'ait eu le temps de faire ses preuves. Mais j'aurais aimé qu'à l'unisson nous nous félicitions davantage que la République ait su reconnaître les compétences, le travail, l'engagement. » Huées dans la salle, tombée dans le piège d'une habileté rhétorique de Valls, concluant ce passage sur Najat Vallaud-Belkacem. « Ça apprendra certains à me laisser finir… »

Au moment de conclure un discours non-exempt de novlangue (« Nous sommes les héritiers de l'avenir ») et de surréalisme (quand il fait applaudir, « car j'ai le sens de la camaraderie », Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, ministres pourtant brutalement congédiés six jours plus tôt), Manuel Valls s'est remémoré ses congrès passés au sein du PS, quand il était jeune rocardien (années 1980), puis jospiniste (années 1990), puis l'aile droite du parti (années 2000).

Et il a essayé de profiter de son nouveau statut pour emporter la ligne d'un parti qu'il n'avait auparavant jamais réussi à convaincre. « Il n'y a ni virage, ni tournant. Il y a une ligne : celle de la vérité, de la réforme et de l'efficacité », lance-t-il, en concluant son éloge de « la gauche, celle qui gouverne », pour qui « la meilleure façon de ne pas renoncer à l'idéal, c'est de ne pas renoncer au réel ». Mais les applaudissements restèrent alors mesurés.

Peu après, le premier ministre a estimé devant quelques journalistes que son intervention « clôt une semaine très cohérente », mais se veut lucide. « Un discours ne sera pas suffisant. Ça n'efface pas les différences, mais je continue, je ne lâche rien. Ce qui est en train de se jouer, c'est l'avenir du pays, pas celui du parti. » Sans doute conscient que ce n'est pas avec le parti qu'il parviendrait à imposer ses vues pour le pays. À l'extérieur, les « frondeurs » occupent l'espace, et répètent en boucle combien « le risque du grand écart est grand » entre un tel discours et la réalité des actes. « Se faire applaudir sur les valeurs communes de la gauche, ce n'est pas très difficile, estime le député Christian Paul. Nous, nous souhaitons qu'il ne s'enferme pas dans ses certitudes. Il demande que l'on se respecte et j'en suis tout à fait d'accord. Mais le respect, ça signifie aussi d'écouter les mécontentements. »

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : iCloud et bruteforce

MediaPorte: «Cher Alain Juppé, rejoignez le PS»

$
0
0

C'est la rentrée, Didier Porte revient. Cette semaine, petit conseil à Alain Juppé : venez au PS, c'est là qu'il y a les meilleures opportunités de carrière du moment !
-------
Didier joue son spectacle “Didier Porte à droite” tous les mercredis, 21h30, au Théâtre Trévise, à Paris. Locations : 01 48 65 97 90.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : iCloud et bruteforce

Cambadélis joue l’équilibriste habile d’un PS sur le fil

$
0
0

La Rochelle, de notre envoyé spécial.   Pour l’instant, il écope, avec un certain talent, son bateau qui prend l’eau. Mais le capitaine Cambadélis ne vogue pas sur un fleuve socialiste tranquille, il contient les mutineries et tente de réparer l’armature. Sans être sûr de pouvoir affronter les prochaines lames. Désigné premier secrétaire après une révolution de palais au lendemain des municipales, en même temps que Manuel Valls accédait à Matignon, le leader du PS n’a toujours pas été élu par les militants, s’accommodant des statuts d’un parti qui fait de lui, en réalité, un « premier secrétaire par intérim » jusqu’aux prochaines échéances.

Éternel numéro 2 depuis les années 1990, le hiérarque au savoir-faire interne incontestable reprend peu à peu en main un parti en pleine déliquescence. Et il entend le restructurer après deux années de délitement accéléré, sous le mandat de son prédécesseur, Harlem Désir. Façon OCI (l’organisation trotskyste lambertiste de sa jeunesse), il exige une assiduité totale des secrétaires nationaux lors des réunions du mardi, et a attribué à chacun d’entre eux la responsabilité du bon fonctionnement des fédérations.

Jean-Christophe Cambadélis, lors d'une conférence de presse à la RochelleJean-Christophe Cambadélis, lors d'une conférence de presse à la Rochelle © S.A

Dans les médias, « Camba » a trouvé un espace et un ton et parvient à se faire entendre du pouvoir exécutif. Il affirme son autorité en jouant une petite musique, pas toujours alignée sur le pouvoir. Récemment, il a critiqué le dogme des 3 % dans Les Échos, il a multiplié les critiques contre Angela Merkel et l’attitude de la droite allemande, ou a exprimé son rejet du social-libéralisme, qui l’a « condui(t) à fixer une ligne rouge » lors de ses premières universités d’été comme patron du parti. « Il ne veut pas être le dernier premier secrétaire du PS, alors il met les mains dans le cambouis », reconnaît l’un de ses opposants internes, Emmanuel Maurel.

À La Rochelle, Cambadélis se permet de décliner l’invitation du courant hollandais pour se rendre à celui des aubrystes (où il serait arrivé en lançant : « Ça fait du bien de retrouver la famille »). Personnage insaisissable, les proches de Martine Aubry comme ceux du président, redoutent qu’il ne prépare le terrain du parti pour accompagner l’offensive de Manuel Valls. Déjà, il laisse complètement ouverte la possibilité de primaires pour 2017. Ainsi, quand il entame un raisonnement par « Imaginons un premier tour en 2017 avec n’importe lequel d’entre nous, disons le président de la République, ce sera plus simple… » Ou quand il répond sur France Info, lundi 1er septembre, à la question de savoir qui pourrait, de François Hollande ou Manuel Valls, représenter le PS en 2017 : « C’est trop tôt, ce n’est même pas dans les têtes. Pour l’instant, je suis premier secrétaire d’un parti socialiste sans candidat et c’est tant mieux. (…) D’abord le temps des idées, le casting, on verra après. »

Pour l’heure, il redit (il l’avait déjà défendue lors de notre débat avec Mélenchon et Cosse) sa proximité avec la maire de Lille et ancienne première secrétaire : « Le débat sur l’obligation des 3 % de déficit public est le cœur de ce que fut le débat entre Aubry et Hollande durant la primaire. Une trajectoire ou un couperet ? Je soutenais Martine Aubry. » Il ajoute, perfide : « Je n’y peux rien si c’est Arnaud Montebourg qui a soutenu Hollande et lui a fait emporter l’élection… » Modèle de petite phrase assassine et à multiples sens qu’affectionne Cambadélis, qui n’oublie pas ensuite de dire au même Montebourg “démissionné” : « Il n’est pas exclu du PS, je lui dis : “Bienvenue à la maison”. »

Capable de se mouvoir avec succès dans les méandres de la nébuleuse socialiste actuelle, son habileté tacticienne et dialectique a toutefois ses limites. Stratège hors pair, il agit pour l’avenir du parti, en correspondance avec son analyse sur le « tripartisme » (PS-UMP-FN), qui obligerait dès lors les autres partis de gauche à se ranger derrière lui, pour éviter tout risque d’élimination électorale.

Charge alors à « Camba » de rendre à nouveau le parti attractif, afin de permettre une « union indispensable pour la gauche, sous peine d’être marginalisée ». Mais on est loin de la défense du « front unique ouvrier » que le militant étudiant « Kostas » défendait dans les années 1970, et qui avait débouché sur l’élaboration du programme commun PS/PCF (avec le soutien de l’OCI). Pour l’heure, hormis quelques groupuscules réformistes (MUP, Front démocrate ou PRG), rares sont les organisations enthousiastes à l’idée de faire alliance ou coalition avec le PS, tant la politique du gouvernement les a éloignées d'elle.

Son sens de la formule peut faire mouche devant les médias, friands d’un si bon analyste de la vie politique, mais il n’est pas un grand tribunitien. Pour son premier discours de premier secrétaire à La Rochelle, ses mots bafouillés furent nombreux et ses aphorismes ont semblé lasser les militants, qui ne l’applaudirent que poliment. Quant à son caractère ténébreux et matois, il effraie plus qu’il ne séduit dans ses propres rangs. « Lors du débat avec les autres partis de gauche (lire ici), il m’a fait peur, raconte une militante. Quand il parle de la gauche en danger, il ressemble à Nicholson dans Shining »

Cambadélis n’hésite pas à user d’un sens de la dramatisation parfois excessif, mais celui-ci correspond aussi à une grande lucidité sur le piètre état d’un parti qu’il a cherché à diriger depuis qu’il l’a rejoint en 1986 (avec plus de 500 militants de l’OCI). L’histoire veut qu’enfin installé dans son bureau, après le désastre aux municipales, il se soit pris la tête entre les mains en se disant « J’arrive trop tard ». Depuis, il rattrape le temps perdu. Et tente de panser les plaies, le plus souvent à huis clos.

Sa conviction, il l’a exprimée devant les militants pour son premier discours en public (les conseils nationaux sont fermés à la presse) : « Il nous faut d’emblée corriger une lacune : ne pas avoir compris que le changement devait commencer par nous-mêmes. » Façon de gagner un peu de temps en attendant de fixer le futur congrès du PS, demandé par un nombre croissant de militants, désireux de passer au vote pour donner leur avis sur l’orientation gouvernementale actuelle du socialisme.

Coincé par l’incertitude du calendrier électoral des cantonales et régionales (dépendant de la réforme des collectivités territoriales et de l’avis du Conseil constitutionnel, qui devrait être rendu en octobre), qui l’oblige « à moduler notre propre calendrier », Cambadélis sait qu’il devra alors enfin passer par le vote militant. « Il souhaiterait l’organiser le plus tôt possible (au printemps 2015 – Ndlr), assure un de ses amis députés. Vu le bordel actuel et la sidération de tout le monde, il serait réélu sans problème. »

Mais l’Élysée et Matignon plaident pour une date la plus tardive possible (en 2016), et Cambadélis doit en tenir compte. Pour l’heure, il se contente d’annoncer vouloir « moderniser » l’exercice. « Nos congrès ressemblent à ceux de la SFIO », dit-il en proposant d’y ajouter des « thèmes à trancher idéologiquement », citant comme exemple la réforme des institutions. Alors, en attendant, Cambadélis lance des états généraux des socialistes, qu’il entend conclure par un vote militant, façon de se légitimer sans avoir à passer par les incertitudes et les aléas du combat interne.

L’objectif : « Établir une charte des valeurs, sur le modèle des sociaux-démocrates scandinaves ». Qu’importe s’il existe déjà une « déclaration de principes » au PS, révisée en 2008 (lire ici). Il s’agit, à ses dires, de « définir le nouveau progressisme », afin de redynamiser un parti qui aurait perdu « sa force propulsive du congrès d’Épinay ». Il l’avoue sans ambages, ce travail collectif (chaque section devra choisir de répondre dans une contribution à l’une des douze questions proposées) « va permettre de faire respirer le PS et de rebattre les cartes à l’intérieur des sections. Celles-ci ne sont plus des lieux de débat politique ».

Une fois cette charte adoptée, en décembre, il entend « revoir le parti de fond en comble ». Et évoque une communication « beaucoup plus réactive », passant par un improbable réseau social ou la tenue de réunions du conseil national tous les mois (au lieu de trois ou quatre par an jusqu’ici). Son calcul : « Il ne faut pas d’affrontement entre sensibilités et le gouvernement, mais un débat dans le PS, et ensuite un dialogue entre le PS et le gouvernement. »

Parmi ses contradicteurs internes, l’eurodéputé Guillaume Balas, responsable du courant Un monde d’avance (UMA, proche de Benoît Hamon) paraît mitigé quant à l’initiative. « Sur le fond, “Camba” aurait pu suivre l’offensive idéologique de Manuel Valls, mais il ne l’a pas fait, donc ça ouvre un espace de discussion, explique-t-il. Mais attention à ne pas tomber dans le molletisme, une situation où on est très à gauche dans le parti sans que rien ne bouge au gouvernement. Une situation où des députés voteraient la journée ce qu’ils dénonceraient le soir en section… »

« Ça doit être la synthèse de “Camba”. Mais si le congrès est repoussé, redoute un dirigeant du PS, l’affrontement aura lieu lors des états généraux… ». L’aile gauche du parti demeure sceptique et entend en effet « congressiser » la réflexion, ainsi que l’explique l’un de ses porte-parole, le président du conseil général de l’Essonne, Jérôme Guedj : « Nous déposerons l’équivalent d’une contribution de congrès, sous la forme d’une réponse au questionnaire des états généraux. » D’autres sensibilités du parti envisagent de faire de même (on évoque même une contribution personnelle de Martine Aubry).

Au fil de l’eau, Cambadélis parvient encore à naviguer, mais sans savoir combien de temps il pourra contrôler le gouvernail.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : iCloud et bruteforce

Reportage audio : à Fréjus, ville FN, les centres sociaux trinquent

$
0
0

Dans la continuité du travail effectué par Les Pieds sur Terre sur l’extrême droite, et en partenariat avec Mediapart, nous nous concentrons cette année sur deux territoires emblématiques de l’installation du FN dans le paysage politique français. Chaque mois, nous nous rendrons alternativement à Fréjus et Villers-Cotterêts pour raconter concrètement comment les choses se passent.

A Fréjus, dans le Var, plus grosse prise du FN lors des municipales de mars 2014, la municipalité a décidé de réduire les subventions des centres sociaux. Mais au fait, à quoi sert un centre social ?

Reportage : Rémi Douat - Réalisation : Marie-Laure Ciboulet
Chanso
n de fin : Lazaretto par Jack White - Album : Lazaretto (2014) (Label : XL Recordings).
-----------------------------

En mars, l’extrême droite a remporté 14 mairies, dont 11 étiquetées Front national. Des municipalités dans le sud-est et le pourtour méditerranéen, terres historiques du parti, mais pas seulement. Des villes dans l’est, le nord et même en Île-de-France. Quelle politique municipale les frontistes, soucieux d’afficher une crédibilité pour 2017, mettent-ils en place ? Mediapart a décidé de suivre de près ces villes, en recensant au quotidien les mesures, nominations, décisions des nouveaux maires, dans un grand observatoire FN-Scope.

Pourquoi suivre les villes FN à la loupe ? Le parti lepéniste est parvenu à se hisser à 18 % des suffrages à l’élection présidentielle de 2012, et à 25 % aux européennes de juin. Avec, depuis quarante ans, un discours fondé sur l’échec de la gauche et de la droite, alternativement au pouvoir. Alors que les politiques du PS et de l’UMP sont quotidiennement passées au crible dans la presse, on ne dispose pas, depuis les gestions catastrophiques des quatre villes frontistes à la fin des années 1990, d’illustrations et de bilans du Front national au pouvoir.

Pour comprendre les rouages de la machine FN et raconter comment l’on vit dans une commune à l’étiquette frontiste, Mediapart a décidé de s’associer avec l’émission de France Culture Les Pieds sur Terre.

Nous avons choisi de nous intéresser en profondeur à deux villes : Fréjus (Var) et Villers-Cotterêts (Aisne). La première est la plus grande ville FN avec 53 000 habitants, dirigée par une figure montante du parti, David Rachline, 26 ans dont déjà 11 passés au Front national. S’y mêlent plusieurs enjeux : la réduction de 67 % des subventions de trois centres sociaux, le dossier brûlant de la construction de la mosquée dans le quartier populaire de La Gabelle, mais aussi les rapports ambigus avec l’ancien maire UMP, condamné pour prise illégale d'intérêts, et la gestion clientéliste de la municipalité sortante.

La seconde municipalité (10 000 habitants) est au cœur du premier département frontiste, l’Aisne. Dans ces terres rurales et périurbaines, le FN s’enracine plus qu’ailleurs. Il y a obtenu plus de 40 % des voix aux élections européennes, le double de l’UMP et trente points de plus que le PS. Indicateurs socio-économiques dans le rouge, affaiblissement du maillage territorial, disparition des services publics : l’Aisne est moins médiatisée que le Pas-de-Calais, mais le FN y possède une base électorale forte en bénéficiant d’une gauche moins bien implantée.

Dès son élection, le maire, Franck Briffaut, un ancien sous-officier parachutiste, adhérent historique du FN et patron de la fédération de l’Aisne, a attisé les tensions. Refus de célébrer la journée commémorative de l'abolition de l'esclavage, suppressions des subventions à la CGT et à la fédération de parents d'élèves FCPE (classée à gauche), augmentation des tarifs de la cantine pour les plus pauvres.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : iCloud et bruteforce

Salaires, conditions de travail, les enseignants se sentent floués

$
0
0

Lors de la passation de pouvoir, Benoît Hamon a bien glissé à la nouvelle ministre, Najat Vallaud-Belkacem, qu’elle héritait d’un beau budget et que les 60 000 postes dans l’éducation étaient préservés. Il n'empêche, le climat social chez les 800 000 enseignants, qui ont fait leur rentrée ce lundi, n’est pas à l’enthousiasme. Les frustrations dans leurs rangs, pour cette troisième rentrée sous un gouvernement qui a affirmé faire de l’école sa priorité, sont palpables.  

Beaucoup de réformes ont été engagées depuis deux ans et demi – formation des enseignants, rythmes scolaires, éducation prioritaire, refonte des programmes – mais sont pour la plupart encore au milieu du gué. Surtout, elles n’ont dans l’ensemble pas amélioré les conditions de travail des profs qui ont, pour beaucoup, le sentiment d’avoir été un peu les oubliés de la priorité à l’école.

De manière unanime, en cette rentrée, les syndicats enseignants ont tous exprimé, à l’instar du secrétaire général du SE, Christian Chevalier, que « le temps des personnels est venu ».

Les créations de postes sont toujours aussi peu perceptibles sur le terrain. À y regarder de près, il n’y a d’ailleurs là rien d’étonnant, puisque la moitié des postes créés jusqu’à présent – 22 000 – ont été affectés à la formation des enseignants (c’est-à-dire au retour à l’année de stage), les postes restants ont d’autre part été immédiatement absorbés par la forte hausse démographique de ces dernières années avec, en trois ans, plus de 37 000 élèves supplémentaires.

Dans son rapport remis au ministre Benoît Hamon à son arrivée rue de Grenelle, la Direction générale de l’enseignement scolaire craignait donc une « rentrée tendue » avec une « légère érosion du taux d’encadrement hors éducation prioritaire ».

Dans le secondaire, certaines disciplines – les mathématiques, les lettres classiques, l’anglais, l’allemand et les lettres modernes – n’attirent plus assez de candidats. Dans toutes ces disciplines, des centaines de postes sont donc restés vacants. « Nous manquerons de profs à la rentrée et les présents devront faire toujours plus d’heures supplémentaires », regrettait la co-secrétaire générale du Snes-Fsu, Frédérique Rolet, lors de la conférence de presse de rentrée du syndicat majoritaire dans le second degré. Les difficultés de recrutement sont telles qu’elles pourraient empêcher que la promesse de créer 60 000 postes sur le quinquennat soit tenue.

« Du fait du cumul des déficits de recrutement sur les années 2012 et 2013, l’équivalent de près de 7 000 emplois n’ont pas été consommés pour le seul second degré en 2013 », estime le Snes-FSU qui s’appuie sur les chiffres du rapport de la Cour des comptes de mai 2014. Si cette trajectoire devait se poursuivre, ce serait donc quelque 10 000 postes qui, tout en étant inscrits au budget, pourraient rester vacants faute de candidats suffisants.

Dans ce contexte, l’attractivité des métiers enseignants est devenue un enjeu majeur. Si les difficultés de recrutement actuelles s’expliquent en partie par les suppressions massives de postes de ces dernières années qui ont découragé les étudiants de s’engager dans cette voie, l’image dégradée du métier pèse aussi fortement.

Malgré l’incontestable priorité budgétaire accordée à l’école, les conditions de travail des enseignants ne se sont guère améliorées ces dernières années. Trois quarts des enseignants du premier degré estiment, selon une enquête du Snuipp, que la réforme des rythmes scolaires a eu « un impact négatif sur leur situation professionnelle ». Autant dire que la prime annuelle de 400 euros, accordée l’an dernier dans le cadre d’une politique de rattrapage avec les enseignants du second degré, a un peu été vécue comme une aumône par le corps enseignant le plus mal doté du système français. En début de carrière, les salaires du premier restent faibles et progressent peu. Entre 30 et 50 ans, les instituteurs gagnent 2 099 euros en net par mois, selon l’Insee, alors qu’ils déclarent travailler 44 heures par semaine, dont 25h30 devant élèves.

Dans le secondaire, les situations sont disparates mais les certifiés sont incontestablement les moins bien lotis puisqu’ils travaillent plus pour gagner sensiblement moins que leurs collègues agrégés – 43 heures hebdomadaires pour les premiers contre 39 heures pour les seconds.

La décision du gouvernement de prolonger le gel du point d’indice jusqu’à la fin de la mandature a douché tout espoir de revalorisation. Selon le Snes, « de 2000 à 2014, la baisse du point d’indice et l’augmentation de la retenue pour pension conduisent à une perte en euros constants de deux mois de salaires par an ».  

Les syndicats enseignants  – qui ont combattu la généralisation des heures supplémentaires pour compenser les suppressions de postes – le mettent moins en avant, mais la refiscalisation des heures supplémentaires a aussi porté un coup très dur au portefeuille. Les suppressions de postes sous la droite avaient en effet été compensées par un recours massif aux heures supplémentaires défiscalisées, avec trois quarts des enseignants déclarant faire au moins une heure supplémentaire par semaine. Le retour de l’année de stage – unanimement demandé par les syndicats enseignants en 2008 – s’est aussi accompagné du rétablissement du point d’indice des débuts de carrière, supprimé en 2010, avec pour conséquence un léger recul des premiers salaires.

Dans le contexte de rigueur budgétaire choisie par le gouvernement, les 60 000 postes laissent peu de marges de manœuvre. Le gouvernement a bien concédé quelques revalorisations ponctuelles pour les personnels les plus mal payés ou les plus exposés, ceux enseignant en éducation prioritaire, les enseignants du premier degré, les directeurs d’école, mais globalement, le pouvoir d’achat des enseignants a donc reculé ces dernières années. Un paradoxe qu’ont de plus en plus de mal à digérer les enseignants, à l’heure de la priorité affichée à l’école.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : iCloud et bruteforce

Viewing all 2562 articles
Browse latest View live