«Moi, je ne doute pas de la majorité. » « La majorité sera au rendez-vous. » Mardi soir sur France 2, et mercredi à l'université du Medef, Manuel Valls, à la tête depuis mardi 27 août d'un gouvernement assumant désormais clairement une politique sociale-libérale, s'est dit certain d'avoir les parlementaires avec lui « lors des textes budgétaires et financiers, notamment le pacte de responsabilité ». Le premier ministre, qui n'y est pas contraint par la Constitution, a d'ailleurs annoncé qu'il solliciterait la confiance du Parlement « en septembre ou en octobre ».
Pour le premier ministre, la publication par Le Monde, ce jeudi 28 août, d'une tribune de plus de 200 députés PS appellant au « rassemblement » derrière François Hollande est donc une aubaine.
Titré « Ni godillots, ni déloyaux », cet appel déplore « la permanence d'une défiance a priori à l'égard de l'exécutif », allusion à la contestation de certains députés PS contre le gouvernement. Elle se manifestera bruyamment ce week-end, à l'université d'été du PS à la Rochelle : samedi matin 30 août, les “frondeurs”, qui n'ont désormais plus de ministres au gouvernement pour les représenter, comptent lancer leur courant « Vivre la gauche ».
Dans ce texte assez général, les 200 députés signataires réclament « une cohérence, par un cap constant ». « Il ne s'agit pas de se montrer sourds aux manifestations d'inquiétude, poursuivent-ils. Mais on ne peut redonner confiance à un pays qui doute par des coups de volant brusques et répétitifs. Un rassemblement, car c'est ce qui fait notre force, nous permet de convaincre et d'entraîner avec nous les Français. »
A priori, c'est un soutien de poids pour le premier ministre : 200 députés, c'est une très grosse partie du groupe socialiste, qui détient à l'Assemblée la majorité absolue avec 290 sièges (apparentés compris). « C'est de loin le texte le plus signé par des députés PS depuis deux ans. Même s'ils se désignent comme l'“appel des 100”, les “frondeurs” n'ont jamais été cent », insiste Christophe Borgel, député et secrétaire national du PS aux élections, à l'initiative de ce texte.
Parmi les signataires, on retrouve de très nombreux “hollandais” ou des personnalités de l'aile droite du PS. Ainsi que beaucoup d'élus de terrain, peu connus à l'Assemblée, qui appartiennent au “Marais” socialiste. En revanche, les “frondeurs” (aile gauche, aubrystes, proches d'Arnaud Montebourg, etc.) ne l'ont pas signée. Ni l'ancien ministre Philippe Martin ou les élus du nouveau courant Cohérence socialiste – parmi lesquels Valérie Rabault, la rapporteure générale du budget à la commission des finances, un des postes les plus prestigieux de l'Assemblée. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, qui assure ce jeudi au Monde que « le social-libéralisme ne fait pas partie » du « vocabulaire » socialiste, ne fait pas non plus partie des signataires. Pas plus que l'ancien ministre Jean-Marc Ayrault, redevenu simple député. « Personne ne doute de sa loyauté, mais ce n'était pas sa place d'ancien premier ministre », justifie un de ses proches. « Ayrault comme Cambadélis ne pouvaient pas signer, ils se placent au-dessus de la mêlée », assure-t-on au groupe PS de l'Assemblée.
« Plus de 200 députés (...) derrière Hollande », ont titré jeudi lesechos.fr. « Plus de 200 députés socialistes appellent au “rassemblement” derrière Hollande », lit-on sur libération.fr, qui reprend une dépêche de l'AFP. « À la veille de l'ouverture de l'université d'été du PS à La Rochelle, les députés pro-gouvernements s'en prennent aux frondeurs », assure le figaro.fr.
Manuel Valls et François Hollande auront donc beau jeu de se prévaloir dans les prochains jours de ce soutien massif. À la nuance près que cette tribune a été rédigée bien avant le remaniement. Difficile donc d'en faire une preuve fiable de la « loyauté » du groupe socialiste, même si de nombreux parlementaires socialistes soutiennent assurément le tournant social-libéral intervenu depuis lundi (ou craignent plus prosaïquement d'être balayés^ en cas de législatives anticipées).
Cette tribune circule depuis le début du mois d'août, à l'initiative de Christophe Borgel, député et secrétaire national du PS aux élections. « L'idée était de prouver que nous étions rassemblés. Il s'agissait aussi de dire qu'on en avait assez de certains députés très médiatiques que l'on voit partout. On savait que ce serait publié au moment de La Rochelle, mais on ne se doutait pas alors qu'il y aurait un remaniement avec de tels changements », assure un des signataires, un peu marri d'avoir signé, au vu des péripéties de la rentrée politique.
Le 19 août, le texte n'est encore signé que par 45 députés (la plupart proches de François Hollande ou de Manuel Valls, cliquez ici pour télécharger la liste). Ce jour-là, le président du groupe PS, Bruno Le Roux, l'envoie alors à l'ensemble du groupe socialiste. « Plusieurs de nos collègues ont pris l’initiative, en cette rentrée, d’écrire un texte dont tu trouveras copie ci-jointe, écrit-il dans un courrier électronique que nous nous sommes procuré. Celui-ci me semble refléter le travail et l’état d’esprit de notre groupe. Je t’invite, bien entendu si tu le souhaites, à t’associer à cette initiative. » Quelques jours plus tard, le texte, censé ne pas être publié, est même posté sur son blog par un député socialiste étourdi.
« J'ai signé cette tribune mi-août, confirme Geneviève Gaillard, députée des Deux-Sèvres. Je suis plutôt sur la ligne “frondeuse”, mais j'étais d'accord avec cet appel à la loyauté au président dans un contexte politique très difficile. Évidemment, on ne savait pas à ce moment qu'il y aurait un remaniement. »
D'après Christophe Borgel, le nombre de signatures a largement augmenté depuis le début de la semaine. « Nous sommes actuellement à 215 signataires, et certains députés qui le souhaitent n'ont pas encore signé », assure-t-il. La preuve, selon lui, qu'il y a « une majorité solide dans le groupe : c'était d'ailleurs la vocation de ce texte, avant même la crise de ces derniers jours ».
« Évidemment, cela n'empêche pas les débats et les interrogations, ajoute Borgel. Le premier ministre ne souhaite d'ailleurs pas que tout le monde se mette au garde-à-vous. En revanche, il ne souhaite pas que se développent des débats qui ont pour but de renverser le gouvernement. »
Pourtant, des « interrogations », certains signataires en ont. Et comme Geneviève Gaillard, ils se sentent pris à contre-pied. L'ancienne maire de Niort, sèchement battue aux municipales de mars, assure ainsi que sa signature ne vaut « en aucun cas soutien à ce qui s'est passé depuis trois jours. Démissionner Arnaud Montebourg de cette façon, j'ai trouvé la méthode un peu violente. Quant à ce qu'a dit Manuel Valls devant le Medef, cela me choque un peu. Depuis le début de cette semaine, il y a un tournant social-libéral de l'exécutif. Deux branches du PS apparaissent clairement. Et ce n'est pas parce que j'ai signé ce texte en août que je ne pense pas aujourd'hui ce que je vous dis là. »
Matthias Fekl (Lot-et-Garonne) a également signé le texte mi-août. Il assure lui aussi que ce texte ne vaut pas « un blanc-seing à tout ce qui va se passer par la suite ». Quant à la présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée, Catherine Lemorton, une proche d'Arnaud Montebourg, elle a signé le texte « mardi matin », avant l'annonce du nouveau gouvernement. Plus pour ne pas paraître déloyale que par conviction, laisse-t-elle entendre.
« J'assume ma signature, dit-elle à Mediapart. Mais cela ne m'empêche pas de dire ce que je pense. Or quand j'entends ce matin Emmanuel Macron se poser la question du maintien des 35 heures, je me dis qu'on a vraiment franchi la ligne jaune, qu'on est en train d'évacuer nos derniers fondamentaux. » « Si on nous demandait de signer la tribune aujourd'hui, je ne suis pas sûre que nous serions encore 200 », ajoute-t-elle. Sur le site régional objectifnews.com, ce mercredi, l'élue de Haute-Garonne s'est inquiétée : « Le nouveau gouvernement est dans la ligne du président. Il n'y aura plus de voix dissonante. Mais qui parlera aux couches populaires que nous sommes en train de perdre à présent ? »
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