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«Le modèle des intermittents, c’est une sortie du chômage de masse»

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Mathieu GrégoireMathieu Grégoire

Mathieu Grégoire est maître de conférences à l’Université de Picardie. Il est co-auteur avec Olivier Pilmis du rapport « Quelle indemnisation chômage pour les intermittents du spectacle ? Modélisation et évaluation d'un régime alternatif », commandé par le Syndéac, le syndicat des entreprises artistiques et culturelles, et auteur de Les Intermittents du spectacle  – Enjeux d’un siècle de luttes, publié aux éditions La Dispute.

Est-il inexact de dire que le système des intermittents est « à bout de souffle », comme l’a affirmé Manuel Valls lundi matin ?

Ce qui est surtout à bout de souffle, c’est le paritarisme. Il y a un vrai déni de démocratie dans ces négociations entre syndicats et patronat. Certes, l’accord du 22 mars sur l’assurance-chômage est majoritaire. Mais un deal majoritaire ne suffit pas à fonder une légitimité démocratique. Sans revenir sur l’affaire des enveloppes de M. Gautier-Sauvagnac (l'ancien dirigeant de la puissante Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), a été condamné en février dernier à trois ans de prison, dont deux avec sursis dans l'affaire de la « caisse noire » de la fédération patronale), dont il faut rappeler qu’il est l’homme qui avait signé l’accord sur l’intermittence de 2003, on voit bien que le Medef a encore une culture démocratique balbutiante.

Formellement, il y a bien un accord majoritaire. Mais est-il démocratique, avant de réformer, de ne consulter personne surtout pas les premiers concernés ? Est-il démocratique de totalement ignorer l’immense travail des parlementaires qui ont réfléchi pendant deux ans aux contours d’une réforme et ont, eux, auditionné des centaines de personnes ? Est-il démocratique de prendre des décisions pour des millions de Français et de refuser de venir s’en expliquer dans les médias ? Est-il démocratique de considérer qu’un gouvernement élu n’a pas son mot à dire dès lors qu’un accord a été trouvé entre le Medef et ses partenaires ? Est-il démocratique que le rapport de la Cour des comptes sur les intermittents soit supervisé par Michel de Virville, qui a présidé l’Unedic comme représentant du Medef ?

AG des intermittents lundi 9 juin à la Villette.AG des intermittents lundi 9 juin à la Villette. © La Parisienne Libérée

Ce système paritaire est donc à revoir. Le paritarisme n’a pas toujours existé et les salariés n’ont pas nécessairement besoin du Medef pour gérer leurs caisses d’assurances sociales. De 1945 à 1967, les caisses de sécurité sociale étaient gérées par des administrateurs salariés sans que le patronat n’ait son mot à dire. De ce point de vue, la menace du Medef de quitter la gestion de l’Unedic si l’accord n’est pas agréé n’est que du bluff, car il n’a rien à y gagner.

Même si on estime le « coût » de l’indemnisation des intermittents à 320 millions d’euros, il est limité si on le compare aux 20 milliards d’euros promis aux entreprises à travers le CICE (Crédit impôts compétitivité emploi). Pourquoi le gouvernement ne réussit-il pas à faire céder le patronat sur les intermittents alors qu’il le choie par ailleurs ?

Je conteste ce chiffre de 320 millions. Il est fondé sur l’idée que si on basculait le régime des intermittents sur le régime général, cela « coûterait » 320 millions d’euros. Mais c’est une aberration comptable de comparer ainsi un régime adapté à l’emploi stable et un autre adapté à l’emploi instable. La ligne de défense du gouvernement a été de dire, en gros : « Les intermittents ont des privilèges, mais pas tant que ça. » En réalité, si on compare ce qui est comparable, les intermittents ne sont pas des privilégiés. Ils représentent 3,5 % des dépenses de l’Unedic et 3,4 % des allocataires. Ils bénéficient d’un calcul spécifique adapté à leur mode de travail, mais pas d’avantages particuliers.

Le Medef s’est engouffré dans cette brèche, parce qu’il s’agit pour lui d’un combat idéologique et qu’il a engagé un rapport de force sur le principe même de la « refondation sociale ». Depuis 2002, le Medef, accompagné par la CFDT, a théorisé l’idée d’un pouvoir absolu du paritarisme, dans lequel le pouvoir politique n’a plus son mot à dire et doit se contenter d’agréer. Ce combat est né du traumatisme, pour le patronat, qu’ont été les 35 heures et le refus par Martine Aubry d’agréer l’accord sur l’assurance-chômage en juillet 2000. Les intermittents se trouvent au cœur de cette lutte pour une refondation sociale qui ne laisserait plus voix au gouvernement ni au parlement. Le Medef frappe un symbole beaucoup plus qu’il ne veut faire des économies, d’autant que des propositions d’économies pensées par les intermittents étaient sur la table.

Le symbole sur lequel il faut frapper est-il lié au fait que les annexes 8 et 10 de l’assurance-chômage font partie des rares dispositifs de protection sociale pensés pour l’emploi discontinu ? Or, aujourd’hui, plus de 80 % des embauches se font en CDD et il y a des millions de salariés pauvres ou à temps partiel. Le raidissement du Medef sur cette question des intermittents s’explique-t-elle alors par la volonté d’empêcher les précaires en général de réclamer des droits sociaux en échange de la flexibilité exigée des employés ? 

Je ne sais pas si on peut ainsi expliquer le raidissement du Medef, mais ce qui se révèle là est son archaïsme. Le Medef refuse d’aller vers la construction d’un modèle alternatif au plein-emploi qui serait une flexi-sécurité progressiste. Cette croyance au plein-emploi enferme aussi toute une partie de la gauche et de la gauche de la gauche. À chaque élection, on parle de faire baisser le chômage, chacun avec ses « solutions », en promettant sans y croire un plein-emploi auquel plus aucun électeur ne croit.

Ce qui se joue avec le modèle des intermittents, c’est la possibilité d’une autre sortie du chômage de masse et de la précarité pour tous, grâce à la construction d’un deuxième pilier de la protection sociale qui fabriquerait des droits pour les salariés à l’emploi discontinu.

En 1945, on a construit un premier pilier adapté à l’emploi stable. Il ne faut pas le supprimer, mais construire un deuxième pilier pour l’emploi discontinu qui constitue une réalité sociale sur laquelle on ne peut plus cesser de s’aveugler. De 1996 à aujourd’hui, les chômeurs de catégorie A sont passés de 3 millions à 3,3 millions. Dans le même temps, les chômeurs de catégorie B et C, qui cumulent périodes d’emploi et de chômage, sont passés de 500 000 à 1,7 million !

C’est donc un sujet aux enjeux énormes que les intermittents abordent et révèlent : la constitution de droits pour les salariés à emploi discontinu, c’est-à-dire des droits qui déconnectent le salaire de l’emploi et assurent une continuité des ressources malgré une discontinuité de l’emploi. Il n’y a pas d’autres solutions si on veut cesser de promettre aux millions de salariés au chômage ou dans la précarité un CDI pour tous.

En quoi le régime des intermittents peut-il être le modèle d’un rapport au travail et à l’emploi de plus en plus discontinu ?

C’est une esquisse de modèle, parce qu’il reste beaucoup d’imperfections. Mais ce modèle correspond à une version progressiste et de gauche de la flexi-sécurité, où l’on parle de socialisation des salaires. La flexi-sécurité version sociale-libérale ne parle que de formation, sur le mode : « On va vous armer pour que vous soyez des bons petits soldats aptes à affronter le marché du travail et que vous deveniez des chercheurs d’emplois performants dans un monde où le travail se raréfie et où le maître mot est l’employabilité. »

La version progressiste propose que, même si l’emploi est discontinu, le salaire demeure continu. Mais pour ça, il faut socialiser et mettre en commun, ce qui constitue une barrière idéologique forte pour les leaders politiques et patronaux. Cela a pourtant déjà été expérimenté. Il s’agit en fait d’appliquer les mêmes droits, mais avec des techniques différentes, et non pas de donner des droits privilégiés à certains.

Par exemple, en 1936, quand il a fallu donner deux semaines de congés aux gens du spectacle comme aux autres, on ne savait pas comment faire, parce que ces personnes avaient déjà plusieurs employeurs et que l’idée était de faire payer les employeurs. C’est pour cela qu’a été créée la caisse des congés spectacles, où tous les employeurs cotisent, et qui redistribue ensuite l’argent. C’est le même droit que le droit général, en l’occurrence les congés payés, mais avec une procédure différente.

Il faudrait donc étendre ces techniques de mise en commun des sommes versées par les employeurs afin qu’ils bénéficient de manière plus démocratique à l’ensemble des salariés. Mais à partir du moment où une partie de cet argent est socialisée, le patronat considère qu’il s’agit d’une taxe inique. L’autre avantage de ce système est de permettre de conserver le rapport salarial fait de négociation et de conflit entre salariés et patronat, alors que l’idée d’un revenu garanti par l’État finirait pas opposer « assistés » et « contribuables », en escamotant le rapport de force entre employeurs et employés.

Les précaires doivent-ils tous devenir des intermittents ?

Tous les salariés dans l’emploi discontinu ou partiel doivent avoir le droit à une forme de socialisation de leurs revenus, qui permette de déconnecter, au moins en partie, le temps de travail et le revenu. C’est vrai pour les intermittents du spectacle comme pour la caissière avec un emploi du temps en forme de gruyère. Cette déconnexion n’est, encore une fois, pas une vue de l’esprit. C’est une tendance qui a émergé en 1979 avec la mensualisation des ouvriers. À partir de là, le salaire mensuel était le même, que le mois fasse 28 ou 31 jours, tandis qu’auparavant les ouvriers étaient payés de manière journalière.

Il est donc nécessaire de socialiser davantage, c’est-à-dire de déplacer une partie de la masse salariale versée en salaire direct en salaire indirect, et donc d’augmenter pour cela les cotisations sociales. Depuis 1945, on a construit des centaines d’hôpitaux, soigné des milliers de malades et versé des dizaines de milliers de retraites avec un système socialisé !

© La Parisienne Libérée

La question est de faire un pas de plus en cessant de penser que ce qui est socialisé n’est pas viable. Je ne dis pas qu’il faut qu’on devienne tous intermittents, mais il faut un deuxième pilier car on ne peut plus se contenter d’un système de protection sociale adapté seulement à l’emploi permanent. D’autant que si les précaires avaient plus de droits, ceux qui se trouvent en emploi stable seraient eux-mêmes plus forts.

Comment faire un modèle d’un régime d’indemnisation qui assure certes une continuité de revenu face à la discontinuité de l’emploi mais qui est déficitaire ?

Le modèle des intermittents n’est pas déficitaire. Il faut arrêter avec ça. Dans « régime des intermittents », il ne faut pas entendre « caisse des intermittents ». C’est à entendre comme dans « régime alimentaire », au sens où il existe des règles spécifiques selon les individus. Il existe une seule caisse, celle de l’assurance-chômage. La définition même d’une assurance, c’est qu’il y a toujours un équilibre entre des petits et des gros excédents et des petits et gros déficits.

On a, d’un côté, des salariés qui ne connaissent pas un seul épisode de chômage dans l’année et génèrent par conséquent un excédent puisqu’ils cotisent sans percevoir d’allocation. Une bonne gestion de l’assurance-chômage, visant l’équilibre des comptes, impliquerait que l’on ait, de l’autre côté, un solde négatif parfaitement symétrique. Les intermittents, comme les intérimaires et tous les autres salariés à l’emploi discontinu, qui connaissent par définition des épisodes de chômage, sont de cet autre côté. Ils pourront donc, aussi longtemps qu’il existera une assurance-chômage et une solidarité interprofessionnelle, être stigmatisés pour leur prétendu déficit.

© Rachida El Azzouzi

Par ailleurs, les propositions des intermittents contiennent des propositions pour faire des économies, comme sur le plafond des indemnisations ou la manière dont est envisagée la période de franchise – ou carence – avant laquelle les indemnités ne sont pas versées. Dans un système « à droit de tirage » comme aujourd’hui, les moins intermittents des intermittents, les vedettes qui sont bien payées, ont certes un délai de carence assez long, mais une fois qu’ils l’ont effectué, ils touchent d’importantes indemnités journalières. Dans le système proposé par les intermittents, ce ne serait plus le cas, et ceux qui gagnent beaucoup ne toucheraient pas d’indemnités.

En échange de ces économies justes d’un point de vue social, ils demandent le retour à la date anniversaire des 507 heures sur 12 mois. Avec Olivier Pilmis, nous avions calculé que cela ferait 3,9 % d’allocataires indemnisés en plus chaque année. C’est une dépense supplémentaire non négligeable, mais ce n’est pas non plus une armée de réserve qui attend sous la barre fatidique des 507 heures en 10 mois pour creuser le déficit ! D’un point de vue politique et social, je pense qu’aujourd’hui, admettre les 507 heures en 12 mois est la seule façon de calmer le mouvement social en cours.

Le plafond de cumul salaire-allocations à 5 475 euros brut par mois et l’élargissement du « différé » d'indemnisation, pendant lequel les intermittents devront attendre pour toucher leurs allocations, sont-ils injustes au point de menacer la tenue des festivals ? Ce durcissement du régime d’indemnisation des intermittents signé le 22 mars dernier ne vise-t-il pas en priorité les moins précaires d’entre eux, puisqu’il s’agit d’un plafonnement qui touchera seulement quelques centaines ou milliers d’intermittents bien payés, et que la carence sera proportionnelle aux revenus, et donc plus longue pour les hauts salaires ?

Il y a dans l’accord signé un nivellement par le bas. Mais les médias et les responsables politiques se trompent effectivement sur les raisons de la colère et les motifs profonds du mécontentement qui ne se réduisent pas à ces points techniques. Certes le différé a été très mal calculé dans l’accord du 22 mars. Mais le principe du différé n’est pas forcément un point d’achoppement. Le plafond du cumul fait aussi partie des sacrifices qu’ils étaient prêts à faire pour financer la réintégration des plus précaires. Mais le patronat n’a pris que les sacrifices sans prendre les compensations.

© Rachida El Azzouzi

Le problème va donc bien au-delà de l’accord du 22 mars dernier. Les intermittents ne réclament pas plus d’argent. Ils demandent moins de précarité. 2003 a été un traumatisme. À la précarité de l’emploi s’est alors rajoutée une précarité de l’indemnisation. Avant 2003, on pouvait savoir quand, et si, on allait toucher l’indemnisation chômage ou bien se retrouver au RSA dans quelques mois. Depuis 2003 et la suppression de la date anniversaire de l'entrée dans le dispositif, l’incertitude est totale, et l’ouverture de droits à l’indemnisation est soumise à de nombreux aléas. En 2003, on a donc empiré qualitativement la situation des intermittents, sans faire d’économies. Alors qu’avec la même somme d’argent on pourrait indemniser de manière plus certaine et plus juste, on creuse aujourd’hui le traumatisme de 2003 qui n’a cessé de pourrir, et dont on pouvait attendre des socialistes qu’ils le prennent à bras-le-corps.

Avant cette crise, si le Medef avait accepté un statu quo, cela aurait donc pu passer. Mais aujourd’hui, même si les partenaires sociaux renoncent au plafonnement et à l’allongement du délai de carence, cela ne passera pas. Maintenant qu’on est dans un mouvement social, le statu quo n’est pas plus acceptable : les intermittents veulent une vraie réforme et un nouveau deal.

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Un jeune Rom lynché: «Dans ce quartier, le dialogue, c'est le sang»

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Dans le quartier des Poètes à Pierrefitte-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, l’insoutenable agression d’un jeune Rom, retrouvé inconscient, vendredi 13 juin, dans un caddie sur un parking, après avoir été enlevé, séquestré et battu, ne provoque pas la consternation générale. Mardi 17 juin, il demeurait dans le coma, entre la vie et la mort.

Le corps du jeune Rom a été retrouvé à quelques mètres de là, en bordure de la cité des Poètes à Pierrefitte.Le corps du jeune Rom a été retrouvé à quelques mètres de là, en bordure de la cité des Poètes à Pierrefitte.

Séquestration, lynchage, coma, pronostic vital engagé : l'état de santé et ce qu'a enduré le jeune homme ne produisent pas systématiquement de condamnations. Ou alors entremêlées d’excuses envers les auteurs des violences. Entre les tours en rénovation et les immeubles en construction, le corps a été abandonné près de la nationale 1 qui sépare, à cet endroit, une zone pavillonnaire – où se trouvait le squat dans lequel la victime et sa famille vivaient depuis quelques semaines – d’une cité paupérisée aux noms de rue chantant où résident plus de 3 000 personnes.

Lors de la kermesse organisée samedi matin par le groupe scolaire, entouré de grues, de terrains vagues et de préfabriqués, les langues ont commencé à se délier. Mais l’information n’est devenue publique que lundi soir, lorsque les télévisions et les radios ont diffusé les premières déclarations policières : le jeune homme est âgé de 16 ans, emmené à l’hôpital, il est entre la vie et la mort. Des habitants seraient en cause.

« Un groupe de plusieurs personnes est venu le chercher dans le campement et l’a emmené de force », a indiqué une source policière à l’AFP. L’adolescent aurait alors été conduit dans une cave, où ses agresseurs l’auraient violemment frappé. « Une douzaine de personnes » auraient participé à ce lynchage. La suite, dans la dépêche d’agence, vient assez vite, s’apparentant à un début d’explication, voire de justification : l’adolescent serait « soupçonné de cambriolage ».

Selon le ministère de l’intérieur, qui a condamné ce passage à tabac « avec la plus grande fermeté », vendredi, vers 17h30, des hommes armés auraient fait irruption sur le terrain illégalement occupé. Après avoir enlevé le jeune homme, en représailles à un supposé vol dans un appartement de la cité, ils auraient, à 20 heures, contacté sa mère pour demander une rançon. Celle-ci aurait appelé les policiers vers 22h30. L’adolescent aurait été découvert une heure plus tard, « inconscient et souffrant de multiples fractures » et conduit à l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis, avant d’être transféré à Lariboisière à Paris.

Dans un communiqué, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, assure que « la police judiciaire est totalement mobilisée pour rapidement faire toute la lumière sur cette affaire ». En milieu de journée, mardi, la victime était toujours dans le coma, « dans un état stationnaire ». François Hollande a exprimé son « indignation », déplorant des actes « innommables et injustifiables ».

Le terrain sur lequel la famille de la victime s'était installée depuis quelques semaines.Le terrain sur lequel la famille de la victime s'était installée depuis quelques semaines.

Plus tôt dans la matinée, la maison squattée était fermée à double tour. Ses occupants, entre cent et deux cents personnes, principalement des Roumains arrivés progressivement au cours des derniers mois, sont partis, apeurés, après le drame. Sur l'emplacement d'à côté, un carrossier, en bleu de travail, est en train de faire tourner des moteurs. Il se présente comme celui qui a découvert le corps recouvert d'hématomes. Mais il redoute d'en dire plus, effrayé par les représailles que pourraient lui valoir son témoignage.

Le carrossier installé à côté de l'ex-campement.Le carrossier installé à côté de l'ex-campement.

Ciel bas, grisaille, le secteur semble aux mains des ouvriers de chantier. Depuis un échafaudage, l’un d’entre eux accepte de répondre aux questions. C’est vite fait. Il n’a rien vu. « On arrête à 17 heures, le corps a été retrouvé après », dit-il en remettant son casque sur ses oreilles.

Une dame tient son chien en laisse. Elle a vu un attroupement vendredi soir. Mais elle ne fait que ressasser ce qu’elle a entendu sur les ondes : « D’après les médias, le Rom aurait commis des vols. Moi je n’en sais rien, je ne peux pas dire. Mais c’est vrai qu’ils sont sales, ils fouillent dans les poubelles et ils sentent mauvais. Allez voir par vous-mêmes, ils font leurs besoins derrière les talus. » « Les gens commençaient à s’en plaindre. Ils se sont faits justice eux-mêmes », assène-t-elle, pas plus impressionnée que ça. « En général, ils se battent entre eux. Il y a sans arrêt des bagarres entre bandes rivales. C’est chaud. Il n’y a pas longtemps, ils se sont même tirés dessus. » « Les policiers ne viennent plus par ici, pourtant il y en aurait des choses à faire, entre les trafics de drogue et les règlements de compte pour vol de voiture. » 

Retraitée, elle est née à Pierrefitte. Elle raconte l’évolution du quartier. Blanche, elle, parle d’une cité « cosmopolite ». « Il y a de tout ici, toutes les nationalités sont représentées. » « C’est malheureux cette histoire, mais je comprends les jeunes quand même, ils sont en colère. Moi, les Roms, ils ont voulu me voler mon chien », indique-t-elle, confortée par les propos du maire PS de la ville, Michel Foucade, qui a répété aux médias que la victime avait été interpellée à plusieurs reprises début juin. Plusieurs voitures du quartier ont eu leurs vitres cassées et des cambriolages ont été signalés, a-t-il insisté, faisant implicitement le lien entre ces faits et le lynchage.

« Le jeune homme était certes connu des services de police, mais on ignore pour quelle raison », nuance le ministère de l’intérieur qui affirme ne pas avoir connaissance de plaintes visant spécifiquement les familles du squat concerné.

En bas de chez lui, un homme d’une quarantaine d’années est courbé sous le capot ouvert de sa voiture, surpris en pleine réparation. Il ne veut pas donner son prénom, inquiet lui aussi d'éventuelles représailles. « Appelez-moi Mehdi, si vous voulez », ajoute-t-il. Il ne prend pas la peine de se renseigner sur l’état de santé du jeune homme. « Si les gars du quartier lui ont fait ça », dit-il, « c’est qu’il a dû faire quelque chose de grave. Faut voir ce qu’il a fait, mais c’est sûr, c’est grave. » Pour lui, il ne fait aucun doute que ces nouveaux voisins étaient malhonnêtes. « Ils volaient des fenêtres, du métal sur les chantiers. » Il n’a pas de preuve. « C’est en tout cas ce que disent les ouvriers, ça ne peut être que les Roms. » « Un de mes voisins s’est fait siphonné son gasoil, alors qu’il doit prendre sa voiture à 5 heures du matin pour partir travailler. Un autre, qui a une voiture sept places, a été dépouillé de cinq de ses sièges. C’est sûr, c’est les Roms. »

Le parking sur lequel a été retrouvé le caddie à l'abandon.Le parking sur lequel a été retrouvé le caddie à l'abandon.

 

Il désigne deux femmes, fichu multicolore sur la tête et jupe longue à volant : « Vous voyez, elles fouillent dans les poubelles. Comme on est là, elles ramassent, mais sinon, elles laissent traîner les détritus derrière elles. » Cet habitant est locataire, il affirme payer de plus en plus cher son loyer « à cause des travaux ». « Nous, les locataires, on est montrés du doigt, se plaint-il. Les bailleurs disent qu’on est sale, qu’on ne s’occupe pas de notre environnement, mais c’est eux, les Roms, qui passent et salissent tout. »

De lui-même, il glisse des Roms à la rénovation urbaine. « Notre cadre de vie est dégradé. Ces travaux, on n’en peut plus. Ça fait dix ans que ça dure. Ils ne font que construire, construire. Qui va vouloir s’installer là ? » Dans le quartier, les commerces sont inexistants. En tout cas invisibles. À part l’école primaire, la maternelle et un centre social, aucun service public. Deux restaurants bordent la nationale. Leurs clients sont des routiers, pas les habitants de la cité des Poètes. « Il y a un mois, j’ai prévenu la police municipale de l’installation de ces Roms, mais ils ont répondu qu’ils ne pouvaient rien faire, regrette-t-il, car le terrain appartenait à un particulier. »

« Quand ces gens-là s’incrustent, poursuit l’homme, il faut s’attendre à de graves désagréments. » Un de ses voisins s’arrête pour discuter. Il n’est pas du même avis.

– Il ne faut pas généraliser, ils ne sont pas tous comme ça. Ils l’ont lynché, le mec, il est presque mort quand même.

– C’est sûr, ils auraient pu s’en tenir à une tannée correcte.

– Et puis, on ne sait même pas ce qu’il a fait ce jeune.

– Mais les odeurs, ça ne te choque pas ? T’as vu où ils font leurs besoins ? Ils laissent des excréments partout. Et puis ils ramènent des maladies, la typhoïde, l’hépatite B. 

– C’est sûr, mais y’a plus personne dans ce quartier pour aider personne. La violence aveugle, ce n’est pas la bonne réponse. Tout le monde est en colère. Le chômage, la délinquance, tout n’est pas de leur faute quand même. Regarde, mon voisin qui m’a tailladé le bras à coups de machette. Le dialogue, dans ce quartier, c’est le sang. Ici, on cogne et puis après on parle. Je veux me casser d’ici.

– Ne parle pas comme ça, les médias, après, ils salissent notre quartier. C’est sûr, y’a rien ici, mais les gens sont solidaires, les jeunes sont respectueux. Quand les ascenseurs sont en panne, ils aident à monter les paquets.

Un élu communiste en visite à la cité des Poètes.Un élu communiste en visite à la cité des Poètes.

Élu communiste dans l’opposition, Farid Aïd passe dans le coin. Il condamne le lynchage sans tergiverser. Mais il ne veut pas risquer de se mettre à dos les habitants. « Les gens sont livrés à eux-mêmes. Certains sont racistes, le plus souvent sans le savoir étant donné leurs origines, mais ce n’est pas la majorité. J’ai dû rappeler à des Algériens la manière dont étaient traités les habitants des bidonvilles de Nanterre. Dans les années 1950 et 1960, les voleurs, c’était les Arabes. Maintenant c’est les Roms. L’État doit réagir. Ce sont des êtres humains quand même. »

Le conseiller municipal montre l’école primaire à côté : « Il y a une semaine, il y a eu une réunion de quartier dans cet établissement. Le maire est venu. On a parlé des Roms. Le maire a dit qu’il ne pouvait rien faire. Les gens se sentent abandonnés. » Selon lui, il y aurait pourtant des choses à faire : aller au devant des nouveaux venus, leur expliquer comment fonctionne le quartier, faire se rencontrer les uns et les autres.

En Seine-Saint-Denis, où les campements, et les expulsions, sont nombreux, il arrive qu’une forme d’entraide naisse avec les riverains, y compris issus des quartiers populaires. Dans le cas présent, le lien ne s’est manifestement pas fait. Ou n’a pas eu le temps de se faire. Arrivées depuis peu, les familles n’étaient pas prises en charge par les services sociaux. Les voisins, bénévoles, militants et autres bonnes volontés ne s’étaient pas encore rendues sur les lieux. Différentes associations engagés auprès des populations roms ont dénoncé des « actes barbares ».

« Ce fait divers est la terrifiante conséquence de plusieurs années de politiques publiques inefficaces et de prises de paroles d’élus, de représentants de l’État mais aussi de nombreux médias entretenant et surfant sur un climat malsain », estime Romeurope. « La destruction continuelle et intensive des bidonvilles ne fait que rendre les difficultés des familles qui y vivent encore plus compliquées à traiter. Cette misère entretenue ne suscite que l’indifférence et fait prospérer un racisme qui touche toute la société française », ajoute ce collectif d’associations. À Pierrefitte, certains acteurs cherchent à apporter une réponse tangible à ce drame. Mais ils doutent qu’une marche ait un quelconque écho dans le quartier.

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Nourrissons et centenaires gonflent les adhésions au Parti radical!

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Certains n’ont pas encore atteint l'âge de deux ans et pourtant, sont déjà appelés à choisir qui de Laurent Hénart ou de Rama Yade succèdera à Jean-Louis Borloo à la tête du Parti radical dit valoisien. L’élection pour la présidence de la principale composante de l’Union des démocrates et des indépendants (UDI) s’est ouverte lundi 16 juin dans un climat de défiance absolue. Les tensions entre les deux candidats se cristallisent autour du fichier des adhérents qui leur a été officiellement transmis la semaine dernière et que Mediapart a pu consulter.

Y figurent notamment plus d’une dizaine de personnes nées entre 1998 et 2012. Des nourrissons et une poignée de jeunes adolescents, fraîchement convertis au Parti radical, qui peuvent dont officiellement voter jusqu’à dimanche par scrutin électronique. Si l’on en croit les données contenues dans le fichier en question, les valoisiens peuvent également se targuer de compter parmi leurs fidèles adhérents une cinquantaine de centenaires, nés pour la plupart en 1900. « Sans doute des erreurs de saisie », argue-t-on dans l'entourage de Laurent Hénart. « Mais qui en disent long sur le manque de transparence qui entoure ce scrutin », rétorque-t-on du côté de Rama Yade.

Laurent Hénart et Rama Yade.Laurent Hénart et Rama Yade. © Youtube/JeSoutiensHenart et Reuters.

Ces profils “atypiques” ont fait tiquer l’actuelle vice-présidente du parti qui s’est adressée le 11 juin à la commission permanente de contrôle du Parti radical afin de « dénoncer les irrégularités très nombreuses que contient cette liste ». À ce jour, son courrier est resté sans réponse. Et pour cause : « ses principaux membres sont partis en vacances », souffle l'ancienne ministre. La requête de la candidate sera d'autant moins examinée que « le scrutin est désormais ouvert » et qu'il n'y a « plus aucune possibilité de changer la liste », explique le président de la commission des statuts du parti, Didier Maus, joint par Mediapart.

Le constitutionnaliste rappelle en outre que le fichier des adhésions du Parti radical a fait l'objet « d'un travail assez long » et a donné lieu à « plusieurs réunions au cours desquelles les représentants des deux candidats avaient le droit de contester ». Sauf que le fichier n'a été mis à la disposition de ces derniers qu'à compter du 10 juin, soit 6 jours avant le début du scrutin. En outre, il n'est pas encore « définitif », précise Maus, dans la mesure où les « anciens adhérents » ont encore jusqu'à dimanche pour se mettre à jour de leur cotisation et pouvoir ainsi voter.

Comme l’a révélé Le Canard enchaîné la semaine dernière, le départ de Jean-Louis Borloo – retiré de la vie politique pour des raisons de santé – n’a pas découragé les sympathisants valoisiens. Bien au contraire. En l’espace de deux mois, plus de 3 000 personnes ont adhéré (ou renouvelé leur adhésion) au Parti radical. Les “nouveaux venus” « sont environ 1 300 », indique Laurent Hénart. Un chiffre conséquent au regard des 7 000 noms que comportait le fichier initial, mais qui ne surprend guère celui qui est secrétaire général du parti depuis 2006. « On est dans la moyenne des adhésions », dit-il, soutenu en ce sens par Didier Maus qui n'a pas « le sentiment qu'il y a eu un gonflement anormal. »

Pourtant, les équipes de Rama Yade n'en démordent pas : les données contenues dans le fichier posent problèmes. Outre les dates de naissance farfelues, la candidate a également pointé dans le listing un grand nombre d'irrégularités concernant les coordonnées des adhérents. Ainsi certaines adresses mail ont-elles été utilisées pour plusieurs adhésions. L’une d’entre elles correspond par exemple à 16 noms différents. Ce qui signifie, en clair, que cette seule adresse recevra le bulletin de vote électronique de 16 personnes…

D'autres “étrangetés” peuvent également être soulevées à la lecture du fichier : l’utilisation d’un même numéro de portable pour 30 personnes ou d’une adresse postale identique pour 14 adhérents qui ne portent pas le même nom de famille… Sans compter le nombre important d'adhérents venus directement de l'UDI et originaires de la Seine-Saint-Denis, le département du député et maire de Drancy Jean-Christophe Lagarde, un proche de Laurent Hénart. Sans compter non plus la centaine de Martiniquais qui se sont inscrits en même temps et après la clôture des listes électorales. Parmi eux, des familles entières – comptant jusqu’à sept membres –, pour la plupart issues de la Gauche moderne de Jean-Marie Bockel, petite formation associée aux valoisiens.

Contacté par Mediapart, Laurent Hénart, « ne souhaite faire aucun commentaire » sur le sujet. « Il y a des instances qui sont chargées de gérer tout cela, je leur fais confiance », tranche-t-il. Quant à Rama Yade, elle reconnaît qu'« au minimum, tout cela n'est pas clair », mais préfère toutefois « régler ces affaires en interne ». « Si j'ai des contestations à faire, je les fais devant les commissions internes du parti, bien qu'elles soient composées à 80 % de personnes nommées par Laurent Hénart », avait déjà indiqué l’ancienne ministre au Journal du dimanche. Le problème, c'est que la réponse de ces commissions internes tient désormais en deux mots : trop tard.

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Avant l’épreuve du budget, Manuel Valls tente de cadenasser la majorité

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Il y a un problème Jean-Marie Le Guen. À l’Assemblée nationale, le ministre des relations avec le Parlement est comme un éléphant dans un magasin de porcelaine : il fonce, il passe et tant pis si ça casse. Fin avril, il avait déjà travaillé au corps, sans finesse, les députés socialistes qui menaçaient de ne pas voter le principe de 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans. Avec un succès relatif, puisque 41 s’étaient abstenus, davantage que ce qu’attendait le gouvernement.

Manuel Valls et Jean-Marie Le Guen.Manuel Valls et Jean-Marie Le Guen. © Reuters


Ce mardi 17 juin, l’ancien député de Paris et lieutenant de Dominique Strauss-Kahn, qui a intégré le gouvernement lors du remaniement post-municipales, a dégoupillé l'une des grenades dont il a le secret. « Qu'est-ce qu'appartenir à une majorité, de façon classique ? C'est voter un budget. (…) Si effectivement un certain nombre de députés soi-disant socialistes ne votaient pas pour le budget, il y aurait indiscutablement un problème nouveau », a-t-il lancé sur France Inter. Députés « soi-disant socialistes » ? Les députés PS qui réclament une autre politique, réunis depuis la déroute des municipales dans l’appel des 100, s’en sont étranglés. « On a des amateurs au gouvernement », peste l’un d’entre eux.

Le groupe PS a discuté mardi matin (à huis clos) des amendements du groupe au projet de loi de finances rectificatif et au budget révisé de la Sécurité sociale. Ces deux textes, qui seront discutés en première lecture à l’Assemblée nationale du 23 juin à début juillet, orchestrent le pacte de responsabilité de François Hollande, incarnation de la politique de l'offre qu'il prône désormais. Ils entérinent les premières mesures du plan massif de réduction des dépenses publiques de Manuel Valls (50 milliards sur trois ans) : poursuite du “crédit impôt compétitivité”, baisse sans contreparties de cotisations patronales et de taxes sur les entreprises, gel de certaines prestations sociales, mais aussi baisse de cotisations sociales pour certains salariés et sortie de l’impôt sur les revenus pour 3 millions de salariés.

Pour le gouvernement, c’est un paysage de sables mouvants qui se dessine. Le mois à venir, d'ici la trêve estivale de fin juillet, s’annonce politiquement très risqué : de plus en plus contestataire, une partie de sa majorité pourrait bien lui faire défaut – même si à la différence du vote du 29 avril, des abstentions sur ces textes budgétaires signeraient de fait la sortie des réfractaires de la majorité, de quoi refroidir les ardeurs. « On n’en est pas encore là », tempère Jean-Marc Germain, l'un des leaders de la contestation.

Mais en prévision, le gouvernement cadenasse. Mardi, le patron des députés PS, Bruno Le Roux, un proche de François Hollande, a fait voter, dans une ambiance parfois tendue, les amendements “autorisés” du groupe PS (portant notamment sur un dégel des pensions d'invalidité et des allocations logement). Un vote par blocs, qui n'a pas permis de discuter sur le fond les propositions alternatives de ceux qui contestent la politique menée.

Les amendements que présentera le groupe PS, avec la bénédiction du gouvernement, sont résumés dans ce document, envoyé mardi après-midi aux députés socialistes, que Mediapart s'est procuré.


« Il n’y a jamais eu plus d’un vote contre ou d’une abstention », a plastronné Bruno Le Roux à l’issue de la réunion. En réalité, seuls 150 socialistes (la moitié du groupe) étaient présents. Et les contestataires présents n’ont pas pris part au vote, confirme Pascal Cherki (aile gauche du PS). « C’était abracadabrantesque, lunaire. On ne pouvait discuter aucun amendement, alors nous n’avons pas participé », dit-il. Lui et ses collègues menacent de défendre leurs propositions alternatives directement dans l’hémicycle. En face, Bruno Le Roux n’y va pas par quatre chemins. « Le débat a eu lieu, il est clos, dit-il. La décision du groupe englobe tout le monde. Personne n’oblige un député à être membre du groupe socialiste. L’abstention est quelque chose que je n’envisage pas. » Pour la première fois, Le Roux fait même planer la menace d’exclusions du PS. « Je ne souhaite pas parler de sanctions car cela hystérise le débat et certains l’accrochent au revers comme une médaille. Mais s’il y a des comportements anormaux (sic), si la décision majoritaire du groupe n’est pas respectée, j’en référerai au premier secrétaire du PS. »

Quelques mètres plus loin, le député PS Christian Paul, un proche des réseaux Montebourg et de Martine Aubry, balaie les menaces, affectant un ton détaché. « Comportements anormaux ? Quand on a essayé la normalité en politique, il me semble que ça n’a pas été d’un bénéfice immédiat », dit-il. Une allusion au « président normal », François Hollande, que les plus critiques (et beaucoup d’autres) n’hésitent plus à défier ouvertement.

À la gauche du PS, on espère que cette longue séquence budgétaire sera l’occasion de tisser des ponts entre les socialistes contestataires, les écologistes et le Front de gauche, au moins par le biais d’amendements convergents (sur le pouvoir d’achat, les gels de prestations sociales ou les contreparties des exonérations de charges sociales pour les entreprises). Quelques contacts ont été pris, les réunions informelles commencent. Pour l’instant, les socialistes contestataires n’envisagent pas de déposer des amendements communs avec d’autres groupes. Pas question de froisser encore plus l’exécutif, au risque de devenir des parias, alors que leur mouvement exaspère certains de leurs collègues dans la ligne ou légitimistes. « Nous ne cosignerons pas d'amendements avec d'autres groupes. Mais nous gardons aussi à l’esprit que nous devons élargir notre majorité », résume Christian Paul.

Le Front de gauche et les écologistes font tout pour qu’ils changent de position. « Nos analyses ne sont pas les mêmes, mais nous souhaitons créer des points de rencontre et des convergences », martèle le président du groupe Front de gauche à l’Assemblée, André Chassaigne.

« On souhaiterait des amendements communs avec le PS et le Front de gauche, mais ça coince du côté du PS. On partage tellement de choses que ce serait dommage de ne pas arriver à se mettre d’accord », explique l’écologiste Christophe Cavard, persuadé que « pour gagner en 2017», un large arc de gauche « devra constituer une majorité au sein de la majorité actuelle. » Ces textes pourraient être une première étape, avant la discussion à, l'automne du budget 2015, qui prévoit 22 milliards d’euros d'économies et de nouvelles hausses d'impôts : un mur d'austérité qui, déjà, affole le PS, alors que celui de l'été n'est pas encore franchi.

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Les 17 millions d'euros cachés de la campagne Sarkozy

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Les chiffres ont parlé, meeting par meeting, prestataire par prestataire. Selon une comptabilité interne de la société Bygmalion récupérée par la police judiciaire et à laquelle Mediapart a également eu accès en intégralité, le candidat Nicolas Sarkozy a dissimulé presque 17 millions d'euros de frais de campagne aux autorités de contrôle en 2012.

Les enquêteurs de l'Office central de lutte contre la corruption ont mis la main, lundi 26 mai, sur une clef USB contenant une double facturation établie par Event & Cie (la filiale événementielle de Bygmalion) pour les 44 meetings électoraux de Nicolas Sarkozy. Dans un premier classeur, sobrement intitulé « Factures 2012 », sont rangées les factures officielles, avec les tarifs déclarés à la commission des comptes de campagne. Dans un second, baptisé « Balances 2012 », se niche une comptabilité secrète avec les prix réels meeting par meeting, souvent trois ou quatre fois plus élevés, parfois jusqu'à sept fois (comme à Marseille).

Nicolas Sarkozy au Trocadéro, le 1er mai 2012.Nicolas Sarkozy au Trocadéro, le 1er mai 2012. © Reuters

Les additions sont accablantes. Alors que Nicolas Sarkozy a officiellement réglé 4,3 millions d'euros à Event & Cie pour l'organisation de ses 44 meetings, il a en fait dépensé pour 21,2 millions d'euros (17,7 millions hors taxes) auprès de cette société fondée par deux proches de Jean-François Copé, Bastien Millot et Guy Alves, si l'on en croit leurs archives informatiques qui ne semblent pas avoir été modifiées depuis 2012, selon les constatations de Mediapart.

Vertigineux, l'écart entre les frais déclarés et les frais réels avoisine donc 17 millions d'euros, une somme bien supérieure aux « 11 millions » initialement évoqués par l'avocat de Bygmalion lors de sa conférence de presse du 26 mai. De fait, Me Patrick Maisonneuve avait alors prévenu qu'il s'agissait d'une « fourchette » très approximative.

Quand on tient compte de ces frais de meeting cachés, le compte de Nicolas Sarkozy explose littéralement pour atteindre plus de 39 millions d'euros, bien au-delà du plafond légal fixé à 22,5 millions d'euros. On serait donc loin du dérapage “mineur” repéré par le Conseil constitutionnel en juillet 2013, lorsqu'il a rejeté le compte du candidat, le privant du remboursement de l'État. Désormais, la clef USB de Bygmalion atteste d'une autre histoire : celle d'une fraude industrielle majeure, dissimulée avec la complicité de l'UMP.

Pour que les équipes d'Event & Cie soient payées en intégralité, il a en effet été imaginé que les 17 millions d'euros non facturés à Nicolas Sarkozy seraient supportés illégalement par le parti de Jean-François Copé. La formation politique (largement subventionnée par de l'argent public) a ainsi payé rubis sur l'ongle une cinquantaine de conventions fictives, facturées par Bygmalion entre janvier et juin 2012.

Ces fausses factures, révélées par Libération dès le 14 mai dernier et que Mediapart a pu consulter dans leur totalité, couvrent un montant de 15 millions d'euros (TTC), auquel il faut probablement ajouter quelque 500 000 euros de surfacturations portant sur des événements, eux, bien réels.

Pour illustrer l'ampleur de la triche opérée par l'équipe de Nicolas Sarkozy, Mediapart a rassemblé les données d'Event & Cie dans un tableau permettant de comparer, meeting par meeting, le prix réel d'Event pour les prestations fournies au candidat avec le tarif affiché dans le compte de campagne. Dans la troisième colonne se trouve le différentiel, c’est-à-dire le montant dissimulé à la Commission (il est possible que certains frais engagés par Event & Cie en marge des meetings n’aient pas été déclarés pour la bonne raison qu’ils n’avaient pas de caractère électoral, mais pour des sommes très mineures).

Aucune des 44 factures officielles ne correspond à la réalité. Toutes sont sous-évaluées d'au moins 100 000 euros, bien souvent 200 000 ou 300 000 euros. Dans neuf cas, ce sont plus de 500 000 euros de frais qui ont été masqués à la commission des comptes de campagne. À Villepinte, la part dissimulée grimpe jusqu'à 1,37 million…

Nicolas Sarkozy et son directeur de campagne, le préfet Guillaume Lambert.Nicolas Sarkozy et son directeur de campagne, le préfet Guillaume Lambert. © Reuters

Pis encore : pour le rassemblement géant de la Concorde, scénarisé par l'entreprise concurrente Agence publics, aucune prestation de Bygmalion ne figure dans le compte de campagne. Or, d'après les fichiers que nous avons épluchés, Event & Cie aurait travaillé en coulisse pour 1,87 million d'euros. Idem pour le Trocadéro : seules les équipes d'Agence publics apparaissent facialement dans le compte de Sarkozy, alors que Bygmalion était aussi dans le coup pour 576 000 euros, si l'on en croit ses propres chiffres.

D’autres données gravées dans la clef USB prouvent le caractère bidon des factures déposées dans le compte de campagne. Pour chaque meeting, l’entreprise a en effet listé les prestataires extérieurs auxquels elle a dû faire appel (pour la sonorisation, l’image, la retransmission sur internet, etc.) et les sommes qu’elle leur a versées. Mediapart a pu vérifier leur exactitude auprès de plusieurs sous-traitants.

Ainsi, à Nice, Event & Cie a déboursé 412 257 euros pour payer ses prestataires ; or dans le compte de campagne officiel, Event & Cie n’a facturé que 98 972 euros à Nicolas Sarkozy pour l’ensemble du meeting, marge comprise. Et c’est pareil dans chaque ville. Ligne après ligne, le trucage massif du compte ne fait plus aucun doute.

Plusieurs médias ont raconté comment la campagne de Nicolas Sarkozy s'était emballée en 2012, comment le candidat s'est grisé au point de réclamer presque une réunion publique par jour. Il fallait toujours plus de drapeaux, de caméras mobiles, l'un des meilleurs réalisateurs de Paris... Mais jusqu'ici, on manquait cruellement de chiffres et d’éléments matériels.

Cette fois, les policiers les ont entre les mains. Dès le 26 mai, jour de la perquisition au siège du groupe Bygmalion, ils ont aussi entendu son président, Guy Alves, ainsi que Franck Attal, le responsable opérationnel pour la présidentielle, avant de recueillir, quelques jours plus tard, le témoignage du comptable maison.

Estampillé “copéiste”, Guy Alves a assuré aux policiers que les conventions fictives réglées par l’UMP à Bygmalion n’ont servi qu’à couvrir Nicolas Sarkozy – pas question pour lui de laisser penser qu’elles auraient alimenté une caisse noire au bénéfice de son ancien mentor. Les policiers s'efforcent depuis d'authentifier ses fichiers informatiques, de contrôler qu'ils n'ont pas été manipulés. Un travail de bénédictin.

En parallèle, ils vont aussi calculer la marge engrangée par la société et vérifier l’exactitude des chiffres avancés par ses dirigeants dans les médias – ils ont parlé d'une marge autour de 25 %. D’après nos calculs, basés sur les chiffres contenus dans la clef USB, Event & Cie a retiré 4,9 millions d’euros (hors taxes) de la campagne présidentielle, avant déduction des charges internes (salaires maison, cotisations, etc.). Dans les comptes 2012 de la société, que nous avons pu consulter, Event & Cie affiche ainsi un résultat avant impôt de 4,66 millions d’euros (soit une marge de 23,1 %) et de 3,07 millions après impôts.

Mais le principal enjeu de l’enquête préliminaire va désormais consister à identifier les responsabilités des uns et des autres dans la mise en œuvre de ce vaste système de fausse facturation pour masquer le trucage massif des comptes de campagne d’un ancien président de la République.

Interrogé par Mediapart, Jérôme Lavrilleux est l’un des rares à assumer publiquement le délit qu’il a commis, au point d’affirmer : « Ma carrière politique est désormais terminée et je serai probablement condamné, je le sais. » À la fois ancien directeur adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy et ex-directeur de cabinet de Jean-François Copé à l’UMP, il ne retient aujourd’hui plus ses flèches : « Ça rend service à beaucoup de monde, je crois, que je sois le coupable idéal. Mais la seule personne qui pouvait savoir, celui qui avait une vision de tout ce qu'il se passait, c'était le directeur de campagne, Guillaume Lambert. Il est rigoureusement impossible qu'il ne soit pas au courant, tout comme le directeur général des services de l'UMP (Éric Césari, qui n'a pas donné suite à nos sollicitations - ndlr). Sinon, ils faisaient quoi de leur journée ? »

Jérôme Lavrilleux, bras droit de Copé et directeur adjoint de campagne de Sarkozy. Jérôme Lavrilleux, bras droit de Copé et directeur adjoint de campagne de Sarkozy. © Reuters

Selon son récit des événements, la décision portant sur la mise en place d’un système de fausses factures pour masquer le dérapage des frais de campagne n’aurait été prise qu’« entre le 6 mai et le mois de juillet, lors d'une réunion dans le bureau d'Éric Césari en présence du directeur de campagne Guillaume Lambert, de Franck Attal de Bygmalion, et Fabienne Liadzé, la directrice financière de l'UMP ». « J'en ai été informé une heure après. Et moi, j'assume d'avoir validé », précise-t-il. Dans la presse, des sources internes à Bygmalion ont plutôt évoqué la date de la « mi-avril ».

De son côté, l’ancien directeur de campagne de Nicolas Sarkozy, Guillaume Lambert, désormais préfet de Lozère, balaie toutes les accusations par la voix de son avocat. « S'il y avait eu pour 17 millions de plus, cela se serait vu ! Il y a peut-être une facturation qui a dérapé, mais sûrement pas les frais de campagne. Mon client a fait très attention, il rognait sur toutes les dépenses. Il a essayé et a même réussi à faire baisser les prestations, notamment après les meetings de Marseille et Annecy dont les prix étaient hallucinants », déclare Me Christophe Ingrain à Mediapart.

L’argument fait sursauter son ancien adjoint, Jérôme Lavrilleux : « Cette position ne résiste pas à l'examen des faits trente secondes ! Si, comme ils le disent, ils ont trouvé les prestations de Bygmalion trop chères après les meetings d’Annecy et Marseille, pourquoi les avoir gardés après, avec les mêmes fournisseurs et pourquoi les avoir fait travailler en plus d'autres prestataires sur des gros meetings comme le Trocadéro ou Villepinte ? C’est absurde. »

L’ancien directeur adjoint de campagne de Nicolas Sarkozy répète l’histoire d’une campagne qui s’emballe comme un train fou, impossible à freiner. « C'était démentiel, chaque meeting était un véritable plateau télé. Tout se décidait au jour le jour », se souvient-il. Ce récit nous a été confirmé par plusieurs acteurs de premier plan de la campagne, qui ont été ou vont être entendus par les enquêteurs.  

« Il faut laisser l’enquête se faire », balaye l’ancien trésorier de Nicolas Sarkozy, qui souhaite se dégager de toute responsabilité. « Il y avait un ordonnateur des dépenses et un payeur, déclare Philippe Briand. Moi, j’étais le payeur. C’est Guillaume Lambert qui m’envoyait les factures. C’est lui aussi qui commandait les meetings, même si je pense qu’il avait concédé cette tâche à Jérôme Lavrilleux. Moi, les seules factures que j’ai vues sont celles du compte de campagne. On pouvait penser que c’était déjà bien tarifé, puisque François Hollande a dépensé 50 % de moins que nous en meetings. » 

L’avocat de l’UMP, Me Philippe Blanchetier, qui a défendu Nicolas Sarkozy devant le Conseil constitutionnel à l’été 2013, souligne pour sa part qu’« il y a déjà 13,7 millions d’euros de manifestations publiques déclarées dans le compte. C’est un chiffre en ligne avec ce qui a été fait sur toutes les présidentielles depuis 1995. D’ailleurs, la question d’éventuelles sous-facturations n’a jamais été soulevée par la commission des comptes de campagne, qui ausculte pourtant chaque dépense ! » Pas sûr que les comptes de 1995, truqués du côté d’Édouard Balladur comme de Jacques Chirac, soient une référence.

BOITE NOIREMise à jour: plusieurs heures après la publication de cet article, nous avons précisé le montant des fausses factures imputées par Event & Cie à l'UMP (sous prétexte de conventions bidon), imaginées pour compenser la sous-facturation du candidat Sarkozy. Il se monte à 15 millions d'euros, et non 15,2 millions.

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Avant le budget, Valls tente de cadenasser la majorité

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Il y a un problème Jean-Marie Le Guen. À l’Assemblée nationale, le ministre des relations avec le Parlement est comme un éléphant dans un magasin de porcelaine : il fonce, il passe et tant pis si ça casse. Fin avril, il avait déjà travaillé au corps, sans finesse, les députés socialistes qui menaçaient de ne pas voter le principe de 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans. Avec un succès relatif, puisque 41 s’étaient abstenus, davantage que ce qu’attendait le gouvernement.

Manuel Valls et Jean-Marie Le Guen.Manuel Valls et Jean-Marie Le Guen. © Reuters


Ce mardi 17 juin, l’ancien député de Paris et lieutenant de Dominique Strauss-Kahn, qui a intégré le gouvernement lors du remaniement post-municipales, a dégoupillé l'une des grenades dont il a le secret. « Qu'est-ce qu'appartenir à une majorité, de façon classique ? C'est voter un budget. (…) Si effectivement un certain nombre de députés soi-disant socialistes ne votaient pas pour le budget, il y aurait indiscutablement un problème nouveau », a-t-il lancé sur France Inter. Députés « soi-disant socialistes » ? Les députés PS qui réclament une autre politique, réunis depuis la déroute des municipales dans l’appel des 100, s’en sont étranglés. « On a des amateurs au gouvernement », peste l’un d’entre eux.

Le groupe PS a discuté mardi matin (à huis clos) des amendements du groupe au projet de loi de finances rectificatif et au budget révisé de la Sécurité sociale. Ces deux textes, qui seront examinés en première lecture à l’Assemblée nationale du 23 juin à début juillet, orchestrent le pacte de responsabilité de François Hollande, incarnation de la politique de l'offre qu'il prône désormais. Ils entérinent les premières mesures du plan massif de réduction des dépenses publiques de Manuel Valls (50 milliards sur trois ans) : poursuite du “crédit impôt compétitivité”, baisse sans contreparties de cotisations patronales et de taxes sur les entreprises, gel de certaines prestations sociales, mais aussi baisse de cotisations sociales pour certains salariés et sortie de l’impôt sur les revenus pour 3 millions de salariés.

Pour le gouvernement, c’est un paysage de sables mouvants qui se dessine. Le mois à venir, d'ici la trêve estivale de fin juillet, s’annonce politiquement très risqué : de plus en plus contestataire, une partie de sa majorité pourrait bien lui faire défaut – même si à la différence du vote du 29 avril, des abstentions sur ces textes budgétaires signeraient de fait la sortie des réfractaires de la majorité, de quoi refroidir les ardeurs. « On n’en est pas encore là », tempère Jean-Marc Germain, l'un des leaders de la contestation.

Mais en prévision, le gouvernement cadenasse. Mardi, le patron des députés PS, Bruno Le Roux, un proche de François Hollande, a fait voter, dans une ambiance parfois tendue, les amendements “autorisés” du groupe PS (portant notamment sur un dégel des pensions d'invalidité et des allocations logement). Un vote par blocs, qui n'a pas permis de discuter sur le fond les propositions alternatives de ceux qui contestent la politique menée.

Les amendements que présentera le groupe PS, avec la bénédiction du gouvernement, sont résumés dans ce document, envoyé mardi après-midi aux députés socialistes, que Mediapart s'est procuré.


« Il n’y a jamais eu plus d’un vote contre ou d’une abstention », a plastronné Bruno Le Roux à l’issue de la réunion. En réalité, seuls 150 socialistes (la moitié du groupe) étaient présents. Et les contestataires présents n’ont pas pris part au vote, confirme Pascal Cherki (aile gauche du PS). « C’était abracadabrantesque, lunaire. On ne pouvait discuter aucun amendement, alors nous n’avons pas participé », dit-il. Lui et ses collègues menacent de défendre leurs propositions alternatives directement dans l’hémicycle. En face, Bruno Le Roux n’y va pas par quatre chemins. « Le débat a eu lieu, il est clos, dit-il. La décision du groupe englobe tout le monde. Personne n’oblige un député à être membre du groupe socialiste. L’abstention est quelque chose que je n’envisage pas. » Pour la première fois, Le Roux fait même planer la menace d’exclusions du PS. « Je ne souhaite pas parler de sanctions car cela hystérise le débat et certains l’accrochent au revers comme une médaille. Mais s’il y a des comportements anormaux (sic), si la décision majoritaire du groupe n’est pas respectée, j’en référerai au premier secrétaire du PS. »

Quelques mètres plus loin, le député PS Christian Paul, un proche des réseaux Montebourg et de Martine Aubry, balaie les menaces, affectant un ton détaché. « Comportements anormaux ? Quand on a essayé la normalité en politique, il me semble que ça n’a pas été d’un bénéfice immédiat », dit-il. Une allusion au « président normal », François Hollande, que les plus critiques (et beaucoup d’autres) n’hésitent plus à défier ouvertement.

À la gauche du PS, on espère que cette longue séquence budgétaire sera l’occasion de tisser des ponts entre les socialistes contestataires, les écologistes et le Front de gauche, au moins par le biais d’amendements convergents (sur le pouvoir d’achat, les gels de prestations sociales ou les contreparties des exonérations de charges sociales pour les entreprises). Quelques contacts ont été pris, les réunions informelles commencent. Pour l’instant, les socialistes contestataires n’envisagent pas de déposer des amendements communs avec d’autres groupes. Pas question de froisser encore plus l’exécutif, au risque de devenir des parias, alors que leur mouvement exaspère certains de leurs collègues dans la ligne ou légitimistes. « Nous ne cosignerons pas d'amendements avec d'autres groupes. Mais nous gardons aussi à l’esprit que nous devons élargir notre majorité », résume Christian Paul.

Le Front de gauche et les écologistes font tout pour qu’ils changent de position. « Nos analyses ne sont pas les mêmes, mais nous souhaitons créer des points de rencontre et des convergences », martèle le président du groupe Front de gauche à l’Assemblée, André Chassaigne.

« On souhaiterait des amendements communs avec le PS et le Front de gauche, mais ça coince du côté du PS. On partage tellement de choses que ce serait dommage de ne pas arriver à se mettre d’accord », explique l’écologiste Christophe Cavard, persuadé que « pour gagner en 2017», un large arc de gauche « devra constituer une majorité au sein de la majorité actuelle. » Ces textes pourraient être une première étape, avant la discussion à, l'automne du budget 2015, qui prévoit 22 milliards d’euros d'économies et de nouvelles hausses d'impôts : un mur d'austérité qui, déjà, affole le PS, alors que celui de l'été n'est pas encore franchi.

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Nucléaire: le gouvernement recule sur la fermeture des réacteurs

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La loi de transition énergétique que Ségolène Royal présente mercredi 18 juin en conseil des ministres n’accordera pas à l’État le pouvoir de fermer des réacteurs nucléaires. C’était pourtant l’un de ses objectifs affichés il y a encore quelques mois. « Réussir la transition énergétique suppose d’avoir de nouveaux instruments. Le premier instrument, c’est le pilotage de la politique énergétique », assurait François Hollande le 20 septembre 2013 lors de la deuxième conférence environnementale. « Je souhaite désormais que l’État puisse être le garant de la mise en œuvre de la stratégie énergétique de notre pays. Il ne s’agit pas de se substituer à l’opérateur, mais de maîtriser la diversification de notre production d’électricité selon les objectifs que la nation, souverainement, aura choisis. » Le chef de l'État ne parlait pas explicitement de fermeture de centrales mais bien de souveraineté nationale, et donc, implicitement de sa volonté de créer un nouveau rapport de force avec EDF.

« Le président de la République a dit que le projet de loi devait rendre leur responsabilité aux politiques en la matière, c’est un élément très important », constatait quelques semaines plus tard Francis Rol-Tanguy, alors délégué à la fermeture de Fessenheim (il conseille aujourd’hui Ségolène Royal).

La centrale nucléaire de Fessenheim, en Alsace (Wikicommons).La centrale nucléaire de Fessenheim, en Alsace (Wikicommons).

L’exécutif cherche alors à se donner les moyens de mettre en œuvre la promesse de fermeture d’ici fin 2016 de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), la plus vieille du parc en activité. Le problème, c’est que seuls EDF, l’exploitant et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ont le droit d’arrêter une centrale. Or l’électricien n’a aucune intention de fermer cet équipement, rentable. Et l’ASN l’a autorisé à prolonger sa production.

Alors qu’en 1997, le gouvernement de Lionel Jospin avait pu décider de l’arrêt de la centrale de Creys-Malville en raison de son coût excessif, aujourd’hui l’exécutif ne pourrait plus le faire. Votée en 2006, la loi TSN sur la transparence et la sécurité nucléaire rallonge le délai légal de clôture à quasiment quatre ans, soit presque autant qu’un quinquennat. Cette substitution du critère de sûreté aux critères de nature politique ou économique parmi les raisons légales de fermeture des réacteurs avait été obtenue de haute lutte par les énergéticiens, traumatisés par l’épisode Superphénix.

Anne Lauvergeon, l’ancienne présidente d’Areva, s’en était ouvertement réjouie. Les parlementaires de l’époque, pour une part d’entre eux en tout cas, n’y avaient vu que du feu. Si bien que, facile et fréquente opération d’un point de vue technique, l’arrêt d’un réacteur est devenu une décision politique impossible.

Le chantier de la gouvernance du nucléaire s’ouvre donc fin 2013, et la loi de transition énergétique semble tomber à propos pour la modifier. Mais au bout du compte, c’est un système a minima que veut créer la loi qui sera communiqué mercredi 18 juin : celle-ci se contente de reprendre l’objectif de 50 % de nucléaire à l’horizon 2025, et de plafonner la puissance nucléaire installée à son niveau actuel (soir 63 gigawatts). Mais elle renvoie toutes les décisions sur la production d’énergie à une programmation pluriannuelle énergétique (PPE), qui doit être établie par les services de l’État (la direction générale de l’énergie et du climat, DGEC, au sein du ministère de l’écologie) dans la foulée du vote de la nouvelle loi.

Ce document stratégique devra fixer les hypothèses de consommation d’énergie sur cinq ans, et donc la quantité de mégawattheures escomptée du parc nucléaire, compte-tenu des objectifs de développement des énergies renouvelables (32 % de la consommation finale brute d’énergie en 2030). Ce n’est qu’une fois cette étape franchie qu’EDF devra décider du maintien ou non de l’activité de ses réacteurs : « C’est à l’opérateur de savoir ce qui fonctionne ou pas, ferme ou pas », explique l’entourage de Ségolène Royal.

La programmation pluriannuelle énergétique s’appliquera obligatoirement à EDF et un comité d’experts s’assurera de sa bonne application, explique son cabinet, pour qui cela marque une « reprise en main » par l’État, et un partage de la décision avec l’électricien. Quelle sera la nature de cette contrainte, avec quelles mesures de rétorsion, et dans quelle qualité de transparence démocratique ? Rien n’est clair à ce stade. De leur côté, les parlementaires écologistes veulent que l’État ait un droit de regard sur le passage de la durée d'exploitation des réacteurs à 40 ans.

Henri Proglio, président d'EDF (Reuters).Henri Proglio, président d'EDF (Reuters).

EDF n’est pas une entreprise comme une autre : l’État y possède 84,4 % du capital. Alors pourquoi ne peut-il pas imposer à l’électricien de fermer des centrales ? Du côté des représentants de l’État actionnaire, la réponse fuse (en off évidemment) : « Parce que nous ne sommes pas en Corée du Nord, madame. Et que M. Poutine n’occupe pas l’Élysée. Nous sommes un État de droit. » Selon cette vision, l’État actionnaire doit défendre les intérêts de l’entreprise où il siège. S’il y déroge, il commet un délit : l’abus de bien social. Or « produire de l’énergie est la mission et l’objet social d’EDF, en tant qu’actionnaire, votre devoir est de la faire tourner. » CQFD. L’électricien est maître chez lui. 

Depuis 2004, EDF bénéficie du statut de société anonyme (SA). La situation serait bien différente si l’entreprise était restée sous le statut d’établissement public. Mais « aujourd’hui EDF est une SA et l’État ne fait plus ce qu’il veut. On ne retrouvera jamais les fonctions que l’État avait dans les années 1960. Quand on privatise, on perd de la souveraineté », analyse un autre haut fonctionnaire, en charge d’une partie du dossier. À l’entendre, ce n’est pas un objectif politique pour l’État de fermer telle ou telle centrale, sinon nous serions « en république bananière ». Il reste toujours la solution de la renationalisation, glisse-t-il, en forme de provocation : « L’État prend tout le pouvoir et ferme tous les réacteurs qu’il veut. »

Ordonner la fermeture de Fessenheim ? Ce serait « un abus de majorité » dans les conditions actuelles pour l’État actionnaire. Seule solution juridique alors : que le parlement vote la fermeture des centrales nucléaires, comme en Allemagne. Une option que la loi de transition exclut.

Pourtant, « le pilotage du parc nucléaire par l’État ne pose pas de problèmes juridiques, il n’y a pas en soi de risque d’inconstitutionnalité, poursuit le haut fonctionnaire concerné au premier chef, mais ce sont des tractations compliquées : baisser la capacité nucléaire française, signifie réduire sa capacité d’exportation ». Et donc perdre en recettes commerciales. L’État actionnaire est aussi le premier bénéficiaire des dividendes de l’entreprise (2,33 milliards d’euros en 2013).

Le coût de la fermeture des réacteurs est une question sensible. Pour la centrale alsacienne, l’État l’estime entre quelques centaines de millions d’euros et quelques milliards. Deux rapporteurs spéciaux planchent sur le sujet pour la commission des finances et devraient présenter un rapport en septembre.

Deux ans après l’élection de François Hollande, de hauts responsables nommés par l’exécutif socialiste affirment donc le contraire de ce que professait le candidat pendant la campagne présidentielle. Les contradictions entre discours officiel et ce qui se dit en coulisses abondent. Un expert en énergie se souvient avoir demandé l’année dernière, lors du débat national sur l’énergie, à un conseiller de Matignon quel était l’ordre des réacteurs à fermer du point de vue de leur sûreté, afin d’étudier la faisabilité d’une trajectoire allant vers 50 % de nucléaire en 2025. Réponse reçue : « C’est un toboggan bien glissant sur lequel il est prématuré de s’engager. »

À la veille du remaniement gouvernemental d’avril, Laurent Michel, à la tête de la DGEC, avait expliqué que dans l’hypothèse de 50 % de nucléaire en 2025, il faudrait fermer « une vingtaine de réacteurs ». C’était la première fois que l’État parlait officiellement d’arrêter des centrales. Mais depuis sa nomination à la tête du ministère de l’écologie, Ségolène Royal n’a jamais repris ce chiffre à son compte. Et aujourd’hui, elle refuse que la loi se focalise sur le nucléaire, écueil qui, selon elle, désintéresserait les gens du texte. « Elle ne se bat pas » sur cet enjeu, décrit un parlementaire. Son entourage assume. « Le nucléaire n’est pas la priorité de la loi. Ségolène Royal n’a jamais été anti-nucléaire, elle est pour le rééquilibrage du mix » énergétique.

L’équilibre politique du gouvernement a changé : tant qu’EELV en faisait partie, le nucléaire était une ligne rouge. Maintenant que Cécile Duflot et Pascal Canfin n’y sont plus, plus personne ne tient leur position.

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«En direct de Mediapart» : notre ennemie, c'est la finance !

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Deux ans et demi après la célèbre formule de François Hollande lancée lors du meeting du Bourget, la finance ne s'est jamais si bien portée. Sortie renforcée de la crise, installée au cœur du pouvoir politique, ayant rétabli marges et bénéfices, l'industrie bancaire est plus puissante que jamais. Notre soirée spéciale découpée en trois plateaux :

  • 1. Ils ont tiré la sonnette d'alarme

Sans eux, le monde caché de la finance offshore et de l'évasion fiscale n'aurait pas été révélé. Nos invités :
– HSBC : Hervé Falciani
– UBS France : Stéphanie Gibaud
– Société générale : Sylvain Passemar (informaticien de la société de courtage de la SG)
– Banque Pasche Monaco : Mathieu Chérioux (nos articles ici et également ici)

 

À lire sur Mediapart :

Hervé Falciani et HSBC :
http://www.mediapart.fr/journal/france/300613/scandale-hsbc-falciani-le-temoin-cle-raconte
http://www.mediapart.fr/journal/economie/300114/affaire-hsbc-de-nouvelles-personnalites-apparaissent-dans-les-listings
http://www.mediapart.fr/journal/international/010214/affaire-hsbc-les-zones-dombre-de-la-liste-falciani

Stéphanie Gibaud et UBS :
http://www.mediapart.fr/journal/economie/081013/aux-prudhommes-ubs-face-sa-lanceuse-dalerte
http://www.mediapart.fr/dossier/france/les-carnets-ubs
http://www.mediapart.fr/journal/france/020414/la-banque-ubs-condamnee-pour-avoir-licencie-les-geneurs

Jérôme Kerviel et la Société Générale :
http://www.mediapart.fr/journal/france/170514/en-defense-de-jerome-kerviel
http://www.mediapart.fr/journal/economie/261113/affaire-kerviel-ce-temoin-que-la-justice-na-pas-voulu-entendre

  • 2. Les banques grandes gagnantes de la crise

– Patrick Saurin (Sud-Caisses d'épargne)
– Stéphane Boujnah (banquier, ancien collaborateur de Dominique Strauss-Kahn à Bercy)

 

À lire sur Mediapart :

L'entente entre le gouvernement et les banques
http://www.mediapart.fr/journal/france/170713/banques-lentente-cordiale-avec-le-gouvernement
http://www.mediapart.fr/journal/france/230713/livret-le-fric-frac-de-lete

http://www.mediapart.fr/journal/economie/130614/l-indecent-chasse-croise-entre-bank-america-et-le-pouvoir-socialiste
http://www.mediapart.fr/journal/france/100514/quand-les-banquiers-infiltrent-les-sommets-de-l-etat
http://www.mediapart.fr/journal/ebook/dexia

  • 3. Comment enfin réguler les banques ?

– Alexandre Naulot (Oxfam)
Éric Bocquet (sénateur Front de gauche, rapporteur de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales)
– Karine Berger (députée PS, rapporteure du projet de loi de séparation bancaire)

 

À lire sur Mediapart :

L'état des lieux européen
http://www.mediapart.fr/journal/economie/300414/christian-chavagneux-la-finance-capture-linteret-general
http://www.mediapart.fr/journal/international/191213/une-union-bancaire-europeenne-qui-nen-que-le-nom
http://www.mediapart.fr/journal/economie/090414/l-union-bancaire-neglige-le-financement-de-leconomie-reelle

La loi de séparation bancaire
http://www.mediapart.fr/journal/france/310113/banques-les-deputes-decouvrent-une-reforme-minuscule
http://www.mediapart.fr/journal/france/200213/reforme-bancaire-quand-lassemblee-institue-la-separation-la-francaise

La taxe sur les transactions financières
http://www.mediapart.fr/journal/international/060514/europe-la-taxe-tobin-est-mise-en-lambeaux
http://www.mediapart.fr/journal/economie/171013/taxe-tobin-europeenne-bercy-manoeuvre-pour-un-texte-minima

Et ci-dessous, retrouvez nos ebooks :

Luxembourg, trou noir de la finance
Affaire Kerviel : ce que les juges n'ont pas entendu
Lanceurs d'alerte : l'enjeu démocratique
Les carnets UBS



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MediapartLive: vos réactions en direct

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Voici le programme de ce dernier «En direct de Mediapart» de la saison, mercredi 18 juin de 17 heures à 22h30 :

  • 17h/18h. Le grand entretien: construire autrement

Joseph Confavreux reçoit Patrick Bouchain, architecte, auteur de nombreuses réalisations en matière de logements ou de reconversion de lieux industriels.

  • 18h15/19h. Intermittents, SNCF, budget : les raisons de la colère.

Edwy Plenel, Rachida El Azzouzi et Mathieu Magnaudeix reviennent sur les luttes sociales en cours des intermittents et des cheminots, ainsi que sur le bras de fer engagé à l'Assemblée entre l'exécutif et certains députés PS.
Invités : Alain Cambi, secrétaire fédéral de Sud Rail, Sophie Tissier, intermittente dans l'audiovisuel syndiquée CGT, et Samuel Churin, membre de la coordination des intermittents et précaires, et du comité de suivi.

  • 19h/20h. Retour sur nos enquêtes: Bygmalion, l'argent caché de la campagne Sarkozy, la droite en ruines

A la suite de notre enquête (à lire ici) montrant que 17 millions d'euros ont été dissimulés lors de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012, le point sur l'affaire avec nos journalistes Fabrice Arfi, Mathilde Mathieu, Marine Turchi et Ellen Salvi.

  • 20h30/22h30. Le grand débat: «Notre adversaire c'est la finance»

L'émission est animée par Frédéric Bonnaud avec la rédaction de Mediapart. 
Deux ans et demi après la célèbre formule de François Hollande lancée lors du meeting du Bourget, la finance ne s'est jamais si bien portée. Sortie renforcée de la crise, installée au cœur du pouvoir politique, ayant rétabli marges et bénéfices, l'industrie bancaire est plus puissante que jamais.

1. Ils ont tiré la sonnette d'alarme

Sans eux, le monde caché de la finance offshore et de l'évasion fiscale n'aurait pas été révélé. Nos invités:
- HSBC : Hervé Falciani
- UBS France : Stéphanie Gibaud
- Société générale : Sylvain Passemar (informaticien de la société de courtage de la SG)
- Banque Pasche Monaco : Mathieu Cherrioux (nos articles ici et également ici)

2. Les banques grandes gagnantes de la crise

Patrick Saurin (Sud-Caisses d'Epargne)
Stéphane Boujnah (banquier, ancien collaborateur de Dominique Strauss-Kahn à Bercy)

3. Comment enfin réguler les banques?

Alexandre Naulot (Oxfam)
Eric Bocquet (sénateur Front de gauche, rapporteur de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales)
- Karine Berger (députée PS, rapporteure du projet de loi de séparation bancaire) 

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Faille dans le noyau Linux : le root en 1 clic sur Android

Intermittents, SNCF : les raisons de la colère

Construire autrement, avec Patrick Bouchain

Retour sur nos enquêtes : l'affaire Bygmalion et les comptes truqués de Sarkozy

Transition énergétique : les bonus et malus de l’avant-projet de loi

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Ségolène Royal lors de la présentation de son avant-projet de loi, 18 juin 2014 (JL).Ségolène Royal lors de la présentation de son avant-projet de loi, 18 juin 2014 (JL).

Vent de panique jeudi 19 juin au matin dans l’écolosphère : le texte final de l’avant-projet de loi sur la transition énergétique ne correspond pas aux annonces faites la veille par Ségolène Royal. Il diffère aussi de la précédente version de travail, datée du 14 juin, sur des points pourtant importants, et mis en avant par la ministre dans sa communication : le tiers financement et l'obligation de rénovation. 

J’ai donc réécrit cet article à la lumière de la connaissance de ces deux textes, qui sont à lire ci-dessous. Il est très instructif de les comparer.

– Ici, la version finale (datée du 18 juin) de l’avant-projet de loi :

 



   

– Là, la version précédente (datée du 14 juin) :

 

 


Sur les huit points que Mediapart avait estimé essentiels à l’ambition de la loi (lire ici), on en retrouve plus que trois dans le texte présenté par Ségolène Royal : plus de 30 % d’objectif de renouvelables en 2030, le maintien de l’obligation d’achat pour ces mêmes énergies renouvelables, une forme de bouclier énergétique. Trois sur huit : c’est moins que la moyenne. Mais le texte comprend aussi d’autres points importants, positifs et négatifs. Voici quels en sont les principaux éléments.

I. Les malus

  • Le tiers financement reste sous contrôle bancaire (article 7)

Ségolène Royal en a fait l’une des principales mesures de son avant-projet de loi de transition énergétique : la reconnaissance de l’activité des sociétés de tiers financement, ces sociétés d’économie mixte (SEM) créées par les régions pour aider les ménages à boucler le financement de leurs travaux de rénovation. Son principe est simple : faire payer le coût des travaux de rénovation thermique dans un logement par les économies de chauffage qu’ils permettent.

Concrètement, une copropriété signe un contrat avec un opérateur qui coordonne la rénovation thermique (toiture, fenêtres, façade…) de son bâtiment, et règle une partie des coûts aux artisans du chantier. En échange, les habitants lui versent l’équivalent de ce qu’ils ne dépensent plus en facture. La région Île-de-France a créé en 2013 la première SEM dédiée au tiers financement pour la rénovation énergétique, la SEM Energies POSIT’IF.



Le problème, c’est que tout le système est aujourd’hui bloqué par le lobby bancaire qui considère que le tiers financement contrevient au monopole bancaire sur le crédit, garanti par le code monétaire et financier (voir ici notre enquête). 

Or le tiers financement est l’une des plus intéressantes innovations financières liées à la transition énergétique, puisque ce service crée une source de financement des travaux de rénovation énergétique pour les ménages, et renforce la décentralisation du pilotage de la politique d’efficacité énergétique en accordant un rôle important aux régions et communautés d’agglomérations. C’est pourquoi la ministre de l’écologie en a oralement défendu la légitimité et l’importance, et a annoncé qu’elle voulait clarifier le régime juridique de ces sociétés et leur permettre de poursuivre leurs activités, lors de sa conférence de presse du 18 juin.

Dans la première version du projet de loi (datée du 14 juin), on peut ainsi lire que « l’interdiction prévue au premier alinéa de l’article L.511-5 du code monétaire et financier ne fait pas obstacle à ce que la société de tiers financement puisse assurer le financement partiel ou total de l’offre technique en contrepartie de paiements échelonnés, réguliers et limités dans le temps visés à l’article L.381-1 ».



Sauf que c’est une disposition tout à fait différente que l’on retrouve dans la version finale du texte législatif, datée du 18 juin, rédigée par la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) du ministère de l’écologie : « Le service de tiers financement défini à l’article L. 381-1 peut être mis en œuvre par les sociétés de tiers financement, soit directement pour les sociétés agréées au titre de l’article L. 511-10 du code monétaire et financier, soit indirectement dans le cadre de conventions établies avec des établissements de crédit ou des sociétés de financement agréées au titre de l’article L. 511-10 précité. Lorsqu’elle intervient en tant qu’intermédiaire en opération de banque, la société de tiers financement est rémunérée par l’établissement de crédit ou la société de financement qui octroie le crédit. » 



Concrètement, cela oblige les sociétés de tiers financement à se transformer en banques. Car l’article L.511-10 du code monétaire et financier est précisément celui qui régit l’activité de crédit. Contrairement à ce qu’a annoncé Ségolène Royal, son avant-projet de loi ne garantit donc pas la pérennité des SEM de tiers financement. Au contraire, elle les assujettit aux banques : il faut soit qu’elles deviennent des sociétés de crédit, soit qu’elles passent des conventions avec des banques seules responsables pour établir l’offre de prêt. Soit la ministre s’est fait flouer par ses services, soit elle a enjolivé son texte pour s’assurer du soutien des associations écologistes. C’est un premier gros accroc qui va faire assurément des vagues lors de la réunion du conseil national de la transition écologique qui se réunit jeudi 19 juin.

Ce sujet technique et polémique oppose les ministères : Bercy, avec semble-t-il le soutien de Matignon, s’est rangé à l’avis de l’autorité prudentielle, contre l’analyse du ministère de l’écologie, qui s’est prévalu du soutien de l’Élysée en réunion interministérielle. Au désaccord politique entre les ministères s’est ajoutée une cacophonie de points de vue exprimés.

  • L’obligation de rénovation

La loi veut instaurer une obligation « d’améliorer significativement » la performance énergétique d’un bâtiment à chaque fois que des travaux importants y sont réalisés (ravalement, toiture…). C’est une mesure réclamée depuis longtemps par une partie du secteur du bâtiment alors que ce type de chantiers demeure rare et cher. Il s’accompagne d’un ensemble d’autres mesures (pour promouvoir les constructions à énergie positive, c’est-à-dire produisant l’énergie dont elles ont besoin pour fonctionner, simplifier certaines normes d’urbanisme…). Sauf que la rédaction de l’article 6 limite beaucoup en réalité l’ampleur de cette obligation. En effet, il impose une étude de faisabilité de l’isolation et une clause potentiellement prohibitive : « l’absence de disproportion manifeste entre les avantages et les inconvénients » de l’isolation. Si bien que dans la dernière version de l’avant-projet de loi, l’obligation de rénovation, mise en avant par la ministre comme l’une de ses principales conquêtes, semble bien théorique.

  • Tarif de l’électricité : circulez, y a rien à voir (article 41)

Sujet hautement sensible politiquement, le tarif de l’électricité fait l’objet d’un article très favorable à EDF. Il concerne le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, « le Turpe ». Depuis 2002, ce Turpe rémunère les gestionnaires de réseaux publics, essentiellement ERDF, la filiale d’EDF en échange de l’exploitation, de l’entretien et du développement des réseaux, et RTE qui gère le flux d’électricité. Il représente environ 11,4 milliards d’euros par an, dont 8,4 sont versés à ERDF. Or fin 2012, le Conseil d’État a annulé le Turpe mis en place pour la période allant de 2009 à 2013. Motif de cette sanction spectaculaire : le mode de calcul est « erroné en droit », car il ne rend pas compte des coûts réels d’usage du réseau. Pour le Sipperec, syndicat intercommunal d'Île-de-France à l’origine du recours, le groupe EDF facture aux usagers des investissements qu’ils ont en partie déjà payés. Selon ses estimations, le Turpe est surestimé de plusieurs centaines de millions d’euros (voir notre enquête à ce sujet).

Or l’avant-projet de loi modifie le code de l’énergie pour y insérer l’article suivant (n°41) : « Les tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution de l’électricité incluent une marge raisonnable qui permet notamment la réalisation des investissements nécessaires à la viabilité et au développement des réseaux. » Autrement dit : circulez, y a rien à voir. Le tarif de transport est bien calculé, et sert comme il le faut aux investissements nécessaires.

  • Où sont passés les bâtiments à énergie positive ?

Lors de sa conférence de presse du 18 juin, Ségolène Royal a vanté les bâtiments à énergie positive, ces constructions qui produisent l’énergie (de source renouvelable) dont elles ont besoin pour fonctionner. Dans sa version du 14 juin, le projet de loi oblige toute nouvelle construction sous maîtrise d’ouvrage publique à être à énergie positive. Dans sa version du 18 juin, l’obligation saute : « Toutes les nouvelles constructions sous maîtrise d’ouvrage publique font preuve d’exemplarité énergétique et seront, chaque fois que possible, à énergie positive. »

  • Le retour discret de Cigéo

Pas évoqué lors de la conférence de presse, le projet d’enfouissement des déchets nucléaires ultimes Cigéo (voir ici notre enquête) figure pourtant dans l’avant-projet de loi : le texte ne crée pas le site d’enfouissement en tant que tel, mais met en place les conditions de l’enfouissement (articles 32 à 35). C’est surprenant puisque un processus législatif ad hoc est encours (une loi doit être votée spécifiquement sur ce sujet), et que Ségolène Royal avait assuré aux ONG écologistes que la loi ne mentionnerait pas Cigéo. Extrêmement coûteux, soulevant toute une série de problèmes techniques et de sûreté, et contesté par des associations locales (qui ont boycotté le débat public de l’année dernière), ce projet de l’Andra est de plus en plus contesté, et sans lien évident avec l’enjeu de la transition énergétique.

  • Gouvernance du nucléaire

Le pré-projet de loi n’accorde pas à l’État le pouvoir de fermer un réacteur nucléaire pour une raison politique (voir notre enquête à ce sujet). Malgré son soutien au texte, le sénateur EELV Ronan Dantec remarque qu’« arrêter un réacteur nucléaire reste un tabou ».

  • Flou sur le mix énergétique

La loi reprend les objectifs de long terme annoncés par François Hollande : 50 % de baisse de la consommation d’énergie d’ici 2050, baisse de 40 % des gaz à effet de serre à horizon 2030. Mais elle ne propose pas d’objectifs intermédiaires, renvoyant ces arbitrages à la PPE. Elle ne reprend même pas le scénario de plafonnement de la consommation d’électricité dans les dix ans à venir, hypothèse pourtant endossée par RTE, le réseau de transport d’électricité et filiale d’EDF. Or ce tassement attendu de la consommation est un élément essentiel de l’équation devant amener à une baisse à 50 % de la part du nucléaire en 2025, objectif inscrit dans la loi.

  • Angles morts de la mobilité écologique

En son état actuel, le pré-projet de loi ne s’intéresse à la mobilité des personnes qu’à travers le soutien à la voiture électrique : sept millions de points de recharge à l’horizon 2030, aide de 10 000 euros pour le remplacement d’un diesel polluant par un véhicule électrique, remplacement d’une voiture sur deux de la flotte publique par une auto roulant à l’électricité…

Rien sur la taxe poids lourds (le gouvernement devrait annoncer une décision la semaine prochaine), rien sur les infrastructures de transport, les nouveaux services de mobilité… Pour FNE, « c’est une erreur : la voiture électrique est aujourd’hui une seconde voiture pour les ménages, pas un véhicule qui se substitue à celui roulant aux hydrocarbures et cela risque d’encourager l’installation de bornes à recharge rapide qui tirent très fort sur le réseau et alourdissent fortement la demande en électricité »

  • Pas grand-chose sur le diesel

Le texte n’abolit pas l’avantage fiscal du diesel sur l’essence, ni n’interdit l’accès des poids lourds et cars dieselisés aux grandes villes. Interrogée à ce sujet, Ségolène Royal répond que « le diesel pose un gros problème de santé publique et de pollution » mais « le tabac aussi pose un gros problème de santé, et on n’a pas interdit la cigarette. On ne va pas interdire aux gens de rouler dans leur voiture diesel ».

  • Abandon du Service public régional de l’efficacité énergétique

C’est l’association des régions de France (ARF) qui le signale : on ne retrouve pas dans le pré-projet de loi le projet de Service public régional de l’efficacité énergétique, qui devait servir à créer un guichet unique, pour les ménages, réunissant en une seule structure les diverses sources d’aides à la rénovation (ADEME, ANAH, services des Régions et des intercommunalités, PRIS, plates-formes, …). Pour Jean-Jack Queyranne, président de l’ARF, « les Régions n’ont pas vocation à financer des actions qu’elles ne pilotent pas. Cela vaut notamment pour les plates-formes de rénovation énergétique. Nous avions aussi proposé que le projet de loi crée une "carte vitale énergétique" des logements qui peut être un outil d’aide à la décision très performant pour nos concitoyens. Le projet ne prévoit rien en la matière ».

 II. Les bonus

  • Dotation de cinq milliards d’euros pour les collectivités

Une dotation de cinq milliards d’euros de « prêts transition énergétique et croissance verte » devrait voir le jour par la mobilisation de fonds de la Caisse des dépôts. Cet argent doit servir à financer des prêts à bas taux (2 %) aux collectivités locales pour leurs projets liés à la transition énergétique (rénovation, transports, renouvelables). Pour Matthieu Orphelin, porte-parole de la fondation Nicolas Hulot, « ce n’est pas rien, c’est vraiment une bonne surprise ». Mais pour Maryse Arditi de France nature environnement, il ne s’agit pas réellement de nouveaux moyens. D’ores et déjà aujourd’hui, la Caisse des dépôts centralisent des fonds abondés par le livret A et le livret développement durable (LDD). Officiellement, 10 % du LDD doit servir à financer des projets écologiques. En réalité, c’est pas plus de 3 %. Les 7 % « perdus » pour l’écologie représentent 7 milliards d’euros, signale-t-elle, sur la base de l’expertise financière établie pendant le débat national sur la transition énergétique.

  • Des aides pour les ménages

Elles sont le pendant positif de l’obligation de rénovation et de réduction des gaz à effet de serre : les allègements d’impôts pour le développement durable sont simplifiés (un seul taux à 30 % au lieu de deux à 15 ou 25), plus besoin de deux opérations pour en bénéficier. Et le texte tente de relancer l’écoprêt à taux zéro (inauguré par le Grenelle de l’environnement), que les banques avaient quasi abandonné, dépassées par les enjeux techniques impliqués par l’évaluation de la qualité environnementale. Pour FNH, « c’est un bonus, mais c’est insuffisant s’il n’est pas conditionné à un bon niveau d’efficacité énergétique des travaux ».

Par ailleurs, les tarifs sociaux sont étendus aux ménages se chauffant au fioul et au bois, alors que seuls ceux se chauffant au gaz et à l’électricité pouvaient en bénéficier aujourd’hui. Cela prolonge ce qu’avait amorcé la loi Brottes et veut instaurer un véritable « bouclier énergétique », se réjouit Bruno Lechevin, le président de l’Ademe. 

Parmi les autres aspects positifs de la loi, on peut noter la possibilité pour les maires et les élus locaux de créer des zones à circulation limitée – alors qu’aujourd’hui, c’est une prérogative de l’État –, l’obligation pour tout projet de renouvelables de proposer au minimum 20 % de son capital aux citoyens et aux collectivités territoriales, et le doublement du fonds chaleur, qui soutient la chaleur d’origine renouvelable.

Peut-on fonder le « nouveau modèle énergétique français » en refusant de choisir entre le nucléaire et les renouvelables, le rôle de l’État planificateur et le libre-arbitre des citoyens ? C’est le pari qu’a lancé Ségolène Royal mercredi 18 juin en présentant son avant-projet de loi sur la transition énergétique (voir ici ses principales dispositions, et là son exposé des motifs) : « Je ne veux pas que l’on oppose les énergies les unes aux autres », il faut garder « toutes les énergies dans le respect mutuel », « le temps n’est plus aux confrontations, aux postures », a-t-elle scandé tout au long de sa conférence de presse, ponctuée d’appels à « la mobilisation », de « refus de l’obligation » et d’« allègement des normes ».

Objet d’une simple communication en conseil des ministres, le texte doit être soumis à plusieurs instances (Conseil national de la transition écologique, Conseil économique, social et environnemental, Conseil d’État) avant de revenir devant le gouvernement dans sa version stabilisée d’ici la mi-juillet.

Cet avant-projet a été rediscuté et modifié jusqu’à la dernière minute. La veille, le cabinet de la ministre n’osait mentionner le moindre arbitrage budgétaire et hésitait sur la présence de dispositions aussi essentielles que l’obligation de rénovation des logements. Les parlementaires EELV Denis Baupin et Ronan Dantec racontent avoir négocié avec Matignon jusqu’à minuit mardi pour y ajouter deux dispositions en échange de leur soutien : l’allongement à dix ans, au lieu de cinq, de la programmation pluriannuelle énergétique (PPE) qui décidera du futur mix énergétique ; le droit de veto au conseil d’administration d’EDF du commissaire du gouvernement en cas de décisions incompatibles avec cette même PPE.

Dans l’ensemble, les dirigeants écologistes n’ont pas ménagé leur peine pour louer le pré-projet de loi de Ségolène Royal : « un virage sans précédent » pour François de Rugy, vice-président du groupe écologiste à l’Assemblée, « un beau moment d’espoir permettant à la France de se mettre en disposition pour rentrer dans l’économie du futur » pour Nicolas Hulot, « les écolos seront en mesure de voter le texte », a assuré Denis Baupin, député EELV et vice-président de l’Assemblée nationale. Seule l’eurodéputée Michèle Rivasi a regretté la faiblesse du texte sur le nucléaire : « Pour les écologistes, une véritable transition énergétique ne peut passer que par une sortie programmée du nucléaire, et malgré l’eau bouillante des réacteurs français la douche risque d’être bien froide. »

L’ancien ministre de l’écologie Philippe Martin s’est réjoui de l’inscription de l’objectif de réduction de 40 % des gaz à effet de serre d’ici 2030 (« une très bonne décision ») et du doublement du fonds chaleur (aide de l’Ademe pour les sources renouvelables de la chaleur, essentiellement du bois). Et même la commissaire européenne Connie Hedegaard s’est fendue d’un tweet loueur, à 18 mois de la conférence de l’ONU sur le climat qui doit se tenir au Bourget : « On dirait que pour le gouvernement français, c’est parti pour la transition énergétique ! »

C’est paradoxalement du propre camp de Ségolène Royal qu’est venue l’attaque la plus frontale. Pour l'ex-ministre de l'écologie Delphine Batho, le pré-projet de loi marque l’« enterrement de première classe » de la question du nucléaire : « Il faut se donner les moyens pour que ce soient la souveraineté du Parlement et l'État qui décident, mais pas les actionnaires. C'est quelque chose que l'on ne retrouve pas dans ce qu'a été dit ce matin. C'est là aussi quelque chose d'important par rapport aux engagements de 2012. » Celle qui fut longtemps proche de Royal, au point de lui succéder comme députée des Deux-Sèvres, ajoute : « Je pense qu'il faut prolonger une partie du parc existant et se donner les moyens d'en fermer une autre partie, mais on ne peut pas tergiverser. On ne peut reporter les décisions à plus tard. »

À droite, le responsable du pôle écologie de l’UDI, Bertrand Pancher, « ne peut que constater la renonciation totale à la moindre ambition du gouvernement en matière environnementale ces prochaines années », dénonçant l’absence de moyens pour le logement et les transports. « Tout ça pour ça ? » a ironisé le Réseau action climat (RAC), qui rassemble des experts militants spécialisés en transition énergétique : « Le projet de loi ne répond pas à la commande initiale qui était d'identifier une trajectoire claire et des mesures concrètes pour orienter massivement la France vers les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique. » Quant à Greenpeace France, son directeur général Jean-François Julliard estime que l’avant-projet de loi « donne les clés de la politique énergétique de la France à EDF », car il lui « manque l'essentiel : la limitation à 40 ans de la durée de fonctionnement des réacteurs nucléaires et la mise en place d'un mécanisme permettant à l'État de décider de la fermeture de réacteurs pour des raisons de pilotage de mix énergétique ».

BOITE NOIREJ’avais écrit une première version de cet article à partir du dossier de presse, de la conférence de presse de Ségolène Royal le 18 juin et de deux briefs off au ministère avec la ministre puis une partie de son cabinet. Force est de constater que j’aurais dû attendre d’avoir en main la version finale de l’avant-projet de loi. Ça m’apprendra à écrire un article à partir d’un dossier de presse.

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Transition énergétique: l’avant-projet de loi déjà amputé

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Ségolène Royal en a fait l’une des principales mesures de son avant-projet de loi de transition énergétique : la reconnaissance de l’activité des sociétés de tiers financement, ces sociétés d’économie mixte (SEM) créées par les régions pour aider les ménages à boucler le financement de leurs travaux de rénovation. Son principe est simple : faire payer le coût des travaux de rénovation thermique dans un logement par les économies de chauffage qu’ils permettent.

Concrètement, une copropriété signe un contrat avec un opérateur qui coordonne la rénovation thermique (toiture, fenêtres, façade…) de son bâtiment, et règle une partie des coûts aux artisans du chantier. En échange, les habitants lui versent l’équivalent de ce qu’ils ne dépensent plus en facture. La région Île-de-France a créé en 2013 la première SEM dédiée au tiers financement pour la rénovation énergétique, la SEM Energies POSIT’IF.

Le problème, c’est que tout le système est aujourd’hui bloqué par le lobby bancaire qui considère que le tiers financement contrevient au monopole bancaire sur le crédit, garanti par le code monétaire et financier (voir ici notre enquête).

Or le tiers financement est l’une des plus intéressantes innovations financières liées à la transition énergétique, puisque ce service crée une source de financement des travaux de rénovation énergétique pour les ménages, et renforce la décentralisation du pilotage de la politique d’efficacité énergétique en accordant un rôle important aux régions et communautés d’agglomérations. C’est pourquoi la ministre de l’écologie en a oralement défendu la légitimité et l’importance, et a annoncé qu’elle voulait clarifier le régime juridique de ces sociétés et leur permettre de poursuivre leurs activités, lors de sa conférence de presse du 18 juin.

Dans la première version du projet de loi (datée du 14 juin), on peut ainsi lire que « l’interdiction prévue au premier alinéa de l’article L.511-5 du code monétaire et financier ne fait pas obstacle à ce que la société de tiers financement puisse assurer le financement partiel ou total de l’offre technique en contrepartie de paiements échelonnés, réguliers et limités dans le temps visés à l’article L.381-1 ».

Sauf que c’est une disposition tout à fait différente que l’on retrouve dans la version finale du texte législatif, datée du 18 juin, rédigée par la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) du ministère de l’écologie : « Le service de tiers financement défini à l’article L. 381-1 peut être mis en œuvre par les sociétés de tiers financement, soit directement pour les sociétés agréées au titre de l’article L. 511-10 du code monétaire et financier, soit indirectement dans le cadre de conventions établies avec des établissements de crédit ou des sociétés de financement agréées au titre de l’article L. 511-10 précité. Lorsqu’elle intervient en tant qu’intermédiaire en opération de banque, la société de tiers financement est rémunérée par l’établissement de crédit ou la société de financement qui octroie le crédit. »

Concrètement, cela oblige les sociétés de tiers financement à se transformer en banques. Car l’article L.511-10 du code monétaire et financier est précisément celui qui régit l’activité de crédit. Contrairement à ce qu’a annoncé Ségolène Royal, son avant-projet de loi ne garantit donc pas la pérennité des SEM de tiers financement. Au contraire, elle les assujettit aux banques : il faut soit qu’elles deviennent des sociétés de crédit, soit qu’elles passent des conventions avec des banques seules responsables d’établir l’offre de prêt. Soit la ministre s’est fait flouer par ses services, soit elle a enjolivé son texte pour s’assurer du soutien des associations écologistes. C’est un premier gros accroc qui va faire assurément des vagues lors de la réunion du conseil national de la transition écologique qui se réunit aujourd’hui jeudi.

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La Parisienne Libérée chante la SNCF : «La gêne occasionnée»

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[en cas de problème d'affichage : dailymotion - youtube - vimeo]

CONTEXTE

Les cheminots entament jeudi leur neuvième jour de grève. Ils protestent contre le projet de réforme ferroviaire, qui est actuellement en discussion à l'Assemblée nationale.

Le mouvement est massif et converge en de multiples endroits avec celui des intermittents en lutte (voir ici ou ). Le slogan de ces derniers – Ce que nous défendons, nous le défendons pour tous – pourrait d'ailleurs être repris par les cheminots, tant les usagers des chemins de fer souffrent de la politique libérale du groupe SNCF : retards et suppressions de trains, tarifs élevés et déraisonnablement variables, fermeture des guichets, mauvais entretien des rails qui fait courir aux conducteurs et aux voyageurs un risque accru d'accident.

Le montage financier destiné à camoufler la dette du groupe dans l'entité Réseau Ferré de France, réalisé à la fin des années 1990, a eu des conséquences directes et très négatives sur les conditions de travail des personnels de la SNCF et la qualité du service. Les grévistes demandent donc une réunification réelle de l'entreprise, alors que la réforme prévoit la création d'une troisième entité destinée à chapeauter les deux autres. Ils réclament aussi une réhumanisation des gares et des trains, dénoncent la violence du management pratiqué au sein du groupe et alertent le public sur les menaces de privatisation partielle. L'exemple du rail privatisé en Angleterre n'est en effet pas une perspective très encourageante.


LA GÊNE OCCASIONNÉE

paroles et musique : la Parisienne Libérée



Nous vous informons
Que le prix des billets
Ne va pas cesser d'augmenter
Nous vous prévenons
Que de nombreux guichets
Resteront désormais fermés

Nous vous informons
Que l'entretien des voies
Est soumis à des aléas
Nous vous prévenons
Que les accidents

Seront de plus en plus fréquents

Cela fait bien longtemps
Que nous ne sommes plus désolés
Pour la gêne occasionnée
La gêne occasionnée
Cela fait bien longtemps
Que nous ne sommes plus désolés
Pour la gêne occasionnée


Nous vous informons
Que nos trains de nuit
Roulent depuis des décennies
Nous vous prévenons
Que nous travaillons
Activement à leur suppression


Nous vous informons

Que des grilles vont tomber

Sur les gares abandonnées
Nous vous prévenons
Qu'à partir d'aujourd'hui

Cet arrêt n'est plus desservi

Cela fait bien longtemps
Que nous ne sommes plus désolés
Pour la gêne occasionnée
La gêne occasionnée
Cela fait bien longtemps
Que nous ne sommes plus désolés
Pour la gêne occasionnée


Nous vous informons
Que nous avons flambé

Pour promouvoir les TGV
Nous vous prévenons

Qu'une dette s'est glissée

Sous les rails du réseau ferré



Nous vous informons

Que les déficits

Ont tendance à rester publics

Mais les activités
Juteuses et bien cotées

Seront bientôt privatisées


Cela fait bien longtemps
Que nous ne sommes plus désolés
Pour la gêne occasionnée
La gêne occasionnée
Cela fait bien longtemps
Que nous ne sommes plus désolés
Pour la gêne occasionnée

Nous vous informons
Que tous nos agents

Doivent subir un stress permanent

Nous vous prévenons
Que notre management

Est d'un genre ultraviolent

Nous vous informons
Avec une joie immense

Que la libre concurrence
Nous aidera bientôt

À mater les cheminots
Et à faire fi des droits sociaux

Qui nuisent à vos voyages
Et vous prennent en otage

Là nous sommes désolés

Oui vraiment désolés

Qui nuisent à vos voyages
Et vous prennent en otage

Nous vous informons

Que vous êtes seul en gare
Débrouillez-vous, revenez plus tard

La voix que vous entendez
Est préenregistrée

Son message ne peut plus changer


Nous vous informons
Que nos prix varient
Comme le soleil et la pluie

Nous nous efforçons

Du mieux que nous pouvons
De vous faire préférer l'avion

Cela fait bien longtemps
Que nous ne sommes plus désolés
Pour la gêne occasionnée
La gêne occasionnée
Cela fait bien longtemps
Que nous ne sommes plus désolés
Pour la gêne occasionnée

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Les précédentes chroniques
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Virus SRAS: après les tubes, l'Institut Pasteur perd les boîtes et un congélateur!

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On ignore toujours ce que sont devenus les 2 300 tubes contenant des fragments de virus du SRAS égarés par l’Institut Pasteur, accusé de négligence par les ministres Marisol Touraine et Benoît Hamon (voir notre article ici). À défaut de les avoir retrouvés, les inspecteurs de l’Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM) ont reconstitué une partie de leurs tribulations, décrites dans un rapport confidentiel que Mediapart a pu se procurer. Un parcours improbable, de bac à glace en autoclave, qui passe par la disparition d'un congélateur dont personne ne peut affirmer qu'il avait été complètement vidé avant d'être évacué…

Le bâtiment le plus ancien du siège de l'Institut Pasteur, à ParisLe bâtiment le plus ancien du siège de l'Institut Pasteur, à Paris © Luca Borghi

L’ANSM a inspecté en avril dernier le laboratoire P3 où étaient conservés les échantillons disparus. Les inspecteurs ont rencontré une vingtaine de chercheurs et techniciens de l’Institut Pasteur, et ont auditionné neuf de ces personnes. L’inspection met au jour des pratiques et une gestion peu compatibles avec les exigences de sécurité que l’on attend d’une telle installation, habilitée à stocker et à manipuler des « MOT » (micro-organismes et toxines) potentiellement très dangereux.

Le laboratoire P3 concerné, situé dans le bâtiment Nocard, au siège parisien de l’Institut Pasteur, est partagé par deux unités de recherche. La première est la CIBU, ou cellule biologique d’intervention d’urgence, dirigée par Jean-Claude Manuguerra. Elle a pour mission de réagir, sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, à toute urgence de santé publique liée à une épidémie, un accident ou une éventuelle attaque bioterroriste. La seconde unité de recherche, dite « GMVR », est l’unité de génétique moléculaire des virus respiratoires, qui a aussi la fonction de Centre national de référence sur la grippe et qui est dirigée par le professeur Sylvie van der Werf.

Les activités de ces deux unités impliquent le stockage d’un grand nombre d’échantillons de virus, bactéries et autres agents pathogènes. Les tubes perdus contenaient des prélèvements provenant de patients atteints de SRAS lors de l’épidémie de 2003, ou des extraits de ces prélèvements, qui étaient sous la responsabilité de l’unité GMVR. D’après les explications fournies aux inspecteurs par Sylvie van der Werf, des chercheurs de l’unité ont travaillé sur le SRAS principalement entre 2003 et 2006, et dans une moindre mesure en 2012 et 2013.

Pour conserver les échantillons, le laboratoire P3 dispose d’un congélateur de travail, à -80 °C, installé dans la pièce principale du labo. Il existe aussi un congélateur de secours, également à - 80 °C, qui est installé dans le « sas matériel », espace qui permet de stériliser tout équipement que l’on fait sortir du laboratoire.

Les tubes perdus, rangés dans des boîtes en plastique, avaient été entreposés dans le congélateur de secours. Ce qui pose un premier problème, car cet appareil de secours n’est pas destiné à stocker du matériel biologique de manière permanente, mais à prendre le relais du congélateur de travail si ce dernier tombe en panne. Christophe Batéjat, responsable du Pôle d'identification virale à la CIBU, a indiqué à l’ANSM que « dans les faits, le congélateur de secours est utilisé par les équipes qui sont informées que ce qui y est stocké est susceptible d’être sorti en cas de panne du congélateur de travail ».

Cette situation dommageable résulte du fait que les activités des deux unités entraînent l'accumulation d'une quantité d’échantillons qui dépasse la capacité des équipements de travail. Ce n’est pas nouveau. Le rapport de l’ANSM révèle qu’une inspection menée en 2008 avait déjà relevé que « du matériel biologique infectieux (était) conservé dans le congélateur de secours du sas matériel ». À l’époque, l’Institut Pasteur s’était engagé à vider le congélateur de secours de tout matériel biologique « sauf quand il joue le rôle de congélateur de secours ». Mais cet engagement n’a pu être tenu et la pratique de stocker des échantillons dans l’appareil de secours a perduré. « La capacité de stockage à -80 °C demeure tendue », indique Sylvie van der Werf aux inspecteurs.

Selon le rapport de l’ANSM, « l’opérateur (a) notoirement dépassé la capacité d’utilisation de son laboratoire en stockant une quantité de matériel biologique l’obligeant à utiliser en routine les équipements de secours ».

Il faut ajouter que le sas matériel où se trouve le congélateur de secours est ouvert sur l’extérieur après chaque cycle de désinfection, « ce qui n’est pas conforme aux exigences de sécurisation des produits infectieux », d’après le rapport.

L’événement déclencheur de la perte des tubes est une panne qui a affecté le congélateur de secours le 21 décembre 2012. À la suite de cette panne, les boîtes contenant les tubes de SRAS ont été transférées dans un bac de « carboglace » (CO2 sous forme solide). Puis un autre congélateur de secours, à -20 °C, a été apporté dans le sas matériel. Les boîtes de SRAS ont été transférées une deuxième fois, du carboglace vers le congélateur -20 °C, en janvier 2013.

Selon le rapport de l’ANSM, les boîtes devaient ensuite être déplacées une nouvelle fois pour être rangées définitivement dans le congélateur de travail, autrement dit là où elles auraient dû se trouver dès le départ. Cela nécessitait de libérer de l’espace dans le congélateur de travail, tâche qui a réclamé un an de délai, car la technicienne qui en était chargée avait d’autres missions en parallèle.

En janvier 2014, cette technicienne décide de procéder au transfert. Mais lorsqu’elle se rend dans le sas matériel, elle constate que le congélateur -20 °C a disparu, ce dont elle n’avait pas été informée. Il a été remplacé par un nouveau congélateur à -80 °C, installé le 27 mars 2013. La trentaine de boîtes SRAS ne se trouvent pas dans ce nouvel équipement.

Le congélateur -20 °C, lui, est censé avoir été vidé en mai 2013 avant d’être évacué. Il contenait des matériels de la CIBU et des boîtes appartenant à l’unité GMVR. Christophe Batéjat, le scientifique de la CIBU cité plus haut, a indiqué à l'ANSM qu'il avait procédé au transfert le 14 mai. L'équipe de la GMVR n'a pas participé directement à l’opération. Christophe Batéjat se souvient de l'avoir avisée oralement, sans avoir gardé de trace écrite. Il dit avoir déplacé tout le contenu du congélateur -20 °C. Mais il a aussi précisé aux inspecteurs que lorsque l'appareil a été évacué, il n'était pas présent, de sorte qu'il ne peut pas « affirmer que le congélateur était vide ». Il a également indiqué qu'il savait que les deux tiroirs du bas du congélateur contenaient des boîtes de la GMVR, mais qu’il ne savait pas « que l’unité de la GMVR conservait ses tubes de SRAS dans le congélateur de secours »…

Tout cela est un peu difficile à suivre… Quoi qu'il en soit, passé mars 2013, on ne retrouve plus trace des boîtes de SRAS. D’après le rapport de l’ANSM, il y avait une soixantaine de boîtes de SRAS dans le congélateur qui est tombé en panne. Elles ont été transférées dans le bac de carboglace, puis leur nombre a été réduit avant qu’elles soient rangées dans le congélateur -20 °C. Selon une des auditions effectuées par les inspecteurs, le nombre final de boîtes était 21, mais selon une autre audition il était égal à 29. Seule certitude, le détail des boîtes et de leur contenu n’a pas été consigné par écrit.

Il semble aussi, d’après certaines auditions, que toutes les boîtes n’aient pas disparu : quelques-unes auraient été retrouvées vides, apparemment après avoir suivi une procédure de recyclage. Il est en effet habituel de réutiliser des boîtes lorsque l’on n’a plus besoin de leur contenu. Dans ce cas, les boîtes sont vidées de leurs tubes et ces derniers sont autoclavés afin de les rendre stériles. Il n’y a pas de certitude que les boîtes « retrouvées », qui sont étiquetées SRAS, correspondent bien aux boîtes égarées. Si c’est le cas, la solution du mystère serait donc, tout simplement, que les boîtes auraient été vidées et leur contenu détruit. Mais une telle opération aurait normalement dû être programmée, et laisser une trace.

 

Manipulation en laboratoire confiné de haute sécurité (P3) de la CIBUManipulation en laboratoire confiné de haute sécurité (P3) de la CIBU © CIBU

Le rapport de l’ANSM n’écarte pas l'hypothèse, mais ne l’adopte pas non plus ; il suggère une autre possibilité, à savoir que le congélateur -20 °C n’aurait pas été entièrement vidé avant d’être évacué. Le rapport note en effet qu’« aucun engagement n’a pu être recueilli auprès des personnes entendues en ce qui concerne l’absence de boîtes dans le congélateur C (celui à -20 °C) lors de son évacuation ». Le rapport note aussi, avec un certain humour, que « les opérateurs de l’unité de GMVR qui se sont rendus dans le laboratoire P3 à cet effet de réaliser l’inventaire annuel, constatent non pas la disparition des boîtes mais la disparition du congélateur C où ils s’attendaient à retrouver lesdites boîtes, et la présence d’un congélateur D (le nouveau -80 °C) qui ne contient plus le matériel biologique attendu ».

Il n’existe aucune certitude quant à la présence totale ou partielle des échantillons entre la fin mars 2013 et la période de l’inventaire annuel, entre décembre 2013 et janvier 2014. Autrement dit, pendant au moins neuf mois, personne ne s’est aperçu de rien. L’enquête de l’ANSM montre qu’il n’y a pas eu de concertation suffisante entre les deux équipes qui se partagent le laboratoire P3, et que les différentes opérations consécutives à la panne de décembre 2012 du congélateur de secours n’ont pas été enregistrées avec précision.

Au-delà du problème des échantillons disparus, les inspecteurs relèvent que les « MOT » conservés dans le laboratoire P3 du bâtiment Nocard ne sont pas protégés et que des personnes non habilitées peuvent y accéder : « Il apparaît que les équipements de stockage et de conservation du matériel biologique localisés dans le laboratoire P3 ne présentent aucune restriction d’accès, ceci pour les équipements de travail ou de secours qu’ils soient dédiés au laboratoire ou installés à titre provisoire. » Les inspecteurs constatent qu’en dehors de l’unité GMVR, « le personnel de cinq entités dispose des droits d’accès au laboratoire P3 et que cela représente une quarantaine de personnes ».

Les inspecteurs observent également que l’on peut accéder sans système de contrôle au sas matériel. En effet, la porte extérieure de ce dernier n’a pas de lecteur de badge et peut être actionnée lorsque la porte interne est fermée. Les échantillons stockés dans le congélateur de secours sont alors librement accessibles.

Le rapport de l’ANSM critique sévèrement l’attitude de l’Institut Pasteur après la constatation de la perte des boîtes. La perte a été constatée entre fin 2013 et début 2014, mais a été déclarée à l’ANSM le 28 mars 2014. « En conséquence l’opérateur n’a pas rempli ses obligations de déclaration immédiate de perte de matériel biologique de la liste des MOT », notent les inspecteurs qui considèrent ce retard de trois mois comme un « écart critique ». Interrogé par Mediapart, le directeur de l’Institut Pasteur, Christian Bréchot, nous avait répondu que l’ANSM avait été informée dans les délais réglementaires.

L’ANSM observe aussi que cette période de trois mois n’a pas permis de savoir exactement quels échantillons avaient disparu ni quelles personnes avaient pu y accéder : « Il en résulte que l’opérateur n’a pas été en mesure lors de l’inspection de définir avec précision ce qu’il avait perdu, ce qui constitue un manquement grave aux règles de sûreté biologique », écrivent les inspecteurs. Ils ajoutent : « Ce manquement est de nature à nuire à l’évaluation du risque visant à déterminer les conséquences possibles d’une utilisation ultérieure malveillante. » L’ANSM se démarque ainsi du communiqué de l’Institut Pasteur selon lequel les échantillons perdus ne sont pas dangereux car ils n’ont « aucun potentiel infectieux ».

Le rapport conclut logiquement par un « avis défavorable ». La procédure étant contradictoire, les conclusions définitives peuvent encore être modifiées en fonction des réponses de l’Institut Pasteur. D’autre part, Marisol Touraine et Benoît Hamon ont chargé l’Igas (inspection générale des affaires sociales) et l’IGAENR (inspection générale de l’éducation nationale et de la recherche) d’une mission visant à contrôler « l’ensemble des laboratoires de haute sécurité biologique de l’Institut Pasteur ». Une enquête judiciaire est également en cours.

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Lynchage de Darius: chronologie du basculement dans l'horreur

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Après le lynchage, vendredi 13 juin, de Darius, Rom roumain de 16 ans, à la cité des Poètes à Pierrefitte-sur-Seine, une enquête a été ouverte pour « tentative d’homicide en bande organisée ». L’adolescent a été retrouvé inconscient dans un caddie à proximité de son lieu de vie. Souffrant de graves lésions crâniennes, il se trouvait toujours, jeudi 19 juin, dans le coma.

Le corps du jeune Rom a été retrouvé à quelques mètres de là, en bordure de la cité des Poètes à Pierrefitte.Le corps du jeune Rom a été retrouvé à quelques mètres de là, en bordure de la cité des Poètes à Pierrefitte.

L’enquête confiée à la police judiciaire de Seine-Saint-Denis s’avère particulièrement compliquée. L’exploitation des enregistrements des caméras de vidéosurveillance est en cours. Les auditions des témoins s’enchaînent. Du côté des riverains, qui ont pu être présents au moment des faits, la peur des représailles, dans un quartier réputé difficile en raison notamment de l’existence de trafics de drogue, incite à en dire le moins possible. Du côté des Roms, la barrière de la langue limite les échanges. De source judiciaire, les témoignages des proches de Darius, qui ont quitté le squat après que l’enfant eut été conduit à l’hôpital, sont lacunaires. « Ils sont sous le choc », rappelle Julie Launois-Flacelière, l’avocate de la famille. À cela s’ajoute une certaine défiance, de part et d’autre, à l’égard de la police. Mardi après-midi, lors d’une conférence de presse, la procureure de Bobigny Sylvie Moisson n’a évoqué ni interpellation, ni suspect. Jeudi, aucune évolution sur ce point n'était observée.

À propos du mobile de cet acte qu’elle a qualifié de « barbare », elle a parlé d’une « vengeance privée » fondée sur une « rumeur ». Le lynchage, selon les premiers éléments de l’enquête, serait consécutif à un cambriolage dans la cité. Darius aurait été désigné – à tort ou à raison – comme l’auteur de ce vol. « Nous ne connaissons pas l’identité du cambrioleur à ce stade », insiste-t-on dans l’entourage de la procureure. L’emploi du conditionnel s’impose, maintient le parquet. Le jeune Rom aurait alors été poursuivi, puis enlevé chez lui, séquestré et battu, avant d’être abandonné, presque mort. Des photos vraisemblablement prises au moment où il a été retrouvé ont été publiées par la presse étrangère. Elles témoignent de l’ignominie de cette « expédition punitive ». « Le droit français s’oppose à la diffusion de ce(s) photo(s) d’une victime mineure qui a droit à la protection absolue de son image sous peine de poursuites pénales », a rappelé jeudi Sylvie Moisson dans un communiqué.

Retour sur la chronologie des événements telle qu’elle transparaît des informations rassemblées auprès de sources judiciaires, du ministère de l’intérieur, de témoins vivant dans la cité et de l’avocate de la famille, Julie Launois-Flacelière, spécialisée dans la défense des populations roms vivant en Ile-de-France.

Vers 17 heures, vendredi, des habitants du quartier se regroupent à proximité de la maison désaffectée dans laquelle sont installés entre cent et deux cents Roms depuis quelques semaines pour certains, quelques mois pour d’autres. Ils semblent vouloir en découdre, sans que l’on en sache plus. Ce premier « contact » n’est connu qu’après-coup. Les résidents du squat n’auraient pas fait appel à la police à ce moment-là.

Vers 20 h-20 h 15, un cambriolage a lieu dans la cité, dans un appartement situé au premier étage d’un immeuble. L’auteur aurait été pris en flagrant délit par un enfant de 10 ans qui habite là avec sa famille. Le mineur dit avoir vu le cambrioleur s’emparer de sacs et chercher du matériel informatique. Une plainte pour disparition de bijoux a été déposée le lendemain. Surpris, le voleur se serait enfui par la fenêtre. Un groupe d’individus seraient partis à sa poursuite, mais, ne parvenant pas à l’attraper, ils auraient été rejoints par d’autres habitants. À plusieurs (une douzaine, une vingtaine, une soixantaine, les versions divergent), ces hommes, jeunes semble-t-il, convaincus que le voleur était rom, se seraient dirigés, armés, vers le campement nouvellement installé en face de la cité, de l’autre côté de la nationale 1. Certains sont arrivés le visage dissimulé (par des capuches ou cagoules, selon les témoignages). Ils ont fait irruption dans l’enceinte du squat, terrorisant les habitants. La grand-mère de Darius se serait interposée pour protéger son petit-fils. À cette occasion, elle aurait reçu un coup de crosse de fusil à pompe. « L’adolescent a été enlevé sous les yeux de sa famille », souligne l’avocate. Selon le parquet, les agresseurs auraient menacé de mettre le feu si les résidents appelaient la police.

Le terrain sur lequel la famille de la victime s'était installée depuis quelques semaines.Le terrain sur lequel la famille de la victime s'était installée depuis quelques semaines.

À 20 h 45, les policiers sont appelés par des habitants du quartier signalant des coups de feu du côté de la maison abandonnée. Ils débarquent mais, assurent-ils, leurs questions, dans le campement rom, restent sans réponse. Ils repartent. Cette intervention n’est pas située précisément par rapport à l’enlèvement.

Vers 22 h 30, la tante du jeune homme aurait contacté la police pour signaler la disparition de Darius et la demande de rançon. Les ravisseurs, qui se seraient servi du téléphone du jeune homme, auraient progressivement revu à la baisse leurs exigences, passant de 15 000 à 5 000 euros, selon les uns, 20 000, puis 15 000 pour aboutir à 10 000 euros, selon les autres. « La police arrive dans les minutes qui suivent, indique-t-on de sources judiciaires, ils vont dans la cité pour chercher la personne. En vain. » Aucun élément précis n’indique le lieu de la séquestration. La présence de suie sur le corps du jeune homme a pu laisser penser qu’il avait été retenu dans une cave. Mais sans certitude. Il peut s’agir aussi d’un appartement en travaux, étant donné la multiplicité des immeubles en construction du fait de la rénovation urbaine dans le quartier.

À 23 h 30, Darius est retrouvé par un voisin, entre la vie et la mort, dans un caddie abandonné à proximité de chez lui. Son visage est particulièrement meurtri. Les secours arrivent. Les pompiers préviennent la police. Le Samu conduit le jeune homme à l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis avant qu’il ne soit transféré en réanimation à Lariboisière à Paris, où ses proches lui rendent visite. Des douilles d’arme à feu « non percutées », c’est-à-dire non utilisées, auraient été retrouvées à proximité du caddie, selon la police qui précise n’avoir aucune certitude sur leur lien avec les faits.

Apeurées, l’ensemble des familles vivant dans le squat ont quitté Pierrefitte. Personne ne sait exactement quand Darius et ses proches sont arrivés en France. Après avoir été expulsés d’un précédent campement, ils vivaient là depuis moins d’un mois, selon la procureure. De source judiciaire, Darius n’a jamais été condamné. Selon le maire PS de la ville, Michel Fourcade, il aurait été interpellé plusieurs fois par la police depuis le début du mois. « Darius est une victime dans cette affaire, je ne vais donc pas communiquer largement sur son casier judiciaire », a souligné la procureure.

Comme elle, Julie Launois-Flacelière juge indignes les rapprochements entre le lynchage d’une part et les supposés délits commis d'autre part. « Faire ce lien, comme l’a fait le maire, est scandaleux. La famille espère que la présomption d’innocence vaut également pour la communauté rom, que la France est un état de droit qui ne peut laisser aucune place à la justice privée », affirme-t-elle. « Sur les antécédents du jeune homme, je n’ai rien à signaler. C’est indécent. Darius est une victime, il s’est fait massacrer », insiste l’avocate qui refuse d’indiquer dans quel campement la famille a trouvé refuge, pour éviter que les médias ne la harcèlent. Aucune mesure de protection n’a été proposée ; aucune solution, même temporaire, de logement n’a été avancée, regrette-t-elle. « Les membres de la familles se tiennent à l’écart des médias. Ils ont été chassés à coups de fusil à pompe, à coups de feu en plein jour. Ils sont terrorisés, souligne-t-elle. Darius a été battu à mort, torturé. Ils ont fui. À peine après avoir trouvé un point de chute, les policiers ont cherché à les en déloger. Ils aspirent au calme. »

« Ce drame n’est pas réductible à un antagonisme entre deux communautés », indique la procureure, déniant implicitement le caractère raciste de l’agression. S’il se confirme que la vengeance est le mobile premier, elle n’est en aucun cas incompatible avec une forme de rejet d’une population stigmatisée dans la sphère publique. Un tel sentiment d’impunité à l’égard de personnes désignées comme Roms s’est développé ces dernières années en France – les propos recueillis dans la cité auprès d'habitants en témoignent (lire notre reportage) – qu’il a pu alimenter la violence extrême dont Darius a été la cible.

Les auteurs et complices encourent la réclusion criminelle à perpétuité. Plusieurs questions restent en suspens : pourquoi les autorités ont-elles attendu trois jours pour faire « fuiter » cette affaire gravissime dans la presse ? Les policiers se sont déplacés deux fois vendredi soir sur les lieux, avant de revenir une troisième fois pour constater la découverte du corps. Où se situent les dysfonctionnements ? Comment ont-ils pu passer à côté d’un tel drame ?

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Intermittents : Manuel Valls fait un geste mais n'apaise pas la colère

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Comment résoudre une équation impossible ? En ménageant la chèvre et le chou. L’exécutif, qui avait promis des annonces avant la fin de la semaine dans le dossier miné des intermittents du spectacle, vient d’en faire la démonstration. La nouvelle convention d’assurance-chômage entrera en application au 1er juillet. Mais pour dénouer ce conflit qui s’enlise jour après jour – faisant craindre un remake de l’été 2003 qui avait entraîné l’annulation en chaîne de festivals dont le “in” d’Avignon –, sans aller au clash avec les partenaires sociaux à quelques semaines de la conclusion du pacte de responsabilité, Manuel Valls a décidé de reporter la mise en application du point le plus contesté de cet accord signé le 22 mars par le patronat, la CFDT, FO et la CFTC : le différé d’indemnisation qui fragiliserait les intermittents les plus précaires (NDLR: le délai de carence, calculé en fonction des heures travaillées et de la rémunération, qui repousse la date à partir de laquelle les intermittents percevront leurs allocations chômage). 

Le gouvernement s’implique dangereusement – ce qui n’est pas pour déplaire au Medef qui en rêve –, dans le système de protection sociale, en finançant de manière transitoire le manque à gagner pour l’Unedic que représente cette disposition, soit un coût de 90 millions d’euros par année pleine. Et il acte que les intermittents sont une classe à part, une sorte de « réserve d’Indiens » un peu plus malades que les autres victimes du chômage et de l’emploi discontinu : leurs allocations chômage vont être palliées par une forme de... subvention culturelle ! Pour rappel, les travailleurs précaires qui cumulent petits boulots et allocations chômage ont plus que doublé en cinq ans (ils étaient moins de 500 000, ils sont plus de 1,3 million aujourd’hui).

Le premier ministre Manuel Valls a annoncé cette « mesure d’apaisement » jeudi soir lors d’une conférence de presse à Matignon en présence des ministres concernés, François Rebsamen (travail) et Aurélie Filippetti (culture), ainsi que du médiateur Jean-Patrick Gille qu’il a mandaté il y a quinze jours pour sortir de l’impasse. Ce dernier préconisait dans ses conclusions rendues quelques heures plus tôt (que vous pouvez lire ici) deux pistes : différer au 1er octobre la mise en application de l’ensemble des modifications apportées aux annexes 8 (techniciens) et 10 (artistes) qui régissent l’intermittence ou reporter de six mois la mesure la plus impopulaire portant sur le différé d’indemnisation.

Le chef du gouvernement a également annoncé la mise en place d'une mission pour redéfinir d'ici à la fin de l'année « un nouveau cadre stabilisé et sécurisé pour l’intermittence », « pour rompre avec ce cycle infernal de crises et de tensions », « inventer, innover, créer, les conditions d'une nouvelle donne pour l'intermittence ». Il cherche là à répondre aux intermittents qui ont le sentiment depuis onze ans de plancher dans le vide sur une remise à plat du système, avec l’appui d’un « comité de suivi » réunissant employeurs du secteur, experts et parlementaires de tous bords et de vraies contre-propositions pertinentes et réalistes dont l'Unedic n'a que faire.

© Rachida El Azzouzi

Manuel Valls confie la mission à trois personnalités qui sauront mettre au moins autour de la table les différents acteurs du dossier à défaut de les mettre d’accord : le député socialiste d’Indre-et-Loire Jean-Patrick Gille qui connaît bien l’intermittence pour avoir conduit avec l’UMP Christian Kert une mission parlementaire sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques en 2013 et qui s’est sorti des affres de la médiation ; Hortense Archambault qui a codirigé le Festival d'Avignon et qui jouit d’une solide réputation dans le monde de la culture ; et Jean-Denis Combrexelle, conseiller d’État rodé au dialogue social, ancien directeur général du travail à la longévité rare (il a détricoté pendant treize ans des pans entiers du droit du travail sous la droite et sous Sapin avant d’être débarqué en mars dernier, mis à mal par son ultime réforme, celle de l’inspection du travail retoquée par le Sénat et finalement repoussée).

Autre grande annonce du premier ministre, présentée comme « un effort très significatif dans cette période de diminution de la dépense publique » : la sanctuarisation des crédits pour la création et le spectacle vivant qui seront maintenus, intégralement, en 2015, 2016 et 2017. C’est là une promesse de campagne de François Hollande qui n’aurait sans doute pas été tenue sans la mobilisation des intermittents ! Aurélie Filippetti, qui ne ressort pas grandie du conflit auprès des intermittents qui auraient aimé voir leur ministre dire haut et fort ce qu’elle pense tout bas de cet accord qu’elle juge « mauvais » en off auprès d’eux, et mettre dans la balance sa démission, ne l’a en tous les cas jamais obtenu en deux ans de ministère.

En contrepartie de ces annonces, Manuel Valls exige la levée des menaces qui pèsent sur les festivals de l'été. Pas sûr que cette tactique suffise à calmer les troupes d’artistes et de techniciens qui ont ponctué la semaine de grèves et de manifestations un peu partout en France. La CGT Spectacles qui a assigné en justice les signataires de l’assurance-chômage (audience le 1er juillet) et la Coordination des intermittents et précaires (CIP), à la pointe du mouvement, ne cachent pas leurs déceptions et dénoncent « un coup de com pour faire passer l'été et les festivals ».

Denis Gravouil, le secrétaire général de la CGT Spectacles, largement majoritaire chez les intermittents, continue de revendiquer le non-agrément de la convention Unedic par le ministre du travail la semaine prochaine et parle de « mesurettes ». Il estime que « le compte est loin d’y être » et annonce le dépôt d’un préavis de grève au 1er juillet si l’exécutif n'en dit pas plus dans les jours qui viennent notamment sur le retour à 507 heures sur douze mois (depuis la convention de 2003, 507 heures sur dix mois pour les techniciens et sur dix mois et demi pour les artistes).

« La solution peut parfois être pire que le mal. Derrière des mesures de calinothérapie, le gouvernement donne des gages au Medef en prenant la charge du différé dans le budget de l’État qui doit uniquement relever de l’Unedic, en mélangeant culture et droits sociaux. À terme, il s’agit là de tuer le régime de l’intermittence à petits feux. Il faut que le gouvernement corrige sa copie et se rattrape à l’oral », déclare-t-il à Mediapart filant la métaphore du bachelier qui a raté ses écrits.

Même réaction au sein de la Coordination des intérimaires et précaires. Le comédien Samuel Churin, l’un des porte-voix, qui était mercredi l’invité de notre live consacré au conflit des intermittents, ne décolère pas : « Le Medef en rêvait, Valls l’a fait. Après avoir vanté la solidarité interprofessionnelle, l’État met du fric là où c’est le rôle de l’assurance-chômage. C’est un coup de com pour faire passer les festivals. Derrière, on va se faire bousiller. Les intermittents l’ont compris. La lutte continue. » La grève va-t-elle menacer Avignon et tous les autres grands rendez-vous de l’été ? « Je suis très mauvais en politique fiction. Il y a trois semaines, je ne pensais que pas que le Printemps des comédiens à Montpellier serait en grève. »

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Bygmalion : Mediapart publie l’intégralité des fausses factures à l'UMP

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Chez Event & Cie, le comptable qui a fabriqué les fausses factures à la pelle s'est laissé gagner par la flemme. Après avoir inscrit des montants variés, peaufinés au centime près pour plus de crédibilité, il a fini par copier-coller la somme de 299 000 euros tout rond sur toutes les feuilles.

Au total, ce sont 58 fausses factures que cette filiale événementielle de Bygmalion a adressées en 2012 à l'UMP, pour l'organisation de réunions thématiques supposément consacrées, entre janvier et juin, à la « Fiscalité anti-délocalisation » ou aux « Ultra-marins de l'Hexagone », à l'évidence bidons, pour un total de 14 956 036 euros. Mediapart publie ces documents pour la première fois dans leur intégralité, après que Libération en a révélé l'existence le 14 mai dernier.

Tous ces documents sont à consulter ci-dessous :

Ces fausses factures ont été archivées par Event & Cie sur une clef USB qui contient la comptabilité interne de l'entreprise et que nous avons récupérée, deux semaines après les enquêteurs de l'Office anti-corruption de Nanterre (lire ici notre enquête). D'après des témoignages internes à l'entreprise, confirmés par les aveux de Jérôme Lavrilleux (l'ancien directeur de campagne adjoint de Nicolas Sarkozy), l'UMP de Jean-François Copé a réglé ces 15 millions d'euros à la place du candidat Sarkozy, en toute illégalité et en pleine connaissance de cause.

Pendant la campagne de 2012.Pendant la campagne de 2012. © Reuters

En effet, celui-ci n'a déclaré que 4,3 millions d'euros de prestations d'Event & Cie dans son compte de campagne alors qu'il en avait pour 21,2 millions d'euros (d'après les chiffres de la société stockés sur la clef USB), afin de masquer l'explosion de ses dépenses au-delà du plafond légal. Presque 17 millions d'euros de frais de meetings ont ainsi été dissimulés aux autorités de contrôle. Pour qu'Event puisse tout de même les encaisser, ils ont été imputés à l'UMP, grâce aux 58 factures et « conventions » fictives.

Comme il a fallu trouver autant d'intitulés de réunions, tous les dadas de la droite y sont passés : « L'entreprenariat », la « Revalorisation du travail », « Finances publiques : équilibre budgétaire », « La Règle d'or », etc. Vite à court, Event & Cie a réquisitionné des sujets plus iconoclastes : « Entreprendre en Afrique et en Asie », « Réflexion autour du manifeste pour une cité verte » ou encore « Rencontres des entreprises du paysage ». Et même des thématiques de gauche, en désespoir de cause : « L'homoparentalité » ou « la sauvegarde du régime par répartition ». En réalité, en pleine campagne présidentielle, un parti ne réfléchit plus, il s'exécute – le programme de l'UMP était évidemment bouclé depuis la fin 2011.

La réunion sur "La France avec les printemps africains" du 14 avril 2012, bien réelle mais surfacturée à l'UMP La réunion sur "La France avec les printemps africains" du 14 avril 2012, bien réelle mais surfacturée à l'UMP © DR

L'ensemble de ces fausses conventions ne permettant pas d'atteindre les 17 millions d'euros nécessaires, un certain nombre de prestations bien réelles, légitimement réglées par le parti, ont par ailleurs été surfacturées par Event & Cie. Par exemple, la réunion du 14 avril 2012 sur « les printemps africains » avec Jean-François Copé, dont le prix réel était de 121 979 euros d'après la comptabilité interne d'Event, a finalement été facturée 557 948 euros (hors taxe) à l'UMP. De même, la soirée du second tour à la Mutualité, au prix réel de 474 608 euros, a été payée 599 343 euros par le parti (hors taxe).

Placé en garde à vue mardi 17 juin, Jérôme Lavrilleux a commencé à détailler ce vaste système aux enquêteurs de l'Office anti-corruption de Nanterre, saisis depuis le 5 mars d'une enquête préliminaire sur des soupçons de « faux », « abus de confiance » et « abus de bien social ». Les policiers explorent également l'hypothèse d'une affaire dans l'affaire : certains acteurs n'auraient-ils pas siphonné des fonds au passage ?

S'agissant du trucage du compte Sarkozy, l'ancien bras droit de Jean-François Copé a d'ores et déjà mouillé l'ex-directeur de campagne, Guillaume Lambert (voir les déclarations de son avocat à Mediapart ici), ainsi que l'ex-directeur général des services de l'UMP, Éric Cesari, qui démentent tous deux avoir eu connaissance de ces fraudes. Mais démêler toutes les responsabilités, celles de Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy potentiellement, prendra du temps. 

En parallèle, plusieurs plaintes ont été déposées, la première par le député « filloniste » Pierre Lellouche, dont le nom s’est retrouvé sur une facture pour la pseudo « Conférence sur l'accès au crédit » du 30 mai 2012. Fin mai, il a saisi la justice pour « usurpation d'identité ».

Comme annoncé, Jean-François Copé a également déposé plainte contre X... et au nom de l'UMP, le 6 juin, neuf jours avant sa démission de la présidence du parti. Le triumvirat qui lui a succédé (Fillon, Juppé, Raffarin) se réserve toutefois le droit de déposer une plainte supplémentaire, de son cru, « pour envoyer un signal fort », précise-t-on dans leur entourage. « On est en train d’étudier cela avec nos avocats. »

De leur côté, les députés Pierre Morel-A-L’Huissier (Lozère) et Étienne Blanc (Ain), partisans de Jean-François Copé en 2012 et avocats de formation, sont aussi passés à l'acte le 18 juin dernier. « Nous avons (…) l’honneur de porter plainte contre X pour toutes qualifications qui pourraient se révéler utiles », ont-ils écrit au procureur de Paris.

La plainte des députés Blanc et Morel-A-L’Huissier (UMP)La plainte des députés Blanc et Morel-A-L’Huissier (UMP)

« C’est une opération vérité que tout adhérent à l’UMP est en droit de faire, explique Pierre Morel-A-L’Huissier à Mediapart. J’espère que ma plainte accélérera la désignation d’un juge d’instruction. Je ne préjuge pas de qui est responsable. Qu’importe s’il s’agit d’un ancien secrétaire général ou d’un ancien président. »

Dans la foulée, les deux parlementaires ont adressé un courrier à tous leurs collègues du groupe UMP de l'Assemblée pour leur proposer de s'associer, coupon-réponse à l’appui. Pour l’heure, cinq autres députés les ont rejoints : Thierry Lazaro (Nord), Arlette Grosskost (Haut-Rhin), Jean-Pierre Gorges (Eure-et-Loir), Michel Heinrich (Vosges) et Christophe Priou (Loire-Atlantique). Alors qu'une ouverture d'information judiciaire est annoncée sous peu, la course est lancée pour devenir partie civile et accéder au dossier.

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UMP: le constat sans concession des jeunes têtes pensantes de la droite

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« Depuis deux ans, on ne parle que de l’UMP pour parler des affaires. C'est une pelote de laine qui se déroule sans fin. On est en train de casser le parti » ; « Notre message politique est devenu totalement inaudible » ; « On lave du linge qui était très sale, ce nettoyage est violent mais nécessaire ». Ce sont de jeunes élus, des anciens de la direction des études, d’ex-conseillers élyséens ou de hauts fonctionnaires passés par des cabinets ministériels. Face à la crise sans précédent de l'UMP – politique, idéologique, morale, financière – ils dressent pour Mediapart un état des lieux alarmant de leur parti et expliquent pourquoi ils veulent entamer eux-mêmes sa reconstruction idéologique.

Alain Juppé, François Fillon et Nicolas Sarkozy, le 6 avril 2011.Alain Juppé, François Fillon et Nicolas Sarkozy, le 6 avril 2011. © Reuters

Une « vaste rénovation politique » et une « révolution morale » : c’est ce qu'ont réclamé dans une tribune publiée par L'Opinion, le 24 juin, les trois jeunes élus fondateurs de la Boîte à idées, Maël de Calan, Matthieu Schlesinger et Enguerrand Delannoy. Ce « groupe d'action et de réflexion », créé en 2012 à l’intérieur de l’UMP, appelle le parti à une opération « mains propres ».

« Après tant d’autres scandales (Cahuzac, Guéant, Buisson, Morelle, etc.), l’affaire Bygmalion témoigne en effet d’une décomposition morale de notre vie politique, qui appelle des mesures radicales », écrivent-ils en dénonçant un « système confisqué par des “professionnels de la politique” » qui ont remplacé la parole politique et la réflexion « par des “éléments de langage” » et « des sondages ». Le groupe a fait dix propositions « d’application immédiate » au triumvirat de l’UMP, notamment l’exclusion des « élus convaincus par la justice d’enrichissement personnel » et la « publication annuelle des comptes détaillés de l’UMP afin qu’on sache qui reçoit de l’argent du parti et à quel titre ».

Fédérés dans le collectif « Une droite d’avance », une douzaine d'UMP fraîchement élus réclament eux aussi « le renouveau des idées, des pratiques et des visages ». « Dégoûtés par la guerre des chefs », ils font le constat d’un parti « financièrement malade », rongé par les divisions et représenté par des « bulles médiatiques » comme Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, le tandem de la Droite forte, qui « s’arroge le renouveau générationnel et le sarkozysme » avec des « idées nocives électoralement et idéologiquement ». « On a été très marqués par la défaite de Nicolas Sarkozy et on pense que mettre des rustines ne suffit plus. On veut poser les bases de la reconquête », explique Simon Laplace, 27 ans, conseiller municipal à Niort, cadre à la Banque de France et soutien de Bruno Le Maire.

À droite, la jeune garde considère que la recomposition idéologique passe d’abord par un bilan critique du quinquennat et de cinq années de défaites électorales. « Pour qu’on avance, Nicolas Sarkozy doit dire “j’ai perdu !” La solution, c’est on brûle tout et on recommence ! » explique un gaulliste membre de l'équipe de Nathalie Kosciusko-Morizet pendant la campagne, qui s'agace : « Dans les fédérations, les militants sont totalement déprimés et on va aller leur taper vingt balles pour une adhésion ! On a un taux de renouvellement de 20-30 % quand Marine Le Pen dit en faire 1 000 par jour. »

« Le droit d’inventaire aurait tourné au pugilat, et tout le monde avait peur de se mettre Nicolas Sarkozy à dos », explique Nelly Garnier, qui a coordonné les groupes d’experts de NKM pour Paris, après être passée par la direction des études de l'UMP en 2007 puis le cabinet de Chantal Jouanno au ministère des sports. « Mais il faut savoir pourquoi, en dépassant l’excuse de la crise, on n’a pas mis en œuvre ces réformes sur lesquelles on a fait campagne. » « Le seul qui peut faire l'inventaire du quinquennat, c'est Nicolas Sarkozy », estime un haut fonctionnaire.

Emmanuelle Mignon.Emmanuelle Mignon. © dr

Une chute vertigineuse des adhérents, des fédérations endormies, peu de moyens alloués à la réflexion, des divisions idéologiques : c'est bien sous le quinquennat Sarkozy qu'a débuté la crise de l'UMP. L'impréparation de la campagne 2012 en est un indicateur. À ce moment-là, « tout le monde pense que Nicolas Sarkozy va refaire 2007, avec une équipe qui planche dès 2010 sur le projet, raconte Emmanuelle Mignon, qui fut le cerveau de ses campagnes de 2007 et 2012. Mais l'élément central, c'est le candidat qui donne le signal de départ, qui dit à une équipe "on y va", qui commande des notes hebdomadaires, fixe le tempo. Or, pour 2012, Nicolas Sarkozy n'a jamais donné ce signal ».

L’ancienne directrice des études de l’UMP rapporte que « le 25 janvier 2012, quelques jours avant que sa campagne ne commence, rien n'était prêt : pas de programme, pas d'équipe, pas de préparation, même pas un directeur de campagne. Il était isolé, tout le monde était parti ou en partance, plus grand-monde n'avait d'expérience autour de lui ». Olivier Bogillot, qui fut son conseiller santé à l’Élysée, explique l’échec de 2012 par « le rejet d’un style, la crise évidemment, le retrait de la vague – notamment médiatique – qui l’a porté » et une campagne « flash », « isolée » qui s’est « certainement portée trop vite sur les valeurs ».

Après la défaite en 2012, le parti a manqué l’occasion de tourner la page Sarkozy et d’élire un chef d’opposition lors de son congrès. « Fillon comme Copé se sont plantés. On a prévenu Fillon en disant “il faut parler aux militants sinon vous ne serez pas élu”, il avait fait un programme de premier ministre, pas de chef de parti. Jean-François Copé, lui, avait perçu cela, mais il a adopté un positionnement politique démagogique », raconte un haut fonctionnaire, qui se lamente : « On subit deux défaites et l’élection interne se fait sur “plus sarkozyste que moi tu meurs”... »

« En 2012, contrairement à 2007, il n’y a pas eu de passation à droite. Sarkozy a laissé penser qu’il reviendrait. Une partie de la droite lui fait allégeance, “si jamais il revient”. Personne n’a pris la parole de manière forte le soir de la défaite, étant donné sa popularité », explique le politologue Dominique Reynié, à la tête de la Fondapol, proche de l'UMP. « Si l'on avait élu un président à 60 % fin 2012, il aurait été un vrai chef d’opposition et il enterrait les autres », estime un jeune haut fonctionnaire passé par l’Élysée et plusieurs ministères.

La direction de l'UMP (F. Fillon, J-P. Raffarin, A. Juppé et L. Chatel) au siège du parti, le 8 juillet.La direction de l'UMP (F. Fillon, J-P. Raffarin, A. Juppé et L. Chatel) au siège du parti, le 8 juillet. © Reuters

Ce manque de leadership est d’autant plus problématique pour une droite où dominent le bonapartisme et la « culture du chef », à la différence d’une gauche où « les idées sont dissociées du choix du chef, souligne Emmanuelle Mignon. Entre 2004 et 2007, on avait cette culture RPR avec un chef qui arbitrait, donnait des gages aux différentes tendances, écoutait les oppositions et tranchait. Or, aujourd’hui, il n'y a pas de chef ».

« Il n’y a pas de leader sans projet, pas de projet sans leader. Il faut les deux en même temps », nuance le porte-parole de François Fillon, le député Jérôme Chartier, tandis que du côté de Bruno Le Maire, sa porte-parole Laure de la Raudière explique que les nouveaux députés comme elle, « qui n’ont pas connu le RPR », ne se reconnaissent pas dans cette « culture du chef ». Pour elle, la droite gagnera d'abord « avec un projet radicalement nouveau », qui passe par un « congrès fondateur en octobre ».

« La question n’est pas une affaire d’hommes, c’est comment on remet en route la machine à réfléchir d'un parti fragilisé sur le plan intellectuel et idéologique », estime aussi Enguerrand Delannoy, cofondateur de la Boîte à idées et élu dans la Vienne. Mais l'UMP peine à définir son socle idéologique. D'autant que « François Hollande a siphonné une partie des propositions de Nicolas Sarkozy », souligne un ancien conseiller élyséen. Bien malin qui peut dire quelle est la ligne du parti sur l’Europe, sur l’économie (réformiste ou étatiste ?) et sur les thèmes régaliens, dont s’est emparée Marine Le Pen. L'UMP n’a d’ailleurs pas tranché sur sa stratégie par rapport au Front national, qui le grignote sur sa droite. 

Certains y voient les conséquences d’une présidentialisation du système français. « Les primaires ne sont pas un système satisfaisantelles poussent à être un animal médiatique, estime Dominique Reynié. Elles induisent une compétition sur les personnes, sur la communication, l’image, et non sur les idées. » « On décide du candidat six mois avant l’échéance, donc aucun travail sur les idées n’est réalisé et les derniers arbitrages sont repoussés », regrette cet ancien de l’Élysée, qui envie le système britannique et « le travail de ressources humaines et de renouvellement d’idées réalisé par David Cameron ».

Le député de l'Eure et ancien ministre Bruno Le Maire est candidat à la présidence de l'UMP.Le député de l'Eure et ancien ministre Bruno Le Maire est candidat à la présidence de l'UMP. © Reuters

Mais ce vide idéologique s’explique aussi, selon lui, par « un vrai problème de ressources humaines à droite »« On a tout perdu et rien renouvelé. Au-delà de Le Maire, Pécresse, Wauquiez, Bertrand, on n’a fait émerger personne depuis 2007. Nicolas Sarkozy s’est désintéressé des élections locales, il était au pouvoir, il avait gagné sur son nom et n’allait gagner ou perdre que sur son nom. Notre vision du député, c’est le godillot qui appuie sur un bouton et peut consolider un fief. » Résultat, selon lui, « il n’y a plus personne autour de Sarkozy, contrairement à Chirac ou Mitterrand à l’époque. Même Claude Guéant n’a pas été élu aux législatives ! ».

Et ce n’est pas à l’intérieur du parti qu’a été impulsé ce travail. Non seulement Nicolas Sarkozy a bien pris soin, après sa victoire en 2007, de supprimer le poste de président de l’UMP pour piloter le parti depuis l’Élysée, mais Jean-François Copé l'a ensuite lui-même « privatisé », estime-t-on à droite.

De l’avis de cet ancien de l’Élysée, le député de Meaux « pouvait se servir de la direction des études pour se constituer son programme à lui, mais il ne l’a pas fait ». Pendant les années Copé, l’UMP aurait surtout brassé de l’air : communication, éléments de langage, conventions éclair. « Aujourd’hui, c’est la caricature de 2004 : on fait des conventions avec une idée pêchue pour faire venir les médias, mais il n’y a pas la profondeur d’analyse qui était celle d’Emmanuelle Mignon en 2007, sur la discrimination positive, sur la suppression de la carte scolaire par exemple », regrette-t-il.

Chez Copé, on brandit les dizaines de conventions organisées sous la houlette d’Hervé Mariton, le délégué général au projet. « Regardez le nombre d’experts venus chez nous ! Tous les mercredis matin, Hervé Mariton réunissait le service études. Mais les médias n’en ont pas forcément rendu compte, répond un proche de l’ancien président de l’UMP, qui se souvient « d’une convention sur les retraites où un seul journaliste était présent ».

L’UMP a effectivement lancé, en 2013, autour d’Hervé Mariton, ses « États généraux de la reconquête », pour « proposer un projet de redressement national ». Mais « ces conventions s’enchaînaient toutes les trois semaines avec un rythme très soutenu, on manquait de temps pour documenter et expertiser les dossiers », déplore Maël de Calan, secrétaire national de l’UMP et cofondateur de la Boîte à idées. « On avait un problème d’allocation des ressources, qui n’étaient pas attribuées à la réflexion et la prospective, mais aussi un problème de volonté politique », poursuit le jeune élu du Finistère, qui résume : « Quand vous êtes un politique, vous n’hésitez pas entre un plateau télé et une réunion de trois heures dans un souterrain de l’UMP… »

Si ce travail de renouvellement n'a pas été réalisé, c’est, selon plusieurs têtes pensantes de la droite, comme Emmanuelle Mignon, parce qu’« il est difficile, quand vous êtes le parti au pouvoir, de réfléchir et de proposer des choses nouvelles ». « D'abord parce qu'il faut du temps, ce qui est en contradiction avec l'obligation de communiquer en permanence sur l'action du gouvernement, explique-t-elle. Ensuite, parce que toute idée nouvelle apparaît comme une critique implicite du gouvernement qui n'est pas déjà en train de la mettre en œuvre. » Ce n’était pas le cas en 2004, lorsque la directrice des études de l’UMP a commencé à plancher sur le projet présidentiel, avec la liberté d'un candidat se présentant en rupture avec la gauche et la droite.

« Après 2007, il ne se passait rien. Toutes les personnes au niveau étaient en cabinet. La réflexion, c’était en réunion de cabinet, pas dans le parti », confirme un ancien membre d’un cabinet ministériel. Qu’a apporté la convention laïcité à part dire “on va faire une loi sur la burqa” ? Le but était médiatique. Les équipes de Copé n’étaient pas au niveau. »

Maël de Calan, Enguerrand Delannoy, Matthieu Schlesinger, les fondateurs de la Boîte à idées.Maël de Calan, Enguerrand Delannoy, Matthieu Schlesinger, les fondateurs de la Boîte à idées. © dr

Selon Maël de Calan, cette refonte est tout aussi difficile dans l’opposition, parce que « les bons éléments ne vont pas dans le parti mais partent dans le privé ou les fondations » et parce qu’« il faut exister, faire l’actualité, être dans le buzz »Pour l’élu, la droite est face à « un problème de méthode » : « L’UMP reproduit ce que le PS a fait entre 2002 et 2012, une critique systématique du gouvernement, sans expertise documentée. On n’a pas compris que l’opposition était un moment où l’on se prépare non pas à la conquête du pouvoir, mais au pouvoir. Le problème est moins 2017 que ce qu’on fait comme politique entre 2017 et 2022. Si vous ne préparez pas l’exercice du pouvoir, c’est la catastrophe », ajoute-t-il en citant en référence la réforme des universités qui fut « la plus discutée et préparée pendant la construction du projet » et qui a été « bien menée et rapidement », dès l’été 2007.

Un autre élément clé explique l'absence de réflexion programmatique : le retour de lignes de fracture difficiles à réconcilier au sein de l’UMP. C’est d’ailleurs le problème numéro un de la droite, pour cet ancien conseiller élyséen qui travaille aujourd’hui pour plusieurs prétendants. « Il y a une grande fracture entre une approche fortement réformatrice et une approche chiraco-souverainiste, interventionniste, gaulliste, telle que la porte Guaino. Sarkozy avait réconcilié ses deux hémisphères en 2007, mais personne n’incarne cette synthèse aujourd’hui », explique-t-il en redoutant, comme d'autres, un « retour à trois droites » : « centriste, rassemblée essentiellement à l’UDI ; protectionniste, souverainiste, pompidolienne ; conservatrice, notamment dans les sujets sociétaux, comme le mariage pour tous ».

Responsable des documents de campagne de Chirac en 2002, et proche conseiller de François Baroin, Stéphane Juvigny identifie lui une fracture « sur les valeurs ». « Les clivages classiques sont réapparus car Sarkozy a fait revenir à l’UMP une frange antigaulliste, comme Michèle Tabarot ou Patrick Buisson. On assiste à une résurgence du conflit de la guerre d’Algérie. » « À droite, on n’est pas divisés sur le programme mais sur les valeurs, plus qu’à gauche », note aussi un membre de l’équipe de Bruno Le Maire.

« Qu’est-ce qu’être de droite aujourd’hui ? Il faut définir nos valeurs », estime Sébastien Pilard, président de Sens commun, un mouvement associé à l’UMP et créé en décembre par d'ex-figures de La Manif pour tous. Ce trentenaire directeur d'une PME dans l'Ouest veut « réconcilier l'UMP avec la réalité du peuple » et défend deux piliers, la famille et l’entreprise. « La famille est en destruction aujourd’hui, il faut arrêter d’avoir un programme sociétal qui est celui de la gauche avec quelques années de retard. Et il faut revenir à une politique plus libérale, tout en refusant la financiarisation de l’économie. »

D’autres estiment que la fracture s’est déplacée entre « la realpolitik dans un monde globalisé » que mèneraient le PS et l’UMP d’un côté, et « le protectionnisme et le souverainisme » que défendraient les partis d’extrême droite et d’extrême gauche de l’autre. « En dehors du souverainiste Henri Guaino, il y a peu de différence entre les uns et les autres à l’UMP. Il est improbable que la droite aille sur un positionnement eurosceptique, alors qu’une partie de son électorat l’est », note Nelly Garnier.

Le politologue Dominique Reynié estime que l'UMP a manqué une fenêtre de tir sur la fiscalité depuis 2012 : « Elle n'a pas rempli son rôle de défense des entrepreneurs, elle a davantage investi dans l’opposition au mariage pour tous, laissant des collectifs protestataires (les Bonnets rouges, les pigeons, etc.) s'en charger. »

La direction transitoire de l'UMP: Alain Juppé, François Fillon, Luc Chatel et Jean-Pierre Raffarin le 10 juin au siège du partiLa direction transitoire de l'UMP: Alain Juppé, François Fillon, Luc Chatel et Jean-Pierre Raffarin le 10 juin au siège du parti © Reuters

« Comment régler la question des exclus de la mondialisation, des eurosceptiques, de cette frange de l’électorat qui va vers les populismes ? interroge Nelly Garnier. L’extrême droite a accompli une véritable rénovation sur l’économie pour tenter de devenir crédible. Les Français se posent des questions sur la capacité d’action du politique. Ils votent pour des personnalités volontaristes et charismatiques, comme Sarkozy, Mélenchon, Le Pen. Il faut convaincre cet électorat-là par la question de l’emploi, car sur celle de l’immigration, ils préféreront toujours l’original à la copie. »

Le positionnement à adopter par rapport au Front national, « c’est justement la question », estime Stéphane Juvigny, dont le mentor, François Baroin, s’oppose à la ligne Buisson. Et cette interrogation a beau être balayée par les ténors de l’UMP, elle empoisonne la droite depuis plusieurs années. « L’électorat de droite ne comprend pas la logique des dirigeants de l’UMP de refuser l’alliance avec le FN alors que la gauche fait alliance avec l’extrême gauche », admet-il.

Après l’échec de 2012, la stratégie de « droitisation » élaborée par Patrick Buisson a été mise en accusation par une grande partie de l’UMP. « La ligne Buisson a fait perdre Sarkozy. En 2007, le seul moment où il a flanché dans les sondages, c’est quand il a annoncé le ministère de l’identité nationale, car l’électorat FN préfère toujours l’original à la copie, se souvient Stéphane Juvigny. Les études du Cevipof l'ont montré, les électeurs qui ont basculé ont voté pour son bilan à l’intérieur en sécurité, pas sur l’immigration. » Pour Dominique Reynié aussi, « le seul chemin pour l’UMP est la voie centrale », d’autant que, selon le politologue, « la société ne se droitise pas au sens d’une radicalisation, mais dans le sens où de plus en plus de gens se situent à droite ».

« Combien de temps faudra-t-il pour solder l'héritage de Patrick Buisson? », interroge dans Le Figaro le trio de la Boîte à idées, qui veut « en finir avec la droite des valeurs ». Pourtant l’option d’un recentrage de l’UMP a également ses détracteurs. Une partie de l’UMP s’est élevée contre la proposition d’Alain Juppé, soutenue par NKM et Jean-Pierre Raffarin, d’une « plateforme commune » avec l'UDI et le MoDem. Le 25 juin, Rachida Dati, Henri Guaino, Guillaume Peltier et Laurent Wauquiez ont lancé, dans Valeurs actuelles, un appel pour « une révolution des valeurs » dans lequel ils refusent « une droite centriste » et prônent « une droite qui assume son identité »

L'appel lancé le 25 juin dans "Valeurs actuelles".L'appel lancé le 25 juin dans "Valeurs actuelles". © Twitter / @valeurs

Par ailleurs, la majorité de l’UMP veut conserver un discours « ferme » et craint de laisser un trop grand espace à Marine Le Pen. « Face au FN, il y a deux techniques, résume cet ancien conseiller de l’Élysée. Soit vous adoptez une approche droit-de-l’hommiste qui dit “il n’y a pas de problème”; soit vous abordez le problème. On a du mal à avoir un discours clair là-dessus à droite. »

« Tout le discours porté par Marine Le Pen est un discours de terre brûlée. Si vous allez sur des thèmes qu’elle a touchés, comme l’immigration ou l’aide médicale d’État (AME), on vous accuse de faire le jeu de l’extrême droite, regrette Olivier Bogillot, qui s'alarme d'un FN à 20 %. On n’ose plus aller sur ces sujets, on finit par avoir peur de dire la vérité, Le Pen en joue. Ce désert avance, il est de la responsabilité de la droite de le repousser. »

« Nicolas Sarkozy a proposé en 2012 le Small Business Act, une refonte de Schengen, mais il n’a pas été suffisamment audible ou écouté, il n’a pas eu le temps de faire de la pédagogie autour de ces propositions », ajoute Olivier Bogillot. Mais selon lui, « ce sont les mots qui sont à réinventer, il faut une idéologie plus fine ». Plus fine par exemple que le discours de Grenoble ou que les termes ultra-droitiers employés par une frange entière de l’UMP pendant le quinquennat.

« Droitisation » ou « recentrage », beaucoup jugent cette lecture comme un « logiciel périmé » qu'ils veulent « casser ». « On pense que le FN a fait un score élevé d’abord parce que les Français ont des problèmes économiques et sociaux », explique Maël de Calan pour qui « le débat sur la ligne n’a pas de sens » : « On fera refluer le FN quand on fera refluer le chômage et donc quand on changera de politique économique. On voit l’UMP comme une armée avec deux ailes, mais une majorité au milieu qui est un socle commun qu'il faut faire vivre. »

« Le FN devient autant un problème pour la gauche que pour la droite car il siphonne son électorat populaire », estime un ancien de l’Élysée, qui s’inquiète aussi de la diffusion d’un « sentiment qu’on berne les électeurs dans la campagne. Il y a un vrai problème de crédibilité de la classe politique dans la mise en œuvre ».

Cette question est au cœur de la réflexion de plusieurs têtes pensantes de la droite, soucieuses de ne pas reproduire les erreurs de leurs aînés. « Le corpus à idées n’a pas changé depuis 2007, la question c’est comment on le met en œuvre au pouvoir et comment redevenir crédible », estime Nelly Garnier. « Il faut arriver avec des idées et la garantie de les mettre en œuvre, sinon l'échec est au rendez-vous », insiste aussi Olivier Bogillot, qui souligne que « le quinquennat a modifié les choses » : « Quand le président arrive avec un programme mais une faible préparation idéologique, il perd du temps, c’est impardonnable. François Hollande avait un programme de 60 points mais aucun texte prêt. »

Nicolas Sarkozy à la sortie d'un restaurant à Paris, le 2 juillet.Nicolas Sarkozy à la sortie d'un restaurant à Paris, le 2 juillet. © Reuters

« Tout ce travail de ressources humaines se fait maintenant, les municipales ont été un premier appel d’air », rapporte un jeune élu de l’UMP. Ce travail ne pourra de toute façon véritablement commencer qu’après le congrès de l’automne qui élira un nouveau président. « Par ailleurs, on a un problème financier, pour avoir des permanents qui coordonnent ce travail sur les idées, il faut avoir un peu d’argent », précise la députée Laure de la Raudière. L'audit financier du parti présenté le 8 juillet a révélé une dette de 74,5 millions d'euros. « Avec un tel niveau d'endettement, on devrait se déclarer en cessation de paiement et tout recommencer », soupire une élue UMP.

BOITE NOIREPremier volet de notre série sur la recomposition idéologique à droite, pour laquelle avons rencontré une vingtaine de personnes : d'anciens membres de la direction des études ayant préparé la campagne victorieuse de 2007, d'ex-conseillers de Nicolas Sarkozy à l'Élysée (deux d'entre eux ne peuvent apparaître sous leur nom étant donné leur fonction actuelle), de hauts fonctionnaires travaillant sur le projet de la droite, de jeunes élus engagés dans des groupes de réflexion, les entourages des principaux prétendants, des membres de fondations.

Emmanuelle Mignon, directrice des études de l'UMP (2004-2007), directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy à l'Élysée (2007-2008), rédactrice de ses projets de 2007 et 2012, nous a accordé un entretien de deux heures.

Contacté, Marc Vannesson, directeur des études de l'UMP, nous a répondu qu'il n'était « pas habilité à parler avec la presse »Sollicités sur le sujet des idées, Laurent Wauquiez et Xavier Bertrand n'ont pas donné suite, non plus que Laurent Bigorgne, directeur de l'institut Montaigne.

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