Élus il y a un mois, les maires frontistes veulent faire oublier les échecs de gestion des villes gagnées par le Front national en 1995. L’objectif : crédibiliser le parti d’ici 2017 en se présentant en bons gestionnaires, désarmer leurs détracteurs en jouant l’apaisement. Depuis leur victoire, ils promettent de « travailler avec tout le monde », dans le « consensus » et répètent qu’il n’y aura « pas de chasse aux sorcières ». Nombre de leurs opposants, que Mediapart a contactés, y voient une stratégie d’installation mais notent déjà des sorties de route.
« Ils ne feront rien d'ici 2017. Leur stratégie est d'utiliser ces territoires pour montrer que quand le FN est au pouvoir, il n'y a ni événement ni contestation. Ils vont essayer de faire une gestion à la papa et laisser le champ du symbolique à Marine Le Pen », explique à Mediapart Elsa Di Méo, secrétaire nationale du PS et conseillère régionale de Paca, qui crée dans son parti une cellule de veille sur les 14 villes tenues par l'extrême droite (en comptant Orange et Bollène).
Pendant ce premier mois, les nouveaux maires ont dû préparer le budget et composer leurs cabinets. Douze directeurs de cabinet, douze directeurs généraux des services, douze directeurs de police municipale : pour le Front national, en manque de cadres compétents et expérimentés, la tâche est difficile.
En s’abritant derrière leur promesse d'économies budgétaires et de rationalisation des subventions, ils se sont attaqués à certaines associations ou se sont opposés à la construction de mosquées. Certains ont déjà pris des mesures très politiques. Inventaire des premières nominations et décisions dans les douze villes FN – ou soutenues par lui (lire notre boîte noire).
- HÉNIN-BEAUMONT (Pas-de-Calais)
« Non, demain, il n’y aura pas de miradors installés à Hénin-Beaumont ! », avait ironisé Steeve Briois, secrétaire général du FN devenu le maire d'Hénin-Beaumont. Plusieurs épisodes ont pourtant créé la polémique dans cette ancienne cité minière de 26 000 habitants. D’abord l’atmosphère assez lourde pour les employés communaux, dont beaucoup n’ont pas caché leur inquiétude, comme l’a raconté France Info. Le Lab a rapporté cette phrase d'une employée municipale sympathisante FN, lancée à un collègue « issu de la diversité » : « Tu es sur la liste de Schindler, tu vas bientôt prendre le train. »
Lors du premier conseil municipal, pourtant public, des militants de l’opposition, mais aussi le blogueur local Octave Nitkowski, ont été refoulés. Selon eux, la salle était remplie de frontistes, venus parfois de loin.
Le FN a nié toute responsabilité et rejeté la faute sur la préfecture. Des élus de l’opposition ont réagi, comme Marine Tondelier (EELV) :
Sur le volet culturel, « pas question d’avoir des positions dogmatiques ou idéologiques », « il n’y aura aucune stigmatisation, aucune chasse aux sorcières ! », avait promis Steeve Briois. L’une des premières annonces du maire fut pourtant de mettre fin à la subvention et à l'usage gratuit d'un local municipal pour la Ligue des droits de l'Homme (LDH), à qui il réclame désormais 36 000 euros de loyers rétroactifs. Le motif ? « La Ligue des droits de l'Homme est une association politisée. Elle n'a eu de cesse pendant la campagne électorale de dire tout le mal qu'elle pensait de nous », a-t-il justifié à France Info.
« L’incident illustre la conception qu’a le Front national de la confrontation d’idées », ont dénoncé la LDH, SOS Racisme, le Mrap et la Licra dans un communiqué commun. En conseil municipal, l'écologiste Marine Tondelier a dénoncé un choix « politique et délibéré » maquillé en décision « strictement juridique » contre un « contre-pouvoir ».
L'autre polémique est venue de l’adjoint FN à la culture, qui a accusé sur Twitter les figurants du clip de Yannick Noah de « cabotiner comme des sagouins ». L'édile frontiste a aussi donné dans le symbole. Il s’est débarrassé du géant de la commune dans le hall de l'hôtel de ville, à cause de sa ressemblance avec Gérard Dalongeville, l'ancien maire condamné pour détournement de fonds publics ; il a fait ériger des drapeaux tricolores sur le fronton et fait chanter la Marseillaise à chaque conseil municipal.
Attendu sur le volet financier dans cette commune extrêmement endettée, Steeve Briois a annoncé un « vaste plan d'économies ». Mais il a pour l'instant décidé de baisser le montant de la taxe d'habitation de 10 %, contre l'avis de la Cour des comptes, et choisi deux collaborateurs au lieu d’un à son cabinet.
Dans le monde culturel et associatif, certains pôles de résistance se sont formés. Un blog citoyen, « Vigilance Hénin-Beaumont », a été créé. Le traditionnel tournoi du Hénin Bridge-club a été boycotté par une partie des participants. La ville allemande jumelée depuis 60 ans avec Hénin-Beaumont réfléchit à suspendre son partenariat.
Dans la ville des hauts-fourneaux d’ArcelorMittal, Fabien Engelmann, 34 ans, plombier passé par Lutte ouvrière, le NPA et la CGT, a appliqué la méthode Steeve Briois pour l’emporter : un quadrillage du terrain, la carte de l’« enfant du pays », des accents de gauche. Au lendemain de sa victoire, il a montré qu'il était surtout un militant anti-islam, avec la publication de son autobiographie, véritable réquisitoire contre l'islam et apologie du colonialisme, édité et préfacé par Riposte laïque, mouvement anti-islam.
Liant islam et immigration, il y dénonce « l’idéologie mahométane », « sectaire » et « dangereu(se) pour la démocratie, pour les droits des femmes et pour nos libertés individuelles » et fustige « la nouvelle immigration » dont « trop viennent bien souvent pour profiter des aides sociales sans travailler et pour imposer une idéologie religieuse "moyenâgeuse" ». « L’islam me fait peur, pour le respect du droit de la femme, des minorités... J’ai lu le Coran et ce livre me fait peur », a-t-il expliqué à l’AFP.
Il dresse un portrait d'une ville croulant sous l'insécurité : vols « par des Roms ou des Kosovars », des « groupes de personnes droguées et alcoolisées » traînant dans les rues, « mendicité agressive », « racailles », « cambriolages permanents ». Dans son livre, il se réjouit du « changement radical d'attitude de la part de jeunes racailles maghrébines et turques », des « mauviettes » qui désormais « baissent la tête » en comprenant, dit-il, que « le rapport de force (a) changé ».
Très proche des mouvements Riposte laïque et Résistance républicaine, il avait annoncé sa participation aux « Assises internationales contre l'islamisation », organisées par Riposte laïque et le Bloc identitaire, en décembre 2010 à Paris. Le 9 mars dernier, il était aussi à leur manifestation pour « la rémigration ».
Son arrivée à la tête de la ville a déjà provoqué la suspension du jumelage avec une ville belge dont le maire explique ne pas « partager les mêmes valeurs ». À Hayange, un comité de vigilance républicain est en train de se mettre en place, en réseau avec d'autres villes passées au FN. Sur Facebook, plusieurs groupes recensent les décisions de Fabien Engelmann, « Hayange en résistance », crée par l'association « Plus belle Hayange », qui découle de la liste divers gauche, et « Hayange Unité-Résistance » du Parti ouvrier indépendant.
- VILLERS-COTTERÊTS (Aisne)
Dans cette ville de 10 000 habitants du sud de la Picardie, l'élection du nouveau maire Franck Briffaut ne s’est pas faite dans la sérénité : elle a mis dans la rue une cinquantaine de jeunes et fait l’objet d’un recours administratif. Cet adhérent au FN depuis 1977, patron de la fédération de l’Aisne et ancien sous-officier parachutiste, a déjà annoncé, qu’« il y a deux-trois (associations) pour lesquelles il faudra remettre les pendules à l'heure ». Il se refuse aussi à accorder des subventions à la CGT et à la fédération de parents d'élèves FCPE (classée à gauche).
Il a surtout créé la polémique en refusant de célébrer la journée commémorative de l'abolition de l'esclavage, le 10 mai, « une autoculpabilisation à la mode », estime-t-il (voir la vidéo). La décision est symbolique dans cette ville où est mort le général Dumas, né esclave à Saint-Domingue et père de l'écrivain Alexandre Dumas. Plusieurs associations d'outre-mer et de lutte contre le racisme ont dénoncé des propos « dangereux », « antirépublicains » et qui « portent en eux le germe de la division ».
- MANTES-LA-VILLE (Yvelines)
Un mois après la victoire du FN, cette ville qui était à gauche depuis la Libération est déjà sous tension. La communauté musulmane y a été ciblée à plusieurs reprises, comme Mediapart l'a raconté : terrine de porc moisie dans la boîte aux lettres, courrier islamophobe reçu, agressions verbales de croyants. L'Association des musulmans de Mantes sud (AMMS) s'apprête à déposer une troisième plainte contre X pour provocation non publique à la discrimination en raison de la religion. Son président explique à Mediapart que la victoire du FN a « libéré la parole raciste ».
Derrière ces tensions, le projet d'installation de la nouvelle salle de prière, qui doit remplacer l'ancienne, pas aux normes. Le nouveau maire, Cyril Nauth, s'oppose à ce projet, qui avait été accepté par l'ancienne municipalité socialiste. Il affirme pourtant à Mediapart faire « le choix d'éviter le symbolique et l'idéologique » dans sa gestion.
S'il s'imaginait déjà supprimer la subvention allouée à la Ligue des droits de l’Homme, une « organisation qui n’a pas d’autre but que de lutter contre le FN », il a finalement opté pour une baisse généralisée de plus de 20 % des subventions aux associations. « Je n'ai pas une haute estime de cette association, mais je ne veux pas passer pour le sectaire de service », nous explique-t-il. Surtout après le tollé suscité à Hénin-Beaumont.
L'opposition lui reproche en revanche d'avoir « doublé » le salaire du directeur de cabinet, Nicolas Boher, élu FN d'Élancourt, et d'avoir supprimé l'option « Ne prend pas part au vote » dans le règlement intérieur du conseil municipal. Les habitants ont aussi eu la surprise de voir le public du conseil municipal limité aux 20 places assises et l'entrée contrôlée par deux policiers de la ville. « On avait l'habitude d'ouvrir largement le conseil municipal, là le public a été frustré. Quand on est arrivés, cinq personnes du FN étaient déjà installées », rapporte à Mediapart l'ex-maire PS Monique Brochot.
Par ailleurs, le 27 avril, lors de la journée nationale de la déportation, le maire a refusé que l'opposition dépose une gerbe. « Il m'a répondu que c'était une cérémonie "œcuménique et consensuelle" et qu'il n'y avait que le maire qui déposait une gerbe », raconte Monique Brochot. À Mantes, certains élus et responsables associatifs ont noté un « changement de climat », des « tensions » et des « inquiétudes » par rapport à l'arrivée du FN. Un comité “de vigilance et d'action contre le Front national” se met en place, composé d'élus Front de gauche et PS, et d'une dizaine d'associations.
- BÉZIERS (Hérault), ville soutenue par le FN
Paradoxalement, c’est Robert Ménard – soutenu par le FN mais se présentant comme sans étiquette – qui est allé le plus loin, à l’extrême droite, pour composer son cabinet à Béziers (71 000 habitants). Lui qui voulait « dépolitiser les embauches » a recruté deux ultras à la tête de son cabinet : André-Yves Beck, directeur de communication et idéologue de Jacques Bompard pendant 19 ans, passé par deux anciens groupuscules d’extrême droite très radicaux, Troisième voie et Nouvelle Résistance ; Christophe Pacotte, qui figure encore dans l’organigramme du bureau directeur du Bloc identitaire, avec qui Marine Le Pen refuse officiellement toute alliance (lire notre article).
Son opposant socialiste Jean-Michel Du Plaa dénonce une décision « contradictoire avec le style de sa campagne ». Car si Beck figurait déjà dans les coulisses de la campagne, où « il organisait les porte-à-porte et le service d'ordre », explique Du Plaa à Mediapart, Robert Ménard avait affirmé qu'il était seulement « en visite ». Un second membre du Bloc identitaire était présent dans son équipe, Arnaud Naudin.
Le 25 avril, le nouveau maire a annoncé que Béziers quitterait l’agglomération s'il n'obtenait pas la 1re vice-présidence, ce lundi. Il sait pourtant que la décision de changement d’agglomération ne lui appartient pas… Selon Jean-Michel Du Plaa, « il était furieux de ne pas avoir gagné la présidence de l'agglo le 17 avril. Il a reproché aux élus de l'opposition d'avoir "voté contre Béziers" ».
Dès sa victoire, Robert Ménard a débarqué le directeur de la police municipale, et annoncé des mesures sécuritaires : recruter dix policiers municipaux, avec l’objectif de « doubler les effectifs » ; armer les agents et élargir « considérablement » leurs horaires d’intervention ; appliquer « avec plus de sévérité et d’humanité l’arrêté réprimant la mendicité dite agressive » ; mettre en place un « arrêté » – que ses adversaires considèrent comme un « couvre-feu » – pour ne plus voir des « enfants qui traînent dans la rue la nuit ».
Alors que le Trésor public a placé Béziers dans son réseau d'alerte, Robert Ménard a annoncé une baisse de 4 % des taux d'imposition des taxes directes, dénoncée par l’opposition qui s’inquiète de la perte de 2 millions d’euros de recettes. Il a aussi proposé des mesures symboliques : une baisse de 30 % des indemnités des élus municipaux ; la diminution « dans un premier temps » de la moitié du parc automobile de service ; le retour du blason historique de la Ville sur les documents officiels ; l'interdiction des repas halal dans les cantines (qui n'existent pourtant pas dans les villes gérées par le FN).
Des « effets de communication », dénoncent ses opposants, qui lui ont rappelé que plusieurs délibérations n'avaient pas été faites dans les règles et auraient pu être retoquées par le tribunal administratif. Un élu de droite joint par Mediapart s'inquiète lui des décisions à venir « sur le plan économique et culturel » et des réticences éventuelles des investisseurs à venir à Béziers : « Ils ne savent pas comment ça va évoluer, ils craignent des tensions sociales. »
L'arrivée de Robert Ménard ne s’est en tout cas pas faite sans heurt. Lors de son intronisation, la séance a été houleuse. Le doyen (Front de gauche) de l’assemblée a récité le Chant des partisans, pendant qu'une partie du public criait « Résistance ! Résistance ! », et que quelques « non au facho » s’échappaient. Deux présidents de clubs de rugby (Mohed Altrad à Montpellier et Mourad Boudjellal à Toulon) refusent désormais que leurs équipes jouent à Béziers. Le second a déjà annulé un match amical pour « faire comprendre aux Biterrois qu’ils ont fait un choix qui est de voter FN et que nous on en a fait un autre qui est de ne pas déplacer une équipe multiraciale comme celle que j’ai construite à Toulon dans une ville qui vote FN ».
À Fréjus (53 000 habitants), le jeune apparatchik David Rachline (26 ans dont déjà 12 passés au FN) a multiplié les déclarations d'apaisement. Il a pourtant commencé son mandat en interdisant sa première conférence de presse à un journaliste de l’Express qui avait rappelé des éléments sulfureux de son passé : son passage au mouvement d'Alain Soral, sa collaboration à un livre d'entretiens de « jeunes nationalistes » en 2008, sa photo en 2006 avec un responsable de la Phalange espagnole, mouvement fascisant. Le nouveau maire n'a pas davantage aimé la vidéo du Point le montrant, en 2012, en train de plaisanter avec son chauffeur sur le « Führer ».
Ces derniers mois, le leader des identitaires niçois Philippe Vardon, dont Marine Le Pen a refusé l'adhésion au FN, a soutenu Rachline. Il était d'ailleurs à Fréjus pour fêter sa victoire. Le premier conseil municipal a lui été ponctué de « La France aux Français », « On est chez nous ! », et un « Mets tes babouches et rentre à la Gabelle ! (quartier populaire où la mosquée est construction, ndlr) » lancé à un élu UMP.
Selon son rival UMP Philippe Mougin, David Rachline « n'a pas encore pris de mesures politiques, il ne veut pas renouveler l'expérience de Toulon (en 1995, ndlr), mais montrer qu'il sait gérer et faire de Fréjus un laboratoire. Pour l'instant, il prend ses marques, il va installer une administration qui lui est dévouée, rien de déterminant ne se passera avant septembre ».
Le maire frontiste a tout de même pris deux mesures symboliques : il a retiré le drapeau européen du fronton de l’hôtel de ville et refusé d'intégrer des élus d'autres partis au sein du champ protocolaire lors de l'hommage à un résistant assassiné par la Gestapo, provoquant le boycott de l'association des anciens combattants résistants de France (ANACR). Le PS a dénoncé une « position antirépublicaine ».
Dans son budget 2014, Rachline prévoit de baisser les subventions aux associations de 1,2 million d'euros. Si tous les secteurs vont devoir se serrer la ceinture dans la cinquième ville la plus endettée de France (145 millions d’euros), la police municipale et la vidéosurveillance devraient voir leurs crédits augmenter. L’édile jure de « mettre fin aux salaires de complaisance » et de diminuer « d'au moins 20 % » les rémunérations au sein du cabinet par rapport à celles de ses prédécesseurs.
Le nouveau maire est surtout attendu sur le dossier de la construction de la mosquée (sans financement public), dont les travaux ont commencé. Le frontiste en avait fait un thème de campagne en évoquant un financement avec « des fonds étrangers, d’un certain nombre de pays du Golfe » et en laissant croire qu'un minaret serait construit (voir la vidéo). Depuis, il explique qu'il a demandé « des éclaircissements sur le financement, la modération des prêches, la taille de la mosquée et les questions pratiques de stationnement ».
Pour piloter son cabinet, David Rachline a choisi deux collaborateurs issus des Hauts-de-Seine : l’ancien candidat FN d’Avignon Philippe Lottiaux, qui fut le directeur général des services de Balkany à Levallois, commune la plus endettée de France ; et l'un de ses proches, Julien Jouniaux, 29 ans, surveillant de prison de la maison d'arrêt de Nanterre.
Dans ces deux petites villes varoises, les maires FN ont provoqué un tollé en augmentant leurs indemnités de 15 et 14,72 %. « Quelle honte ! Une fois élues, les équipes FN s'en mettent plein les poches », a dénoncé la socialiste Elsa Di Méo. « C'est plus symbolique que financier », s’est défendu le maire du Luc, qui a aussi augmenté ses adjoints, en expliquant : « Les adjoints touchent quand même moins qu'un étranger venant prendre sa retraite en France sans jamais y avoir travaillé. »
Dans un communiqué, le maire de Cogolin évoque lui une augmentation « mécanique » due au passage de sa ville dans une tranche de plus de 10 000 habitants, et affirme avoir renoncé à sa voiture de fonction. Son premier adjoint – par ailleurs policier municipal à Cannes – a aussi fait parler de lui : il serait visé, d’après Nice-Matin, par une plainte pour violence.
Dans le département, plusieurs initiatives ont été lancées face au FN. Elsa Di Méo a créé l’association « Forum Républicain » pour « remettre les digues républicaines » et « combattre le mensonge permanent ». La Ligue des droits de l’Homme (LDH) de Fréjus-Saint-Raphaël monte un « observatoire de la démocratie locale » pour « se mettre en réseau avec des associations d’autres communes devenues Front national ».
« Ça y est, on est en zone libre! », a crié un frontiste dans les couloirs du premier conseil municipal. À Beaucaire, 16 000 habitants, la victoire de Julien Sanchez, 30 ans dont la moitié passée au FN, a suscité des remous : deux voitures et des poubelles brûlées le soir de l'élection, la suspension du jumelage par une commune belge le lendemain et le retrait du réputé festival électro qui se tient dans les arènes.
Plusieurs associations ont renoncé aux subventions de la ville, comme la Ligue de l'enseignement (26 000 euros) et les Têtes à clap (15 000 euros), qui a aussi transféré son festival de cinéma à Tarascon. La ministre de la culture a d'ailleurs exprimé son inquiétude sur le devenir de la culture dans la ville. « Parfait, cela fera des économies pour une ville surendettée », a répondu à Libération le maire frontiste. Dans son budget, voté le 24 avril, il a augmenté deux associations de protection des animaux de 2 000 euros chacune. « On ne va pas couper dans les subventions des associations cette année, mais on évaluera pour donner à celles qui méritent l’an prochain », a-t-il prévenu.
Pour le reste, il annonce des mesures similaires aux autres mairies frontistes : baisse de la fiscalité, augmentation des effectifs de police municipale, qui travailleront « de nuit aux mêmes heures que la délinquance », suppression des « menus communautaires » dans les cantines (qui n'existent pourtant pas), interdiction des drapeaux étrangers à l'occasion des mariages.
Pas de rue débaptisée comme dans les villes frontistes des années 1990, mais il explique qu'il veut « vite redonner son caractère provençal à la ville en préemptant des locaux vides et en réservant des places de marché aux artisans et commerces traditionnels ». Dans son viseur : « les commerces communautaires » (comprendre les kebabs), « trop nombreux ». « Il tente de récupérer les symboles républicains, il pose à côté du buste de Marianne, chante la Marseillaise au conseil municipal, s'affiche avec un retraité présenté comme un ancien résistant », rapporte à Mediapart Claude Dubois, unique conseiller municipal de gauche.
À la tête de son cabinet, il a nommé l'un de ses proches, Yoann Gillet, qui était candidat à Nîmes. Holly Turchet, attachée parlementaire de Gilbert Collard, devient sa chef de cabinet.
Parmi les cinq artistes programmés au Pontet dans le cadre du festival off d'Avignon, trois se sont désistés après la victoire du frontiste Joris Hébrad, dont la pianiste reconnue Laure Favre-Kahn. Le programmateur a dû annuler la totalité des spectacles.
- CAMARET-SUR-AIGUES (Vaucluse), ville soutenue par le FN
À Camaret, le maire, Philippe de Beauregard, soutenu par le FN, a choisi de confier le poste de directeur de cabinet à Yann Baly, qui fut le secrétaire général de Chrétienté-Solidarité, mouvement catholique traditionaliste de l’ex-FN Bernard Antony.
- MARSEILLE 7e secteur (Bouches-du-Rhône)
Lors du premier conseil d'arrondissement de ce secteur de 150 000 habitants, Stéphane Ravier s'est fait chahuter par des manifestants brandissant des pancartes fluorescentes « À gauche contre le FN » et scandant des slogans antiracistes. Les forces de l'ordre ont dû intervenir pour interrompre un début de bagarre entre pro- et anti-FN. Le même jour, le nouveau maire devait célébrer un mariage gay, qu'il a délégué à un adjoint. Il a expliqué à La Provence qu'il considère les unions homosexuelles comme « pas naturelles, civilisationnelles ».
BOITE NOIREPourquoi suivre de près les villes gagnées par le Front national en mars ? Le FN, qui a remporté près de 18 % des suffrages au premier tour de l’élection présidentielle de 2012, fonde tout son discours sur l’échec de la gauche et de la droite au pouvoir depuis trente ans. Or, depuis les gestions catastrophiques des quatre villes frontistes de la fin des années 1990, on ne dispose pas d’exemples et de bilans du Front national au pouvoir.
Il ne s'agit pas dans cet article de dresser un "bilan" – au bout d'un mois ce serait absurde –, mais de rendre compte des premières nominations dans les cabinets et des premières décisions (concernant le budget notamment). Ne figurent pas dans cet inventaire les deux autres villes aux mains de l'extrême droite, Orange et Bollène, tenues par les Bompard depuis 1995 et 2008.
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