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A gauche du PS, on se maintient et on scrute Grenoble

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Allegro, ma non troppo, dans la gauche non-socialiste. Au soir du premier tour des municipales, marquée par une abstention en hausse et une percée du FN, le Front de gauche, PCF et Parti de gauche (PG), comme les écologistes, se satisfont de leurs résultats, signe d’une meilleure résistance à la démobilisation électorale dans leur camp. Mais face à la déroute électorale du PS et à la probable reconquête de la droite, chacun tire des leçons bien spécifiques d’un scrutin fixant un nouveau rapport de force interne après deux années sans élections. Dans la morosité ambiante d’une action gouvernementale durement sanctionnée dans les urnes locales, les attentes de bouleversement politique dans la majorité de gauche sont bien fragiles, tant celle-ci est désormais minoritaire dans le pays.

Seule Grenoble semble représenter un espoir d’alternative crédible au PS (lire notre reportage). Dans cette ville de 160 000 habitants, la liste emmenée par les écologistes et soutenue par le PG et des collectifs citoyens a devancé de quatre points le PS (29,4 % contre 25,3 %). Un petit séisme dans la cité iséroise tenue depuis 1995 par le rocardien Michel Destot, qui avait décidé de passer la main, tandis que les écolos ont su faire fructifier localement leur forte implantation et leur présence dans l’opposition municipale. « Tout ce que nous avions dit autour de la nécessité de réinventer la gauche est en train de s’incarner dans ce résultat, s’enthousiasme la n°2 de la liste, la PG Élisa Martin. Notre score est important pour la gauche, et je dirais même pour la France. »

Au meeting du « rassemblement citoyen » (EELV, PG, etc.), le 28 février.Au meeting du « rassemblement citoyen » (EELV, PG, etc.), le 28 février. © Mathieu Magnaudeix


Pour Éric Coquerel, le secrétaire national du PG aux relations unitaires, « Grenoble, et bien d’autres villes où nous passons les 10 ou les 15 %, montrent qu’il n’y a pas une gauche, mais la gauche gouvernementale et celle qui la conteste. À chaque fois que nous avons fait une campagne très autonome, ça donne des bons résultats ». Selon ce proche de Jean-Luc Mélenchon, « la leçon du scrutin est que le PS est en chute libre et qu’il y a un espace pour une majorité alternative. Avec une stratégie nationale d’alliance de ce type, nos résultats seraient encore plus évidents ». Cette main tendue aux écologistes a aussi pour intérêt de sortir le PG de son tête-à-tête avec le PCF, avec lequel les relations se sont considérablement refroidies durant la campagne municipale. Pour autant, ce désir d’EELV et de transposition nationale de l’exemple grenoblois est tempéré par les écologistes eux-mêmes.

Ainsi, pour David Cormand, secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) aux élections, « Grenoble profite surtout de l’implantation ancienne des écolos. Comme à Rennes ou Nantes, nous y améliorons des scores précédents déjà bons, surtout parce que nous proposons de bons programmes locaux ». Lui ne croit pas à la réalité d’une « opposition de gauche » sur le plan national : « Nos bons scores démontrent que dans un moment d’“abstention sanction”, notre participation gouvernementale est comprise, les électeurs voient bien qu’on n’avale pas toutes les couleuvres, même si on nous en sert beaucoup. À chaque fois que nous sommes opposés à une liste PG, nous finissons devant elle. Et à chaque fois que la liste est emmenée par un PG, le score n’est pas très élevé. » Avant le scrutin, un eurodéputé rappelait combien un rapprochement de type grenoblois pouvait être délicat : « Comment on ferait aux européennes avec Mélenchon, sur le fédéralisme, la décentralisation, la laïcité ou les langues régionales ? »

Chez les communistes, on se félicite surtout d’avoir bien contenu les offensives du PS dans les ceintures rouges francilienne et rhonalpine (même si Bobigny et le Blanc-Mesnil risquent de passer à droite). Désireux d’être au cœur d’un infléchissement du pouvoir vers la gauche, et donc soucieux de ne pas rompre les ponts avec le PS, les communistes espèrent désormais conserver un maximum d’élus au soir du second tour. « La droite est surmobilisée, alors que le PS s’effondre, soupire Marie-Pierre Vieu, dirigeante du PCF. Mais cet effondrement ne crée pas d’afflux de voix vers le reste de la gauche. Il ne suffit pas de délégitimer le PS pour améliorer nos résultats. Donc il faut discuter, pour parvenir à réorienter vraiment l’action gouvernementale. » Elle espère aussi que l’on « revienne à la matrice originelle du Front de gauche, en oubliant les divisions pour avancer ». Pour celle qui a recueilli 14,5 % à Tarbes (mais où le maire sortant UMP a été réélu au premier tour), le modèle de Grenoble, où le PCF est allié au PS, n’en est pas forcément un : « On ne peut pas théoriser sur la situation nationale à partir de deux ou trois exemples locaux. La vraie question, c’est comment on rassemble le plus largement possible. Pas certains ensemble contre d’autres ensemble, selon les endroits… »

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Marseille: Mennucci, devancé par le FN, appelle au rassemblement

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C’est une énorme claque pour Patrick Mennucci, 58 ans, qui avait fait le pari d’une campagne de projet pour reconquérir Marseille et proposer un nouveau souffle aux habitants. À la surprise générale, le candidat PS et EELV est devancé au premier tour des municipales par les listes du Front national menées par Stéphane Ravier, 44 ans, et du maire UMP sortant Jean-Claude Gaudin, 74 ans, qui se représente après dix-neuf ans de mandat. L'inamovible maire de Marseille, qui avait refusé tout débat avec le «candidat socialiste gouvernemental», obtient 37,64 % des voix, le candidat frontiste 23,16 %, et le député socialiste 20,77 %.

A la permanence, Patrick Mennucci est apparu sans ses têtes de liste, le 23 mars.A la permanence, Patrick Mennucci est apparu sans ses têtes de liste, le 23 mars. © LF

« C’est la cata », lâchent les rares militants qui osent se glisser parmi les journalistes au siège de la fédération PS des Bouches-du-Rhône, transformé en QG de campagne. « On voyait le FN haut, mais plus circonscrit dans les 13e et 14e arrondissements (où Stéphane Ravier est tête de liste, ndlr) », remarque un membre de l’équipe Mennucci. « Il va falloir analyser très finement les différences avec les sondages des derniers jours », note, sonné, Jean-Paul Giraud, ex-directeur de cabinet du président PS de la communauté urbaine.

Hors le score du FN, l’autre chiffre  marquant est celui de l’abstention : près d’un électeur marseillais sur deux ne s’est pas déplacé (46,47 %), un chiffre plus important qu’en 2008 (42 %) et qui atteint même 54 % dans les 2e et 3e arrondissements, au nord du Vieux-Port. « Ça fait trente ans que l’abstention progresse, ça veut dire que l’offre politique ne correspond pas aux attentes malgré la multiplication des listes », remarque Jacques Boulesteix, astrophysicien et candidat sur les listes PS. 

À 22 heures, le député PS Patrick Mennucci finit par prendre brièvement la parole. « Ce jour est un jour sombre pour la France. Dans plusieurs villes de notre pays, le Front national est en tête. Mais à Marseille, au-delà des apparences de chiffres, rien n'est joué. »

Des résultats catastrophiques dus, selon Patrick Mennucci, au contexte national. « On voit bien qu’il y a un désamour des Français pour le gouvernement, c’est clair, ça s’exprime dans tout le pays, dit-il. Dans toutes les villes, il y a une sanction et Marseille n’y a pas échappé. » Le député PS, arrivé derrière le candidat UMP dans sa mairie de secteur des 1er et 7e arrondissements, se dit convaincu « que le changement auquel aspirent les Marseillaises et les Marseillais ne peut passer par le Front national, ni par l'immobilisme de la municipalité sortante ». Il poursuit : « Les gens ont dit non à Hollande. Très bien, nous l’avons entendu, mais la semaine prochaine il faudra penser à la ville. »

Gaudin et Muselier lors d'un meeting en février 2014.Gaudin et Muselier lors d'un meeting en février 2014. © LF

Réélu dans son secteur des quartiers sud dès le premier tour (à 33 voix près), Jean-Claude Gaudin est apparu souriant vers 23 heures au rez-de-chaussée de l’hôtel de ville, entouré de nombreux policiers municipaux. « Les Marseillais ne veulent pas revenir en arrière ni dans le système socialiste, ni dans le clientélisme », s’est réjoui le sénateur, attribuant les scores du FN aux « fautes, échecs et mensonges du PS ».

L’UMP a fait ses comptes : « En 2008, le FN faisait 8 %, aujourd’hui 23 %, mais la droite ne perd que 4 points sur les 15 points de plus que le FN fait sur la ville, explique Maurice Battin, chef de cabinet de Jean-Claude Gaudin. Donc manifestement, c’est la gauche qui pâtit de la progression du FN. » « Et nous représentons le meilleur rempart contre le FN dans les 13e et 14e », s’amuse-t-il, en tournant ses pensées vers le maire sortant Garo Hovsepian, arrivé en troisième position.

Stéphane Ravier (FN) arrive en tête dans les 13e et 14e arrondissements avec 32,88 %, devant le candidat UMP Richard Miron, adjoint au maire Gaudin, qui fait un bon score avec 27,83 % des voix. Un territoire que l’élu FN laboure depuis quatorze ans, jouant à fond la carte locale. Dans ce fief socialiste, le choc est pour le maire PS de secteur sortant, Garo Hovsepian, un proche de la députée Sylvie Andrieux qui se retrouve relégué en troisième position, avec 21,66 % des suffrages.

Dans les 15e et 16e arrondissements, le candidat FN (27,59 %) talonne également de près la sénatrice PS Samia Ghali, maire de secteur sortante (31,71 %). Dans ces quartiers nord, l’abstention a dépassé les 50 % (50,72 % dans les 13e et 14e, et 53,20 % dans les 15e et 16e). Cette abstention était particulièrement visible au sein des grands ensembles, traditionnellement acquis à la gauche, et moins dans les noyaux villageois. « Le désarroi des gens est encore plus grand dans les cités », estime Marc Poggiale, élu Front de gauche. Dans les 15e et 16e, Jean-Marc Coppola, tête de liste du Front de gauche, fait 10,80% des voix. « L’électorat de François Hollande s’est senti trahi, nous expliquait-il dans l’après-midi. Beaucoup nous disent ne comptez pas sur nous pour aller voter PS au second tour, ce qui pose problème pour battre Gaudin. » 

À Marseille, on vote par secteur pour les 303 conseillers d’arrondissements, dont un tiers (101) atterriront au conseil municipal. La droite comme la gauche détiennent quatre des secteurs. Avec une majorité, de justesse (51 voix), au conseil municipal pour la droite. Il suffirait donc à la gauche de remporter un nouveau secteur pour changer cette majorité. Mais dans les deux secteurs clés que le PS espérait faire basculer à gauche, la déconvenue est également sévère. Dans les 4e et 5e arrondissements, la ministre PS Marie-Arlette Carlotti n’obtient que 24,66 % des voix, face au sénateur et maire de secteur sortant, Bruno Gilles (41,71 %), tandis que le FN est à 18,15 %. Difficile donc pour ce secteur de basculer à gauche au second tour d’autant que le Front de gauche et la liste citoyenne de Pape Diouf ne font que 7,71 % et 5,15 % des voix.

Dans les 11e et 12e arrondissements, malgré la candidature dissidente du maire de secteur sortant Robert Assante, Roland Blum, adjoint au maire de Gaudin arrive en tête (35,17 %) suivi du FN (25,85 %). Le candidat PS, Christophe Masse, n’arrive qu’en troisième position (16,63 %). Avec 13,43 % des voix, Robert Assante, ancien adjoint au maire, peut se maintenir au second tour.

Dans les quartiers nord, l'abstention dépasse les 50% (ici, Picon Busserine)Dans les quartiers nord, l'abstention dépasse les 50% (ici, Picon Busserine) © LF

La gauche se retrouve également avec une sérieuse épine dans le pied dans les 2e et 3e arrondissements (comprenant le quartier du Panier) où le président PS de la communauté urbaine Eugène Caselli n’arrive qu’en troisième position (17,46 %), derrière l’UMP Solange Biaggi (24,18 %) au coude à coude avec la liste PRG de la maire sortante Lisette Narducci (23,81 %). Il s’agit d’une ancienne socialiste, fidèle des fidèles de Jean-Noël Guérini, le patron PS du département, qui a préféré quitter le PS en 2012 pour affronter Patrick Mennucci aux législatives. Dès dimanche soir, Jean-Claude Gaudin s’est déjà dit prêt à négocier avec Mme Narducci qui « n'est pas socialiste ». « S’il n’y a pas de fusion entre Narducci et Caselli, Gaudin obtiendra facilement la majorité absolue, remarque le chercheur Joël Gombin. C’est Lisette Narducci, et donc Guérini, qui détiennent l’ampleur de la majorité de Gaudin... »

« On n’a peut-être pas fini de solder l’époque Guérini », soupire le directeur de cabinet de la magistrate Laurence Vichniesky, colistière de Mennucci. « Le message est clair : les Marseillais ont quand même signifié qu’ils en ont assez et veulent le changement », essaie de positiver Laurence Vichniesky qui estime qu’«on n’a peut-être pas assez bien défendu les propositions de Patrick Mennucci, qui sont très, trop peut-être, courageuses ».

Fêtant sa victoire dans une salle de réception derrière le stade Vélodrome, Stéphane Ravier a évoqué un « 21 avril marseillais qui va faire trembler la France » selon Le Monde. De son côté, Patrick Mennucci rappelle qu’il reste un second tour et appelle au rassemblement des « forces de gauche, les hommes et femmes de progrès, celles de la société civile et tous les républicains ». « En additionnant toutes les forces de la gauche, nous pouvons encore gagner », dit-il. Union qui semble en bonne voie avec le Front de gauche mené par Coppola mais sera plus compliquée avec les listes « citoyennes » de Pape Diouf qui, à son habitude, fait durer le suspense. « On va se réunir lundi après-midi avec nos 303 candidats pour décider de ce que nous faisons », indique l’élu EELV Sébastien Barles, l’une des têtes de liste. Pour l’écolo, les résultats marseillais « montrent l’agonie du système du PS qui a nourri le vote FN ». Pape Diouf, qui a fait 8 % dans les 13e et 14e arrondissements où il se présentait, a de son côté déclaré qu’il n’accepterait « ni compromis ni compromission ».

Patrick Mennucci et la conseillère régional Laurence Vichnievsky, sa future adjointe en cas de victoire.Patrick Mennucci et la conseillère régional Laurence Vichnievsky, sa future adjointe en cas de victoire. © LF

« L’enjeu, c’est notre capacité à convaincre qu’on a tourné la page et qu’on peut faire de la politique autrement, mais il y a encore une forme de résilience qui fait que certains voient en Patrick Mennucci un candidat clientéliste, ce qui est faux, regrette Pierre Orsatelli, l’un des fondateurs du collectif antiguériniste renouveau PS 13, qui a rejoint l’équipe Mennucci. Il ajoute : « Patrick Mennucci n’a pas été aidé par le PS, Jean-Noël Guérini est toujours membre du PS (alors que le patron du département, mis en examen à trois reprises, a soutenu des candidatures dissidentes, ndlr) et c’est quand même lui le grand vainqueur du premier tour. »

Patrick Mennucci a multiplié les engagements en matière de transparence et d’éthique, promettant par exemple de créer des commissions pour l’attribution des places en crèche et des logements, ainsi que de recruter un « magistrat de haut niveau », flanqué d’un conseil d’éthique, pour veiller au respect des règles. En cas de victoire, il a annoncé que la magistrate Laurence Vichnievsky, qui a instruit l’affaire Elf avec Eva Joly, serait sa première adjointe. Comme « un symbole d'intégrité ». Ce qui n’a pas empêché le PS de renouer avec les vieilles pratiques dans les quartiers nord, en faisant campagne à coups de barbecues et de promesses d’aides en bas des cités.

Mennucci, Coppola et Diouf ont jusqu’à 18 heures mardi pour éventuellement former des listes communes. « Il va y avoir du sang et des larmes chez les socialistes pour la constitution des listes », prédit une source PS qui espère « un sursaut républicain, notamment des abstentionnistes ». Avant de se raccrocher aux branches de l’histoire socialiste marseillaise : « En 1983, Defferre au premier tour, il était mort, et il a gagné au second  ! »

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MediaPorte : «Deux heures intenses sur BFM-TV»

Dans les quartiers nord de Marseille, des électeurs désabusés

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 Marseille, de notre envoyée spéciale

À 11 heures au bureau de vote de Campagne-Levêque (15e arrondissement de Marseille), une immense barre où a grandi l’élue PS Samia Ghali, c’est le calme plat : 11 % de participation. « C’est le désert, est-ce qu’ils boudent ? », se demande un assesseur. « Il y avait trop de listes (neuf sur ce secteur, ndlr), le gens sont perdus », estime la présidente du bureau de vote. Alissia, une militante PS de 18 ans, passe quelques coups de fil pour inciter des familles à venir voter Samia Ghali, la sénatrice PS et maire de secteur sortante. « On espère qu’elle sera élue dès le premier tour, parce qu’elle est proche de nous. »

Dans les 15e et 16e, Samia Ghali a fait une campagne en solo, sans reprendre sur ses affiches le logo et les slogans de Patrick Mennucci, son rival à la primaire. Elle n’a pas fait de meeting, préférant démarcher les habitants lors de visites sur le terrain.

La cité de Campagne-LevêqueLa cité de Campagne-Levêque © LF

Sans forcément convaincre. « Les gens en ont marre de la politique ici, nous, si nous sommes élus, nous reverserons l’intégralité de notre salaire », dit Ali, un chauffeur de taxi de 43 ans, candidat sur une liste « citoyenne » montée par le boxeur Cyril Abidi. « C’est bidon ce que tu fais », lui lance un militant PS. « Mais arrête, on est potes, c’était pendant la campagne qu’il fallait discuter, là c’est fini », lui répond Ali. Les deux hommes partent à l’extérieur s’expliquer.

À la cité Consolat dans le 15e arrondissement, la participation est tout aussi faible à la mi-journée. On croise plusieurs employés municipaux qui habitent le quartier et ont tout naturellement voté Gaudin (Arlette Fructus est la tête de liste de la liste UMP-UDI dans ce secteur). « La ville s’est beaucoup embellie, même s’il y a plus de délinquance ici que dans les quartiers sud, explique un couple de 37 ans et 32 ans, tous deux employés à la mairie. Et c’est une personne charismatique qui aime vraiment sa ville. »

Corinne, 52 ans, employée municipale, a elle aussi voté pour son patron bien qu’elle eût préféré un candidat « plus jeune ». Elle estime qu’avec « Marseille Provence 2013, la ville a changé de visage », mais qu’on ne peut pas en demander trop à la municipalité Gaudin car la ville est très endettée. « Il faudrait que les entreprises et le travail reviennent dans nos quartiers, se lamente-t-elle. Car on est obligés de payer toujours plus en taxe d’habitation. Moi je passe mon temps à payer. »

Magali*, 31 ans et employée à la ville comme vacataire, a quant à elle voté pour la première fois. Pour le Front de gauche. « La politique, je pensais que ce n’était pas important », explique-t-elle. C’est un boulot dans un centre social des quartiers nord qui lui a « ouvert les yeux sur le fait qu’on a notre mot à dire ». Rachid, 45 ans, n’a, lui, qu’une préoccupation, le bidonville de Ruisseau Mirabeau où vivent une vingtaine de familles roms, juste en face de sa cité SNCF. « Ils ont enlevé les tuyaux de gaz de l’immeuble, ils chient partout, écoutent la radio jusqu’à 3 heures du matin et on ne peut plus dormir », raconte cet employé d’une société de sécurité. Il a voté Samia Ghali, car elle « est du quartier et comprend bien les gens ». Une troupe de jeunes filles ressort en riant. « Moi, je n’y comprends rien à la politique, c’est ma mère (qui tient le bureau de vote, ndlr) qui m’a dit : "Il faut voter pour untel" », lance une jeune fille de 22 ans.

Une retraitée de 68 ans ne veut pas dire pour qui elle a voté. Mais elle ne cache pas sa colère envers les élus, à qui elle n’a pas ouvert sa porte durant de la campagne. « Ce n’est pas huit jours avant les votes qu’on vient s’inquiéter de ce qui se passe chez les gens », balaie-t-elle. Son mari, 74 ans, un ex-routier issu d’une famille d’immigrés italiens, dit ne plus reconnaître son quartier. « Nos filles sont parties car elles ne s’y sentent pas bien. » « Ici, on n’a que du cosmétique, ils font un petit stade de foot en synthétique avant les élections, dit une jeune mère de famille. Mais pour les crèches, l’emploi des jeunes, le quotidien, les transports, on a l’impression qu’ils laissent dépérir et s’autogérer le quartier. » Technico-commercial dans l’industrie pharmaceutique, elle n’habite plus Consolat, mais revient y voter « pour revoir les copines ».

La cité Consolat qui domine la rade de Marseille.La cité Consolat qui domine la rade de Marseille. © LF

Un groupe de travailleurs, la cinquantaine, bottes blanches aux pieds, ressort au pas de course de l’école primaire où on vote. « On a voté sur les questions de sécurité et de délinquance, Marseille n’est plus Marseille », lance une femme, pressée de retourner à la maison de retraite où elle travaille. « Quand on fait du social et que toutes les règles de savoir-vivre qu’on avait enfants sont foutues en l’air… Si le FN peut apporter des réponses, pourquoi pas ? » explique son collègue.

Un certain nombre d'électeurs refusent de nous répondre, traçant vite leur chemin vers leur voiture. Cette jeune fille de 33 ans, qui travaille pour une caisse de retraite complémentaire, elle, ne s’en cache pas : elle a voté pour Bernard Marandat, le candidat FN (et seul élu FN au conseil municipal depuis 2008) car « ils aideront à ce que le quartier n’empire pas ». « J’aime bien mon cadre de vie, je veux rester dans la cité, mais j’ai peur de sortir seule », dit-elle. Avant d’assurer que « sur l’immigration, on leur prête de fausses idées, basées sur le passé, mais ce ne sont pas des racistes ».

Ils sont aussi plusieurs à affirmer avoir voté pour Samia Ghali « pour du boulot, un logement ». « Ça fait la deuxième fois que je vote pour elle, mais je n’ai jamais rien eu, pourtant je suis un peu cousin avec elle », regrette Jamel, 54 ans, travailleur handicapé.

Les habitants des cités ont moins voté que ceux des noyaux villageois (ici à La Castellane)Les habitants des cités ont moins voté que ceux des noyaux villageois (ici à La Castellane) © LF

À la cité La Castellane, qui abrite un des plus gros trafics de cannabis de la région, un guetteur indique poliment les bureaux de vote installés dans l’école maternelle en contrebas de la cité. Il n’y a pas non plus foule. « Le désarroi des gens est encore plus grand dans les cités », estime Marc Poggiale, élu et candidat Front de gauche. Georges Chahine, candidat FDG et chauffeur de bus sur la ligne 53 qui dessert L’Estaque, le constate tous les jours dans son bus. « Samia Ghalia a tellement fait de promesses à tout le monde à des fins électoralistes en 2008 que la déception est immense, dit-il. Le PS continue à écrabouiller les gens. » « L’électorat de François Hollande s’est senti trahi, explique la tête de liste (FDG) Jean-Marc Coppola. Beaucoup nous disent "ne comptez pas sur nous pour aller voter PS au second tour", ce qui pose problème pour battre Gaudin. » 

Marie*, une femme de 37 ans, agent d’entretien, fait, elle, partie des 31,71 % d’électeurs qui ont voté pour la sénatrice PS. Elle habite La Castellane depuis une dizaine d’années, mais voudrait changer de cité à cause de ses plus jeunes enfants (8 et 12 ans) qui « ont un peu peur des chiens qui sont arrivés dans notre bloc ». « Si ça pouvait appuyer ma demande, même si je n’ai jamais rencontré Samia Ghali… », dit doucement cette mère de famille.

Christelle, 31 ans, au RSA, a elle aussi opté pour « Samia » qui a récemment tenu une réunion avec les parents d’élèves de La Castellane. « Elle a refait la route pour l’école et à chaque fois qu’on l’appelle pour des voitures brûlées, c’est elle qui s’en occupe et pas la mairie centrale dont c’est pourtant le rôle », apprécie cette mère de trois enfants. Avant de secouer la tête : « Ma petite de deux ans, elle crie "wé, wé, wé" comme les guetteurs quand ils voient arriver la police. »

Mamadou, 38 ans, salarié dans une entreprise de travaux acrobatiques, a fait une infidélité au PS pour voter Pape Diouf. Mais il n’est pas non plus très convaincu : «Je vote par devoir car je ne crois en personne, pas plus en Pape Diouf qu’en Samia Ghali. Pour trouver un emploi ici, il faut être pistonné. » En ressortant, on entend des adolescents en vélo crier « Arha, arha, ils sont là » au passage d’une Peugeot. Un grand sur son scooter vient jeter un œil. La voiture banalisée passe doucement avant de s’éloigner. Fausse alerte, pour cette fois. 

BOITE NOIRELes prénoms marqués d'un * ont été modifiés à la demande des intéressés qui souhaitaient demeurer anonymes.

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Recul du PS, surplace de l'UMP : la preuve par les chiffres

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La multitude des cas particuliers et des villes emblématiques empêche souvent de dégager les grandes tendances du premier tour, lors des élections municipales. Paris et Lyon avaient caché la forêt des échecs du PS en 2001, et cette année la victoire au premier tour de Steeve Briois à Hénin-Beaumont, de même que les scores du FN à Béziers ou Forbach, ont créé la sensation mais ne disent pas tout de cette élection locale de portée nationale.

Derrière l’événement majeur que constitue l’enracinement des candidats de Marine Le Pen, souvent inconnus quelques semaines avant le scrutin, d’autres fractures sautent aux yeux à l’analyse. Elles concernent l’ampleur du reflux des sortants socialistes, et la performance moyenne, ou médiocre, de l’UMP et de l’opposition parlementaire en général.

Nous avons analysé les glissements de voix de 2008 à 2014 dans environ soixante-dix villes de France, petites, moyennes ou grandes, réparties sur l’ensemble du territoire. Le recul du PS y est impressionnant, et n’est pas compensé à gauche par les performances des écologistes, du Parti de gauche ou du Front de gauche, qui résistent assez bien à ce qui ressemble à une vague brune, mais de manière ponctuelle et localisée, sans inverser la tendance au niveau national. 


LE PS ENTRE RECUL ET DÉROUTE

Mises bout à bout, dans les villes de notre échantillon, les pertes du PS donnent un certain vertige. Saint-Étienne : - 2 points ; Valence : -2 ; Reims : - 3,8 ; Annemasse : -6,3 ; Quimper : -8 ; Perpignan : -8,5 ; Colombes : -8,9 ; Aix-en-Provence : -9,4 ; Auxerre : -9,6…

Les affaissements supérieurs à dix points sont encore plus préoccupants pour la rue de Solférino :

Rodez : -10 ; Rennes : -11 ; Lille : -11 ; Dijon : -12 ; Strasbourg : -12 ; Mont-de-Marsan : -12 ; Clamart : -14 ; Chambéry : -14 ; Laval : -15 ; Angers : -15,5 ; Brignoles : -16 ; Caen : -17 ; Grenoble : -17 ; Tours -19...

Ce ne sont là que des exemples et ces pourcentages en baisse ne sont pas les plus marqués. Les plus spectaculaires concernent Liévin (-20), Nantes (-21, un chiffre à nuancer avec le bon score des écologistes qui dépassent les 14 %, et l’éparpillement des listes à gauche), Aulnay (-21), Orléans (-21), Limoges (-26), Roubaix (-27)...

 

LE SURPLACE DE LA DROITE PARLEMENTAIRE

La logique voudrait que les pertes socialistes se soient transformées en gain pour le principal parti d’opposition. C’est loin d’être le cas dans ce premier tour des élections municipales, et l’enthousiasme du président de l’UMP Jean-François Copé, dimanche soir, tenait plutôt de la méthode Coué que de la magie Copé.

Qu’on en juge avec ces comparatifs de 2008 à 2014, dans les mêmes villes que plus haut, en soulignant que les résultats de 2008 avaient été mauvais pour la droite parlementaire. On est donc parti du sous-sol pour ne pas aller très haut, voire pour descendre encore plus bas.

Dans les communes de notre échantillon, la droite classique, UMP le plus souvent, a gagné 11,6 points à Auxerre, 2,6 à Nancy, 13 à Nanterre, 10 à Chambéry, 14 à Rodez, 19 à Clamart, 10 à Rennes...

Mais dans la plupart de ces villes, il n’y avait pas de liste FN, et ceci explique cela. Ailleurs, plus le FN est fort, et plus l’UMP, ainsi que l’ensemble de la droite, piétine ou comptabilise des pertes.

À Roubaix, où le PS perd 27 points, l’UMP ne gagne qu’un peu plus de deux points, alors que le Front national en conquiert plus de 10. À Orléans 4,2 points (FN à 10), à Tours 0,4 (FN à 13), à Mulhouse 1,8 (FN à 21), à Clermont-Ferrand à peine 2 points de mieux (FN à 12,3), à Limoges où le PS perd le quart de son pourcentage l’UMP n’augmente le sien que de 3 points. À Lille, en dépit du reflux important de Martine Aubry, l’UMP ne dépasse pas son (mauvais) score de 2008 avec une "poussée" de 1,2 point, à Quimper aucune augmentation, à Aix-en-Provence la maire sortante Maryse Joissains avait le sentiment d’avoir renversé des montagnes après avoir gagné un peu plus de 3 points entre deux élections…

Et encore s’agit-il au moins de gains, certes faibles, mais de gains quand même. Que dire des pertes, qui sont les plus nombreuses : Montpellier : -3,4 (+8,6 pour le FN) ; Strasbourg : -1 (+10,9 pour le FN) ; Toulouse : -4,6 (FN +8) ; Nantes : -5 (FN +8) ; Dijon : -8 (FN +12) ; Bourges : -5 (FN +13) ; Perpignan : -9,3 (FN +21) ; Grenoble : -7,2 (FN +12) Brignoles : -19 (FN +37,5) ; Fréjus : droites à -26,3 (FN, +27,5) ; Carpentras : -17 (FN +12,5) ; Hayange : -20 (FN +30) ; Aubagne : -11 (FN +12)...

Il apparaît clairement que le score de la droite parlementaire est étroitement corrélé à celui du Front national dans les presque six cents villes où celui-ci a pu présenter des listes.

La leçon de ces chiffres est double.

Elle s’adresse à la gauche qui pourrait essuyer le revers le plus lourd de son histoire en matière d’élections locales, depuis plus de quarante ans. Cette gauche a un chef, qui siège à l’Élysée, et c’est à lui d’enregistrer le message, et d’y répondre au plus vite.

Mais les chiffres accablent tout autant l’état-major de la droite parlementaire. Ils démontrent à quel point la droitisation inspirée par le célèbre Patrick Buisson, et mise en place par le non moins fameux Nicolas Sarkozy (suivi par Jean-François Copé), a obtenu le contraire de ce qu’elle escomptait. Non seulement les électeurs ont rejeté l’ancien président en 2012, mais ils ont ressuscité le Front national dans la foulée, une extrême droite quasiment rayée de la carte en 2007 et 2008, et réimplantée six ans plus tard dans les conseils municipaux.

Tout le monde sait, depuis des lustres, que les Français préfèrent l’original à la copie, mais l’UMP court toujours. Au vu du premier tour, elle n'est pas près de le rattraper.

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Marseille: négociations entre l'équipe Gaudin et Narducci, une élue guériniste

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A Marseille, dans le deuxième secteur, l'équipe du maire sortant Jean-Claude Gaudin négocie depuis ce matin avec Lisette Narducci, la maire sortante et « candidate de cœur » de Jean-Noël Guérini, le patron PS du département, qui s'est présentée contre le PS sur une liste des Radicaux de gauche. « Les contacts ont été noués aujourd'hui, elle pourrait tout à fait occuper le poste de maire de secteur », indique Yves Moraine, porte-parole du candidat Gaudin, à la recherche d'une « majorité nette au conseil municipal et communautaire ».

Dans ce secteur, son rival de gauche, Eugène Caselli, président PS de la communauté urbaine, n’est arrivé qu’en troisième position (17,46 %), derrière l’UMP Solange Biaggi (24,18 %) au coude à coude avec la liste de Lisette Narducci (23,81 %). Le FN qui a fait 16,54 % des voix exprimés se maintient lui aussi au second tour. En cas d'union de la droite avec Lisette Narducci, le secteur pourrait donc basculer à droite.

« J'entends déjà le cœur des vierges effarouchées dire "Narducci, c'est Guérini", anticipe Yves Moraine. Mais si elle fait un si bon score alors que les autres listes PRG n'ont pas dépassé les 2 %, c'est sur son nom, son excellente image locale, pas parce qu'elle est soutenue par Jean-Noël Guérini. » En 2012, Lisette Narducci avait préféré quitter le PS pour pouvoir affronter Patrick Mennucci aux législatives.

« S'il s'avérait, ce que je ne veux croire, un accord de cette nature, alors nous aurions la preuve d'un accord pour maintenir un système entre Monsieur Guérini et Monsieur Gaudin, a déclaré dans l'après-midi Patrick Mennucci, qui présentait le rassemblement avec les listes Front de gauche de Jean-Marc Coppola. Voter pour Gaudin serait voter pour la droite immobile et immobilière, et en plus assumer le passif de M. Guérini (mis en examen à trois reprises dans des affaires de marchés publics truqués, ndlr). » Le candidat socialiste, qui parle d'une « faute morale », a de son côté exclu toute négociation avec la candidate PRG qu'il avait affrontée aux législatives.

Contactée en fin d'après-midi, Lisette Narducci ne nous a pas encore répondu.

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Hollande est sommé d'entendre la gauche

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Jusqu’au bout, les socialistes ont espéré contenir la défaite prévisible. Sur le terrain, leurs électeurs ne leur jetaient pas d’œufs, ils leur ouvraient la porte. Personne, ou presque, ne les insultait. Dans les salons des ministères, certains se prenaient même à rêver d’une acceptation bien plus grande, que ne le prédisaient les sondages, de la politique de François Hollande. Aux journalistes pessimistes, ceux-là répondaient que la presse parisienne était déconnectée de la réalité du pays et de la force du « socialisme des territoires », ou que Mediapart était « l’ultra-gauche ».

Dimanche, le premier tour des municipales confirme pourtant l’évidence : en deux ans, François Hollande a profondément démobilisé son électorat. La « désertion des urnes » dont parlait la semaine dernière l’ami et conseiller du président, Bernard Poignant, en est la preuve. L’abstention a atteint un niveau record, à plus de 38 %, soit une hausse de cinq points par rapport aux municipales de 2008, et elle touche d’abord les électeurs socialistes. Sans surprise, ce sont les quartiers populaires et les jeunes qui ont massivement boudé le scrutin. Marseille en a fait la démonstration éclatante.  

Dans un bureau de vote parisien, le 23 mars 2014Dans un bureau de vote parisien, le 23 mars 2014 © Nicolas Serve

Et quand ils sont allés voter, les électeurs ont sévèrement sanctionné les candidats socialistes. En six ans, ils ont souvent perdu un nombre très impressionnant de voix. C’est par exemple le cas à Limoges, bastion de gauche, où la tête de liste perd 26 points par rapport à 2008 ! Le maire sortant Alain Rodet, élu au premier tour en 1995, en 2001 et en 2008, devra cette fois subir un second tour. Dans l’Ouest, Niort, dirigée par la gauche depuis 1957, bascule à droite dès le premier tour ; Quimper pourrait échapper à Bernard Poignant ; Lorient, fief de Jean-Yves Le Drian, voit le Front national se qualifier au second tour…

La gauche n’est pas non plus assurée de conserver Toulouse, Strasbourg, Metz, Reims, Auxerre, La Roche-sur-Yon, Angoulême, Angers, Laval, Sens, plusieurs villes de banlieue parisienne comme Bobigny… En Corrèze, le département que dirigea François Hollande, Tulle, dont il fut le maire, fait figure d’exception avec la réélection au premier tour d’un conseiller du président de la République, Bernard Combes. À Brive-la-Gaillarde et à Ussel, la droite est grande favorite du second tour et elle l’a même emporté au premier tour à Argentat, la ville de feu René Teulade.

La poussée du Front national en est la conséquence logique. Partout, ou presque, il progresse, en pourcentage et en voix (lire notre article). Pour la première fois de son histoire, il a même remporté une ville, Hénin-Beaumont, dès le premier tour.

Cette fois, le gouvernement ne peut pas esquiver : c’est lui, et François Hollande, qui sont sanctionnés. Les ministres, bien peu nombreux à courir les plateaux de télévision dimanche soir, ont dû le reconnaître avec, à chaque fois, les mêmes éléments de langage. « L’électorat de gauche a envoyé un message. Il est parfaitement compris », a promis Stéphane Le Foll, un proche du président de la République. « Il y a des inquiétudes, des attentes, peut-être du mécontentement. Il y a un climat national de tension, parfois de défiance », a dit la ministre des affaires sociales Marisol Touraine.

Lundi, après un tête-à-tête entre Jean-Marc Ayrault et François Hollande, les piliers de la majorité invités à déjeuner à Matignon ont plaidé pour un réajustement du discours gouvernemental. Selon plusieurs sources, les participants ont tous plaidé pour arrêter de marteler uniquement que le cap choisi est le bon, et de n’insister que sur la compétitivité et la baisse des dépenses publiques.

À la sortie, Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, a résumé le sentiment général : « On entend notamment le désir des électeurs français d’avoir davantage encore de justice sociale dans le redressement que nous sommes en train d’opérer, ce message est entendu. » Avant d’insister, devant la presse : « Le message, c’est une demande de justice sociale encore plus forte. Nous avons fait en sorte depuis deux ans de remettre de la justice sociale dans tout ce que nous faisons, soyons clairs, mais ce qui nous est envoyé par les électeurs, c’est cette demande accrue de justice sociale dans le redressement et les réformes que nous menons depuis maintenant deux ans. »

Ce discours était porté depuis des mois, jusque-là en vain, par des ministres aussi divers que Vincent Peillon, Benoît Hamon, Arnaud Montebourg, les écologistes ou Stéphane Le Foll. Mais François Hollande avait choisi depuis début janvier de concentrer son discours politique sur le « pacte de responsabilité », avec une terminologie qui parle bien plus aux énarques du VIIe arrondissement qu’aux électeurs des quartiers populaires. Une démarche qui signait l’aboutissement de l’éloignement du président de la République vis-à-vis d’une partie de l’électorat qui l’a porté au pouvoir.  

Ces derniers mois, celui-ci s’est profondément déstructuré, sous l’effet, parfois confus et difficile à démêler, de la crise économique et sociale, des promesses non tenues, d’une politique économique plus libérale qu’annoncé, de la désorganisation manifeste de l’exécutif… Par cercles concentriques, la désaffection a peu à peu atteint le cœur de l’électorat socialiste.

Très vite après son arrivée à l’Élysée, Hollande a fâché les électeurs de Jean-Luc Mélenchon et les bataillons syndicaux de la CGT, en faisant ratifier le traité européen TSCG, en annonçant les premières mesures de baisse du coût du travail à l’automne 2012 (c’était le pacte de compétitivité inspiré par le rapport Gallois), en libéralisant le marché du travail avec l’Ani, ou en allongeant la durée de cotisations lors de la réforme des retraites.

Les jeunes et les quartiers populaires ont mal vécu le renoncement sur le contrôle au faciès ou le droit de vote des étrangers. Certains secteurs du PS engagés dans les associations comme RESF ont aussi vivement protesté contre les propos de Manuel Valls sur les Roms ou le scandale Leonarda. L’électorat de centre-ville, CSP+, a également été échaudé récemment par l’abandon de la loi famille ou le renoncement à la PMA pour les couples de femmes, quand les fonctionnaires ont bondi aux cafouillages sur le gel de leur avancement.

Plus largement, et plus profondément encore, la majorité des Français n’ont pas vu leur vie quotidienne s’améliorer, faite de précarité, de pauvreté, de salaires moyens affaiblis par les hausses d’impôts, de chômage… La promesse non tenue d’inversion de la courbe n’en a été que l’illustration. La sensation d’une proximité entre la politique économique de la gauche et de la droite a été renforcée par le discours uniquement axé sur le coût du travail de la conférence de presse du 14 janvier. « Les gens ont le sentiment qu’on fait des choix inverses à la campagne », admet un conseiller du pouvoir, qui a les pires craintes aux européennes. Le tout avec un sentiment d’amateurisme d’une équipe qui manque d’animation politique et de sens du collectif.

Dans un bureau de vote parisien, le 23 mars 2014Dans un bureau de vote parisien, le 23 mars 2014 © Nicolas Serve

Quant aux écologistes, ils étaient au bord de la rupture définitive. En face, certains conseillers socialistes rêvaient de les voir quitter le navire gouvernemental. Sauf qu’Europe Écologie-Les Verts (EELV) sort renforcé du premier tour des municipales, à l’image du score obtenu avec le Parti de gauche à Grenoble. La loi sur la transition énergétique, en cours d’arbitrage depuis des mois et objet d’un bras de fer parfois tendu au sein du gouvernement, pourrait s’en ressentir.

Mais pas question, d’ici le second tour, d’annoncer de nouvelles mesures ou bien de changer l’équipe ministérielle. Le message pour l’instant se cantonne à dire que le message est passé mais que les municipales ne sont pas une présidentielle. Ce n’est qu’à l’issue du second tour que François Hollande prendra une décision. Lundi, l’exécutif cultivait encore l’infime espoir de limiter la casse. « Soit c’est la catastrophe avec plusieurs grandes villes perdues, soit c’est un peu moins la catastrophe avec Paris et Strasbourg ou Toulouse qui restent à gauche », résume un proche du président de la République. Certains conseillers étaient, quant à eux, déjà ralliés au scénario d’une défaite plus forte encore dimanche prochain.

L’ampleur de la débâcle conditionnera la portée et le sens politique du remaniement. « Il y a une obligation de réagir. Ce sera le débat des semaines à venir », espère un conseiller ministériel. Entre d’un côté une ligne plus à gauche et plus écolo, avec laquelle Jean-Marc Ayrault peut espérer rester compatible et, de l’autre, le trio Manuel Valls-Arnaud Montebourg-Benoît Hamon, fait à la fois de discours républicain “intransigeant” et de protection économique.

Mais l’espace politique est étroit. Pour financer son « pacte de responsabilité », François Hollande a déjà annoncé 50 milliards d’économies. Les ministères sont en train de racler les fonds de tiroir et le choc, pour les ménages et les collectivités, sera forcément massif. « C’est digne des plans d’ajustement structurel du FMI », soupire un conseiller ministériel. Les mesures doivent être annoncées le 15 avril, en même temps que la France doit les présenter à Bruxelles. À moins de renverser la table, ce que l’Élysée se refuse d’envisager, les critères européens empêchent durablement le gouvernement de songer à des mesures de redistribution sociale.

Les “hollandais” historiques plaident ainsi pour que la politique du gouvernement soit mieux expliquée et que la majorité « vende mieux les mesures de gauche » comme les postes créés dans l’Éducation nationale ou l’accord sur la pénibilité. Les partisans du président sont convaincus que les électeurs ne rejettent pas tout en bloc – ils manifesteraient simplement une impatience pour des résultats qui tardent à venir – mais qu’il s’agit de mieux montrer l’équilibre de la politique menée.

Il peut donc aussi ne rien se passer. Ou presque. François Hollande est coutumier des vraies-fausses ruptures. Il l’est d’autant plus qu’il juge depuis des mois que les municipales et les européennes seront de toute façon mauvaises et qu’il en est ainsi de tous les partis au pouvoir. Que seule compte l’ultime échéance, celle de 2017, où il espère encore l’emporter. « La seule certitude, c’est qu’on ne peut pas changer de politique, dit un de ses proches. On peut seulement recaler le discours et les personnes pour gagner du temps, le temps que la tempête se calme. » Et un conseiller du gouvernement de glisser : « On connaît la préférence du président pour l’achat du temps. »

BOITE NOIREToutes les personnes citées ont été interrogées dimanche et lundi. La plupart ont demandé à être anonymes ou bien à n'être pas citées du tout.

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Cadres, seniors et intermittents, victimes des nouvelles règles de l'assurance-chômage

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Finalement, ils ont arraché un compromis. Après deux jours de négociations houleuses, souvent désespérantes, d’abord en séance plénière autour de la table puis dans les couloirs du Medef en conciliabules informels (que vous pouvez revivre ici sur le site des Échos), patronat et syndicats se sont mis d’accord sur un nouveau système d’indemnisation des demandeurs d’emploi dans la nuit du vendredi 21 au samedi 22 mars, l’un des plus gros chantiers sociaux de ce début d’année. Ils avaient jusqu'à fin mars pour négocier de nouvelles règles dans un contexte de chômage record et de déficit abyssal de l’Unedic, l’organisme gestionnaire de l'assurance-chômage. En cas d’échec, l’État reprenait la main sur le paritarisme.

© Reuters

Le texte final (que vous pouvez consulter ici sur le site de l’Humanité), que la CGT (qui n’a jamais signé de son histoire une convention d’assurance-chômage même quand le régime n’était pas déficitaire) et la CFE-CGC (furieuse que les cadres chômeurs soient mis à mal) ont refusé de parapher, doit encore être validé cette semaine par les instances confédérales des syndicats, mais d’ores et déjà, la CFDT, la CFTC et FO ont exprimé un avis positif. Il devrait permettre à l’assurance-chômage d’économiser 400 millions d’euros par an. Si rien n'était fait, l'Unedic accuserait un déficit de 4,3 milliards d'euros et une dette cumulée de 22,1 milliards fin 2014...

Création d'un nouveau système de droits rechargeables, durcissement du régime des intermittents, seniors mis à contribution… Les règles (le détail à partir de la page deux) vont changer pour de nombreux chômeurs mais pas le montant des allocations et les principes de base de l'assurance-chômage (ouverture de droits au bout de quatre mois de travail, selon la règle du « un jour travaillé = un jour indemnisé »).

Les syndicats étaient pourtant très sceptiques sur les chances d’aboutir à un accord. Même les centrales plus réformistes comme la CFDT et la CFE-CGC, toujours promptes à jouer le jeu du dialogue social et à signer les textes majeurs comme l’accord sur l’emploi. Vendredi, la journée la plus théâtrale, où les portes ont claqué, la négociatrice de la CFDT, Véronique Descacq, donnait « à peine une chance sur deux » aux discussions d'aboutir. Son homologue de la CFE-CGC, Franck Mikula, pariait, découragé, « sur un échec ».

Il faut dire que les syndicats avaient face à eux un patronat intraitable, déterminé à jouer au plus fort et à rogner sur les droits des plus faibles, chômeurs, précaires, pour remettre à flot le régime sans mettre la main à la poche. Suppression des annexes 8 et 10 qui régissent le régime spécifique des intermittents du spectacle, dégressivité des droits des chômeurs, plafonnement des allocations chômage à 3 592 euros brut au bout d'un an de chômage (aujourd’hui, l'allocation maximale est de 7 184 euros)... Ses propositions étaient tout aussi novatrices que scandaleuses. Pierre Gattaz, le patron du Medef, a même été, vendredi en pleine négociation, jusqu’à contredire le négociateur patronal, Jean-François Pilliard de la métallurgie, car il prévoyait non pas un milliard mais 800 millions d’euros de dépenses en moins. Au bout du compte, le patronat s’en tire très bien. Il a réussi à durcir toute une série de droits pour les cadres, les seniors, les plus grands perdants de cette réforme, et à obtenir, dès le samedi, de la part de l’État une concertation prochaine sur le régime des intermittents du spectacle.

Côté syndical, la surprise est venue du pivot Force ouvrière, dans le camp du « non » depuis l’arrivée au pouvoir de François Hollande sur les grands dossiers sociaux comme l’ANI, la réforme des retraites ou le pacte de responsabilité. Au moment même où FO a perdu sa figure d’un syndicalisme de contestation, Marc Blondel, décédé le 16 mars, et trois jours après avoir défilé avec la CGT contre le pacte de complaisance du gouvernement aux entreprises, elle renoue avec la signature aux côtés de la CFDT, cette organisation qui a « un côté syndicat officiel » comme l’a déclaré Jean-Claude Mailly dans une interview au Monde, mi-mars.

Une stratégie qui isole un peu plus la centrale de Thierry Le Paon mais qui n’a « rien de calculé », selon Stéphane Lardy. Le numéro deux de la centrale en charge des négociations sociales assume : « Nous ne nous positionnons pas vis-à-vis de la CGT ou de la CFDT et nous ne confondons pas dialogue social et négociation collective. Le pacte de responsabilité, c’est un marché de dupes du président de la République. L’assurance-chômage, c’est une négociation paritaire. Et contrairement à la CGT, nous croyons au paritarisme. Si nous avons émis un avis positif sur ce texte, c’est parce que nous estimons que nous avons obtenu des droits et limité la casse. » Ce que conteste Éric Aubin, le négociateur de la CGT : « Cette nouvelle convention de l’assurance-chômage n’est pas un compromis mais un accord perdant-perdant sur le dos des chômeurs. »

Les droits « rechargeables »

Ce nouveau dispositif dont les syndicats parlent depuis 2008 a été acté en janvier 2013 lors de l’accord sur l’emploi (ANI) flexibilisant un peu plus le marché du travail, transposé depuis en loi. C’est la principale innovation de la nouvelle convention d’assurance-chômage et la seule dépense supplémentaire (environ 400 millions d’euros par an selon le calcul de FO).

Il permettra à partir du 1er juillet 2014 à tous les demandeurs d'emploi d'accumuler les droits à indemnisation chaque fois qu'ils retravaillent, alors qu'ils en perdaient auparavant une partie. L'objectif est à la fois d'inciter à la reprise d'emploi, même pour une durée très courte et un faible salaire, et d'assurer une meilleure couverture aux chômeurs.

Le mécanisme : quand un demandeur d'emploi arrive en fin de droits, Pôle emploi « recharge » son compte avec les nouvelles allocations qu'il a acquises en retravaillant. 150 heures de travail (l’équivalent d’un mois), même en plusieurs fois, suffisent à ouvrir de nouveaux droits au lieu de 610 (quatre mois) dans le droit commun. Auparavant, l’assuré perdait une partie de ces droits car le calcul de sa période d’indemnisation ne prenait pas en compte la période travaillée la moins favorable. Désormais, comme le souligne le texte, « plus une personne travaille, plus elle accumule des droits à l’assurance-chômage ».

D'après le Medef, cette réforme « devrait permettre de réduire d'un quart à un tiers le nombre de demandeurs d'emploi touchés par la fin des droits et basculant dans le RSA », soit « plusieurs centaines de milliers de personnes ».

Le régime des intermittents durci

Le patronat voulait la peau du régime spécifique des 112 000 intermittents du spectacle, notamment la suppression des annexes 8 et 10, qui craquent de toutes parts. Finalement, l'accord prévoit un maintien du régime de l’intermittence mais il le durcit, en attendant l'ouverture de discussions avec l'État avant la fin de l’année 2014 « sur les moyens de lutter contre la précarité » dans le secteur, notamment « en favorisant le recours au CDI», « ainsi que sur la liste des emplois concernés ».

Le cumul salaire-allocations sera désormais plafonné à 5 475 euros brut par mois et un « différé » d'indemnisation est mis en place, pendant lequel les intermittents devront attendre pour toucher leurs allocations. Les cotisations sur leurs salaires vont passer de 10,8 % à 12,8 % (8 % côté employeurs, 4,8 % côté salariés), une disposition qui existait mais n'était pas appliquée. Ces économies et recettes représenteront 165 millions sur 800 millions d’euros.

Après avoir donné de la voix d’abord devant le Medef puis à l’Opéra-Garnier où ils ont passé la nuit de jeudi à vendredi, et enfin au Carreau du Temple, nouveau lieu pluridisciplinaire de la Ville de Paris d'où les CRS les ont violemment délogés dimanche soir, à l’heure où les résultats des municipales étaient proclamés (voir ici notre portfolio), les intermittents, eux, rejoints par d’autres précaires et chômeurs, ne décolèrent pas. La CGT-Spectacle, notamment, appelle « à continuer la lutte » pour exiger que le gouvernement refuse d'agréer l'accord sur l'assurance-chômage, « véritable régression ».

Jusqu’à six mois de carence en cas de gros chèque de départ

C’est l’une des mesures qui a provoqué la colère de la CFE-CGC, qui a refusé de signer le texte patronal. Les cadres qui ont touché un gros chèque d'indemnités de départ, au-delà de celles prévues par la loi, devront désormais attendre jusqu'à 180 jours pour toucher leurs allocations chômage, au lieu de 75 jours maximum aujourd'hui. Le mode de calcul de ce « différé » est modifié. Les licenciés économiques ne seront toutefois pas touchés par ce délai de carence. Au-delà des économies pour l'assurance-chômage, la CFDT y voit aussi un moyen de décourager les recours abusifs aux ruptures conventionnelles, qui font office de préretraites pour les seniors dans certaines entreprises.

Les plus de 65 ans mis à contribution

Les salariés de plus de 65 ans, jusqu'ici exonérés de cotisations Unédic, contribueront eux aussi au régime avec la création d’une contribution spécifique de solidarité calquée sur les cotisations chômage (4 % employeur, 2,4 % salarié).

Le cumul petits boulots-allocation simplifié

Le système d'« activité réduite », qui permet à plus d'un million de chômeurs de cumuler petits boulots et allocation, est réformé et simplifié. Désormais, Pôle emploi déduira de l’allocation mensuelle versée au chômeur 70 % du salaire brut touché durant ses périodes de travail. La possibilité de cumuler allocation et salaire n'est plus limitée à quinze mois comme auparavant. Jugé trop complexe, ce système génère aujourd'hui beaucoup de « trop perçus » que les chômeurs doivent ensuite rembourser. Le suicide par immolation en 2012 à Nantes d'un demandeur d'emploi en fin de droits, redevable d'un « trop perçu », avait provoqué un électrochoc sur cette question.

Coup de rabot sur le dos des chômeurs

Le taux de remplacement minimal du salaire de référence, qui sert à calculer l’allocation versée, passe de 57,4 % à 57 %. Ce taux minimal est appliqué à tous les chômeurs dont le salaire préalable dépassait 2 042 euros brut par mois (pour ceux qui gagnaient moins, les taux appliqués ne changent pas). Soit pour un chômeur touchant aujourd’hui 1 500 euros par mois 11 euros de moins, selon Les Échos.

Nouvelle borne à 62 ans

« Les  conditions  d’indemnisation  du  chômage  s’adaptent  à  l’augmentation  de  l’espérance  de  vie  et  à l’allongement  de  la  durée  du  travail  qui  en  résulte », énonce le texte patronal qui repousse les bornes d’âge permettant à un allocataire d’assurance-chômage, qui n'a pas encore tous ses trimestres pour liquider une retraite à taux plein, d’être maintenu dans le régime d’assurance-chômage jusqu’à ce qu’il ait tous ses trimestres ou jusqu’à une borne fixe. Un chômeur qui atteint 61 ans sans avoir encore tous ses trimestres pour une retraite à taux plein bénéficie aujourd’hui du maintien de ses allocations tout le temps nécessaire. Cette borne est portée à 62 ans.

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Google est accusé de ficher les élèves et étudiants

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Parents, vos enfants sont peut-être déjà fichés sur internet et ce avec la complicité, involontaire, de l’éducation nationale. Selon une plainte déposée par deux étudiants américains (lire sous l'onglet Prolonger), Google a en effet « subrepticement » collecté des données personnelles sur les quelque 30 millions d’élèves utilisant dans le monde une série d’outils mis à la disposition des enseignants par le géant américain. Celui-ci dément.

Baptisée « Google Apps Education », cette suite de logiciels en ligne est composée des services de bureautique les plus connus de la société : Google Drive permettant de stocker et partager des documents, Google Agenda pour gérer les plannings, Google Group pour les mailing-listes, et bien entendu Google Mail pour la messagerie. Ces services sont « offerts » sans contrepartie aux établissements qui peuvent y accéder et les intégrer à leur réseau informatique en s’inscrivant simplement sur le site du programme.

Cette offre particulièrement alléchante a déjà séduit un grand nombre d’écoles, lycées et universités du monde entier, et de France. D’autant que, dans sa page de présentation, Google insiste sur la « sécurité et la confidentialité » de son système. « Toute notre activité repose sur la confiance que vous nous accordez », y écrit Google. « Nous sommes conscients que pour les établissements d’enseignement, la protection et la confidentialité des informations constituent une priorité. Nous prenons ces questions très au sérieux. »

Mais voilà, aux États-Unis, les deux étudiants dont les universités ont souscrit à « Google Apps Education » accusent Google de scanner  l’ensemble des contenus de leurs mails, violant ainsi la loi fédérale, rapporte le site Education Week. Cette opération est pourtant clairement évoquée dans les conditions d’utilisation du service. « Il nous arrive d’analyser les contenus », prévient Google. « Mais pour de bonnes raisons, comme le filtrage anti-spam, la protection antivirus ou la détection de logiciels malveillants. Nos systèmes scannent le contenu afin d’optimiser le fonctionnement de Google Apps pour nos utilisateurs, mettant ainsi à leur disposition des fonctionnalités uniques comme la recherche avancée dans Gmail et Google Documents. Ces processus, entièrement automatisés, n’impliquent aucune intervention humaine. »

La société insiste par ailleurs sur le fait que les « Google Apps Education » n’affichent aucune publicité. « Autrement dit, les contenus utilisés dans votre école ne sont pas pris en compte par nos systèmes de publicité ». En résumé, Google scanne bien les mails envoyés et reçus par les élèves, étudiants et professeurs, mais uniquement dans un but fonctionnel et non à des fins publicitaires.

Mais l’affaire n’est pas si simple que ce qu'affirme Google. Selon les plaignants, la firme violerait allègrement ses engagements et utiliserait bien les données collectées pour placer des publicités sur ses autres services de Google selon un processus décrit avec précision dans la plainte. Celui-ci serait issu d'un système technologique, dit « Content Onebox » introduit en septembre ou octobre 2010, selon Sean Rommel, l’avocat de l’un des plaignants. Alors que jusqu’à présent, Google scannait les messages après leur arrivée, dans la boîte mail des utilisateurs, le nouveau système permettrait de scanner les mails avant leur réception, c’est-à-dire avant même qu’ils soient ouverts ou supprimés.

De plus, « Content Onebox » permettrait de créer automatiquement des profils, quels que soient les utilisateurs et même lorsque ceux-ci utilisent Gmail via les « Google Apps Education ». « Étant donné qu’un message privé est composé de données », affirme la plainte, « Google lit les données tout comme une personne lirait des mots, et acquiert ou collecte les données qu’il sait les plus importantes ». Ensuite, « Google crée des données dérivées (« métadonnées ») issues des informations privées du message afin de maximiser l’usage par Google de ces précieuses informations ». La société place alors « les parties les plus précieuses dans un espace de stockage ou des serveurs séparés ».

Enfin, « Google utilise ces données dérivées collectées séparément pour construire subrepticement des modèles ou des profils d’utilisateurs. Google utilise également les métadonnées et les contenus collectés en combinaison avec d’autres données (telles que l’historique des recherches sur le web) pour "savoir où vous êtes… savoir où vous avez été… et savoir ce que vous en pensez" ».

Concrètement, même si aucune publicité n’apparaît sur les services de « Google Apps Education », la société créerait des profils pour chaque utilisateur afin de connaître ses centres d’intérêt et afficher des publicités lorsqu’il utilise par la suite d’autres sites de Google. Ainsi, un étudiant qui, dans ses mails envoyés dans le cadre scolaire, évoque régulièrement ses goûts en matière de musique ou de cinéma, verrait s’afficher les annonces correspondantes lorsqu’il naviguera sur You Tube ou effectuera des recherches sur le moteur de recherche de Google. Selon la plainte, le service mail de Google fonctionnerait donc tout simplement comme le Gmail classique, l’affichage des publicités étant simplement reporté en dehors du domaine scolaire.

Cette bataille juridique n’est pas nouvelle. Elle a en fait été lancée à la fin du mois de septembre 2013 et elle est potentiellement explosive pour le géant américain. La plainte, portée au total par neuf personnes, vise en effet non seulement les « Google Apps Education » mais également les services du même type proposés aux entreprises et, plus globalement, Gmail en lui-même. Parmi les neuf plaignants, qui espèrent transformer leur poursuite en « class action » (action de groupe), figurent des utilisateurs volontaires de Gmail, des personnes utilisant ce service dans le cadre d’une entreprise ou d’un établissement éducatif (dont les deux étudiants), et des personnes n’utilisant pas Gmail mais dont les mails auraient été scannés lors de leur envoi à un compte Gmail. L’affaire est en tout cas particulièrement sensible pour Google au point que la société a exigé qu’une partie des documents juridiques soient censurés.

La technologie « Content Onebox » était en effet jusqu’à présent inconnue et ce n’est que lors d’une audience qui s’est tenue le 27 février que son existence a été révélée. Depuis, de nombreux passages des documents de la procédure sont barrés d’un bandeau noir. Il est donc très difficile de connaître exactement l’usage que fait Google des données qu’elle reconnaît collecter. D’autant plus que la société refuse pour l’instant de communiquer officiellement sur le sujet. Elle se contente d’affirmer que le scannage des mails et leur indexation sont bien indiqués dans les conditions d’utilisation, que les utilisateurs ont toujours la possibilité de supprimer leur compte et que, dans ce cas, leurs données ne seront pas utilisées par la suite.

Il est également impossible de savoir exactement quels établissements scolaires utilisent « Google Apps Education », ni même d’en connaître le nombre. Le site officiel propose bien une carte, sur laquelle apparaîssent surtout des établissements privés, mais celle-ci n’est visiblement pas à jour. Quelques recherches permettent de rapidement découvrir que plusieurs facultés, lycées et même collèges ont pourtant recours à ces services.

Pourtant, normalement, l’usage des outils informatiques dans un cadre éducatif est strictement encadré par « le schéma directeur des espaces numériques de travail » (SDET). Et celui-ci prévoit la mise en place d’espaces numériques de travail (ENT) respectant strictement l’anonymat des données des élèves ainsi que des conversations avec les professeurs. Mais, dans la pratique, les outils proposés ne font pas le poids face aux multiples options et la souplesse d’utilisation offertes par les applications de Google, et ce gratuitement. Dans de nombreux cas, les « Google Apps Education » viennent ainsi tout simplement remplacer les ENT. De plus, chaque enseignant dispose d’une liberté pédagogique l’autorisant à utiliser les outils de son choix au niveau de sa classe.

Contactés par Mediapart, certains responsables expliquent avoir bien conscience du problème. « Nous savions qu’il y avait une indexation des mails », raconte ainsi Lionel Brun, enseignant et responsable de la gestion du réseau au lycée Louis-Rascol à Albi, où Google Apps Education a été installé en 2011. « Je les avais d’ailleurs contactés », poursuit-il, « mais la personne nous avait affirmé que ça ne servait qu’au moteur de recherche internet de la boîte mail ». « Je me souviens que nous en avions pas mal débattu et, honnêtement, nous aurions pu nous en passer. Mais nous avions considéré que, vu que nous n’avons pas de données confidentielles, nous pouvions assumer cette petite prise de risque. »

Après ces révélations, Lionel Brun explique qu’il est prêt à « revoir sa position » si ces accusations étaient avérées. Il espère également une réelle prise de conscience et le développement d’une véritable solution capable de concurrencer Google. « Ce qu’il manque, au niveau national, c’est un outil véritablement fonctionnel que nous pourrions tous adopter», dit-il.

« Ce n’est pas vraiment un problème », estime au contraire Jean-Pierre Foucart, responsable du lycée Condorcet de Montreuil, en Seine-Saint-Denis. « Ce n’est pas du tout relié à Google+ », le réseau social de Google, explique-t-il. D’autres responsables contactés par Mediapart assument également leur choix, sans vouloir être cités, expliquant que de toute manière les élèves sont « déjà fichés » par Google, ou mettant en avant les fonctionnalités de la solution proposée par Google.

De son côté, la Cnil souligne tout d’abord qu’elle a déjà sanctionné Google dans le cadre d’une procédure lancée au niveau européen pour non-respect des règles de confidentialité. « Nous savons déjà que les règles de confidentialité de Google ne sont pas conformes aux lois européennes », explique Stéphane Petitcolas, ingénieur expert à la Commission de l'informatique et des libertés (Cnil). « Et nous savons que cette société s’autorise à recouper les données de l’ensemble de ses services. Le vrai problème dans ce type d’affaire, c’est le manque d’information des utilisateurs. Or, les règles de confidentialité affichées par Google ne sont pas suffisantes. » 

Concernant le cas précis des « Google Apps Education », Stéphane Petitcolas se veut plus prudent. « Ils affirment que les données collectées ne sont pas utilisées à des fins publicitaires. Dont acte. Il est en effet totalement possible qu’ils appliquent des règles différentes en fonction des utilisateurs. En tout cas, ils en sont capables. Mais si ce n’était pas le cas, cela voudrait dire qu’ils violent leurs propres règles. » Selon lui, le problème est beaucoup plus large. « Malheureusement, il faut souligner que beaucoup de ces élèves ont, sans le savoir, très certainement déjà un profil chez Google qui crée des profils pour les "utilisateurs passifs", c’est-à-dire ceux qui n’ont pas de compte Google mais qui sont repérés via les boutons sociaux, les publicités et le système Google analytics » « Il y a une autre problématique que je trouve particulièrement inquiétante », poursuit-il, « c’est celle de la sensibilité des données collectées et du cloud-computing, de l’informatique en nuage. »

« Il va falloir se pencher sur ce procédé qui n’est pas clair à la base », estime Paul Raoult, président de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE). « Si ces accusations sont confirmées, c’est grave. C’est tout simplement Big Brother. » « C’est d’autant plus dommage que je sais que beaucoup d’administratifs de l’éducation nationale utilisent open-office », une série de logiciels de bureautique libres. « Mais cela montre qu’il faut informer, et former. Malheureusement, on se rend compte que la technologie avance plus vite que l’éthique… » Contacté par Mediapart, le ministère de l’éducation indique de son côté qu’il va « instruire sérieusement ce dossier ».

 

L'UFC-Que Choisir assigne Google en justice

La révélation de cette affaire intervient alors que, en France, l' UFC-Que Choisir vient d’annoncer, ce mardi 25 mars, le dépôt d’une plainte contre Google pour des clauses qualifiées « d’abusives » et « illicites ».

Au mois de juillet 2013, l’association de défense des consommateurs avait déjà mis en demeure le géant américain de modifier ses conditions générales d’utilisation. « Après plusieurs mois de discussion, et malgré nos avertissements », écrit-elle aujourd’hui, « ils s’entêtent à maintenir des clauses problématiques de leurs conditions générales d’utilisation ».

« Résultat : les conditions sont toujours aussi inaccessibles, illisibles, remplies de liens hypertextes –entre 40 et 100 liens hypertextes- renvoyant parfois à des pages en langue anglaise », poursuit l’UFC-Que Choisir. « Pire, les réseaux persistent à s’autoriser très largement la collecte, la modification, la conservation et l’exploitation des données des utilisateurs et même de leur entourage. Ils s’octroient toujours, sans l’accord particulier des utilisateurs, une licence mondiale, illimitée et sans rémunération, d’exploitation et de communication des données personnelles ». « Face à de tels abus », elle demande « au juge français d’ordonner la suppression ou la modification de la myriade de clauses litigieuses imposées par ces sociétés ».

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

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Christine Lagarde possède, elle aussi, un téléphone secret

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Nicolas Sarkozy n’est pas la seule personnalité emportée dans la tourmente des affaires qui ait eu l’idée de se procurer un téléphone secret, pour essayer d’échapper à la vigilance des policiers et des magistrats chargés d’enquêtes le concernant. Selon nos informations, l’actuelle directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, a eu recours au même stratagème, mais sans pour autant user d’une identité d’emprunt.

Dans le cas de Nicolas Sarkozy, l’affaire a défrayé la chronique, et on en connaît maintenant tous les détails. C’est en effet son conseil, Me Thierry Herzog, qui a acquis à Nice un téléphone pour l’ex-chef de l’État, dans l’espoir que les conversations qu’ils auraient entre eux pourraient échapper à la vigilance de la police judiciaire, dans l’hypothèse où ils auraient été placés sur écoutes. Or, on sait ce qu’il en est advenu. Même si ledit téléphone avait été acheté non pas sous l’identité de Nicolas Sarkozy mais sous celle d’un certain Paul Bismuth – lequel Paul Bismuth n’a pas porté plainte mais n’a guère apprécié cette usurpation d’identité comme il l’a confié à ITélé (voir la vidéo ci-dessous) –, la police judiciaire a eu connaissance du subterfuge et a placé aussi sur écoutes ce discret téléphone.

Et c’est grâce à ces écoutes sur ce téléphone secret qu’elle a eu connaissance des conversations entre Me Herzog et son client, Nicolas Sarkozy – ces désormais célèbres conversations révélées par Mediapart (lire Ecoutes : le complot de Sarkozy contre les « bâtards de Bordeaux) au cours desquelles l’avocat vitupère contre les magistrats de Bordeaux, les « bâtards » de Bordeaux comme il les appelle, et qui seront à l’origine de l’ouverture d’une nouvelle information judiciaire pour trafic d’influence…

Or, dans le cas de Christine Lagarde, une histoire un peu semblable est survenue. Selon nos informations, la Commission d’instruction de la Cour de justice de la République (CJR), qui a en charge l’enquête pour complicité de faux et complicité de détournements de fonds publics visant l’ancienne ministre des finances dans le scandale Tapie, a eu connaissance qu’un numéro de téléphone mobile, lié à l’opérateur Free – un numéro commençant par un « 06 » – était utilisé par une personne impliquée dans cette affaire. La Commission d’instruction a donc délivré une commission rogatoire afin que l’identité de l’utilisateur de la ligne soit connue.

Christine LagardeChristine Lagarde © Reuters

La Brigade financière s’est chargée d’adresser le 4 mars 2013 une réquisition au service compétent de Free, en lui signalant qu'une adresse mail (une adresse en gmail) était associée à cette ligne. Et le jour même, l’opérateur téléphonique a fourni la réponse, indiquant que la ligne avait été ouverte par une dénommée... Christine Lagarde, le 16 janvier 2012. Dans son cas, la directrice générale du FMI n’a donc pas cherché à cacher son identité. Selon l’opérateur téléphonique, la ligne est devenue active à compter du 17 février 2012, mais d’une façon assez limitée. 

À titre d’illustration, l’opérateur téléphonique a relevé qu’entre le 1er janvier 2013 et le 1er mars 2012, Christine Lagarde n’a jamais appelé à partir de ce téléphone mais a reçu une trentaine d’appels ou de SMS, en provenance toujours du même numéro, et quand il s’agissait d’appels, ceux-ci n'ont jamais été reçus en direct par Christine Lagarde mais ont toujours abouti sur le répondeur lié à son téléphone portable. En clair, il s'agissait seulement d'appels « entrants »…

À notre connaissance, la réquisition visait donc à connaître les « fadettes » des appels mais non à placer Christine Lagarde sur écoutes. Il n’empêche ! La réquisition a permis de vérifier que Nicolas Sarkozy a lancé une nouvelle vogue, auprès de ses proches, celle, si l’on peut dire, des téléphones secondaires…

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L'université de Versailles Saint-Quentin a sombré dans l'affairisme

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L’ancienne présidente de l’Université de Versailles Saint-Quentin est une femme dynamique. Tous les gens qui l’ont côtoyée – et même ceux qui ont eu à souffrir des méthodes autoritaires de celle qui dirigea l’établissement pendant dix ans –  s’accordent au moins sur ce point. Mais le rapport très sévère de la Cour des comptes sur la gestion de l’université aujourd’hui sous tutelle rectorale, et qui attend d'être fixée mardi 25 mars sur son budget, n’a sans doute pas suffisamment examiné l’esprit entrepreneurial de Sylvie Faucheux.

Sylvie Faucheux ne faisait pas que présider la fondation Fondaterra. Créée et financée par GDF Suez, Vinci et EDF, cette fondation a fortement appuyé le partenariat public-privé (PPP) énergétique passé par l’université en 2011 avec… GDF Suez. Sylvie Faucheux animait aussi le think-tank dédié aux partenariats publics-privés universitaires, au sein du Club PPP – un lobby pro-PPP comme nous le révélions récemment. Celle qui fut candidate aux législatives en 2007 pour le PS est une femme pleine de ressources.

Sylvie Faucheux, lors d'une présentation à la chaire PPP de la SorbonneSylvie Faucheux, lors d'une présentation à la chaire PPP de la Sorbonne

Manifestement, mener toutes ces activités tout en présidant une université de plus de 15 000 étudiants ne lui suffisait pas. Mediapart a ainsi découvert que Sylvie Faucheux et certains membres de la direction de l'université s’étaient aussi lancés, en toute discrétion, dans l'activité de conseil.

Dans un document siglé « confidentiel » de septembre 2009, que s’est procuré Mediapart (à lire en intégralité ici), l’entreprise encore à l’état de projet s’appelle alors « Cabinet Faucheux – de Ligondés et Associés ». Il s’agit d’un cabinet de conseil pensé pour faire l’interface entre les établissements du supérieur (université, écoles), les collectivités locales et les entreprises, notamment dans le cadre de la signature de PPP. La chronologie n’est pas anodine puisque ce document est daté de septembre 2009, soit très exactement un mois avant la signature définitive du PPP avec la société Origo, filiale de Bouygues, pour un montant final de près de 113 millions d’euros, et alors que le projet d’un PPP énergétique commence lui aussi à faire son chemin.

Qu’une présidente d’une université publique prodigue ses conseils à des entreprises privées dans le cadre de PPP universitaires pose a minima la question du conflit d’intérêts. D’autant que, comme nous l’ont rapporté certains salariés mis dans la confidence, la présidente préparait la création de son cabinet de conseil privé au sein même de l’établissement. Hormis ces quelques initiés, tout le monde ignorait ces activités parallèles au sein de l’université. D’ailleurs, le rectorat de Versailles contacté par Mediapart a assuré n’avoir été « aucunement informé » alors même qu’une autorisation expresse doit être demandée par tout enseignant-chercheur qui souhaite exercer des activités dans le privé, le tout étant bien entendu très strictement encadré.

La présentation générale du projet rappelle le contexte politique favorable : « En février 2008, l’opération Campus en faveur de l’immobilier universitaire en généralisant la possibilité de recourir aux partenariats publics-privés (PPP) accélère encore les possibilités de synergie territoriale entre universités, collectivités et entreprises. » Ce document préparatoire affirme ainsi que « l’université du XXIe siècle est bien en cours de construction. C’est de sa réussite et des partenariats entre secteur public et privé qu’elle permet, dont dépend la compétitivité des entreprises et des territoires de demain ».

Face à cela, est-il écrit, les universités vont avoir des besoins de compétences nouvelles comme « la promotion de l’esprit de création d’entreprise et d’entrepreneuriat », l’« intégration du développement durable dans les stratégies universitaires » ou le « montage de PPP ». On ne saurait être plus clair.

Sylvie Faucheux, qui s’apprêtait à signer un colossal PPP avec Bouygues, avait donc décidé de tirer le maximum de profit de son expertise sur le sujet. Dans le document que publie Mediapart, l’ancienne présidente qui a quitté ses fonctions en 2012, pour être nommée rectrice de Dijon, affirme qu’« il existe donc une fenêtre d’opportunité stratégique pour construire un projet entrepreneurial viable et profitable ».

Le "business model", tout comme la forme juridique du cabinet, sont soigneusement détaillés. « Cible de client du cabinet : les présidents et SG (secrétaires généraux, ndlr) des universités », « les dirigeants de groupes industriels de PME et de TPE, les responsables PPP des grandes entreprises », est-il précisé. Le cabinet en cours d’élaboration serait une « SAS au capital de 8000 euros ». Pour les modalités de rémunération, tout est prévu : « Rémunération de SF (Sylvie Faucheux, ndlr) par facturation d’honoraires et dividendes pour FdeL (Frédéric de Ligondés, ndlr). »

Pour proposer cette offre très complète, le cabinet entend s’appuyer sur une « équipe d’experts spécialisés ». Cela permettra, affirme le document, « de recruter, rémunérer, impliquer et motiver les meilleurs experts actuellement en poste ». Suit une liste de huit personnalités présentées comme ayant « donné leur accord pour ce mécanisme », parmi lesquels Nicolas Mignan, le directeur général des services de l’université, qui occupe aujourd’hui cette fonction à l’université Paris-Descartes,  mais aussi de façon assez surprenante l’actuel président Jean-Luc Vayssière, spécialiste de biologie cellulaire.

Jean-Luc Vayssière, que Mediapart a longuement rencontré, assure que s’il a bien été contacté pour participer à ce cabinet, il n’a finalement « pas donné suite ». Peu disert sur la question, l’actuel président assure qu’il « préfère parler de l’avenir de l’université que du passé ».

Brièvement joint par téléphone, Frédéric de Ligondés, présenté dans ce document comme l’associé de Sylvie Faucheux et qui exerçait aussi comme professeur associé en marketing au sein de la faculté, nous a répondu que pour des raisons personnelles touchant à sa santé, il ne souhaitait pas s’exprimer sur le sujet. « Tout cela est terminé, c’est du passé », nous a-t-il simplement répondu. Ni Sylvie Faucheux, ni Nicolas Mignan, en poste à l'université Paris-Descartes n’ont accepté de répondre à nos nombreuses sollicitations.

Une personne figurant sur la liste, et qui souhaite rester anonyme, nous a affirmé que ce cabinet n’avait finalement pas vu le jour sous cette forme. Ayant senti les risques potentiels de cette opération, elle a préféré se retirer. De fait, aucun cabinet « Faucheux – de Ligondés et associés » n’a été créé. En revanche, Sylvie Faucheux a bien créé un cabinet de « conseil pour les affaires » baptisé Aeracura et dont les statuts ont été déposés en novembre 2010. Cette structure discrète ne possède aucun site internet et est domiciliée chez elle, à Dampierre.

De son côté, le directeur général des services de l’université, Nicolas Mignan, a lui aussi créé sa société de conseil pour les affaires en juillet 2010. L’adresse de création, là aussi, est celle du domicile de Sylvie Faucheux... Le cumul d’une activité de conseil de cette nature avec son poste stratégique ne laisse pourtant pas d’étonner parmi ses anciens collègues. « Je ne vois pas comment le directeur financier d’une université publique, qui doit contrôler les comptes et passer des contrats, pourrait en même temps conseiller des entreprises privées surtout si elles sont amenées à contracter avec l’université », affirme un juriste de l’université qui assure également n’avoir jamais entendu parler de ces activités.

Plus étonnant encore, le DGS Nicolas Mignan échangeait parfois – dans un absolu mélanges de genres – des e-mail avec le personnel de l’université en utilisant l’adresse professionnelle d’un autre cabinet de conseil en affaires, baptisé lui « Antheos partners » (voir notre document).

Ce cabinet, très discret lui aussi, a été créé en avril 2010 par François Guichot-Pérère, ancien de chez Lazard et recruté la même année par la nouvelle structure de Jean-Marie Messier selon Le Monde, et a été liquidé en 2013. Parmi les membres fondateurs, on trouve une certaine Nour El Houda Ben Jannet, qui préside aussi le think-tank sur l'énergie au Maghreb, l'observatoire méditerranéen de l'énergie. Une vieille connaissance de Samir Allal, le président de l'IUT de Mantes au sein de l'UVSQ avec qui elle cosignait un article en 1991 et qu'elle retrouvait récemment lors des petits-déjeuners de l'énergie en Méditerranée. Or Samir Allal, qui lui non plus n'a pas donné suite à nos appels, figurait parmi les personnalités ayant accepté de faire partie des experts du cabinet de Sylvie Faucheux.

Et que penser, au même moment, alors que le cabinet Faucheux de Ligondés et Associés commence à se monter – à l'automne  2009 – de l’embauche de Pierre Bédier ? L’ancien président UMP du conseil général des Yvelines vient alors d’être condamné pour faits de corruption quand la présidence de l’université lui propose un opportun contrat de « chargé de mission » pour développer une fondation méditerranéenne sur l'énergie et le développement durable au Maroc ! Pierre Bédier n'aura guère le temps de démontrer ses talents puisqu'à la suite d'une fuite dans L'Express sur cette embauche pour le moins controversée, l'ancien secrétaire d'État a été contraint de démissionner.

Pierre BédierPierre Bédier

Le document préparatoire à la création du « cabinet Faucheux  de Ligondés et Associés » précisait justement que les réformes en cours à l’université, qui permettaient l’essor de projets de PPP, était également en cours au Maghreb et offrait donc de prometteuses perspectives de « conseil ». D’importants PPP universitaires ont en effet été signés ces dernières années au Maroc et l’université Versailles Saint-Quentin a multiplié les partenariats dans ce pays.

Face à tous ces éléments, il est évidemment dommage que les dirigeants de l’époque aient refusé de répondre à nos interrogations, alors que ceux actuellement en poste semblent bien pressés de tourner la page.

Pourquoi le cabinet Faucheux de Ligondés et Associés n’a-t-il pas vu le jour ? Tout n’était-il pas bouclé ? À la ligne « Nos valeurs/nos motivations », le document préparatoire, si prolixe sur les aspects juridiques et financiers, répondait ainsi par un perplexe «  ??? ». La réponse n'était sans doute pas très avouable.

BOITE NOIRECette enquête a été menée au cours des dernières semaines. Sylvie Faucheux, contactée à plusieurs reprises sur son mail, son portable et même à son domicile n'a jamais répondu. Nicolas Mignan, aujourd'hui secrétaire général des services à l'université Paris-Descartes, que nous avons cherché à joindre à plusieurs reprises, nous a fait répondre par le service de presse de l'université qu'il ne souhaitait pas s'exprimer sur le sujet.

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La Seine-Saint-Denis, symbole de l'échec des socialistes

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Dimanche prochain, la ville préfecture de la Seine-Saint-Denis, Bobigny, devrait basculer à droite. Ce serait un séisme politique : la ville de 50 000 habitants était tenue par le parti communiste depuis près d’un siècle. Avec 43,95 % des voix, l’UDI Stéphane Di Paoli a largement devancé au premier tour des municipales la maire communiste soutenue par le PS. Aulnay-sous-Bois, prise par le PS en 2008, devrait elle aussi basculer. Tout comme Le Blanc-Mesnil, tenue par le PCF depuis les années 1930. Quant aux poulains de Claude Bartolone, l’homme fort du département, ils ont subi des déconvenues à Montreuil, Saint-Denis, Saint-Ouen ou Villetaneuse. En Seine-Saint-Denis, département populaire de 1 million et demi d’habitants, fief du PS et du PC, la gauche a pris une raclée.

Razzy Hammadi (PS) en déroute à Montreuil. Avec Claude Bartolone et le ministre Benoît Hamon, lors d'un meeting en décembre 2013Razzy Hammadi (PS) en déroute à Montreuil. Avec Claude Bartolone et le ministre Benoît Hamon, lors d'un meeting en décembre 2013

En 2012, l’électorat très populaire du sixième département le plus peuplé de France avait massivement voté François Hollande contre Nicolas Sarkozy. Hollande, en tête dans 36 des 40 villes du département, avait obtenu 39 % des voix, avec une participation record de 74 %. Cette fois, les mêmes électeurs ont ignoré les urnes. La Seine-Saint-Denis compte six des quinze villes les plus abstentionnistes de France : 61 % des inscrits à Stains n’ont pas voté (+16,5 % par rapport au premier tour des municipales 2008), 60 % à Bobigny (+15 %), 53,7 % à Pantin (+11), 58 % à Aubervilliers (+8,8), 58 % à Saint-Denis (+8,5), etc. « Le pacte de responsabilité quand tu as 20 ans et que tu es étudiant, ça ne te parle pas », soupire un cadre socialiste, en colère depuis dimanche soir.

« Je ne m’attendais pas à une telle démobilisation à gauche », avoue Gérard Ségura. Le maire sortant socialiste d’Aulnay-sous-Bois, élu en 2008 à 200 voix près, est largement distancé par le très droitier UMP Bruno Beschizza, qui pourra compter au second tour sur les 14 % de l’UDI. Segura a fait ses comptes : « Les bureaux de vote du nord de la ville qui nous sont favorables n’ont pas dépassé 40 %. Mais ceux qui votent à droite sont très mobilisés : 54,58 %, etc. » À Aulnay, la participation est d’ailleurs en hausse de 5 points depuis 2008, indice de cette forte mobilisation de droite. Idem au Raincy, ville très à droite dirigée par l’UMP Éric Raoult (en tête au premier tour avec 33 % des voix).

Dans une semaine, la droite, qui tient pour l’instant treize communes (10 UMP, 3 Nouveau Centre, mais peu de grandes municipalités), paraît en mesure d’en gagner quatre, voire cinq autres : Aulnay, la troisième ville du département (82 000 habitants), touchée par la fermeture récente de son usine PSA ; Bobigny, la préfecture (48 000 habitants) ; Le Blanc-Mesnil, 52 000 habitants, fief de la députée Front de gauche Marie-George Buffet ; à Villepinte (36 000 habitants), Martine Valleton, maire UMP battue en 2008 par la communiste Nelly Rolland, frôle l'élection au premier tour. À Livry-Gargan (42 000 habitants), ville socialiste depuis des lustres, le second tour s’annonce aussi très serré. « Au Blanc-Mesnil et à Bobigny, le PC est usé jusqu’à la corde. À Aulnay, Ségura paie un système clientéliste qui lui revient en boomerang. Mais le PS paie surtout la politique du gouvernement. Il se fait également bâcher dans les quartiers populaires qui n’ont pas apprécié ses positions sur certains sujets de société », assure Philippe Dallier. Le maire UMP des Pavillons-sous-Bois a été réélu à 82 %, un score qu'il juge « soviétique ».

Président de l’Assemblée nationale et ancien président du Conseil général, Claude Bartolone est l’homme fort de la Seine-Saint-Denis. Un « parrain » selon Dominique Voynet, maire EELV sortante de Montreuil. De fait, “Barto” a bâti sa stature politique en croquant depuis les années 1980 une grande partie des municipalités à un PCF jadis hégémonique dans le département. Le président de l’Assemblée nationale limite la casse dans sa circonscription en dépit d’une forte abstention : le Pré-Saint-Gervais (il était 3e sur la liste élue au 1er tour), Pantin et Les Lilas passent au premier tour. 

Mais pour ce scrutin, le PS avait des ambitions autres : prendre plusieurs grandes villes au PC. Dans le viseur figuraient Saint-Denis, Montreuil, Saint-Ouen, Bagnolet ou Villetaneuse. Pour l’occasion, “Barto” avait adoubé plusieurs jeunes poulains : Mathieu Hanotin (Saint-Denis), Razzy Hammadi (Montreuil), Tony di Martino (Bagnolet), Karim Bouamrane (Saint-Ouen) ou Karim Bouamar à Villetaneuse. La stratégie est en passe d’échouer dans les grandes largeurs. À Montreuil (100 000 habitants), le député Razzy Hammadi, en deçà des 10 %, ne se hisse même pas au second tour, distancé (notamment) par l’ancien maire Jean-Pierre Brard et le Front de gauche Patrice Bessac. Une déroute...

Karim Bouamrane, arrivé derrière la communiste Jacqueline Rouillon à Saint-Ouen, ne sera pas maire. Sur sa liste figurait le patron des députés PS, Bruno Le Roux, un proche de François Hollande. À Villetaneuse, Karim Bouamar (12,1 %) est très loin derrière le Front de gauche (34,8 %). À Bagnolet, Tony di Martino, est lui aussi devancé par le Front de gauche Laurent Jamet… mais d’une seule petite voix. Autre “Barto Boy” défait : Abdelhak Kachouri, qui échoue à prendre Neuilly-sur-Marne à l'ex-PS Jacques Mahéas, condamné en 2009 pour agression sexuelle. À Saint-Denis, le maire sortant, le communiste Didier Paillard (40,21 %), devance le député Mathieu Hanotin (34,30 %). Les deux s’affronteront au second tour. « Ça va se finir à 51/49 », prédit un cadre socialiste. En tout cas, le pari de déloger les communistes de la puissante agglomération de Plaine Commune (La Courneuve, Saint-Ouen, Pierrefitte-sur-Seine, Villetaneuse, etc.) est perdu.

« Votre lecture est à l'envers, assure-t-on dans l'entourage de Claude Bartolone, qui nous a contacté après la parution de cet article. Ces résultats montrent au contraire la nécessité de la confrontation démocratique entre le PCF et le PS. Quand elle n'existe pas, c'est la droite qui en profite. »

À gauche, certains s’inquiètent d’une « vague bleue » francilienne dimanche prochain. Si ces mauvais résultats en Seine-Saint-Denis mais aussi dans d’autres départements franciliens (Val-de-Marne, Hauts-de-Seine, etc.) se confirment, le PS pourrait alors, contre toute attente, voir lui échapper la future Métropole de Paris. Ce fameux Grand Paris que Claude Bartolone rêve depuis des années de présider...

En attendant, il y a au moins certains candidats qui se frottent les mains après ce premier tour : ceux des listes citoyennes de Seine-Saint-Denis, dont plusieurs sont même en position d’arbitre des élégances entre le PS et le PCF. Par exemple à Bagnolet (liste citoyenne “Objectif Bagnolet 2014”, 10 %) ou à Sevran, ville de l’écologiste Stéphane Gatignon, où le Mouvement citoyen (8 %), mené par un ancien délégué du préfet, se réclame de Barack Obama et de son travail de “community organizing” dans les quartiers de Chicago.

La liste 100% AubervilliersLa liste 100% Aubervilliers © DR

À Aubervilliers, “100 % Aubervilliers” de Samir Maizat réalise 7,12 % des voix. « C’est un coup de pression, une bonne leçon pour que les élus prennent en compte tous les habitants », explique l’enseignant, qui a réuni autour de lui animateurs, éducateurs, associatifs, mais aussi un médecin et un slameur (Hocine Ben). Leur slogan : « Votez pour vous ». Déclic de cette mobilisation : l’absence de réponse de la mairie, lorsque Maizat et un médecin urgentiste ont voulu créer un centre médical ouvert jusqu’à minuit, dans cette ville qui manque de médecins.

« Quoi qu’on essaie, on a du mal à voir les résultats. Nous sommes des gens dans l’action. On s’est dit que les élections, c’était un bon moment pour être écoutés. » Jacques Salvator, le maire sortant, s’en est félicité dans Le Parisien : « Cette expression des jeunes est extraordinaire. Nous leur avons donné l'envie de faire de la politique. » « Toujours cette condescendance ! » rétorque Khir-Din Grid, 26 ans, co-producteur du film Rue des cités, candidat sur la liste citoyenne. J’ai bac +5 en sciences politiques, je n’ai pas attendu Salvator et Beaudet (tête de liste Front de gauche, ndlr) pour faire de la politique ! S’il y a une chose que l’on combat, c’est ce mépris. Il y a des gens de plus de 40 ans, quand on leur dit qu’ils ne sont plus jeunes, c’est peut-être pas facile, mais nous ne sommes pas une liste de jeunes. » À la Maladrerie, un quartier défavorisé du nord de la ville, leur liste a recueilli 14 % des suffrages. « Nous ne sommes pas un parti, poursuit Maizat, quand vous dites ça, les gens dans la rue vous écoutent, sinon, ils ne veulent pas de vos tracts. On leur dit : on n’est ni PS, ni PC, ni la droite, on est comme vous. »

Sans étiquette politique mais de sensibilité proche de la gauche et désormais « très courtisés », ils ont décidé de ne soutenir aucune liste au second tour, après avoir aussi rencontré des représentants du PS et du Front de gauche, pour préserver leur « indépendance ».

Les résultats de la Seine-Saint-Denis sur le site du ministère de l'intérieur

BOITE NOIREAjout: une réaction de l'entourage de Claude Bartolone, après la parution de l'article.

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De gauche à droite, le point sur les tractations

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« Front républicain » ou pas ? Face au FN, le dilemme des candidats de gauche

Se retirer en cas de possibilité d'une victoire de l'extrême droite lorsque le candidat socialiste est le plus mal placé ? C'est la consigne passée par la rue de Solférino. Elle a été suivie à Perpignan (Pyrénées-Orientales), où Jacques Cresta (PS) s'est retiré, laissant s'affronter au second tour le FN Louis Aliot (34,20 %) et Jean-Marc Pujol (UMP, 30,57 %). Cresta a refusé de donner des consignes de vote, tout en indiquant qu'il voterait UMP. Idem à Brignoles (Var), Cogolin (Var), Saint-Gilles (Gard), la ville briguée par le député Gilbert Collard, soutenu par le FN. À Fréjus (Var), la candidate socialiste Elsa di Meo, investie depuis des années dans la lutte contre l'extrême droite et quatrième du premier tour, s'est retirée après avoir beaucoup hésité. Le FN, mené par David Rachline, s'est hissé dimanche en tête du premier tour (40,3 %) devant l'UMP (18,85 %), un divers droite (17,61 %) et la socialiste.

D'autres ont décidé de passer outre les instructions de Solférino. C'est le cas, à Béziers (Hérault), du candidat socialiste Jean-Michel du Plaa, arrivé en troisième position dimanche (18,65 %). L'UMP Élie Aboud (30,17 %) lui avait proposé une fusion contre Robert Ménard, proche du Front national (44,88 %), en lui offrant au passage la tête du maire UMP sortant, le très contesté Raymond Couderc. Refus de Du Plaa : contre l'avis de Solférino, il a décidé de maintenir sa liste au second tour. La sanction parisienne est immédiatement tombée : la liste se voit retirer l'investiture PS. Du Plaa, figure de l'opposition socialiste, risque l'exclusion du parti. 

À Beaucaire (Gard), le candidat de gauche Claude Dubois (qui n'est pas membre du PS), arrivé en quatrième position derrière le FN et deux listes de droite, a refusé tout désistement. « Un retrait de la gauche serait une victoire pour l'extrême droite parce qu'il ferait disparaître la seule liste d'opposition », dit-il à L'Express. À Cavaillon (Vaucluse), le candidat EELV qui mène une liste d'union de la gauche se maintient au second tour. Il affrontera un candidat UMP arrivé en tête et le FN.

À Grenoble, duel à gauche au second tour

Mardi à la mi-journée, le candidat PS Jérôme Safar à Grenoble s'était isolé dans un hôtel avec quelques proches pour faire le point. Avant d'annoncer son maintien. Un peu plus tard, il prend la parole devant les militants socialistes. « Je prends aujourd’hui la responsabilité et la décision de maintenir la liste que je conduis, avec l’objectif clair de gagner pour l’avenir de notre territoire ». Quelques heures plus tard, le PS lui retirait l'investiture. Il y a une semaine, Jérôme Safar ne s'attendait certainement pas à un tel cataclysme. Premier adjoint désigné depuis des années par le maire PS Michel Destot pour être son dauphin, le voilà à la fois battu au premier tour des municipales et désavoué par son parti...

Depuis dimanche soir, le suspense était grand à Grenoble, où les écologistes, alliés au Parti de gauche et au "réseau citoyen" sont arrivés en tête au premier tour. Relégué 4 points derrière la liste ELV-PG, le PS, qui gère la ville depuis 1995, a pris un énorme coup sur la tête (29,41 % pour EELV, 25,31 % pour le PS). Éric Piolle, le candidat écologiste, lui avait proposé lundi de fusionner, au prorata des résultats du premier tour et sans engagement de voter le budget. Le PS serait devenu minoritaire dans la majorité. Safar a refusé, malgré la demande pressante du premier ministre Jean-Marc Ayrault, qui a téléphoné au socialiste, selon France 3-Alpes. « Le programme de régression de Piolle était inacceptable pour la ville », a commenté sur Twitter un colistier de Jérôme Safar, Benjamin Rosmini.

Grenoble, quartier de la Villeneuve, février 2014Grenoble, quartier de la Villeneuve, février 2014 © Grenoble, quartier de la Villeneuve, février 2014.

Il faut dire que de lourds différends opposent depuis des années les écologistes locaux, opposés à plusieurs grands projets du maire sortant et qui ont quitté la majorité en 2008. « Jérôme Safar est dans une posture pas très positive, assure à Mediapart la colistière d'Éric Piolle, Élisa Martin (parti de gauche). Nous allons faire le boulot cette semaine pour convaincre les Grenoblois de la pertinence de notre projet. Mais franchement, nous sommes très sereins. » « La déception d'un homme seul ne doit pas remettre en cause l'intérêt collectif de la gauche à Grenoble », a assuré Éric Piolle.

« Il y a un paramètre personnel, Safar attendait depuis tellement longtemps d'être maire, que malgré tous nos efforts, on se doutait que ce serait impossible qu'il se retire, indique un responsable du PS. Il y a aussi un paramètre politique : si les écolos avaient fini en seconde position, ils se seraient maintenus eux aussi. » Pour l'heure, le "national" n'est enclin à se précipiter pour entamer une procédure d'exclusion du PS de Jérôme Safar et ses colistiers. « Ce n'est pas pareil que pour les désistements en cas de risque FN, là, il n'y a aucun risque que la ville tombe à droite », explique-t-on. Avant de souligner qu'à La Rochelle, EELV a apporté son soutien à la liste dissidente de Jean-François Fountaine, pourtant arrivée derrière la liste du PS emmenée par Anne-Laure Jaumouillé

Pendant ce temps, Matthieu Chamussy, le candidat de l'UMP, troisième du premier tour avec 21 % des voix, fait campagne sur les marchés depuis le début de la semaine sur le « barrage à l'extrême gauche ». En neuvième position sur sa liste figure Alain Carignon, maire de Grenoble de 1983 à 1995, l'homme politique le plus condamné de France.

Lire notre reportage « A Grenoble, écologistes et PG veulent "réinventer la gauche" »

À gauche, fusions avant second tour

Le PS et EELV ont fusionné dans plusieurs grandes villes : Paris, Lille, Lyon (où le FN se maintient dans sept des neuf arrondissements), Toulouse (où Pierre Cohen, le maire sortant socialiste, est en difficulté). Il n'y aura pas de fusion entre le PS et le Front de gauche à Paris, Lille et Toulouse, où les discussions ont tourné court. A Rennes, la gauche part en revanche réunie au second tour. À Marseille, le PS, qui a subi un grave revers au premier tour (troisième derrière l'UMP et le FN) malgré son alliance avec les écologistes, s'est uni au Front de gauche. Mais Pape Diouf, l'ancien président de l'Olympique de Marseille dont les listes ont atteint 6%, a refusé toute alliance.

À Avignon, PS et Front de gauche (respectivement 29,54 % et 12,46 % au premier tour) fusionnent. Ils seront opposés dimanche au FN, arrivé en tête (29,63 %), et à l'UMP (20,91 %).

À Montreuil (Seine-Saint-Denis), où l'ancien maire Jean-Pierre Brard est arrivé en tête du premier tour, le PS (Razzy Hammadi), EELV (Ibrahim Dufriche) et le PCF (Patrice Bessac) sont parvenus à un accord. Refusé en revanche par Mouna Viprey, divers gauche qui fut l'ancienne adjointe de la maire sortante, l'écologiste Dominique Voynet, qui ne se représentait pas. « Montreuil ne doit pas être le drapeau mondial du communisme municipal à l'ancienne », assure celle-ci, interrogée par Le Monde. Constat d'échec en revanche à Saint-Ouen, où la droite est arrivée en tête, devant la maire communiste sortante Jacqueline Rouillon et le candidat socialiste Karim Bouamrane. Le PS se retire, n'appelle pas à voter PC mais à «contre la droite ». Nuance de taille.

Fusion également à Nantes entre EELV (14,5 %) et le PS, mené par Johanna Rolland, dauphine de Jean-Marc Ayrault (lire ici le document complet). Les écologistes assurent avoir gagné l’arrêt au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Dans l'accord, on peut lire : « Nous prenons acte ensemble de l’orientation du gouvernement de ne pas débuter les travaux avant l’épuisement de tous les recours actuellement déposés. » Pour les socialistes, l’engagement dépasse de loin l’accord signé en mai 2012 par les collectivités locales avec les opposants, qui suspendait les expulsions d'agriculteurs et d'habitants dans la zone de Déclaration d'utilité publique (DUP) du futur aérogare, jusqu’à épuisement des recours ou pourvois déposés avant le 4 mai de la même année. (voir ici)

Depuis, de nouveaux recours ont été déposés devant le tribunal administratif de Nantes concernant le respect de la loi sur l’eau et les espèces protégées (voir ici). Les opposants tablent sur au moins trois ans de procédure. Pour les écologistes nantais, c’est un moratoire de fait, se réjouissent-ils. En réalité, ils n’obtiennent pas plus que ce qu’avait déjà concédé Jean-Marc Ayrault en février dernier. Il avait alors déclaré qu’il n’y aurait pas d’expulsion avant la fin de tous les recours déposés. Pour Françoise Verchère, élue Front de gauche et co-présidente du collectif des élus contre l’aéroport (CéDéPa) : « un moratoire, ça ne veut rien dire. Ce que nous demandons, c’est une expertise indépendante. À quoi sert un moratoire s’il ne permet pas de réexaminer le dossier sur le fond ? On risque sinon de se faire rouler dans la farine. »

À Hayange, en Moselle, où le Front national est arrivé en tête du premier tour (30 %), le maire socialiste sortant Philippe David (PS), arrivé troisième avec 19 %, et une ancienne adjointe, Isabelle Iorio, qui se présentait sur une liste autonome soutenue par le PCF, ont trouvé un accord. Leurs deux listes fusionnent, avec une répartition équitable des postes éligibles, et la promesse du maire sortant, en poste depuis 1997, de se retirer au bout de deux ans. Problème : à elles deux, les listes de gauche n'atteignent même pas le score du FN. « On parie sur la mobilisation des abstentionnistes », espère un colistier d'Isabelle Iorio. Au second tour, la liste affrontera le FN mené par Fabien Engelmann et le divers droite Thierry Rohr (20 %).

Lire notre reportage: « En Moselle, le FN convoite la ville des hauts-fourneaux d'ArcelorMittal »

Une fusion droite-gauche contre le PS: 

Casse-tête pour le PS à Lens (Pas-de-Calais): les deux dissidents divers gauche Arnaud Sanchez et Sébastien Plociniczak s'allient à Sophie Gauthy (union de la droite). Le maire sortant, Sylvain Robert, est menacé. Arnaud Sanchez est l'ancien dirigeant de la section PS de Lens. Sébastien Plociniczak est l'ancien bras droit de Jean-Pierre Kucheida, ancien maire de Liévin condamné en 2013 à 30 000 euros d'amende pour abus de biens sociaux. Le FN, qui se maintient, a fait 20% au premier tour.

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Le « ni-ni » de la droite à l'épreuve

Jean-François Copé a présenté lundi la ligne politique de l’UMP en vue du second tour de dimanche. Le parti d’opposition campe sur la position du « ni-ni » (ni alliance avec le Front national, ni soutien au Parti socialiste). Estimant être dans « un rapport de force très favorable à l’UMP, à la droite et au centre-droit », Copé a prévenu que « l'UMP (se maintiendrait) partout où elle est en mesure de faire face au FN et à la gauche ».

Cette ligne est soutenue par la quasi-totalité des ténors de la droite, à commencer par François Fillon qui indiquait dès dimanche soir que, pour l'UMP, « aucun désistement et aucune alliance ne (pouvaient) être envisagés » avec le FN au second tour. L’ex-premier ministre avait tenu un tout autre discours en octobre 2013, affirmant que les électeurs pourraient voter, le cas échéant, pour un candidat frontiste aux municipales, à condition qu’il soit « le moins sectaire ».

On se souvient également du cas de Roland Chassain, le maire des Saintes-Maries-de-la-Mer (Bouches-du-Rhône), qui avait été exclu de l’UMP après s’être désisté, en juin 2012, en faveur d’une candidate du Front national pour empêcher l’élection du candidat socialiste. Malgré cet épisode, Chassain avait été investi par l’UMP pour les municipales. Il vient d’être réélu au premier tour avec 56,67 % des voix.

Dans les rangs de l’opposition, rares sont ceux à avoir émis des réserves sur la ligne adoptée par l’UMP, chacun arguant la nécessité d’une position collective, après plus d’un an de divisions. Seul François Baroin a rappelé sur RTL être partisan d'un « barrage étanche » qu'il « prône depuis toujours en tant que chiraquien », sans pour autant dénoncer le « ni-ni » voulu par son parti.

Une ligne que l’UDI, partenaire de l’UMP pour les municipales, n’entend absolument pas suivre. Yves Jégo, qui assure l'intérim à la tête du mouvement centriste en l’absence de Jean-Louis Borloo qui est en convalescence, a indiqué au Nouvelobs.com vouloir « respecter à la virgule près le front républicain ».

Le problème se pose essentiellement à Forbach où l’UMP Alexandre Cassaro (12,26 %) entend se maintenir dans une quadrangulaire qui oppose également le FN Florian Philippot (35,75 %), le divers-droite Éric Diligent (18,99 %), ainsi que le socialiste et maire sortant Laurent Kalinowski (33 %). « Si la liste UMP ne se retire pas, notre candidate le fera », a indiqué Yves Jégo. Partout ailleurs, l’UDI demande au PS et à l'UMP de retirer leurs listes dans neuf villes où le Front national risque de gagner.

Par ailleurs, le candidat FN de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), Dominique Joly (26,05 %), s'allie au second tour à Philippe Gaudin (31,8 %), candidat sans étiquette soutenu au premier tour par l’UMP, l’UDI, le Modem et Debout la République. Cette alliance se fera sans les logos: UMP,  UDI et MoDem ont indiqué qu’ils retiraient leur soutien à Gaudin.

Alliance FN-divers droite également à l'Hôpital (Moselle), une ville où Marine Le Pen avait frôlé les 40% au premier tour de la présidentielle. Le FN, arrivé en seconde position derrière la liste du maire divers gauche, fusionne avec la liste arrivée troisième. Dans cette ville ou un électeur sur deux vote A Sevran (Seine-Saint-Denis), le FN soutient une liste divers droite dont une colistière est adhérente du parti de Marine Le Pen.

L'Hôpital (Moselle), avril 2012.L'Hôpital (Moselle), avril 2012. © M.M.

À Paris, la question des alliances à droite se posait dans deux arrondissements : le Ve, où la socialiste Marie-Christine Lemardeley est arrivée en tête au premier tour avec 33,94 % des voix, devant Florence Berthout (UMP-MoDem-UDI – 28,49 %) et le dissident DVD Dominique Tiberi (19,43 %). Après avoir vivement critiqué son adversaire de droite – « Je ne sais plus exactement ce qui s’est échangé comme mots », dit-il aujourd’hui –, le fils de l’ancien maire de l’arrondissement, Jean Tiberi, consent à fusionner sa liste avec celle de Berthout.

« On se dirige vers 6 conseillers pour Berthout et 5 conseillers tirés de notre liste », confie-t-il à la mi-journée à Mediapart, en prenant bien le soin de rappeler que « le papier n’est pas encore signé ». Quant au programme, inutile pour les deux parties de discuter : « Ils ne sont pas vraiment différents… », reconnaît Dominique Tiberi.

Dans le VIIIe arrondissement, l’alliance de Charles Beigbeder (Paris Libéré – 19,27 %) et de la candidate UMP-MoDem-UDI Jeanne d'Hauteserre (46,65 %) n’aura pas lieu. « Ah ça, non ! tranche le député UMP et conseiller de Paris, Pierre Lellouche. Autant Tiberi était une négociation utile qui réconcilie le renouveau et l’expérience, autant Beigbeder n’en a rien faire du VIIIe arrondissement. Tout ce qui l’intéresse, c’est la circonscription. J’ai entendu dire qu’il s’alliait à Didier Decelle (autre candidat DVD de l’arrondissement qui a recueilli 5,17 % des suffrages – ndlr). Ils ont pour point commun leur ego surdimensionné et le fait d’avoir été exclus de l’UMP. »

Les autres dissidences qui ont émaillé la campagne de Nathalie Kosciusko-Morizet un peu partout dans Paris « n'existent pas » pour Lellouche. « Les listes “Paris Libéré” étaient les faux nez de Beigbeder. Elles n'ont pas passé le premier tour, leurs voix vont se reporter automatiquement », soutient-il. Des candidatures inexistantes, peut-être, mais pas indispensables puisque la candidate UMP à la mairie de Paris, en difficulté dans le XIVe, a fait savoir dans l'après-midi qu'elle s'alliait à son ancienne adversaire de droite dans l'arrondissement, Marie-Claire Carrère-Gée.

BOITE NOIRECet article, entamé mardi à midi, a été réactualisé en permanence dans la journée.

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Non, ce ne sont pas les «affaires» qui font le vote d’extrême droite

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Le postulat est répété en boucle, comme une évidence, après chaque élection ou presque. Le score important de l’extrême droite en France serait, aux yeux de certains responsables politiques, sondeurs et autres éditorialistes, provoqué par les « affaires » et le « climat nauséabond » qui les entoure. Comme si le FN ne se nourrissait que de la corruption, et qu’il fallait cesser de révéler les turpitudes de responsables publics (élus, hauts fonctionnaires ou chefs d’entreprise), cela au nom d’une curieuse union sacrée. Alors qu’il s’agit en fait de la politique de l’autruche.

Est-ce l’existence même de la corruption, ou simplement sa dénonciation publique qui motivent les suppliques récurrentes adressées aux médias, sur le thème « Ne faites pas le jeu de l’extrême droite »? Ce refrain pleurnichard était déjà entonné lorsque les premières affaires de financement occulte ont éclaboussé le PCF et le PS, à la fin des années 1980. Il a été repris avec vigueur par le RPR de Jacques Chirac et le Parti républicain de François Léotard et Gérard Longuet, la décennie suivante, au cours de laquelle les dossiers politico-financiers ont fait florès à droite. Il était encore fredonné lors du passage de Lionel Jospin à Matignon (1997-2002), au motif très cohabitationniste qu’il ne fallait pas s’abaisser à utiliser les affaires contre l’adversaire politique.

Le Pen père et filleLe Pen père et fille © Reuters

Puis, le choc du 21 avril 2002 est arrivé. Et Nicolas Sarkozy a recyclé une partie des thèmes qui appartenaient au corpus de l’extrême droite, comme l’identité nationale ou la tolérance zéro. Et à écouter certains, aujourd’hui encore, le discours réflexe du « tous pourris » et son corollaire électoral, le lepénisme contagieux, seraient imputables aux médias. Est-ce le fait de parler des « affaires » qui est sale, ou ne serait-ce pas plutôt les « affaires » elles-mêmes ?

Cet argument des dossiers politico-financiers qui profitent à l’extrême droite est discutable à plus d’un titre. Certes, historiquement, l’extrême droite adore instrumentaliser les « affaires » (scandale de Panama, affaires Dreyfus et Stavisky), mais ses racines culturelles et politiques plongent bien plus loin, dans l’histoire d’un vieux pays ayant été une monarchie, une terre catholique, un empire, une puissance coloniale, une République autoritaire et même un « État français » pendant quelques années sombres. Pour parler vite, les sentiments et pulsions populistes, sécuritaires, réactionnaires, nationalistes, xénophobes, racistes, islamophobes ou antisémites qui s’entremêlent aujourd’hui, à des degrés divers, dans le vote d’extrême droite n’ont pas besoin de la corruption pour exister.

La crise est passée par là. La banalisation des idées et du vote FN au delà de l’extrême droite traditionnelle est une réalité. Mais qui peut affirmer sérieusement que ce ne sont pas la crise économique, le chômage, la relégation, sociale ou géographique, le déclassement ou l’exclusion qui expliquent cette adhésion rampante plus que les « affaires » ? (Lire ici notre reportage en Seine-et-Marne pendant la présidentielle.)

Il est d’ailleurs troublant d’observer, lors de ces municipales, que nombre d’élus étant ou ayant été aux prises avec la justice sont réélus ou en passe de l’être. C’est le cas de Patrick Balkany (Levallois), Éric Woerth (Chantilly), André Santini (Issy-les-Moulineaux) ou Georges Tron (Draveil), tous réélus au premier tour, voire de Jean-Pierre Bechter (Corbeil-Essonnes) ou Jacques Mellick (Béthune), en tête après le premier tour. Tout se passe, dans ces communes, comme si l'on préférait un maire à casseroles fortement médiatisé à un candidat « honnête ». Cette déconnexion, qui peut se produire entre éthique et comportements électoraux, est connue et documentée (notamment grâce aux travaux de Pierre Lascoumes).

Dans un autre ordre d’idées, Bordeaux la bourgeoise ne réélit-elle pas triomphalement un « martyr des juges », en la personne d’Alain Juppé, qui a « payé » pour Jacques Chirac dans l’affaire des emplois fictifs du RPR ? Quant à Patrick Menucci, l’échec de sa campagne sur le thème d’une « opération mains propres à Marseille » pose aussi question. Bien sûr, il existe des contre-exemples locaux, comme à Fréjus ou Hénin-Beaumont, où le FN a prospéré sur les décombres d’un système municipal en décomposition. Mais il faut relativiser ces épiphénomènes en rappelant que le parti d’extrême droite fait aussi de bons scores dans les scrutins nationaux.

En fait, ce ne sont pas les affaires qui renforcent l’extrême droite, mais plutôt l’incapacité de notre justice à les traiter avec suffisamment de force et de célérité, faute de volonté politique. Ces dernières années, une longue liste de dossiers lourds ont trouvé un épilogue décevant, des procès Pasqua au procès Chirac, par exemple. Les causes en sont connues : manque de moyens pour la justice, juges débordés, règles de procédure de plus en plus complexes, dossiers trop vieux, procès anachroniques, réquisitions clémentes. Et pour finir : des relaxes ou des peines de prison avec sursis.

Chez nos voisins allemands, le très célèbre Uli Hoeness (ancien footballeur, président du club Bayern Munich et patron d’une usine de saucisses) vient d'écoper d’une peine de trois ans et demi de prison pour fraude fiscale. En France, la fraude fiscale fait le plus souvent l’objet d’un simple redressement avec pénalités, voire d’une peine de prison avec sursis si d’aventure le dossier est transmis à la justice par Bercy.

La justice, en France, n’est forte qu’avec les faibles. Ce sont donc le sentiment d’impunité de certains et l’exaspération symétrique des autres face aux passe-droits, autrement dit l’existence d’une justice à plusieurs vitesses, qui sont dangereux pour la démocratie. À l’inverse d’une partie des nos élites arc-boutée sur les immunités et autres privilèges, on peut penser qu’une répression plus forte et plus visible de la délinquance en col blanc est une vraie nécessité démocratique. Il s’agit de faire respecter le principe d'égalité des citoyens devant la loi et de replacer l’exemplarité des élites au cœur du pacte social.

Les deux réponses du gouvernement Ayrault à la désastreuse affaire Cahuzac – création d’une haute autorité de la transparence de la vie publique d’une part, et d’un procureur financier d’autre part –, suffiront-elles à guérir la crise de confiance ? La montée en puissance de ces deux institutions nouvelles est en cours et il faudra observer leurs résultats futurs. 

Les autres remèdes sont connus. Ils se nomment fin du cumul des mandats, suppression de la Cour de justice de la République (CJR), parquet indépendant, renforcement des moyens de la justice et de la police judiciaire, peines plus sévères, et inéligibilité. La potion n'est amère que pour ceux qui la redoutent, mais elle est nécessaire.

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Rachel Silvera: «Discriminées au travail, les femmes doivent se battre devant les tribunaux»

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Depuis plus de vingt ans, l’économiste Rachel Silvera, enseignante à l’université Paris-Ouest Nanterre, croise inégalités sociales et de genre autour du travail, de l'emploi et des salaires. La création du groupe de recherche du Mage (marché du travail et genre) en 1995 à l'initiative notamment de la sociologue Margaret Maruani, qui regroupait des chercheuses et chercheurs de toutes disciplines mais très peu d'économistes, l'a totalement convaincue de faire des inégalités hommes-femmes son cheval de bataille.

Elle publie Un quart en moins – des femmes se battent pour en finir avec les inégalités de salaire aux éditions La Découverte, un ouvrage majeur pour comprendre ces injustices d’un autre âge, persistantes malgré les lois, les discours et autres chartes, où les femmes touchent à poste égal – c’est une moyenne – 25 % de moins que les hommes. Elle y explique notamment les raisons de cet écart que quarante ans de législation n’ont pas réussi à corriger. Parce que les femmes ont des enfants, sont passées à temps partiel, occupent des emplois moins qualifiés ou moins valorisés, ou tout simplement parce qu’elles sont femmes... On connaît la chanson.

Rachel Silvera retrace aussi le parcours de Maria, Flora et quelques autres, des pionnières, victimes de la discrimination en entreprise parce qu’elles sont femmes, qui ont obtenu gain de cause devant les tribunaux et réparation à travers un rappel des salaires et une requalification après un parcours de combattante. La preuve que l'on peut gagner sur ce front mais aussi sur celui de la revalorisation des emplois des femmes. Lire de larges extraits de son livre ici.

Un quart en moins – des femmes se battent pour en finir avec les inégalités de salaire de Rachel Silvera, éditions La Découverte, collection Cahiers libres, 224 pages, 16 €.

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A Grenoble, le PS local soutient Jérôme Safar contre Solférino

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Les militants socialistes isérois ont reçu le message ce mardi soir à 21h34. Un court e-mail, dans lequel le premier fédéral du PS en Isère, Christophe Bouvier, « « apporte son soutien entier » à Jérôme Safar, le candidat socialiste aux municipales à Grenoble. Au risque de se mettre en délicatesse avec les instances nationales du parti socialiste. Mardi, Solférino a en effet retiré l'investiture PS à Jérôme Safar, distancé à la surprise générale au premier tour par une liste EELV-PG-citoyens, après que celui-ci a décidé de se maintenir au deuxième tour. 

« Notre soutien est clair depuis dimanche et n'a jamais dévié » écrit Christophe Bouvier aux militants, rappelant que « le bureau fédéral de ce lundi a exprimé à l'unanimité son soutien à Jérôme Safar dans sa prise de décision. » Le premier fédéral lance d'ailleurs un appel à la « mobilisation » pour que « les valeurs qui nous rassemblent l'emportent ce dimanche dans les urnes. »

Contacté par Mediapart mardi soir, Christophe Bouvier se fait plus précis : « La décision de retirer l'investiture à Jérôme est un désaveu des militants isérois. Elle ne prend pas en considération les gens sur le terrain », dit-il, rappelant au passage que la fédération socialiste de l'Isère est la « 10ème fédé du PS ».

« Je regrette cette décision, poursuit-il. Nous ne voulions pas abandonner notre projet pour des places sur une liste. Ici, des militants étaient prêts à rendre leurs cartes en cas de fusion avec EELV et le PG. » Selon lui, le choix du PS national est d'autant plus incompréhensible qu'« il n'y a pas de danger à Front national, et pas de danger non plus que la ville repasse à droite. »

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La CFE-CGC plante le patronat et François Hollande

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Grande première. Ce mardi 25 mars, à l’occasion d’une conférence de presse « exceptionnelle », Carole Couvert, la présidente de la CFE-CGC, a annoncé en plein entre-deux tours que son organisation changeait d’avis. Finalement, le syndicat des cadres, qui revendique 160 000 adhérents (et n'est pas vraiment du genre à faire des vagues), ne signe plus le relevé de conclusions sur le pacte de responsabilité. Le syndicat avait été pourtant l’un des premiers à parapher le 10 mars dernier avec les autres syndicats réformistes, la CFDT et la CFTC.

Sur le fond, cela ne change pas grand-chose. Le pacte de responsabilité, qui passe par le législateur, ne devient pas caduc. La CFE-CGC participera malgré tout aux négociations de branche qui en découleront. Les syndicats n’ont en effet paraphé qu’un relevé de conclusions. Cela n'a pas le même statut juridique qu'une négociation sociale, un accord national interprofessionnel, comme l’accord sur l’emploi de janvier 2013 ou la récente négociation de l’assurance-chômage, qui nécessitent la signature d'au moins trois syndicats sur cinq. C’est une déconvenue symbolique pour le gouvernement qui a fait du dialogue social la pierre angulaire de ses réformes, et compte sur la concertation pour mettre en place son pacte décrié.

Manifestation contre le pacte de responsabilité, mardi 18 mars, à ParisManifestation contre le pacte de responsabilité, mardi 18 mars, à Paris © Rachida El Azzouzi

Or l'exécutif est déjà en très grande difficulté après le premier tour des municipales. De nombreux élus, mis à mal dans leurs fiefs ou battus dimanche prochain lors du second tour, pourraient revenir ulcérés de la trêve parlementaire, qui s'interrompt le 7 avril. Certains rêvent d'ailleurs d'en découdre dès la semaine prochaine. « Si on perd une centaine de villes, plus Strasbourg et Toulouse, les députés verront se profiler un 21 avril 2017 et demanderont des comptes », parie un cadre socialiste. Certains pourraient alors contester ce fameux "pacte", sur lequel le gouvernement veut engager sa confiance devant le Parlement, mais qui symbolise dans une partie de la majorité les renoncements de la gauche au pouvoir (lire ici notre analyse). Ils auraient alors beau jeu de se justifier en mettant en avant le fait que l'accord n’est plus validé que par deux des cinq syndicats représentatifs, qui ne représentent pas la majorité des salariés.

La CFE-CGC ne rougit pas de cette volte-face qui peut paraître illisible et crée la signature réversible, un nouveau concept des relations sociales. « Ce n’est ni un coup de bluff, ni un coup de poker, ni un problème de gouvernance, ni la foldingue Carole Couvert qui a pris la décision toute seule ! explique à Mediapart Carole Couvert, la présidente du syndicat. C'est une décision prise à l’unanimité des fédérations ce lundi, lors d’un comité directeur que j’avais réuni en urgence. » Elle insiste encore : « Cela n’a rien à voir avec la politique, les municipales. » Elle appuie toutefois sur le « ras-le-bol fiscal des classes moyennes qui remonte du terrain ».

La confédération des cadres entre en grève du stylo car « la confiance avec le patronat est rompue », dit-elle. Car ce que la CFE-CGC ne digère pas, c'est l’accord conclu entre trois syndicats (CFDT, CFTC, FO) et le patronat dans la nuit du 21 au 22 mars sur la nouvelle convention d’assurance-chômage (lire ici notre article). Selon Couvert, il se fait « sur le dos des classes moyennes et des cadres ». La convention prévoit en effet que les cadres qui ont touché un gros chèque d'indemnités de départ devront à l'avenir attendre jusqu'à 180 jours pour toucher leurs allocations chômage, au lieu de 75 jours aujourd'hui.

« On se moque de nous. C’est un pacte de trahison qui va étrangler les cadres mais aussi les chômeurs puisque le patronat ne refuse quasiment aucune hausse de cotisation. Nous avons donc décidé de revenir sur notre décision de signer l'accord sur le pacte de responsabilité. On nous fait un enfant dans le dos. Il faut que le patronat arrête de nous considérer comme des supplétifs. Quant à ses promesses, elles sont fausses », assène Carole Couvert, nommée en avril 2013 à la tête de la centrale de l’encadrement après une guerre de succession. Elle cloue au pilori au passage « le Medef et la CFDT, les syndicats officiels du gouvernement avec lesquels tout se joue. Nous, les autres, nous n’existons pas ». Une véhémence dont la CFE-CGC est très peu coutumière.

Au ministère du travail, chez Michel Sapin, on refuse de commenter ce revirement. « C’est un peu bizarre comme attitude et c’est surtout contraire aux règles du dialogue social », pointe un conseiller social du gouvernement sous couvert d’anonymat. Il relativise ce coup de gueule, qui n'a selon lui « aucune conséquence pour la mise en place du pacte et révèle surtout un problème de gouvernance de la CFE-CGC, qui sait qu’elle ne pèse pas grand-chose ».

Du côté des syndicats contestataires, on sourit de voir la petite CFE-CGC rejoindre le camp des “nonistes” « après avoir été cocufiée par le Medef qui a préféré troubler le jeu en séduisant FO », lors de la négociation sur l’assurance-chômage. « Le plus grave, c’est qu’on nous bassine tous les matins avec le dialogue social mais nous n’en faisons pas en réalité. L’assurance-chômage a été une négo de couloir où le patronat a joué à “je te donne un poste, tu signes” dans des conciliabules fermés », fulmine un cadre de la CGT.

Carole Couvert, présidente de la CFE-CGCCarole Couvert, présidente de la CFE-CGC © reuters

Pour plusieurs acteurs et observateurs du microcosme social, ce changement de pied fragilise aussi le gouvernement socialiste car il renforce l'idée d'une alliance, étroite et exclusive, avec la CFDT dont de nombreux anciens sont conseillers dans les ministères. Dans les étages de la centrale réformiste, on en est bien conscients. Des mois que l’étiquette « courroie de transmission du gouvernement » colle à la peau de l’organisation de Laurent Berger, même si la CFDT n’a pas appelé à voter Hollande lors de la présidentielle, au contraire de la CGT.

« C’est bien malgré nous que ce soupçon circule », rétorque un responsable confédéral de la CFDT en “off”, qui estime que la CGC est surtout « une organisation à la dérive ». Il rappelle que son syndicat, qui ne participe à « aucun conseil des ministres », est « souvent en désaccord » avec le gouvernement. Pour lui, « le problème, ce n’est pas la CFDT mais le champ de ruines qu’offrent les acteurs politiques, patronaux et syndicaux en ce moment : les projecteurs sont braquées sur la CFDT, le seul syndicat. Nous n’allons pas arrêter d’investir le champ social parce que nos idées sont reprises ! ».

La discussion du pacte de responsabilité, sur laquelle le gouvernement compte demander la confiance des parlementaires, va très vite occuper les députés et les sénateurs. Le pacte de responsabilité, qui consiste en une baisse de 30 milliards du coût du travail – sans contreparties explicites pour le moment – doit être adressé à Bruxelles le 15 avril, en même temps que le programme massif de réduction des dépenses publiques envisagé par la France au cours des prochaines années.

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Le PS patauge dans le marigot du «front républicain»

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Délitement du désistement, énième épisode. Encore une fois, dans un entre-deux tours électoral, le parti socialiste se retrouve embourbé dans le marigot du « front républicain ». La notion est vague depuis ses origines, fluctue dans ses traductions selon les époques et les contextes, et renvoie le PS de ces dernières années à ses errances stratégiques et ses impensés idéologiques.

Dimanche soir, Jean-Marc Ayrault, suivi de tous les hiérarques socialistes, a d’emblée placé le débat sur ce terrain, en rappelant le principe dans une allocution solennelle : « Là où le Front national est en situation de l'emporter au second tour, l'ensemble des forces démocratiques et républicaines ont la responsabilité de créer les conditions pour l'empêcher. » En clair : en cas de risque FN et d’arrivée derrière la droite en troisième position, ne pas hésiter à retirer ses candidats et à appeler ses électeurs à voter à droite.

Qu’importe si, localement, les militants PS rechignent, pour des raisons légitimes, ou que l’UMP martèle de son côté son « ni-ni », ou même n’affirme désormais ne pas faire de grandes différences entre le PS et le FN. Comme lors des précédents scrutins, par exemple lors de divers scrutins partiels en 2013 (dans l’Oise, ou à Villeneuve-sur-Lot), aux législatives de 2012 à Carpentras, ou lors des cantonales de 2011.

À chaque fois, des sections socialistes ne comprennent pas pourquoi elles doivent recommencer à zéro, alors qu’elles ont mis des années à s’implanter. Et ce dans des collectivités souvent tenues par un élu UMP, dont les idées sont à peu près les mêmes que celles du FN, Marine Le Pen en moins. Mais à chaque fois, l’épée de Damoclès tombe depuis Solférino, le siège national du PS. Au nom des valeurs républicaines, les candidats ou les listes PS doivent se retirer. Quitte à disparaître du conseil municipal.

Lundi et mardi, le travail de conviction a été entamé par Solférino auprès de militants d’un coup suspectés d’inconscience, selon l’idée qu’ils seraient trop plongés dans la bataille politique municipale pour saisir le danger de mairies tombant aux mains du FN. « Localement, ils ont raison, concède le ministre hollandais Thierry Repentin. Mais nationalement, sur tous les plateaux de télévision, on reviendra au global, et le discours sera qu'on n'a pas fait barrage au FN. »

« Nous avons une position de principe, et nous réaffirmons sans cesse ce principe », appuie Laurence Rossignol, porte-parole du PS. « On peut encore moins se maintenir dans un contexte électoral difficile, assume de son côté Alain Fontanel, responsable des fédérations du PS. Si on transige, on nous accusera d'hypocrisie. On est dans un piège, mais on a choisi de ne pas faire d'exception. Même si le choix n'est pas complètement assumé par tout le monde dans le parti, cela permet d'empêcher l'UMP de se compromettre dans des alliances avec le FN. Notre clarté s'impose à eux. »

À Saint-Gilles, Perpignan, Cogolin, Brignoles, Valréas ou au Pontet, les candidats PS ont accepté la « demande de clarté » de la direction nationale. À Fréjus, Elsa Di Méo a finalement cédé aux injonctions de Paris. Mais, en pleurs, elle a refusé de donner de consignes de vote pour un second tour qui verra malgré tout une triangulaire très favorable au FN, avec la division de deux candidats de droite ayant choisi de se maintenir (après avoir fait 20 % chacun). Un temps, l’idée de faire liste commune a même été envisagée. Comme à Béziers, où le socialiste Jean-Michel Du Plaa a finalement refusé la proposition de fusion de l’UMP Élie Aboud (membre de la droite populaire).

« Si on fait ça, on offre un boulevard au Front national, a-t-il expliqué à ses militants. Un certain nombre de cadres du FN diront que l'UMPS en danger cherche à sauver sa place. Ça ne marchera pas. » Et d’ajouter, toujours selon Le Monde : « Nous n'aurons pas l'investiture, mais je ne crois pas que la direction du PS exclura des militants. Et au pire, ça pourra nous aider face aux électeurs. » Après avoir fusionné sa liste avec le Front de gauche, Du Plaa a lui fait le choix de maintenir sa candidature. Comme deux autres têtes de listes de la « gauche unie » : un écologiste à Cavaillon et un divers gauche à Beaucaire.

D’autres listes municipales n’ont en revanche pas fait l’objet de la même attention. À Hayange, le maintien de la liste PS de Philippe David (après fusion avec une liste divers gauche) pourrait favoriser l’élection du FN Fabien Engelmann. Dans le 7e secteur de Marseille, le socialiste Garo Hovsepian se maintient face au FN Stéphane Ravier, arrivé en tête. Dans ces deux cas, les explications de Solférino sont les mêmes : il s’agit d’un maire sortant et la gauche était divisée au premier tour.  

De toute façon, l’arsenal des sanctions devrait être limité pour les rebelles, en dehors du retrait de l’investiture socialiste au second tour. « Les mesures disciplinaires ne sont pas le sujet, tempère ainsi Laurence Rossignol. Aucun n’est un mauvais socialiste pour autant… » Dans les statuts du parti, le déclenchement d’une procédure d’exclusion pour “non-désistement” est beaucoup moins automatique qu’en cas de dissidence électorale. Et beaucoup moins rapide que les procédures pour “manquement éthique”. Même si aujourd’hui, il est encore impossible de savoir si Jean-Noël Guérini est encore officiellement au PS…

Harlem DésirHarlem Désir © Reuters

Depuis l’arrivée des socialistes au pouvoir, et de Harlem Désir à la tête du PS, la (relative) rénovation entamée sous l'ère Aubry a laissé place à une « culture SOS-Racisme », qui influence les mobilisations et l’action du parti, façon combat symbolique et moral, et mise en avant des valeurs. Ambiance meeting contre les extrémismes, ou contre les populismes, ou les deux, et diffusion de badges anti-racistes. Bien que prévenue et ayant annoncé une réflexion en ce sens en 2013, la direction du PS n’a finalement pas tenu à anticiper le débat stratégique sur l’attitude à adopter entre-deux tours. La raison invoquée par un dirigeant socialiste, en septembre dernier, était que «la situation ne se produira pas ». Raison plus crédible avancée aujourd’hui : le débat serait trop compliqué à trancher.

« C'est un débat difficile car il n'y a pas de réels débouchés, explique Alain Fontanel. Si on se met nous aussi à faire du “ni-ni”, cela reviendrait à mettre à égalité FN et UMP, et donc à achever de normaliser l'extrême droite, ce que nous refusons. » « L'histoire du front républicain est à contre-temps, regrette un conseiller ministériel hollandais. Il y a un vrai décalage avec le terrain. La direction socialiste n'a toujours pas compris que la diabolisation du FN, c'est fini. » Marie-Noëlle Lienemann, à l’aile gauche du parti, évoque aussi un doute stratégique : « Le front républicain suppose la réciprocité avec la droite. Si on est seul à l'appliquer, ça s’appelle du désarmement unilatéral. »

Lundi, un bureau national réuni en urgence a permis d’échanger sur le sujet, entre cadres socialistes. Mais pas de faire taire les scepticismes. « Le seul argument implacable qui a été développé, c’est celui de la cohérence avec les propos de la veille, se désole Lienemann. Mais pourquoi avoir fait du FN le centre des discussions et des analyses le soir du vote ?! On aurait pu parler de l’abstention des classes populaires, dire qu’on avait compris la claque… En même temps, a-t-on envie de comprendre le message de notre électorat ? »

Comme l’aile gauche du PS, et au contraire d’EELV qui retire également ses investitures aux candidats récalcitrants, Jean-Luc Mélenchon ne cache pas ses critiques envers « l’obsession du front républicain » de ses anciens camarades socialistes. « Il faut arrêter ! Comment fait-on quand la droite dit la même chose, voire pire, que le FN ? a-t-il dit lundi, lors d’une conférence de presse. C’est une mise en scène qui devient fatigante : on en parle avant le vote pour faire monter le FN, il monte, puis on cherche des responsables, et on évite tout débat de fond. »

Quid du maintien de cette doctrine, alors que s'annoncent dès l’an prochain élections cantonales et régionales ? « Notre position se tient tant que les élections où le FN arrive en tête sont des scrutins marginaux, dit Laurence Rossignol. Si jamais le “tripartisme” dont parle Le Pen s’installait de façon définitive et durable, cela voudra dire que notre stratégie aura échoué, et il faudra en changer. »

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A Marseille, l'alliance Gaudin-Guérini-FO achève la gauche

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 Marseille, de notre envoyée spéciale

Patrick Mennucci et Jean-Marc Coppola, le 24 mars.Patrick Mennucci et Jean-Marc Coppola, le 24 mars. © LF

« Il y a encore cinq secteurs où nous pouvons gagner », voulait croire lundi le candidat PS-EELV Patrick Mennucci, suite à la déculottée de dimanche. Dans la deuxième ville de France que la gauche espérait reconquérir après dix-neuf ans de mandature de Jean-Claude Gaudin (UMP), le PS-EELV est arrivé troisième (20,77 %) derrière l’UMP  (37,64 %) et le FN (23,16 %). « Cette sanction a été entendue. Mais ce n’est pas en re-sanctionnant le gouvernement la semaine prochaine que nous réglerons les problèmes de la ville », a argumenté Patrick Mennuci, qui espère que le score élevé du FN va provoquer « un sursaut pour en finir avec l’immobilisme de la municipalité Gaudin ».

Devant les photographes, le candidat PS-EELV et son homologue du Front de gauche Jean-Marc Coppola actaient lundi, dans un bistrot, l’accord entre leurs deux formations pour le second tour. « Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat », commente le patron marseillais du FDG, qui expliquait dimanche qu'il aurait du mal à convaincre certains de ses électeurs à se reporter sur le PS.

Ce fut une simple formalité, tandis que Pape Diouf, qui a réuni 8,10 % des voix sur ses listes citoyennes, refusait lui dans la soirée la main tendue de la gauche. L’appel de la magistrate Laurence Vichnievsky (EELV), annoncée comme première adjointe de Mennucci en cas de victoire, n’aura pas suffi à convaincre l’ancien président de l’OM de fusionner ses listes avec celles du PS-EELV. « Se rallier aujourd’hui, c’est prendre le risque de se discréditer pour l’avenir », a balayé Pape Diouf. Cette position a provoqué la déception de certains au sein de son mouvement « Changer la donne ».

La série noire pour la gauche marseillaise a continué mardi matin avec l’annonce du ralliement de deux maires de secteurs sortants, Robert Assante, ex-adjoint de Gaudin et candidat dissident dans le 6e secteur, et surtout de Lisette Narducci, candidate dans le 2e secteur et proche de Jean-Noël Guérini, qui avait rejoint les radicaux de gauche après avoir quitté le PS en 2012. Ces ralliements mettent à bas tout espoir pour les socialistes de l’emporter sur ces deux mairies, sauf mobilisation exceptionnelle. « Nous considérons que Jean-Claude Gaudin, arrivé en tête, a la responsabilité de rassembler une majorité nette au conseil municipal et à la communauté urbaine de Marseille, ce qui permettrait de gouverner cette ville de façon décrispée », nous expliquait lundi Yves Moraine, porte-parole du candidat.

Lisette Narducci aux côtés de Jean-Claude Gaudin et de ses lieutenants, le 25 mars 2014.Lisette Narducci aux côtés de Jean-Claude Gaudin et de ses lieutenants, le 25 mars 2014. © LF

Le coup est particulièrement rude dans le 2e secteur, qui comprend le quartier du Panier, fief historique du PS et de Jean-Noël Guérini, patron du département des Bouches-du-Rhône. Eugène Caselli, le président socialiste de la communauté urbaine arrivé troisième au premier tour et qui a refusé tout contact avec la « guériniste » Lisette Narducci, y repart donc seul au combat dans une triangulaire face au  FN et à la liste d'union de son ancienne camarade socialiste avec l'UMP. Comment Lisette Narducci, membre de la majorité de gauche au conseil général et qui s’est vu promettre la mairie de secteur par Jean-Claude Gaudin, va-t-elle gérer cette schizophrénie ? « Les gens ont une seule préoccupation, leur quartier, ils se moquent bien de ce que représentent les personnes en face d’eux dès lors qu’elles répondent à leurs attentes », a éludé la vice-présidente du département.

De son côté, le camp Gaudin justifie cette alliance avec la « candidate de cœur » de Guérini, mis en examen à trois reprises dans des affaires de marchés publics truqués, par la caution morale de l'ex-adjoint (UMP) au maire, Renaud Muselier, qui avait dénoncé le « système Guérini » dans un livre. « L’accord a été poussé et validé dès dimanche soir par Renaud Muselier. Quand on sait les affrontements énormes qu’il a eus avec Monsieur Guérini, c’est un signe très fort », justifie le sénateur UMP Bruno Gilles, candidat dans le 3e secteur qui a réalisé les premières « prises de contact ».

Ce rassemblement permet également à Jean-Claude Gaudin tout comme à Jean-Noël Guérini d'engranger chacun des conseillers municipaux grands électeurs pour les sénatoriales de septembre 2014. « Sinon, ça aurait été un coup de jackpot, l'un ou l'autre aurait tout remporté », décrypte Bruno Gilles.

Dans Le Monde, Jean-Michel Baylet, président du Parti radical de gauche, a désavoué mardi « cet accord contre nature » et menacé de sanctions « ceux qui ont passé cet accord ». « Cette alliance repose sur un partage des tâches entre filous, a également réagi Patrick Mennucci lors d’une conférence de presse mardi. À l’un, la Mairie de Marseille, à l’autre la présidence du conseil général et à eux deux une seule volonté : m’empêcher de débarrasser Marseille de ces réseaux qui gangrènent, m’empêcher de changer le destin de notre ville. » Avant de promettre, « demain maire de Marseille », de s'attaquer à ces « forces obscures ».

Affiche satirique de l'un des candidats aux élections "Marseille 3013" organisées par le off de MP2013Affiche satirique de l'un des candidats aux élections "Marseille 3013" organisées par le off de MP2013

Fort de ces accords et de son score au premier tour, Jean-Claude Gaudin a refusé d'affronter ses deux adversaires lors du traditionnel débat d'entre-deux tours organisé par France 3 Provence et Public Sénat jeudi. En fin d'après-midi, son attaché de presse assurait encore que le débat aurait lieu. « Il n'y a aucun souci, on est en train de discuter des différentes modalités », nous indiquait-il. Et à 20 heures le communiqué de Jean-Claude Gaudin tombe : « Pour moi, un débat télévisé sur France 3 Provence Alpes avec Stéphane Ravier et Patrick Mennucci ne serait pas utile à l'expression de cette priorité du rassemblement dans un dialogue constructif. Le débat démocratique des élections municipales n'a pas besoin de donner en spectacle les mêmes arguments incessants et inopérants, voire les diatribes complices du FN et du PS, contre mon bilan et mon projet, et contre le sentiment majoritaire des Marseillais. »

Désormais en position de réaliser un quasi grand chelem dimanche 30 mars, en remportant sept des huit secteurs de la ville, celui qui dirige la ville depuis 1995 sait qu'il a tout à risquer dans un débat de fond, programme contre programme, bilan contre projet. La ville figure régulièrement en queue des classements pour sa dette, ses embouteillages, sa fiscalité locale et dans les différents palmarès de L'Express.

À gauche, seule Samia Ghali, dans le 8e secteur, est à peu près certaine de conserver sa mairie de secteur. Dans le 3e secteur, la ministre PS Marie-Arlette Carlotti a 17 points de retard sur son adversaire, le maire sortant et sénateur (UMP) Bruno Gilles. Patrick Mennucci est, lui, mis en difficulté dans sa propre mairie des 1er et 7e arrondissements (raflée à la droite en 2008) avec un retard de 12 points. Le candidat avait d’ailleurs choisi mardi matin d’aller à la rencontre de ses électeurs dans le quartier d’Endoume (7e  arrondissement).

« Il a fait le calcul des voix, avec celles du FDG et de Pape Diouf, il passe », assurait dimanche soir son entourage. Mais la droite parie sur « la vague » du premier tour. « On sent que les habitants ont envie d’être proche du camp qui est en train de gagner, affirme la conseillère générale (UMP) Sabine Bernasconi, colistière de Dominique Tian sur ce secteur. Pour gérer les questions du quotidien, il vaudra mieux un maire de secteur qui fait partie de la majorité au conseil municipal et à la communauté urbaine. »

Laurence Vichnievsky, «symbole d'intégrité», lors du meeting du 9 mars sur le Vieux-Port de Mennucci.Laurence Vichnievsky, «symbole d'intégrité», lors du meeting du 9 mars sur le Vieux-Port de Mennucci. © LF

La gauche se trouve également menacée sur un autre de ses bastions, les 13e et 14e arrondissements, où le FN est arrivé en tête au premier tour. Le maire de secteur depuis 1998, Garo Hovsepian, imposé par Samia Ghali et Sylvie Andrieux après la primaire, n’y est arrivé que troisième, derrière Stéphane Ravier (FN) et Richard Miron (UMP). Au grand dam de l’UMP, le maire PS refuse de se retirer au second tour pour faire barrage au FN. « Le front républicain est inutile, justifie Patrick Mennucci. Nos électeurs n’iront certainement pas voter Richard Miron, et quand on additionne les voix nous sommes bien en situation de gagner. » « Le seul qui peut gagner le secteur, c’est M. Hovsepian », renchérit le député européen EELV Karim Zéribi.

La gauche se raccroche aux abstentionnistes, qui ont frôlé les 65 % dans certains bureaux de vote des cités qui lui sont traditionnellement acquis, ainsi qu'au report des électeurs du FDG et de Pape Diouf. « C’est sur nos meilleurs bureaux de vote que l’abstention est la plus forte, indique Stéphane Mari, adjoint PS de Garo Hovsepian. Tandis que là où le FN fait ses meilleurs scores, le taux de participation est déjà très élevé et ils n’ont donc plus de réservoir de voix pour le second tour. » L’équipe Mennucci a récupéré dès lundi les listes d’émargement pour repérer et appeler « les gens qu’on connaît, les amis qui ne se sont pas déplacés (...) qui ont voulu envoyer cet avertissement au gouvernement ».

Mais l’explication unique d’un vote sanction contre l’action du gouvernement semble bien courte. Dans les 13e et 14e arrondissements, faute d'avoir fait le ménage, le rejet du clientélisme, la proximité de Garo Hovsepian avec la députée Sylvie Andrieux, condamnée en 2013 à un an de prison pour détournement de fonds publics (le procès en appel aura lieu en juin 2014), ont certainement joué contre le PS. Ce qu'a reconnu à demi-mots Patrick Mennucci questionné lundi par le site Marsactu. « Ce week-end, c'est très clair, a-t-il déclaré. Moi, je perds 12 % et lui (Garo Hovsepian, ndlr) il en perd 21. Il n'y a pas de mystère. »  

L’après primaire et l’épisode de la difficile composition des listes, que certaines têtes de listes PS ont déposées elles-mêmes en préfecture dans le dos de Mennucci, ont montré que les baronnies socialistes et les logiques clientélaires étaient toujours à l’œuvre à Marseille. Au soir de la déroute du premier tour, Patrick Mennucci est apparu seul, sans ses têtes de secteurs, face aux journalistes dans son QG de campagne. Seule la généticienne Annie Levy-Mozziconacci, tête de liste dans le 4e secteur, a daigné passer une tête rue Montgrand.

Mennucci, Coppola et Ghali, le 24 mars 2014.Mennucci, Coppola et Ghali, le 24 mars 2014. © LF

Finaliste à la primaire, Samia Ghali a fait le service minimum durant la campagne : pas de réunion publique, peu d’apparitions aux côtés du candidat PS-EELV, ni de mention de son nom sur ses tracts distribués dans les 15e et 16e arrondissements. Lundi, aux côtés des têtes de liste PS et du Front de gauche, elle n’était présente que pour l’image et a refusé de répondre aux questions des journalistes, lorsque Patrick Mennucci lui a tendu le micro. Le matin même, poussée dans ses retranchements par un journaliste d’Europe 1, Samia Ghali pariait – assez lucidement – sur la défaite de son camp : « Je ne vois pas comment on peut gagner aujourd’hui, c’est clair. Par contre, nous pouvons au moins sauver les meubles et tout le monde doit comprendre qu’on ne peut pas laisser la ville à 100 % à Gaudin. Je pense aujourd’hui que Jean-Claude Gaudin restera maire. »

Comme le remarquait le blogueur marseillais Lagachon (un doctorant qui prépare une thèse sur le marketing territorial de Marseille), Patrick Mennucci pâtit d’une rénovation du PS marseillais restée à mi-chemin qui ne lui permet ni de « bénéficier des réseaux (de Jean-Noël Guérini, ndlr) », ni de « crédibiliser un discours de changement ».

« Il faut qu’on solde l’époque Guérini et on n’en a peut-être pas fini », estimait dimanche soir la magistrate Laurence Vichnievsky. Malgré ses trois mises en examen – la première date de septembre 2011 – et son soutien à des listes dissidentes à Marseille aussi bien qu'à Aix-en-Provence, l’ex-patron de la fédération PS des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini, n'a toujours pas été exclu par Solférino. Le bureau national du PS a été bien plus prompt à radier le 12 mars 2014 Jean-Claude Boscher, qui fut l'un des premiers militants PS à dénoncer publiquement les pratiques de Jean-Noël Guérini et qui a eu le tort de rejoindre une des listes citoyennes de Pape Diouf.

« J’espère que Monsieur Guérini et autres parlementaires des Bouches-du-Rhône mis en examen ou condamnés pour des babioles ne m’en voudront pas de les avoir précédés dans l’exclusion, a-t-il ironiquement répondu à Harlem Désir. Ils comprendront qu’au trébuchet du PS d’aujourd’hui le détournement de fonds publics, le trafic d’influence et l’association de malfaiteurs ne peuvent pas être comparés à une violation grave des statuts qui consiste à se présenter sur une liste se réclamant de la majorité présidentielle. »

« Avec Renouveau PS, nous nous sommes battus pour une prise de conscience sur les méfaits du clientélisme et maintenant c’est nous qui payons l’addition. Et Mennucci la paie très cher », constatait dimanche soir Pierre Orsatelli, l’un des fondateurs du collectif antiguériniste, qui a rejoint l’équipe Mennucci.

« Son programme est porteur de positions courageuses, comme la vente du stade Vélodrome ou la fin de la cogestion avec FO, il a peut-être un peu trop dérangé », remarquait également Laurence Vichnievsky dimanche soir. Les propositions du candidat pour donner un nouveau cap à la ville et revitaliser un service public défaillant heurtent en effet bien des intérêts en place à Marseille. Comme ceux de Force ouvrière Territoriaux (6 500 adhérents chez les quelque 16 000 agents de la ville et de la communauté urbaine). Le puissant syndicat majoritaire a distribué mardi matin devant la mairie et à la communauté urbaine un tract de quatre pages contre « le candidat de la gauche et du gouvernement ». Une expression très proche de celle utilisée par Jean-Claude Gaudin pour désigner son adversaire.

Tract de FO Territoriaux diffusé le25 mars.Tract de FO Territoriaux diffusé le25 mars.

Intitulé « Ce que cachent les attaques contre FO », le document reproche à Patrick Mennucci d’« accuser de tous les maux Force ouvrière et donc les agents territoriaux (...) au lieu de se concentrer sur les vrais problèmes de la population marseillaise ». Le syndicat s’y élève pêle-mêle contre la volonté de l’équipe PS-EELV de revenir au temps de travail légal pour les employés municipaux (la ville applique une durée annuelle de travail de 1 567 heures au lieu de 1 607 selon la chambre régionale des comptes), de supprimer le fini-parti (qui permet aux éboueurs de quitter leur poste dès la tournée finie, souvent pour travailler ensuite au noir), d’ouvrir les écoles de 7 h 30 à 18 h 30 ou encore de prolonger les horaires de la bibliothèque de L’Alcazar (l'amplitude d’ouverture annuelle des bibliothèques marseillaises est inférieure d'un mois à celles de Lyon et Paris).

Est également dénoncé le projet du candidat de vendre le stade Vélodrome, dont le partenariat public-privé de rénovation signé avec Bouygues par Jean-Claude Gaudin creuse les finances d’une ville déjà lourdement endettée (plus de 1,8 milliard d'euros). « Mais on n'affaiblit pas Force ouvrière », conclut de façon menaçante le tract. En janvier 2014, les Territoriaux de Force ouvrière avaient remis la carte de membre d'honneur du syndicat à Jean-Claude Gaudin, ce qui avait provoqué quelques remous au sein des instances nationales du syndicat.

Patrick Mennucci a dénoncé à plusieurs reprises ces réseaux souterrains, parlant même début février 2014 « d'une intervention du "milieu" pour m'empêcher de tourner la page des multiples systèmes qui gangrènent certains secteurs de la cité ». Des propos analogues lui avaient valu peu avant une plainte pour diffamation de Marc Fratani, ancien bras droit de Bernard Tapie, patron de La Provence, qui fait ouvertement campagne pour Gaudin.

"La famille est réunie". Gaudin et l'enfant prodigue Muselier réunis pour un meeting en février 2014."La famille est réunie". Gaudin et l'enfant prodigue Muselier réunis pour un meeting en février 2014. © LF

À droite, les attaques internes ont été tout aussi vives contre la gestion de Jean-Claude Gaudin clouée au pilori par Renaud Muselier, Robert Assante et le député UMP Guy Teissier. Petit florilège. « Tout dysfonctionne dans cette ville, assenait ce dernier, maire du 5e secteur lors d'un conseil municipal en avril 2013. On assiste malheureusement à la fin du règne de Jean-Claude Gaudin qui n'a jamais été un homme d'entreprise. (...) Il est assis dans son fauteuil et ne veut pas en bouger. La seule force qui le meut, c'est sa volonté de se maintenir au pouvoir, il est temps qu'il passe la main. Cette ville s'enfonce, son maire ne prend plus de décisions, tout est renvoyé à plus tard. » En février 2013, dans les colonnes du Parisien magazine, Renaud Muselier, ex-dauphin de Gaudin, n'était pas en reste avec son « Marseille est une ville qui sombre, son maire sortant est vieillissant et ses institutions inefficaces ».

Quant à Robert Assante, maire sans étiquette du 6e secteur et ex-adjoint de Gaudin, il étrillait avec constance le bilan du maire devant chaque journaliste qui voulait bien lui tendre un micro : bétonnage, non-respect des obligations pour l'accueil des gens du voyage, lourdes annuités de l'agrandissement du Vélodrome, problèmes de circulation, policiers municipaux cantonnés dans le centre-ville, etc. « Gaudin veut faire le Marseille du XXIe siècle selon un schéma de pensée hérité du siècle dernier, nous déclarait-il par exemple dans son bureau fin novembre 2013. Il a simplement un peu modernisé le defferrisme. (...) Quand les opposants disent qu'on est dans l'immobilisme, je ne dirai pas le contraire, à part Marseille Provence 2013. »

Mais, en bons petits soldats, chacun a su ranger ses couteaux dans la dernière ligne droite : Guy Teissier contre la promesse de présider la Communauté urbaine de Marseille en cas de victoire le 30 mars ; Renaud Muselier contre la tête de liste UMP dans le Grand Sud-Est aux élections européennes de juin 2014 ; et Robert Assante contre la certitude de garder sa mairie de secteur. Le maire sortant de Marseille a donc désormais beau jeu, après avoir réussi durant la campagne à esquiver tout débat avec ses adversaires, de se poser comme celui qui « unit », qui « rassemble » face au « Marseille bashing ». « Il n’y a pas de projet UMP, il y a un projet pragmatique pour Marseille, a déclaré Jean-Claude Gaudin mardi matin, dans un aveu surprenant. C’est pour cela que les Marseillais m’aiment. »

BOITE NOIREContactés mardi après-midi, Patrick Rué et Jean-Claude Mailly ne nous ont pas répondu.

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FagorBrandt: 3000 salariés français menacés par une filiale irlandaise

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C’est une amère parabole qui dit beaucoup des réalités de la mondialisation industrielle et financière : le sort des 1 800 salariés (et du gros millier d'employés sous-traitants) français de FagorBrandt se joue loin de l’Hexagone, quelque part entre l’Algérie, l’Espagne et l’Irlande. L’entreprise française est en redressement judiciaire depuis le mois de novembre, suite à l’effondrement de sa maison-mère Fagor, propriété du conglomérat basque espagnol Mondragón, étranglé par les dettes.

Le seul repreneur déclaré des emplois français est le groupe algérien Cevital. Mais ce dernier se heurte à une décision de justice espagnole, qui veut l’obliger à débourser plus qu’il ne le veut pour racheter les marques du groupe, très connues des consommateurs français mais détenues par une filiale irlandaise du groupe basque.

Jusqu’au 14 mars, le poids lourd de l'électroménager français paraissait sauvé, ou presque. Il pourrait en fait être mis en liquidation judiciaire dès la prochaine audience du tribunal de commerce de Nanterre, ce jeudi 27 mars. Un baisser de rideau juste avant le second tour des élections municipales serait catastrophique pour le gouvernement. « C’est compliqué, reconnaît-on à Bercy, mais on n’a pas l’habitude de baisser les bras. » Pourtant, l’exécutif n’a plus vraiment la main, tant les éléments clés du dossier sont hors de sa portée. À commencer par le portefeuille de marques localisé en Irlande, dont Mediapart parlait dès novembre.

Manifestation à Lyon, novembre 2013Manifestation à Lyon, novembre 2013 © Robert Pratta - Reuters

FagorBrandt fabrique et vend les appareils siglés De Dietrich, Brandt, Vedette et Thomson, quatre marques regroupées en 1995 sous le nom Brandt. En 2000, Brandt fusionne avec Moulinex, puis fait faillite. Le groupe est racheté par le financier israélien Elco en 2002, puis par Fagor en 2005. Et au détour de ce parcours accidenté, l’entreprise française a perdu la maîtrise de ses marques, qui sont pourtant « le nerf de la guerre », selon les termes de Laurent Prévost, le délégué central CFDT de l’usine de Vendôme (Loir-et-Cher), une des quatre présentes en France. À des fins purement fiscales, Elco avait en effet logé les quatre marques dans une filiale irlandaise.

Le raisonnement est un des classiques de l’optimisation fiscale des grandes entreprises : si la filiale irlandaise, dont l’existence n’est guère justifiée sur le plan industriel, est propriétaire des marques, elle peut faire payer aux filiales françaises une redevance annuelle pour avoir le droit d’exploiter ces marques. L’argent versé à l’Irlande permet de faire baisser les bénéfices déclarés au fisc français. Et de l’autre côté, l’Irlande ne taxe quasiment pas les bénéfices réalisés au titre de la propriété intellectuelle…

Après s’être désolidarisé de son portefeuille de marques, Brandt a ensuite accepté de le céder à sa nouvelle maison-mère espagnole, Fagor, « en contrepartie du financement dont l’entreprise avait besoin », rappelle Christian Legay, représentant du syndicat CFE-CGC. Un financement qui se chiffrait en millions d’euros à l’époque. Résultat, tout repreneur sérieux de l’entreprise devra non seulement investir dans les salaires, les usines, les dettes, mais aussi racheter les marques à la maison-mère espagnole, elle-même en liquidation. Comment imaginer la reprise de l’appareil industriel, si les appareils électroménagers qu’il produit ne peuvent pas être ornés des marques si connues du grand public (et qui représentaient 14 % du marché français fin 2013) ?

C’est ce qu’a bien compris Cevital, le holding industriel d’Issad Rebrab, une des plus grandes fortunes algériennes. Le groupe, fort de 12 000 salariés, propose de reprendre 1 200 salariés français (dans les usines d’Orléans et de Vendôme, au siège de Rueil et au service après-vente de Cergy), mais aussi 350 postes en Pologne et 300 en Espagne. Issad Rebrab a aussi promis la création à terme de 7 500 emplois en Algérie. Son offre est regardée d’un bon œil par le ministère du redressement productif, d’autant que les Algériens ont déjà repris en mai 2013 l’entreprise Oxxo, basée en Saône-et-Loire, dont Arnaud Montebourg fut député et président du conseil général jusqu’en 2012. « C’est un projet industriel sérieux, indique un conseiller ministériel. Sur ce dossier, on s’est battus, en se pendant aux lustres quand il le fallait, pour dégager le terrain en faveur de projets de ce type. »

En parallèle, la PME vendéenne Variance Technologies pourrait reprendre les deux sites de La Roche-sur-Yon et d’Aizenay, en conservant 200 postes sur 440. Mais elle maintiendra son offre seulement si Cevital s’engage à lui fournir un contrat de sous-traitance. Or, Cevital ne maintiendra son offre que si elle peut racheter les marques. Et c’est sur ce point que tout l’édifice pourrait s’effondrer. Le 26 février, le groupe algérien avait conclu un accord avec Fagor pour reprendre le portefeuille de marques au prix de 25 millions d'euros. C’était une amélioration importante de son offre initiale de 7 millions.

Tout semblait en voie de se conclure sereinement. Mais le 14 mars, coup de tonnerre. Le tribunal de commerce de San Sebastian, en Espagne, refuse de valider la cession des marques. Suite au recours de la banque publique espagnole Cofidès, créancière de Fagor qui souhaite récupérer plus d'argent, le juge demande à Cevital de relever son offre à 35 millions d'euros. Lors de débats, il a été argué que les marques valaient en fait plus de 70 millions d’euros, et que Cevital n’avait apporté aucune garantie sur la création d’emplois en Espagne.

Ces deux arguments passent difficilement côté français. « Lorsque Brandt a été vendue à Fagor, la filiale irlandaise était valorisée à 5,6 millions d’euros », assure un bon connaisseur du dossier. « Et Cevital n’a pas parlé d’emploi dans sa proposition au tribunal parce qu’on lui avait indiqué que la procédure serait plus rapide s'ils ne parlaient dans un premier temps que du rachat des marques ! » pointe le syndicaliste CFDT Laurent Prévost. Depuis, les négociations sont au point mort.

Cevital a fait savoir qu’il ne pouvait pas mettre plus d’argent sur la table, lui qui a déjà prévu d’engager 200 millions d’euros, en incluant le passif de l’entreprise. Et le groupe algérien a assuré ne pas vouloir maintenir son offre plus tard que le 30 mars. Or, le tribunal de commerce se réunit le 27, et pourrait donc en théorie prononcer la liquidation. « Il a déjà accepté de reporter sa décision quatre fois, souligne Christian Legay, de la CFE-CGC. Mais nous espérons que le juge repoussera encore sa décision de huit jours, le temps de savoir si oui ou non Cevital aura jeté l’éponge. Mais tout le monde est évidemment dans l’expectative, nous sommes inquiets. »

Le scénario catastrophe serait qu’un autre repreneur en profite pour racheter uniquement les marques, sans aucun salarié… Selon nos informations, une offre en ce sens a déjà été avancée, avant d’être balayée par le gouvernement français. « Il est évident que d’autres opérateurs peuvent mettre le paquet pour accaparer les marques, l’occasion est trop belle », s’inquiète Jean-Luc Poiraud, délégué Force ouvrière de l’usine de La Roche-sur-Yon, l’un des premiers à soulever le problème de la filiale irlandaise.

De toute façon, l’entreprise sera à court de trésorerie début avril. En décembre, l’État avait prêté 10 millions d’euros et les banques 5 millions pour faire repartir la production. Mais faute d’argent, les commandes aux fournisseurs ont à nouveau cessé, et toutes les usines sont arrêtées depuis une dizaine de jours.

Pour débloquer la situation, Arnaud Montebourg a envoyé un émissaire en Espagne et a dialogué plusieurs fois avec son homologue espagnol. Le sujet a aussi été abordé au Conseil européen du 20 mars par François Hollande et l’exécutif espagnol. Sur le papier, tout le monde convient que la décision du tribunal de San Sebastian pose problème. Mais la justice est indépendante, et le juge n’a pas souhaité revoir sa position. Du côté français, on espère que Cevital fera finalement appel et restera dans la course, quelle que soit la durée de la procédure. « Ils sont très sérieux, ils ont envie de faire quelque chose avec nous, assure Laurent Prévost. Sinon, ils seraient déjà partis depuis longtemps tellement la situation est compliquée. Mais en vérité, aujourd’hui personne ne sait ce que nous allons devenir. »

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