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L'association d'une élue UMP de Paris condamnée par les prud'hommes

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Décidément, la gestion de l’ARA 18 (Association Relais Autonomie 18) n’aura pas été une sinécure pour Roxane Decorte, candidate dissidente UMP à la mairie du XVIIIe. Après une condamnation pour abus de confiance en 2011, l’association que présidait la conseillère de Paris a été condamnée par le Tribunal des prud’hommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Plus d’un an après le jugement, elle ne s’est toujours pas acquittée de sa condamnation.

Abordée au conseil municipal du XVIIIe arrondissement où elle siège dans les rangs de l’opposition, Roxane Decorte nous a dit ne pas être au courant, arguant que l’association avait été liquidée. Mais la liquidation a été décidée début 2013, plusieurs mois après le jugement prud'homal.

Roxane Decorte pose avec sa fille sur ses affiches de campagne.Roxane Decorte pose avec sa fille sur ses affiches de campagne. © DR

Les faits remontent à 2007. Fouzia Benzouine aurait bien voulu éviter les prud’hommes. Mais Roxane Decorte ne lui a pas beaucoup laissé le choix. Cette auxiliaire de vie travaillait pour l’ARA 18 au service de personnes âgées. En tant que mandataire, l’association faisait le lien avec les bénéficiaires : elle rédigeait les contrats des employés, produisait les fiches de salaire et les certificats de travail. C’est donc l’ARA 18 qui était considérée comme son employeur.

Après quelques mois de travail, Fouzia Benzouine constate des irrégularités sur ses contrats et des heures non payées. Elle réclame à l’association le paiement des heures dues et des certificats de travail établis en bonne et due forme. L’employée ne comprend pas pourquoi elle a parfois été payée 9 euros brut de l’heure alors que ses contrats prévoyaient un tarif horaire à 9,5 euros. Elle reproche aussi à l’association d’avoir fourni des certificats de travail dans lesquels elle est qualifiée « d’aide-ménagère » et non d’auxiliaire de vie. « Cela m’a porté préjudice dans ma recherche d’emploi, explique-t-elle. J’ai dû recommencer comme femme de ménage. »

À la suite de ce courrier, Roxane Decorte reçoit Fouzia Benzouine deux fois à sa permanence d’élue du XVIIIe, laquelle ne parvient pas à se faire entendre. L’auxiliaire de vie saisit alors l’inspection du travail. Laquelle ne tarde pas à rappeler à l’ordre l’ARA 18 et sa présidente. Dans une lettre adressée à Roxane Decorte, le contrôleur du travail en charge du XVIIIe arrondissement est catégorique : « Vous voudrez bien procéder à la régularisation des bulletins de paie et des attestations de travail de Mme Y. dans les plus brefs délais, conformément à la réglementation et m’adresser les justificatifs », ordonne le contrôleur du travail, qui pointe les mêmes irrégularités que l’employée.

Mais Roxane Decorte conteste les faits reprochés par le contrôleur du travail. Elle affirme que les bulletins de salaire de Madame Benzouine ont été rectifiés et maintient que le taux applicable pour son salaire est de 9 euros brut de l’heure.

Fouzia Benzouine porte donc l’affaire devant les prud’hommes et obtient gain de cause par un jugement du 19 juillet 2012. Le juge départiteur condamne l’association à lui verser 5 500 euros d’indemnités de salaires et dommages et intérêts, et à prendre en charge les frais de justice. Et trouve peu de circonstances atténuantes. Dans son jugement, il estime « nécessaire de souligner les graves insuffisances de l’ARA 18 et de sa présidente en matière de gestion administrative, comptable et juridique des contrats de travail qu’elle établissait ». 

« Je n’étais même pas au courant de cette audience », se défend Roxane Decorte. L’avocate de Fouzia Benzouine a plutôt l’impression que l’association joue à cache-cache avec ses responsabilités. « J’avais déjà envoyé un huissier à la première adresse, rue de Trétaigne, où était initialement enregistrée l’association, sans succès », explique maître Cacheux. La nouvelle adresse rue de La Chapelle n’a d’ailleurs pas été enregistrée à la préfecture. Et lorsqu’un huissier y passe le 15 janvier 2013 pour faire exécuter la décision du tribunal, nulle trace de l’association. « Le nom de l’association Relais Autonomie 18 ne figure nulle part », précise son procès-verbal. À cette adresse se trouve la permanence UMP de Roxane Decorte. Cette dernière a bien du mal à expliquer ce mélange des genres : « Mais non, l’association n’était pas domiciliée à ma permanence. C’est juste qu’on avait une boîte aux lettres pour recevoir le courrier. »

Permanence UMP du 34, rue de La Chapelle, Paris XVIIIPermanence UMP du 34, rue de La Chapelle, Paris XVIII © VO

Et balaie toute responsabilité : « Je ne suis plus présidente de cette association. Elle a été liquidée fin 2012. » Plus précisément, elle a été liquidée le 28 février 2013, soit sept mois après le jugement des prud’hommes. Sept mois pendant lesquels l’ARA 18 ne s’est pas acquittée de sa condamnation, la seconde du genre.

Il y a un an, Le Canard enchaîné dans son édition du 24 octobre 2013 révélait la condamnation en décembre 2011 de Roxane Decorte à 4 mois de prison avec sursis et 6 000 euros d’amende pour abus de confiance : la justice lui reprochait d’avoir indûment touché 30 000 euros. « C’est une erreur administrative que j’ai payée très cher », déclarait alors Roxane Decorte au Parisien

Est-ce cette condamnation qui a valu à l’élue d’être éjectée de la liste UMP pour le XVIIIe arrondissement, portée par Pierre-Yves Bournazel ? Elle estime plutôt que son profil atypique dérange : « Nathalie Kosciusko-Morizet me considère comme une femme de ménage, parce que je ne fais pas partie de la "France" des châteaux, de la grande bourgeoisie. Il y a un problème de classe. On n’est pas dans le même monde, moi je suis une maman seule qui élève sa fille », écumait-elle dans les colonnes du Journal du dimanche après son éviction, n’hésitant pas à poser avec sa fillette sur ses photos de campagne.

Fouzia Benzouine, elle aussi, est une maman qui élève seule ses enfants. Et quatre ans après les faits, la seule option pour cette ex-employée lésée est de se lancer dans une nouvelle procédure auprès des organismes compétents pour obtenir le recouvrement de sa créance.

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Ecoutes: les mensonges et silences de l’avocat de Sarkozy

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Désormais, Thierry Herzog ne peut compter que sur un seul avocat : lui-même. Et c’est loin d’être simple. Après avoir bénéficié du soutien d’une partie non négligeable de ses confrères lors de l’annonce des écoutes judiciaires, l’avocat de Nicolas Sarkozy est réapparu exténué – et très seul – jeudi matin, devant le micro de Jean-Pierre Elkabbach, sur Europe 1. L’avocat a attendu 24 heures avant de réagir à la révélation par Mediapart d’une synthèse de sept écoutes judiciaires ayant provoqué, en février, l’ouverture d’une information judiciaire pour « trafic d’influence ».

Thierry Herzog, l'avocat de Nicolas Sarkozy. Thierry Herzog, l'avocat de Nicolas Sarkozy. © Reuters

Après avoir confié à Nicolas Sarkozy un téléphone acheté sous une fausse identité (le désormais fameux “Paul Bismuth”), Thierry Herzog a informé quotidiennement l’ancien président de ses contacts avec le haut magistrat Gilbert Azibert pour tenter de peser sur la décision de la Cour de cassation chargée d’examiner la validité des actes d’instruction de l’affaire Bettencourt. L’enquête, confiée aux juges Patricia Simon et Claire Thépaut, a rapidement donné lieu à des perquisitions de ses bureaux et domiciles, très mal perçues par les avocats. Les écoutes montrent aussi que l’avocat dispose d’un réseau et d’un mystérieux « correspondant », qui lui permettent d’être averti d’éventuelles perquisitions des bureaux de Nicolas Sarkozy dans l’affaire des financements libyens.

« Je ne suis soupçonné de rien », a soutenu Me Herzog sur Europe 1, sans vraiment convaincre son intervieweur. Question d’Elkabbach : « Pourquoi parlez-vous de Gilbert Azibert, "l'ami Gilbert (…) qui bosse si bien"... ? » Réponse de l’avocat : « Le moment venu, s'il le faut, je m'en expliquerai, mais ce qui m'intéresse aujourd'hui, c'est de dire que les principes ont été bafoués. »

Thierry Herzog a préféré garder le silence sur les principaux enseignements des écoutes : la manipulation d’un magistrat, moyennant promesses, pour influencer des décisions judiciaires et des manœuvres pour court-circuiter l’action judiciaire dans le dossier libyen.

Dans le dossier Bettencourt, l’avocat de Nicolas Sarkozy prétend n’avoir bénéficié « d'aucune information privilégiée » : « Tout a été fait dans la légalité. » Me Herzog tente d’expliquer qu’un premier document évoqué dans les écoutes lui avait été communiqué officiellement par son avocat à la Cour de cassation, Me Patrice Spinosi. « J'ai la preuve que le 28 janvier, lorsque j'informe mon client de la teneur du rapport qui vient de m'être communiqué, j'en ai connaissance officiellement depuis la veille par mon avocat à la Cour de cassation qui me l'a transmis tout à fait régulièrement, assure-t-il. Je ne fais que mon métier ! » Il a écrit dans ce sens, mercredi, au procureur de la République de Paris François Molins – qui, au passage, n’est pas le premier concerné, puisque l’information judiciaire le visant a été ouverte par la nouvelle procureure financier, Éliane Houlette...

Le problème, c’est que Thierry Herzog est parvenu à obtenir la teneur non pas d'un mais de trois documents (relatifs à l’annulation de la saisie des agendas présidentiels), dont il rend compte à son client : le mémoire du rapporteur de la Cour de cassation, les réquisitions de l’avocat général, mais aussi l’avis du rapporteur à ses collègues, qui, comme cela est évoqué dans l’écoute, « ne sera jamais publié ».

L’argument de l’avocat vise en réalité à remettre en cause juridiquement la légalité des écoutes judiciaires. Le premier document, lui ayant été légalement transmis, n’aurait pas dû, selon l’avocat, donner lieu à une prolongation des écoutes. Seulement voilà, ces écoutes, ordonnées par les juges de l’affaire Kadhafi, visent depuis le mois de septembre la ligne officielle de Nicolas Sarkozy et celle achetée sous une fausse identité par son avocat. L’écoute de Me Herzog, elle, n’a été qu’incidente.

« Pourquoi avoir inventé le nom de Paul Bismuth, le malheureux, c’est quelqu’un qui existe et qui proteste de l’usage de son nom ? Vous le connaissiez ? » a aussi questionné Jean-Pierre Elkabbach. « Il y en a sans doute beaucoup, des Paul Bismuth ! C'est un nom que j'ai donné tout à fait par hasard, s’est défendu Me Thierry Herzog. Dans le même temps, je profite de votre micro, pour lui dire (au vrai Paul Bismuth - ndlr), il le sait, on s'est parlé, que c'est tout à fait le fruit du hasard. »

"Paul Bismuth""Paul Bismuth" © Reuters

Hasard ou pas, le vrai Paul Bismuth a indiqué qu’il ne renonçait pas à déposer plainte pour « usurpation d’identité », ayant l’impression d’être « comme un pion dans un sac de détritus ». Comme Le Canard enchaîné l’a raconté cette semaine, deux avocats proches de Nicolas Sarkozy ont en effet été missionnés auprès de lui pour le dissuader de « faire ça à Sarko ».

Au micro d’Europe 1, Thierry Herzog s’est également expliqué sur l’usage du mot « bâtards » pour désigner les juges de l’affaire Bettencourt. « J'ai eu peut-être des propos qui ont pu être des propos privés et qui prennent aujourd'hui toute cette ampleur », a-t-il confirmé.

Parallèlement à cette nouvelle tentative de contester la légalité des écoutes, l’avocat se plaint aussi de la fuite de leur contenu. « Aujourd'hui, je vais demander au Procureur de la République, par le dépôt d'une plainte pour violation du secret de l'instruction, d'ordonner une enquête et d'identifier quels sont les auteurs de ces violations du secret de l'instruction, a-t-il fait savoir. C'est-à-dire qui a remis à Mediapart les rapports tronqués qui ont été ainsi publiés hier. Je pense qu'on devrait sans difficulté pouvoir identifier très facilement qui sont le ou les auteurs. »

Visant implicitement Mediapart, Me Thierry Herzog voudrait que des moyens importants soient mis en œuvre à ce sujet : « Vous pensez que les moyens mis en œuvre pour opérer des perquisitions à mon cabinet, dans mes domiciles, dans le studio de mon fils, pour violation du secret de l'instruction, mobilisant des dizaines de policiers, trois juges d'instruction, on ne peut pas mettre les mêmes moyens pour savoir très rapidement qui a violé le secret de l'instruction ? »

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La Parisienne Libérée et Jérémie Zimmermann : «Genèse du Net»

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C'est l'avantage des récits mythologiques et cosmogoniques : on peut y ranger les choses dans l'ordre qui nous arrange !

CONTEXTE
La commission industrie du parlement européen a adopté mardi 18 mars un texte important sur le marché des télécommunications, qui va servir de base au vote en plénière qui aura lieu le 3 avril prochain. La Quadrature du Net dénonce un texte qui « démontre l'influence colossale qu'exerce le lobby des télécoms sur le processus législatif européen ». Elle s'inquiète en particulier du fait que des « services spécialisés » pourraient permettre aux opérateurs de contourner la neutralité du Net.

Le concept de Net neutre est à plusieurs titres discutable et il est souvent utilisé dans des contextes (en particulier institutionnels et marketing) où les préoccupations réelles pour la liberté d'internet ne sont pas au premier plan. Pour évoquer ces questions, il vaut sans doute mieux parler d'un Net universel, d'un Net libre et d'un Net ouvert, tant la neutralité n'est ni une réalité technique, ni un principe réellement mobilisateur.
Jérémie Zimmermann l'explique clairement dans la partie de l'entretien de documentation consacrée à ce problème (voir la vidéo ici, premier chapitre). Mais derrière la diversité de ces expressions, les intérêts économiques cherchant à s'approprier les bénéfices du réseau sont bien réels. Et ils méritent qu'on reste attentif aux dispositifs législatifs nationaux et européens qui limitent (ou pas) l'appétit financier des grandes entreprises de télécommunications.

Le premier volet du projet Datalove est ici.

GENÈSE DU NET [datalove #2]


Paroles et musique : la Parisienne Libérée

[citation de Jérémie Zimmermann]
En réalité la neutralité du net c’est l’universalité du net.
Ça veut dire que tout le monde connecté à internet a accès à tout internet et peut participer à tout internet.

Au commencement, l’Homme créa les 0 et les 1
Et il vit que cela était bien.
Alors pour les mettre en commun
Il fit une grande fête et créa : Internet

Comme l’Homme était infiniment sage
Il voulut qu’Internet soit ce lieu de partage
Dans lequel les humanités
Puissent s’entraider, s’exprimer
Sans distinction de sexe, de religion, ou d’âge

Mais un jour où il était sûrement d’une humeur moins bonne
Il créa l’État et les Géants Télécoms

Quelques jours plus tard, les Géants assemblés
Vinrent lui rendre visite au petit matin et lui tinrent ce prêche :
« Homme, certains de tes amis sont fort bien dotés
Mais d’autres sont
clairement dans la dèche !
Désormais, nous livrerons les paquets prioritairement
À ceux qui donneront le plus d’argent »

Puis vers midi, l’homme reçut un courrier de l’État
– Qu’il avait créé pour rien, jusque-là –
Dans lequel un certain nombre de mots listés
Étaient suivis de la mention :
« Prière de censurer tous les paquets
Contenant au moins l’un de ces mots-clés »

Alors que le soir tombait
L’homme réfléchissait.

Il eut soudain une idée.
Il convoqua l’État, et lui dit :
“État, j’ai décidé de créer la Loi
et c’est toi qui t’en occuperas,
Alors grave ceci, dans la cire de ta plus belle tablette :

« Plus jamais il ne sera porté atteinte à l’universalité du net.
Plus jamais
aucun paquet ne sera discriminé.
Plus jamais un Zéro ou un Un ne sera filtré ou priorisé
Par rapport à son Zéro ou à son Un voisin.
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen connecté,
Article premier. »

[citation de Jérémie Zimmermann]
Le problème aujourd’hui c’est que des intérêts industriels d’une part et politique d’autre part rêvent de porter atteinte à cette universalité. Il faut un net neutre, il faut un net universel.
Il y a déjà un certain nombre de pays au monde qui ont fait le choix d'imposer cette neutralité du net (...) qui ont donc inscrit dans la loi qu'Internet doit être neutre et que les opérateurs n'ont pas le droit de violer cette universalité.


Net neutrality
Сетевой нейтралитет
Netzneutralität
Neutralidad de red
(ad lib.)

DOCUMENTATION
http://www.mediapart.fr/journal/economie/200113/la-neutralite-du-net-premier-dossier-du-nouveau-conseil-du-numerique
http://www.mediapart.fr/journal/economie/130313/la-neutralite-du-net-doit-etre-une-liberte-fondamentale

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Les précédentes chroniques
Arithmétique de l'accident nucléaire / Flashballes / Nantes, 22 février /Notre-Dame-des-Landes n'est pas compensable / It's cold in Washington / Rien à cacher / Le chômage et son nombre /Système D / Racontez-nous tout ! / La compétitititititivité / Donnez vos données /La petite guerre humanitaire / Ce ministre de l'intérieur /La TVA et son contraire / Nuclear SOS / Don't buy our nuclear plant / La guerre de 13-18 / Cap vers nulle part / La Honte / Prière pour la croissance / Gaz de schissss... / L'ours blanc climato-sceptique / Mon Cher Vladimir / Fukushima-sur-Mer / L'hôpital sans lit / C'est pas pour 20 centimes / Qui veut réformer les retraites ? / Le grand marché transatlantique ne se fera pas / Austerity kills / La méthode ® / La LRU continue / Le spectre du remaniement / Amnésie sociale / Décomptes publics / Legalize Basilic / Dans la spirale / Le marché du chômage / Le châtiment de Chypre / Le chevalier du tableau noir / Le blues du parlementaire / Aéropub / Le patriotisme en mangeant / Les ciseaux de Bercy /La chanson de la corruption / Nucléaire Social Club / Le théâtre malien / La guerre contre le Mal / Le nouveau modèle français / Si le Père Noël existe, il est socialiste (2/2) / Si le Père Noël existe, il est socialiste (1/2) / Montage offshore / Le Pacte de Florange / La rénovation c'est toute une tradition / L'écho de la COCOE / Notre-Dame-des-Landes pour les Nuls / Si Aurore Martin vous fait peur / Le fol aéroport de Notre-Dame-des-Landes / Ma tierce / Refondons / TSCG 2, le traité renégocié / L'empire du futur proche / La route des éthylotests / Les experts du smic horaire / "Je respecte le peuple grec" / La bouée qui fait couler / Les gradins de la démocratie / Les casseroles de Montréal / Fralib, Air France, Petroplus... / Comme un sentiment d'alternance / La boule puante / Le sens du vent / Sa concorde est en carton / Demain est un autre jour / L'Hirondelle du scrutin / Huit morts de trop / Le rouge est de retour / Financement campagne / Je ne descends pas de mon drakkar / Quand on fait 2 % / Toc toc toc / Travailleur élastique / A©TA, un monde sous copyright / Y'a pas que les fadettes... / Les investisseurs / La TVA, j'aime ça ! / Votez pour moi ! / Les bonnes résolutions / PPP / Le subconscient de la gauche (duo avec Emmanuel Todd) / Un président sur deux / Mamie Taxie / L'usine à bébés / Kayak à Fukushima / La gabelle du diabolo / Les banques vont bien / Le plan de lutte / «Si je coule, tu coules...»

 

 

 

 

 

 

 

 

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Municipales : les candidats socialistes misent sur l'hyperlocal

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Peu ou pas connus sur la scène nationale, ils ratissent leur ville depuis des semaines pour être élus maires, à coups de porte-à-porte, de réunions d'appartement et de meetings. Gérard Ségura, 66 ans, Jean-Pierre Guérin, 49 ans et Alde Harmand, 43 ans, sont trois candidats socialistes aux municipales. Dans leurs villes, le scrutin des 23 et 30 mars s'annonce serré. Même si leur liste rassemble au-delà du seul PS, l'étiquette socialiste n'est pas simple à porter alors que le gouvernement est très impopulaire. Pour gagner la ville qu'ils convoitent, ou ne pas perdre celles dont ils sont maires, ils ont donc choisi de faire campagne sur des enjeux très locaux. Quand les électeurs leur demandent leur avis, certains ne cachent pas leurs désaccords ou leurs réticences sur la politique gouvernementale. Ces dernières semaines, Mediapart a suivi trois candidats qui mènent campagne par vent contraire.

Gérard Ségura, maire d'Aulnay-sous-Bois (80 000 habitants, Seine-Saint-Denis)

« La dernière fois, on a gagné avec 200 voix. Si vous additionnez l'impopularité du gouvernement, les difficultés que nous avons eues et l'abstention, cette ville doit basculer. On va tout faire pour inverser cette arithmétique. Mais il faut que la population se lève pour voter. Sinon… » Depuis des mois, Gérard Ségura, maire et vice-président du conseil général de Seine-Saint-Denis, multiplie porte-à-porte et réunions d'appartement pour conserver Aulnay-sous-Bois, 80 000 habitants, troisième ville la plus peuplée du département. Principale cible : les quartiers très populaires du nord de la ville, la cité de l'Europe ou la Rose des vents, plus connue sous le nom de cité des 3 000 (lire ici notre reportage). Ces quartiers choisissent massivement la gauche. Quand ils votent.

Alors que les quartiers sud, immense zone pavillonnaire, penchent à droite, Gérard Ségura, ancien professeur d'espagnol qui a arraché de peu la ville à la droite en 2008, a donc concentré une grande partie de sa campagne sur le nord de celle-ci.

Affiche de campagne de Gérard Ségura, maire sortant d'Aulnay-sous-BoisAffiche de campagne de Gérard Ségura, maire sortant d'Aulnay-sous-Bois © Mathieu Magnaudeix

Samedi 15 mars, devant le Lidl de la cité de l'Europe, reconstruit à l'emplacement du garage Renault incendié lors des émeutes de 2005 – l'image avait fait le tour du monde – le maire distribue des tracts : rénovation urbaine, future gare métro du Grand Paris annoncée pour 2022, etc. « Maintenant l'avenir peut être rose », promet Ségura.

Mais les électeurs ont de gros doutes. La fermeture de l'usine PSA, mise sous le tapis pendant la campagne présidentielle, a beaucoup marqué. « Les gens mélangent la politique municipale et ce que fait le gouvernement, ils nous parlent des impôts qui ont augmenté depuis l'élection de François Hollande », s'inquiète Bahya Meliti, militante PS. « Certains choix économiques du gouvernement sont parfois difficiles à faire accepter. Parfois, on nous demande pourquoi on a fait le mariage homo avant le droit de vote des étrangers », raconte Latifa Bezzaouya, secrétaire de la section. « Le droit de vote des étrangers, c'est l'occasion ratée du quinquennat. Il fallait y aller, même si on perdait au Parlement ! On aurait au moins annoncé la couleur », dit Ségura.

Dans ces zones où le chômage touche un actif sur quatre, le maire est très questionné sur le chômage : « Les gens veulent savoir quand la courbe sera inversée, ils aimeraient que l'on n'en reste pas aux déclarations. » La situation politique nationale attise les revendications locales. À commencer par le manque cruel de logements : 13 000 demandes en attente, pour seulement « 50 à 60 disponibles par mois », selon le maire. Dans les porte-à-porte, c'est le sujet numéro un. Le maire doit aussi répondre aux « zones d'ombre » qui, de son propre aveu, entourent la gestion de la maison municipale de l'emploi et de la formation : après une plainte de Gérard Ségura, la structure fait l'objet d'une enquête préliminaire depuis deux ans.

Samedi 15 mars. Porte-à-porte à la cité de l'Europe. Samedi 15 mars. Porte-à-porte à la cité de l'Europe. © Mathieu Magnaudeix

En face, le candidat UMP, Bruno Beschizza, un proche de Nicolas Sarkozy, nationalise les enjeux et mène une campagne à droite toute. Ses mots d'ordre : sécurité, lutte contre le « bétonnage » de la commune – Aulnay compte 33 % de logements sociaux, bien au-delà de ce qu'exige la loi. Mais aussi la prétendue « théorie du genre » : dans cette ville où une grande partie de la population est musulmane, Beschizza fait campagne en montrant dans ses porte-à-porte un livre intitulé Mehdi met du rouge à lèvres

À Aulnay, la gauche part divisée : les écologistes ont quitté la majorité en 2010. Ils présentent un candidat, Alain Amédro, soutenu par le parti de gauche. Celui-ci promet d'être « maire à temps plein sans cumul », la « fin des passe-droits » dans l'attribution de logements et de places en crèche et préconise un « urbanisme bien pensé ». L'ex-premier adjoint de Gérard Ségura s'est rallié au candidat UDI. Pour conjurer la dispersion des voix et l'abstention qui vient, « on ramène la campagne au local, on donne des exemples d'amélioration dans la ville », raconte Latifa Bezzaouya, la première secrétaire du PS. Gérard Ségura a également pris sur sa liste Tanja Sussest, syndicaliste chez PSA-Aulnay.

Son objectif : pousser le cœur de son électorat à aller aux urnes. Forte abstention oblige, il a calculé qu'il lui fallait sécuriser 8 000 voix (sur 41 000 inscrits) pour l'emporter. « Plutôt que du porte-à-porte, on a préféré faire 180 réunions d'appartement pour aller au bout des discussions », explique Ségura. Au total, 3 500 personnes ont participé à ces rencontres depuis l'automne. Ce « noyau » d'électeurs, qui s'agrandit au fur et à mesure que les militants récupèrent des adresses et des numéros de téléphone, est régulièrement recontacté, et incité à mobiliser autour de lui et à voter dès le premier tour.

Jean-Pierre Guérin, ancien chef de cabinet de Jean-Marc Ayrault, candidat au Mée-sur-Seine (21 000 habitants, Seine-et-Marne)

Se démarquer du pouvoir, Jean-Pierre Guérin peut difficilement se le permettre : jusqu'en novembre 2013, il était chef du cabinet de Jean-Marc Ayrault. Un très proche du premier ministre. Sur le terrain, pas question pour lui de déjuger son mentor : pas vraiment le genre de cet homme loyal, muet comme une carpe quand on lui pose quelques questions sur le chef du gouvernement, même anodines.

En campagne, Jean-Pierre Guérin, conseiller général de Seine-et-Marne et candidat au Mée-sur-Seine, à trois quarts d'heure du centre de Paris, joue donc une partition bien à lui. Sur le fond, rien que du local. Sur la forme, sérieux et rigueur. Allié aux écologistes et au parti radical de gauche, il compte ravir la ville au centre, qui la détient depuis des décennies. Son slogan : « Un nouveau départ pour Le Mée. »

Ce vendredi, lui et quelques colistiers ont enfilé leur coupe-vent blanc, leur signe de ralliement. « On va peut-être réveiller des gens qui ont des horaires décalés », prévient le candidat, en tournée dans un lotissement situé près de la gare RER. Ville-champignon, Le Mée est une de ces cités désertées les jours de semaine : les habitants y dorment et y passent leur week-end. Beaucoup passent chaque jour des heures dans les transports en commun. C'est aussi une ville très populaire, avec 45 % de logements sociaux. Le taux de chômage est à 15 %, bien au-delà de la moyenne en Seine-et-Marne.

Vendredi 7 mars. Porte-à-porte de Jean-Pierre Guérin, candidat PS au Mée-sur-SeineVendredi 7 mars. Porte-à-porte de Jean-Pierre Guérin, candidat PS au Mée-sur-Seine © Mathieu Magnaudeix

Ici, François Hollande a fait 60 % au deuxième tour de la présidentielle. Un terreau favorable pour le candidat PS… s'il n'y avait pas l'impopularité du gouvernement. Lorsque les portes s'ouvrent, Guérin sert un discours bien rodé, centré sur l'action du maire sortant : « La ville s'est dégradée… que ce soit en matière de commerces… de petits trafics… le maire n'a pas toujours pris des décisions qui vont dans le sens de l'intérêt général… par exemple quand il s'est acheté une mairie à 3,5 millions d'euros. » Avec un ton un peu professoral, le candidat PS stigmatise la hausse de la dette, la gestion des ordures, etc. Une campagne en mode gris souris, avec des promesses ultrapragmatiques : le classement de la ville en zone de sécurité prioritaire, une pépinière d'entreprises, une réforme concertée des rythmes scolaires, etc.

Même si les logos des partis qui le soutiennent figurent en petit en bas de ses tracts, Jean-Pierre Guérin ne se présente jamais comme socialiste, ni même comme un candidat de gauche. On le lui fait remarquer. « Je ne cache pas qui je suis, rétorque-t-il. Les gens le savent. Par ailleurs, je suis candidat pour être maire, soutenu par des gens sans étiquette. » Connu dans la ville, il pense échapper au vote sanction. « Il jouera dans les communes où les candidats sont peu implantés. »

Pendant la tournée, l'accueil, parfois chaleureux ou poli, est souvent indifférent, voire polaire. « La ville se dégrade, oui, mais ce que vous dites ce n'est pas nouveau ! », s'énerve un habitant qui ne fera qu'entrouvrir sa porte. « Ça fait onze ans que j'habite là, c'est la première fois que je vous vois », lance Patrick, 39 ans, pâtissier et abstentionniste revendiqué. « Je ne sais pas s'il y a du monde pour voter, en tout cas le PS va se prendre une bonne branlée », dit-il. Au Mée-sur-Seine, l'abstention a atteint 45 % aux municipales de 2008, 50 % dans certains quartiers.

Alde Harmand, maire de Toul (Meurthe-et-Moselle, 16 000 habitants)

Alde Harmand est un homme placide. « Catho de gauche » (il n'aime pas l'expression), archiviste de formation (il est spécialiste de l'« orfèvrerie religieuse en Lorraine après la Révolution »), il n'a pas vraiment le profil type de l'apparatchik socialiste. Il n'est d'ailleurs entré au PS qu'il y a deux ans, quand il est devenu vice-président du conseil général de Meurthe-et-Moselle.

Alde Harmand est devenu maire de Toul en 2013. Il a alors succédé à Nicole Feidt, une socialiste qui dirigeait la ville depuis 2001, après trente ans de gestion RPR. Toul reste divisée : au deuxième tour, Nicolas Sarkozy et François Hollande étaient à 50/50.

Trois listes à Toul. Dont celle du maire sortant, le socialiste Alde Harmand (au centre)Trois listes à Toul. Dont celle du maire sortant, le socialiste Alde Harmand (au centre) © M.M.

Ancienne cité de garnison, commune ouvrière qui a connu des déboires industriels mais renaît grâce à sa proximité avec Nancy, Toul est une ville modérée. Ça tombe bien : Alde Harmand aussi. Tandis que la liste UMP, menée par Pascal Matteudi, mène campagne sur l'insécurité, les impôts et les ordures, le sortant affiche la sérénité du vieil édile confiant dans le vote des électeurs. La droite s'est divisée cet automne : fâchés avec Nadine Morano, la responsable de l'UMP dans le département, des élus Modem ont fait sécession.

À la tête d'une liste mêlant des socialistes, des centristes, des écologistes, et beaucoup de non-encartés, Alde Harmand, conseiller général depuis 2004 (« J'ai gagné un canton à droite depuis 60 ans »), joue la carte de la « proximité ». Ici, tout le monde le connaît : pendant sa jeunesse, il faisait visiter la cathédrale l'été. Sur ses tracts, le mot PS ne figure nulle part. Même pas le logo. « Si je mettais le poing et la rose, je frustrerais 28 personnes sur 33, il ne faut pas rigoler. » En regardant de près, on distingue juste un tout petit « Union de la gauche et du centre et des forces vives de la cité ». La seule référence politique sur ses documents de campagne.

« J'ai commencé le porte-à-porte il y a un mois, personne ne parle du national », justifie Alde Harmand, qui confirme l'aspect « morne » de la campagne. « C'est vrai que les gens ne nous parlent pas beaucoup. Mais quand ils se prononcent sur Hollande, ce n'est pas en bien », dit Patrick Bretenoux, un responsable du PCF qui fait les porte-à-porte avec le maire. « C'est d'ailleurs pour ça qu'on mène une campagne très locale », avoue sa femme Catherine, communiste elle aussi et colistière d'Harmand.

Vendredi 14 mars. Fatima Ezaroil et Christine Assfeld-Lamaze, militantes PS, tractent à la Croix de Metz, un quartier populaireVendredi 14 mars. Fatima Ezaroil et Christine Assfeld-Lamaze, militantes PS, tractent à la Croix de Metz, un quartier populaire © M.M.

« Je n'ai qu'une seule ambition : mon projet local », martèle Harmand. Il met en avant son bilan : les cantines à 3 euros, les fournitures scolaires gratuites, la réfection du centre-ville historique, une salle de spectacles, la vidéosurveillance mobile qui coûte moins cher et « permet de suivre la délinquance ».

Il fait campagne sur la culture et le tourisme, le développement économique, la création de maisons de quartier, etc. Mais aussi des projets plus originaux : une résidence intergénérationnelle, une mutuelle qui serait accessible à l'ensemble des habitants ou bien un système d'épargne au taux du livret A pour accompagner la naissance de nouveaux commerces en centre-ville. Alde Harmand n'oublie pas non plus d'aller voir les personnes âgées dans les maisons de retraite : ce sont elles qui votent le plus.

Voix calme, dégaine bonhomme (et costume trop grand), Harmand, né en 1970, incarne peut-être la nouvelle génération du socialisme municipal : une gestion hyperlocale, « pas clivante », ultrapragmatique. « Je ne suis pas un homme de parti. Les partis, c'est un bloc d'idées et vous ne pouvez pas sortir du bloc. Je ne vais à aucune réunion du parti socialiste, ça ne m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse, c'est de gérer cette ville », répète-t-il.

« D'ailleurs, je peux critiquer le gouvernement, on ne me la fera pas boucler : si l'on nous baisse trop lourdement les dotations aux communes, comme sous Sarkozy, alors je monterai sur le bureau pour dire non. » Il dit que « le gouvernement est allé sur des champs sociétaux où l'on ne l'attendait pas et pas sur les champs où on l'attendait, l'économique, le social ».

Pour le reste, Alde Harmand assure ne pas avoir d'ambition nationale. « L'échelon le plus haut où j'irai, c'est le départemental. Le national ne m'intéresse pas. Faut jamais se couper de la base. » Cette campagne dépolitisée lui va très bien.

BOITE NOIRECet article a été l'occasion d'un court échange sur le marché de Toul avec Nadine Morano, ex-ministre de Nicolas Sarkozy, battue à Toul aux législatives 2012. Vendredi 14 mars, vers midi, je m'approche de quelques militantes UMP pour les interroger. Nadine Morano fait partie du lot. Quand je me présente comme journaliste à Mediapart, elle me fustige du regard, me retire le tract qu'une des militantes m'avait donné, le déchire. « Tu sais qui c'est Mediapart ? C'est Edwy Plenel ! Ce n'est pas du journalisme à Mediapart. » « Je ne lui parle pas », dit-elle en s'éloignant. Elle entraîne avec elle les militantes. Il n'y aura pas d'entretien.

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Le patron de La Poste perçoit une rémunération digne du CAC 40

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Le projet d’encadrement des rémunérations des grands patrons tourne décidément à la farce. Alors que le candidat François Hollande avait promis, durant la campagne présidentielle, que des dispositions législatives imposeraient une modération des rémunérations de tous les P-DG, ceux du public aussi bien que ceux du privé, le gouvernement n’a cessé de louvoyer et de multiplier les reculades. D’abord, le gouvernement a renoncé à tout encadrement dans le privé, n’instaurant un plafond de rémunération annuelle de 450 000 euros que pour les grands patrons du public.

Et voilà que l’on découvre aujourd’hui que le ministère des finances, chargé de l’application de ces dispositions légales, ne veille même pas à leur respect, et qui plus est à La Poste, l’entreprise en charge du plus emblématique des services publics français. Ou alors le ministre a une interprétation plutôt laxiste de la loi. Selon nos informations, le P-DG du groupe La Poste, Philippe Wahl, a en effet perçu des rémunérations fixes et variables de 736 490 euros en 2013, soit très au-delà de ces 450 000 euros autorisés. Le patron de l’entreprise publique a perçu cette année-là une rémunération presque équivalente à celle des oligarques du CAC 40 qui défraient périodiquement la chronique financière. S'il était intégré au hit-parade de ces rémunérations du CAC 40, Philippe Wahl se situerait entre Martin Bouygues, patron du groupe éponyme, qui a perçu pour 2012 une rémunération de 920 000 euros, et Jean-François Dubos, président du directoire de Vivendi, qui a reçu 594 000 euros.

Philippe WahlPhilippe Wahl

Durant cette année 2013, Phlippe Wahl a d’abord été le P-DG de La Banque postale, la principale filiale du groupe La Poste. Puis, à compter du 26 septembre 2013, à la suite de sa nomination prise par décret en conseil des ministres, il est devenu P-DG du groupe La Poste. Pour parvenir à retracer l’ensemble des rémunérations perçues par lui, il suffit donc de se reporter aux rapports annuels pour 2013 de La Banque postale et de sa maison mère, La Poste : le premier peut être téléchargé ici et le second là.

Pour La Banque postale, l'information se trouve à la page 58. On y découvre ces éléments d’information sur Philippe Wahl, dans un tableau que nous reproduisons ci-dessous :

(Cliquer sur le tableau pour l'agrandir)

 

D'après ce tableau, le montant total des rémunérations effectivement versées à Philippe Wahl, en sa qualité de patron de La Banque postale, a atteint 617 218 euros en 2013, contre 765 455 euros en 2012.

Cette rémunération de 617 218 euros est déjà très supérieure aux 450 000 euros que la loi a fixés comme plafond. Sitôt après l’élection présidentielle, le gouvernement a en effet mis en œuvre ce premier volet de la promesse du candidat François Hollande, en instaurant ce plafonnement pour les rémunérations des principaux dirigeants des entreprises publiques. Un premier décret, en date du 26 juillet 2012 (il peut être consulté ici), est donc très vite paru au Journal officiel, déterminant les conditions de cet encadrement. Puis un second décret, en date du 15 octobre 2012 (il peut être téléchargé là), a précisé certaines des conditions d’application de la réforme, notamment dans le cas des filiales des entreprises publiques. En clair, dans le cas de La Banque postale, le dispositif d’encadrement a pris effet au plus tard le 15 octobre 2012 et valait donc pour l’année 2013.

Pour disposer de la rémunération de Philippe Wahl en tant que P-DG de La Poste, il faut ensuite se reporter à la page 197 du document de référence de La Poste, évoqué plus haut. On y découvre le tableau suivant :

Nommé président de La Poste le 26 octobre 2013, Philippe Wahl a perçu à ce titre une rémunération de 119 272 euros pour les trois derniers mois de l’année. Au prorata temporis, cette somme correspond donc au plafond des 450 000 euros fixé par le gouvernement. Mais si l’on additionne cette somme aux 617 218 euros effectivement perçus la même année par Philippe Wahl en qualité de président de La Banque postale, on arrive donc bel et bien à la somme globale que nous évoquions, à savoir 736 490 euros.

Le P-DG de La Poste est-il donc un patron hors-la-loi ? Dans l’entourage de l’intéressé, on le conteste avec énergie. On fait valoir que sa rémunération annuelle est bien de 450 000 euros brut. Si les sommes perçues dépassent provisoirement ce montant, c’est simplement parce qu’elles intègrent pour 2013, conformément à la réglementation bancaire, des versements étalés de sa rémunération variable obtenue au titre de président de La Banque postale. En effet, la réglementation bancaire prévoit depuis 2010 que les rémunérations variables des banquiers soient versées sur plusieurs années : elles sont dues les années concernées mais payées sur deux, voire trois ans. Ainsi, Philippe Wahl perçoit aujourd’hui, et ce sera encore le cas en 2014 pour la dernière fois, une partie de sa rémunération acquise avant même que les décrets ne soient pris pour encadrer la rémunération des patrons des entreprises publiques.

Les proches de Philippe Wahl font donc valoir que l’intéressé respecte scrupuleusement la loi et qu’on ne peut lui reprocher aujourd’hui d’avoir appliqué la réglementation bancaire en étalant sa rémunération variable. Ils soulignent également que tous les éléments de sa rémunération sont évidemment transparents, publics, et ne sont complétés par aucun autre élément (ni jetons de présence, ni dispositif de retraite, ni parachute).

Il n’empêche ! Les syndicats de La Poste risquent de ne guère apprécier ces arguments, à l'instar de Nicolas Galepides, secrétaire général de la fédération SUD-PTT, qui a dit son étonnement à Mediapart : « Les dirigeants du groupe La Poste sont en général très discrets sur leur rémunération. Ils cumulent pour certains la double casquette de directeur d'un métier au sein de La Poste maison mère, Courrier, Services financiers et Colis et de P-DG d'une holding, Sofipost, La Banque Postale et Geopost. Le comité exécutif de La Poste a vu ainsi sa rémunération moyenne tripler en une dizaine d'années (5,8 millions d'euros pour 11 dirigeants en 2013), alors que les rémunérations moyennes des fonctionnaires et salarié-e-s augmentaient d'une vingtaine de % sur la même période. »

Et le syndicaliste d’ajouter : « Concernant la rémunération pour l'exercice 2013 de l'actuel P-DG de La Poste qui, jusqu'au 15 octobre 2013, était P-DG de La Banque postale, filiale à 100 % du groupe La Poste, on s'étonne de son niveau (plus de 730 000 euros) dans la mesure où il nous a déclaré lors d'une audience fin 2012 qu'il était un homme du service public et qu'il acceptait que sa rémunération soit réduite de 50 % comme l'entendait le président de la République avec le plafonnement à 450 000 euros par an. C'est d'autant plus difficile à accepter pour les postières et les postiers que le plan stratégique du groupe La Poste pour les années à venir se fera sous les auspices d'un "pacte social" où il est question d'agilité et de frugalité pour les personnels. À preuve, pour les 235 000 salariés et fonctionnaires de La Poste, la hausse des salaires a été fixée à seulement + 0,7 % pour 2014, tandis qu’en 2013 les effectifs ont diminué de 4 400 emplois. »

Et dans le débat public, il y a fort à parier que l’opinion ne s’arrête pas plus à ces subtilités et soit frappée par l’énormité de cette somme de 736 490 euros. C’est d’autant plus vraisemblable que le ministre des finances, Pierre Moscovici, n’a cessé de se ridiculiser avec ce dossier et est sans cesse apparu comme l'exécutant des sommations venues du Medef. Dès juillet 2012, il avait d'ailleurs promis, conformément à l’engagement du candidat socialiste, qu’un système d’encadrement serait trouvé pour les grands patrons du secteur privé, qui sont encore autrement plus boulimiques.

Mais on sait ce qu’il est advenu de cette promesse. Pierre Moscovici a finalement annoncé le 24 mai 2013 qu’il renonçait à légiférer dans le domaine des rémunérations des grands patrons du secteur privé (lire Rémunérations patronales : un enterrement de première classe). Et pour justifier sa décision, il a eu cette formule stupéfiante, qui risque de lui coller longtemps à la peau : il a dit que plutôt que de s’en remettre à une réforme de la loi, il préférait la solution d’une « régulation exigeante ».

Et sans grande surprise, on a eu, peu de temps après, la vérification in vivo de ce qu’était cette « régulation exigeante » : au mois de novembre suivant, on a appris que Philippe Varin, à l’époque P-DG de PSA, devait bénéficier d’une retraite chapeau de 21 millions d’euros, que lui avait généreusement accordée le comité de rémunération du groupe, comprenant en particulier un proche du gouvernement, Louis Gallois, mais aussi le numéro deux du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux. S’il n’y avait donc eu une très forte émotion de l’opinion, conduisant Philippe Varin à renoncer à son pactole, la « révolution exigeante » chère au Medef et à Pierre Moscovici se serait dénouée par une pantalonnade.

Et c’est un peu ce qui menace Philippe Wahl. Car quel que soit le bien-fondé des arguments juridiques qu’il peut faire valoir, l’opinion retiendra qu’il a perçu en 2013 bien plus que ce qu’avait annoncé le gouvernement. Et cela recommencera en 2014. Comme si, décidément, il y avait perpétuellement de nouveaux et irréfutables arguments pour ne surtout pas appliquer la promesse du candidat socialiste…

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

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RATP: des Roms interdits de bus

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Cosmin rentrait chez lui, à Champs-sur-Marne en Seine-et-Marne, après un rendez-vous à Paris dans les locaux de l’association des Enfants du canal où il suit une formation dans le cadre du service civique. Il attendait le bus 213 à la gare RER de Noisy-Champs, en direction de Lognes-le-Village un mardi de janvier, en fin d’après-midi. Il raconte qu’au moment où il s’apprêtait à monter dans le véhicule, le chauffeur s’est interposé pour lui interdire l’accès, alors même qu’il était muni de sa carte Navigo.

De nationalité roumaine issu de la minorité rom, Cosmin, selon son surnom d’emprunt, vit dans un cabanon situé dans un bidonville. Réflexe rare parmi ses compatriotes rétifs aux contacts avec la police, il décide de déposer plainte quelques jours plus tard. Selon son témoignage – assorti d’une copie de son titre de transport valide – que Mediapart a pu consulter, le bus était déjà en stationnement quand Cosmin, âgé de 23 ans, est arrivé à l’arrêt. Les portes étaient fermées. Le chauffeur ne les a ouvertes qu’à partir du moment où d’autres passagers se sont présentés. Cosmin était accompagné de deux collègues dans la même situation que lui. « Nous avons laissé passer (les autres passagers) et lorsque j’ai voulu monter dans le bus le chauffeur m’a dit en ces termes : “Les Roumains, ils vont à pied, ils montent pas dans le bus.” Je me suis expliqué avec le chauffeur en lui montrant mon pass Navigo, j’avais tout à fait le droit de monter comme tout le monde, mais le chauffeur ne l’a pas entendu comme ça. »

Le titre de transport valide du plaignant.Le titre de transport valide du plaignant.

La suite révèle les motivations du conducteur. « Le chauffeur de ce bus était agressif, indique Cosmin dans sa plainte, et il a dit en ces termes : “Je m’en fous, tu peux avoir deux pass Navigo, tu monteras pas dans mon bus.” J’ai de nouveau expliqué à ce chauffeur que c’était un bus de transport public, donc que j’avais le droit de monter dedans comme tout le monde. » Le chauffeur lui aurait alors rétorqué : « Le bus n’est pas public, vous, vous êtes sales, sales Roumains, j’aime pas vos visages, et je prends qui je veux dans mon bus. » Avant d’ajouter : « Sales Roumains, vous êtes comme les chiens. » Il aurait alors joint le geste à la parole : « Finalement, il était tellement énervé qu’il a fait descendre tout le monde du bus, il a fermé les portes et il est resté debout face à la porte. Finalement, nous sommes partis voyant (que) l’accès au bus serait impossible. »

Choqué par cette scène, Cosmin prévient son tuteur en service civique, François Loret, également membre du Collectif de soutien aux Roms du Val-Maubuée. Le lendemain, la direction de la RATP est alertée : le bénévole envoie un mail de protestation relatant l’enchaînement des faits. Il ajoute que cette pratique est « récurrente » de la part des agents « sur les lignes qui desservent le secteur du Val-Maubuée ». « Le fait de détenir un titre de transport ne suffirait donc plus à pouvoir utiliser les transports en commun, il faudrait maintenant pouvoir justifier d’une appartenance ethnique en conformité avec les pensées les plus malsaines de certains de vos personnels ? » s’interroge-t-il, prévenant que le Défenseur des droits a été saisi et qu’une plainte contre la RATP n’est pas à exclure « pour que cessent ces pratiques odieuses, discriminatoires et interdites ».

La réponse tarde à venir. Une semaine après les faits, François Loret se rend sur les lieux pour tenter d’interpeller les chauffeurs de la ligne « contre le racisme » et faire un appel à témoins. « Une famille rom est arrivée sur ces entrefaites. Et là, rebelote. Ils veulent monter dans le bus, l’accès leur est refusé », indique le bénévole. « Le chauffeur a vu que je le prenais en photo, poursuit-il, il a appelé les services de sécurité de la RATP qui, eux-mêmes, ont appelé la police, et au bout du compte, j’ai été contraint de supprimer la photo de mon appareil. »

L'appel à témoins diffusé à la gare RER de Noisy-Champs quelques jours après les faits.L'appel à témoins diffusé à la gare RER de Noisy-Champs quelques jours après les faits.

Ce n’est que le 1er mars qu’un mail signé d’une conseillère clientèle RATP arrive sur la boîte électronique de François Loret. Le « correspondant » de la ligne 213 a été mis au courant. « Un travail est en cours avec la mairie, les autorités et un rappel a été fait aux agents de la ligne », assure la chargée de clientèle. « Une surveillance importante est en cours en ce moment », ajoute-t-elle, concluant qu’elle « regrette cette situation ». Ce contact avec la RATP n’est pas le premier. Un an auparavant, le militant s’était indigné de l’habitude prise par des conducteurs de RER de klaxonner au passage de leur train au niveau d’un campement, depuis évacué, installé à proximité des voies.

Les « regrets » de la RATP n’empêchent pas les incidents de se poursuivre, selon François Loret, qui cite l’exemple d’une femme rom « qui s’est fait sortir du bus manu militari par le chauffeur » sur la même ligne, à l’arrêt de la gare de Chelles. Autre mésaventure signalée : le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, une habitante d’un autre bidonville de Champs-sur-Marne a expliqué au collectif de bénévoles qu’un agent de sécurité de la RATP, à La Défense, là où elle s’installe régulièrement pour jouer de la musique, a contrôlé ses papiers d'identité (ce qu'il n'est pas autorisé à faire) et les lui a confisqués (sans les lui rendre, y compris les jours suivants). « Nous sommes allés lundi au commissariat de Noisiel, les policiers en poste n’ont pas voulu prendre notre plainte, ils n’ont accepté qu’une main courante », indique François Loret, qui précise que le procureur a été saisi ainsi que, de nouveau, le service clientèle de la RATP.

Ces agissements à répétition ont fait réagir le vice-président du conseil régional d’Ile-de-France, Pierre Serne (EELV), chargé des transports et des mobilités. Dans un courrier en date du 10 mars adressé au P-DG de la RATP, Pierre Mongin, il dénonce les « faits graves » qui lui ont été relatés et demande des explications. Le Défenseur des droits, de son côté, a commencé à enquêter. Des attestations de témoins confirmant des propos à teneur discriminatoire voire raciste lui ont été adressées. Une fois obtenu l’aval du procureur de la République, il entend accéder aux bandes de vidéosurveillance.

À la CGT-RATP-Bus, on ne paraît pas étonné. « Nous avons des remontées d'un climat délétère dans certains dépôts. Les machinistes ne sont pas plus racistes que le reste de la population, mais on ne peut nier des dérapages », reconnaît un dirigeant du syndicat. « Une pétition anti-Roms, dénonçant l'insécurité supposée liée à leur présence, a circulé il y a quelques semaines. À la CGT, nous avons réagi auprès des agents en leur faisant remarquer que cet appel à signature était raciste. Les conditions de travail des machinistes sont difficiles. Nous sommes soumis au stress, aux incivilités, à la pression que fait peser l'entreprise. Mais quel que soit le contexte, rien ne justifie des comportements discriminatoires. Dans certains cas, le chauffeur peut demander à des passagers de descendre s'il considère qu'ils représentent une menace, un danger pour lui ou pour les autres passagers. Des personnes agressives, alcoolisées, armées ou transportant des objets trop encombrants peuvent se voir refuser l'accès. Mais encore une fois, rien ne justifie des propos racistes », indique-t-il. « Dans le cas évoqué sur la ligne 213, poursuit-il, si le chauffeur s'était senti menacé, il aurait dû prévenir la sécurité en activant ce qu'on appelle une “alarme discrète”. »

Sollicité par Mediapart à la mi-mars, le service de presse de l’entreprise ne conteste pas les faits. Et assure même avoir procédé à un « rappel au règlement », signe que l’entreprise attribue à la plainte un certain crédit : « Il apparaît très difficile de savoir avec exactitude ce qu’il s’est passé sur cette ligne. Une enquête est actuellement en cours et nous sommes à la disposition de ceux qui la mènent pour y répondre en toute transparence. En tout état de cause, les agissements évoqués, s’ils étaient avérés, seraient contraires aux valeurs et au code éthique de l'entreprise, ainsi qu’au règlement que se doivent d’appliquer les conducteurs de bus de la RATP. Ces agissements, encore une fois s’ils étaient avérés, seraient en conséquence passibles de sanctions. Un rappel relatif à l'application du règlement, à savoir le fait d’accepter à bord des bus tout voyageur muni d'un titre de transport valide, a d’ores et déjà été réalisé par l’encadrement du dépôt de bus concerné. »

Les cabanons dans lesquels vivaient Cosmin et la musicienne de la Défense à Champs-sur-Marne viennent d’être détruits par les forces de l’ordre. Aux aurores, jeudi 13 mars, CRS et policiers ont fait irruption sur leur lieu de vie et ont procédé à l’expulsion des habitants.

La RATP a été précédemment mise en cause en août 2011 lorsqu'une rame de tramway a été spécialement affrétée pour transporter des familles roms qui venaient d’être chassées de leur campement de Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis, situé près de l’hôpital Delafontaine. Parti de la station Cosmonautes, le véhicule a circulé pendant quarante minutes sous escorte policière, des agents se situant le long du trajet pour empêcher les passagers de descendre. Les Roms avaient été dirigés jusqu’au RER E, à Noisy-le-Sec, en direction de Chelles ou de Tournan en Seine-et-Marne.

BOITE NOIRECet article a fait l'objet d'une enquête au cours du mois de mars 2014. La RATP a répondu à l'ensemble de mes questions concernant sa connaissance des faits relatés, sa réaction auprès des agents et les procédures existantes en matière d'accès aux bus. À ma demande, le service de presse s'est engagé à transmettre au(x) chauffeur(s) incriminé(s) mon souhait de recueillir leur version des faits. Il n'a pas été donné suite à cette sollicitation.

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L’affaire Sarkozy ébranle l’institution judiciaire

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Comment traiter le cas Gilbert Azibert, ce haut magistrat soupçonné d’être intervenu auprès de plusieurs de ses collègues de la Cour de cassation pour défendre les intérêts de Nicolas Sarkozy dans une procédure en cours ? Jusqu’ici, ni la ministre de la justice, Christiane Taubira, ni le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Claude Marin, n’ont fait connaître leurs intentions. Or Gilbert Azibert, actuellement premier avocat général près la Cour de cassation, risque une mise en examen pour « trafic d’influence et violation du secret professionnel », depuis l’ouverture d’une information judiciaire, le 26 février, par le procureur financier Éliane Houlette.

Il ne s'agissait pas là d'une opération d'espionnage ou de basse police. Selon des sources proches du dossier, cette ouverture d’information judiciaire s’est faite en concertation avec le supérieur hiérarchique d’Éliane Houlette, le procureur général François Falletti, un homme qu'on ne peut soupçonner de rouler pour le pouvoir actuel, et cela au vu d’écoutes téléphoniques judiciaires de Nicolas Sarkozy qui sont qualifiées d’accablantes par ces mêmes sources. Ce sont maintenant deux juges d’instruction indépendantes, Patricia Simon et Claire Thépaut, qui sont chargées du dossier.

Gilbert AzibertGilbert Azibert

Elles devraient procéder prochainement à l’audition de la dizaine de conseillers ayant traité l’affaire des agendas de Nicolas Sarkozy à la chambre criminelle, et dont plusieurs auraient été approchés par Gilbert Azibert, ainsi que l’avocat général Claude Mathon, lui aussi approché selon les écoutes judiciaires.

La mise en cause implicite de Gilbert Azibert est d’ores et déjà très grave pour l’image de la justice. Quant à sa mise en examen, probable, elle constituerait à coup sûr un événement sans précédent et lourd de sens, s’agissant d’un des plus hauts magistrats de France. Mais comment ne pas crever l'abcès, se demande le monde judiciaire ?

Premier avocat général à la Cour de cassation, Gilbert Azibert, 67 ans, est en poste à la 2e chambre civile de la juridiction suprême. Selon des sources informées, il se reposerait depuis plusieurs jours dans une clinique, après avoir tenté de mettre fin à ses jours dans son domicile bordelais, le 10 mars, quand l’affaire a éclaté.

Selon la version fournie à l’AFP, il  avait été hospitalisé ce jour-là au CHU de Bordeaux « à la suite d’une chute » ayant nécessité l’intervention des pompiers à son domicile. Une source de l'entourage de campagne d'Alain Juppé, sur la liste duquel figure le fils du magistrat, avait confirmé que Gilbert Azibert avait fait une simple chute et s'était vu appliquer des points de suture. Quoi qu’il en soit, la question de son remplacement à la 2e chambre civile, comme celle de son sort de justiciable, restent ouvertes.

Après des perquisitions inédites en ces lieux, le 4 mars, la Cour de cassation est aujourd'hui pétrifiée, comme l'était le Vatican après l’arrestation du majordome du pape, voici deux ans. Le lourd parfum du scandale est là. Habituellement, l’ambiance est déjà des plus feutrées, dans les locaux historiques du quai de l’Horloge, sur l’île de la Cité, où l'on ne foule qu’avec précaution d’épais tapis sur un parquet bien ciré, l’œil sans cesse attiré par les dorures, boiseries, tapisseries anciennes et tableaux austères. Le fracas du monde et l’actualité ne s’invitent que rarement dans ces murs. Le grand événement de cette semaine, à la Cour de cassation, ce devait être l’affaire Jeanne d’Arc, ce jeudi, lors d’un colloque prestigieux sur les « procès politiques dans l'Histoire »...

 « Ces derniers jours, l’ambiance est très particulière, un peu oppressante. On entendrait presque une mouche voler », rapporte un homme du sérail. « Vous savez, on évite d’en parler entre nous », glisse-t-il, sans même nommer l’affaire. Que faire ? En théorie, le procureur général de la Cour de cassation, Jean-Claude Marin, peut décider de changer Gilbert Azibert d’affectation, et nommer un autre magistrat à la 2e chambre civile. Mais il paraît aussi difficile de trancher que de rester inerte, au sein de cette vénérable institution. En tout cas, préviennent plusieurs juristes, Jean-Claude Marin n'a pas le pouvoir de déclencher des poursuites disciplinaires, étant lui-même président de la formation "parquet" du Conseil supérieur de la magistrature.

Nicolas SarkozyNicolas Sarkozy © Reuters

De son côté, la garde des Sceaux a plusieurs possibilités. Elle peut soit demander à l’Inspection générale des services judiciaire (IGSJ) un rapport sur cette affaire, soit saisir directement le CSM de poursuites disciplinaires visant Gilbert Azibert, ou encore lancer en urgence une procédure d’interdiction temporaire d’exercice contre ce magistrat, qui passerait également par le filtre du CSM.

 « Chacun, chez les magistrats, vit cette affaire de façon intime et assez douloureuse », confie Christophe Régnard, le président de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire). « Pas une seule voix ne s’est élevée, dans la magistrature que l'on dit souvent corporatiste, pour soutenir Gilbert Azibert, remarque-t-il. Mais depuis la révélation du contenu des écoutes, tous ceux, chez les avocats notamment, qui dénonçaient un complot des juges et une atteinte fondamentale aux droits de la défense doivent s’en mordre les doigts. »

Lors des perquisitions effectuées à la Cour de cassation et à son domicile, les policiers ont notamment emporté le disque dur de l'ordinateur de Gilbert Azibert, qui contenait différentes pièces de procédure de l'affaire Bettencourt dont il n’avait pas à connaître, selon le Monde. Ils auraient aussi découvert une correspondance assez amicale avec Patrick Ouart, l’ancien conseiller pour la justice de Nicolas Sarkozy à l’Élysée, dont le rôle équivoque était déjà apparu au grand jour dans l’affaire Bettencourt.

Gilbert Azibert est un magistrat à la carrière très politique. Ayant atteint l’âge de la retraite en 2012, il avait été prolongé à la Cour de cassation par un décret de Nicolas Sarkozy, le 9 mai 2012, c’est-à-dire juste après le second tour de l’élection présidentielle, et avant l’investiture officielle de François Hollande.

Étiqueté clairement à droite, homme de réseaux, Gilbert Azibert a occupé de hautes fonctions sous Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. Il a notamment dirigé l’Administration pénitentiaire (de 1996 à 1999), l’École nationale de la magistrature (ENM, de 2002 à 2005), le parquet général de la cour d’appel de Bordeaux (de 2005 à 2008), avant d’être bombardé secrétaire général du ministère de la justice de 2008 à 2010. En lice pour succéder à Jean-Louis Nadal à la tête du parquet général de la Cour de cassation en 2011, il a finalement été supplanté par son grand rival, Jean-Claude Marin.

Dans un passé récent, le Syndicat de la magistrature a dénoncé à plusieurs reprises la gestion autoritaire de Gilbert Azibert à la tête de l’ENM, et certaines de ses décisions controversées comme procureur général de Bordeaux.

Thierry Herzog, « ami de 25 ans » de Gilbert Azibert, n’est pas non plus n’importe qui. C'est un homme qui compte, dans la galaxie Sarkozy. Un intime, un « ami de trente ans » de l’ex-président. Tous deux se sont connus comme jeunes avocats au début des années 1980, et sont restés très proches. Thierry Herzog est devenu le défenseur de l'homme politique Sarkozy, et il l'est resté quand celui-ci est entré à l'Élysée. Le cabinet Herzog a été associé de très près aux différentes plaintes déposées par Nicolas Sarkozy comme ministre de l'intérieur puis comme président de la République, que ce soit dans l'affaire Clearstream, ou encore dans l'épisode de la poupée vaudou ou celui du compte bancaire piraté.

Me Thierry HerzogMe Thierry Herzog © Reuters

Ancien avocat de voyous, pénaliste chevronné et combatif, défenseur des Tiberi puis conseiller officieux de Jacques Chirac, Thierry Herzog surveille depuis des années les différentes affaires menaçant son ami Sarkozy, et il n’hésite pas à livrer bataille, notamment dans les dossiers Takieddine et Bettencourt. Adhérent revendiqué du RPR puis de l'UMP, l'avocat a été décoré de la Légion d'honneur par le président Sarkozy en 2009.

Au cours de sa longue carrière, Thierry Herzog a eu l’occasion de croiser la route de Gilbert Azibert en plus d’une occasion. Il a notamment, en juin 2001, obtenu de sa part l’annulation d’une partie du volet concernant Xavière Tiberi dans l’affaire des faux électeurs du Ve arrondissement, quand le magistrat présidait la chambre de l'instruction. Quelques mois plus tôt, l’avocat avait déjà joué la procédure avec succès pour obtenir de la cour d'appel l’annulation des poursuites visant l’épouse de Jean Tiberi dans une autre affaire retentissante, celle des salaires de complaisance du conseil général de l’Essonne (avec le fameux « rapport sur la francophonie »).

À l’époque, Gilbert Azibert était le redoutable président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris (poste qu’il a occupé de 1999 à 2002). Adulé par les avocats pénalistes, autant qu’il était honni par les juges d’instruction, le président Azibert avait annulé plusieurs dossiers d’instruction avec des attendus sévères, en invoquant des erreurs de procédure et des vices de forme, et avait gagné pour cela le surnom d’Annulator.

Aujourd’hui, à la lumière des retranscriptions d'écoutes judiciaires, nombreux sont les avocats et les magistrats à se demander si des affaires que Gilbert Azibert a eues à traiter au cours de sa carrière doivent, dorénavant, être regardées avec suspicion.

Malgré la réaction outrée des nombreux pénalistes après la perquisition chez Thierry Herzog, l’ordre des avocats parisiens risque, lui aussi, de se retrouver dans la tourmente. Selon des sources proches du dossier, l’enquête pour violation du secret de l’instruction vise en effet implicitement le barreau de Paris, comme l’avait indiqué Libération voici quelques jours.

Selon une hypothèse sérieuse des enquêteurs, Thierry Herzog a pu être prévenu de perquisitions à venir et des écoutes judiciaires de Nicolas Sarkozy par un membre de l’ordre. Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog étant avocats, le bâtonnier de Paris est obligatoirement informé des perquisitions chez l'un et de la mise sur écoutes de l'autre. Seul problème : aucun texte ne précise comment le bâtonnier doit être prévenu des écoutes. Autant dire qu’un courrier, un fax ou un mail peut être lu par plusieurs destinataires. L’affaire ne provoque que haussements d’épaules chez le nouveau bâtonnier de Paris, Pierre-Olivier Sur, qui a pris ses fonctions le 1er janvier dernier, et a rejoint le mouvement de soutien à Thierry Herzog, ancien membre du conseil de l’ordre qu’il connaît bien par ailleurs.

En revanche, la contre-attaque médiatique lancée jeudi par Thierry Herzog a fait pschitt. L’avocat de Nicolas Sarkozy avait annoncé dans plusieurs médias l’envoi, la veille, d’un courrier au procureur de Paris François Molins, pour dénoncer une retranscription d’écoutes qui serait « illégale et irrégulière », et lui demander de communiquer sur le dossier « pour faire litière de ces allégations mensongères ». Or selon des informations obtenues par Mediapart, le procureur Molins a aussitôt transmis ce courrier au procureur financier Éliane Houlette, et celle-ci a répondu jeudi par une fin de non-recevoir à Thierry Herzog.

Qu'importe, c'est Nicolas Sarkozy en personne qui a pris le relais du vacarme médiatique, avec une tribune aux accents berlusconiens publiée ce vendredi dans le Figaro (et mise en ligne jeudi soir). L'ancien chef de l’État, menacé par plusieurs affaires judiciaires, s'en prend vivement aux juges d'instruction du dossier libyen et à ceux de l'affaire de la Cour de cassation, comme l'avait fait son ami Thierry Herzog quelques jours plus tôt dans Nice-Matin.

Prétendant avoir appris dans la presse qu'il avait été placé sur écoute, alors même qu'il avait été prévenu par son avocat, et utilisait un téléphone acheté par Thierry Herzog sous la fausse identité de Paul Bismuth, Nicolas Sarkozy s'érige en victime improbable d'un hypothétique complot des juges. L'ancien champion de la « tolérance zéro » pour les délinquants, celui qui voulait accrocher Dominique de Villepin à un « croc de boucher », compare aujourd'hui les écoutes judiciaires qui l'ont confondu aux méthodes d'espionnage de la Stasi, et il décrit son pays comme une dictature. Il fallait oser.

Dans un communiqué diffusé jeudi soir, la ministre de la justice Christiane Taubira rappelle que « dans un État de droit, la mise en œuvre de la loi prévoyant les interceptions judiciaires par des juges indépendants ne peut pas être comparée aux pratiques à l’œuvre dans des régimes autoritaires ou totalitaires ». La garde des Sceaux le dit, elle « n’entend pas accepter cette injure à l’égard des citoyens français et des juges ainsi que cette attaque envers les institutions de la République ».

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

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Les employés municipaux enrôlés par la «machine électorale» des Tabarot

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« Il y a deux principautés dans les Alpes-Maritimes : Monaco et Le Cannet. Si demain ils gagnent Cannes, la principauté s'agrandira. » Comme d’autres agents municipaux du Cannet, Serge*, ancien directeur d'un service de la ville, redoute que la numéro deux de l'UMP et son frère ne fassent coup double le 30 mars : un quatrième mandat au Cannet pour elle, la conquête de la ville voisine de Cannes pour lui.

À eux deux, Michèle et Philippe Tabarot cumulent déjà de nombreux postes et mandats : elle est secrétaire générale de l'UMP, secrétaire départementale de la fédération des Alpes-Maritimes, présidente de l'organisme de formation des élus du parti, députée et maire du Cannet ; il est secrétaire national de l'UMP, conseiller général et municipal de Cannes. 

Pour garder la main dans le sud-ouest du département, Michèle Tabarot a mis en place une véritable « machine de guerre électorale », d’après de nombreux témoignages d’agents municipaux et d’élus locaux recueillis par Mediapart (lire notre boîte noire). Plusieurs employés du Cannet détaillent les tâches politiques qu'ils effectuent, loin de leur mission de service public et de leur devoir de réserveIls décrivent un « système » dans lequel la carte UMP ouvre certaines portes, et où certains « récalcitrants » subissent « pressions » et « mises au placard ».

D'après nos informations, une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Grasse après le dépôt de deux plaintes contre X d'une employée du Cannet pour « harcèlement moral » au travail et « violation du secret de la correspondance privée ». Une autre plainte pour « harcèlement moral » vise la mairie du Cannet. Cinq recours pour excès de pouvoir ont également été déposés à l'encontre de la commune au tribunal administratif de Nice.

Jean-François Copé avec Michèle et Philippe Tabarot, lors d'un meeting dans les Bouches-du-Rhône le 10 juillet 2011.Jean-François Copé avec Michèle et Philippe Tabarot, lors d'un meeting dans les Bouches-du-Rhône le 10 juillet 2011. © dr

Le « système » Tabarot repose sur deux piliers : un « clientélisme » puissant, notamment auprès des seniors, mais aussi un usage politique de la mairie et de ses quelque 800 employés. Ils sont nombreux à décrire la gestion « autoritaire » de Michèle Tabarot et le « fonctionnement pyramidal » de sa mairie. L'étage occupé par l'édile et son cabinet est d'ailleurs verrouillé par un code (lire nos enquêtes ici et là)« C'est une tour impénétrable où tout se décide, avec à sa tête Madame le maire », explique Jocelyne Mathieu, ex-responsable de la commande publique à la direction "action culturelle et fêtes", « évincée » des marchés publics et mutée à l'espace loisirs communal. 

Plusieurs élus UMP du département voient dans ce fonctionnement « l'héritage de Michel Mouillot »maire UDF-PR de Cannes de 1989 à 1997. Connu pour son clientélisme, condamné en 2005 à six ans de prison ferme pour « corruption, prise illégale d'intérêts, abus de biens sociaux, faux et usage de faux, et emplois fictifs », Mouillot a favorisé l'implantation politique des Tabarot dans le département. 

« Michèle Tabarot n'a fait que reproduire le modèle MouillotUne organisation quasi scientifique de la politique, un marketing électoral poussé à l’extrême, un personnel municipal transformé en agents politiques, un recrutement clientéliste, un quadrillage très organisé appuyé sur les réseaux de taxis, de commerçants, de personnes âgées », détaille un élu UMP des Alpes-Maritimes. Selon lui, la numéro deux de Copé et son frère Philippe, qui a fait ses classes dans la majorité de Mouillot en 1989 à Cannes, ont « reconstitué ces réseaux » avec « un vrai savoir-faire ». Et une certaine efficacité : à chaque élection, Michèle Tabarot est réélue à plus de 60 % et sa circonscription compte plus de 1 200 adhérents UMP.

D'après plusieurs agents, elle mettrait également cette « machine électorale » au service de son frère pour la conquête de Cannes. Ce que ne manquent pas de dénoncer leurs adversaires politiques. « À Cannes, on n’a pas la guerre Copé-Fillon mais la volonté d’un clan de prendre le pouvoir », dénonce le premier adjoint UMP David Lisnard. L'adversaire de Philippe Tabarot aux municipales en a appelé au ministre de l'intérieur pour surveiller les opérations de vote à Cannes : « Nous pouvons craindre que des manœuvres destinées à altérer la sincérité du scrutin ne se produisent », écrit-il dans un courrier adressé à Manuel Valls le 17 mars, en évoquant « l'utilisation réitérée par le passé de méthodes douteuses », « les menaces » et « intimidations » (lire la réponse de Philippe Tabarot).

« Michèle Tabarot a eu les moyens de Cannes pour conquérir le Cannet, en 1995. Elle fait la même chose au profit de son frère aujourd'hui », estime Laurent Toulet, son opposant divers droite, qui rappelle que « chaque année, lors de ses vœux à la population, elle annonce à la tribune ceux de son frère et elle salue ses colistiers ». En 2009, l'élu avait interpellé l'édile en conseil municipal sur des travaux de déblayage qu'auraient effectués des employés de la ville à la permanence de son frère, à Cannes, avec un véhicule communal.

« Leur technique pour faire campagne, c’est de faire travailler le frère à la mairie du Cannet (comme « conseiller technique » au cabinet, ndlr) pour avoir le temps et les moyens de faire campagne pendant six ans », nous avait expliqué Jean Martinez, rival divers droite de Philippe Tabarot en 2008. « Plusieurs personnes au cabinet s'occupent de Philippe : une secrétaire, un chargé de mission, un chauffeur. Cela s’élargit en période électorale », affirme Jean-Claude*, un ancien employé du cabinet.

Frank Mezzasoma lors d'un rassemblement de Philippe Tabarot, le 12 juillet 2013.Frank Mezzasoma lors d'un rassemblement de Philippe Tabarot, le 12 juillet 2013. © Mediapart / E.S.

Entre les campagnes des frère et sœur Tabarot, la frontière est floue. Frank Mezzasoma, plus proche collaborateur de la maire du Cannet, est souvent présent aux côtés de Philippe Tabarot (exemples ici ou encore là). À chaque municipale, on retrouve du personnel du Cannet sur la liste. Cette année y figure par exemple l'ex-directrice de cabinet de Michèle Tabarot, Dominique Blazy, l'un des agents les plus gradés de la mairie. 

« Tout est mélangé, politique et municipalité », témoigne Jean-Claude. Comme de nombreux agents, il a pris sa carte UMP à son arrivée à la mairie du Cannet. « La carte, tout le monde l’a là-haut. Au cabinet, une secrétaire regarde si les gens sont à jour, à la demande de Frank Mezzasoma. »« Les secrétaires du cabinet avaient la liste des agents encartés et les appelaient pour leur rappeler de renouveler leur cotisation », rapporte Sylvie*, partie de la mairie après plus de vingt ans de service. Ce que confirme Pascale*, une employée municipale qui s’est elle aussi encartée.

« Tous les moyens de la mairie sont mis à disposition de Mme Tabarot », relate Jocelyne Mathieu, qui évoque la mise à contribution du personnel municipal pour un « phoning massif », lors des événements de l'élue. C'est le cas pour les vœux de Michèle Tabarot, qui sont chaque année l’occasion de vanter son action devant plus de 2 000 personnes, administrés et élus locaux. Cannetans mais pas seulement : toute la circonscription est arrosée d’invitations. Pendant deux semaines, les employés de mairie démarchent la population par téléphone à partir d'un « listing ». C'est ce que montrent ces consignes internes – que Mediapart s'est procurées –, distribuées en amont des vœux 2012 et 2013.

Ce listing, que nous avons consulté, compte des habitants de toute la circonscription et recense leurs professions, adresses, numéros de téléphone, ainsi que certains commentaires. « On doit y reporter toutes les réponses des gens, y compris les commentaires négatifs du type "Qu'elle arrête de nous faire chier avec ça" ; "Non, je n'y vais pas, je ne suis pas UMP" », explique Catherine*, une agent qui participe à ce « phoning » depuis plusieurs années. Selon Jocelyne Mathieu, « après les vœux, le personnel absent est même rappelé. On leur demande “Pourquoi vous n’êtes pas venu ?” ».

Il s'agit d'un « phoning » « à l'occasion d’événements municipaux et non pas politiques », avait rétorqué Michèle Tabarot à Mediapart en juin, évoquant un « fichier du protocole comme dans toutes les communes ». Mais selon plusieurs agents, ce démarchage va bien au-delà des manifestations municipales.

Chantal*, employée au centre communal d'action sociale (CCAS), raconte l'usage particulier de cette structure « L'un de nos secteurs, chargé de communiquer sur nos services, prendre des nouvelles des personnes âgées, les inviter à nos animations, est très largement renforcé lorsqu’il y a un événement UMP, particulièrement en période électoraleOn demande à des employés de cesser leur activité pour renforcer le phoning pendant un jour ou deux, à temps plein. On téléphone aux gens, on leur demande si tout va bien, on les encourage à venir voter, on va les chercher quand il y a des élections. » Les personnes âgées sont le cœur de l'électorat de Michèle Tabarot. L'ex-directeur adjoint du CCAS, Dominique Lucas, explique d'ailleurs que « le cabinet du maire (lui) demandait de ramener des personnes âgées à certains événements, comme les vœux »

Philippe Tabarot, candidat à Cannes, lors d'une réunion en plein air, le 8 mars 2014.Philippe Tabarot, candidat à Cannes, lors d'une réunion en plein air, le 8 mars 2014. © Reuters

Serge*, ancien directeur d'un service de la ville aujourd'hui « placardisé », a de son côté constaté qu'« un grand nombre d'employés municipaux faisaient du phoning pendant les heures de travail pour des réunions politiques ». Lui-même a reçu plusieurs appels d'une secrétaire du cabinet se présentant comme « la permanence de Michèle Tabarot » et « (lui) rappelant d'aller voter pour l'élection Copé-Fillon », en novembre 2012. Plus cocasse : il a reçu des coups de fil d'employés de son propre service « passés depuis le numéro de la permanence UMP »« pour (lui) dire qu’il y avait une réunion publique ». « Des employés municipaux font du phoning de la permanence ou du cabinet », confirme Jean-Claude, l'ancien employé du cabinet.

Il n’est pas rare d’apercevoir des agents de mairie dans les permanences de Michèle ou Philippe Tabarot en journée. Chantal évoque cette collègue qui « recevait un coup de fil et expliquait qu’elle devait partir “à la permanence, pour Philippe (Tabarot, ndlr)” ». Ils sont aussi nombreux à venir grossir les rangs des réunions politiques des Tabarot. « On allait aux meetings, il y avait toujours beaucoup d’employés du Cannet, relate Jean-Claude. En 2008, quand Michèle Tabarot est passée au premier tour, tout le monde a basculé sur la campagne du frère. »

Jocelyne Mathieu se souvient s’être retrouvée « un après-midi avant le deuxième tour des municipales de 2008 à deux au bureau » car ses collègues étaient « tous partis aider pour la campagne de Philippe Tabarot ». « Certains ne respectent pas le devoir de neutralité, estime-t-elle. Pour l’élection interne de l’UMP (en 2012, ndlr), une de mes collègues m’a mis sous le nez sa carte UMP, elle recrutait au sein du service des parrainages pour la candidature de Copé ».

« En aucun cas les employés municipaux ne sont réquisitionnés pour des tâches politiques », s’était contenté de nous répondre Daniel Segatori, le directeur général des services à la mairie, dans un mail lapidaire, en juin. Les agents posent-ils des congés pour ces tâches politiques ? Certains fonctionnaires se mettent-ils en disponibilité ? À cette question, ni Michèle Tabarot ni ses services ne répondent.

La maire du Cannet s'appuye aussi sur les 90 agents de la police municipale, transformés en « arme électorale » selon plusieurs employés. « La police municipale est militante. C'est une technique de Michel Mouillot que Michèle Tabarot réutilise », explique un élu UMP du département. Au cœur de ce système, on trouve le « Monsieur sécurité » de Michèle Tabarot, Alain Cherqui. Chef de la police municipale, la maire l’a promu directeur adjoint des services en charge de la sécurité et directeur de la salle de spectacles de la ville.

La politisation de la police municipale a déjà été pointée du doigt par Le Point et Bakchich. En novembre, Nice-Matin avait également rapporté les témoignages de candidats assurant que des agents leur avaient expliqué « qu'il était interdit de tracter sur le marché ». En mars, Mediapart révélait qu'Alain Cherqui avait bidonné de nombreux reportages, notamment sur TF1, pour vanter l'action de la ville en matière de sécurité.

Plusieurs membres de la police municipale détaillent à Mediapart les tâches politiques qui leur sont demandées par leur chef : présence dans les réunions militantes pour grossir les rangs, distribution du magazine municipal mais surtout de tracts pendant la campagne. « On ne sert quasiment qu’à des fins politiques », affirme Thierry*, policier municipal, qui invoque « l’impact énorme sur la population de l’uniforme ». Au cœur de cette organisation pendant plusieurs années, il relate « des journées entières passées à récolter des adhésions UMP dans la circonscription et auprès des policiers municipaux » à l’aide d’un « listing ».

« J’expliquais aux gens que la meilleure façon d’aider Mme Tabarot dans son action, c’était de prendre sa carte UMP. Les proies faciles, c’étaient les futurs policiers municipaux. » Il recrutait aussi en amont des meetings : « Je disais aux gens: “on viendra vous chercher, vous agiterez les drapeaux”. On n’imposait pas, mais ils savaient qu’il valait mieux y aller ». Il raconte également avoir « organisé la venue de Philippe Tabarot dans une maison de retraite avec Alain Cherqui ».

Bernard*, brigadier-chef principal, rapporte comment « à chaque élection », les policiers municipaux sont sollicités : « On arrive en tenue, les adjoints de M. Cherqui nous demandent de nous changer en civil pour faire du boîtage, pendant ou juste après les heures de service. On nous donne des tracts en faveur de Michèle ou Philippe Tabarot, on fait un secteur, au Cannet ou à Mougins pour elle, à Cannes pour lui, avec des véhicules municipaux. La moitié du poste le fait. » Même chose pour les « vœux » et « meetings » des Tabarot, selon lui. « Le maximum d’effectifs est convié pour aller faire le nombre, surtout à l’approche d’élections importantes. Ils applaudissent fort, ils sifflent, ils font de l’encadrement et de la protection. »

Patrick*, autre policier municipal, se souvient lui de « tractages politiques et de boîtages pendant les heures sup’ », notamment lors de la législative de 2002, année où Michèle Tabarot a remporté son siège de députée. Il raconte avoir assuré, « à la demande de M. Cherqui », « la protection rapprochée d'Alain Madelin (alors président de Démocratie libérale, parti dont est issue Michèle Tabarot, ndlr) à Nice, lors d’un meeting pour la présidentielle de 2002 ». Il explique aussi avoir eu la surprise de « recevoir une carte UMP », alors qu'il était « encarté au PS ». « Je n’ai pas compris. On m’a dit “laisse tomber, c’est bien pour toi”. »

Ce « système » est rendu possible par la précarité du personnel municipal du Cannet : jusqu’aux observations de la Chambre régionale des comptes en 2013, un tiers des agents n’étaient pas titularisés – dont 90 % en catégorie C. Et ce malgré une ancienneté d'une dizaine d'années pour certains. « Maintenir ces agents contractuels est aussi une manière de les tenir. Personne n'ose rien dire, ni entamer une procédure, explique Jocelyne Mathieu. S’ils parlent, leur carrière est bloquée. S’ils veulent avancer, il faut rentrer dans le giron. »

Dans ce contexte, « prendre la carte UMP, ça aide », assure Chantal. C’est ce qu’a fait il y a quelques années Bernard, qui « n’arrivai(t) pas à passer au grade supérieur »« M. Cherqui m'avait assuré que lui vivant, jamais je ne passerais au grade supérieur. Quand un supérieur m’a dit “ce serait bien que tu prennes ta carte, on t’emmerdera moins”, je l’ai prise. Il est revenu me voir en disant : “(Frank) Mezzasoma est très content, il s’inquiétait depuis le temps que tu es là. Il m’a dit “enfin, il s’est décidé!”". Il m’a fait comprendre qu’il y aurait un petit retour. Six mois plus tard, à la commission administrative paritaire, je passais au grade supérieur. »

C’est aussi ce que décrit Pascale. « Placardisée », elle explique avoir obtenu, quelques mois après avoir pris sa carte UMP et milité pour Philippe Tabarot, « un changement de poste »« un grade supérieur inenvisageable auparavant » et un salaire plus élevé. « Si vous avez la carte bleue UMP, vous avez plus de chances d’obtenir une réponse positive pour une place en foyer ou en maison médicalisée », a constaté de son côté Dominique Lucas, l'ex-directeur adjoint du CCAS, qui déplore une « politique d’aide sociale clientéliste », « à la carte ».

La mairie du Cannet.La mairie du Cannet. © Marine Turchi

Cette distribution de services, d’emplois et de promotions à la mairie est un véritable levier pour Michèle Tabarot. Plusieurs employés ont noté « les mises au placard » d’agents « récalcitrants » et l’arrivée de « beaucoup de gens de Cannes, qui travaillaient à la mairie ». « En remerciement du soutien apporté pendant la campagne de Philippe Tabarot », affirme Jocelyne Mathieu, qui décrit un « système donnant-donnant » : « La base de leur électorat, ce sont les petites gens qu’ils tiennent avec des emplois, des services, des promotions, des primes ou des places de stages pour leurs enfants. Ils rendent des services aux employés municipaux pour qu’ils soient redevables et prennent leur carte UMP. »

« Ils font comprendre qu’un service leur a été rendu, et qu’il faut rendre la monnaie de la pièce en faisant du phoning, de la mise sous pli, du collage d’affiches, confirme Sylvie. C’est formulé implicitement, je l’ai entendu dans mon service. Les gens se sentent redevables, et le font. » Chantal parle elle aussi d'« échange de bons services » et note que « quand on est dans les petits papiers de la mairie, qu'on ne fait pas d'objection », on peut bénéficier d'« une promotion plus rapide » mais aussi d'« un coefficient plus élevé » dans « l'attribution des primes ».

Ce « système » a été mis en place dès l’arrivée dans le fauteuil de maire de Michèle Tabarot, en 1995, détaille Sylvie : « Elle a tout bouclé, les élus se sont immiscés de plus en plus dans notre travail, elle a remplacé du personnel par des gens de confiance ». « Les promotions sont soumises à l’avis des commissions administratives paritaires (CAP). Aucune nomination n’est intervenue à l’encontre de leur avis », nous avait affirmé la maire. Mais selon Sylvie, qui a assisté à des CAP, « les postes étaient négociés en amont avec les représentants du personnel. Il fallait faire passer des proches du cabinet et des gens qui avaient la carte UMP ».

D’après plusieurs agents, il serait difficile de refuser ce « système ». « On a une épée de Damoclès au-dessus de la tête : si l'on bouge, on nous bascule à l’îlotage, on perd nos heures supplémentaires et on gagne autour de 600 euros en moins. Donc on se tait », explique Bernard. Le policier municipal raconte, documents à l’appui, comment il a été « mis au placard » malgré de très bonnes notations lorsqu'il a « traîné des pieds pour prendre (sa) carte UMP, participer aux boîtages et meetings » en disant « qu’un policier ne faisait pas de politique »« Les gens ont peur, ils ne disent rien. On a tous des familles, une maison à payer. Celui qui parle, il est fichu, personnellement et professionnellement », soutient Thierry.

« Il faut s’investir politiquement, sinon vous êtes mal vu », confirme Brigitte Goujon, la femme d’un policier municipal aujourd'hui décédé et qui a lui aussi effectué « des boîtages lors des élections ». Pendant des années, son mari a attendu sa titularisation. « Il a subi des pressions pas possibles, c’était devenu infernal. » Tous deux ont pris leur carte à l’UMP pour « être dociles » : « Il fallait aller aux vœux du maire, aux réunions politiques, des gens de la mairie nous le disaient. C’est le roi et sa cour : il y a des bus ; vous faites acte de présence, vous allez boire, applaudir et vous repartez. »

Le cas de Bruno Mercier, 40 ans, est symptomatique. Chef de brigade adjoint aux bonnes notations, il explique avoir vu sa vie « brisée » après avoir refusé de s'encarter. « Un supérieur m’a dit : “Ce serait bien que tu prennes ta carte UMP, le maire te protégera si tu en as besoin.” J’ai répondu que j’étais un policier intègre, que je ne faisais pas de politique. » Après cet échange, il raconte être devenu la « bête noire de la brigade » et avoir subi des « brimades quotidiennes ». « Tous les matins, j’allais dans la gueule du loup », dit-il. Tombé en dépression, il a demandé sa mutation en Ile-de-France.

La permanence de Philippe Tabarot, en plein centre-ville de Cannes.La permanence de Philippe Tabarot, en plein centre-ville de Cannes. © Marine Turchi

Ces témoignages ont été confirmés par de nombreux employés de mairie et élus. Plusieurs agents ont interpellé Michèle Tabarot et ses services sur cette situation, dans des courriers recommandés que Mediapart a consultés. Sans obtenir de réponse. Questionnée en juin, la maire avait évoqué « quelques employés aigris » et « des jalousies au sein de la police municipale ». Les agents bénéficient « d’un service de médecine professionnelle indépendant » et de « réunions régulières » organisées « avec les différents partenaires sociaux de la Ville et notamment avec les représentants syndicaux », avait-elle précisé.

Mais les 800 employés municipaux ne peuvent pas compter sur un véritable syndicat pour défendre leurs droits. « La CGT a essayé de s’implanter, elle s’est fait éjecter. Il y a un syndicat autonome, à la botte de la mairie, qui n'a pas réagi malgré les nombreux problèmes signalés », rapporte Jocelyne Mathieu. Contacté, Serge Martinez, secrétaire général de ce syndicat autonome (FAFPT), explique qu'il ne préfère pas s'exprimer sur son « téléphone professionnel » et nous fixe un rendez-vous qu'il n'honorera finalement pas, malgré nos nombreuses relances.

« Je suis un fonctionnaire, pas un politique. Nous sommes des agents au service des administrés. Il n’y aucun souci », affirme de son côté Alain Cherqui, joint lundi par Mediapart. Comment expliquer les tâches politiques de ses troupes ? « Ces gens-là ont fait ce qu’ils ont fait, ils doivent le savoir ce qu’ils ont fait. Je ne suis ni le père ni la mère de tout le monde, je ne suis personne moi, je suis un employé communal. Je ne sais pas ce qui se passe », a-t-il assuré, en nous questionnant à plusieurs reprises sur nos sources : « Qui vous renseigne aussi bien depuis longtemps ? » Puis le chef de la police municipale est sorti de ses gonds : « J’ai des enfants qui ont reçu des textos de menaces à cause de vous ! N’oublie pas ce que j'te dis, n'oublie pas ! Tu as bien compris ? Tu as bien compris ma belle, OK ! », a-t-il crié en raccrochant.

« Le système est verrouillé de l’intérieur, sans aucun contre-pouvoir. Leur stratégie est de laisser les employés s’user. C’est le pot de fer contre le pot de terre », explique Jocelyne Mathieu. Mais plusieurs agents l'affirment : depuis quelques mois, « les langues se délient » au Cannet.

BOITE NOIREPrénoms modifiés à la demande des intéressés.

Cet article découle d’une enquête débutée en janvier 2013, pour laquelle nous avions rencontré Michèle et Philippe Tabarot (lire notre dossier). Nous nous sommes rendus à plusieurs reprises dans les Alpes-Maritimes. Nous avons recueilli de nombreux témoignages d’employés municipaux et d'élus, dont une partie apparaît dans l'article. Certains n'ont accepté de témoigner qu’à la condition que leur anonymat soit préservé, parce qu'ils travaillent encore pour la ville. Ils nous ont expliqué être prêts à détailler leurs propos devant la justice.

En juin, nous avions contacté la maire du Cannet et son directeur général des services, Daniel Segatori, sur ces tâches politiques du personnel municipal, et obtenu de simples réponses écrites. Sollicités à plusieurs reprises en mars avec de nouveaux éléments, ils n'ont pas répondu à nos questions, non plus que Philippe Tabarot.

Sollicité en janvier pour un entretien au Cannet, Alain Cherqui, le chef de la police municipale, n'avait pas donné suite. Il a été joint par téléphone le 17 mars. Contacté, Serge Martinez, secrétaire général du syndicat autonome (FAFPT), n'a pas donné suite à nos demandes.

Article mis à jour vendredi après-midi avec la réponse de Philippe Tabarot à la lettre de David Lisnard.

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«Pourquoi pas de rubrique sportive à Mediapart?»

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À l'occasion de son sixième anniversaire, Mediapart a invité tous ses lecteurs, abonnés ou pas encore, à dialoguer avec la rédaction, lors d'un tchat spécial à relire ici. Au menu de la discussion, nos enquêtes et révélations, Nicolas Sarkozy, l'Ukraine... et le sport. Avec Stéphane Alliès, Fabrice Arfi, Lénaïg Bredoux, Géraldine Delacroix, Michel Deléan, Sophie Dufau, Jérôme Hourdeaux, Dan Israël, Ludovic Lamant, Antoine Perraud, Edwy Plenel et Ellen Salvi.

À l'heure de notre sixième anniversaire, vous êtes désormais plus de 87 000 à nous lire, et à participer à Mediapart, par vos billets et commentaires. Jour après jour, vos contributions, vos conversations font vivre notre projet de journalisme indépendant et participatif : environ 2 500 blogs individuels sont actifs... et près de 600 blogs collectifs ont été ouverts, appelés éditions participatives.

Mieux faire connaissance, entre “anciens” et nouveaux abonnés, entre une rédaction et ses lecteurs, accueillir, partager le meilleur du participatif, pour que chacun se sente ici chez soi : c'était l'objet de ce tchat en forme de message de bienvenue. 

 

 

Quelques liens utiles :

L'édition participative Découvrir Mediapart, où trouver l'essentiel à savoir pour participer, publier, gérer son abonnement…

L'édition Camedia, créée et animée par le Collectif d'abonnés de Mediapart.

L'édition Meta-Mediapart, celle où « les abonnés de Mediapart débattent de Mediapart ». 

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Denis Baupin : «Il faut penser crise économique et crise écologique en même temps»

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Denis Baupin ne pense qu’à la révolution (écologique) mais ne croit qu’à la réforme. Il parle d’urgence environnementale mais refuse la précipitation. Il est convaincu qu’il « faut être dans les villes ou au gouvernement pour changer les choses », et qu’on « ne peut pas dire tous les quinze jours qu’on va sortir si l'on ne nous entend pas », mais il lance à la fin de son entretien à Mediapart : « Si la loi sur la sortie du nucléaire n’est pas à la hauteur des engagements du Président, la question de la participation des écologistes au gouvernement se posera. »

Député Europe Écologie, vice-président de l’Assemblée nationale, ancien maire-adjoint de Paris chargé des transports, Baupin passe pour un jusqu'au-boutiste aux yeux de ses adversaires. Il ne s’en défend pas : il retourne le compliment. Pour lui, ceux qui mettent en avant l’urgence économique pour ajourner l’urgence écologique, sont eux-mêmes des ultras : « Il faut penser crise économique et crise écologique en même temps, ne cesse-t-il de répéter, car la sortie d’une crise qui dure depuis trente ans passera forcément par l’écologie, et ça ne peut plus attendre. Il faut changer le business model ! »

Interrogé sur l’exaspération des habitants des zones rurales ou périurbaines au cas où le prix du gazole devait être augmenté, il assure que la voiture écologique, moins chère et moins polluante, existe déjà et qu’il suffirait d’une volonté politique pour qu’elle soit mise sur le marché.

Cette volonté politique, il la trouve chancelante au sommet de l’État. Faible contre « ceux qui n’ont pas intérêt au changement, par exemple dans le nucléaire ». Faible aussi dans ses choix économiques quand le président de la République a l’air de déconnecter le pacte de responsabilité de l’urgence écologique…

Cette volonté, Denis Baupin, au nom des écologistes, escompte qu’elle s’affermisse lorsque sera examiné le rapport qu’il rédige sur le coût du nucléaire. Sinon…

Il espère que les municipales donneront du corps à son discours.

Retrouvez l’intégrale de l’entretien avec Hubert Huertas, dans Objections :



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A Quimper, la « fâcherie avec la gauche » menace le conseiller du président

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De notre envoyée spéciale à Quimper (Finistère).

C’est une indifférence courtoise. Pas de violence, parfois du dégoût, plus souvent de la distance. À Quimper, préfecture du Finistère, sept listes se disputent la mairie, dont le sortant, conseiller du président de la République, Bernard Poignant. Rien qu’à gauche, elles sont quatre. Toutes partagent la même inquiétude : celle, difficile à mesurer, de l’abstention.

« Les électeurs aujourd’hui ont une fâcherie avec la gauche. Ils ont des interrogations, des déceptions. Mais dans l’ensemble, ils n’ont pas envie des autres. Ils n’ont pas envie de retrouver Sarkozy, Copé, Estrosi, Balkany… Et ils ne croient pas aux extrêmes. Il y a donc un risque d’éloignement des urnes », dit d’emblée Bernard Poignant, depuis le centre social les Abeilles, au cœur d’un quartier “Castors” de Quimper, du nom de cette coopérative d’autoconstructeurs née après guerre pour les ménages modestes. « On n’a pas d’adversaire, mais on a un ennemi : l’abstention. Il n’y a pas de rejet. Il y a de l’agacement. Mais c’est surtout un sentiment d’impuissance », confirme Jean-Jacques Urvoas, député PS de la ville.

Bernard Poignant en réunion publique à KerfeunteunBernard Poignant en réunion publique à Kerfeunteun © L.B.

Il y a des signes qui ne trompent pas. Surtout pas Bernard Poignant, qui se présente, à 68 ans, pour la 17e fois devant les électeurs tous mandats confondus – il a notamment été maire de 1989 à 2001, et réélu en 2008. Lundi, le nombre de procurations enregistrées était de 280 seulement. À titre de comparaison, les Quimpérois en avaient fait 2 800 pour le premier tour de la présidentielle, selon le maire sortant. Cette année, la campagne est plutôt morne. Le mouvement des Bonnets rouges, qui a agité l’automne, est retombé et, si Quimper en a été le réceptacle le temps d’une manifestation, ses partisans n’y sont pas implantés. Le porte-à-porte est poli, mais sans passion. Les réunions publiques ne drainent pas les foules. La seule petite guerre, bien dérisoire, est celle des affiches que, presque tous les matins, tous les militants recollent les unes par-dessus les autres.

Lundi et mardi soir, Bernard Poignant n’a rassemblé qu’une quarantaine de personnes, dont une large majorité de colistiers et de militants socialistes, pour deux réunions publiques. Son discours s’en ressent : du local, rien que du local, pas de polémique et, en guise de programme, un « tour de ville » des projets d’aménagement en cours. Les questions sont à l’avenant : quid de l’éclairage de l’échangeur du Loc’h, de la médiathèque de Kerfeunteun, d’un espace vert à l’abandon, et du projet d’accession à la propriété « derrière la boulangerie ».

Cela va très bien aux socialistes, soutenus par le PCF et qui ont choisi de ne faire apparaître aucun logo sur leur matériel de campagne. Personne à Quimper n’a eu l’idée de faire venir un ministre – présenter le conseiller du président suffit. Et quand il le faut, jouer le local contre le national ne nuit pas. « Dans les porte-à-porte, les gens ne sont pas forcément d’accord avec tout, par exemple la réforme des retraites. Mais ils ajoutent : “le local, par contre, c’est autre chose.” », témoigne Karim Ghachem, 37 ans, responsable fédéral du PS dans le Finistère et candidat. « On ramène à l’enjeu local », dit aussi son camarade Jean-Marc Tanguy, candidat en 5e position. Mardi soir, à une habitante qu’il tutoie et qui réclamait une médiathèque, Poignant en a souri : « Je ne vais pas promettre. Les finances des six prochaines années ne seront pas reluisantes. C’est la faute de l’État, avec un grand É ! Et c’est M. le député Urvoas (présent dans la salle, ndlr), qui vote ça ! »

L’ancien professeur d’histoire, défenseur acharné de son ami François Hollande, partage la ligne « sociale-démocrate » du pouvoir. Il ne voit pas d’alternative. Il est convaincu que les électeurs, même dépités, le savent. « Tout le monde sait qu’il faut réformer. Il y a les colères parfois, les déceptions, les doutes, mais aussi une certaine lucidité. » « Je suis allé faire du porte-à-porte pour me rassurer. Il n’y a pas de rejet de Bernard (Poignant), comme on aurait pu le craindre », dit aussi le député Urvoas. Les militants socialistes rencontrés répètent que la campagne se passe bien, que l’accueil est bon, l’équipe enthousiaste. On les croit volontiers, même si cela ne prédit rien du résultat.  

Un militant socialiste en collage, mardi 18 marsUn militant socialiste en collage, mardi 18 mars © L.B.

On les croit d’autant plus que l’UMP est divisée – elle a présenté Ludovic Jolivet, un « copéiste », soutenu par l’UDI mais loin de la tradition démocrate-chrétienne chère à la Bretagne, qui a fait polémique en déclarant la chasse aux « marginaux » et en appelant à « libérer la ville ». Le Modem présente aussi une candidate. Tout comme le FN qui, signe des temps, a réussi à déposer une liste, même si c’est en forçant la main, selon Le Télégramme, à plusieurs candidats. Leur candidat Alain Delgrange est peu visible en ville, le résumé de son programme est plus que sibyllin et il dit être candidat parce que « le FN nous l'a demandé ». « Le problème, c’est qu’ils n’ont pas besoin de faire campagne », soupire le socialiste Karim Ghachem, dans une ville où Marine Le Pen avait réussi à recueillir 9,2 % des voix à la présidentielle.

Prudent, toujours, Bernard Poignant dit « dormir d’un œil ». Mais il jure aussi que cette campagne, et son faux rythme, n’ont rien à voir avec l’atmosphère de 1993, année de débâcle du PS aux législatives. « Cette campagne-là était un calvaire. Cette fois, on ne sent pas d’hostilité ou de rejet », affirme Poignant. Mais lui qui tient tant à son langage finit par lâcher dans un sourire : « Putain, que c’est dur ! »

« La campagne est atone. Jamais on ne me parle de politique nationale, ni de la participation des écolos au gouvernement. Mais il n’y a pas non plus de vraie polémique sur les enjeux locaux. En fait, aujourd’hui, personne ne se sent suffisamment à l’aise pour donner des leçons aux autres… Ce n’est l’euphorie dans aucun parti, cela rend tout le monde modeste », raconte aussi Jean-Pierre Bigorgne, adjoint écologiste sortant et qui se représente dans une ville où Europe Écologie-Les Verts peut compter sur un socle électoral important. En 2008, la liste avait approché les 17 % et Quimper compte des élus municipaux écolos depuis le début des années 1980. Alliés historiques des socialistes, ils ont déjà annoncé une fusion des listes pour le deuxième tour, parce qu’il « vaut mieux être dedans pour influencer que dehors dans la rue », selon la tête de liste, adjoint sortant, Daniel Le Bigot.

Cette fois, signe de l’éclatement à gauche, ils sont directement concurrencés par une liste “citoyenne”, emmenée par une conseillère régionale de l’UDB (Union démocratique bretonne, régionaliste), élue avec EELV, Naïg Le Gars. Derrière elle, des militants de la cause bretonne, profs à Diwan ou bilingues, des ex-EELV en rupture de ban, des jeunes qui refusent le cadre des partis. La plupart ont défilé avec les Bonnets rouges à l’automne dernier – le nom de leur liste « Vivre Kemper » rappelle celui du mouvement contre l’écotaxe « Vivre, décider, travailler en Bretagne ». Ils veulent une « démocratie participative », avec « des valeurs sociales », se disent de gauche mais certains réfléchissent à s’allier au Modem au deuxième tour.

« Les gens de gauche ne se sentent pas représentés. On ressent que beaucoup sont prêts à s’abstenir. Moi-même, si on n’avait pas monté cette liste, j’aurais voté blanc, promet Jakez Andro, 4e de liste et « écolo-libertaire » revendiqué. Poignant, cela reste la France des petits fours, des salons, la gauche caviar. Nous, on est la gauche casse-croûte… » Un titre pour lequel il est en concurrence avec la liste de gauche radicale, soutenue par le Front de gauche (hors PCF) et le NPA.

Patryk Szczepankiewicz et Janine CarrascoPatryk Szczepankiewicz et Janine Carrasco © L.B.

On les retrouve devant la Caisse primaire d’assurance maladie, sur les hauteurs de la ville, un bâtiment sans âme, dans un quartier pavillonnaire tranquille. Ils sont venus au rassemblement appelé par la CGT, la FSU et Solidaires contre le pacte de responsabilité de François Hollande – c’est une journée nationale de mobilisation et à Quimper, elle n’a pas attiré au-delà des habituels bataillons syndicaux.

Avec en fond sonore « Appelle-moi camarade » du Ministère des affaires populaires (MAP), Annie Cloarec, venue en voisine et candidate du Front de gauche à Rosporden, raconte « la déprime et le désintérêt pour tout ce qui est politique ». « Les gens se disent que la droite et la gauche, c’est pareil. » « “Moi, c’est terminé, je ne veux plus voter”, on l’entend en porte-à-porte », dit aussi Philippe Levallois, 59 ans, candidat à Quimper et militant du Front de gauche. « J’ai vu des gens déchirer leur carte électorale », abonde Janine Carrasco, 49 ans, deuxième de liste et encartée au NPA. La tête de liste, Patryk Szczepankiewicz, 34 ans, du Parti de gauche : « Plein de gens sont dans la fin de l’histoire, c’est cette gauche qui a perdu l’espoir et qui pense que ça va de soi, que ça ne changera plus… »

Pour le PS, Quimper peut faire figure de test, et pas seulement pour le symbole. Parce qu’à l’échelle de la ville, Poignant ressemble souvent à François Hollande à l’échelle du pays. Le maire sortant revendique cette proximité, souvent, très souvent même. Pas un Quimpérois ne peut ignorer qu’il a « l’oreille du président ». En campagne, il a poussé le mimétisme jusqu’à se dire un « maire normal ». Comme son « ami » à l’Élysée, Poignant est un homme courtois, sympathique même. Pas de bling-bling, pas de fantaisie non plus. Il glisse au passage qu’il habite la « même maison depuis 40 ans ». Sa femme est là, parfois, au premier rang, pour le soutenir.

Proche de Michel Rocard à ses débuts, il a toujours été “deuxième gauche” et se dit plus volontiers social-démocrate que socialiste. Poignant a aussi ce côté conservateur catholique qui ressemble à sa ville. Il était rétif au mariage pour tous et très hostile à la PMA pour les couples de femmes.

L'hôtel de ville de QuimperL'hôtel de ville de Quimper © L.B.

« Quimper n’est pas une ville qu’on brutalise. Son avenir ne peut être que la continuation de son passé. C’est une belle ville, attentive à son apparence. C’est un écrin », dit d’elle son député, Jean-Jacques Urvoas. Il ajoute : « C’est une petite bourgeoisie de province, salariée, pas riche. Monsieur est au Crédit agricole, Madame à France Télécom, ils ont une maison, deux voitures et partent en vacances. » Poignant a une variante : « Elle est employée à la préfecture, lui technicien chez Bolloré, ils gagnent entre 3 500 et 4 500 euros à eux deux, aspirent aux loisirs, à la culture et à la propriété. »

Poignant, comme de nombreux élus locaux, est ami avec l’industriel du coin. Sauf qu’ici, l’industriel s’appelle Vincent Bolloré. Cette année encore, le Breton a rendu service au candidat socialiste : volontairement, il a annoncé à une semaine du premier tour l’installation d’une nouvelle usine à quelques kilomètres de Quimper, pour fabriquer des tramways électriques, avec à la clef 100 emplois l’an prochain. « La création de 100 emplois va profiter à tout le monde. Si ça peut rendre service à Bernard Poignant et à Hervé Herry (le maire de droite d’une commune voisine, ndlr), j’en suis ravi… », a assumé Bolloré en conférence de presse. Avant d’ajouter : « Est-ce que je voterai pour Bernard Poignant ? Oui, comme tout l’encadrement, tout le personnel aussi. » Un soutien explicite, que l’industriel avait déjà manifesté en 1989 et en 2008.

L’histoire, Bernard Poignant l’a racontée des dizaines de fois. Il semble ne pas s’en lasser. Celle d’une amitié de « 33 ans », commencée en 1981 quand Vincent Bolloré, jeune héritier de l’usine familiale, cherche de l’aide pour soutenir un groupe au bord du gouffre. Jeune député, Poignant est le seul élu à répondre à l’appel de l’industriel. Depuis, ils ne se sont plus quittés. Poignant l’a décoré deux fois de la médaille du travail, a fait l’entremetteur avec Hollande, venu inaugurer le dernier site de production l’an passé. Il en est fier, tout comme du petit livret fait à cette occasion par « Vincent » pour retracer en photos et en textes leur complicité.

1981, la rencontre - extrait de la brochure1981, la rencontre - extrait de la brochure © Mediapart

En introduction de cette brochure de 30 pages, l’homme qui avait prêté son yacht à Nicolas Sarkozy en 2007 écrit : « Il y a eu beaucoup d’hommes politiques français importants qui nous ont fait l’honneur de venir en Bretagne évoquer nos entreprises, mais assurément le plus fidèle aura été Bernard Poignant. » « J’ai un lien historique avec Vincent. Tout le monde le sait. C’est un élément déstabilisateur à droite et un argument de crédibilité économique pour moi. C’est la triangulation ! », sourit Poignant. La « triangulation », théorisée à gauche par Tony Blair et Gerhard Schröder, signifie marcher sur les plates-bandes de l’adversaire pour siphonner son électorat.

2012, B. Poignant remet la médaille Grand Or du travail à V. Bolloré2012, B. Poignant remet la médaille Grand Or du travail à V. Bolloré © Mediapart

Maire de la ville de 1989 à 2001, puis de 2008 à 2014, le conseiller bénévole de François Hollande, qui dispose d’un bureau à l’Élysée, est aussi celui qui a refusé de remunicipaliser la gestion de l’eau, confiée à Veolia, qui a voulu fermer trois écoles avant de faire machine arrière, qui a décidé de transformer un lieu associatif et un cinéma d’art et d’essai (déplacé plus loin) chers à la gauche, le Chapeau rouge, pour en faire un palais des congrès, et qui est prêt à investir 40 millions d’euros dans le projet Ialys, sorte de Disneyland à la gloire de l’agroalimentaire de Cornouaille. Autant de « marqueurs » que dénoncent ses adversaires de gauche.

Poignant n’est pas un « baron local » – « il ne tient pas sa ville », dit l’écologiste Jean-Pierre Bigorgne, et « il n’a pas un comportement clientéliste, ne préside pas tous les syndicats intercommunaux et ne s’est jamais payé sur la bête », dit le socialiste Urvoas. Mais il a multiplié les mandats depuis plus de 30 ans – député de 1981 à 1993, avec une pause de deux ans, député européen de 1999 à 2009, passé par le conseil général du Finistère et le conseil régional de Bretagne. Favorable au non-cumul des mandats au moment du vote de la loi, il revendique de s’accrocher à son fauteuil de maire à 68 ans. « J’ai le même âge qu’Alain Juppé, et le même nombre de mandats. Mais moi je ne veux pas présider la France ! », défend Poignant. Il incarne aussi un mode de gestion traditionnel, voire paternaliste, fait de grands projets, sans embardée ni nouveauté. « C’est plus qu’à l’ancienne, avec des vieux mâles blancs… Mais Quimper se gagne au centre », soupire Jérôme Abbassene, coopérateur EELV et deuxième de la liste Vivre Kemper.

La tentative de démocratie participative, en début de mandat, a fait long feu et l’adjointe EELV qui la portait a été démise de ses fonctions en février dernier. Les conseils de quartier mis en place, dont deux tiers des membres étaient tirés au sort chaque année, « ont fait des propositions. Elles n’ont jamais été regardées », explique l’élue sortante, Martine Petit, qui ne se représente pas (lire ici sa lettre ouverte).

« À Quimper, même au bureau municipal, il n’y a pas d’arbitrage collectif. Bernard Poignant est très peu à l’écoute. C’est un pouvoir très concentré », dit l’écologiste en rupture de ban. Une gestion en solitaire, dénoncée par ses adversaires, mais qu’il assume. « Un maire, ça écoute, ça consulte, mais ça tranche, ça décide. Parfois, il faut dire : “C’est comme ça !” Mais dire que je suis un despote, c’est du folklore… », explique Poignant.

Jeudi soir, il a fait son dernier meeting de campagne. Jusqu’au dernier moment, ses partisans vont tenter de mobiliser les abstentionnistes. De convaincre que les municipales ne sont pas une élection nationale, et qu’il faut faire confiance à l’expérience. Avec l’espoir que la ville ne leur échappe pas.

BOITE NOIREJ’ai passé deux jours à Quimper, lundi 17 et mardi 18 mars. J’ai rencontré des représentants des quatre listes de gauche pour essayer de comprendre quel climat règne dans l’électorat de gauche (dans toutes ses sensibilités). J’ai aussi suivi plusieurs actions de campagne, dont deux réunions publiques du maire sortant Bernard Poignant.

Contacté, le candidat UMP Ludovic Jolivet n’a pas retourné notre appel dans les délais. Il m'a rappelée vendredi à 18H30, après la publication.

 

 

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Marseille : le FN en embuscade dans le fief PS des 13e et 14e arrondissements

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C’est une ville dans la ville : 155 000 habitants alternant entre noyaux villageois et grands ensembles construits à la va-vite à partir des années 1960. Dans ces quartiers populaires où les taux de chômage sont parmi les plus élevés à Marseille (19 % dans le 13e, 26 % dans le 14e), la municipalité Gaudin a aussi beaucoup construit. À Château-Gombert, à Sainte-Marthe, les programmes immobiliers fermés, destinés aux classes moyennes, poussent comme des champignons.

Cette terre socialiste, la plus grosse pourvoyeuse d’élus au conseil municipal de Marseille (15 des 101 conseillers), était convoitée par le député écologiste Karim Zéribi et par Eugène Caselli, président PS de la communauté urbaine. Mais c’est finalement Garo Hovsepian, 74 ans, un ancien professeur de mathématiques et de physique, maire PS de secteur depuis 1998, qui reprend le flambeau pour la quatrième fois. Chargé, accusent certains, de tenir la boutique pendant que Sylvie Andrieux, la député PS du coin, n’en finit pas de se dépêtrer de ses ennuis judiciaires. La député a été condamnée le  22 mai 2013 à un an ferme pour détournement de fonds publics et se fait depuis plus discrète. Son procès en appel se tiendra du 2 au 13 juin 2014.

Pour contrebalancer cet effet désastreux, le PS a joué la « diversité » en intégrant sur la liste plusieurs jeunes militants issus des quartiers. Au niveau de la ville, Patrick Mennucci a multiplié les engagements en matière de transparence et d’éthique, promettant par exemple de créer des commissions pour l’attribution des places en crèche et des logements, ainsi que de recruter un « magistrat de haut niveau », flanqué d’un conseil d’éthique, pour veiller au respect des règles. En cas de victoire, il a annoncé que la magistrate Laurence Vichnievsky, qui a instruit l’affaire Elf avec Eva Joly, serait sa première adjointe. Comme « un symbole d'intégrité ». Ce qui n’empêche pas le PS de continuer de faire campagne dans les quartiers Nord à coups de barbecue en bas des cités.

Patrick Mennucci et la conseillère régionale Laurence Vichnievsky, sa future adjointe en cas de victoire.Patrick Mennucci et la conseillère régionale Laurence Vichnievsky, sa future adjointe en cas de victoire. © LF

Du pain béni pour Stéphane Ravier, chef de file du FN à Marseille et conseiller d’arrondissement qui, à la suite de ses déboires dans les autres secteurs marseillais, concentre tous ses efforts sur ce territoire qu’il laboure depuis treize ans. En 2008, le FN avait obtenu un seul élu municipal, Bernard Marandat, médecin élu dans les 15e et 16e arrondissements. Désormais, il vise beaucoup plus en pariant notamment sur les 13e et 14e arrondissements : « Si l'on prend la mairie de secteur au PS, on aura dix conseillers municipaux venus du 13/14, et sinon deux ou trois », résume Antoine Maggio, 30 ans, marin dans la marine marchande et colistier. De quoi gêner considérablement le futur maire de Marseille, qu’il soit de droite ou de gauche. Le maire sortant et candidat UMP Jean-Claude Gaudin, 74 ans, qui en 1986 avait fait alliance avec le FN au conseil régional, exclut cette fois tout accord. « Le pire, ce serait qu’il n’y ait pas de majorité absolue au soir du 30 mars, a récemment déclaré Jean-Claude Gaudin, sur Marsactu. Si le FN se maintient aux scores que les sondages indiquent (autour de 20 % sur l’ensemble de la ville, ndlr), il pourrait avoir 7 ou 8 (sièges), ça peut faire perdre la majorité absolue à un camp ou l’autre. » «L'hypothèse la plus probable est qu'il n'y ait pas de majorité, surtout si aucun des huit secteurs (aujourd'hui partagés entre l'UMP et le PS, ndlr) ne bascule et que le FN fait les scores prévus, ce qui remettrait le FN au centre du jeu», analyse Joël Gombin, chercheur aspécialiste des électorats du FN, qui développe cette hypothèse sur le Huffington Post.

À l’UMP, c’est le soldat Richard Miron, 57 ans, adjoint au sport de Jean-Claude Gaudin, qui a été envoyé au charbon sur ces terres de gauche, accompagné de Monique Cordier, ex-présidente de la fédération des Comités d’intérêt de quartier (CIQ) et de Jean-Claude Delage, patron du syndicat Alliance police.

D’autres listes tentent d’insuffler un peu de politique dans une campagne ultralocale. À la tête d’une liste rassemblant société civile, élus en rupture du PS et d'EELV, Pape Diouf, l’ancien président de l’OM, cible lui aussi ses flèches sur le FN. Tandis que le Front de gauche (FDG), qui a intégré plusieurs militants d’un collectif des quartiers populaires de Marseille (CQPM) sur sa liste, bataille dans les grands ensembles pour repolitiser des habitants absorbés par la galère quotidienne.

Car il est finalement très peu question de politique et de programme dans cette campagne de porte-à-porte : avant de choisir le futur maire de Marseille, on élit d’abord un maire de secteur, avec l’espoir de décrocher au passage un emploi, un logement ou une aide pour une association, pour démarrer une activité.

Stéphane Ravier s'est déjà présenté trois fois sur ce secteur.Stéphane Ravier s'est déjà présenté trois fois sur ce secteur. © LF

Ce samedi 15 mars, sur une placette du noyau villageois de Saint-Just, Stéphane Ravier, 44 ans, débite son discours sur l’« UMPS » à des badauds convaincus : « Ils avaient vingt ans pour changer les choses, ils n’ont rien fait, ils ne feront rien demain. C’est dans leurs gènes politiques qu’ils trahissent. » Très « trash » sur les plateaux télé autour des thèmes de prédilection du FN (corruption des élus, sécurité, et immigration), favorable au retour de la peine de mort, l’élu sait aussi jouer à fond la carte de la proximité. Il salue le « fils Weygand », conseiller général PS du canton qui a pris la suite de son père Lucien, ancien président PS du département, puis passe dire bonjour à la permanence de l’UMP « par courtoisie ».

Commercial chez Orange à la cité Félix Pyat, le candidat frontiste est né dans une cité marseillaise et a dirigé pendant six ans un club de football amateur en centre-ville. « J’ai transporté les jeunes des cités pour les matchs, à tel point que ma voiture c’était Benetton, lance-t-il. Depuis 2000, les gens ont appris à nous connaître. Je passe, on parle de sport, car mon fils joue au foot. Du candidat FN représentant Marine Le Pen, ça devient Ravier qui joue au foot, monsieur Tout-le-Monde qui vit les mêmes galères et passions que les autres ! »

 

En campagne à Saint-Just, près du conseil général des Bouches-du-Rhône.En campagne à Saint-Just, près du conseil général des Bouches-du-Rhône. © LF
Dans cette rue villageoise, où la moitié des négoces ont baissé le rideau, l’accueil des commerçants est chaleureux. Un boucher s'épanche sur ses difficultés à recruter : « Les gens veulent rester au chômage et travailler au black pour profiter du système. » Un peu plus loin, les clientes enthousiasmées d’un coiffeur réclament un deuxième passage du candidat frontiste. Les militants FN assurent qu’il en est de même dans les grands ensembles. « La plupart des cités maintenant on peut y mettre les pieds, ce n’était pas le cas il y a dix ans », affirme Antoine Maggio.

Illustration avec Marie-Thérèse, aide ménagère de 58 ans, qui un cabas à la main attend le bus 53 direction Les Flamants. Elle va voter FN. « Je voudrais que ça change, dit-elle. On reçoit un peu trop d’étrangers, eux ont tout et nous rien. » Elle pointe le bus qui s’arrête quelques centaines de mètres avant sa cité de Saint-Just-Bellevue. « Pour nous ça va, mais les pépés et mémés ils ne peuvent pas remonter à pied, alors ils ne sortent plus », dit-elle. Ça, le candidat FN ne l’a pas entendu, il a déjà tourné les talons. Un peu plus loin, une femme voilée de 45 ans, au chômage, récupère elle le numéro de la permanence du FN auprès de Stéphane Ravier. « J’ai pris un rendez-vous pour un problème de logement, explique-t-elle. Je veux partir du quartier Corot, je ne veux pas que ma fille grandisse là-dedans. »

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Un militant, candidat sur une liste Bleu Marine dans le centre-ville et chef boulanger, est venu donner un coup de main dans son ancien quartier. « C’est un secteur un peu test pour le Front, un secteur où le travail d’enracinement est continu depuis plus de dix ans ans, indique-t-il. Moi, les gens du quartier, je les connais depuis que je suis minot. Ils se sont rendu compte que nous n’étions pas les gens dangereux dépeints par les médias. Il y a des gens de toutes les communautés qui votent pour nous. Y compris boulevard Barri, où il y a une forte communauté juive. »

Candidat sur la liste du Front de gauche et militant de longue date des quartiers Nord, Mohamed Bensaada craint un « carnage du FN » dans ces quartiers. « C’est un piège qui est en train d’englober toutes les personnes de la société, analyse-t-il. Côté commerçants, ils mettent en avant Marine Le Pen, ils font de la proximité un peu comme à Hénin-Beaumont, font des lotos. Dans les grands ensembles, c’est la carte Soral et Dieudonné, ils parlent aux musulmans traditionalistes. »

Ça ne fonctionne pas toujours. « Vous êtes étranger ? », lance Stéphane Ravier à un client en rentrant dans un kebab. Et il enchaîne : « Nous, on n’a pas de problème avec les étrangers qui sont arrivés légalement dans notre pays, qui travaillent et qui paient des impôts. » À peine les militants FN sont-ils sortis que le client déchire posément le tract. Arrivé en France il y a douze ans, Omar, 31 ans, est infirmier libéral et de nationalité française, mais « toujours considéré comme étranger à cause de mon nom », soupire-t-il. « Pour eux, le problème majeur de la France c’est l’immigration, ils ont oublié tout le reste. Ce sont des idées racistes », dit Omar, qui vote UMP « par rapport à la fiscalité ». Il n'a pas de problème avec le durcissement idéologique de l’UMP sur les questions d’immigration et de sécurité : « C’est juste une stratégie pour prendre des voix au FN. »

Assis au café du coin pour l’apéro, Stéphane Ravier râle contre les habitants « chair à voter de la gauche » qui ont « encore sauvé les fesses de Mme Andrieux à la dernière élection ». Lui coupera les subventions aux « associations communautaristes ». Au second tour des élections législatives de 2012, la députée PS sortante Sylvie Andrieux n’avait devancé Stéphane Ravier que de 699 voix. Mais la circonscription, qui incluait des bureaux traditionnellement de droite, était nettement moins favorable à la gauche que le secteur municipal.

Stéphane Ravier et sa colistière, Sandrine D'Angio, chez un coiffeur, à Saint-Just.Stéphane Ravier et sa colistière, Sandrine D'Angio, chez un coiffeur, à Saint-Just. © LF

Stéphane Ravier reprend sa formule fétiche – « C’est Mennucci le négrier de l’immigration » – et accuse le PS de sortir « les habitants des cités uniquement pour les faire voter » et d’entretenir « à feu doux la galère et le communautarisme ». Avant de sommer des habitants imaginaires : « Il faut cesser d’attendre et de pleurnicher, il faut vous retrousser les manches, montrer que vous êtes fiers d’être français, fiers de ses valeurs traditionnelles, et quand vous aurez fait l’effort, je vous aiderai comme les autres. »

Jean-Claude Gaudin, maire UMP sortant, en campagne à Belsunce dans le centre-ville.Jean-Claude Gaudin, maire UMP sortant, en campagne à Belsunce dans le centre-ville. © LF

Troisième sur la liste UMP, qui a surtout mené campagne dans les noyaux villageois, Jean-Claude Delage, secrétaire général d’Alliance police, dit lui constater un « grand désespoir des habitants ». « C’est un des secteurs les plus difficiles pour les listes Gaudin où le PS a failli et le où FN s’est attribué le leadership sur les classes populaires », reconnaît ce Marseillais de Mazargues (au sud), qui fut l’élève de Jean-Claude Gaudin au collège-lycée Saint-Joseph-les-Maristes. Un maire pourtant en plein déni concernant la réalité de ces quartiers Nord, délaissés durant ses 19 ans de mandat. Alors qu’un rapport de l’OCDE a récemment classé la métropole Aix-Marseille parmi les plus inégalitaires de France, Jean-Claude Gaudin répétait encore le 26 février 2014 avoir réalisé « plus encore pour le nord que pour le sud » de la ville. Il cite régulièrement les treize chantiers « dont douze dans le Nord »… lancés par l’ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine), ses deux zones franches urbaines créées en 1997 et 2004 au bilan contesté, et Euroméditerranée, une gigantesque opération de rénovation urbaine dans l’arrière-port lancée par son prédécesseur Vigouroux et elle aussi pilotée par l’État.

À titre d’exemple, il ne reste dans les quartiers Nord que quatre piscines pour 285 000 habitants et 75 % des enfants qui y habitent  ne savent pas nager (avec des pointes à 90 % dans certaines cités), comme le relatait récemment Le Monde. « Les gens voient bien qu’il y a une fracture avec les mairies de droite du sud et du centre de Marseille, qui sont bien entretenues, et les nôtres où les dossiers ne sont pas gérés aussi rapidement », dit Gino Ciravolo, 33 ans, colistier PS dans les 13e et 14e arrondissements. « En 2012, la moitié des crédits d’investissement en équipements sportifs de la ville, gérés par la délégation de M. Miron, ont été investis sur les 6e et 8e arrondissements (dont la mairie de secteur est tenue par la droite, ndlr), si ce n’est pas du clientélisme, ça ! », constate de son côté Stéphane Mari, élu PS.

Barbecue du PS à la cité Canet-Jean Jaurès, le 18 mars 2014Barbecue du PS à la cité Canet-Jean Jaurès, le 18 mars 2014 © LF

Dans les 13e et 14e arrondissements, le PS a, comme à son habitude, déployé une véritable machine de guerre avec une cinquantaine de militants mobilisés par jour, le double le samedi. « Depuis janvier, on a tapé à 400 portes par jour », estime Stéphane Mari, adjoint aux finances du maire PS et troisième sur sa liste. Pour cette dernière semaine avant le premier tour, le PS a abandonné le porte-à-porte pour organiser une série de barbecues dans les cités. Lundi, c’est à la cité Canet-Jean Jaurès, coincée au bord de l’autoroute, que les militants font griller des merguez sous le nez des affiches de Garo Hovsepian. Un quartier qui ne fait pas souvent la une, avec ses 350 logements HLM, gérés par Habitat Marseille Provence (HMP), le bailleur très décrié de la Ville. « Il faudrait imposer un quota de contrats d’insertion sur place dans les marchés publics, ici ce sont des entreprises venues de Hyères qui viennent faire l’entretien des espaces verts ! », s’indignent les écolos Christine Juste et Christian Reynaud, candidats sur la liste PS. Cheveux gominés, chemise à rayures et lunettes de soleil, Gino Ciravolo, enfant du quartier, est « sur les nerfs ». Il interpelle l’épicier, le seul commerce encore ouvert : « Il faut faire voter Garo ici, hein, le FN va faire 30 % ! »

« HMP laisse le quartier à l’abandon, tous les locaux en pied d’immeuble sont fermés, critique un Garo Hovsepian aux allures de patriarche. Et la mairie centrale nous a encore imposé 50 logements d’urgence sur le terrain voisin il y a six ans. » Mais le PS, qui tient le conseil régional, le conseil général et la mairie de secteur depuis près de vingt ans, n’a-t-il pas sa part de responsabilité ? « Le maire d’arrondissement est l’élu le plus visible mais aussi le plus frustré, répond l'ancien professeur. Si Patrick Mennucci est élu maire, nous aurons plus de compétences sur la voirie, l’éclairage, la proximité. » Vacataire, Abdel Chaouch, 43 ans, tente de faire survivre les locaux immenses du centre d’animation du quartier avec des bouts de ficelle (5 000 euros de subventions de fonctionnement par an et ses 17 heures de vacation payées par la mairie de secteur).

Abdel Chaouch, seul pour gérer les immenses locaux du centre d'animation.Abdel Chaouch, seul pour gérer les immenses locaux du centre d'animation. © LF

Du cybercentre des années 1990, il ne reste plus que deux ordinateurs mis à disposition des habitants. « C’est un vrai gâchis, regrette Stéphane Mari. On n’a pas les moyens de faire tourner le centre. Sur le 13/14, nous avons moins de trois millions d’euros de budget de fonctionnement et 300 000 euros d’investissement pour gérer 200 équipements de proximité, du terrain de boules au gymnase scolaire. » Il balaie les questions de clientélisme : « Le maire de secteur n’a la main sur rien, ni les logements, ni les emplois gérés par la mairie centrale. Il peut proposer des candidats sur son quota de HLM, soit 2 à 3 % des logements. Sachant qu’on fait 98 % de mécontents, il vaudrait mieux fermer le service logement, mais les gens auraient encore plus l’impression d’être abandonnés. »

Quant à l’affaire Andrieux, son suppléant Garo Hovsepian assure ne pas en entendre parler durant cette campagne. « Les gens ont d’autres préoccupations, minimise le maire. Ce sont deux ou trois associations qui ont pourri la situation. » À la suite de l’affaire, le conseil régional a pourtant gelé pendant de longs mois ses subventions aux associations de ce territoire. Au détriment de la population. 

Sur les murs du local de campagne du PS, la stratégie quartier par quartier.Sur les murs du local de campagne du PS, la stratégie quartier par quartier. © LF

La politique de la merguez a ses limites. À 13 h 30, les affiches et le barbecue sont déjà remballés. Sur la place restent des jeunes qui fument et des mères de famille qui échangent des noms d’oiseau. « Vous pensez qu’ils vont nous acheter avec des merguez ?, s’esclaffe Samir, 21 ans, qui a observé la scène depuis son banc. Ça fait dix ans qu’ils doivent refaire le stade, remettre des grillages… Moi je vais voter blanc. » Les mères décrivent un quartier délaissé, des interphones en panne, les rats, les cafards dans la douche. « Le soir, ici, tu ne peux pas t’asseoir, les cafards nous grimpent sur les jambes », dit une femme, la quarantaine, mère de deux filles. Lors de la campagne des législatives de 2012, le député PS Henri Jibrayel avait lui aussi multiplié les barbecues, au point d’y gagner le sobriquet de « M. Merguez ». « Jibrayel est venu ici, il a fait un barbecue, il nous a promis ceci, cela et depuis on ne l’a plus revu », poursuit cette femme qui ne veut pas donner son nom « car les médias disent n’importe quoi ». La colère éclate : « On n’a rien pour nos enfants, même pas d’aide aux devoirs ! Même à Bassens, ils ont l'aide aux devoirs. Comment elles font les mamans illettrées ? »

Sandrine 35 ans, a récupéré le « 06 » du conseiller général PS du coin dont elle brandit, hilare, la carte de visite. « Il doit m’aider pour trouver du travail dans les hôpitaux, faire le ménage, explique-t-elle. Ici les gens sont en grande souffrance. J’ai six petits, faut que je travaille, je dépose des CV partout, sans réponse. » Quelques minutes plus tard, un autre élu PS passe prendre ses coordonnées : elle sera dimanche assesseur dans un bureau de vote. « On a mis beaucoup de gens issus des quartiers populaires sur les listes, du coup leur famille, leurs amis ont voulu les aider et on a trop de monde pour tenir les bureaux de vote », se réjouit Stéphane Mari.

Feti Farissi discute avec un agent de HMP à Frais Vallon, le 18 mars 2014.Feti Farissi discute avec un agent de HMP à Frais Vallon, le 18 mars 2014. © LF

Enfant de la cité La Bégude, militant depuis 2001, Feti Farissi, 35 ans, est l’un de ces candidats de la « diversité » mis en avant par le PS. « Regardez les listes aujourd’hui, elles reflètent nos cités », argumente le jeune homme, face à quelques habitants qui prennent le café au soleil à Frais Vallon, une grosse cité du 13e arrondissement. Il leur lance : « Nos grands frères ont fait les cons, ils n’allaient pas voter. Alors que c’est simple, les politiques prennent les listes électorales et regardent "Oh ça vote ici ! On va rénover." » Attablé à un café, Mohamed, intérimaire de 36 ans, sort une carte d’électeur toute neuve. C’est la candidature de Feti Farissi qui l’a convaincu d’aller s’inscrire pour la première fois de sa vie, « car il me ressemble, il vient du quartier ». « Avec ça je commence à exister, quand j’ai un contrôle de police et que j’ouvre le portefeuille, maintenant c’est bonjour monsieur », sourit-il.

En parcourant le quartier, Feti Farissi fait de la géographie électorale par le macadam. C’est son métier, il est surveillant de travaux à la Communauté urbaine de Marseille. Il pointe les nids-de-poule, les trottoirs défoncés, les potelets sectionnés, les enrobés « faits à froid » parce que « personne ne se donne la peine de contrôler les entreprises ». « On ne voit ça que dans nos quartiers, c’est pitoyable », rage-t-il. Plus loin, la chaussée a été refaite à neuf sur quelques mètres avant de stopper net, de façon inexplicable. « C’est pour la mosquée qui est juste devant, HMP refait l’enrobé juste avant les élections, décrypte le jeune homme. Un peu comme au Maroc, où l'on refait les voies avant que le roi ne passe. »

En bas d’une cage d’escalier, un jeune charbonneur tient commerce. « C’est un grand », lui crie un homme plus âgé, posté devant le centre social voisin, en reconnaissant Feti Farissi qui s’avance. Le dealer opine et s’efface poliment pour laisser les militants PS afficher dans le hall. « Le reproche qu’ils nous font, c’est "Cassez-vous, on ne vous voit jamais", mais moi ils ne peuvent pas me dire ça, car ils me connaissent, je suis d’ici, je peux leur dire qu’ils n’ont rien à faire dans ces réseaux », remarque Feti Farissi. Il dit avoir poussé de « belles gueulantes au PS » sur la question de l’emploi et de trafic, pas assez souvent abordées.

Pape Diou et sa colistière Haouria Hadj-Tchik, en campagne à saint-Just le 15 mars 2014.Pape Diou et sa colistière Haouria Hadj-Tchik, en campagne à saint-Just le 15 mars 2014. © LF

« Les gens sont dégoûtés par la politique, il y a une désaffection à Marseille plus qu’ailleurs, constate Tahar Rahmani, 58 ans, ancienne figure du PS marseillais qui a rejoint la liste de rassemblement de Pape Diouf. L’idéologie, la façon de faire des candidats, leur projet n’a plus aucune importance, on est dans le clientélisme pur. » Il raconte les pressions vécues par certains colistiers de la part de la droite et « surtout de la gauche » : « Qu’est-ce que tu fais avec Pape Diouf, tu n’auras rien ! » « Tu sais bien que ce boulot tu l’as eu grâce à moi », etc. Certains des colistiers, qui travaillent dans des collectivités tenues par la gauche, insistent d’ailleurs pour que leur employeur ne soit pas mentionné par les journalistes, afin de ne pas être pénalisés professionnellement.

Ce samedi 15 mars, une flopée de militants accompagne l’ancien président de l’OM dans sa tournée des commerces de Saint-Just. « On a l’impression de se balader avec Johnny Hallyday, s’amuse Tahar Rahmani. Les gens lui disent "Si vous faites à Marseille ce que vous avez fait à l’OM, ça peut marcher". » « Et l’OM, c’est fini ? », l’apostrophe ainsi le patron d’une boucherie hallal. « Il a fait un beau parcours à l’OM, il a été sérieux dans ses démarches, dommage qu’on l’ait écarté trop tôt mais on peut compter sur lui », apprécie ce fan.

Même le chauffeur de bus s'arrête pour voir Pape Diouf. Même le chauffeur de bus s'arrête pour voir Pape Diouf. © LF

Morad Hennouni, entrepreneur de 34 ans dans l’événementiel, interpelle les automobilistes : « Votez pour Pape Diouf pour changer la donne. On en a marre qu’on nous traite comme des chiens, faut faire passer le mot ! » Avec un programme axé sur la transparence des décisions municipales, la lutte contre le mal-logement et la fracture Nord/Sud de la ville, Pape Diouf espère repêcher quelques électeurs qui « votent FN par dépit », ainsi que des abstentionnistes (42 % au premier tour des municipales de 2008).

Dans la bouche des passants, ce n’est pas le droit de vote aux étrangers ou la lutte contre les contrôles au faciès (deux promesses du candidat Hollande oubliées) qui reviennent, mais l’emploi. « Hollande, on y a cru, on a tous voté pour lui, on a chanté la Marseillaise et on n’a pas eu le travail », dit Mehdi Talout, 26 ans, qui discute avec ses amis devant un bar. « J’ai envie d’avoir un boulot dans la manutention, de chercher un appart, de me marier, poursuit-il. Alors c’est donnant-donnant, je peux aider pape Diouf, mais je veux qu’on me donne du travail, me faire entrer à la ville ou n’importe où, même paysagiste tout est bon à prendre. » Gasser, 29 ans, attend lui une réponse du conseil général pour démarrer une activité de négoce de tissus. Interdit bancaire, il sait qu’il ne peut rien espérer des banques : « J’ai un magasin vide, il me faut une aide de 1 500 euros pour commencer. » Alors Pape Diouf, c’est la dernière campagne qu’il soutient : « Ils disent qu’ils vont aider les quartiers Nord, j’attends de voir ça. »

Les militantes s'attardent aux Rosiers.Les militantes s'attardent aux Rosiers. © LF

« Ici les gens ne visent que les services publics, soupire Joseph Torres, 35 ans, comptable et candidat aux côtés de Pape Diouf. La plupart n’ont pas le diplôme et les autres sont catalogués "quartiers, drogue, casier judiciaire". » Le jeune homme est bénévole à la plateforme des services publics dirigée par Haouria Hadj-Chikh. Colistière de Pape Diouf, cette conseillère d'arrondissement a quitté  le Front de gauche, déçue d'avoir été reléguée en quatrième position sur sa liste.

Dans le quartier de La Busserine, où une gigantesque tour est en cours de démolition, on retrouve des militants du collectif des quartiers populaires de Marseille, créé en juin 2013 pour « promouvoir des solutions efficaces et dénuées de démagogie contre les inégalités sociales ». Zora Berriche, qui travaille au théâtre voisin du Merlan, Sorya Abdali, assistante d’enseignement de 42 ans, Lila Redmania, 48 ans, gestionnaire budgétaire au conseil régional, et Mohamed Bensaada, manipulateur radio dans un hôpital, ont eux rejoint la liste du Front de gauche, menée par Samy Joshua, un ancien du NPA. Ils veulent faire rentrer leurs luttes associatives au sein du conseil d’arrondissement et, au-delà des élections, reconstruire « la chose politique » dans ces quartiers désabusés.

« Le Front de gauche nous a donné une grande autonomie dans la façon de faire campagne et nous leur avons apporté notre connaissance et notre analyse politique de ces quartiers populaires », salue Karima Berriche, 52 ans, directrice du centre social L’Agora, qui compte quitter son poste fin juin « car la courroie associative ne suffit plus ». Pour ces militantes qui ont la quarantaine et revendiquent « un double héritage ouvrier et colonial », « le PS c’est une série de trahisons : le vol de la marche des Beurs, le droit de vote des étrangers promis par Mitterrand toujours repoussé, le clientélisme… ». Le 14 mars, elles ont organisé un échange entre une petite centaine d’habitants et Jean-Marc Coppola, tête de file du FDG sur la ville, dans les locaux d’une association de la cité. Sans prévenir les médias pour ne pas pénaliser l’association en question. « Vous vous rendez compte ? On doit faire de la politique par le bouche à oreille et en catimini, alors qu’on n’est même pas dans un fief de Gaudin ! », s’exclame Karima Berriche.

Les discussions menées par le Front de gauche avec Pape Diouf n’ont pas abouti, même si les ressemblances dans les priorités affichées sautent aux yeux (transports, emplois, logement, transparence de la vie publique). Elles n’ont pas été convaincues par l’ancien journaliste, son « indécision », son « manque d’envergure politique » et ses « platitudes sur la fracture Nord-Sud, le clientélisme ». « Bien sûr, il y a des choses qui se recoupent avec le programme de Pape Diouf, ainsi que celui de Patrick Mennucci, reconnaît Lila Redmania. Mais on peut avoir un programme de gauche et des pratiques clientélistes. Les dernières législatives entre Henri Jibrayel et Karim Zéribi, c’était effarant, à qui promettrait le plus d’emplois ou de subventions. » Difficile sur le terrain de se démarquer de la bipolarité PS/UMP. « Il y a une grande confusion, la politique du PS pénalise le Front de gauche qui est mis dans le même sac, celui de la gauche qui a failli dans ces quartiers », regrette Karima Berriche.

A la cité des Rosiers, copropriété des années 1950, déjà tapissée d'affiches pour Garo Hovsepian.A la cité des Rosiers, copropriété des années 1950, déjà tapissée d'affiches pour Garo Hovsepian. © LF

À la cité des Rosiers (dans le 14e arrondissement), une immense copropriété dégradée parcourue de coursives, un jeune homme commence par refuser le tract tendu. « Moi je suis une bille en politique, je ne m’y intéresse pas. » Il est fonctionnaire et a réussi à s’extraire de cette cité, où il revient donner un coup de main dans une association. « Ici, les subventions, c’est souvent parce qu’on connaît quelqu’un. Les politiciens malheureusement, ce n’est que du donnant-donnant, comment je peux vous croire ? », lance-t-il à Karima Berriche et à sa sœur Zora. Les deux sœurs s’accrochent, argumentent pied à pied, laissant filer les minutes. « La politique n’est pas seulement telle que tu la vois, des élections tous les six ans. L’action politique, c’est d’avoir le pouvoir collectif pour changer les choses, de réclamer des comptes aux élus, d’aller dans leur bureau demander leur démission si besoin. » Le jeune homme secoue la tête, désabusé : « Avant je votais, car je connaissais Mme Andrieux, elle venait et disait "Je donne ça, je donne ceci". Moi, ça me gonfle, alors je ne vote plus. » Avant de repartir en promettant : « Je vais lire votre programme. »

Ici, la cage d'escalier a brulé «il y a un an» selon un habitant.Ici, la cage d'escalier a brulé «il y a un an» selon un habitant. © LF

Édifiée par Jean Rostan dans les années 1950, la cité est placée en plan de sauvegarde depuis quinze ans. Les façades des immeubles classés ont été refaites, mais les boîtes au lettres sont défoncées, la chaussée parsemée de larges trous et de plaques d’égout béantes. Au pied d’une cage d’ascenseur dévastée par le feu, Fatia, 59 ans, propriétaire d’un petit appartement, s’arrête pour discuter. « La seule personne qui venait sur le terrain, c’était Sylvie Andrieux, raconte-t-elle. Je l’avais contactée pour travailler, elle m’avait dispatché des CV et j’ai décroché deux entretiens à l’hôpital et au conseil régional. » Elle soupire : « Les autres élus, ce sont des courants d’air qu’on ne voit qu’avant les élections… »

BOITE NOIREJ'ai suivi les différentes équipes de campagne entre le 15 et le 19 mars 2014, sauf celle de M. Miron qui, après plusieurs relances, a fini par me répondre qu'il ne voulait pas voir de journalistes et qu'il fallait « faire sans (lui) ».

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Affaire Tapie : la Cour d’injustice de la République

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S’il faut une preuve nouvelle de l’impérieuse nécessité de supprimer la juridiction d’exception qu’est la Cour de justice de la République (CJR), il suffit d’examiner le rôle pervers qu’elle joue dans le scandale Tapie. Car dans l’instruction de cette affaire, on décèle tous les vices de cette institution, qui a réservé à l’ex-ministre des finances, Christine Lagarde, un statut judiciaire privilégié par rapport à son ex-directeur de cabinet, Stéphane Richard, et qui a conduit ses auditions avec un manque de professionnalisme qui tranche avec la rigueur dont a fait preuve la Brigade financière.

Ce rôle est tellement pernicieux qu’on en devine la prochaine conséquence : alors que de très nombreuses irrégularités sont imputables à l’actuelle patronne du Fonds monétaire international (FMI), elle va profiter d’un traitement judiciaire de faveur. À petits pas, la CJR se dirige en effet maintenant vers un non-lieu à son profit, tandis que de nombreuses autres personnalités impliquées dans le même scandale, certaines d’entre elles pour des irrégularités sans doute très voisines, risquent fort d’être renvoyées un jour devant un tribunal correctionnel pour y être jugées. En clair, l’affaire Tapie est la caricature des tares de la CJR : devant elle, les anciens ministres ne sont pas des justiciables comme les autres mais bénéficient de passe-droits, indignes d’un État de droit. En résumé, l’affaire Tapie révèle, mieux que toutes autres, ce qu’est cette juridiction : la Cour d’injustice de la République.

On devine en effet qu’au lendemain de la confrontation que la CJR a organisée, mercredi 19 mars, entre Christine Lagarde, l’actuelle patronne du FMI, et son ancien bras droit à Bercy, Stéphane Richard, l’actuel patron d’Orange, cette juridiction se prépare, à plus ou moins long terme, à rendre un non-lieu au profit de l’ex-ministre des finances. C’est l’indication que nous avons recueillie de plusieurs très bonnes sources. Et plusieurs indices viennent confirmer cette hypothèse. D’abord, selon nos informations, aucun nouvel acte de procédure n’est envisagé par la commission d’instruction de la CJR. C’est donc au vu des pièces déjà assemblées que les magistrats décideront soit de renvoyer Christine Lagarde devant la CJR, pour être jugée par elle, soit de lui faire profiter d’un non-lieu. Or, depuis la première audition de Christine Lagarde, réalisée les 22 et 23 mai derniers, à l’issue de laquelle elle a été placée sous le statut de témoin assistée, la CJR n’a pas souhaité modifier ce statut. Ni lors de la seconde audition, qui est intervenue à la fin du mois de janvier, ni à l’issue de la confrontation avec Stéphane Richard, les juges n’ont estimé qu’ils disposaient de nouveaux éléments graves et concordants pour la mettre en examen. Ce qui corrobore donc nos informations : la CJR est en passe de clore le dossier Lagarde.

Si cette hypothèse est la bonne, le moment est donc venu de tirer un premier enseignement des investigations conduites sous la tutelle de cette juridiction et de les comparer à celles qui ont été conduites, en parallèle, dans le cadre de l’information judiciaire ouverte en septembre 2012, dans le volet non ministériel de la même affaire. Ou si l’on préfère, le moment est venu de comparer le sort judiciaire qui a été réservé à Christine Lagarde et celui qui a été réservé à Stéphane Richard.

Stéphane Richard et Christine Lagarde.Stéphane Richard et Christine Lagarde. © Reuters

Pour bien comprendre l’importance de la comparaison entre les deux procédures distinctes, dans le cadre d’une seule et même affaire, il faut d’abord avoir à l’esprit que la justice, au vu des pièces amassées, pouvait nourrir des soupçons voisins à l’encontre de l’ex-ministre et de son ex-directeur de cabinet. Car l’un et l’autre se sont fortement impliqués dans cet arbitrage, qui a vraisemblablement été frauduleux. C’est le cas, naturellement, de Stéphane Richard, qui durant toute cette période n’est pas seulement un directeur de cabinet ordinaire : c’est aussi un ami proche de Nicolas Sarkozy ; c’est son œil à l’intérieur du ministère des finances, d’abord à l’époque de Jean-Louis Borloo ; puis à l’époque de Christine Lagarde. Stéphane Richard est aussi l’un de ceux qui participent à cette stupéfiante réunion interministérielle à l’Élysée, le 30 juillet 2007, réunion organisée par Claude Guéant en présence de plusieurs collaborateurs de Nicolas Sarkozy et de… Bernard Tapie lui-même, pour lancer l’arbitrage, sur lequel pèse à l'époque un soupçon d’illégalité.

Mais quand les investigations judiciaires commencent, on sait aussi que de très nombreux soupçons d’irrégularités pèsent sur Christine Lagarde, notamment depuis la révélation, en mai 2011, par Mediapart du rapport de la Cour des comptes. C’est en effet la ministre des finances elle-même qui a signé les instructions écrites aux hauts fonctionnaires concernés, à l’automne 2007, pour lancer l’arbitrage, alors que son administration, et tout particulièrement l’Agence des participations de l’État (APE) lui décommandait vivement d’accepter l’arbitrage. Et elle a signé ces instructions – comme lui en fera ultérieurement le reproche la Cour des comptes – sans même saisir le Conseil d’État pour s’assurer de la légalité de la procédure.

C’est encore elle, à la fin du mois de juillet 2008, qui a signé de nouvelles instructions aux mêmes hauts fonctionnaires pour leur demander de voter en défaveur d’un recours contre la sentence favorable à Bernard Tapie. Et à l’époque, elle a publiquement menti, puisqu’elle a fait savoir par voie de communiqué de presse que les avocats consultés par l’État estimaient qu’un recours avait peu de chance de prospérer. Or, à l’époque, Mediapart avait révélé que deux des quatre avocats consultés par l'État disaient strictement le contraire.

Et puis, il y a l’ultime incident, peut-être encore plus révélateur que les précédents. Apprenant, à l’automne 2008, que l’un des arbitres avait manqué à ses obligations de révélations étendues et n’avait pas affiché les arbitrages auxquels il avait procédé dans le passé avec Me Maurice Lantourne, l’avocat de Bernard Tapie, Christine Lagarde avait une nouvelle occasion, la dernière, de défendre les intérêts de l’État. Ce manquement constituait en effet un motif d’annulation de l’arbitrage, ce qui aurait permis à Christine Lagarde de récupérer les 405 millions d'euros empochés par Bernard Tapie. Or, non seulement Christine Lagarde ne l’a pas fait jouer, mais de plus, elle a caché au parlement que ce motif d’annulation avait été découvert.

Ce sont donc des suspicions très lourdes qui pèsent, très tôt, sur Christine Lagarde. C’est la raison pour laquelle je l’ai interpellée, précisément sur ces points, quand elle a présenté sa candidature au FMI, le 22 mai 2011, comme le montre la vidéo ci-dessous :

Ce sont aussi toutes ces irrégularités que j’avais rappelées lors d’un « live » de Mediapart, le 25 janvier 2013.

C’est dire que, lorsque la justice se met enfin en branle pour percer les mystères du scandale Tapie, il n’aurait pas dû y avoir de véritables raisons pour que le sort judiciaire de Christine Lagarde soit différent de celui de Stéphane Richard. Tout au contraire, la justice, la vraie, aurait exigé que les deux justiciables soient strictement traités sur un pied d’égalité.

Or cela n’a pas été le cas. Et c’est pour cela que l’affaire Tapie est le meilleur révélateur du scandale que constitue cette juridiction d’exception. Car, par principe, il est démocratiquement scandaleux que des justiciables, au seul motif qu’ils ont été ministres, ne relèvent pas des juridictions de droit commun. Mais quand dans une seule et même affaire, deux justiciables relèvent de deux procédures distinctes, l’injustice devient alors encore plus criante. D’autant plus criante qu’ils se rejettent en partie mutuellement les responsabilités des irrégularités qui auraient pu être commises.

Si la CJR n’avait pas existé, il est en effet assez probable que Christine Lagarde aurait été prise exactement dans les mêmes turbulences que Stéphane Richard. Comme lui, elle aurait été placée en garde à vue, pendant au moins 48 heures. Comme lui, elle aurait été interrogée poliment, mais sans concession, par les policiers de la Brigade financière. Et comme lui, sans doute aurait-elle été mise en examen, sinon pour « escroquerie en bande organisée », du moins pour « abus de pouvoir ».

Or tout cela lui a été évité, sans qu’aucune raison véritable ne le justifie. Le plus aimablement du monde, elle a été conviée par les magistrats de la CJR, sans, naturellement, être placée en garde à vue. Et, comme dans un salon mondain, elle a devisé avec les magistrats, beaucoup plus qu’elle n’a été interrogée et encore moins bousculée.

Arrêtons-nous juste un instant sur cette différence de traitement : pourquoi Stéphane Richard a-t-il été placé en garde à vue et pourquoi Christine Lagarde ne l’a-t-elle pas été ? Y aurait-il eu, en amont de la procédure, des soupçons plus lourds sur l’un que sur l’autre ? Nenni ! Comme on vient de le voir, tous les deux ont joué un rôle fort dans l’arbitrage, et le principal travail de la justice était précisément d’établir la part de responsabilité de l’un et de l’autre.

Pour quiconque a pu lire les auditions qui ont été conduites, d’une part par la Brigade financière dans le cadre de l’information judiciaire confiée aux trois juges d’instruction, et de l’autre par les magistrats de la commission d’instruction de la CJR, il y a aussi une autre différence majeure, qui saute aux yeux : les premières auditions ont été conduites de manière hautement professionnelle et rigoureuse par des policiers connaissant les moindres détails de la procédure et capables de comprendre quand on leur mentait ; tandis que les auditions de Christine Lagarde, conduites par la CJR, se sont apparentées à d’aimables conversations dans un salon mondain.

À titre d’illustration, pour toutes les auditions que nous avons pu consulter, nous avons pu constater que les policiers de la Brigade financière ont fréquemment fait savoir à certaines des personnes qu’ils interrogeaient qu’ils n’étaient pas dupes des contrevérités que celles-ci proféraient et leur ont souvent signifié que leurs mensonges seraient consignés dans le procès-verbal. Cette rigueur, Pierre Estoup, l’arbitre qui a été mis en examen pour « escroquerie en bande organisée », en a fait l’expérience : lors de son audition, il a précisément été plusieurs fois consigné que le gardé à vue prenait des libertés avec les faits. Quand les policiers ont entendu François Pérol, l’actuel patron de BPCE, le 20 juin 2013, lui-même l’a appris à ses dépens.

Au début, l’entretien est très courtois. Benoîtement, la capitaine de police demande à l’ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy combien de fois il a reçu Bernard Tapie dans son bureau, du temps où il était secrétaire général adjoint de l’Élysée, c’est-à-dire de mai 2007 à janvier 2009. Pensant sans doute que son interlocutrice n’en sait rien, François Pérol risque une réponse : « Je me souviens d'une visite en septembre 2008. Cette visite avait été involontairement médiatisée. Un journaliste présent ce jour-là à l'Élysée ayant vu M. Tapie devant mon bureau, ce que j'avais d'ailleurs bien volontiers confirmé à la presse, mais en “off”, considérant que je n'avais pas à commenter officiellement mon emploi du temps. Il y a peut-être eu d'autres visites, une ou deux, mais je ne saurais vous le dire avec plus de précision. »

Toujours benoîtement, la policière ne réplique pas et laisse donc François Pérol raconter par le menu ces « une ou deux visites ». Mais une fois que son visiteur s’est longuement enferré de lui-même dans son récit, la policière le déstabilise soudainement en brandissant devant lui une pièce à laquelle il ne s’attendait visiblement pas : « Nous vous présentons un relevé des rendez-vous de M. Tapie avec vous, tels qu’ils ont été relevés à partir des copies des registres de l’Élysée fournis sur réquisitions des magistrats en charge de l’instruction. Ce relevé montre que vous auriez reçu M. Tapie 7 fois à l’Élysée entre le 13/06/2007 et le 25/02/2009. Vous avez tout à l’heure déclaré avoir reçu M. Tapie seulement une ou deux fois. Qu’en est-il ? » Alors, d’un seul coup, les réponses de François Pérol se font plus hésitantes : « Cela me semble beaucoup par rapport à mon souvenir… », bredouille-t-il.

Ce n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres. Car toutes les auditions conduites par des policiers, sous la houlette de juges d’instruction indépendant, donnent la même impression : celle d’une instruction judiciaire équitable, mais formidablement efficace et méthodique.

Or, par contraste, les auditions de Christine Lagarde se sont apparentées à de véritables pitreries mondaines. Et l’ancienne ministre des finances a pu tenir devant les magistrats de pieux mensonges sans qu’aucun d’entre eux ne le relèvent ou ne le fassent observer à la patronne du FMI. Ces mensonges, je les ai relevés dès le 9 juillet 2013, soit peu de temps après la première audition, dans un article intitulé Christine Lagarde a menti devant la CJR.

Face aux magistrats, Christine Lagarde répète ainsi, lors de sa première audition, en mai 2013, à de nombreuses reprises qu’elle n’a le plus souvent pas lu ou pas eu connaissance des notes que l’Agence des participations de l’État lui a adressées, la mettant en garde d’abord contre l’arbitrage, attirant ensuite son attention sur les possibilités d’un recours contre la sentence. « Je précise, sur votre demande, que j'ai découvert, a posteriori, un certain nombre de notes de l'APE qui n'ont pas été portées à ma connaissance, ou que je n'ai pas eues à l'époque », dit-elle ainsi une première fois.

Les magistrats de la CJR insistent et font observer à Christine Lagarde que le patron de l’époque, Bruno Bézard (aujourd’hui directeur général des finances publiques), avait écrit une note, en date du 9 janvier 2007, fondant la doctrine de son administration et faisant valoir que l’État était judiciairement en position favorable face à Bernard Tapie, après l’arrêt de la Cour de cassation. Réponse de Christine Lagarde, toujours la même : « Je n’ai pas eu connaissance, au moment où j’ai pris mes fonctions, de la note du 9 janvier 2007 de l’APE. »

Les magistrats insistent et font valoir à l’ex-ministre qu’elle a reçu une note du même Bruno Bézard, en date du 1er août 2007, dans laquelle celui-ci la met solennellement en garde : « Je ne peux donc que déconseiller au ministre la voie d'un arbitrage qui n'est justifiée ni du point de vue de l'État ni du point de vue du CDR. » Pourquoi la ministre n’écoute-t-elle pas le patron du service de l’État qui connaît le mieux le dossier ? Christine Lagarde n’en démord pas : « Comme je l'ai indiqué précédemment, je n'ai pas eu connaissance de cette note à l'époque où elle a été établie. Je ne peux donc pas répondre à cette question. »

En clair, l’ex-ministre des finances aurait-elle pu ne lire aucune des notes de mise en garde de la principale de ses administrations et alors qu’il s’agit d’un dossier qui alimente de violentes controverses publiques ? L’ennui pour Christine Lagarde, même si les magistrats de la CJR ne le lui ont pas fait observer, c’est qu’elle n’a pas toujours joué ce rôle d’incapable ou d’irresponsable.

À l’occasion de son audition sur l’affaire Tapie, le 23 septembre 2008, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale (on peut la consulter ici), Christine Lagarde a, au contraire, fait comprendre que les notes de l’APE n’avaient aucun secret pour elle : « L’Agence des participations de l’État est régulièrement consultée sur ce type de dossiers », a-t-elle fait valoir, avant d’ajouter : « Elle m’a remis des notes tout au long de cette affaire. Il s’agissait en général d’analyses pertinentes, souvent conservatrices dans l’appréciation du bien-fondé de telle ou telle démarche ; en particulier, elle s’est livrée à une exégèse des consultations juridiques qui ont pu être rendues. J’ai pris connaissance de ses recommandations avec intérêt et les ai comparées avec les autres avis qui m’ont été rendus. »

Dans un cas, Christine Lagarde n’a pas eu connaissance des notes de l’APE, ou seulement a posteriori ; dans l’autre, elle a « pris connaissance de ses recommandations avec intérêt ». Soudainement, l’ex-ministre manifeste sa capacité de mentir, même si l’on ne sait pas si c’est aux députés qu’elle n’a pas dit la vérité ou aux magistrats de la CJR.

Cette capacité de mensonge, on en découvre d’ailleurs une autre illustration un peu plus tard, dans le cours de l’audition. Car les magistrats s’arrêtent ensuite à une lettre que Christine Lagarde a adressée, le 23 octobre 2007, au président de l’Établissement public de financement et de restructuration (EPFR – l’établissement public qui contrôle le CDR à 100 %). Cette lettre est d’une très grande importance, car jusque-là, le CDR espérait obtenir un accord écrit du Crédit lyonnais pour le dédommager à hauteur de 12 millions d’euros, du fait d’une clause liée au passé. Et cet engagement, le Crédit lyonnais refusait de le donner, et de ce fait cela bloquait le lancement de l’arbitrage. Dans cette lettre, Christine Lagarde donnait donc de nouvelles instructions, au terme desquelles l’obtention de cette garantie n’était plus un préalable au lancement de l’arbitrage. Cette lettre a ainsi constitué le feu vert définitif de la ministre à l’arbitrage.

Or, cette lettre, Christine Lagarde a refusé d’en assumer la responsabilité devant les magistrats, suggérant que Stéphane Richard avait usé à son insu de sa « griffe », autrement dénommée dans le langage gouvernemental « machine à signer » : « La lettre que vous venez de me rappeler me pose un réel problème », a-t-elle dit, avant de poursuivre : « Je ne pense pas que j'aurais signé un courrier de cette nature si j'avais été mise en mesure de le relire. J'ajoute que c'est un courrier qui n'est manifestement pas rédigé par l'APE et qu'il l'a été probablement en mon absence de Paris, dans la mesure où sa date correspond à la période de l'assemblée générale du FMI à laquelle je participais en tant que ministre. Je m'engage, à cet égard, à rechercher et à vous transmettre un document pouvant confirmer mes dires. Je constate, en outre, que cette lettre du 23 octobre 2007 comporte une signature résultant de l'utilisation de la “griffe”. Sur votre demande, je précise que la griffe ne pouvait être utilisée qu'avec les accords préalables du chef de cabinet ou son adjoint, d'une part, et du directeur de cabinet, d'autre part. »

Plusieurs journaux se sont faits l’écho de cette déclaration en faisant valoir que Christine Lagarde avait sans doute été bernée par Stéphane Richard et le patron de l’époque du CDR, Jean-François Rocchi. Cette interprétation est toutefois fragile parce qu’en vérité, il n’est pas difficile d’établir que les propos de l’ex-ministre des finances ne sont pas fiables.

Il n’est en effet pas difficile de vérifier – mais les magistrats de la CJR ne l’ont pas relevé – que ce mardi 23 octobre 2007, Christine Lagarde n’est pas à Washington pour l’assemblée générale du FMI, mais bel et bien à Paris. On peut d’ailleurs sans grand mal reconstituer son emploi du temps, puisqu’elle s’est livrée à des activités publiques dont la presse s’est faite l’écho. Le matin, elle a ainsi été parler du pouvoir d’achat au micro de France Inter : « Nous, les Français, faisons figure d'élèves modèles en matière d'inflation », a-t-elle ainsi déclaré, selon le site internet du Journal du dimanche. Puis, peu après, comme L’Express.fr l’avait relaté, elle a présidé la Conférence sur l’emploi et le pouvoir d’achat organisée à Bercy. Et comme en témoigne le communiqué de presse ci-contre, Christine Lagarde a même participé à 12 heures à une conférence de presse sur le même sujet au ministère des finances, en compagnie de deux autres ministres.

Sur la date, Christine Lagarde induit donc les magistrats en erreur. Mais sur le fond, sa réponse laisse également pantois, car ce même 23 septembre 2008, lors de son audition devant la commission des finances de l’Assemblée nationale (la revoici), Christine Lagarde évoque cette lettre d’instruction et en assume… la paternité ! « Je confirme bien volontiers avoir donné des instructions [aux dirigeants de l’EPFR] pour qu’ils soutiennent la décision du CDR d’aller en arbitrage. Je ne m’en suis jamais cachée et j’assume la responsabilité des instructions écrites que j’ai données à cette occasion, sous forme d’abord d’une annotation, puis d’une confirmation d’interprétation concernant le sort particulier réservé à une somme de 12 millions d’euros dans le cadre des relations avec le Crédit lyonnais. Ce document est à votre disposition. »

Encore une fois, Christine Lagarde a menti : soit devant les députés ; soit devant les magistrats de la CJR.

Et puis, quand on étudie de près les réponses de l’ex-ministre des finances, on comprend surtout qu’en réalité, elle n’a pas été dupe de machinations qui auraient pu être ourdies dans son dos ou qu’elle aurait pu être assez inconséquente pour ne pas lire les notes d’alerte de l’APE. Non ! Il transparaît très clairement qu’elle a appuyé l’arbitrage, jusque dans ses dispositions les plus scandaleuses, celles notamment qui avaient trait à l’indemnisation de Bernard Tapie au titre du préjudice moral.

Dans les instructions qu’elle donne, le 10 octobre 2007, aux hauts fonctionnaires qui siègent au sein de l’EPFR, Christine Lagarde écrit en effet notamment ceci : « Cet arbitrage serait conduit sur la base du droit, et dans le respect des décisions de justice revêtues de l'autorité de la chose jugée, sous l'égide d'un tribunal arbitral composé de trois personnalités incontestables, MM. Pierre Mazeaud, Jean-Denis Bredin et Pierre Estoup. ll porterait sur l'ensemble des contentieux opposant aujourd'hui les parties, dans la limite permise par la loi, contentieux dont les parties se désisteraient simultanément. Il s'accompagnerait par ailleurs d'une révision à la baisse des demandes de la partie adverse, qui seraient plafonnées à 295 millions d'euros (majorés des intérêts au taux légal depuis 1994) pour les liquidateurs des sociétés de l'ancien groupe Tapie et à 50 millions d'euros pour les liquidateurs des époux Tapie. »

En clair, Christine Lagarde accepte dans ses instructions des plafonds éventuels d’indemnisation exorbitants et même un plafond gigantesque pour le préjudice moral, même si elle n’emploie pas explicitement la formule. Mais là encore, elle en rejette la responsabilité sur d’autres qu’elle-même : « La manière dont ce chiffrage m'a été présenté n'a pas attiré mon attention alors qu'elle aurait certainement été attirée si ces mêmes 50 millions d'euros avaient été présentés comme correspondant à la réparation du préjudice moral. »

En clair, l’ex-ministre des finances fait mine de dire qu’elle n’était pas capable de comprendre par elle-même que ces plafonds outrepassaient radicalement les décisions de justice antérieures et qu’ils préparaient le terrain à une indemnité pour préjudice moral absolument sans précédent en France. Argument stupéfiant ! Christine Lagarde signe une lettre qui engage lourdement les finances publiques et elle prétend ensuite, devant les magistrats, qu’elle n’a pas compris sur le moment la portée de ce qu’elle a elle-même signé.

Au fil de l’audition, on en vient donc à se demander quel est le rôle qu’a vraiment joué dans toute cette affaire Christine Lagarde, qui s’applique désormais à convaincre, mais sans emporter la conviction, qu’elle a été bernée ou qu'elle était une ministre des finances potiche. D’autant qu’il y a un ultime secret qui a été mis au jour par une perquisition de la Brigade financière. Dans l’ordinateur de l’avocat de Bernard Tapie, Me Maurice Lantourne, la police a en effet saisi une note qui porte le titre « Lagarde » et qui est datée du 20 septembre 2008, soit trois jours avant l’audition de la ministre des finances devant la commission des finances de l’Assemblée nationale que nous avons évoquée à plusieurs reprises plus haut.

Lors de son audition, le 28 mai 2013, par la Brigade financière, l’avocat a été interrogé sur cette note. Niant que ce document ait été transmis à la ministre, Me Lantourne a juste avancé cet argument : « Ce document reprend l'argumentation que j'aurais développée devant la commission des finances si j'avais été madame Lagarde. » « À tel point que dans la note vous écrivez au féminin ? » a demandé le policier, non sans humour. Réponse de Me Lantourne : « Si j’avais voulu établir une note à l'attention de Madame Lagarde, je ne l'aurais pas rédigée ainsi. S'agissant d'un ministre de l'économie et des finances que je n'ai jamais rencontré personnellement et que je ne connaissais pas, j'aurais adopté un ton beaucoup plus neutre en développant les arguments. L'utilisation du féminin ne peut nullement signifier que je lui ai adressé cette note, bien au contraire. »

Auparavant, Christine Lagarde a donc elle-même été interrogée sur cette note par les magistrats de la CJR. Ceux-ci lui ont fait observer qu’il y avait de curieuses similitudes entre cette note et ses propres propos devant les députés : « On peut rapprocher les termes de cette note de ceux de votre déclaration sur les points suivants : la légalité du recours à l'arbitrage (trois premiers paragraphes de la note Lantourne et page 220 du rapport de la commission des finances) ; l'opportunité d'entrer en arbitrage (page 2 de la note Lantourne et page 231 du rapport) ; les délais, la complexité, le coût de la procédure. Ce document et son contenu pourraient conduire à penser que l'avocat de la partie adverse aurait participé à la préparation de votre argumentation devant l'Assemblée nationale. »

Réponse de Christine Lagarde : « J'ai été stupéfaite lorsque j'ai découvert l'existence de ce document dans le dossier. Je n'ai jamais eu recours personnellement à un avocat à l'exception de mon ami François Meunier pour préparer mes interventions. Je disposais à cette fin d'un cabinet et d'une administration qui étaient largement en mesure de répondre à mes demandes. Il me paraît totalement aberrant qu'un tel document ait pu être élaboré par l'avocat de Bernard Tapie. Vous me demandez si j'exclus que ce document ait pu être préparé à l'intention de l'un de mes collaborateurs. Je n'en ai aucune idée mais cela me paraît totalement inconcevable. »

Et tous ces mensonges ou ses approximations sont restées sans suite. La Cour de justice ne les a pas relevés. Et lors de sa seconde audition, à la fin janvier 2014, Christine Lagarde a pu rectifier certaines de ses déclarations initiales, sans que les magistrats ne s’offusquent que l’ex-ministre les aient induit en erreur la première fois. Face à l’évidence – et aux révélations de Mediapart –, Christine Lagarde a ainsi dû admettre qu’elle était bel et bien à Paris le 23 octobre 2007.

Ainsi va la Cour de justice de la République ! Juridiction d’exception, elle accorde un régime de faveur à ceux qui lui rendent des comptes – c’est scandaleusement sa raison d’être. Sauf que, dans le cas présent, cela saute aux yeux, car on a la confirmation chaque jour que le sort judiciaire de Stéphane Richard n’a rien de commun avec celui de Christine Lagarde. L’un risque d’avoir des comptes à rendre devant un tribunal correctionnel – sans parler de la Cour de discipline budgétaire et financière – , tandis que l’autre va vraisemblablement s'en tirer à bon compte.

L’affaire Tapie a donc un effet de miroir : on y lit les vices de cette juridiction d’exception ; mais on y lit tout autant la couardise de François Hollande. Car voilà belle lurette que le déferlement des affaires – le scandale Tapie et l’avalanche des autres scandales que l’on a connue depuis – aurait pu le convaincre de l’urgence d’une refondation de la justice. Avec à la clef une suppression de la Cour de justice de la République ou encore la rupture du cordon entre l’exécutif et le parquet, de sorte que celui-ci devienne enfin indépendant.

Or, les dignitaires socialistes n’ont rien fait de tout cela. Dans le climat glauque des affaires qui a submergé la France, ils avaient mille raisons de faire preuve enfin d’un peu de courage, et d’engager une refondation de notre démocratie, en même temps que de notre justice. Or, ce courage, ils ne l’ont pas même eu, avançant comme prétexte qu'il n'y a pas de majorité au Congrès pour voter une réforme constitutionnelle. C’est la vraie raison pour laquelle Christine Lagarde a sans doute de bonnes chances désormais de passer entre les mailles des filets de la justice…

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Municipales: les agents d’influence de la campagne marseillaise

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Sur les affiches du sénateur UMP Jean-Claude Gaudin, candidat à la mairie de Marseille pour un quatrième mandat, sont apparus depuis une semaine des bandeaux anonymes associant son nom à celui du puissant président PS du conseil général des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini. « L'équipe des basses œuvres qui entoure Mennucci est passée à l'action », a dénoncé dans un communiqué, le 18 mars, Yves Moraine. Le porte-parole de Jean-Claude Gaudin évoque « toute la panoplie de la campagne pourrie que tout socialiste marseillais qui se respecte a appris depuis tout petit ».

© LF

Le sénateur PS, mis en examen à trois reprises, voue une haine farouche au candidat PS, Patrick Mennucci, son ancien directeur de campagne en 2008, aujourd'hui en guerre ouverte contre le « système Guérini ». Lors de ses vœux, fin janvier 2014, Jean-Noël Guérini a publiquement soutenu sa « candidate de cœur » Lisette Narducci, candidate sur une liste PRG concurrente du PS dans les IIe et IIIe arrondissements de Marseille. Avant de lâcher : « 90 % des candidats du PS sont mes amis, je les soutiens, mais ne me demandez pas de soutenir des antiguérinistes. »

Au point de donner un coup de main au camps Gaudin ? C’est Renaud Muselier, l'ex premier adjoint (UMP) de Jean-Claude Gaudin, qui l’a lui-même affirmé le 11 mars. « Jean-Claude Gaudin se prend les alliés qu’il peut », a déclaré le candidat UMP aux européennes sur le plateau de La Provence. Il fait remonter ce « deal » entre les deux sénateurs à 2008, alors que le socialiste Eugène Caselli avait remporté à la surprise générale la présidence de la communauté urbaine de Marseille promise à Renaud Muselier. « Que Jean-Noël Guérini savonne la planche de ses anciens camarades socialistes, ce n'est pas un secret, mais qu'on nous donne des exemples concrets (où il nous aurait aidés  ndlr) », réagit de son côté le sénateur (UMP) Bruno Gilles, tête de liste dans le secteur stratégique des IVe et Ve arrondissements. « On fait campagne seuls, je n'ai pas vu de proches de M. Guérini nous aider », assure de son côté Yves Moraine.

Ce ne serait pourtant pas la première fois que Jean-Noël Guérini ferait cause commune avec Jean-Claude Gaudin contre son camp. Mi-décembre 2013, les deux sénateurs se sont opposés à l’élection de Michel Vauzelle, député socialiste et président du conseil régional, à la tête d’Euroméditerranée, l'établissement public qui gère l’opération de rénovation urbaine de l’arrière-port marseillais. Mécontents que les administrateurs d’État prennent part au vote, les trois administrateurs de la ville, dont Jean-Claude Gaudin, avaient quitté la salle, suivis dans la foulée par le président du conseil général des Bouches-du-Rhône. Non sans taxer au passage le préfet de la région Provence-Alpes-Côtes d'Azur et les huit autres représentants de l’État de « clientélisme », selon le procès-verbal de la séance. « C’est un mot à la mode (…) puisque je suis mis en examen pour clientélisme, a lancé l’élu PS. Donc vous faites du clientélisme sous l’autorité de vos ministres. »

Et de poursuivre : « On vous connaît, vous allez monter dans vos ministères et j’ai l’habitude de comment cela se passe, avec des petites notes à vos directeurs d’administration, de cabinet. » Avant de menacer de couper les subsides départementaux à Euroméditerranée. « Ne comptez pas sur le conseil général, (…) ne venez plus nous chercher sur des cotes, des tri-financements, débrouillez-vous vous-mêmes, ajouta le patron du département. Nous, nous ferons notre chemin avec Mme Narducci (une fidèle qui se présente aux municipales face au socialiste Eugène Caselli – ndlr) tous seuls, tranquilles, sans rien vous demander. On n’a pas besoin de vous.» Un chantage et un ton « insupportables », s’étrangle l’un des participants à ce conseil d’administration.

En 2009, Jean-Noël Guérini, qui venait de perdre les municipales, s’était déjà entendu avec Jean-Claude Gaudin pour stopper une « mission centre-ville Vieux-Port » confiée au binôme Yves Moraine (UMP) et Patrick Mennucci (PS). Ce dernier faisait, déjà, un peu trop d’ombre au patron d’alors de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône. « Jean-Noël Guérini signe la paix des braves avec le maire,nous avait décrypté un observateur, mais il met dans la balance la mission centre-ville Vieux-Port. En résumé, il dit au maire : “Je vois trop Mennucci dans la presse en ce moment avec cette histoire de mission, donc tu l'arrêtes.” » La mission lancée six mois plus tôt sera arrêtée et seul le projet de semi-piétonisation du Vieux-Port sera conservé.

Cette entente cordiale entre les deux sénateurs n’est pas désintéressée : le département pèse 2,5 milliards d’euros de budget. Dans un entretien à Libération, Rémy Bargès, ancien directeur de cabinet de Jean-Noël Guérini, rappelle l’épisode des 100 millions d’euros royalement attribués par le patron du département à la Ville de Marseille à l’automne 2012 « pour s’acheter la bienveillance de Jean-Claude Gaudin ». « En échange, l’opposition de droite au conseil général a cessé de réclamer le vote à bulletin secret sur le budget, qui aurait permis à la contestation interne de s’exprimer sans mesures de rétorsion, développe Rémy Bargès, joint par téléphone. Ce qui a permis à Jean-Noël Guérini de repasser ses budgets tranquillement et lui a donné une belle caution. » Pour l’ancien bras droit de Guérini, « il y a une vraie connivence, un pacte tacite. Jamais Gaudin n’a par exemple dénoncé le système Guérini ». Le maire de Marseille, traumatisé par la garde à vue, en 2003, de Claude Bertrand, son directeur de cabinet, (qui s’est soldée par un non-lieu), s’est toujours bien gardé d’évoquer publiquement les déboires judiciaires de Jean-Noël Guérini et de réclamer sa démission. Laissant son ex-dauphin, Renaud Muselier, porter la charge.

Certains voient également la patte du patron du département dans la constitution des listes PRG, présentes dans cinq sur huit des secteurs marseillais. C’est Jean-Noël Guérini qui, fin janvier 2014, avait avec gourmandise annoncé aux journalistes le nom de leur chef de file, Jacques Soubeyrand. Un professeur de gériatrie qui préside L'Entraide des Bouches-du-Rhône, une association d’aide aux seniors largement financée par le département. On retrouve également à la tête d’une des listes, Fernand Piétri, neveu de Charles-Emile Loo, le dernier baron du defferrisme et patron de la Socoma, une coopérative portuaire présidée par Jean-Noël Guérini. Socialiste en rupture, Fernand Pietri dirige par ailleurs avec une certaine Maguy Loo la station thermale des Camoins…, filiale de la Socoma.

Dans Le Monde, Jacques Balouzat, ancien adjoint au maire de Robert Vigouroux, qui devait se présenter sur une liste PRG, raconte comment on lui a fait rencontrer… Jean-Noël Guérini. Il s’est depuis retiré. « On devait travailler avec le MoDem, puis avec Pape Diouf, mais c’était de l’enfumage, une galère de combinaisons, nous explique-t-il. C’est Jean-Noël Guérini qui est à l’origine des listes PRG, c’est certain. Il n’a qu’une idée en tête, c’est être réélu sénateur. » Jean-Noël Guérini espère-t-il un renvoi d’ascenseur de Jean-Claude Gaudin en septembre 2014 ? Car cette fois, Jean-Noël Guérini, qui a annoncé en janvier sa candidature sur « une liste autonome », devra se passer de l’appui du PS. Patron du PRG dans les Bouches-du-Rhône, Michel Dary dément depuis le début tout lien avec Jean-Noël Guérini. « J'ai appris dans la presse que Jacques Balouzat l'avait rencontré, il en a pris l'intiative seul », affirme-t-il.

Le Monde a également détaillé la proximité de certaines des têtes de liste « citoyennes » qui ont fleuri à Marseille avec Alexandre Guérini, frère du sénateur PS, lui aussi mis en examen. Notamment des listes Marseille Unie, présentes dans trois secteurs importants pour la gauche. Dans les XVe et XVIe arrondissements, le boxeur Cyril Abidi, dont la page web fait encore référence à l’éphèmère site d’actu lancé par Alexandre Guérini, ne cache pas son amitié pour l’entrepreneur, mis en examen à de multiples reprises. « Si j'ai un problème en politique, je ne me gênerai pas pour lui demander conseil », a-t-il déclaré au quotidien. Dans les XIIIe et XIVe arrondissements, Myriam Manni, 40 ans, reconnaît, elle, avoir rencontré Alexandre Guérini « fin 2013, dans un restaurant ». Mais, nous assure-t-elle, ce dernier cherchait surtout à la dissuader de poursuivre cette « aventure chaotique, par amitié pour Garo Hovsepian et Samia Ghali (les têtes de liste PS des quartiers Nord – ndlr) ».

Marc Fratani, 67 ans, ancien attaché parlementaire de Bernard Tapie, a lui aussi déclaré dans Le Point une guerre ouverte à Patrick Mennucci. Quitte, pour cet ancien de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), à faire ouvertement campagne pour Gaudin. Alors que Bernard Tapie, patron de La Provence, a lancé le 11 mars un talk show politique, son ancien bras droit s’active dans les coulisses pour réactiver ses vieux réseaux, « associatifs et sportifs », tient-il à préciser. « Aujourd’hui, le problème pour Gaudin est de convaincre les réseaux de gauche de voter à droite, explique-t-il. Alors, je travaille au niveau de l’information : je recueille des informations et je rencontre quelques journalistes. » Le retraité est de toutes les campagnes électorales marseillaises depuis 1983. Mais à l’époque, il soutenait Gaston Defferre contre Jean-Claude Gaudin.

Marc Fratani est là pour régler des comptes. « Une position personnelle », qui n’a rien à voir avec Bernard Tapie, assure-t-il. Il n’a pas digéré « l’action de Mennucci pour faire échouer la reprise de La Provence par Bernard Tapie », et juge la ligne du quotidien régional « trop mennucciste ». Mi-janvier 2013, le député PS des Bouches-du-Rhône avait obtenu la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les conditions du rachat des titres du Groupe Hersant Media (comprenant notamment les quotidiens La Provence, Var-Matin, Nice-Matin, Corse-Matin et les journaux du pôle France Antilles) par Bernard Tapie et Philippe Hersant. Ressortent aussi de vieilles rancœurs contre le candidat PS qui, en 1986, se serait rangé du côté de Michel Pezet lorsque ce dernier est entré en conflit avec Gaston Defferre pour le contrôle de la fédération PS des Bouches-du-Rhône. Le censeur n’est pas loin : « M. Defferre avait interdit que la photo de Pezet apparaisse dans ses journaux. Tapie, lui, laisse libre cours à La Provence de parler de Mennucci, c’est une autre époque », soupire, comme à regret, ce Corse de Marseille.

Interrogé sur BFMTV sur ce curieux agent de campagne, Patrick Mennucci a bondi : « Gaudin a un directeur de communication qui est Marc Fratani, (…) qui vient de prendre position pour lui, donnant sans doute une indication au milieu du banditisme de ce qu’il faut faire à Marseille… »

Marc Fratani a aussitôt saisi par citation directe le tribunal de grande instance pour diffamation. C’est Me Catherine Martini, une avocate proche de Jean-Claude Gaudin, qui le défend. « C’était mon avocate avant d’être celle de Gaudin », précise Marc Fratani. La justice tranchera. Mais l’ancien bras droit de Tapie n’a jamais caché son amitié avec Jean-Luc Barresi, agent de joueur, condamné le 7 mars 2014 à un an de prison ferme dans une affaire d'extorsion de fonds sur le port autonome de Marseille. Ni avec Richard Casanova, parrain de la Brise de mer, assassiné en 2008 à Porto-Vecchio.

« En ce qui concerne le milieu, je fais de la politique à Marseille depuis 1967 et je connais autant de mafieux que Mennucci », rétorque Marc Fratani. Avant de lâcher : « La différence, c’est que moi je n’ai jamais utilisé les gens du milieu. » Un coup à blanc, sans nom, sans date, sans lieu, juste histoire de lancer la rumeur. C’est la méthode Fratani, qui alimente en sous-main les thèses rapprochant Patrick Mennucci du Front national, sa marotte préférée. « Vous verrez, il va bientôt y avoir du lourd sur le sujet », nous déclarait-il lundi 18 mars, deux jours avant la sortie d’un article du Point alimentant l'hypothèse d’une « connivence » entre Patrick Mennucci et Stéphane Ravier, le patron marseillais du FN.

BOITE NOIREJ'ai rencontré Marc Fratani le 6 mars 2014. Les autres personnes citées ont été jointes par téléphone plus tard.

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« La démobilisation électorale gagne du terrain »

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Spécialiste des politiques locales et des mondes ruraux, Sébastien Vignon, maître de conférences à l'université de Picardie, analyse les ressorts de cette abstention, annoncée comme massive, qui pétrifie depuis plusieurs semaines les responsables politiques, à commencer par les élus socialistes. À raison, car l'ampleur de l'abstention et de la démobilisation électorale, sous-estimée par les sondeurs, est très difficile à anticiper. Localement, une abstention élevée pourrait réserver quelques surprises dès dimanche 23 mars, premier tour des élections municipales. Elle serait aussi annonciatrice d'une très grande démobilisation aux européennes. Explications.

Mediapart. Avec 66,5 % de participation au premier tour, les municipales de 2008 avaient été les moins mobilisatrices de la Ve République. Six ans plus tard, tout le monde s’attend à une abstention très importante dimanche…
Sébastien Vignon. On assimile souvent les municipales à des élections de proximité. Mais on oublie qu’elles ne sont plus épargnées par l’abstention. Certes, elles restent après la présidentielle le scrutin le plus mobilisateur. Mais en réalité, le taux de participation moyen, celui que l’on retiendra dimanche soir à la fermeture des bureaux de vote, dissimule des écarts très importants lorsqu’on regarde les résultats par taille de communes. Le nombre de votants dans les communes de 3 500 habitants n’était que de 62 % en 2008. Et le taux d’abstention ne cesse de progresser dans les très grandes villes.

Le taux de participation national est dopé par le nombre de petites ou très petites communes (33 000 communes sur 36 000 ont moins de 3 500 habitants – ndlr). Les électeurs continuent d’y voter plus qu’ailleurs, notamment parce que ces élections n'y sont pas, dans une écrasante majorité de communes, politisées. On atteint traditionnellement des scores de participation très élevés dans les territoires ruraux : on connaît mieux ses élus, qui sont parfois des voisins, des proches, les scrutateurs du vote connaissent les habitants, il y a un contrôle social incitant au vote, etc. : s’abstenir est beaucoup plus visible que dans les grandes villes et peut faire l’objet d’une stigmatisation sociale.

Par ailleurs, les enjeux en présence sont plus saillants pour les électeurs les moins politisés dans la mesure où ils sont connectés à leurs préoccupations immédiates : ils renvoient à la création d’une crèche, la voirie, l’éclairage public, la réfection d’une école, etc., et parfois à des enjeux très personnalisés (rivalités familiales, professionnelles, de voisinage, etc.). Bref, les électeurs des zones rurales ont une meilleure connaissance de l’offre électorale que ceux des grandes villes. Cela dit, en reconstituant le taux d’abstention dans 270 communes de moins de 2 000 habitants de la Somme, on s'aperçoit que le taux moyen de participation ne cesse de baisser au fil du temps, quelle que soit d’ailleurs la catégorie de communes retenue, périurbaine ou rurale. Les liens sociaux ont tendance à se “dépersonnaliser”, sous l’effet notamment de la périurbanisation, de l’arrivée dans les campagnes de nouveaux résidents issus des centres urbains, de la mobilité résidentielle plus grande.

Cette fois, le taux d’abstention risque aussi de progresser à cause du contexte national. Sur le terrain, de nombreux élus de gauche, socialistes surtout, s’inquiètent d’une démobilisation de leur électorat…
Il y a deux types d’abstention. Une abstention “sociologique”, liée à un déficit d’intégration sociale. Comme le démontrent régulièrement les enquêtes de l’Insee, bien plus fiables que les enquêtes d’opinion car elles confrontent les listes électorales avec les caractéristiques sociales et démographiques des électeurs (emploi ou non, stabilité de l’emploi, niveau de diplôme, vivent-ils seuls ou pas, etc.), il y a des facteurs sociaux qui expliquent la mise à l’écart de certains citoyens par rapport au jeu électoral. Les catégories populaires sont beaucoup plus abstentionnistes et moins souvent inscrites sur les listes électorales que les cadres, les professions intellectuelles supérieures ou les chefs d’entreprise.

Il y a par ailleurs une abstention “politique”, liée au contexte de l’élection, à l’offre électorale, aux enjeux discutés. Si on peut anticiper l’abstention “sociologique”, il n’y a pas d’indicateur capable de prévoir comment vont peser sur les électeurs les affaires politiques dont on a eu encore un écho depuis quelques semaines, le scepticisme ou la déception des électeurs qui ont voté Hollande en 2012. Alors même que cette abstention politique peut avoir une influence réelle sur le scrutin, il est très difficile de la quantifier à l’avance : il faudrait faire des enquêtes avec une batterie de questions, sur un large échantillon. Bien malin qui peut prévoir l'ampleur de l'abstention ! Les sondages pré-électoraux ont tendance à la sous-estimer. Ils reposent sur des réponses déclaratives et non sur des pratiques effectives. Une part importante des abstentionnistes préfèrent ne pas répondre aux instituts de sondage ou, s’ils acceptent de le faire, ont tendance à dissimuler leur comportement dans la mesure où dans certains groupes sociaux, l’abstention fait l’objet d’une stigmatisation.

On peut toutefois émettre quelques hypothèses. D’abord, l’abstention risque d'être supérieure à celle de 2008. Ensuite, l’UMP, qui a un électorat plus âgé, risque d’être moins affectée car les enquêtes de sociologie politique montrent bien que les seniors votent davantage. Enfin, l’abstention “politique” risque de concerner les listes de la majorité présidentielle. On sait qu’il existe à chaque scrutin une abstention dite « différentielle », qui pénalise un camp partisan plutôt qu’un autre. Cette fois, il est probable qu’elle sera plus préjudiciable au parti au pouvoir qu’à l’UMP, même si le FN prend surtout des voix à droite et que le PS et ses alliés peuvent espérer garder, voire conquérir quelques nouvelles villes si droite et FN se neutralisent. Ces municipales sont le premier scrutin depuis l’élection de François Hollande et les législatives. Si certains trouvent que la politique du gouvernement n’est pas suffisamment orientée à gauche, ils peuvent décider de sanctionner le gouvernement, et cela peut passer par de l’abstention.

Mais on ne sait pas dans quelle proportion…
Non, car beaucoup de gens se décident au dernier moment. Des électeurs peuvent dire dans les enquêtes d’opinion qu’ils comptent voter et ne pas y aller finalement. Ils peuvent aussi avoir décidé de ne pas voter et y aller finalement : il y a souvent un « rappel à l’ordre » civique de la part des proches, comme l’ont montré Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen, ne serait-ce que parce qu'on va souvent voter en famille. Par ailleurs, ces municipales sont marquées par une offre électorale non homogène, avec des alliances à géométrie variable. Dans certaines villes, par exemple, une frange du Front de gauche s’allie avec le PS, dans d’autres villes ce n’est pas le cas : un électeur qui estime que le Front de gauche ne doit pas s’allier avec le PS peut décider dans une ville de ne pas voter, alors qu’il voterait peut-être s’il habitait ailleurs. Enfin, il y a le contexte local. Même dans les grandes villes, certains électeurs peuvent opérer un vote aux municipales qui peut être différent de celui qu’ils ont exprimé en 2012 car il privilégiera des enjeux locaux.

Il y a donc énormément d’incertitudes.
Oui, c’est un peu l’inconnu. Il y a d’ailleurs une autre zone d’incertitudes : les résultats du Front national (qui présente près de 600 listes, revenant ainsi à son niveau de 1995  ndlr). A priori, on peut penser que l’abstention “sociologique” devrait pénaliser davantage le FN, car son électorat est supposé moins diplômé, plutôt d’origine populaire. En réalité, c’est plus compliqué. D’abord parce que contrairement à ce qu’on entend souvent, le Front national n’est pas le parti des ouvriers (lire aussi notre article). Le premier parti des ouvriers, c’est l’abstention !

Ensuite, parce que l’on s’aperçoit que le Front national élargit sa base électorale, numériquement et socialement. Agriculteurs, classes moyennes, professions intermédiaires, cadres, professions libérales, chefs d’entreprises, etc. : il arrive désormais à mobiliser des populations qui participent beaucoup, et s'en sort donc, que l’abstention soit faible ou élevée. Il fait des scores importants aux cantonales de 2011, alors que l’abstention était élevée, et que ces élections étaient censées donner une prime aux candidats les mieux implantés localement. À l’inverse, Marine Le Pen a atteint 17,90 % des voix à la présidentielle de 2012 alors que la participation était forte.

Aux élections nationales, le parti de Marine Le Pen fait des scores importants dans les petites communes. Mais, sauf exception, il n’y a pas de listes FN constituées dans les petits villages ruraux, là où ce parti est fort lors de l’élection présidentielle. Paradoxalement, c'est là où son succès électoral est moindre que le FN a pu constituer des listes aux municipales. Ce qui ne veut pas dire que ce parti ne réalisera pas, à Hénin-Beaumont ou dans certaines villes du sud, des scores très élevés qui lui permettront de faire son entrée dans les assemblées municipales, voire de remporter des mairies.

Si l'abstention est forte aux municipales, ne peut-on pas déjà être certain qu'elle explosera aux européennes du mois de mai ?
S'il y a une forte abstention aux municipales, elle sera encore amplifiée aux européennes. Entre ces deux élections, il y a toujours de gros écarts de participation. Dans le cas d'une élection municipale, même les électeurs les plus éloignés de la politique peuvent estimer qu'ils ont leur mot à dire car les enjeux sont locaux et les conséquences du vote concrètes. Les enjeux des élections européennes paraissent à l’inverse très éloignés. Les électeurs ne s’y retrouvent pas et vont donc moins voter. Il y a un mode de scrutin complexe, peu de citoyens sont en mesure d'identifier les institutions européennes, leur rôle, et qui les représente. Les enquêtes indiquent que les inégalités sociales en matière de participation se creusent lors des élections européennes. Les catégories populaires, et notamment celles qui sont les plus exposées à l'insécurité économique et sociale (chômeurs, intérimaires, salariés en CDD), se mobilisent encore moins. Si l’abstention peut avoir chez certains citoyens très politisés et très diplômés une dimension politique, la démobilisation électorale, dans la très grande majorité des cas, s’explique encore actuellement par un faible intérêt pour la politique, une précarisation professionnelle croissante et un faible niveau de diplôme. Le taux de participation aux européennes de 2009 était de 40,63 %. Il sera sans doute encore moins élevé en mai.

Lire aussi sous l'onglet Prolonger

BOITE NOIREL'entretien, mené lundi 17 mars par téléphone, a été relu et légèrement amendé.

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

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Record d'abstention aux municipales, percée du FN, effondrement du PS

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C’est le premier enseignement du scrutin : les élections municipales, d’ordinaire les plus mobilisatrices avec l’élection présidentielle, affichent cette année une abstention record. Qu’on en juge : selon le ministère de l’intérieur, à 17 heures, la participation était cette année de 54,72 %, contre 56,25 % en 2008. Si cette tendance est confirmée par le ministère après la fermeture des derniers bureaux de vote à 20 heures, ce sera le plus mauvais résultat de toute la Ve République pour des élections municipales.

En 2008, le taux de participation au premier tour était de 66,5 %, soit une abstention de 33,5 %. L'abstention était de 32,6 % au premier tour en 2001, et de 30,6 % en 1995. Elle était de 21,6 % aux municipales de 1983. Les résultats de ce premier tour diront au long de la soirée si cette abstention a davantage profité à l'UMP qu'au PS au pouvoir, comme les états-majors des partis le prévoyaient ces dernières semaines. Une chose est sûre, le FN, bien que ne présentant des listes que dans près de 600 villes, semble tirer profit de cette abstention, en se plaçant en tête à Hénin-Beaumont, Béziers, Avignon ou Perpignan.

Marseille. Dans la cité phocéenne, où le PS serait en troisième position derrière le FN et où Patrick Mennucci serait seulement deuxième dans son secteur du centre-ville, les militants PS se font rares au QG du candidat socialiste. « C'est la cata», lance en arrivant un groupe de militants. Patrick Mennucci, qui devait intervenir à 21 heures, se fait attendre. « Il va falloir analyser très finement les différences avec les sondages des derniers jours », dit Jean-Paul Giraud, membre de l'équipe de campagne du candidat PS et ex directeur de cabinet du président de la communauté urbaine.

Clermont-Ferrand. Le candidat du parti socialiste Olivier Bianchi réunit 30,72 %, en retrait de 17 % par rapport à 2008. Il devance le candidat de l’UMP (24,24 %), le candidat FN Antoine Rechagneux (13 %) et le candidat divers gauche Alain Laffont (12 %).

Laval. En 2008, le socialiste Guillaume Garot avait arraché Laval à la droite, qui contrôlait la ville depuis 13 ans. Cette année, elle pourrait bien rebasculer. François Zocchetto, candidat d'union de la droite et du centre, pourrait en effet l'emporter d'une courte tête face au maire PS sortant Jean-Christophe Boyer. François Zocchetto réunit plus de 46% des suffrages. Le PS est à 34%. Le FN peut se maintenir (10,12%). Le candidat socialiste peut compter sur les reports du Front de gauche (7,27%) et d’un candidat d’estrême-gauche (1,69%). Insuffisant?

Parti socialiste. Harlem Désir a adressé un message qu'il veut « sans ambiguïté » : « Nous ferons tout pour qu’à l’issue de ces élections municipales, aucune ville ne soit dirigée par le Front national. » Peu avant sa déclaration, Hénin-Beaumont a d'ores et déjà basculé dans le giron de Marine Le Pen. À Marseille, Patrick Mennucci devrait terminer le premier tour en troisième position, peu derrière le FN et très loin derrière Jean-Claude Gaudin. Une situation similaire à Nîmes, où droite et FN distancent PS et Front de gauche. Malgré quelques résultats positifs à Tarbes, Guéret, Limoges, Bourges ou Vesoul (entre 15 et 18 %), le Front de gauche reste le plus souvent cantonné entre 5 et 10 %, et ne profite guère du désaveu socialiste.

Quimper. L’ami du président est menacé. Le PS le redoutait, les électeurs l’ont confirmé : le maire sortant, Bernard Poignant, conseiller de François Hollande à l’Élysée, arrive en deuxième position derrière l’UMP Ludovic Jolivet, soutenu par l’UDI (29,32 % pour l’UMP, contre 27,91 % pour le PS). Le MoDem, qui réalise souvent des scores importants dans la préfecture du Finistère, est qualifié pour le second tour avec 14,93 % des suffrages pour Isabelle Le Bal. Le FN, qui n’avait pas présenté de liste depuis 2001, réalise plus de 8 % des voix. À gauche, les écologistes se sont effondrés avec 7,6 %, contre près de 17 % lors des dernières municipales de 2008, au profit d’une liste de la « Gauche bretonne », avec des régionalistes et des EELV en rupture de ban (6,06 %). La gauche radicale dépasse la barre des 5 % (5,77 %). Le taux de participation s'élève à 59,64 %, soit cinq points de moins qu'en 2008, rappelle Ouest-France.

Avant le premier tour, Poignant s’inquiétait de la démobilisation et du risque d’abstention à gauche (lire notre reportage).

Matignon. Le premier ministre Jean-Marc Ayrault appelle à distinguer entre la volonté de sanctionner le gouvernement et l'enjeu local. Le premier tour « s’est déroulé dans un contexte économique et social difficile pour les Français. La France est engagée dans une politique de redressement indispensable mais exigeante. Certains électeurs, soit par l’abstention, soit par leur vote, ont exprimé leurs inquiétudes voire leurs doutes. La campagne va se poursuivre pour le second tour. La priorité est de se rassembler. L’heure est au rassemblement le plus large et le plus vite possible ». Il a également rappelé la consigne nationale du PS de jouer le front républicain en cas de triangulaires. « Là où le FN est en mesure de l’emporter, l’ensemble des forces démocratiques ont la responsabilité de créer les conditions pour l’en empêcher », a dit l'ancien maire de Nantes. De son côté, Jean-François Copé et François Fillon, pour l'UMP, ont refusé de donner une consigne de vote ou de désistement. 

Lille. La maire sortante, Martine Aubry, (PS) réunit 35 % des voix au premier tour, un chiffre en baisse de 10 % par rapport à 2008. L'ancienne secrétaire du parti socialiste devance le candidat de la droite Jean-René Lecerf (23 %). En troisième position, le candidat du FN Eric Dillies réunit 17 % des suffrages, provoquant une triangulaire pour le second tour.

Nantes. La socialiste Johanna Rolland arrive en tête avec 36,49 % des suffrages exprimés, devant son adversaire UMP Laurence Garnier (21,60 %) et la candidate écologiste Pascale Chiron (12,83 %). Un deuxième tour aura lieu à Nantes dimanche prochain, une chose inédite depuis 1989 et la première élection de Jean-Marc Ayrault.

Fréjus. Le candidat d’extrême droite David Rachline (FN) arrive en tête au premier tour avec 40 % des suffrages. Il devance le candidat UMP-UDI Philippe Mougin, qui réunit 18 %, selon les premières estimations. Derrière le duo de tête, Elie Brun (divers droite) réunit 17,8 % et le candidat PS, Elie Di Meo, 16,4 %. Une quadrangulaire pourrait avoir lieu au second tour.

Cavaillon. Le maire sortant Jean-Claude Bouchet (UMP) est en ballotage favorable avec 41,58 % des voix. Le candidat du FN arrive deuxième avec 35,67 %. Le candidat EELV, qui représente la gauche, atteint seulement 17,56 % des suffrages.

Hénin-Beaumont. Le candidat Front national Steeve Briois est élu au premier tour avec 50,15 % des voix.

Perpignan. Louis Aliot (FN) est en tête à Perpignan avec 33,8 %, un score en hausse de 20 % par rapport à 2008, selon les premières estimations. Le candidat divers droite Jean-Marc Pujol réunit 30 % des voix. En troisième position, le candidat PS-PCF Jacques Cresta provoque une triangulaire avec 12 %. La liste divers droite obtiendrait 9,9 % et ne pourrait donc pas se maintenir, pas plus que la liste EELV (6,1 %).

Exécutif. Sur les plateaux télé, les ministres du gouvernement reprennent les mêmes éléments de langage. En résumé : les électeurs ont envoyé un message à l'exécutif, mais les municipales relèvent d'un enjeu local et les sympathisants de gauche doivent se mobiliser pour le deuxième tour. « Il y a des inquiétudes, des attentes, peut être du mécontentement. Le gouvernement a engagé une politique de redressement difficile, mais les résultats vont mettre encore du temps. Mais nous sommes en train de parler d’une élection municipale – donc ce qui se joue c’est la mobilisation des électeurs la semaine prochaine. Des villes gérées par la droite et des villes gérées par la gauche, ce n’est pas la même chose. Il s’agit de se mobiliser la semaine prochaine », a ainsi expliqué Marisol Touraine sur TF1. Un peu plus tôt, sur France 2, Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, avait dit la même chose « L'électorat de gauche a envoyé un message. Il est parfaitement compris. Mais la première chose, le soir du premier tour, c’est d’appeler à la mobilisation du 2e tour. » « Le 2e tour doit être l’occasion d’une mobilisation pour porter des idées et une action au niveau local », a-t-il insisté. 

Pau. Le leader du MoDem François Bayrou, soutenu par l’UMP, est en ballotage favorable avec 41 % des suffrages, selon les premières estimations. « Être à ce point soutenu par les électeurs, (…) c’est pour moi une émotion très grande », a déclaré l’ancien candidat à la présidence de la République. En deuxième position, le député PS David Habib obtient 26 % des voix, un score inférieur de 13 % aux résultats de 2008. Le FN est troisième avec 7 % des suffrages.

Notre reportage à Pau : À Pau, Bayrou mise sur sa notoriété et fustige le «socialisme municipal»

Front de gauche. Un communiqué du Parti de gauche affirme que « les premiers résultats et estimations qui nous parviennent montrent les très belles performances des listes FdG autonomes »« Les scores à deux chiffres dans de nombreuses villes traduisent un enracinement et une nette progression, faisant ainsi du FdG l'alternative dynamique à un PS en déconfiture », ajoute le texte, qui donne quelques résultats :  Grabels (Herault) : 49,97 %; Épernay (Marne) : 12,3 %; Limoux (Aude) : 11,37 %; Lanester (Morbihan) : 16 %…

Mulhouse. Le maire sortant UMP Jean Rottner réunit 44 % des voix, suivi par le candidat PS Pierre Freyburger (33 %) et la candidate FN Martine Binder (22 %). Le score du parti d’extrême droite augmente de 12 % par rapport à 2008. Une triangulaire en perspective pour le deuxième tour.

Marseille. Dans la salle de presse à la permanence de Patrick Mennucci, candidat PS, les journalistes ont les yeux rivés sur TF1 où tombent les résultats du FN : 50 % à Hénin-Beaumont, en tête à Avignon, à Fréjus, etc. Pas de chiffres à Marseille avant 20h45. « Mais on sait à peu près quels vont être les résultats quand on voit ce qui se passe ailleurs », grimace une attachée de presse de l'équipe Mennucci. « C'est la cata’ », lance un groupe de militants. Selon les premières estimations à l'échelle de la ville, le FN devance le PS. À 22 heures, Patrick Mennucci s'est enfin décidé à s'adresser aux journalistes : « C'est un jour sombre pour la France. » « Je suis convaincu que le changement auquel aspire les Marseillais ne passera pas par le FN, ni par l'immobilisme de la mairie sortante », a déclaré le candidat PS lors d'une rapide allocution, devant les mines abattues des rares militants présents. Dans les arrondissements du 4e et 5e secteur, la ministre Marie-Arlette Carlotti arriverait en troisième position, derrière le sénateur UMP Bruno Gilles et le FN. « Il va falloir analyser très finement les différences avec les sondages des derniers jours », dit une source au sein de l'équipe de campagne du candidat PS. « C'est la claque, mais pas qu'ici », dit Jacques Boulesteix, astrophysicien et candidat dans les quartiers Nord.

Nîmes. Selon les premières estimations, le maire sortant Jean-Paul Fournier (UMP) totalise 35,84 % des suffrages, devant le candidat FN Yoann Gilet qui réunit 20,41 % des voix, triplant son score par rapport à 2008. Suivent la candidate PS Françoise Dumas avec 15,68 % et le candidat du Front de gauche avec 12,30 %. Le candidat divers gauche réunit 10,39 %.

Orange. Le maire sortant d’extrême droite Jacques Bompard est réélu avec 59 % des suffrages.

National. Les premières données et résultats laissent entrevoir un profond recul des listes socialistes, une abstention à peu près aussi forte qu'en 2008 et une nette progression du FN. Certaines villes paraissent déjà perdues pour les maires socialistes sortants, comme Saint-Étienne, Amiens, Pau ou Nancy. À Niort, ville socialiste depuis 60 ans, la ville a basculé à droite dès le premier tour. À Nîmes, Perpignan, Béziers, Saint-Gilles ou Fréjus, le FN paraît proche de l'emporter. À Hénin-Beaumont, Steeve Briois l'emporte au premier tour… De nombreuses triangulaires avec le FN, estimées autour de 200, vont avoir lieu dimanche prochain.

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Municipales : le fil de la soirée

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C’est le premier enseignement du scrutin : les élections municipales, d’ordinaire les plus mobilisatrices avec l’élection présidentielle, affichent cette année une abstention record. Qu’on en juge : selon le ministère de l’intérieur, la participation finale ce dimanche était de 64,13 %, contre 66,54 % en 2008 et 67,38 % en 2001. C'est le plus mauvais résultat de toute la Ve République pour des élections municipales.

Les résultats de ce premier tour semblent indiquer que cette abstention a davantage profité à l'UMP qu'au PS au pouvoir, comme les états-majors des partis le prévoyaient ces dernières semaines. Une chose est sûre, le FN, bien que ne présentant des listes que dans près de 600 villes, semble tirer profit de cette abstention, en se plaçant en tête à Hénin-Beaumont, Béziers, Avignon ou Perpignan. 

Grenoble. Coup de tonnerre à gauche. Avec 29,4%, l'écologiste Éric Piolle, soutenu par le PG et des collectifs citoyens, devance de quatre points le socialiste Jérôme Safar (25,3%), successeur désigné du maire sortant Michel Destot. Le candidat UMP arrive derrière avec 20% des voix. « Tout ce que nous avions dit autour de la nécessité de réinventer la gauche est en train de s’incarner dans ce résultat, explique à Mediapart la n°2 de la liste EELV/PG, Élisa Martin. Notre score est important pour la gauche, et je dirais même pour la France. Le PS ici est bien en-deçà de ce qu’il espérait ». Pour la suite, l'incertitude reste encore de mise, quant à une fusion éventuelle des listes. « On a toujours été clair : on proposera au PS de construire une coalition pour gouverner Grenoble, sur la base des résultats du premier tour. Maintenant, c’est à Jérôme Safar de décider ».

Lire notre reportage : A Grenoble, écologistes et PG veulent «réinventer la gauche»

Toulouse. Autre séisme à gauche : avec 37,7%, le candidat UMP-UDI-MoDem, Jean-Luc Moudenc, devance assez largement le maire PS sortant Pierre Cohen (31,6%). Le candidat FN, Serge Laroze, arrive en troisième position avec 8,3%. En ballottage défavorable, Pierre Cohen devrait bénéficier des reports de voix des candidats EELV, Antoine Maurice (7,5%), et PG, Jean-Christophe Sellin, qui a obtenu 5,6%.

Quelques personnalités élues au premier tour. À l'UMP, Jean-François Copé, président du parti, obtient 64,3 % des voix à Meaux (Seine-et-Marne). Laurent Wauquiez recueille 67 % des suffrages au Puy-en-Velay; contre 56% il y a six ans. Alain Juppé est largement réélu à Bordeaux, avec 59,35 % des voix, loin devant le socialiste Vincent Feltesse (23,73 %). Bernard Accoyer réalise 60,98 % à Annecy-le-Vieux (Haute-Savoie). François Baroin est réélu à Troyes (Aube) avec 62,57 % des voix. Christian Jacob, patron des députés UMP, est également réélu avec 73,36 % des voix à Provins (Seine-et-Marne). Guillaume Peltier, porte-parole du courant La Droite forte, recueille 62 % des voix à Neung-sur-Beuvron (Loir-et-Cher). Hubert Falco est réélu à Toulon (Var), avec 58 % des suffrages. Même chose à Saint-Quentin (Oise), où Xavier Bertrand est réélu avec 52,73 % des voix. Philippe Marini, président de la commission des finances du Sénat, est réélu à Compiègne (Oise) avec 64,76 % des suffrages exprimés. Éric Woerth, l'ancien ministre du budget, a réalisé un score de 75,3 % à Chantilly (Oise). Franck Riester est réélu à Coulommiers (Seine-et-Marne) avec 67 % des voix.

À l'UDI, à Épaignes (Eure), Hervé Morin (UDI) est réélu dès le premier tour avec 71,79 % des voix. Yves Jégo obtient 77 % des voix à Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne). André Santini est réélu à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) avec 67 % des voix, un score de dix points supérieur à 2008.

Toujours à droite, Éric Besson, ancien ministre de Nicolas Sarkozy, a été confortablement réélu à Donzère (Drôme) sous l'étiquette divers droite, avec 61,49 % des voix. Nicolas Dupont-Aignant, président de Debout la République, est réélu à Yerres (Essonne).

À gauche, le ministre du travail, Michel Sapin, numéro trois sur la liste socialiste à Argenton-sur-Creuse (Indre), dont il avait abandonné la mairie en entrant au gouvernement, a été élu. Le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, a été élu au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) sur la liste de Gérard Cosme, dont il était numéro trois. À Tulle, dans l'ancien fief de François Hollande, le candidat du PS Bernard Combes n'a également eu aucune difficulté à emporter la mairie dès le premier tour (65 %). À Bègles, le député (ex-EELV) Noël Mamère a été réélu avec 51,75 % des voix.

Marseille. Dans la cité phocéenne, où le PS est en troisième position avec 20%, derrière le FN (23%%) et l'UMP Jean-Claude Gaudin (38%), et où Patrick Mennucci est seulement deuxième dans son secteur du centre-ville, les militants PS se font rares au QG du candidat socialiste. « C'est la cata», a lancé en arrivant un groupe de militants. « Il va falloir analyser très finement les différences avec les sondages des derniers jours », a expliqué Jean-Paul Giraud, membre de l'équipe de campagne du candidat PS et ex-directeur de cabinet du président de la communauté urbaine.

Lyon. Le maire PS de Lyon Gérard Collomb est en ballottage favorable avec 46%. Dans son arrondissement, le 9e, Gérard Collomb ne totalise que 46% des suffrages, loin devant la liste de son challenger UMP Michel Havard (22%) et celle du FN (13,78%).

Corbeil-Essonnes. Le maire UMP sortant Jean-Pierre Bechter, mis en examen dans l’affaire des achats présumés de voix dans la ville de l’Essonne (lire nos enquêtes sur le scandale Dassaut), arrive en tête avec 45% des voix. En deuxième position, le candidat communiste Bruno Piriou réunit 23% des voix, juste devant le candidat socialiste Carlos Da Silva (22%).

Limoges. Le maire sortant PS Alain Rodet, soutenu par EELV, devra affronter un second tour pour la première fois depuis 1995, à l'issue du premier tour où il s'effondre à 30,11% des voix, un séisme politique dans la métropole limousine où le FN réussit une percée à près de 17%. Le candidat de l'UMP obtient 23,79%, celui de l’UDI 12,32%. La liste emmenée par Gilbert Bernard (PCF) qui recueille 14,15% des voix, peut également se maintenir, menaçant encore davantage le maire sortant.

Strasbourg. La candidate UMP Fabienne Keller arrive légèrement en tête à Strasbourg avec 32,4% des voix devant le maire PS sortant Roland Ries (31,4%). Le FN est en mesure de se maintenir au second tour (10,8% des voix), selon une estimation Ipsos-Steria.

Rennes. La candidate PS Nathalie Appéré arrive en tête avec 35,56 % des voix, devant la tête de liste UMP-UDI Bruno Chavanat, ancien membre du cabinet de Jean-Pierre Raffarin, qui réunit 30,12 %. Le candidat EELV-Front de gauche Matthieu Theurier obtient 15,09 % des suffrages.

Amiens. La gauche peut espérer conserver la mairie. Le PS ne réunit que 24,65% des voix. Mais le maintien du candidat FN (15,55%) prive le candidat de l’UDI (44,80%) de possibles reports au second tour.

Clermont-Ferrand. Le candidat du parti socialiste Olivier Bianchi réunit 30,72%, en retrait de 17% par rapport à 2008. Il devance le candidat de l’UMP (24,24%), le candidat FN Antoine Rechagneux (13%) et le candidat divers gauche Alain Laffont (12%).

Laval. En 2008, le socialiste Guillaume Garot avait arraché Laval à la droite, qui contrôlait la ville depuis 13 ans. Cette année, elle pourrait bien à nouveau basculer. François Zocchetto, candidat d'union de la droite et du centre, pourrait en effet l'emporter d'une courte tête face au maire PS sortant Jean-Christophe Boyer. François Zocchetto réunit plus de 46% des suffrages. Le PS est à 34%. Le FN peut se maintenir (10,12%). Le candidat socialiste peut compter sur les reports du Front de gauche (7,27%) et d’un candidat d’extrême gauche (1,69%). Insuffisant?

Parti socialiste. Harlem Désir a adressé un message qu'il veut « sans ambiguïté » : « Nous ferons tout pour qu’à l’issue de ces élections municipales, aucune ville ne soit dirigée par le Front national. » Peu avant sa déclaration, Hénin-Beaumont a d'ores et déjà basculé dans le giron de Marine Le Pen. À Marseille, Patrick Mennucci devrait terminer le premier tour en troisième position, peu derrière le FN et très loin derrière Jean-Claude Gaudin. Une situation similaire à Nîmes, où droite et FN distancent PS et Front de gauche. Malgré quelques résultats positifs à Tarbes, Guéret, Limoges, Bourges ou Vesoul (entre 15 et 18%), le Front de gauche reste le plus souvent cantonné entre 5 et 10%, et ne profite guère du désaveu socialiste.

Quimper. L’ami du président est menacé. Le PS le redoutait, les électeurs l’ont confirmé : le maire sortant, Bernard Poignant, conseiller de François Hollande à l’Élysée, arrive en deuxième position derrière l’UMP Ludovic Jolivet, soutenu par l’UDI (29,32% pour l’UMP, contre 27,91 % pour le PS). Le MoDem, qui réalise souvent des scores importants dans la préfecture du Finistère, est qualifié pour le second tour avec 14,93% des suffrages pour Isabelle Le Bal. Le FN, qui n’avait pas présenté de liste depuis 2001, réalise plus de 8 % des voix. À gauche, les écologistes se sont effondrés avec 7,6%, contre près de 17 % lors des dernières municipales de 2008, au profit d’une liste de la « Gauche bretonne », avec des régionalistes et des EELV en rupture de ban (6,06%). La gauche radicale dépasse la barre des 5% (5,77 %). Le taux de participation s'élève à 59,64%, soit cinq points de moins qu'en 2008, rappelle Ouest-France.

Avant le premier tour, Poignant s’inquiétait de la démobilisation et du risque d’abstention à gauche (lire notre reportage).

Matignon. Le premier ministre Jean-Marc Ayrault appelle à distinguer entre la volonté de sanctionner le gouvernement et l'enjeu local. Le premier tour « s’est déroulé dans un contexte économique et social difficile pour les Français. La France est engagée dans une politique de redressement indispensable mais exigeante. Certains électeurs, soit par l’abstention, soit par leur vote, ont exprimé leurs inquiétudes voire leurs doutes. La campagne va se poursuivre pour le second tour. La priorité est de se rassembler. L’heure est au rassemblement le plus large et le plus vite possible ». Il a également rappelé la consigne nationale du PS de jouer le front républicain en cas de triangulaires. « Là où le FN est en mesure de l’emporter, l’ensemble des forces démocratiques ont la responsabilité de créer les conditions pour l’en empêcher », a dit l'ancien maire de Nantes. De son côté, Jean-François Copé et François Fillon, pour l'UMP, ont refusé de donner une consigne de vote ou de désistement. 

Lille. La maire sortante, Martine Aubry, (PS) réunit 35 % des voix au premier tour, un chiffre en baisse de 10 % par rapport à 2008. L'ancienne secrétaire du parti socialiste devance le candidat de la droite Jean-René Lecerf (23 %). En troisième position, le candidat du FN Éric Dillies réunit 17 % des suffrages, provoquant une triangulaire pour le second tour.

Nantes. La socialiste Johanna Rolland arrive en tête avec 36,49 % des suffrages exprimés, devant son adversaire UMP Laurence Garnier (21,60 %) et la candidate écologiste Pascale Chiron (12,83 %). Un deuxième tour aura lieu à Nantes dimanche prochain, une chose inédite depuis 1989 et la première élection de Jean-Marc Ayrault.

Fréjus. Le candidat d’extrême droite David Rachline (FN) arrive en tête au premier tour avec 40 % des suffrages. Il devance le candidat UMP-UDI Philippe Mougin, qui réunit 18 %, selon les premières estimations. Derrière le duo de tête, Élie Brun (divers droite) réunit 17,8 % et le candidat PS, Élie Di Meo, 16,4 %. Une quadrangulaire pourrait avoir lieu au second tour.

Cavaillon. Le maire sortant Jean-Claude Bouchet (UMP) est en ballotage favorable avec 41,58 % des voix. Le candidat du FN arrive deuxième avec 35,67 %. Le candidat EELV, qui représente la gauche, atteint seulement 17,56 % des suffrages.

Hénin-Beaumont. Le candidat Front national Steeve Briois est élu au premier tour avec 50,15 % des voix.

Perpignan. Louis Aliot (FN) est en tête à Perpignan avec 33,8 %, un score en hausse de 20 % par rapport à 2008, selon les premières estimations. Le candidat divers droite Jean-Marc Pujol réunit 30 % des voix. En troisième position, le candidat PS-PCF Jacques Cresta provoque une triangulaire avec 12 %. La liste divers droite obtiendrait 9,9 % et ne pourrait donc pas se maintenir, pas plus que la liste EELV (6,1 %).

Exécutif. Sur les plateaux télé, les ministres du gouvernement reprennent les mêmes éléments de langage. En résumé : les électeurs ont envoyé un message à l'exécutif, mais les municipales relèvent d'un enjeu local et les sympathisants de gauche doivent se mobiliser pour le deuxième tour. « Il y a des inquiétudes, des attentes, peut être du mécontentement. Le gouvernement a engagé une politique de redressement difficile, mais les résultats vont mettre encore du temps. Mais nous sommes en train de parler d’une élection municipale – donc ce qui se joue c’est la mobilisation des électeurs la semaine prochaine. Des villes gérées par la droite et des villes gérées par la gauche, ce n’est pas la même chose. Il s’agit de se mobiliser la semaine prochaine », a ainsi expliqué Marisol Touraine sur TF1. Un peu plus tôt, sur France 2, Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, avait dit la même chose « L'électorat de gauche a envoyé un message. Il est parfaitement compris. Mais la première chose, le soir du premier tour, c’est d’appeler à la mobilisation du 2e tour. » « Le 2e tour doit être l’occasion d’une mobilisation pour porter des idées et une action au niveau local », a-t-il insisté. 

Pau. Le leader du MoDem François Bayrou, soutenu par l’UMP, est en ballotage favorable avec 41 % des suffrages, selon les premières estimations. « Être à ce point soutenu par les électeurs, (…) c’est pour moi une émotion très grande », a déclaré l’ancien candidat à la présidence de la République. En deuxième position, le député PS David Habib obtient 26 % des voix, un score inférieur de 13 % aux résultats de 2008. Le FN est troisième avec 7 % des suffrages.

Notre reportage à Pau : À Pau, Bayrou mise sur sa notoriété et fustige le «socialisme municipal»

Front de gauche. Un communiqué du Parti de gauche affirme que « les premiers résultats et estimations qui nous parviennent montrent les très belles performances des listes FdG autonomes »« Les scores à deux chiffres dans de nombreuses villes traduisent un enracinement et une nette progression, faisant ainsi du FdG l'alternative dynamique à un PS en déconfiture », ajoute le texte, qui donne quelques résultats :  Grabels (Herault) : 49,97 %; Épernay (Marne) : 12,3 %; Limoux (Aude) : 11,37 %; Lanester (Morbihan) : 16 %…

Mulhouse. Le maire sortant UMP Jean Rottner réunit 44 % des voix, suivi par le candidat PS Pierre Freyburger (33 %) et la candidate FN Martine Binder (22 %). Le score du parti d’extrême droite augmente de 12 % par rapport à 2008. Une triangulaire en perspective pour le deuxième tour.

Marseille. Dans la salle de presse à la permanence de Patrick Mennucci, candidat PS, les journalistes ont les yeux rivés sur TF1 où tombent les résultats du FN : 50 % à Hénin-Beaumont, en tête à Avignon, à Fréjus, etc. Pas de chiffres à Marseille avant 20h45. « Mais on sait à peu près quels vont être les résultats quand on voit ce qui se passe ailleurs », grimace une attachée de presse de l'équipe Mennucci. « C'est la cata», lance un groupe de militants. Selon les premières estimations à l'échelle de la ville, le FN devance le PS. À 22 heures, Patrick Mennucci s'est enfin décidé à s'adresser aux journalistes : « C'est un jour sombre pour la France. » « Je suis convaincu que le changement auquel aspire les Marseillais ne passera pas par le FN, ni par l'immobilisme de la mairie sortante », a déclaré le candidat PS lors d'une rapide allocution, devant les mines abattues des rares militants présents. Dans les arrondissements du 4e et 5e secteur, la ministre Marie-Arlette Carlotti arriverait en troisième position, derrière le sénateur UMP Bruno Gilles et le FN. « Il va falloir analyser très finement les différences avec les sondages des derniers jours », dit une source au sein de l'équipe de campagne du candidat PS. « C'est la claque, mais pas qu'ici », dit Jacques Boulesteix, astrophysicien et candidat dans les quartiers Nord.

Nîmes. Selon les premières estimations, le maire sortant Jean-Paul Fournier (UMP) totalise 35,84 % des suffrages, devant le candidat FN Yoann Gilet qui réunit 20,41 % des voix, triplant son score par rapport à 2008. Suivent la candidate PS Françoise Dumas avec 15,68 % et le candidat du Front de gauche avec 12,30 %. Le candidat divers gauche réunit 10,39 %.

Orange. Le maire sortant d’extrême droite Jacques Bompard est réélu avec 59 % des suffrages.

National. Les premières données et résultats laissent entrevoir un profond recul des listes socialistes, une abstention à peu près aussi forte qu'en 2008 et une nette progression du FN. Certaines villes paraissent déjà perdues pour les maires socialistes sortants, comme Saint-Étienne, Amiens, Pau ou Nancy. À Niort, ville socialiste depuis 60 ans, la ville a basculé à droite dès le premier tour. À Nîmes, Perpignan, Béziers, Saint-Gilles ou Fréjus, le FN paraît proche de l'emporter. À Hénin-Beaumont, Steeve Briois l'emporte au premier tour… De nombreuses triangulaires avec le FN, estimées autour de 200, vont avoir lieu dimanche prochain.

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Du nord au sud, le FN marche sur les mairies

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Dimanche, à l'occasion du premier tour des municipales, le Front national a confirmé sa progression régulière aux précédents scrutins et affiché des résultats historiques. Le parti lepéniste arrive en tête dans plusieurs villes, notamment dans le sud-est (Avignon, Fréjus, Tarascon, Beaucaire, Saint-Gilles), le sud (Perpignan, Béziers), mais aussi dans l’est, comme à Forbach ou Hayange. Son secrétaire général, Steeve Briois, conquiert Hénin-Beaumont, ville de 25 000 habitants du Pas-de-Calais où il est implanté depuis de longues années.

En dehors de Marion Maréchal-Le Pen, candidate sur une liste battue dès le premier tour dans le Vaucluse, tous ses leaders réalisent de bons résultats. Dans de nombreuses villes du sud-est, la droite est balayée et le Front national y devient la première force politique. Marine Le Pen s'était fixé l'objectif de plus de 1000 conseillers municipaux frontistes et avait annoncé que « dix à quinze villes » étaient « potentiellement gagnables »À 00 h 30, selon le ministère de l'intérieur, le parti avait déjà fait élire 456 conseillers municipaux.

Le FN devrait être présent dans plus d'une centaine de triangulaires, dépassant son précédent de 1995, où il s'était maintenu dans 119 villes de plus de 30 000 habitants au second tour. Il a présenté 595 listes, un chiffre record par rapport à 2001 (200), à 2008 (82) et 1995 (537). Lors des élections municipales de 1995, il avait gagné trois villes (Toulon, Orange, Marignane), dont une de plus de 100 000 habitants. Il avait conquis Vitrolles deux ans plus tard à l’occasion d’une partielle.

Sur les plateaux télé et radio, Marine Le Pen a annoncé, devant des leaders de l’UMP et du PS sonnés, « la fin de la bipolarisation de la vie politique » et s’est félicitée d'un « cru exceptionnel pour le FN ». « Le FN est une grande force nationale. Arriver en tête dans un si grand nombre de grandes villes est la preuve que le FN s'implante durablement », a déclaré la présidente du FN en estimant que les électeurs « ne répondront pas à la tentative (...) de leur faire peur ».

Son bras droit, Florian Philippot, vice-président du parti et lui-même candidat à Forbach (Moselle), a jugé, sur France 2, que le vote FN s’était « enraciné » et « professionnalisé ». « C'était tout l'enjeu du chantier qu'avait lancé Marine Le Pen quand elle était arrivée à la tête du Front national en 2011 et nous sommes en train d'y parvenir », a-t-il estimé. Interrogé sur le « front républicain » en train de se mettre en place dans certaines villes, il a dénoncé un « front des copains », « un front des sortants, de ceux qui s'accrochent à leur place ».

Interrogé sur iTélé, Steeve Briois s’est félicité d’avoir mis « un terme au règne socialiste » et aux « magouilles de l’ancien maire » à Hénin-Beaumont. « Nous allons faire revenir tous ces concitoyens qui ont été trahis, abandonnés, qui ne croyaient plus en la politique, dans le débat politique », a-t-il promis en commentant les résultats nationaux.

  • NORD

Présentée depuis plusieurs années comme le « laboratoire » du Front national, Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) a été conquise dès le premier tour par Steeve Briois, le secrétaire général du parti, qui totalise 50,26 %. Il devance le maire sortant Eugène Binaisse, soutenu par le PS, EELV et le PCF, qui obtient 32,04 % des voix, et l'ancien maire Gérard Dalongeville (9,77 %).

Briois, proche de Marine Le Pen et natif de l’ancienne citée minière du Pas-de-Calais, se présente depuis 1995 dans cette ville érigée en symbole de la progression frontiste en terres de gauche. Marine Le Pen s’y est elle-même parachutée en 2007 et y a été conseillère municipale jusqu’en 2011. À chaque élection, le parti lepéniste y a progressé : 29,3 % aux législatives de 2007, 28,53 % aux municipales de 2008, 48,2 % aux législatives de 2012, 35,48 % à la présidentielle (lire notre dossier et les extraits du livre Bienvenue à Hénin-Beaumont).

Steeve Briois, dimanche soir, après sa victoire à Hénin-Beaumont.Steeve Briois, dimanche soir, après sa victoire à Hénin-Beaumont. © Reuters

Dans la commune voisine de Montigny-en-Gohelle, le FN arrive en tête avec 28,86 %, devant le maire socialiste sortant (26,86 %). Par ailleurs, le Front national se hisse au second tour à Lille (Nord), du jamais vu. Idem à Roubaix, ville socialiste où le Front national approche les 20 %, à 180 voix derrière le PS.

Comme lors des scrutins précédents, le FN réalise également de bons scores en Picardie. À Noyon, le parti d'extrême droite, représenté par son expert électoral Michel Guiniot, obtient 28,32 %. Mais le second tour devrait se jouer entre les deux frères Deguise (l’un socialiste, l’autre UMP). À Villers-Cotterêts, dans l’Aisne, Franck Briffaut, conseiller municipal depuis 1995, est à 32 %. C’est 200 voix de plus (sur 6 800 inscrits) par rapport aux législatives de 2012.

  • NORD-EST

À Forbach, dans le bassin minier mosellan (22 000 habitants), le vice-président du Front national, Florian Philippot, réalise 35,8 % des voix et passe devant le maire socialiste Laurent Kalinowski. « J’appelle tous les Français à Forbach et ailleurs à maintenant se mobiliser massivement au second tour pour le changement sur nos listes, pour le vote utile capable de battre les sortants », a lancé Philippot sur BFM-TV. Il est bien parti pour gagner la ville, l’UMP ne comptant pas se retirer. 

Florian Philippot, en campagne à Forbach le 8 octobre 2013.Florian Philippot, en campagne à Forbach le 8 octobre 2013. © Reuters

À Hayange (16 000 habitants), le frontiste Fabien Engelmann est en tête avec 30 % des voix. Le maire socialiste sortant est 10 points derrière. Le Front national réalise même 21 % à Metz, alors que certains élus locaux jugeaient un tel score irréaliste il y a quelques jours encore.

À L’Hôpital, la ville qui avait le plus voté pour Marine Le Pen en Lorraine à la présidentielle de 2012, le candidat frontiste recueille 24 %.

  • SUD-EST

En région Paca (Provence-Alpes-Côte d'Azur), le Front national progresse dans plusieurs villes. Notamment dans le Vaucluse, où le FN a obtenu plusieurs députés et conseillers généraux ces dernières années, et où il vise aujourd'hui des intercommunalités.

À Avignon, (nord du Vaucluse), ville détenue par la droite depuis 1995, le FN réalise un score historique au premier tour et arrive en tête avec 29,8 %, suivi de près par la candidate socialiste (29,54 %). Le parti d’extrême droite n’avait recueilli que 9 % aux municipales de 2008 (alors que l’UMP obtenait 39,2 %) et 22,05 % aux législatives de 2012. Cette année, il a parachuté Philippe Lottiaux, ancien collaborateur de Patrick Balkany à Levallois, et récupéré des déçus de l’UMP, dont deux adjoints de la majorité UMP.

Ce résultat doit beaucoup à l'effondrement de l'UMP et son candidat Bernard Chaussegros, qui n'obtient que 20,91 %. Désigné en janvier par l’inamovible maire sortante, Marie-Josée Roig, Chaussegros a raté son parachutage depuis Paris et a fait face à une importante dissidence de son camp. Il a aussi pâti des révélations sur l’emploi fictif du fils de Roig : après ces révélations, la maire sortante a renoncé à être sa numéro deux.

Philippe Lottiaux, candidat à Avignon, avec Marion Maréchal-Le Pen et Marine Le Pen.Philippe Lottiaux, candidat à Avignon, avec Marion Maréchal-Le Pen et Marine Le Pen. © dr

À Carpentras, où se présente le suppléant de Marion Maréchal-Le Pen et proche de Bompard, Hervé de Lépinau, la liste Rassemblement bleu marine est aussi devant la droite avec 22,53 % (contre 10,36 % pour le député UMP Julien Aubert), mais derrière le PS (24,47 %). Le FN réalise un score inférieur aux législatives de 2012 (35 %).

À Sorgues en revanche, c’est un échec pour la liste frontiste, menée par un ancien adjoint de la majorité UMP et où figure en dixième position la députée Marion Maréchal-Le Pen. Le candidat UMP est réélu dès le premier tour avec 51,4 %, contre 33,5 % pour le “Rassemblement bleu marine”. C’est moins qu’en 2012, où la nièce de Marine Le Pen avait recueilli 37,65 %.

À Orange, détenue par l’extrême droite, le député et maire sortant Jacques Bompard est réélu dès le premier tour. Son épouse, Marie-Claude Bompard, maire de Bollène, frôle la réélection dès le premier tour avec 49,35 % des voix.

Dans le sud du département, à Cavaillon, le candidat frontiste Thibault de la Tocnay est deuxième, six points derrière le candidat UMP (35,57 contre 41,58 %). C'est une triangulaire qui aura lieu la semaine prochaine, avec la liste de gauche (17,56 %).

Dans le Gard, le parti d'extrême droite avec Gilbert Collard, qui avait décroché un siège de député en 2012, réunit 43,2 % des voix dimanche. Il est largement en tête. Ce dernier s’est félicité sur France 2 de « l’émergence dans le pays d’une volonté de transformation ». À Beaucaire, Julien Sanchez, l’un des responsables de la communication du FN, arrive premier (32,85 %), dix points devant le divers droite. C’est mieux qu’aux législatives de 2012, où il avait rassemblé un peu plus de 33 %. À Nîmes, le second tour opposera l’UMP, en tête (37,8 % provisoire), au Front national, en deuxième position (20,3 %).

À Fréjus, dans le Var, l’ancien coordinateur de la campagne web de Marine Le Pen, David Rachline, 26 ans, arrive en tête avec 40,3 % des voix, loin devant le candidat UMP-UDI (18,85 %). Aux législatives de 2012, ce conseiller régional et municipal n’avait rassemblé que 28,02 %. À Brignoles, où le FN avait remporté la cantonale partielle en 2013, son candidat Laurent Lopez arrive aussi premier, avec 36,46 %. Le Front national est aussi largement en tête à Cogolin, ville varoise de 10.000 habitants: le candidat FN y réunit 39% des voix, et près d'un quart des inscrits sur les listes électorales.

À Digne-les-Bains, dans les Alpes-de-Haute-Provence, la liste Rassemblement bleu marine arrive en tête avec 27,69 %, devant la candidate divers gauche (26,08 %). L'UMP est loin derrière, avec seulement 16,54 % des voix.

Dans les Bouches-du-Rhône, le FN est en tête à Tarascon (39,24 %), mais aussi dans le 7e secteur de Marseille (où le PS subit d’ailleurs une de ses plus grandes déculottées de la soirée).

  • SUD

C'est l'une des grosses progressions du FN : à Béziers, deuxième commune de l'Hérault, Robert Ménard, soutenu par le parti lepéniste, est en tête avec 44,88 % des voix. L'ancien président de Reporters sans frontières devance de près de 15 points le candidat de l’UMP, l’ancien député Élie Aboud. Ménard semble bien parti pour l’emporter au second tour. Dans les prochaines heures, Béziers va virer au casse-tête pour l’UMP et le PS, qui vont devoir arrêter une position. D’ores et déjà, Robert Ménard appelle les électeurs de gauche à le « rejoindre » au second tour.

À Perpignan, Louis Aliot, vice-président du Front national, atteint 34,2 % des voix, alors qu’il obtenait 32,7 % en 1995 et 24,4 % aux législatives de 2012. Le numéro deux du FN devance de près de 4 points le maire sortant UMP, et arrive largement devant le candidat divers gauche.

La progression du FN est aussi notable à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), ville de l’ancien ministre socialiste Jérôme Cahuzac : Étienne Bousquet-Cassagne, le jeune candidat Front national, est deux points derrière le candidat socialiste (28,6 % contre 26 %).

  • OUEST

Le Front national parvient à être présent dans trois villes en Bretagne au second tour: à Fougères (16,94%), à Saint-Brieuc (11,29%) et à Lorient (14,78%). Dans cette dernière ville, où une quadrangulaire aura lieu dimanche, il opère une forte percée en recueillant 14,78% des voix, contre 10,35% aux législatives de 2012.

À Elbeuf (Seine-Maritime), terre normande socialiste, le candidat PS est élu dès le premier tour, mais le secrétaire général adjoint du FN, Nicolas Bay, est parvenu à rassembler 35,58 % des voix. 

À Laval, le FN se qualifie pour le second tour (10,12%) et la droite se retrouve menacée.

À Limoges surtout, le parti lepéniste rassemble près de 17 % des voix, un record dans cette ville. Le maire sortant PS devra affronter un second tour pour la première fois depuis 1995, à l'issue du premier tour où il s'effondre à 30,11% des voix.

En revanche, à Paris, où le FN pensait avoir « une belle carte à jouer » grâce aux divisions de la droite, il est en dessous des estimations. Wallerand de Saint-Just ne recueille que 5,9 % des voix.

BOITE NOIRECet article a été actualisé lundi matin avec les résultats dans l'Ouest.

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Défaite majeure pour le PS, enracinement pour le FN

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Les élections municipales n’ont pas dérogé à une règle vérifiée six fois depuis trente-cinq ans : 1977, grosse défaite de la droite,1983, fort recul de la gauche, 1995, percée du Front national, 2001, reflux socialiste, 2008, échec de la droite, 2014, enfin, claque en vue pour le Parti socialiste. Quoi que disent et répètent les sondages, les électeurs ne se déterminent donc pas uniquement en fonction des salles polyvalentes et des impôts locaux, mais sanctionnent plus ou moins sévèrement le pouvoir en place.

À ce titre, le résultat du premier tour, s’il devait se confirmer dimanche prochain, pourrait rester dans l’histoire comme une fracture à deux niveaux. Premièrement, le Front national s’est ancré dans le tissus local. Deuxièmement, le PS est affaibli partout, quand il ne s’effondre pas. La France des notables roses, bien implantés dans leurs bastions, a été emportée, ou se retrouve affaiblie, contrairement à ce que leur laissaient espérer des batteries de sondages locaux.

Ce qui frappe dans la percée du Front national, au-delà des résultats spectaculaires et symboliques d’Hénin-Beaumont ou Béziers, c’est sa capacité à démultiplier le résultat de Marine Le Pen aux élections présidentielles de 2012. Dix points de mieux à Avignon, où le candidat d’extrême droite est en tête, neuf points de plus à Forbach où Florian Philippot réalise le meilleur score, deux points de mieux à Limoges, même phénomène à Laval, à Mulhouse, à Saint-Étienne, à Dijon où le FN peut se maintenir au second tour avec presque 13 % des exprimés, soit 5 points de mieux que le record municipal de 1995 (lire ici notre analyse du résultat du FN).

 

L’analyse des résultats, ville par ville, prouve que le parti de Marine Le Pen a mordu sur sa droite, en affaiblissant de nombreux candidats UMP, mais pas seulement. Dans bien des municipalités, Strasbourg ou Nancy par exemple, la droite se maintient sans briller, mais le PS perd jusqu’à 10 points, et les amis de Marine Le Pen en récupèrent presque autant. Est-ce le signe d’un transfert entre certains sortants PS et le Front national, il est périlleux de l’affirmer à chaud, mais la question se pose et devra être élucidée.

Donc une montée en puissance indiscutable de la droite de la droite, et un reflux général des candidats socialistes, même les mieux implantés. Certes Gérard Collomb ne paraît pas menacé à Lyon, mais son élection sera moins facile que prévu. À Paris, Anne Hidalgo, même devancée en voix, semble en mesure de succéder à Bertrand Delanoë, mais le résultat sera serré. À Toulouse, Pierre Cohen peut encore espérer garder son siège de maire, mais les profondes divisions de la gauche ont éparpillé les voix, et le placent à sept points derrière son rival UMP. À Lille, Martine Aubry dont la réélection était censée aller d’elle-même perd onze points par rapport à 2008, où le Front national en gagne autant, tandis que la droite classique fait du surplace.

 

À Amiens, en perdant plus de six points en cinq ans le PS pourrait perdre la ville. À Laval, où Guillaume Garot, le ministre délégué à l’agroalimentaire, était passé au premier tour, son successeur laisse quinze points sur le carreau. À Quimper, le conseiller de François Hollande, Bernard Poignant, baisse de huit points et se retrouve en position inconfortable. À Rennes, que le PS peut espérer conserver, Nathalie Appéré perd onze points par rapport au score de Daniel Delaveau.

Le PS pourra mettre en avant la bonne tenue d’Adeline Hazan à Reims, ou le possible gain d’Avignon où l'ancienne députée Cécile Helle, même arrivée derrière le candidat Front national, paraît disposer des réserves nécessaires, mais dimanche prochain ces îlots de résistance risquent de paraître ternes quand la victoire de Jean-Claude Gaudin à Marseille sera confirmée. Car au-delà de la saignée générale, dans toutes les villes de France ou presque, le score très bas de Patrick Mennucci, devancé au premier tour par le Front national, restera comme le résultat le plus symptomatique et le plus éclatant du double événement du jour : la puissance du FN, et la faiblesse du PS.

On peut donc parler d’échec notable du Parti socialiste, mais on doit se garder de généraliser ce jugement pour toute la gauche. Avec des résultats quelquefois en dents de scie, les alliés d’Europe Écologie, et les concurrents du Front de gauche, quand il s’est présenté en son nom, ont plutôt sauvé les meubles, et même créé l’événement, comme à Grenoble, où la liste d’Europe Écologie associée au Parti de gauche devance de quatre points la liste socialiste associée aux communistes.

Face à de tels résultats, que le président de la République devra bien analyser, et inscrire à son débit personnel, la droite classique aurait tort de pavoiser. Jean-François Copé pourra toujours mettre en avant sa réélection au premier tour, ou le score de Jean-Claude Gaudin dans la deuxième ville de France, et se féliciter pudiquement de la victoire de François Bayrou à Pau, les résultats de l’UMP sont médiocres compte tenu du recul du PS. Il n’y a pas eu de vase communicant, comme d’ordinaire, entre un parti majoritaire durement sanctionné, et le principal parti d’opposition : recul à Angers, addition fragile à Metz entre les deux listes de droite de 2008, surplace à Quimper, stagnation à Nîmes où la gauche vole pourtant en éclats, recul spectaculaire à Perpignan, ou à Béziers… Le score plutôt brillant, et supérieur aux attentes de Maryse Joissains à Aix-en-Provence ne suffira pas à embellir ces résultats en demi-teintes, d’autant que la multiplication des triangulaires risque d'atténuer au second tour l’affaissement des socialistes.

Car la consigne de non-désistement en direction du FN, et de refus du Front républicain en faveur des socialistes, sera difficile à appliquer. Le PS est prêt à demander l’appui de l’UMP à Avignon en échange d’un appel à voter UMP à Béziers… Partout des marchandages vont s’engager, et il serait étonnant que les cloisons vertueuses proclamées à Paris ne deviennent pas « un peu » poreuses en s’approchant du terrain.

Le résultat de ce premier tour est sans doute le plus mauvais pour le PS depuis 1983. Cette année-là, une mobilisation inattendue au second tour avait permis de limiter les dégâts. Compte tenu de l’impopularité record du couple exécutif, il semble peu probable que le cru 2014 conduise à la même inversion de tendance.

Il faudrait pour cela que les électeurs de gauche reviennent massivement aux urnes. L’abstention redoutée par le PS a produit ses effets. Au niveau national, comme nous le disons par ailleurs, on a encore moins voté qu’en 2008, où des records avaient déjà été battus. Mais hier, comme par hasard, on s’est moins abstenu à Hénin-Beaumont ou Béziers que dans le reste de la France, et à Limoges l’effondrement socialiste s’explique d’abord par ce phénomène incontournable : un grand nombre d’électeurs, notamment les jeunes, n’y croient plus ou sont désabusés.

Cette défaite socialiste aux élections locales, même si Paris, Toulouse, ou Strasbourg peut-être devaient rester à gauche, créera forcément une onde de choc sur un pouvoir central déjà fragilisé. Cette abondance d’échecs locaux, qui se transformera peut-être en cascade quand on analysera le résultat des plus petites villes, désigne en fait un responsable. Il n’est pas maire et ne perdra pas son siège puisqu’il est président de la République, mais il devra bien en tirer les conclusions les plus urgentes, s’il veut éviter d’être emporté par la vague, comme son prédécesseur...

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Paris: la «mission impossible» de NKM

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À Paris comme ailleurs, la droite a profité du rejet de la politique gouvernementale pour réaliser un bon score au premier tour des municipales. Nathalie Kosciusko-Morizet arrive en tête avec 35,64 % des voix, contre 34,40 % pour la socialiste Anne Hidalgo (lire l'ensemble des résultats parisiens sous l'onglet “Prolonger”). Mais à Paris, comme nulle part ailleurs, les résultats enregistrés dans les vingt arrondissements de la capitale marquent en réalité la défaite de l’union de l’UMP et du centre.

Car dans le XIIe et le XIVe, les fameux arrondissements de la « reconquête », indispensables à la droite pour faire basculer la majorité au conseil de Paris, les listes UMP-MoDem-UDI se trouvent en fort mauvaise posture. Dans le XIVe, Nathalie Kosciusko-Morizet arrive en deuxième position avec 33,10 % des voix, derrière son adversaire, la socialiste Carine Petit (37,89 %). Quant au XIIe, Valérie Montandon rassemble seulement 33,34 % des voix, contre 37,40 % pour Catherine Barrati-Elbaz (PS) et 10,1 % pour Christophe Najdowski (EELV).

Discours de Nathalie Kosciusko-Morizet, le 23 mars à Paris.Discours de Nathalie Kosciusko-Morizet, le 23 mars à Paris. © Nicolas Serve

Porte-parole de Nathalie Kosciusko-Morizet et candidat UMP dans le XVIIIe arrondissement (où il a recueilli 25,24 % des suffrages), Pierre-Yves Bournazel préfère commenter la « sanction Hidalgo » dans le XVe arrondissement, où la candidate socialiste engrange seulement 29,10 % des voix au premier tour contre 48,56 % pour le maire UMP sortant, Philippe Goujon. « Contrairement à ce que tout le monde disait, nous sommes en tête au premier tour, dit-il à Mediapart. L’écart se resserre par rapport à 2008, il y a une vraie dynamique qui se crée. Les électeurs qui se sont abstenus de voter aujourd'hui vont pouvoir nous rejoindre au second tour ! »

Pierre-Yves Bournazel, le 23 mars à Paris.Pierre-Yves Bournazel, le 23 mars à Paris. © Nicolas Serve

L'abstention, dont tout le monde parlait durant la campagne, s'est révélée moins importante à Paris que les socialistes ne le craignaient. « Cela tient surtout au fait que les Parisiens savent que les engagements de la gauche sont crédibles », souligne Sandrine Mazetier. La députée PS de Paris estime que Nathalie Kosciusko-Morizet, « qui misait sur l’abstention, le XIIe et le XIVe, a perdu tous ses paris ».

S’il salue « le progrès » que marquent les résultats du premier tour dans certains arrondissements parisiens tels que le IXe (où la candidate UMP Delphine Bürkli devance légèrement son adversaire socialiste, Pauline Véron), le député et conseiller UMP de Paris, Pierre Lellouche, explique à Mediapart que « le fond du sujet reste le mode de scrutin et l’implantation dans l’Est parisien ».

« Paris, ce n’est pas une élection, mais vingt, rappelle-t-il. Je regrette que nous n’ayons pas trouvé le temps, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, de modifier ce système. Ce mode de scrutin va empêcher la concrétisation du succès au second tour. S’ajoute à cela le problème de l’immobilier qui expulse de Paris les classes moyennes, à savoir notre électorat. Tant qu’on sera dans cette situation, Paris sera mission impossible. » 

À droite, Pierre Lellouche déplore également les « dissidences d’ego », incarnées par les listes « Paris Libéré » de Charles Beigbeder. « Il n’y aura pas de fusion dans le VIIIe arrondissement (où la candidate UMP-MoDem-UDI a réalisé 46,62 %, contre 19,27 % pour Charles Beigbeder et 15,40 % pour la candidate PS-PCF-PRG – ndlr), mais ces voix vont automatiquement se reporter au second tour », ajoute-t-il. Pour le reste, Nathalie Kosciusko-Morizet l’a indiqué dès l’annonce des premiers résultats : demain, elle sera « sur le terrain » pendant que « Madame Hidalgo sera dans la cuisine électorale ».

La candidate socialiste doit effectivement commencer à négocier avec Europe Écologie-Les Verts (EELV), chose qui n'avait pas été faite jusqu'à ce soir. « Les discussions vont démarrer cette nuit, indique à Mediapart le candidat EELV à la mairie de Paris, Christophe Najdovski. Deux délégations vont se rencontrer pour discuter du programme et de la fusion des listes. On est dans une bonne position. L’excès de confiance des socialistes leur a joué des tours. »

Le codirecteur de campagne d’Anne Hidalgo, Rémi Féraud, a également indiqué à l'AFP que le PS parisien ouvrirait « peut-être » des discussions avec le Parti du gauche, à condition que celui-ci s’engage sur un « projet pour Paris » et non « pour des places ». Interrogé sur France 3, le conseiller de Paris Front de gauche Alexis Corbière a souhaité que « les électeurs qui ont voté pour le PG soient représentés à hauteur de ce qu’ils sont », ajoutant que le PS et les Verts auraient besoin des voix du Parti de gauche pour passer la barre des 50 % au second tour dans le XIIe arrondissement, où il a lui-même rassemblé 5,4 % des voix.

Dans le XIIe, Alexis Corbière a rassemblé 5,4 % des voix.Dans le XIIe, Alexis Corbière a rassemblé 5,4 % des voix. © Nicolas Serve

Christophe Najdovski se réjouit que « la question de l’environnement ait pesé dans la campagne parisienne ». « Avec le pic de pollution qu’a connu l’Île-de-France ces derniers jours, les Parisiens ont bien vu que nous étions les seuls à avoir de vraies solutions sur ces sujets, affirme-t-il. S’ajoute à cela la colère, pour ne pas dire le dégoût, des électeurs de gauche pour ce qui se passe au national. Du coup, ils ont voté pour nous. »

« Le PS et les Verts préparent un accord politicien alors qu’ils sont en désaccord sur tout, à commencer par le bétonnage de Paris, argue l'UMP Pierre-Yves Bournazel. Nathalie Kosciusko-Morizet a été ministre de l’écologie. Entre elle et Anne Hidalgo, c’est vraiment elle la plus écolo ! » « NKM a surtout été ministre du diesel, renchérit Christophe Najdovski. C’est elle qui a favorisé la multiplication de ces petites particules qui nous empoisonnent la vie. C’est indécent de sa part de se prétendre écolo… »

Malgré les bons résultats engrangés par les candidats EELV, le député et conseiller UMP de Paris, Pierre Lellouche, estime que l'entre-deux tours ne se jouera pas forcément sur « les questions écolos » : « Il va falloir davantage cliver avec la gauche, conclut-il. Sur la fiscalité, le logement, la propreté, la préparation de la ville au XXIe siècle... Mais bon, c'est Nathalie Kosciusko-Morizet la tête de liste, c'est elle qui décide. »

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

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