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Roms : une note révèle les pratiques discriminatoires des policiers

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Ces choses-là se font mais ne s'écrivent pas. Sauf quand, par inadvertance, une note interne révèle au grand jour la réalité de méthodes discriminatoires. La note en question émane du commissariat du VIe arrondissement de Paris. Publiée par Le Parisien dans son édition du 15 avril 2014, ce document a été rédigé, selon le quotidien, par un officier de police « sur instruction de la commissaire centrale ». Il ordonne « dès à présent et jusqu’à nouvel ordre, pour les effectifs du VIe arrondissement, de jour et de nuit, de localiser les familles roms vivant dans la rue et de les évincer systématiquement ».

Cette note, qui vise explicitement une population en fonction de sa supposée origine ethnique, contrevient à l’article premier de la Constitution française, selon lequel la France « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Sa publication n’est pas sans précédent. C’était lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Une circulaire en date du 5 août 2010, signée par Michel Bart, alors directeur de cabinet du ministre de l’intérieur Brice Hortefeux, ciblait déjà expressément ces personnes pour exiger des préfets qu’ils mettent fin aux « implantations sauvages de campements de Roms ».

Le gouvernement avait dû faire machine arrière. Cette fois-ci, le maire UMP du VIe, Jean-Pierre Lecoq, affirme n’être « pas choqué ». « On joue sur les mots, indique-t-il au Parisien. Ce qui me choque, c’est de voir des familles de Roms dans la rue avec des enfants en bas âge. Ce n’est pas acceptable sur les plans humain et social. » « Ils cachent des matelas dans des bosquets. Les familles ont triplé. C’est un vrai problème », assure-t-il, estimant que ces « Roms » viennent de la rive droite de Paris, « chassés du quartier de la Bastille par la police ».

Le nouveau ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, s’est fendu d’un communiqué pour assurer que la consigne en cause avait été « rectifiée ». « Aucun contrôle de police ne peut être effectué en ciblant une personne en fonction d’une nationalité réelle ou supposée », indique-t-il, même si le terme “Roms” ne renvoie aucunement à une nationalité. Une prise de parole plus ambiguë est venue du porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll. Interrogé sur RTL, il a réfuté le terme d’« invasion » (cette population est estimée à 17 000 personnes, dont un quart à un tiers d’enfants, un chiffre stable depuis une décennie), mais il a estimé qu’il fallait « chercher à les faire retourner d’où ils viennent, en Roumanie ou en Bulgarie » au nom d’une « politique qui doit garder sa dimension humaine ». Cette déclaration rappelle celle, restée dans les annales, de l’ex-ministre de l’intérieur. « Les Roms ont vocation à retourner dans leur pays d’origine », avait affirmé Manuel Valls. Ce à quoi il avait ajouté qu'ils « ne souhaitent pas s’intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ». Ces propos valent d'ailleurs à l'actuel premier ministre d'être cité à comparaître le 5 juin 2014 devant le tribunal correctionnel de Paris par l’association La Voix des Rroms, pour provocation à la discrimination et à la haine raciale.

Dans un communiqué, le collectif d’associations Romeurope, rassemblant notamment l’Asefrr, la Cimade, la Fnasat-Gens du voyage, Hors la rue, la LDH, Médecins du monde et le Mrap, considère cette note émanant des autorités publiques comme un révélateur de la « politique de rejet » mise en œuvre. Évoquant des instructions « illégales et intolérables », il s’étonne des déclarations de Stéphane Le Foll. « Les propos du porte-parole du gouvernement ne sont en aucun cas une réponse à la situation de précarité dont sont victimes ces personnes ni même une condamnation de la stigmatisation dont on les accable », indique-t-il. « Nous attendons une autre politique, celle d'une politique respectueuse des droits de l’Homme, des plus pauvres vivant sur notre territoire, de notre Constitution et de nos engagements internationaux, et une parole forte condamnant les discriminations quelles qu’elles soient », insiste-t-il.

Depuis près de quatre ans, Mediapart n’a cessé de chroniquer les pratiques quotidiennes de harcèlement de policiers et de gendarmes à l’égard de familles venues de Roumanie et de Bulgarie, originaires pour la plupart de la minorité rom, et vivant dans des bidonvilles en périphérie des grandes villes :

- en septembre 2012, des gendarmes varois acceptaient de raconter le traitement qu’ils leur réservaient, les interpellant et les relâchant à plusieurs dizaines de kilomètres, parfois dépouillées de leurs chaussures ;
- en octobre 2012, c’était à Ris-Orangis en Essonne que des témoignages montraient comment les policiers multipliaient les contraventions à leur encontre sous des prétextes fallacieux (ici et ) ;
- en février 2014, des policiers se voyaient reprocher de réveiller régulièrement les familles installées sur le trottoir de la place de la République à Paris à coups de pied dans les matelas et de prendre leurs affaires pour les jeter dans les bennes publiques ;
- en avril 2014, c’était au chef de la police municipale et directeur général adjoint des services de Michèle Tabarot, maire du Cannet dans les Alpes-Maritimes et numéro deux de l'UMP, d’être entendu par la justice concernant ses interventions pour tenter d’expulser des familles roms.

Ces pratiques des forces de l’ordre s’ajoutent à celles des élus locaux, la campagne pour les élections municipales ayant donné lieu à un déferlement de propos stigmatisants, voire ouvertement racistes, et à des mesures aux marges de la légalité, comme à Vigneux-sur-Seine en Essonne, où le maire UMP (réélu) a barricadé un lieu de vie pour mieux en expulser les occupants.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Request Policy


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