De notre envoyée spéciale dans le Nord
« Moi, je n'ai pas fait croire aux salariés qu'ils allaient partir avec un gros chèque parce que le patron était milliardaire. Je préfère une famille brisée qui vit à une famille brisée qui meurt. Il fallait signer. C'était ça ou le dépôt de bilan. Pinault ne bluffait pas. » Jean-Claude Blanquart « ne rasera pas les murs » de son entreprise. Le délégué syndical central CFDT de La Redoute « assume » d'avoir signé le protocole d'accord social qui valide la cession de l'ancien fleuron de la vente à distance par la famille Pinault via son groupe de luxe Kering (ex-PPR) au tandem Balla-Courteille. On peut le traiter « de traître », « de jaune », il a « pris ses responsabilités ».
La signature qu'il a portée au nom de la CFDT, premier syndicat de l'enseigne (32,36 % des voix aux dernières élections), n'est pas rien. En rejoignant celle de la CFE-CGC, elle entérine la suppression de 1 178 postes sur 2 432 en trois ans et clôt le feuilleton du rachat de La Redoute, en vente depuis 2009 : 600 départs en pré-retraite avec 80 % d'un salaire qui dépasse rarement le Smic, sans treizième mois, ni prime d'ancienneté, 350 départs volontaires et 250 licenciements secs (au minimum) principalement dans la logistique et la relation clients. Dans le Nord, la bombe sociale du bassin d'emploi Roubaix-Wattrelos-Tourcoing déjà largement sinistré par le chômage de longue durée peut exploser.
Les repreneurs, Nathalie Balla (patronne de La Redoute depuis 2009) et Éric Courteille (secrétaire général de Redcasts, la filiale qui dirigeait La Redoute chez Kering), saignent l'effectif pour « moderniser » la “Vieille Dame de Roubaix”, dépassée par la concurrence notamment sur le marché de l'habillement et les pure-players du web, Ventesprivées, Sarenza... Ils se donnent trois ans jusqu'en 2017 pour atteindre l'équilibre financier et préviennent les salariés épargnés qu'ils devront redoubler de flexibilité, travailler les soirs, les week-ends, faire plus en étant moins nombreux et en gagnant encore moins, avec une réorganisation du travail de très grande ampleur.
La famille Pinault, sixième fortune de France, elle, peut se recentrer exclusivement sur le luxe. Elle se débarrasse enfin de l'encombrant vépéciste, qu'elle a laissé dépérir en refusant d'investir les dizaines de millions qui auraient été nécessaires pour faire face aux transformations violentes du secteur alors qu'il fut la vache à lait de ses filiales et un artisan de l’ascension vertigineuse de Kering. Elle le brade pour l'euro symbolique, injecte 315 millions d'euros dans sa modernisation et dépose pour solde de tout compte 180 millions d'euros dans une fiducie pour financer et garantir les mesures sociales.
Jean-Claude Blanquart a paraphé les cinquante pages de l'accord in extremis le lundi 24 mars, aux côtés de la CFE-CGC, le deuxième syndicat (22,53 %) sans la CGT et Sud. Il a signé « à contrecœur », malgré l'opposition farouche de sa section, après un week-end sous haute pression de la base au sommet, au lendemain du premier tour des municipales, en pleine débâcle socialiste. Voiture vandalisée, menaces de mort, noms d’oiseaux... Depuis, le syndicaliste (normalement en pré-retraite après 38 ans de maison mais son syndicat l'a rappelé à l'automne pour mener les négociations) dit « payer sa signature ».
Il a installé une caméra devant chez lui, demandé une protection policière. Il a aussi changé le canon de la porte du local syndical car sa section sur Roubaix et Wattrelos a volé en éclats, à quelques semaines des élections professionnelles. Dix-neuf délégués sur 28 ont démissionné, brûlé leurs cartes devant l'entreprise. Ils refusent que le "D" de CFDT, "démocratie", devienne « dictature » et voulaient un référendum comme à Relais-Colis, la filiale ou lors du plan social de 2008. Partis déjà avec une bonne centaine d'adhérents, ils viennent de monter une section Force ouvrière. Jean-Claude Blanquart rit jaune et s'emporte : « Un référendum avec tous les salariés était impossible à organiser en une demi-journée vu l'ultimatum de Kering et de toute façon, la majorité aurait voté pour la signature. »
À l'image de la CFDT scindée en deux, les salariés de La Redoute sont divisés, déchirés entre pro et anti-accord. Deux slogans, deux camps. Au siège, à Roubaix, l'antre des cadres et agents de maîtrise, sur les vitres du self, des affiches : « Signez pour la Redoute. » À Wattrelos, à l'entrée du site industriel de la Martinoire, la plate-forme de préparation des colis et de logistique, fief des ouvriers et petits employés, des résidus de feux de palette et un panneau : « Je perds des sous pour ceux qui ne bougent pas. La Déroute. 20 000 euros pour finir ta vie de chômeur ».
C'est ici sous l'immensité des hangars obsolètes, aux couleurs de l'enseigne, vert et blanc, que le choc social sera le plus violent. Les agents opérationnels (AO) forment une population salariée particulièrement vulnérable, à faible employabilité. Souvent sans diplômes, cette cheville ouvrière payée le SMIC, majoritairement féminine, embauchée à peine sortie de l'adolescence, a l'âge critique pour retrouver un emploi (45-55 ans) et des années de pénibilité au travail derrière elle. Jean Dejonckere, le secrétaire du comité d'hygiène et de sécurité de la Martinoire, répertorie « pas loin de 200 personnes », des jeunes et des seniors, sous le coup d'inaptitudes, de reconnaissance Cotorep, de maladies professionnelles, de troubles musculo-squelettiques (TMS).
Le plan de modernisation de Balla et Courteille les sacrifiera ou les pressera un peu plus. Il prévoit la refonte totale de la logistique et la création d'une nouvelle unité industrielle, pour expédier les colis en un temps record, 2 heures chrono contre 24 heures aujourd'hui, soit la suppression d'ici 2017 de plus de 57 % du personnel (de 1 280 à 550), essentiellement des AO et une dégradation des conditions de travail pour ceux qui seront épargnés dont beaucoup de mères de famille isolées (flexibilité accrue, travail sept jours sur sept).
« Pôle emploi ou le bagne ! Merci Pinault ! » résume à la sortie de l'usine, dans la colère et les larmes, Leïla. Elle est « prépa » (préparatrice de commandes) au ramassage des « PA » (petits articles), le service le plus impacté, « le pire service, le plus physique et moral, douze kilomètres de marche par jour dans l'atelier à conduire une charrette pleine ». Tandis qu'un transporteur portugais cherche la frontière belge, toute proche, elle parle avec sa collègue Rabhia du « tsunami social ». Le débat dans les ateliers depuis des mois. Leila vit « très mal » la période, « comme si (elle) sautait d'une falaise sans parachute ».
Elle se demande ce qu'elle va valoir, à 42 ans sur le marché du travail, « flinguée » par vingt ans de TMS, dans ce Nord-Pas-de-Calais, « champion de France du chômage » avec près de 400 000 chômeurs. Elle a donné sa vie, sa santé à « Redoute ». Comme son père, sa mère, ou encore son mari. Ce dernier a senti le vent tourner, est « parti voir ailleurs » il y a quelques années constatant la fonte des effectifs dans les services, des licenciements déguisés par la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences), l'outil de dégraissage du cybervendeur passé en dix ans de 6 300 salariés à 2 400 sur Roubaix-Wattrelos-Tourcoing.
Rabhia, 53 ans, craint « le pire » : la mort de « Redoute » après 2017. Elle ne croit pas au business plan des repreneurs, pense que « Pinault a refilé le sale boulot à Balla, pour ne pas salir son nom dans le monde du luxe, que la menace du dépôt de bilan et de ne plus couvrir les dettes était un coup de bluff ». Elle a « googlélisé » la nouvelle patronne, « Madame plus », « personnalité e-commerce » de l'année 2011, et rencontré par hasard un ancien commercial du VPC Klingel en Allemagne. « Il m'a dit que c'était une spécialiste du nettoyage d'usines. Elle a liquidé Klingel et là-bas, les salariés n'ont même pas pu broncher. Ils sont partis avec rien », raconte-t-elle.
Comme beaucoup de leurs collègues de la Martinoire, bastion de la lutte, Leila, ex-CFDT, et Rabhia, cégétiste, voudraient continuer le combat, les AG, les grèves, mais la signature de la CFDT, le 24 mars, a été un coup d'arrêt. Après des mois de mobilisation, à perdre 200, 300 euros sur leur bulletin de salaire (1 100 euros net), aux cris de « Pinault, voyou, La Redoute est à nous ! », elles s'avouent « sonnées ». Jean-Christophe Leroy, le délégué CGT, aussi. « Cette fin de conflit, c'est comme un TGV qui s'arrête en pleine voie. On est tous KO, même les syndicalistes. Ce n'est pas simple à gérer pour les pro comme les anti-signature. La Redoute, ce n'est pas une usine qui ferme comme PSA-Aulnay mais une entreprise qui licencie la moitié de son effectif. Ce n'est pas l'industrie mais le commerce, c'est encore plus compliqué de mobiliser. Il y a ceux qui partent, ceux qui restent, ceux qui veulent se battre, ceux qui sont résignés, qui préfèrent ne pas bouger en pensant qu'en rasant les murs, leur service sera préservé. »
« Cette cession est très douloureuse, qu’on soit condamné ou en sursis. C'est un livre qui se ferme et un autre qui s'ouvre sans qu'on sache si on va réussir à l'écrire. » Nora Miloudi file à son tour la métaphore. Elle est la secrétaire du comité d'entreprise, à la tête d'un budget de près de 700 000 euros dont la moitié sert à financer la mutuelle, le reste va « à la solidarité, à donner du soleil aux salariés, des classes populaires et moyennes étranglées par la crise, des familles avec un seul salaire qui finissent le mois aux Restos du cœur ». Elle leur organise des journées à Paris à 5 euros, au parc Astérix à 12 euros, des vacances à prix réduits qui profitent autant aux agents opérationnels qu'au personnel d'encadrement... Elle a aussi embauché deux assistantes pour l'aider, « deux femmes discriminées au travail par l'âge, la couleur » : Ugnès, 22 ans, originaire du Congo et Marie-Christine, 59 ans, senior au chômage depuis son licenciement.
Pilier de la CFDT qu'elle vient de quitter pour FO, « bien avec les cadres comme avec les ouvriers », elle voit, semaine après semaine, « les dégâts de la restructuration sur les individus ». Ce vendredi 11 avril, le CE s'est réuni pour donner son avis (qui n'est que consultatif) sur les mesures sociales, dernier acte validant la cession qui sera effective fin avril. Un seul a voté pour : l'élu de la CFE-CGC. Nora Miloudi n'a pu être présente. La secrétaire adjointe du CE Fatima Derrouaz l'a remplacée. Elle et neuf autres délégués dont 4 de la CFDT ont émis un avis défavorable. La chef de file du CE n'en démord pas : « Un référendum aurait apaisé le climat social. Une signature dans la douleur, c'est contre-productif. Aujourd'hui, il faut gérer l'après-conflit. On est tous mal. Même ceux qui ont mis la pancarte, “signons pour l'avenir de la Redoute”, se demandent ce qu'ils vont devenir demain. »
Pour Nora Miloudi, dont la petite sœur et le mari travaillent à « Redoute », «notre résidence principale à tous», « la famille Redoute » s'est fracturée le 21 mars, « un vendredi noir », dit-elle encore « choquée ». C'était le premier jour du printemps, l'avant-veille du premier tour des municipales. Des cris, des bousculades, des invectives, « traîtres », « moutons »... À Roubaix, rue de Blanchemaille, au siège historique, les classes laborieuses se sont affrontées sous les caméras de télévision et la surveillance disproportionnée de dix-sept cars de CRS munis de canons à eau tandis que derrière les murs de brique, le bras de fer se jouait entre les organisations syndicales et le groupe Kering.
D'un côté, une partie de l'encadrement sous pression de la direction et de son syndicat la CFE-CGC qui avait diffusé un tract rappelant que les ouvriers n'avaient pas le même cursus scolaire que les cols blancs. De l'autre, principalement les « AO » de la Martinoire mais aussi des cadres. Les premiers appelaient les syndicats à vite signer l'accord social, « on a déjà beaucoup obtenu », pour confier les clés du navire à la dérive aux deux repreneurs. Sinon, c'est la mort rapide de l'entreprise debout depuis 1873. L'administratrice judiciaire avait brandi la menace par mail dans l'après-midi aux représentants du personnel.
Les seconds imploraient de ne surtout pas signer en l'état actuel des négociations, de continuer la lutte, de ne pas céder au chantage à l'emploi. Ils jugeaient les conditions de départ des salariés insuffisantes (20 000 euros de prime de licenciement, 750 à 1 200 euros par année d'ancienneté, 12 mois de reclassement), réclamaient 40 000 euros de prime plancher, 36 mois de reclassement soit une rallonge de 60 millions d'euros s'ajoutant aux 180 millions d'euros qu'injecte le groupe Kering dans une fiducie pour financer le plan social, une somme dérisoire, disaient-ils, pour Pinault qui a engrangé quatre milliards et demi de fortune personnelle l'an dernier.
Dans le camp des « nonistes », ce jour-là, il y avait la CGT, Sud, un bataillon de la CFDT qui n'avait pas encore « trahi » et « les Redoutables », « le cinquième syndicat de la Redoute » comme on appelle ce collectif de salariés syndiqués et non-syndiqués capable de mobiliser du monde en un temps record par SMS et par Facebook. Sa devise : force, rigueur, solidarité. Né en janvier, au plus fort de la bataille, sous les entrepôts de la Martinoire, il fédère 200 personnes, une majorité d'ouvriers, a l'expérience du plan social de 2008 (678 postes supprimés) et a su s'imposer jusque dans les négociations, bousculant, dépassant, de leurs propres aveux, les syndicats.
Le 29 mars, cinq jours après la signature, ils sont allés au concert de HK et les Déserteurs à la Condition publique, la manufacture culturelle de l'ancienne capitale du textile, un bâtiment à l'architecture unique qui servait au conditionnement de la laine et des soies. Kaddour Haddadi, le chanteur, enfant de Roubaix, les a fait monter sur scène pour un ultime « On lâche rien » face aux patrons millionnaires.
Coralie, 33 ans dont douze à « Redoute », fait partie de ce noyau dur qui, écrasé médiatiquement par la fronde des bonnets rouges bretons, à l'automne dernier, a coiffé le bonnet vert pour exister dans les médias sans connaître le même succès. Elle s’était syndiquée à la CFDT peu avant le conflit parce qu’elle a « des amis délégués » mais elle vient d’envoyer sa démission, « dégoûtée par le syndicalisme après la trahison de Jean-Claude (Blanquart) ».
Elle travaille à Roubaix à la Relation clients, habite Lallaing près de Douai à 45 minutes de voiture et craint « le chômage autant que la nouvelle réorganisation du travail ». Alors elle prend les devants, a demandé un bilan de compétences, « cherche où faire carrière », plus près de chez elle, pour économiser les frais d'essence. « Il est fini le temps où on entre à Redoute comme dans la fonction publique », lui répète sa mère, « une fille de la Martinoire ». Elle part en pré-retraite dans quelques jours à 57 ans après 41 ans d'ancienneté avec bientôt la médaille d’or du travail, une petite pension et le cœur lourd de voir « la famille Redoute brisée par Pinault ».
De son côté, Jean-Claude Blanquart, le délégué central CFDT, a écrit un long courrier aux adhérents et diffusé un tract en interne qui scandalisent ses anciens camarades où il justifie la signature. À Mediapart, il concède que « la CFDT fait plus de compromis que d'autres », explique « songer à prendre du recul » avec le syndicat et l’entreprise, pour s’occuper de son autre famille, sa femme, ses enfants, ses petits-enfants. À cran : « Je me suis investi 38 ans dans cette société, 28 ans à la CFDT. J’ai côtoyé des milliers de personnes et aujourd’hui, on me traîne dans la boue. » Pour ce réformiste pragmatique, qui « vote de plus en plus écolo », « le climat est pourri par Pinault qui a annoncé le plan social à la veille des élections municipales mais aussi par les politiques qui ont instrumentalisé notre situation pour ramasser des voix ».
Dans toutes les villes plombées par la restructuration du premier employeur de la métropole lilloise, il a reconnu sur les listes de gauche (mais pas seulement) des salariés et des syndicalistes. Dont quatre personnes en particulier : Nora Miloudi, la secrétaire du CE, sur la liste du député-maire Dominique Baert (exclu du PS après les législatives de 2012 et grand ami de Manuel Valls) réélu au premier tour ; Jean-Christophe Leroy et Fabrice Peeters de la CGT sur les listes Lutte ouvrière à Villeneuve-d'Ascq et Roubaix ainsi que l'avocat des organisations syndicales, encarté au PS, Mario Califano, candidat malheureux à Croix, restée à droite, où un autre géant nordiste de la vente à distance, Les Trois-Suisses, vient d’annoncer deux cents suppressions de poste, la mort du catalogue et le passage au 100 % web.
« Certains ont fait campagne en promettant que la Redoute ne licencierait personne s’ils étaient élus ! » accuse Jean-Claude Blanquart. Une élue trouve grâce à ses yeux dans la gestion du dossier Redoute, du début à la fin : Martine Aubry, la maire de Lille, qui devrait perdre le 18 avril la présidence de la métropole, la droite ayant renversé Roubaix, Tourcoing, grâce aux querelles intestines du PS local, à l’impopularité du gouvernement sanctionné par son électorat et à l’abstention record.
Cela fait sourire Jean-Christophe Leroy, le délégué CGT, militant LO bien avant d'être salarié à La Redoute : « Au début du conflit, Aubry a montré les muscles mais dès que le nom du repreneur a été connu, elle a déclaré partout qu’on avait assez obtenu, qu’il fallait signer l’accord social, reprendre le boulot. Elle nous avait notamment promis des places pour le match de Lille contre Rennes, le club de Pinault. Deux jours avant, elle nous a plantés. On est quand même allés dérouler notre banderole mais on a payé nos places. »
Nora Miloudi ne veut pas surenchérir. Elle n’a jamais fait de politique, « ni demandé à figurer sur une liste, on est venu (la) chercher». Une dicussion avec la secrétaire du PS local et elle a dit “oui" pour incarner la voix des « petits-moyens ». Ces ouvriers-employés-agents de maîtrise-cadres qui grondent en silence puis dans les urnes, quand l’échéance électorale tombe, en ne votant pas, en ne votant plus, ou en votant les extrêmes, « seule manière de se faire entendre là-haut ». Elle a vu les ras-le-bol et les aigreurs s’accumuler à La Redoute à cause du plan social, de la hantise du chômage, de la baisse du pouvoir d'achat, du SMIC pas revalorisé, du matraquage fiscal, du mariage pour tous qui passait avant un emploi pour tous... « Des salariés m’alpaguaient, me demandaient “Alors le changement, c’est quand ? On nous a menti, on a voté Hollande pour combattre la finance mais elle nous gouverne toujours ”. Il y a une vraie exaspération du politique quel que soit le bord. Les gens ne supportent plus le fossé entre les discours et la réalité une fois au pouvoir. »
Moins paumée dans son nouveau rôle que les six conseillers FN sortis de nulle part – et qui ne s'attendaient pas à siéger si nombreux au conseil municipal de Wattrelos après avoir raflé 20 % des suffrages au premier tour – , elle s’est vu confier la délégation à l’emploi. L’emploi, la préoccupation numéro un des Français. C’est pour elle bien plus urgent que de laver le linge syndical. « Jean-Claude, c’était un ami », dit-elle seulement. Il était venu solliciter celle qui est aussi l'amie de son ex-femme en 2000. C’était pour reconstruire la CFDT au lendemain d’une autre signature dans la douleur : l’accord sur les 35 heures qui accentuait la flexibilité et la précarité. L’équipe avait implosé. La majorité frondeuse était partie créer Sud et Jean-Claude Blanquart se retrouvait seul avec son beau-frère et deux autres délégués...
BOITE NOIRECe reportage a été réalisé du 31 mars au 5 avril sur le bassin de Roubaix. Toutes les personnes citées sauf mention contraire ont été rencontrées ou jointes par téléphone. Alain Dieudonné, le délégué de la CFE-CGC, et Thierry Bertin, de Sud, n'ont pas retourné mes appels ainsi que la direction de La Redoute.
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