Si l’on en croit les réponses de Ségolène Royal à un questionnaire de Greenpeace en 2011, c’est la reine de l’écologie qui vient d’entrer à la troisième place du gouvernement (lire ici le document dans son intégralité). Elle s’y déclare favorable à la sortie « irréversible » du nucléaire d’ici 40 ans, à sa réduction à 50 % de la production d’électricité avant 20 ans, à l’abandon du chantier de l’EPR à Flamanville et la reconversion du site en laboratoire du démantèlement. Elle souhaite aussi la fin des exportations de réacteurs nucléaires, de la filière MOX, du site de stockage des déchets ultimes à Bure et s'oppose au développement du nucléaire de 4e génération. Une profession de foi anti-atome presque chimiquement parfaite.
Elle souhaite aussi la commande d’une nouvelle enquête d’utilité publique au sujet du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, ce qui correspond à la première demande des associations d’opposants. En résumé, à en croire son équipe en préambule : « Pour Ségolène Royal, la social-écologie est l'engagement de toute une vie. » Elle s’est aussi publiquement prononcée contre la culture des OGM en plein champ (à la différence du nouveau premier ministre Manuel Valls), contre le recours à la fracturation hydraulique et les forages de gaz de schiste (au moins à court terme).
Ségolène Royal sera-t-elle la ministre de la transition écologique ?
Numéro trois du gouvernement, dotée d’un portefeuille large (avec l’énergie) mais encore flou (quid des transports ?), elle est créditée par le porte-parole de France nature environnement, Benoît Hartmann, de « savoir gagner ses arbitrages politiques et d’être plutôt une aide au changement de modèle politique ». Mais elle a contre elle d’être la quatrième ministre de l’écologie en deux ans, aucun autre sujet n’a connu un tel turn-over. « Qui décidera vraiment au sein du gouvernement de la politique énergétique, la ministre de l'écologie et de l'énergie ou le ministre de l'économie Arnaud Montebourg, celui des finances Michel Sapin ou encore Manuel Valls ? » s’interroge Greenpeace.
« J’ai l'ambition de faire de la France la première puissance écologique d’Europe », proclamait en 2007 la candidate à l’élection présidentielle dans son « pacte » (à retrouver en cliquant ici). Sept ans plus tard, le camp écologiste lui reconnaît des compétences et des réussites dans sa région Poitou-Charentes : la régionalisation des transports, la gestion de l’eau, le soutien au conservatoire régional des espaces naturels, l’adoption d’un objectif de 23 % d’énergies renouvelables, un plan d’économies d’énergie dans les logements, un plan de soutien à l’énergie solaire en 2009. Seul bémol signalé par Poitou-Charentes Nature, une association de défense de l’environnement membre du réseau FNE : le soutien aux agrocarburants par le développement d’une usine de transformation de colza en diesel.
Royal défend une vision très sociale-démocrate de l’écologie : contre le dérèglement climatique (pour les économies d’énergie et les renouvelables), pour une moindre dépendance aux hydrocarbures, mais pour la croissance, la hausse du pouvoir d’achat, et la réindustrialisation du pays. C'est au diapason de la pensée du développement durable. La social-écologie plutôt que l’éco-socialisme ou la planification écologique prônée par la gauche des écologistes. Seule taxe qu’elle a défendue : en 2007, la création d’un prélèvement exceptionnel sur « les superprofits » des pétroliers pour développer les transports collectifs. Elle a aussi critiqué la hausse des tarifs de l’électricité (dont l’arbitrage échappe au ministère de l’écologie) et réclamé plus de transparence sur les comptes d’EDF (voir ici).
Elle se montre plutôt opposée à la fiscalité écologique : contre la taxe carbone sous le ministère Borloo, sceptique sur la contribution climat énergie introduite dans la loi de finances 2014 – et mise en œuvre depuis début avril. Elle est aussi peu allante sur le rattrapage fiscal du diesel par rapport à l’essence : « On a encouragé les Français pendant des années à acheter des voitures diesel, on ne va pas du jour au lendemain leur taper sur la tête avec un impôt supplémentaire. Je considère que l’écologie ne doit pas être punitive », déclarait-elle en mars 2013. La succession d’alertes sur la pollution de l’air de Paris et de certaines autres grandes villes fait pourtant du diesel un dossier à traiter en priorité par son ministère. Pour endiguer le rejet de microparticules néfastes pour la santé, elle s’est dite favorable au stationnement gratuit pour les voitures électriques.
Sur l’écotaxe, elle a changé de position avec les années. D’abord favorable à la création d'une « éco-redevance poids lourds » (61e proposition de son pacte présidentiel en 2007), elle a condamné l’écotaxe en novembre 2013, parlant d’« une mesure totalement absurde ». Jeudi 3 avril, elle a appellé à une « remise à plat » de l'écotaxe, pour l'une de ses toutes premières sorties en tant que ministre du gouvernement Valls. Même sentiment de flottement sur le nucléaire. En mars 2011, juste après la catastrophe de Fukushima, elle s’en était prise aux écologistes qui réclamaient l’inscription au programme de la gauche d’un référendum sur le nucléaire : « Je pense qu’il y a un délai de décence et de respect. » Cette sortie lui avait valu la réplique courroucée de Cécile Duflot, alors secrétaire nationale d’EELV : « Ce qui est monstrueusement indécent, madame, ce sont ces propos ; les Verts alertent sur le risque depuis trente ans !»
Encore ministre, Philippe Martin refusait de s’exprimer publiquement sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Ségolène Royal, elle, n’a pas manqué une occasion de le critiquer ces derniers mois : « Notre-Dame-des-Landes sera très difficile à faire », déclarait-elle en mai 2013 au Parisien. Et encore : « Ça ne se fera pas s’il y a des levées de boucliers sur le terrain et si les gens sont farouchement attachés à leur territoire », a-t-elle rajouté sur un plateau du site l'internaute.com. Alors que son prédécesseur était taiseux, avare en conférences de presse et en commentaires, Ségolène Royal démarre son mandat par l'annonce d' une première mise en scène de communication : l’arrivée à l’hôtel de Roquelaure pour la passation de pouvoirs en Mia Electric, voiture fabriquée dans les Deux-Sèvres par un fabricant en liquidation judiciaire depuis mars.
BOITE NOIRECet article a été actualisé le 3 avril vers 17h30 pour intégrer la déclaration de Ségolène Royal sur la remise à plat de l'écotaxe.
Je n'ai pas assisté à la passation de pouvoir entre Philippe Martin et Ségolène Royal mercredi 2 avril, mais un témoin me fait savoir que la nouvelle ministre n'est pas arrivée en "Mia electric", mais en Renault gris metallisée.
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