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Robert Ménard, la dérive de l'activiste de RSF

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C’était avant d’être élu maire, soutenu par le Front national, à Béziers. Avant de publier Vive Le Pen ! et Vive l’Algérie française !. Avant sa carrière de polémiste sur RTL et i-Télé et ses propos sur l’islam (ici ou) ou l’homosexualité (ici ou ). Jusqu’en 2008, Robert Ménard a été le secrétaire général de Reporters sans frontières, qu’il a créé en 1985 avec trois copains de Montpellier.

Le journaliste ne parlait pas des Le Pen ni d’un Béziers occupé « par des pauvres, des Maghrébins, des Gitans ». Mais il a, pendant 23 ans, défendu une conception sans frontières de la liberté d’expression, qui lui a permis ensuite de justifier le droit à s’exprimer de personnages négationnistes, antisémites et racistes. Tour d’horizon de ses années RSF.

Marion Maréchal-Le Pen venue soutenir Robert Ménard, à Béziers, le 13 décembre 2013.Marion Maréchal-Le Pen venue soutenir Robert Ménard, à Béziers, le 13 décembre 2013. © dr

L’année prochaine, Reporters sans frontières fête ses 30 ans, et cet anniversaire inquiètent déjà certains de ses membres. Comment le célébrer « sans son fondateur », qui plus est près de Béziers, ville qu'il vient de conquérir ce dimanche 30 mars avec 47% des voix dans le cadre d'une triangulaire? En public, le discours des dirigeants de l'ONG est le même : « Ménard c’est Ménard, RSF c’est RSF. » « Il a porté et incarné l’organisation pendant 23 ans. Depuis 2008, il n’y exerce plus aucune fonction et n’a plus de contact institutionnel. Il appartient au passé », tranche Christophe Deloire, actuel secrétaire général de l’organisation. Le journaliste Alain Le Gouguec, président du conseil d’administration de RSF, explique que leur « position, c’est de parler le moins possible de lui. Cela nous a beaucoup plombés. On veut qu’on cesse d’associer notre action à lui. »

Le 30 mai, la dépêche AFP, titrée sur l’« ancien de Reporters sans frontières » devenu candidat soutenu par le FN, a fait une mauvaise pub à l’organisation. « Il faut du temps pour décoller l’étiquette. Mais on ne réécrit pas le passé, je ne vais pas l’enlever de la photo comme Staline », dit Deloire, qui estime que « RSF n’est ni de gauche ni de droite » et n’a « pas à dire que c’est mal de voter FN ». Au printemps 2013, la présidence d’honneur de RSF international a tout de même été retirée « à l’unanimité » à Robert Ménard. « Il était très en colère quand il l'a appris. On n’a pas communiqué là-dessus », relate un membre de RSF.

Des anciens de l’ONG ont voulu frapper plus fort. Dans une tribune publiée dans Libération, onze ex-RSF, dont l’ancien secrétaire général Jean-François Julliard, évoquent le « naufrage » de « l’homme pour lequel (ils avaient) du respect », après s’être « accrochés à l’espoir d’un malentendu, d’une erreur de parcours ». « Chacun d’entre nous (...) combattra à sa manière tes idées d’extrême droite », écrivent-ils.

« Il a toujours détesté les gens tièdes et aimé les extrêmes. Mais il s’est engagé dans une défense sans limite de la liberté d’expression, en excusant les extrêmes, dans une spirale de radicalisation où l’on ne peut pas le suivre », estime Vincent Brossel, arrivé à RSF en 1999 et responsable du bureau Asie jusqu’en 2010 (lire notre boîte noire). « Robert, tu es devenu indéfendable, tu nous mets dans la merde, tous ces gens qui se sont battus pour toi ! » lui a lancé un ancien ami de trente ans de RSF.

« Si j’avais été soutenu par le Front de gauche, qui a soutenu les pires ennemis qu’on rencontrait au jour le jour en Chine, est-ce qu’ils auraient écrit une tribune ? », réplique aujourd’hui Robert Ménard, en affirmant à Mediapart n’avoir « aucune référence d’extrême droite, c’est une bêtise ! ».

À l’époque de Reporters sans frontières, Ménard semble loin du Front national. Il sort d’une « jeunesse rebelle », « de gauchiste », racontent ses anciens camarades. Six années à la LCR, un passage à la CFDT puis au Parti socialiste, qu’il quitte « en 1981 ». « Il parlait de ses “copains” Cohn-Bendit, Mamère, Krivine, qu’on invitait toujours à RSF d’ailleurs », se rappelle un autre ancien pilier de l’organisation, qui a « toujours considéré que Robert était un type de gauche car son univers de références, c'était à 90 % des gens de gauche ».

Jusqu’en 2007 en tout cas. Cette année-là, leur meneur leur annonce « tout fier » qu’il votera François Bayrou au premier tour. « Au second tour, il a voté Sarkozy. Il pensait qu’il allait faire une politique différente par rapport aux droits de l’homme en Chine et en Russie. Il s’est rapidement rendu compte que ce n’était pas le cas. Mais il est vite déçu, Robert. »

L’histoire racontée par le fondateur de RSF est celle d’un « malentendu avec les journalistes ». « Il y a longtemps que je n’étais plus de gauche, simplement des journalistes ne peuvent pas penser une seconde qu’on puisse défendre la liberté et les droits de l’homme si on n’est pas de gauche. » « J’ai évolué parce que je vois que le monde évolue », reconnaît-il, en refusant de se situer sur un axe gauche/droite. Il explique avoir voté Nicolas Dupont-Aignan au premier tour de 2012 tout en étant « en désaccord avec ce qu’il dit sur l’Europe ». « J’essaye de bricoler, je n’ai pas un parti avec lequel je suis d’accord. Je fais une campagne que je ne situe ni à droite, ni à gauche. »

Robert Ménard venu salue Marine Le Pen à l'aéroport de Montpellier, le 18 janvier.Robert Ménard venu salue Marine Le Pen à l'aéroport de Montpellier, le 18 janvier. © Capture d'écran d'un article du Midi Libre.

Lorsqu’on remonte le temps, d’anciens amis et collègues de RSF dressent le même portrait. Celui d’un type qui « avait des idées qui dérangent, mais pas quelqu’un d’extrême droite », affirme Vincent Brossel. « Dans les discussions, d’un seul coup il balançait un truc à l’emporte-pièce et disait : “Non mais, qu’est-ce que t’en penses ?” Il voulait susciter un débat, qu’on lui apporte la contradiction », raconte un ancien ami. « On n’a pas vu le danger. On était embarqués dans autre chose, on s’attachait à ce qui nous semblait alors l’essentiel à RSF. On a peut-être eu tort. »

Dans ces discussions, ils étaient « plusieurs à penser que c’était de la provoc, que Robert ne pensait pas ce qu’il disait. Jamais on aurait imaginé ce parcours », raconte un ancien, qui ne l’a « jamais senti attiré par le FN » : « Il ne parlait pas de Le Pen, de la religion, de l’homosexualité comme il l’a fait après RSF. Je ne me souviens que de sa justification de la peine de mort, “dans certains cas”, il citait à chaque fois Marc Dutroux. »

Si la mutation du fondateur de RSF s’est faite « graduellement », plusieurs de ses ex-camarades relèvent un « avant et un après » sa rencontre en 2000 avec sa femme Emmanuelle Duverger, juriste et catholique pratiquante. Ménard reconnaît « de l'influence » mais pas un tournant. « Quand je l'ai rencontrée, elle était chargée de l’Afrique à la Fédération internationale des droits de l’homme, c'est dire si elle était loin de moi ! » ironise-t-il. 

En 1999, Robert Ménard est arrêté par la police alors qu'il manifeste contre la visite du président chinois.En 1999, Robert Ménard est arrêté par la police alors qu'il manifeste contre la visite du président chinois. © Reuters

« Lui qui ne parlait jamais de religion est devenu très content d’accompagner à la messe leur fille, inscrite dans une école catholique. Il a basculé dans l’autre modèle de pensée. Il s’est mis à tout penser à travers le prisme de sa fille, “si ça arrivait à ma fille…” », relate un ancien de l’ONG. « Sa femme l’a encouragé à dire ce qu’il avait sur le cœur, à ouvrir la boîte », pense un ancien qui a fréquenté le couple.

La « boîte » est ouverte à l’occasion d’un premier épisode, décrit par des anciens de RSF comme un « choc en interne ». La venue dans les locaux de Reporters sans frontières du négationniste Robert Faurisson, maintes fois condamné pour avoir nié l’existence des chambres à gaz. « On s’est dit : “Ce n’est pas possible, qu’est-ce qu’il fait là?!” » se souvient cet ancien salarié présent. « Cela a donné lieu à une réunion houleuse, on lui a dit que ce n’était pas acceptable », raconte Vincent Brossel, qui évoque une « collègue d’origine juive qui l’a gardé en travers de la gorge »« Pendant une demi-journée, certains n’ont pas travaillé et menacé de se mettre en grève. Il nous a répondu “ça n’engage que moi, RSF n’y est pas mêlé”, “je dis juste que ce monsieur a le droit de s’exprimer”. »

Lorsqu’on évoque l’épisode, Robert Ménard sort de ses gonds. « C’est quatre minutes dans l’histoire de Reporters sans frontières, c’est vrai que c’est important ! Faurisson est venu à RSF, il a demandé à me voir. J’étais étonné de le voir arriver, et plus qu’ennuyé. Je me suis dit “quoi, je le laisse à la porte ou je le fais rentrer ?” Il arrive dans mon bureau, il me dit : “Vous me défendez ?”. J’ai dit : “Non, je défends votre droit à vous exprimer”. »

Le livre coécrit avec sa femme Emmanuelle Duverger, en janvier 2003.Le livre coécrit avec sa femme Emmanuelle Duverger, en janvier 2003.

L’ex-professeur des universités n’a pas débarqué complètement par hasard, mais après la publication en 2003 de La Censure des bien-pensants, dans lequel le duo Ménard-Duverger demande l’abrogation de la loi Gayssot (réprimant les actes racistes et antisémites) qu’ils considèrent comme « un texte inique, indigne d’une démocratie ».

Leur chapitre 4, intitulé « Faurisson doit pouvoir s’exprimer », s’ouvre sur ces phrases : « Les révisionnistes ont raison. Ils font l’objet d’une véritable chasse aux sorcières, victimes de ce qu’il faut bien appeler une police de la pensée, un détournement du droit. » « Que leurs affirmations soient contredites par tout ce que l’on sait aujourd’hui de la Solution finale n’est pas ici en question », précisent les auteurs, tout en dénonçant « le traitement que la justice française leur réserve », une « chasse à l’homme » destinée à « museler les inconvenants » avec les « ressorts du droit ».

« Je n’ai jamais défendu Faurisson. J’ai écrit un livre où je condamne les lois mémorielles.  Ça n’a rien à voir avec ce qu’on pense du fond », souligne Ménard qui voit dans cet ouvrage « une synthèse de ce que disait RSF ». Partisan du premier amendement de la Constitution américaine, « voltairien tout le temps », Ménard rabâche son principe : « défendre le droit de s’exprimer aux gens quel que soit leur point de vue ». Et brocarde ceux qui « sont pour la liberté d’expression, mais pour leurs amis ».

Sa vision est pourtant à géométrie variable. Dans son livre de 2003, il liste, sur 165 pages, des « censures » de « propos racistes, sexistes, négationnistes, obscènes » – des condamnations des révisionnistes à une « blague pédophile » dans le collimateur du CSA, en passant par la polémique de l’abbé Pierre lorsqu’il accuse le « lobby sioniste international », « une expression taboue », dit Ménard. Il fustige aussi « un nouvel ordre moral jusque dans la littérature et ses personnages de fiction » et une politique de « l’autruche » « dès qu’on aborde la sexualité ». En 2010, le même Ménard s’opposera à la diffusion en CM1 et CM2 d’un film d’animation visant à lutter contre l’homophobie, qui met en scène deux petits poissons tombant amoureux. « Je refuse que mes enfants voient ça (...) Oui, moi j’ai envie que mes enfants aient une sexualité hétérosexuelle », dit-il sur Paris Première (voir à 4'50) :

« Avec ce livre, non seulement on a découvert des pensées qu’on ne lui connaissait pas, mais aussi qu’on n’était professionnellement plus en phase avec lui s’il allait jusque-là pour défendre la liberté d’expression », relate un ex-RSF. Cela lui permettait de défendre tout. On ne voulait pas mettre notre énergie au service de certains personnages, lui s’est mis à les défendre, les Soral, Dieudonné, et à faire des choses sans qu’on le sache. »

Plusieurs épisodes ont ensuite interrogé ses collègues. En 2003, le fondateur de RSF s’engage à fond contre Castro jusqu’à se rapprocher d’une diaspora cubaine jugée « extrémiste » par certains de ses collègues. L’année suivante, en pleine Révolution orange, il se rend à Kiev avec l’homme d’affaires Omar Harfouch, proche du pouvoir. Il suscite une polémique en rendant visite à Ianoukovitch, premier ministre pro-russe, dont le régime autoritaire est déjà critiqué par les organisations de défense des droits de l'homme, et sans rencontrer le candidat de l'opposition, victime d’une tentative d’empoisonnement.

En 2006, son équipe découvre qu’il est parti au Liban défendre Al-Manar, la chaîne de télévision du Hezbollah, après les bombardements israéliens. « Certains programmes appelaient à tuer des juifs, c’était de l’appel au meurtre. Il nous a répondu que pour être entendu il fallait être sur la ligne de crête », se souvient l’un d’eux. Ménard, lui, répond qu’il a toujours « appliqué à la lettre la ligne de RSF – défendre quelqu’un sans partager ses opinions –, en Chine, à Cuba, partout ».

En 2007, nouveau tollé. Sur France Culture, interrogé sur le cas de l’otage Daniel Pearl, il justifie l’usage de la torture sur des proches des ravisseurs : « Je ne dirai pas qu’ils ont eu tort de le faire parce que (Marianne Pearl), elle a pensé que c’était bien de le faire, (...) sauver son mari ; elle était enceinte… pour le petit qui allait naître, tout était permis. (...) Légitimement, moi, si c’était ma fille que l’on prenait en otage, il n’y aurait aucune limite, je vous le dis, je vous le dis » (écoutez sa réponse intégrale ici).

Des limites qu’il ne posait pas non plus dans certains financements de son ONG. À l’époque, l’argent vient de la vente d’albums (distribués gratuitement par les NMPP, en partie filiale du groupe Lagardère) et de produits divers, mais aussi du milliardaire François Pinault, du laboratoire Sanofi-Avantis, et de subventions américaines – le National Endowment for Democracy (NED), un think tank de droite, le Center for a Free Cuba.

En 2004, RSF accepte un don de 10 000 euros d’Omar Harfouch, « un ami du colonel Kadhafi », concède alors Ménard, mais « aussi un ami de RSF, qui répond toujours présent lorsqu'on le sollicite ». En 2007, c’est grâce à la générosité de l'épouse de l'Émir du Qatar qu’il crée un centre pour la liberté d'information à Doha (qu’il quittera un an et demi plus tard). « Il nous a dit “c’est une opportunité qu’il faut saisir, j’ai dicté mes conditions”. Il a fini par remporter le morceau », se souvient un membre du conseil d’administration. Robert Ménard défend lui une « une approche pragmatique des choses ».

« Sa logique, c’était “on s’en fiche de qui sont les gens, s’ils veulent nous donner des moyens” », explique Vincent Brossel, qui rappelle aussi qu’« à RSF, on n’avait pas le droit de critiquer les médias ». Ce thème sera pourtant au cœur du livre de Robert Ménard, Vive Le Pen, en 2011. « Je suis pas un redresseur de torts de la presse », « mon boulot, c'est de faire sortir des gens de prison », justifiait-il à Libération en 2008. Pour faire décoller RSF, il fallait des relais médiatiques et des fonds. Alors il a « réseauté » auprès de la grande presse et ses patrons, et abandonné le volet critique des médias.

Robert Ménard lors de l'allumage de la flamme olympique en Grèce, avant les JO de Pékin de 2008.Robert Ménard lors de l'allumage de la flamme olympique en Grèce, avant les JO de Pékin de 2008. © Reuters

« Par principe, Robert parle avec tout le monde, même ceux qu’il déteste. Mais durant son mandat, cela n’a, en aucune manière influencé la ligne de RSF », explique l’un de ses amis, Olivier Basille, directeur de RSF Belgique, qui l’a aussi côtoyé à la revue Médias.

« On défendait des gens de toutes obédiences », « il n’y a pas eu de radicalisation de RSF », estiment les anciens de Reporters sans frontières, qui reconnaissent aussi l’action du maître de l'agit-prop à RSF, son « sacré tour de force » d’avoir monté cette ONG, lui le journaliste au Petit Biterrois et à Radio France Hérault. « Il a été pris de haut en arrivant avec son accent du Midi et sans parler anglais, se souvient un historique de RSF. C’était un général qui prenait la tête de ses troupes, il n’était pas derrière. Il a passé son temps à sauver des vies humaines, au péril de la sienne. En Haïti, il a failli être tué. Il a hébergé chez lui des opposants tunisiens. Dans la Tunisie de Ben Ali, il se faisait virer et des choses dégueulasses étaient écrites sur lui, “pédophile”. »

À RSF, tout le monde rappelle évidemment le coup d’éclat des JO de Pékin, en 2008. L’ONG a perturbé l’allumage de la flamme olympique et a piraté une fréquence FM. « Il a réussi une action extraordinaire le jour de la cérémonie, raconte le même ancien. Grâce à des bâtons de marche avec des émetteurs miniaturisés, on a diffusé en plein cœur de Pékin vingt minutes de messages sur la liberté d’expression. Après, il a été menacé de mort, sa famille aussi, placé sous protection policière. »

« Il s’est battu des mois pour obtenir une commission d’enquête sur l’assassinat du journaliste burkinabè Zongo », raconte Vincent Brossel. « Il a fait d’excellentes choses. Quand je voyage, je rencontre des gens qui se souviennent avec émotion ce que RSF et Robert ont fait pour eux », reconnaît Christophe Deloire. « J’ai juste permis la libération de centaines de journalistes pour lesquels un certain nombre de vos confrères n’ont pas levé le petit doigt, se félicite aujourd’hui le fondateur de RSF. Appelez Florence Aubenas, elle vous dira ce qu’on a fait pour elle ! »

Le numéro 21 de la revue Médias de 2009.Le numéro 21 de la revue Médias de 2009.

Dans ses dernières années RSF, Robert Ménard a préparé la suite. Il passe alors une grande partie de son temps à la revue Médias, sa « nouvelle danseuse », qu’il dirige avec sa femme. Le magazine ouvre ses colonnes à Jean-Marie Le PenMarine Le PenAlain SoralRenaud Camus, le théoricien du « grand remplacement »Pierre Cassen, le fondateur de Riposte laïque qui « déteste l’islam », peut-on y lire. « Il a commencé à mettre cette défense de la liberté d’expression au service d’un seul camp », estime un ancien de RSF.

« Plus jamais je n'écrirai là-dessus. Ça a été terrible par ricochet pour RSF », expliquait Ménard en 2008, s’agissant de sa défense du droit à s'exprimer des négationnistes. En réalité, le fondateur de RSF a continué, mais en dehors de l’ONG. Il s’est mis à défendre, toujours au nom du même principe, Dieudonné ou le néonazi Vincent Reynouard. À donner des conférences chez les identitaires ou au Local de Serge Ayoub, le leader d’un groupuscule d’extrême droite dissous après la mort de Clément Méric.

Il s’est entouré, dans sa campagne, de six colistiers frontistes. À son local, Rue89 a croisé le sulfureux André-Yves Beck, ancien du groupuscule Troisième Voie devenu l’idéologue de Bompard, qui s'est illustré par la censure d'ouvrages à la bibliothèque d'Orange en 1995.

Robert Ménard donne une conférence à la Traboule, local des Identitaires lyonnais, le 26 février 2013.Robert Ménard donne une conférence à la Traboule, local des Identitaires lyonnais, le 26 février 2013. © Génération identitaire Lyon

« Cette direction était prévisible, mais alors il fallait remonter très loin pour le voir », pense aujourd’hui un ancien de RSF. Dans « son côté incontrôlable », sa « gestion autocratique » et sa « personnalisation » de l’organisation, estiment certains ex-RSF, qui voient aussi dans ce parcours un retour aux sources : celles de son père, communiste et cégétiste, engagé dans l'OAS (Organisation armée secrète) pour garder l'Algérie française. Après l’indépendance, la famille quitte l'Algérie pour s'installer dans un village de l’Aveyron, à côté d'un camp de rapatriés faisant chaque matin le salut au drapeau. « Aujourd’hui, c’est la mémoire familiale qui revient », affirme un ancien ami. « Avec l’âge, il a eu un retour vers son père, décédé. Il a accepté la Légion d’honneur en 2008 pour lui », raconte un ex-RSF. Il s’est psychologiquement libéré de ce poids de l’Algérie française à en devenir border-line sur l’islam. »

Olivier Basille, lui, ne voit pas d’évolution idéologique chez son ami mais un « changement de fonction et de combat ». « Quand vous dirigez une organisation internationale, vous effacez vos propres convictions. Libéré de ce poste, vous vous exprimez, surtout lorsque vous briguez un mandat. » À ceux qui s’étonnaient de ses propos, Ménard avaient répondu, en 2011 : « On ne m’interrogeait pas sur l’homosexualité quand j’étais responsable de RSF. »

Du Front national, il en avait parlé en revanche. Dans La Censure des bien-pensants, il dénonçait l’opposition, à l'entre-deux tours de la présidentielle de 2002, au « “fascisme” qu’incarnerait le leader de l’extrême droite française », le « No pasaran » hurlé dans les rues, « nos gazettes » transformées en « tracts militants », et, en face, le « vide sidéral des propositions pour “changer la vie” ». Dix ans plus tard, c’est avec le soutien du Front national à Béziers que Robert Ménard veut « changer la vie ».

BOITE NOIRESauf mention contraire, toutes les personnes citées ont été interviewées par Mediapart. Certains anciens de RSF ont souhaité ne pas apparaître nommément étant donné leurs nouvelles activités professionnelles. Vincent Brossel, ancien pilier de l'ONG, est aujourd'hui candidat sur une liste EELV à Paris.

Contacté samedi, Hervé Deguine, que Robert Ménard présente comme celui qui a été « le plus proche » de lui pendant les années RSF, n'a pas retourné nos appels.

Nous n'avons pas pu poser toutes nos questions à Robert Ménard. Contacté vendredi, il a mis fin à l'entretien au bout de vingt minutes, après l'évocation des épisodes qui avaient suscité des remous en interne (Faurisson, la chaîne du Hezbollah). « Vous allez vous les garder vos questions, votre mauvaise foi transpire, je connais Mediapart. Vous vous foutez de ma gueule, la seule chose que vous trouvez à faire la veille des élections, c’est de revenir sur les années Reporters sans frontières, pas pour dire – parce que vous ne le direz pas –, le combat merveilleux qu’on a mené. Je sais d’avance ce que vous allez écrire. (...) Je vous le dis : je fais ce que je veux avec vous, j’ai déjà la gentillesse de vous répondre parce que je me contrefous de ce que vous écrirez. »

 

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