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Municipales: les agents d’influence de la campagne marseillaise

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Sur les affiches du sénateur UMP Jean-Claude Gaudin, candidat à la mairie de Marseille pour un quatrième mandat, sont apparus depuis une semaine des bandeaux anonymes associant son nom à celui du puissant président PS du conseil général des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini. « L'équipe des basses œuvres qui entoure Mennucci est passée à l'action », a dénoncé dans un communiqué, le 18 mars, Yves Moraine. Le porte-parole de Jean-Claude Gaudin évoque « toute la panoplie de la campagne pourrie que tout socialiste marseillais qui se respecte a appris depuis tout petit ».

© LF

Le sénateur PS, mis en examen à trois reprises, voue une haine farouche au candidat PS, Patrick Mennucci, son ancien directeur de campagne en 2008, aujourd'hui en guerre ouverte contre le « système Guérini ». Lors de ses vœux, fin janvier 2014, Jean-Noël Guérini a publiquement soutenu sa « candidate de cœur » Lisette Narducci, candidate sur une liste PRG concurrente du PS dans les IIe et IIIe arrondissements de Marseille. Avant de lâcher : « 90 % des candidats du PS sont mes amis, je les soutiens, mais ne me demandez pas de soutenir des antiguérinistes. »

Au point de donner un coup de main au camps Gaudin ? C’est Renaud Muselier, l'ex premier adjoint (UMP) de Jean-Claude Gaudin, qui l’a lui-même affirmé le 11 mars. « Jean-Claude Gaudin se prend les alliés qu’il peut », a déclaré le candidat UMP aux européennes sur le plateau de La Provence. Il fait remonter ce « deal » entre les deux sénateurs à 2008, alors que le socialiste Eugène Caselli avait remporté à la surprise générale la présidence de la communauté urbaine de Marseille promise à Renaud Muselier. « Que Jean-Noël Guérini savonne la planche de ses anciens camarades socialistes, ce n'est pas un secret, mais qu'on nous donne des exemples concrets (où il nous aurait aidés  ndlr) », réagit de son côté le sénateur (UMP) Bruno Gilles, tête de liste dans le secteur stratégique des IVe et Ve arrondissements. « On fait campagne seuls, je n'ai pas vu de proches de M. Guérini nous aider », assure de son côté Yves Moraine.

Ce ne serait pourtant pas la première fois que Jean-Noël Guérini ferait cause commune avec Jean-Claude Gaudin contre son camp. Mi-décembre 2013, les deux sénateurs se sont opposés à l’élection de Michel Vauzelle, député socialiste et président du conseil régional, à la tête d’Euroméditerranée, l'établissement public qui gère l’opération de rénovation urbaine de l’arrière-port marseillais. Mécontents que les administrateurs d’État prennent part au vote, les trois administrateurs de la ville, dont Jean-Claude Gaudin, avaient quitté la salle, suivis dans la foulée par le président du conseil général des Bouches-du-Rhône. Non sans taxer au passage le préfet de la région Provence-Alpes-Côtes d'Azur et les huit autres représentants de l’État de « clientélisme », selon le procès-verbal de la séance. « C’est un mot à la mode (…) puisque je suis mis en examen pour clientélisme, a lancé l’élu PS. Donc vous faites du clientélisme sous l’autorité de vos ministres. »

Et de poursuivre : « On vous connaît, vous allez monter dans vos ministères et j’ai l’habitude de comment cela se passe, avec des petites notes à vos directeurs d’administration, de cabinet. » Avant de menacer de couper les subsides départementaux à Euroméditerranée. « Ne comptez pas sur le conseil général, (…) ne venez plus nous chercher sur des cotes, des tri-financements, débrouillez-vous vous-mêmes, ajouta le patron du département. Nous, nous ferons notre chemin avec Mme Narducci (une fidèle qui se présente aux municipales face au socialiste Eugène Caselli – ndlr) tous seuls, tranquilles, sans rien vous demander. On n’a pas besoin de vous.» Un chantage et un ton « insupportables », s’étrangle l’un des participants à ce conseil d’administration.

En 2009, Jean-Noël Guérini, qui venait de perdre les municipales, s’était déjà entendu avec Jean-Claude Gaudin pour stopper une « mission centre-ville Vieux-Port » confiée au binôme Yves Moraine (UMP) et Patrick Mennucci (PS). Ce dernier faisait, déjà, un peu trop d’ombre au patron d’alors de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône. « Jean-Noël Guérini signe la paix des braves avec le maire,nous avait décrypté un observateur, mais il met dans la balance la mission centre-ville Vieux-Port. En résumé, il dit au maire : “Je vois trop Mennucci dans la presse en ce moment avec cette histoire de mission, donc tu l'arrêtes.” » La mission lancée six mois plus tôt sera arrêtée et seul le projet de semi-piétonisation du Vieux-Port sera conservé.

Cette entente cordiale entre les deux sénateurs n’est pas désintéressée : le département pèse 2,5 milliards d’euros de budget. Dans un entretien à Libération, Rémy Bargès, ancien directeur de cabinet de Jean-Noël Guérini, rappelle l’épisode des 100 millions d’euros royalement attribués par le patron du département à la Ville de Marseille à l’automne 2012 « pour s’acheter la bienveillance de Jean-Claude Gaudin ». « En échange, l’opposition de droite au conseil général a cessé de réclamer le vote à bulletin secret sur le budget, qui aurait permis à la contestation interne de s’exprimer sans mesures de rétorsion, développe Rémy Bargès, joint par téléphone. Ce qui a permis à Jean-Noël Guérini de repasser ses budgets tranquillement et lui a donné une belle caution. » Pour l’ancien bras droit de Guérini, « il y a une vraie connivence, un pacte tacite. Jamais Gaudin n’a par exemple dénoncé le système Guérini ». Le maire de Marseille, traumatisé par la garde à vue, en 2003, de Claude Bertrand, son directeur de cabinet, (qui s’est soldée par un non-lieu), s’est toujours bien gardé d’évoquer publiquement les déboires judiciaires de Jean-Noël Guérini et de réclamer sa démission. Laissant son ex-dauphin, Renaud Muselier, porter la charge.

Certains voient également la patte du patron du département dans la constitution des listes PRG, présentes dans cinq sur huit des secteurs marseillais. C’est Jean-Noël Guérini qui, fin janvier 2014, avait avec gourmandise annoncé aux journalistes le nom de leur chef de file, Jacques Soubeyrand. Un professeur de gériatrie qui préside L'Entraide des Bouches-du-Rhône, une association d’aide aux seniors largement financée par le département. On retrouve également à la tête d’une des listes, Fernand Piétri, neveu de Charles-Emile Loo, le dernier baron du defferrisme et patron de la Socoma, une coopérative portuaire présidée par Jean-Noël Guérini. Socialiste en rupture, Fernand Pietri dirige par ailleurs avec une certaine Maguy Loo la station thermale des Camoins…, filiale de la Socoma.

Dans Le Monde, Jacques Balouzat, ancien adjoint au maire de Robert Vigouroux, qui devait se présenter sur une liste PRG, raconte comment on lui a fait rencontrer… Jean-Noël Guérini. Il s’est depuis retiré. « On devait travailler avec le MoDem, puis avec Pape Diouf, mais c’était de l’enfumage, une galère de combinaisons, nous explique-t-il. C’est Jean-Noël Guérini qui est à l’origine des listes PRG, c’est certain. Il n’a qu’une idée en tête, c’est être réélu sénateur. » Jean-Noël Guérini espère-t-il un renvoi d’ascenseur de Jean-Claude Gaudin en septembre 2014 ? Car cette fois, Jean-Noël Guérini, qui a annoncé en janvier sa candidature sur « une liste autonome », devra se passer de l’appui du PS. Patron du PRG dans les Bouches-du-Rhône, Michel Dary dément depuis le début tout lien avec Jean-Noël Guérini. « J'ai appris dans la presse que Jacques Balouzat l'avait rencontré, il en a pris l'intiative seul », affirme-t-il.

Le Monde a également détaillé la proximité de certaines des têtes de liste « citoyennes » qui ont fleuri à Marseille avec Alexandre Guérini, frère du sénateur PS, lui aussi mis en examen. Notamment des listes Marseille Unie, présentes dans trois secteurs importants pour la gauche. Dans les XVe et XVIe arrondissements, le boxeur Cyril Abidi, dont la page web fait encore référence à l’éphèmère site d’actu lancé par Alexandre Guérini, ne cache pas son amitié pour l’entrepreneur, mis en examen à de multiples reprises. « Si j'ai un problème en politique, je ne me gênerai pas pour lui demander conseil », a-t-il déclaré au quotidien. Dans les XIIIe et XIVe arrondissements, Myriam Manni, 40 ans, reconnaît, elle, avoir rencontré Alexandre Guérini « fin 2013, dans un restaurant ». Mais, nous assure-t-elle, ce dernier cherchait surtout à la dissuader de poursuivre cette « aventure chaotique, par amitié pour Garo Hovsepian et Samia Ghali (les têtes de liste PS des quartiers Nord – ndlr) ».

Marc Fratani, 67 ans, ancien attaché parlementaire de Bernard Tapie, a lui aussi déclaré dans Le Point une guerre ouverte à Patrick Mennucci. Quitte, pour cet ancien de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), à faire ouvertement campagne pour Gaudin. Alors que Bernard Tapie, patron de La Provence, a lancé le 11 mars un talk show politique, son ancien bras droit s’active dans les coulisses pour réactiver ses vieux réseaux, « associatifs et sportifs », tient-il à préciser. « Aujourd’hui, le problème pour Gaudin est de convaincre les réseaux de gauche de voter à droite, explique-t-il. Alors, je travaille au niveau de l’information : je recueille des informations et je rencontre quelques journalistes. » Le retraité est de toutes les campagnes électorales marseillaises depuis 1983. Mais à l’époque, il soutenait Gaston Defferre contre Jean-Claude Gaudin.

Marc Fratani est là pour régler des comptes. « Une position personnelle », qui n’a rien à voir avec Bernard Tapie, assure-t-il. Il n’a pas digéré « l’action de Mennucci pour faire échouer la reprise de La Provence par Bernard Tapie », et juge la ligne du quotidien régional « trop mennucciste ». Mi-janvier 2013, le député PS des Bouches-du-Rhône avait obtenu la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les conditions du rachat des titres du Groupe Hersant Media (comprenant notamment les quotidiens La Provence, Var-Matin, Nice-Matin, Corse-Matin et les journaux du pôle France Antilles) par Bernard Tapie et Philippe Hersant. Ressortent aussi de vieilles rancœurs contre le candidat PS qui, en 1986, se serait rangé du côté de Michel Pezet lorsque ce dernier est entré en conflit avec Gaston Defferre pour le contrôle de la fédération PS des Bouches-du-Rhône. Le censeur n’est pas loin : « M. Defferre avait interdit que la photo de Pezet apparaisse dans ses journaux. Tapie, lui, laisse libre cours à La Provence de parler de Mennucci, c’est une autre époque », soupire, comme à regret, ce Corse de Marseille.

Interrogé sur BFMTV sur ce curieux agent de campagne, Patrick Mennucci a bondi : « Gaudin a un directeur de communication qui est Marc Fratani, (…) qui vient de prendre position pour lui, donnant sans doute une indication au milieu du banditisme de ce qu’il faut faire à Marseille… »

Marc Fratani a aussitôt saisi par citation directe le tribunal de grande instance pour diffamation. C’est Me Catherine Martini, une avocate proche de Jean-Claude Gaudin, qui le défend. « C’était mon avocate avant d’être celle de Gaudin », précise Marc Fratani. La justice tranchera. Mais l’ancien bras droit de Tapie n’a jamais caché son amitié avec Jean-Luc Barresi, agent de joueur, condamné le 7 mars 2014 à un an de prison ferme dans une affaire d'extorsion de fonds sur le port autonome de Marseille. Ni avec Richard Casanova, parrain de la Brise de mer, assassiné en 2008 à Porto-Vecchio.

« En ce qui concerne le milieu, je fais de la politique à Marseille depuis 1967 et je connais autant de mafieux que Mennucci », rétorque Marc Fratani. Avant de lâcher : « La différence, c’est que moi je n’ai jamais utilisé les gens du milieu. » Un coup à blanc, sans nom, sans date, sans lieu, juste histoire de lancer la rumeur. C’est la méthode Fratani, qui alimente en sous-main les thèses rapprochant Patrick Mennucci du Front national, sa marotte préférée. « Vous verrez, il va bientôt y avoir du lourd sur le sujet », nous déclarait-il lundi 18 mars, deux jours avant la sortie d’un article du Point alimentant l'hypothèse d’une « connivence » entre Patrick Mennucci et Stéphane Ravier, le patron marseillais du FN.

BOITE NOIREJ'ai rencontré Marc Fratani le 6 mars 2014. Les autres personnes citées ont été jointes par téléphone plus tard.

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