L’entourage de Nicolas Sarkozy a colporté la nouvelle urbi et orbi : lundi 8 juillet, l’ancien chef de l’État a dégainé son chéquier pour offrir 7 500 euros à l’UMP, au bord de la faillite depuis que le Conseil constitutionnel a rejeté son compte de campagne (hors plafond) et enterré le remboursement initialement prévu par l’État de quelque onze millions d’euros de frais. Le peuple de droite est prié d’y voir un signe d'engagement et un gage de générosité, de croire surtout que Nicolas Sarkozy ne pouvait verser davantage : la loi, nous ressasse-t-on, interdit aux particuliers de donner à une formation politique plus de 7 500 euros par an.
Lundi, devant le bureau politique de son parti, Nicolas Sarkozy s’est ainsi poussé du col à peu de frais : « Qui aurait compris que je vous laisse dans cette situation sans dire un mot ? a-t-il lancé. Prétendre que ça n’était pas mon problème ? Me laver les mains des ennuis de ceux qui me succèdent et dormir tranquillement sur mes deux oreilles ? J’ai approuvé l’appel (aux dons) de Jean-François (Copé) et je me suis dit : peut-être que ça donne un coup de main si je m’y mets un peu ! » En réalité, l’ancien candidat pourrait très bien assumer les conséquences financières de ses propres irrégularités et prendre l’intégralité des onze millions à sa charge. Cela serait-il juste ? Pas sûr. Mais prétendre qu’il fait le maximum légal en sortant 7 500 euros de sa poche relève de la mystification.
Les sarkozystes oublient en effet de dire que pour financer sa campagne, leur champion a initialement emprunté, à titre personnel, 10,5 millions d’euros à l’UMP. Le trésorier du candidat, Philippe Briand, nous l’a plusieurs fois affirmé. C’est d’ailleurs écrit noir sur blanc sur le document qu’il a remis l'été dernier à la commission des comptes de campagne (publié au Journal officiel), dans la colonne « recettes » du compte : « Versements personnels du candidat (…) sur ses ressources empruntées aux formations politiques : 10 538 775 euros. » Interrogée le 10 juillet, la commission nous l’a encore confirmé : « Il y a bien eu un apport personnel (du candidat) constitué par un emprunt à son parti. »
Pour fournir cette somme de 10,5 millions d’euros, l’UMP (déjà endettée et à cours de liquidités) avait dû se tourner en 2012 vers les banques et emprunter à son tour, avec Nicolas Sarkozy comme caution. C’est ce prêt bancaire de 10,5 millions d’euros que le mouvement est désormais sommé de rembourser avant le 31 juillet – d’où la souscription nationale lancée en catastrophe par Jean-François Copé.
Mais qu’est-ce qui empêche aujourd’hui Nicolas Sarkozy de puiser dans sa fortune personnelle pour rembourser les 10,5 millions d’euros qu'il avait obtenus de l’UMP ? Une partie au moins ? Pas la loi, en tout cas. Un tel geste permettrait au mouvement de satisfaire illico ses créanciers.
Sollicitée, la chargée de presse de l’ancien président, Véronique Waché, n’a pas retourné nos appels. Et le conseiller communication de Jean-François Copé, questionné sur ce point, a balayé : « L’UMP devait rembourser son emprunt au 31 juillet, répète-t-il simplement. Le parti ne pouvait pas payer, d’où l’appel aux dons. Nous avons déjà dépassé les 4 millions d’euros… » Certes, mais Nicolas Sarkozy ? « Appelez Véronique Waché. » On tourne en rond.
Au-delà de cet emprunt de 10,5 millions d’euros, il reste de toutes façons plusieurs centaines de milliers d’euros que Nicolas Sarkozy a été prié par le Conseil constitutionnel de régler lui-même. Dans leur décision, les “Sages” exigent en effet du candidat qu’il reverse au Trésor public les 153 000 euros que l’État lui avait avancés en début de campagne – « M. Sarkozy », est-il écrit, pas Jean-François Copé ni les militants UMP.
De même, sachant qu’il a enfoncé le plafond des dépenses autorisées, « le candidat est tenu de verser au Trésor public » une somme « égale au montant de (son) dépassement », soit plus de 360 000 euros. Là encore, le Conseil constitutionnel sanctionne Nicolas Sarkozy en personne, pas son parti. Qui va donc régler ces sommes ? Interrogée, la trésorière du mouvement, Catherine Vautrin, esquive : « Pour toutes les questions concernant Nicolas Sarkozy, je vous remercie de prendre l’attache de son trésorier de campagne. »
Celui-ci décroche, mais sur le sort des 153 000 euros, Philippe Briand confie : « J’en sais rien. » Et sur les 360 000 euros ? « J’en sais rien. Nicolas Sarkozy ne m’a pas répondu sur les modalités de règlement de ce que vous appelez une sanction. »
Dans l'absolu, Mediapart aimerait aussi savoir ce qu’est devenu l’excédent du compte de campagne, chiffré par les “Sages” à 120 000 euros. « Je pense que c’est retombé dans les caisses du parti », suggère le trésorier, avant d'admettre, quand on insiste, qu'il ne s'en « souvient pas ». Au fond, tous ces « détails » l'amuseraient presque : « Si Nicolas Sarkozy devait payer onze millions, faudrait faire beaucoup de conférences et vendre beaucoup de disques (de Carla Bruni) ! »
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