Fidèle lieutenant de Jean-François Copé, puis homme de médias, et dirigeant récent de la société Bygmalion, une entreprise au cœur d’une enquête préliminaire du parquet de Paris portant sur ses prestations facturées à l’UMP, Bastien Millot vient d’annoncer qu’il s’était inscrit comme avocat au barreau de Marseille. Voilà quelques années, ce jeune homme bien sous tous rapports a pourtant été condamné pour « détournement de fonds publics, complicité de faux et complicité d’usage de faux ». Mediapart a retrouvé les deux jugements rendus dans cette affaire.
Mars 2001. La candidate RPR Caroline Cayeux conquiert la municipalité de Beauvais (Oise). Un jeune loup, Bastien Millot, avait été dépêché pour faire campagne à ses côtés par Jean-François Copé, dont il a été l’assistant parlementaire puis le directeur de la communication à Meaux (Seine-et-Marne, ville que Copé a enlevée au PS en 1995). Après avoir été le directeur de campagne de Caroline Cayeux pour les municipales à Beauvais, Bastien Millot devient, à 29 ans, son premier adjoint. Il est en charge de l’administration générale, du personnel et des finances.
Mais les relations avec la maire se dégradent très vite : Caroline Cayeux soupçonne son premier adjoint de ne pas être loyal, et même de l’espionner. Le 26 février 2003, la maire dépose plainte auprès du procureur de la République de Beauvais. Elle vient de découvrir que l’un de ses chauffeurs, Laurent B., qui a été nommé auprès d’elle par Bastien Millot, perçoit des heures supplémentaires fictives. Le chauffeur a reconnu les faits et a dit qu’il s’agissait d’un arrangement avec le premier adjoint. La maire a aussitôt retiré ses délégations de pouvoir et de signature à Bastien Millot.
Une enquête préliminaire est ouverte le 1er mars 2003 par le parquet local. Placé en garde à vue, le chauffeur explique qu’il était policier municipal à Meaux et que Bastien Millot a insisté pour le faire venir à Beauvais. Dans l’affaire, le chauffeur de la maire a obtenu de pouvoir déclarer de fausses heures supplémentaires : huit heures le dimanche et dix heures par semaine. La combine a duré près de deux ans. Le directeur général des services de la mairie, Jacques V., également placé en garde à vue, incrimine Bastien Millot. Le préjudice pour la commune est chiffré à 18 805 euros pour les fausses heures supplémentaires et 4 283 euros pour des indemnités spéciales indues de policier municipal.
La justice boucle le dossier rapidement et ne s’intéresse pas à l'éventuel volet d’espionnage politique. Les trois hommes sont renvoyés en citation directe devant le tribunal correctionnel de Beauvais. Le procès a lieu le 16 septembre 2004. Bastien Millot est alors le chef de cabinet de Jean-François Copé, ministre délégué à l’intérieur depuis quelques mois. À la barre, Bastien Millot assure qu’il est victime d’une machination politique. Sur le fond, il dit avoir demandé au chauffeur de régler le problème avec le directeur des services et qu’il a tout au plus signé des certificats administratifs autorisant le quota d’heures supplémentaires.
Le jugement est rendu le 14 octobre 2004. « Au total, il résulte des déclarations concordantes en garde à vue de deux prévenus, confirmées par des document écrits et par plusieurs témoignages recueillis au cours de l’enquête, que Bastien Millot a engagé Laurent B. comme policier municipal alors qu’il n’était que chauffeur, lui permettant de toucher une indemnité spéciale de fonction, qu’il l'a autorisé et même invité à déclarer des heures supplémentaires fictives, qu’il a donné des instructions impératives s’apparentant à des ordres à Jacques V. pour qu’il vise ces états mensuels mensongers, et enfin qu’il a signé lui-même des certificats administratifs autorisant le dépassement de quota d’heures supplémentaires », écrivent les juges. Les trois prévenus, pour des motifs différents, ont agi en parfaite connaissance de cause. »
Pour finir, le tribunal reconnaît Bastien Millot coupable de « détournement de fonds publics, complicité de faux et usage de faux » et, tout en s’interrogeant sur le mobile, le condamne seulement à une peine d’amende de 8 000 euros. Pour mémoire, le détournement de fonds publics est passible de dix ans de prison. Les deux autres prévenus écopent également d’une simple amende. Par ailleurs, les trois hommes sont condamnés au civil à verser des dommages et intérêts à la commune, qui représentent le montant du préjudice subi. Le jugement, confirmé le 9 février 2005 par la cour d‘appel d'Amiens, est devenu définitif.
Cette même année 2005, Bastien Millot fera encore parler de lui en pleine affaire Gaymard : il occupe alors l’appartement personnel de Jean-François Copé, que le ministre du budget, alors logé aux frais de l’État, n’habite pas. À l’été 2005, Bastien Millot est nommé numéro 3 de France Télévisions, avant de fonder, en 2008, avec son ami Guy Alves, la fameuse agence de conseil et de communication Bygmalion. Il quitte officiellement la société en août 2013, exerce encore quelques activités dans les médias, et finit par prêter son serment d’avocat le 6 mars 2014 devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, avant de s’inscrire au barreau de Marseille.
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