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Justice: une réforme rend plus facile la révision des condamnations

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Les députés viennent de pallier, jeudi après-midi, une des anomalies de notre système judiciaire. Ils ont adopté à l’unanimité, en première lecture, une proposition de loi visant à faciliter la révision des condamnations pénales. Un serpent de mer qui ressurgissait à chaque « erreur judiciaire ».

L’une des caractéristiques du système judiciaire français réside, en effet, dans une certaine réticence à remettre en cause ses décisions. Le principe de « l’autorité de la chose jugée » ayant souvent tendance à supplanter l’idée même de justice. Des évolutions ont eu lieu ces dernières années, grâce aux avancées de la police scientifique, d‘une part, et aux décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, d‘autre part.

Ainsi, en matière criminelle, même si la cour d’assises est considérée comme la juridiction offrant le plus de temps et de moyens à l’examen complet d’une affaire, la possibilité d’un appel du condamné ouvrant un second procès n’a été créée qu’en 2001. Entre 2003 et 2005, 1 262 condamnés ont été rejugés en appel : les cours d’assises d’appel ont prononcé un acquittement dans 64 cas, soit 5 % (lire ici le cas du docteur Muller). Quant à la révision des condamnations, elle reste rarissime.

Selon le rapport des députés Alain Tourret (PRG) et Georges Fenech (UMP), seules une dizaine de condamnations criminelles ont été révisées depuis la Seconde Guerre mondiale, dont huit depuis 1989 (Jean Deshays en 1955, Jean-Marie Deveaux en 1969, Roland Agret en 1985, Guy Mauvillain la même année, Rida Daalouche en 1999, Patrick Dils en 2002, Loïck Sécher en 2011, Marc Machin en 2012, Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri en 2013, et Christian Iacono en 2014).

Des demandes de révision dans des affaires emblématiques comme celles de Dany Leprince, Guillaume Seznec, Omar Raddad, Raymond Mis et Gabriel Thiennot ou encore Gaston Dominici, en revanche, ont été rejetées. Et dans l’affaire Machin, il a fallu qu’un criminel récidive et s’accuse pour que l’erreur judiciaire soit réparée. Alors que dans le même temps nos voisins allemands prononcent en moyenne cinq révisions chaque année, cela sans déclencher de scènes d’hystérie ni de scandale.

Le procès Mis et ThiennotLe procès Mis et Thiennot

Depuis 1989, il faut soulever l’existence d’un fait nouveau pouvant faire naître un doute sérieux sur la culpabilité d‘un condamné pour pouvoir engager une procédure de révision. Encore la procédure est-elle complexe et semée d’embûches.

Depuis 1990, une Commission de révision des condamnations pénales effectue un filtrage sévère des demandes. Sur 3 171 décisions rendues, elle n’a transmis que 84 demandes à la Cour de révision, soit 2,65 % des dossiers, les autres demandes étant déclarées irrecevables ou rejetées sans recours possible.

Quant à la Cour de révision elle-même, elle a rendu 51 décisions d’annulation depuis 1990 (43 condamnations correctionnelles et 8 condamnations criminelles), dont 18 avec renvoi devant une nouvelle juridiction, et 31 sans renvoi.

Il existe par ailleurs, depuis 2000, une procédure de « réexamen » des condamnations pénales, en cas de « violation des droits et libertés du condamné », mais elle est peu utilisée (55 requêtes reçues et 31 décisions favorables rendues à ce jour).

Le texte adopté par les députés permet d’harmoniser les procédures de révision et de réexamen, en créant une juridiction unique pour les traiter. Une Cour de révision et de réexamen des condamnations pénales, composée de 18 magistrats issus de la Cour de cassation, est ainsi créée avec des pouvoirs élargis. De même, pour limiter les risques d’erreur et faciliter les révisions, les scellés criminels seront conservés pour une durée de cinq ans renouvelable à la demande d’un condamné, et non plus six mois après une condamnation définitive. Enfin l’enregistrement sonore des procès d’assises, aujourd’hui exceptionnel, sera systématisé.

À noter : une offensive d’un groupe de députés UMP souhaitant que l’on puisse réexaminer les acquittements a été rejetée jeudi. Un amendement d’inspiration sécuritaire, qui se réclame du droit des victimes à bénéficier, elles aussi, des progrès de la police scientifique et des évolutions du droit, mais qui fait craindre une remise en question systématique des verdicts d’acquittements.

Le député Fenech, qui a changé d’avis sur ce sujet épineux, a soutenu cet amendement jeudi en invoquant un fait divers récent : le rebondissement intervenu fin janvier dans une affaire ancienne, avec la découverte, 27 ans après les faits, de traces ADN mettant en cause un homme acquitté dans le meurtre d'une jeune femme, Nelly Haderer.

Georges FenechGeorges Fenech

Ironie de l'histoire, Georges Fenech lui-même a été relaxé en octobre 2009 dans l'affaire de l'Angolagate, où il était jugé pour « recel d'abus de biens sociaux » à propos du financement de l'Association professionnelle des magistrats (APM). L'idée de pouvoir revenir sur cette relaxe fait sourire quelques avocats.

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Vous êtes sous contrôle


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