Imaginez un pays qui interdit les subventions aux énergies fossiles. Où les citoyens participent au minimum à hauteur de 20 % dans le capital des projets de champs éoliens et de centrales photovoltaïques. Où la proximité de transports en commun abaisse le coût de l’immobilier. Où la durée légale de garantie des produits court sur dix ans. Où il faudrait être au moins à deux dans sa voiture. Ne pas conduire à plus de 30 km/h en ville et 110 km/h sur l’autoroute. Où vingt réacteurs nucléaires ferment d’ici 2020 et où l’on abandonne la construction de l’EPR de Flamanville.
Ce pays serait la France, si les associations environnementales les plus engagées dans la transition énergétique avaient le pouvoir de légiférer. Plusieurs ONG (4D, Agir pour l’environnement, le comité de liaison des énergies renouvelables, France Nature Environnement, LPO, le réseau action climat...) publient mercredi 26 février le « vrai » projet de loi de programmation sur la transition énergétique. Il est à lire ci-dessous :
C’est beaucoup plus qu’une boutade, il s'agit d'un avertissement ou d'un cri de colère face au gouvernement qui ne délivre pas la copie attendue après des mois de débat national sur l’énergie l’année dernière. Le projet de loi gouvernemental devrait être présenté devant le conseil des ministres début juin, après les élections européennes. Mais ses objectifs risquent d’être revus à la baisse, notamment son ambition de réduire les consommations de mégawatts et de kilojoules.
Ce qui frappe à la lecture du projet alternatif des associations, c’est la volonté d’agir en priorité sur l’action publique, en la réorientant à de multiples niveaux, notamment dans ses politiques d’achat : faire de la consommation d’énergie des produits un critère de choix obligatoire des achats publics ; créer un instrument unique de financement de la rénovation thermique des bâtiments plutôt que le mille-feuille de dispositifs actuels ; instaurer une institution financière de la transition énergétique sous contrôle public ; contraindre les entreprises dont l’État est actionnaire majoritaire ou significatif (par exemple EDF, GDF Suez…) à l’abandon de tout projet d’exploration, d’extraction et d’exploitation de ressources fossiles, y compris conventionnelles. Ce serait la fin des centrales à charbon (encore 10 % de l’électricité en France) et au gaz sur le territoire national, ainsi qu’à l’étranger (Pologne, Serbie, Croatie…). Ce serait aussi la fin des financements extérieurs, via la Coface ou des banques publiques d’investissement, dans les mines de charbon, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui (au Pakistan par exemple).
Autre point marquant : le caractère progressivement obligatoire de bien des mesures : la mise en œuvre de l’isolation à l’occasion de grands travaux de maintenance, la prise en compte de la performance énergétique dans les critères de salubrité des logements. Si la seule véritable innovation du texte législatif attendue en 2014 réside dans la création d’une nouvelle instance de gouvernance, le compte n’y sera pas, considèrent ces associations signataires. La plupart siègent au Comité national de transition écologique (CNTE), sorte de parlement de la transition mis en place à l’issue du débat national en 2013.
Les associations demandent de vrais arbitrages sur les choix de société induits par les enjeux de la transition énergétique : nucléaire ou économies d’énergie ? Fossiles ou renouvelables ? Autoroutes et aéroports ou lutte contre le dérèglement climatique ? Ces options ne sont pas compatibles dans un contexte de politiques d’austérité et de pénurie d’argent public. Or, à ce jour, entre Arnaud Montebourg et Philippe Martin, Cécile Duflot et Jean-Marc Ayrault, le discours du gouvernement est contradictoire, confus et sans cap clair de réforme.
Pendant ce temps, le projet de loi gouvernemental continue à s’enliser. Une nouvelle réunion de la commission spécialisée du CNTE doit se tenir jeudi 27 février. Aucun nouvel élément substantiel du projet de loi ne devrait y être présenté. Le retard se confirme.
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