Dans la litanie des scrutins et des motions du conseil fédéral d’EELV, samedi 8 février, un vote est passé inaperçu. Il s’en est pourtant fallu de peu, deux petites voix seulement, pour que le parlement du parti écologiste n’adopte d’ores et déjà un texte indiquant clairement que si la ligne économique de François Hollande ne changeait pas d’ici le mois de juin, le parti « ne pourrait pas appeler les parlementaires EELV à voter la confiance au gouvernement ». EELV aurait alors esquissé un premier pas très clair en dehors de la majorité.
Le 14 janvier 2014, en même temps qu’il présentait un agenda de réformes franchement sociales-libérales, François Hollande a indiqué qu’il soumettrait en juin le futur pacte de responsabilité à un vote de confiance à l’assemblée nationale. Voter contre reviendra à sortir de la majorité. Cette quasi-égalité des votes chez EELV, plusieurs mois avant l’échéance, prouve combien la tension monte dans le parti au sujet d’une participation écologiste qui, pour de nombreux militants, va de moins en moins de soi.
Samedi 8 février, le pacte de responsabilité était à l’agenda du conseil fédéral. Comme c’est souvent le cas, deux “motions” sont au menu. L’une est rédigée par le bureau exécutif, qui représente la majorité du parti et regroupe les principales personnalités du mouvement, favorables dans leur ensemble à la participation gouvernementale. Elle en appelle à un « pacte de responsabilité écologiste et social » : fiscalité écologique en échange de la baisse de cotisations sociales, emplois verts, taxe sur le capital, etc.
Une autre, présentée par l’aile gauche mais aussi quelques membres de l’actuelle majorité, comme la députée Eva Sas, est plus critique. Intitulée « EELV appelle à refuser la politique décrite par François Hollande », elle condamne (entre autres) le « virage libéral » du chef de l’État. Et indique que le parti « ne pourrait pas appeler les parlementaires EELV à voter la confiance au gouvernement si la politique définie par François Hollande le 14 janvier 2014 est celle mise en œuvre dans la loi présentée au Parlement ».
Samedi matin, plus de deux heures de discussion permettent de fusionner les deux motions, qui ne divergent pas tant que ça sur le fond. Mais les représentants de la majorité et de la minorité n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la phrase finale. La direction propose d’écrire que « le soutien d'EELV au pacte de responsabilité n'est pas acquis », et de renvoyer la discussion à un prochain conseil fédéral, le 5 avril, après les municipales. Alain Coulombel, qui négocie pour l’aile gauche, tient à l’expression « EELV ne pourra pas voter la confiance ». Faute d’accord, la décision est renvoyée au vote dans l’après-midi. La formulation de la direction l’emporte, mais de justesse, avec 64 voix contre 62.
Le communiqué envoyé aux rédactions n’évoque pas l’épisode. Il ne retient que le vote « à l’unanimité moins un blanc » de la motion finale, qui affiche une « opposition ferme à l’orientation économique environnementale et sociale de la politique gouvernementale telle qu’elle a été exprimée par François Hollande lors de sa conférence de presse de janvier ».
Simple cuisine interne ? Plusieurs responsables d’EELV soutiennent qu’au fond, les deux formulations n’étaient pas si éloignées. Et qu’il s’agit surtout de divergences tactiques, entre des militants impatients et des dirigeants préférant attendre le résultat des municipales et des européennes pour y voir plus clair.
Mais l’épisode n’est tout de même pas anodin. D’abord, il confirme que le congrès de novembre s’est surtout résumé à une répartition des postes mais n’a pas réglé les questions de fond. Il devait pourtant mettre fin aux interminables hésitations écologistes qui rendaient illisibles leur prise de parole publique. Sur le papier, la ligne était pourtant claire : oui, critique et vigilant, EELV reste au gouvernement. « Mais rien n’a été tranché, dénonce Alain Coulombel, conseiller régional Rhône-Alpes, corédacteur de la motion la plus critique. Il n’y a pas d’orientation politique suffisamment claire qui permette au conseil fédéral de dessiner de larges majorités. » « Le congrès n’a rien réglé parce qu’il n’avait pas prévu que le gouvernement allait décider de donner 30 milliards d’euros aux boîtes (le pacte de responsabilité – ndlr) et de construire 5 EPR ! » analyse un dirigeant écolo majoritaire.
L'étroitesse du vote prouve surtout que les militants sont de plus en plus sceptiques sur la participation gouvernementale. En cause : le pacte de responsabilité de François Hollande bien sûr, également dénoncé par une large frange de la gauche du PS, mais aussi les doutes de plus en plus forts sur l’avenir réservé à la loi sur la transition énergétique.
« La politique économique menée par le gouvernement est irresponsable, s’inquiète Jérôme Gleizes, de l’aile gauche d’EELV. Nous allons droit dans le mur, il faut arrêter et avoir le courage de le dire. L’heure de vérité approche pour la participation au gouvernement. » « Le vote de samedi montre que la situation dans le parti est de plus en plus tendue, estime le député Christophe Cavard, partisan de la participation gouvernementale. La divergence de vues entre l’appareil et les élus est de plus en plus patente. »
« En fait, on continue d’amorcer une discussion de plus en plus franche et de plus en plus sereine sur la ligne du gouvernement. Je ne désespère pas qu’on arrive à empêcher François Hollande de se tirer une balle dans le pied », explique Julien Bayou, porte-parole d’EELV.
C’est après les municipales, le 5 avril, que le conseil fédéral tranchera sur le soutien du parti au pacte de responsabilité. Le vote de l’assemblée est attendu en juin. Puis arrivera la loi de transition énergétique. C’est la grande loi des écologistes, dont ils ont toujours dit que son contenu conditionnera la suite de leur participation au gouvernement.
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