Tout sauf un procès public. Plusieurs des personnalités, renvoyées en correctionnelle pour avoir profité de l’état de faiblesse de Liliane Bettencourt, avaient déposé des pourvois en cassation qui ont été examinés ce mardi après-midi par la chambre criminelle de la plus haute juridiction française.
Il s’agit de Patrice de Maistre, ancien gestionnaire de fortune de la milliardaire et membre du premier cercle de l’UMP, du photographe François-Marie Banier, de son compagnon Martin d’Orgeval, de l’ancien gestionnaire de l’île d’Arros, Carlos Vejarano, de l’homme d’affaires Stéphane Courbit, de l’avocat Pascal Wilhelm, ancien protecteur de la milliardaire, mais aussi de Nicolas Sarkozy, malgré le non-lieu définitif que ce dernier a obtenu dans cette affaire, le 7 octobre dernier.
L’ancien occupant de l’Élysée entend soumettre une « question fondamentale » et inédite à la Cour de cassation, expose son avocat, Patrice Spinosi. Il s’agit de savoir si l’irresponsabilité pénale que confère au président de la République l’article 67 de la Constitution pour les actes commis dans l’exercice de ses fonctions s’applique également aux objets.
En l’occurrence, Nicolas Sarkozy demande la restitution des copies de certaines pages de ses agendas, saisis par les juges lors de perquisitions et placés sous scellés fermés, avant que certains extraits soient photocopiés et versés au dossier d'instruction. Selon son avocat, les dits agendas sont liés à l’exercice de ses fonctions et doivent donc bénéficier d’une « protection exceptionnelle ».
L’avocat général Claude Mathon est du même avis et demande sur ce point précis une cassation partielle de l’arrêt rendu par la Cour d‘appel de Bordeaux, qui avait validé la saisie des agendas ainsi que l’essentiel de la procédure des juges d’instruction, le 24 septembre dernier, au grand dam des mis en examen.
L’essentiel des autres pourvois examinés ce mardi vise à détruire le cœur du dossier, à savoir la constatation de l’état de faiblesse de Liliane Bettencourt, en s’attaquant aux conditions de désignation d’un des médecins experts, le docteur Sophie Gromb. Sur ce même thème, une requête en suspicion légitime, puis une requête en récusation du juge Jean-Michel Gentil avaient déjà été lancées à grand bruit, ainsi que diverses insinuations sur l'expert Sophie Gromb, mais en vain.
Face aux magistrats de la chambre criminelle, deux avocats tentent à nouveau de démontrer que la chambre de l’instruction de Bordeaux « a confondu impartialité objective et impartialité subjective », en estimant qu’il ne pouvait exister de connivence entre le juge et le médecin expert, qui était une de ses amies. Ils sous-entendent que la date à laquelle les médecins ont fait remonter l'état de faiblesse de la milliardaire, en septembre 2006, a pu être soufflée par le juge au docteur Gromb.
L’avocat général Mathon balaie cet argumentaire et rétorque que c’est un collège de trois juges d’instruction qui a désigné régulièrement un collège de plusieurs médecins experts cordonné par Sophie Gromb. Il rappelle que les experts ne rendent que des avis qui peuvent être discutés, et qu’aucune contre-expertise n’a été demandée par les mis en examen. Il conclut logiquement au rejet de ces pourvois.
En revanche, l’avocat général demande l’annulation des expertises psychologiques effectuées selon lui de façon non régulière sur Banier, d’Orgeval et Maistre, sans que cela remette en cause le reste de la procédure.
À noter : Éric Woerth n’a pas formé de pourvoi. Il est vrai qu’il n’est pas visé par le délit d’abus de faiblesse, étant seulement renvoyé en correctionnelle pour « recel », ainsi que pour « trafic d’influence » dans le volet de l'affaire concernant la légion d'honneur attribuée à de Maistre en contrepartie de l'embauche de Florence Woerth.
Les avocats représentant les tuteurs de Liliane Bettencourt se prononcent, quant à eux, pour que la procédure soit validée et que se tienne enfin un procès public, eu égard aux abus commis sur Liliane Bettencourt, 92 ans, « victime de l’avidité et de la cupidité de son entourage, avec une absence totale de considération et de compassion ».
La chambre criminelle a mis l’affaire en délibéré et rendra sa décision le 11 mars.
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