Un an après sa création en 2007, le MoDem revendiquait 60 000 adhérents. « Aujourd’hui, nous sommes autour de 30 000, indique le secrétaire général du Mouvement démocrate, Marc Fesneau. Mais si on s’appuie sur les chiffres de la réélection du président de notre parti en janvier 2014, c’est 15 000. »
« Ça a fondu depuis très longtemps, constate le député européen et vice-président du MoDem, Jean-Luc Bennahmias, qui après avoir rencontré François Hollande le 24 janvier, s'est finalement rallié à la candidature de Pape Diouf à Marseille. Entre l’espérance du démarrage qui était de créer un troisième pôle dans le corps démocratique français et la réalité, ça a sauté aux yeux… On n’était pas à la hauteur. » Initialement destiné à devenir « une force de contre-pouvoir, libre, capable de dire oui si l’action va dans le bon sens et non si elle va dans le mauvais sens », le Mouvement démocrate s'est trouvé incapable de tenir une ligne de route claire et précise. De déceptions en dissidences, le parti a vu le nombre de ses militants et de ses cadres se réduire comme peau de chagrin.
En 2012, François Bayrou obtient l’un de ses scores les plus faibles à la présidentielle (9,13 % des suffrages). Dans la foulée, il perd son siège de député. Depuis lors, le patron du MoDem va dans tous les sens. Après avoir fait le « choix personnel » de voter François Hollande, il multiplie les appels du pied au gouvernement. Dans son livre De la vérité en politique (Éd. Plon, mars 2013), il écrit même croire encore en la possibilité d’une politique d’« urgence nationale » qui pourrait être menée avec une majorité composée « de la gauche réformiste, du centre réformateur et de la droite républicaine ». Mais rien n’y fait. Hollande ne bouge pas.
Six mois plus tard, changement de discours. Bayou se définit à présent comme un « opposant » au gouvernement et se rapproche du patron de l’UDI, Jean-Louis Borloo. Les deux hommes officialisent, le 5 novembre, la création d’un mouvement commun baptisé « UDI-MoDem : l’Alternative ». Après plus de onze ans de séparation, le centre se dit désormais uni et fin prêt à percer lors des municipales de mars.
Mais une fois de plus, les noces font long feu. Et même si l'Alternative a réussi à régler bon an mal an le problème des listes parisiennes, elle se heurte encore aux « situations particulières » de plusieurs dizaines de villes où les alliances concoctées pour les municipales ne sont pas claires. Des cas « marginaux » pour le délégué général de l’UDI, Éric Azière : « Je sors tout juste d’une réunion de trois heures avec Marc Fesneau (son alter ego au MoDem – ndlr). En une semaine, on est passé de 250 à 300 villes de plus de 10 000 habitants où nous sommes d’accord. Il y a une bonne volonté mutuelle entre les deux partis pour ne pas crisper les situations qu’on ne peut de toute façon pas dénouer. »
Jean-Luc Bennahmias fait quant à lui un tout autre état des lieux. « Quand on regarde les villes de plus de 10 000 habitants, on trouve toutes les alliances possibles. Des MoDem, il y en a un peu partout. Ça n’a pas disparu, contrairement à ce qu’on pouvait penser. Mais si vous arrivez à trouver cinq listes UDI-MoDem stricto sensu, vous me le dites ! » s'amuse-t-il.
Des cadres qui essaient tant bien que mal de s'accorder, des élus qui entrent en dissidence sans qu'on les sanctionne vraiment, un président qui marche sur un fil... Certes, le Mouvement démocrate s'efforce depuis sa création « d’être le point d’équilibre de la politique française », comme le rappelle Marc Fesneau, mais dans les faits, il peine toujours à y parvenir. Qu'en pensent ses militants historiques ? Arrivent-ils encore à s'y retrouver dans ce jeu d'alliances et de concessions ? Pour le savoir, Mediapart a recontacté certains d'entre eux, croisés en 2012 durant les campagnes de la présidentielle et des législatives.
À Toulouse où le MoDem 31 a décidé de soutenir la candidature de l’UMP Jean-Luc Moudenc, Lydie Sepval, militante du Mouvement démocrate interrogée pour la première fois en mars 2012, confie aujourd'hui « ne pas se retrouver dans cette alliance avec Borloo qui est trop proche de l’UMP ». « Je suis un peu dubitative… Le MoDem va vers la droite et ça ne me plaît pas beaucoup. Mais bon, François Bayrou avait besoin d’exister et les stratégies politiques sont ce qu’elles sont... », regrette cette professeur de sciences économiques et sociales.
Pour les municipales de mars, Lydie Sepval préfère « rester très en retrait » : « Aller tracter pour l’UMP, ça ne m’intéresse pas. J’ai un peu laissé tomber car j’ai du mal à suivre », indique la militante, avant d’ajouter qu’elle continue à différencier « la cuisine politicienne » et « la philosophie centriste ». C’est d’ailleurs parce qu'elle croit toujours en cette « philosophie » qu'elle a choisi de rester au MoDem : « J’ai failli quitter le parti après les législatives de 2012 parce que je trouvais que François Bayrou avait manqué de clairvoyance vis-à-vis des socialistes. Pour autant, il continue à dire des choses auxquelles je suis très sensible... D'un côté, il y a les idées qu'il faut défendre et de l'autre, les institutions qui empêchent le centre d'être vraiment indépendant. Peut-être que Bayrou n'est pas assez pédagogue parce que ce message passe mal auprès des militants. »
Pascal Troussier ne cherche plus à comprendre ce type de subtilités. Cet ancien militant UDF, originaire de Pertuis (Vaucluse) et encarté au MoDem depuis sa création, a décidé de claquer la porte du parti en janvier 2013. « Je suis resté motivé assez longtemps, mais j’ai fini par m’apercevoir qu’on allait dans le mur, explique-t-il. Le MoDem fonctionne comme un système jacobin où tout se passe à Paris. Au niveau local, on a juste l’impression de servir de chair à canon. »
Croisé pour la première fois en septembre 2011, ce consultant industriel de 57 ans voit désormais son ancien parti comme « une usine à fabriquer des places à ceux qui vivent de politique » : « Je reste centriste, fidèle aux idées démocrates, mais je crois que le MoDem ne représente plus ce qu’il était. Son rapprochement avec l’UDI, ce faux nez de l’UMP, n’a fait que conforter ma décision de partir. Bayrou et les autres avaient besoin d’être élus quelque part et ils ont fait un choix d’opportunité au détriment de la seule voie qui vaille la peine : celle des convictions. »
« Les militants sont un peu las des changements d’attitude de Bayrou qui va un coup à droite, un coup à gauche », reconnaît Pierre Yana, qui a pourtant lui aussi changé d'avis depuis sa rencontre avec Mediapart en janvier 2012. À l’époque, le responsable de la section dunkerquoise du Mouvement démocrate qualifiait le maire PS Michel Delebarre de « roi Soleil ». Deux ans plus tard, son équipe soutient la candidature de l'édile socialiste qui brigue cette année un cinquième mandat. « Pour les municipales, on n’est pas sur des positions d’idées, mais sur des problématiques très locales, souligne-t-il. Nous sommes perçus par la population comme des modernisateurs. »
Mais entre le discours national et la réalité du terrain, les militants MoDem ne savent plus où donner de la tête. Alliances à droite ou alliances à gauche ? Pour le délégué général du parti Marc Fesneau, la question se pose pour les élections municipales « qui sont toujours compliquées », mais elle « n’engage pas les accords nationaux ». « Le MoDem est composé de personnes issues de différentes sensibilités. Partir dans tous les sens pose un problème de visibilité, mais je pense qu’on peut tout à fait expliquer pourquoi on est derrière certains UMP, tout en refusant de soutenir Patrick Balkany à Levallois-Perret. »
Si le MoDem et l’UDI ont encore du mal à trouver une cohérence localement, les deux partis aspirent au « rassemblement » de tous leurs militants. « Nous sommes dans un esprit de rassemblement depuis les législatives de 2012 où le centre a failli disparaître, affirme le secrétaire général de l'UDI, Éric Azière. Nos militants le comprennent très bien et s'en accommodent parfaitement. »
« Vu que ça va mal partout, il est essentiel que les meilleurs se rassemblent, estime pour sa part Patrick Lebigre, militant MoDem rencontré pour la première fois en avril 2012 à Pau, où François Bayrou fait aujourd’hui campagne avec le soutien de l’UMP locale. Des personnes issues du PS et de l’UMP nous ont rejoints. Nous rassemblons tous ceux qui le veulent bien dans le but de relever Pau qui est train de se paupériser. »
Dans le Béarn, le soutien éphémère du patron du Mouvement démocrate à François Hollande ne semble pas avoir perturbé les militants outre mesure : « Ça m’avait un peu surpris, mais en fait il est allé au bout de sa logique, explique Jean-Pierre Lesage, retraité de 66 ans et militant MoDem. Cette tentative d’ouverture n’a pas fonctionné parce que le PS est sectaire. Aujourd’hui, Bayrou fait une alliance avec l’UDI et je trouve ça très bien. Parce que l’UDI a changé, mais aussi parce que le centre divisé, c’est toujours un handicap. »
De son côté, Jean-Luc Bennahmias veut faire en sorte que « ceux qui ont cru un jour à ce que disait le MoDem ne soient pas laissés dans la nature ». Et le vice-président du Mouvement démocrate de conclure : « Est-ce que je me sens à l’aise là-dedans ? Pas plus que ça. Est-ce que je fais avec ? Oui. Je gère la complexité. »
BOITE NOIRESauf mention contraire, toutes les personnes citées dans cet article ont été jointes par téléphone au cours des dix derniers jours.
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