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Marseille: Valls place la sécurité au cœur de la campagne

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Mardi 28 janvier 2013, la violence et les trafics se sont invités dans la campagne municipale à Marseille, avec l’assassinat d’un homme de 40 ans, tué à l’heure de la sortie des écoles par une rafale de kalachnikov sous les yeux de son fils de 9 ans. Le 4e règlement de comptes marseillais de l’année a eu lieu sur un parking de Val Plan (13e arrondissement). C’est l’une des 29 cités à avoir bénéficié de l’opération « reconquête » lancée en décembre 2012 par la toute nouvelle préfecture de police. Les forces de l’ordre, qui contrôlaient depuis novembre 2013 les entrées du quartier pour asphyxier le trafic de cannabis, venaient d’ailleurs tout juste de lever le camp. « Ils étaient là jusqu'au 17 janvier », précise le candidat PS Patrick Mennucci, qui inaugurait ce soir-là le local de campagne de Garo Hovsepian, sa tête de liste dans les 13e et 14e arrondissements, et a rencontré des habitants « extrêmement choqués ».

Manuel Valls lors de l'inauguration du local de campagne de Christophe Masse, le 27 janvier 2014.Manuel Valls lors de l'inauguration du local de campagne de Christophe Masse, le 27 janvier 2014. © LF

Pourtant, à Val Plan et au Clos la Rose, la cité voisine endeuillée en 2010 par l’assassinat d’un adolescent de 16 ans, « les opérations avaient permis de ramener de la paisibilité… jusqu’à mardi », assure Joël Desroches, directeur du centre socioculturel du quartier. Le bâtiment 41, squatté par des dealers, a ainsi été rénové et rendu aux habitants. La préfète déléguée à l’égalité des chances, Marie Lajus, doit y inaugurer mi-février une ludothèque et un atelier de bricolage mis en place par la régie de quartier. Preuve que la sécurité à Marseille ne saurait se mesurer uniquement à l’aune du décompte des règlements de comptes égrené par les médias.

Après la venue le 27 janvier du ministre de l’intérieur, Jean-Claude Gaudin, le maire sortant qui brigue un quatrième mandat, et son adversaire PS Patrick Mennucci ont présenté cette semaine leur programme sécurité. Un sujet attendu dans cette ville vue « par le pouvoir politique comme un territoire où développer une mise en scène sécuritaire, avec les visites à répétition des ministres, la valse des préfets de police », décryptait récemment le sociologue Laurent Mucchielli dans Libération.

Avec une police municipale au rôle « effacé », Marseille a longtemps « fait figure d’exception de ce point de vue en région PACA », constatait un rapport de l’inspection générale de l'administration en 2010. À son arrivée à Marseille, l’ex-procureur de la République Jacques Dallest avait été surpris de « l’absence de caméras » et d’un « schéma sécuritaire un peu rétrograde », avait-il dit lors d’un débat en décembre 2012. Jean-Claude Gaudin a en effet toujours considéré que la sécurité relevait de la police nationale. Depuis, sous la pression de Claude Guéant puis de Manuel Valls, le sénateur UMP a fini par mettre les bouchées doubles sur les recrutements de policiers municipaux (passés de 240 agents en 2011 à 315 en 2013) et l’installation de caméras (passées de 23 en 2011 à 450 en 2013). Les policiers municipaux, chargés de veiller sur les 850 602 Marseillais, ont été récemment dotés de flashball et de taser.

« Nous avons joué le jeu, a déclaré Jean-Claude Gaudin le 27 janvier, lors de la présentation de son “Pacte citoyen du bien-vivre ensemble”. C’est à l’État d’assurer la sécurité des personnes et des biens, et quoi qu’ils en disent, ils ne le font pas mieux qu’avant. » Le maire sortant promet le doublement de la police municipale et l’installation de 2 000 caméras d’ici 2017. Mais son argument principal semble être le ralliement de Jean-Claude Delage, secrétaire général d’Alliance Police, présent en troisième position sur la liste UMP des 13e et 14e arrondissements. Au sein du deuxième syndicat des gardiens de la paix, qui avait soutenu les politiques sécuritaires sarkozystes, la candidature de ce Marseillais de naissance ne surprend personne.

« Nous avons dix ans de retard sur Lyon ou Lille », a assené Patrick Mennucci deux jours plus tard, lors de la présentation de son programme sécurité. En plus de doubler la police municipale durant son mandat, le député PS veut l'implanter sur l’ensemble du territoire marseillais, la doter de « pistolets » et prolonger son service jusqu’à 23 heures, voire plus. « Aucune organisation syndicale n’accepte que les agents travaillent de nuit sans arme (à feu, ndlr) », justifie le candidat PS. Avec une sérieuse reprise en main : « Tous les arrêtés municipaux de stationnement, de vente, doivent être contrôlés par la police municipale. »

Côté vidéosurveillance, Patrick Mennucci n’avance pas de chiffres. Mais il entend développer la vidéosurveillance « dans les lieux où son efficacité sera vérifiée », dont une « quarantaine de noyaux villageois », en s’appuyant sur le réseau déjà existant (caméras des bailleurs sociaux, de la région, du département, de la régie des transports marseillais, de la SNCF). Et enfin, construire une vraie politique municipale de prévention, pour éviter les interventions des associations au coup par coup, au fil des cris d’alarme des élus de terrain. Le maire de secteur des 1er et 7e arrondissements est conscient des limites de l’exercice. Plus question de drones ou d'armée dans les quartiers comme certains candidats socialistes l'avaient proposé dans la surenchère de la primaire socialiste. « Je ne vais pas régler tous les problèmes de sécurité dans cette ville qu’avec des policiers, indique Patrick Mennucci. La sécurité passe par le développement de la ville. » Selon l'étude du Compas (Centre d’observation et de mesure des politiques d’action sociale), Marseille figure parmi les communes françaises qui ont le taux de pauvreté le plus élevé : 25 % en moyenne. Avec en prime des écarts de richesse qui ne font que s'accroître entre le nord et le sud de la ville, de part et d'autre de la Canebière. Dans le 3e arrondissement, arrière-cour longtemps délaissée du port et de la gare Saint-Charles, le taux de pauvreté monte à 55 %. Il n'est que de 9 % dans le 8e arrondissement longé par les plages du Prado. Et plus le découpage s'affine, plus les inégalités sautent aux yeux. À l'échelle des Iris (des îlots d'habitations découpés par l'Insee), le taux de pauvreté dépasse les 70 % dans une dizaine de quartiers marseillais. « Mais comment peut-on accepter de laisser vivre des habitants dans une telle situation ? » s'est indigné Manuel Valls, après une visite lundi après-midi de la cité Picon-Busserine (14e arrondissement).

« Vous ne pouvez pas lutter contre la place qu’a prise une économie malsaine, si vous ne créez pas une alternative économique », a soutenu Patrick Mennucci, questionné à propos de l’efficacité des opérations policières contre les trafics de stupéfiants. Il se dit d'ailleurs favorable à l'ouverture d'un débat sur la dépénalisation du cannabis. « Nous ne sommes pas pour, je me sens incapable d'être péremptoire sur le sujet, se hâte-t-il de préciser. Il y a le besoin d'un vrai débat national... »

Vingt mois après le lancement des deux zones de sécurité prioritaires (ZSP), qui couvrent plus de la moitié de la population de Marseille, les chiffres de la délinquance collectés par la police y sont plutôt en baisse. Pour la ZSP Nord, les violences aux personnes enregistrées par la police ont diminué de 17,4 % et les atteintes aux biens de 9,3 %. Dans la ZSP Sud, cette baisse est de 10,4 % pour les violences et de 15 % pour les atteintes aux biens. Le tout au prix d'un véritable quadrillage : selon les chiffres de la préfecture de police, 71 058 personnes et 49 554 véhicules ont été contrôlés dans les deux ZSP depuis un an.

Des résultats assez satisfaisants (surtout au vu des chiffres nationaux) pour que le ministre vienne lui-même les présenter le 27 janvier à la préfecture de police de Marseille. « Rien n'est acquis, mais les chiffres sont là », a dit Manuel Valls, qui depuis mai 2012 s'est rendu une dizaine de fois à Marseille. Après une visite dans une cité et une montée à Notre-Dame-de-la-Garde – « Je ne vous dirai pas ce que j’ai pensé en rentrant dans la crypte » –, Manuel Valls a rejoint l’inauguration du local de campagne de Christophe Masse, tête de liste PS dans les 11e et 12e arrondissements, un des secteurs susceptibles de basculer à gauche. « Quand un gouvernement tend la main, personne ne peut ni ne doit refuser cette main au nom d’intérêts politiciens, a lancé le ministre venu en « ami » devant les militants PS. (…) Ce que je demande aux Marseillais, c’est de juger sur pièce, de regarder de près. Qui, hier, avait supprimé des postes de policiers et de gendarmes ? Qui, hier, avait laissé des quartiers à l’abandon ? »

Jean-Claude Gaudin n’a pas manqué de dénoncer « un mélange des genres ». Le sénateur UMP a annoncé son intention de saisir la Commission des comptes de campagne pour demander « que les visites, comme ce soir par exemple, dans une permanence électorale, soient intégrées dans les comptes » du « candidat socialiste gouvernemental ». « On distingue bien les choses, tout est réglé, les voitures pour aller à la permanence, etc. », nous assurait Patrick Mennucci le 24 janvier.

Du côté du cabinet de Manuel Valls, on se contente de renvoyer aux règles fixées par la circulaire qu'a envoyée Matignon aux ministres mi-janvier. « Dans le cadre d'un déplacement à caractère officiel, le ministre doit séparer clairement son activité officielle de son éventuelle participation à des activités ou manifestations à caractère électoral, s'assurer que la partie officielle du déplacement ne risque pas d'être elle-même assimilée à une quelconque opération de promotion au profit d'une des listes en présence », stipule cette dernière.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Google Glass : la fin des mots de passe?


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