Quantcast
Channel: Mediapart - France
Viewing all articles
Browse latest Browse all 2562

“Manif pour tous” : le pourrissement

$
0
0

Donc, une semaine après « jour de colère », la « manif pour tous » redescend dans la rue, et on s’interroge gravement, à longueur de tables rondes et de tribunes. Quel sens peuvent donc avoir ces mouvements extrémistes ? Des questions d’autant plus obsédantes que des rumeurs, des montages, des mensonges, ont conduit certains parents à interdire à leurs enfants de se rendre à l’école, au nom d’une lutte contre une prétendue « théorie du genre »...

C’est comme si ces cortèges particuliers, ouvertement racistes, souvent violents, clairement réactionnaires, étaient un baromètre. La gauche paraît gênée aux entournures. Elle se demande comment contrecarrer cette occupation de la rue par des groupes de mécontents le plus souvent manipulés par des chapelles d’extrême droite.

Le gouvernement, confronté à la répétition des incendies, semble désarçonné, voire dépassé. Au printemps le mariage pour tous, à l’automne les bonnets rouges, cet hiver Dieudonné, puis ce « jour de colère » qui demande la démission du président de la République. Et maintenant le retour des mutins du mariage, au nom d’une procréation médicalement assistée qui n’est pas au programme, et d’une gestation pour autrui qui n’est pas en chantier…

La droite classique hésite. Elle pratique le tango en se marchant sur les pieds, un pas en arrière devant les extrémistes, parce qu’ils font peur avec leur antisémitisme, leurs casseurs, leurs fantasmes, mais un pas en avant quand même, car les ennemis de leurs ennemis socialistes, même complètement infréquentables, sont difficiles à rejeter.

Dans le discours de l’UMP – celui de Brice Hortefeux, Jean-François Copé, Luc Chatel –, traîne donc l’idée que les furieux de la prétendue « théorie du genre », ou les exaltés de la manif pour tous, ne devraient pas se conduire comme ça, certes, mais que la faute en revient au pouvoir qui fracture la société. On entend là comme un écho inversé de ce que dénonce en général cette même droite quand elle accuse la gauche de laxisme devant les délinquants… D’un seul coup, les fauteurs de trouble ne sont plus considérés comme des coupables, mais comme des victimes, poussées à bout par l’environnement social et politique.

Dans le délire des extrémistes, il faudrait rechercher une espèce de sagesse, un message, le signal d’un malaise général. Cette volonté de « comprendre » n’est d’ailleurs pas le fait de la seule droite politique. Depuis un an, une idée admise partout parle de la montée en puissance d’une nouvelle génération de la droite dure, comme si c’était une évidence. Comme si ce mouvement né au printemps, à l’occasion du débat sur le mariage homosexuel, ne subissait pas dans les faits le même sort que toutes les protestations de la rue, quand elles manquent leur objectif.

Les opposants au mariage homosexuel ont certes été motivés et nombreux, mais la loi a quand même été votée, appliquée, et elle n’engendre aucune fracture dans la vie quotidienne. C’est cette défaite en rase campagne que ne veulent pas admettre les Boutin et compagnie.

Or que se passe-t-il, depuis des lustres, quand une mobilisation n’obtient pas de résultat. Soit ses dirigeants négocient une sortie honorable, soit ils s'entêtent. Quand ils insistent, on l’a répété mille fois à propos des mouvements sociaux, ils subissent ce qu’on appelle un pourrissement, c’est-à-dire une démobilisation accompagnée de la radicalisation de petits groupes morcelés, qui deviennent parfois violents.

Tout porte à croire qu’on en est là. La « manif pour tous » ne s’étend pas. Elle pourrit.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Google Glass : la fin des mots de passe?


Viewing all articles
Browse latest Browse all 2562

Trending Articles