Les collectivités « se saignent » pour continuer à fonctionner, estimait Christian Estrosi, le 23 octobre 2013. À l’occasion d’un point presse sur la fiscalité locale et les incidences de la fiscalité nationale sur la ville de Nice, le député et maire UMP confiait vouloir « travailler à fond pour réduire les dépenses publiques », prévenant toutefois que cela aurait « peut-être un effet sur la qualité de certains services publics ».
Pourtant, celui qui a fait du « ras-le-bol fiscal » son nouveau cheval de bataille en vue des municipales de mars – il a d’ailleurs lancé en octobre le site Résistancefiscale.fr – ne se soucie guère des dépenses publiques lorsqu’il s’agit de passer quelques jours à Paris. Selon des documents que Mediapart s'est procurés, Christian Estrosi a effectué un court séjour parisien du lundi 24 juin au mercredi 26 juin 2013, au cours duquel il a occupé une suite luxueuse de l’hôtel 4 étoiles Bourgogne & Montana, situé dans le VIIe arrondissement, à quelques encablures de l’Assemblée nationale. Deux nuits facturées 1 137,50 euros par une agence de voyage niçoise et payées par la ville de Nice.
Député de la 5e circonscription des Alpes-Maritimes, Christian Estrosi se rend régulièrement à Paris pour assister aux différentes sessions parlementaires. Comme l'explique le site du Palais-Bourbon, « la majorité des députés disposent d’une possibilité de couchage dans leur bureau. Les autres peuvent accéder, moyennant une participation, à l’une des 51 chambres de la Résidence de l’Assemblée nationale située dans l’immeuble Jacques Chaban-Delmas ».
Mais si la mairie de Nice a offert à son édile une suite dans un hôtel de luxe – facturée 450 euros la nuit –, c’est précisément parce que ce dernier « est monté à Paris en qualité de maire et de président de la métropole Nice Côte d’Azur », souligne son directeur de cabinet, Anthony Borré. « Il avait deux rendez-vous en particulier, à savoir une réunion des présidents de l’association des présidents de communautés urbaines de France le 25 juin, et une réunion en qualité de maire de Nice, ville hôte de l’Euro 2016, où il avait été invité par Michel Platini, le 26 juin. Il avait également un rendez-vous médiatique puisque le matin du 25 juin, il a fait une télévision (émission « L'Invité politique » de Radio Classique et Public Sénat – ndlr), où il était invité en qualité de maire de Nice », précise-t-il.
Si l'on en croit son directeur de cabinet, Christian Estrosi n’avait pas à loger dans son bureau ou dans l’une des chambres de la Résidence de l’Assemblée nationale puisqu’il ne venait pas à Paris pour une session parlementaire. Or, c’est bien au Palais-Bourbon que le député et maire UMP de Nice a passé une partie de l’après-midi du mardi 25 juin. Il a notamment été aperçu à la séance des questions au gouvernement, où il fut justement question de la situation des finances publiques.
Interrogé une première fois le vendredi 24 janvier, le directeur de cabinet de Christian Estrosi s’étonnait du montant des deux nuits passées à l'hôtel Bourbon & Montana. « Les services qui pourraient me renseigner sur le prix exact sont fermés, donc je ne peux vous confirmer ces chiffres, mais je ne crois pas que le montant soit celui que vous indiquez, affirmait-il alors à Mediapart. C’est un montant important, donc je pense qu’il est faux. »
Une fois le week-end passé, Anthony Borré nous a finalement rappelés pour confirmer ce montant, précisant toutefois que trois nuits avaient été facturées « parce que M. Estrosi a occupé la chambre tard dans la journée du mercredi 26, avant de repartir à Nice ». Une information démentie par la facture de l'hôtel 4 étoiles que Mediapart s’est procurée et sur laquelle seules deux nuits et quelques « room services » sont réglés par carte bleue.
Ce n’est pas la première fois que Christian Estrosi est épinglé pour ses dépenses. Début 2008, Le Canard enchaîné révélait que les services de celui qui était alors secrétaire d'État à l'Outre-mer avaient loué 138 000 euros un jet privé pour un déplacement éclair à Washington. « Bien évidemment, si on m'avait soumis ce devis, je ne l'aurais pas accepté, parce que ça ne fait pas partie de mes pratiques », s'était défendu l'ex-ministre de Nicolas Sarkozy.
Trois ans plus tard, l’hebdomadaire affirmait que le député et maire de Nice, tout juste sorti du gouvernement, utilisait à Paris une voiture de fonction de sa municipalité et faisait venir deux jours par semaine un chauffeur depuis la Côte d'Azur. Le coût de ces allers et retours était estimé à « plus de 500 euros de billets d'avion auxquels s'(ajoutaient) les repas du chauffeur et quelques 70 euros pour la nuit d'hôtel ».
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