Alors que l’UMP vient de désigner Michèle Alliot-Marie tête de liste aux européennes, l'ancienne ministre se retrouve épinglée par la Commission nationale des financements politiques. Dans un avis publié mercredi 22 janvier, cette autorité indépendante a jugé « non conformes » les comptes 2012 de son micro-parti gaulliste (baptisé Le Chêne), ceux du « parti de poche » de Jean-Marie Le Pen (Cotelec) ou encore ceux du Parti anti-sioniste (qui a supporté la campagne de l’humoriste Dieudonné aux européennes de 2009).
Non seulement ces organisations ont interdiction désormais de financer la moindre campagne électorale, mais leurs prochains donateurs seront privés de toute déduction fiscale. Un coup dur.
Le « parti de poche » du président d’honneur du Front national a tout bêtement expédié son dossier « hors délai » à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Cette "bourde" ne manquera pas d’intriguer les policiers qui se penchent depuis peu sur le fonctionnement de Cotelec, dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris sur les dérives du micro-parti de Marine Le Pen (lire notre enquête).
Quant au Chêne, succursale créée en 2006 par l’ancienne ministre des affaires étrangères de Nicolas Sarkozy, ses équipes ont refusé de fournir des justificatifs sur l’origine des dons encaissés en 2012, et ce malgré des « demandes répétées de la Commission ». Celle-ci s’est retrouvée dans l’incapacité de vérifier le respect du plafond légal de 7 500 euros par personne ou bien l’absence de versements d’entreprises.
Ces sanctions médiatisées, qui frappent environ 5 % des partis recensés, semblent toutefois servir de "cache-sexe", sinon d’alibi, à un système de contrôle défaillant. Non que la CNCCFP fasse délibérément mal son travail (avec ses maigres moyens financiers), mais le législateur ne l’a pas dotée au départ des outils juridiques nécessaires pour débusquer toutes les irrégularités, et surtout les sanctionner.
Comme Mediapart l’a déjà détaillé, la réalité du contrôle repose en amont sur les commissaires aux comptes recrutés par les formations politiques pour certifier leur bilan financier – des professionnels de l’audit certes, mais qu’elles choisissent elles-mêmes et qu’elles rémunèrent. Jusqu’ici, eux seuls avaient le pouvoir de réclamer des pièces justificatives (factures, notes de frais, etc.) et de jauger la sincérité des dépenses. Une fois leur certification apposée, la CNCCFP n’avait guère les moyens (en droit) de contredire leur travail et devait se contenter d'entériner, quasiment à l’aveugle.
À vrai dire, l’unique pouvoir effectif de la Commission s’exerçait côté recettes, à travers un suivi précis des dons (les partis ayant l'obligation de transmettre tous leurs reçus). Le Chêne de Michèle Alliot-Marie aurait bizarrement négligé cet impératif de base…
Dans son avis publié mercredi, la CNCCFP rappelle ainsi sans fard qu’elle n’a jamais eu « d'accès direct aux comptes des partis », ni aucun « pouvoir d’investigation ».
À l’avenir, elle pourrait toutefois prendre un peu de muscle. Si la gauche a raté cet automne l’occasion de réformer en profondeur le système de contrôle du financement politique (à l'aide de ses projets de loi sur la transparence), la Commission a tout de même réussi à faire passer quelques dispositions, dont une qui pourrait modifier légèrement son rapport de force avec les partis.
Pour la première fois, en effet, les agents de la CNCCFP pourront réclamer « toutes les pièces comptables et tous les justificatifs nécessaires au bon accomplissement de (leur) mission ». Les moyens de la commission « seront renforcés et changeront la nature de son contrôle », peut-on lire dans l'avis publié mercredi. C’est une petite révolution dans l’absolu, dont les partis sont juste en train de réaliser les conséquences.
Dans les faits, pas sûr toutefois que les agents de la Commission s’emparent de leurs nouveaux pouvoirs à bras-le-corps, qu’ils talonnent vraiment les trésoriers, qu’ils sanctionnent leurs silences ou leurs lenteurs calculées. À l’heure où l’UMP récolte officiellement plus de 11 millions d’euros en quelques semaines avec le « Sarkothon », où la tricherie de son candidat à la présidentielle est actée par le Conseil constitutionnel, l’urgence est pourtant là.
Même le Groupe d’États contre la corruption (Greco), une structure du Conseil de l’Europe notamment chargée d’étudier le niveau de « transparence du financement des partis politiques » dans les pays membres, dresse un diagnostic sévère du système hexagonal. Dans un rapport d’évaluation publié fin novembre, le Greco recommande à la France de « renforcer la fonction de contrôle de la CNCCFP », de lui offrir « un pouvoir de contrôle sur pièce et sur place à l’égard des partis », la possibilité de « faire appel aux services d’enquête judiciaire en cas de doute sérieux », etc.
Mieux : tout en prenant acte des réformes votées cet automne pour tenter d’en finir avec les micro-partis, le Greco préconise que soient désormais publiés les noms des plus gros donateurs, au nom de la transparence. (Lire nos révélations sur les membres du Premier cercle à l’UMP, ici et là.)
« Bien d’autres États membres du Greco, tout en garantissant eux aussi le respect de la vie privée, ont aujourd’hui un dispositif de ce type, tance le rapport. La France devrait donc redoubler d’efforts pour s’aligner sur ces pays. » Le Chêne de Michèle Alliot-Marie serait ainsi soumis au contrôle imparfait de la commission, mais aussi des citoyens.
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