Incarcéré presque sans discontinuer depuis 1975, Philippe El Shennawy, 59 ans, est à l’heure actuelle le plus ancien prisonnier de France. Cet homme devenu un symbole devrait enfin pouvoir mettre un pied dehors vendredi matin, ayant obtenu une libération conditionnelle ce mercredi auprès du tribunal de l’application des peines de Créteil. C'est le geste de François Hollande, lui accordant en mars 2013 une grâce partielle qui a eu pour effet d'annuler sa période de sûreté, qui lui a permis de déposer sa demande. Sans cela, à cause de sa dernière condamnation, il n’aurait été libérable qu’en 2032.
En 2009 © DRSauf appel du parquet, Philippe El Shennawy quittera donc la maison d’arrêt de Fresnes vendredi, mais ne sera pas entièrement libre de ses mouvements pour autant. Doté d’un bracelet électronique, il ne pourra quitter son domicile qu’entre 7 heures et 19 heures en semaine, ainsi que quelques heures le week-end. Il ne pourra, en outre, pas quitter la région parisienne sans autorisation.
La prison de FresnesCe régime de liberté conditionnelle devrait durer deux ans. Selon son avocate, Maud Marian, un travail de bon niveau l’attend dès lundi dans le domaine de « l’événementiel culturel », grâce aux diplômes qu’il a passés en prison (on peut voir l’interview de l’avocate ici).
Né à Alexandrie en 1954 d’un père égyptien, chirurgien-dentiste, et d’une mère française, Philippe El Shennawy vit en France depuis les années 1970. Livré à lui-même, il est accusé d’avoir commis plusieurs braquages sans effusion de sang.
Il est arrêté avec son ami Taleb Hadjadji pour le hold-up avec prise d’otages de la CIC de l’avenue de Breteuil, commis le 8 septembre 1975. Le commissaire Broussard, qui avait été semé par les braqueurs lors d’une course-poursuite dans Paris, exulte. Quant au ministre de l’intérieur de l’époque, Michel Poniatowski, il se félicite de cette arrestation en jugeant que « le crime n’a pas payé ». Pourtant, la rançon de 6 millions de francs versée pour libérer les otages de la banque n’a pas été retrouvée...
En 1975 © DRPhilippe El Shennawy et Taleb Hadjadji sont condamnés à perpétuité le 28 janvier 1977 par la cour d'assises de la Seine, malgré leurs dénégations (cette peine sera commuée en 20 ans de réclusion criminelle).
Hadjadji se suicide en 1980 à la prison de Saint-Maur. Considéré comme détenu particulièrement surveillé (DPS), El Shennawy change régulièrement de prison, et vit des conditions de détention très dures, le plus souvent à l'isolement.
Obtenant une liberté conditionnelle en 1991, il ne respecte pas les contraintes qui lui étaient fixées. Retour à l’ombre. Il obtient une permission de deux jours en 2002, mais choisit de rester en liberté. Retour en prison. Les remises de peine s’estompent à chaque fois. Les peines de prison, elles, s’accumulent. Placé en hôpital psychiatrique en 2004, il s’échappe. Commet quelques braquages. Nouvelle condamnation en 2008. Une douzaine en tout.
Philippe El Shennawy entame alors des grèves de la faim, et assure qu’il se laissera mourir en prison s’il n’obtient pas une libération conditionnelle. Des intellectuels se mobilisent.
Son épouse, Martine Sauvadet-El Shennawy, avec laquelle il a eu un « bébé parloir », s’est battue pendant des années pour obtenir sa libération, et a consacré un livre à leur histoire (Condamnée à perpétuité, Michalon, 2008). (On peut voir un reportage que lui a consacré France 3 ici)
Devenu une cause à lui tout seul, Philippe El Shennawy a fait condamner la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en 2011 pour « traitements inhumains et dégradants ». Jugé par une cour d’assises en 2008 pour des hold-up, il avait en effet subi – pour des raisons alléguées de sécurité – jusqu’à huit inspections anales par jour, pratiquées par des hommes cagoulés, et filmées en vidéo (on peut lire la décision de la CEDH ici).
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