« Cot cot cot codec. » Les cris de poule poussés par un député UMP en octobre 2013 pendant une intervention de la députée EELV Véronique Massonneau à l'Assemblée nationale ont suscité une vive polémique. Enfin. Car le parlement donne régulièrement le spectacle du sexisme ordinaire, parfois crasse, offert par un parterre d'hommes, blancs, de catégorie socio-professionnelle supérieure et de plus de 50 ans (en grande majorité). Et que rien (ou presque) ne change. Certaines scènes sont devenues célèbres, comme Roselyne Bachelot et la couleur de ses tailleurs, Édith Cresson et sa « veste pied de poule » lors de son discours de politique générale en 1991, Michèle Alliot-Marie empêchée d’entrer en pantalon dans l’hémicycle en... 1972.
L’affaire DSK, en 2011, avait au moins eu le mérite de délier les langues. Dans Le Parisien, on découvrait que la ministre des sports Chantal Jouanno ne pouvait pas, de son propre aveu, porter une jupe dans l'hémicycle sans entendre dans son dos des remarques salaces, qu’un député UMP des Yvelines lançait à une collègue du PS : « Habillée comme ça, faut pas s'étonner de se faire violer ! » Dans les couloirs de l’Assemblée, les attaché(e)s parlementaires s’ouvraient de propos machistes, de mains aux fesses, de drague lourde (), venus de la droite comme de la gauche. On parlait de « harcèlement sexuel » de la part de certains élus de la République. Dans un documentaire récent (dont nous avons parlé ici), la coprésidente du parti de gauche Martine Billard a raconté en avoir été victime à l'Assemblée.
En octobre, Mediapart a lancé son « MachoScope », qui recense le sexisme à tous les échelons envers les femmes politiques – à l'Assemblée, au Sénat, au gouvernement, mais aussi dans les collectivités locales (conseils généraux, conseils municipaux, réunions politiques, etc.) et dans les médias - voir aussi en boîte noire.
13 janvier 2014
Sur le plateau de Mots croisés, sur France 2, Rama Yade et Gilbert Collard débattent vivement du cas Dieudonné. L'avocat devenu député Front national s'énerve et lâche à l'endroit de l'ancienne ministre : « Vous êtes charmante mais totalitaire. » Rama Yade rétorque: « Epargnez-moi ça! » Collard enchaîne, hors de lui : « Alors vous êtes moche et totalitaire. » Yade : « Et en plus discourtois... » Collard : « Ben je sais pas, on vous dit que vous êtes charmante, vous n'êtes pas contente. On vous dit que vous êtes moche, vous n'êtes pas contente. » Le journaliste Yves Calvi tente de calmer le frontiste. Mais c'est Rama Yade qui a le dernier mot pour renvoyer Collard à son sexisme : « Et en plus vous êtes misogyne, c’est insupportable. »
11 décembre 2013
Christine Priotto, la maire de Dieulefit et membre de la direction du PS, témoigne d'une anecdote sur Twitter:
6 décembre 2013
La candidate à la mairie de Noisy-le-Sec Alda Pereira-Lemaître (PRG, ex-PS) raconte sur Twitter:
29 et 30 novembre 2013
L'association Femmes et pouvoir organise un colloque à Paris. Sur le mur, les élues présentes sont invitées à témoigner du sexisme au quotidien qu'elles subissent. Morceaux choisis : « Tiens une femme parmi nous! On aura des crêpes aux réunions! » « Parce que tu es une femme, tu n'as aucune chance d'être élue! » « Vous avez de la chance d'être une femme... On en cherche! » « Quel est le féminin de député? Suppléante! » « Ne t'inquiète pas toi, tu seras reconduite sur la liste aux municipales... Tu es une femme! » « Mais madame, vous êtes un peu petite pour être maire! » « Je vais voter pour vous parce que vous êtes la plus jolie. » « Pourquoi vous partez si tôt, vous allez faire la cuisine ? » « L'architecture? C'est beaucoup trop technique pour toi! » « Femmes et pouvoir? Vous prenez des cours de cuisine? » « Connaissez-vous la différence entre un homme et une femme politique? Sa femme. »
« Mais qui a gardé tes enfants lorsque tu es partie en campagne? », raconte encore une candidate aux législatives. « C'est plus simple quand nous sommes entre hommes de prendre des décisions », dit une élue à propos de ses collègues du conseil municipal. Une élue raconte que quand son mandataire financier s'approche, quelqu'un lui lance: « Ah, voilà votre souteneur! » Un homme dit à la présidente d'un bureau de vote: « Je prendrais bien un petit café. » Quant à une adjointe aux finances, on lui demande: « Ça te dérange pas d'aller faire une photocopie ?»
14 octobre 2013
Bernard Ronsin, conseiller général et maire divers droite de Crecy-sur-Serre (Aisne), s'oppose à la réforme instaurant la parité dans les conseils généraux. Son argument? Les femmes seraient mieux en cuisine: « C'est une connerie (...) on va forcer les femmes à faire de la politique alors qu'elles n'en ont pas forcement envie. (...) Dans ma profession, j'ai affaire à de plus en plus de femmes. Il y en a de très compétentes, mais elles nous pourrissent la vie. Elles seraient mieux avec des casseroles à faire de la confiture », a-t-il expliqué dans l'Aisne Nouvelle.
8 octobre 2013
En séance, Véronique Massonneau intervient pour le groupe Europe Écologie-Les Verts sur le projet de loi de réforme des retraites. « Si l’accroissement de l’espérance de vie est une chance pour la France, je ne le nie pas, il est nécessaire d’aller au-delà de ce critère pour tenir compte notamment de l’espérance de vie en bonne santé », explique la députée de la Vienne quand retentit tout à coup dans l'hémicycle un improbable « cot, cot, cot codec », selon le compte-rendu officiel de l'Assemblée nationale.
L'invective vient des bancs de l'opposition, et plus particulièrement du député UMP du Morbihan Philippe Le Ray qui a provoqué cette scène invraisemblable (remarquée par le blog Les cuisines de l’Assemblée) conduisant Véronique Massonneau à lancer au micro : « Mais qui fait ça ? Arrêtez hein. Je ne suis pas une poule. » Le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone est aussitôt intervenu et a suspendu la séance.
16 septembre 2013
Le député et maire d'extrême droite d'Orange, Jacques Bompard, n'a pas supporté de se faire contredire par une élue d'opposition. Lors d'un conseil municipal, il appelle la police pour faire exclure l'élue et lance : « Emportez-la ! » puis, sous les rires d'autres élus : « Ne la déshabillez pas ! »
Septembre 2013
À Saint-Michel Escalus (Landes), le conseiller municipal (et ancien maire) Jean-Marie Gondron a diffusé un tract (à lire ici) dans lequel il répond au maire et écrit : « À la demande de Mme Rousset, présidente de“l'association syndicale de La Vaucelle”, (…) vous avez classé en voie sans issue le chemin rural dit “de La Vaucelle”. (…) Histoire de faire plaisir à Mme la présidente (je vous comprends, elle est charmante). »
30 mai 2013
Dans Obsession, le mensuel du Nouvel Observateur, un portrait de la ministre de la culture Aurélie Filippetti évoque ses « exploits sexuels ».
14 mars 2013
Les députés débattent du projet de loi sur la refondation de l'école, et plus précisément de l'apprentissage des langues étrangères. L'inénarrable Jacques Myard (UMP) s'oppose à ce qu'elles soient étudiées avant le collège et lance : « L’apprentissage des langues, j’en connais quelques-unes, j’en ai tâtées d’autres. Je ne crois pas que cela se passe véritablement dès le CP ou le cours élémentaire. Je sais qu’en disant cela, je vais à l’encontre des idées à la mode. Je vais vous dire franchement : je vais employer une formule qui va encore me faire traiter de sexiste. Les langues étrangères, ça s’apprend à partir de 15 ans quand on va voir les petites Anglaises ou les petites Allemandes. Et c’est ce que j’ai fait ! Que ça vous plaise ou que ça vous déplaise, c’est comme ça. » Son collègue socialiste Pascal Terrasse rétorque sur le même ton: « Vous n’avez pas dû fréquenter beaucoup de petites Anglaises, alors ! »
6 février 2013
Les débats sur le mariage pour tous sont interminables à l'Assemblée et les échanges parfois très tendus entre la majorité et l'opposition. Mais ils atteignent un autre niveau quand le président Claude Bartolone est remplacé par une femme, la députée Laurence Dumont. Après un incident l'opposant à Christian Jacob, la droite scande « Bartolone ! Bartolone ! ». Les socialistes répondent en criant « machos, machos ! » à leurs collègues UMP.
31 janvier 2013
Décidément, les écologistes agacent la droite. Tout particulièrement les femmes. Barbara Pompili défend ce jour-là à l'Assemblée le principe de la coprésidence paritaire des groupes parlementaires. Attaquée par l'UMP, la députée EELV lance à l'opposition : « Je ne me permettrais pas de vous traiter d’enfant, même si parfois les attitudes de certains membres de votre groupe ont pu confiner à l’enfantillage. » L'UMP Jacques Myard ne peut se retenir : « Parlez pour vous, jeune fille ! » Barbara Pompili : « La première phrase machiste de la journée ! » Myard : « J'assume ! » Pompili : « Devrais-je vous appeler vieil homme ? »
17 janvier 2013
Le Sénat débat du projet de loi prévoyant un scrutin binominal (un homme/une femme) pour les prochaines élections cantonales. C'est Laurence Rossignol, également porte-parole du parti socialiste, qui a la parole quand tout à coup elle entend sur les bancs de l'opposition un de ses collègues s'exclamer : « C'est qui cette nana ? » Militante féministe de longue date, elle le reprend aussitôt, lui demande son nom – il s'agit de Bruno Sido, sénateur UMP – et lui décerne « la palme du misogyne beauf de cette assemblée ».
29 octobre 2012
Il est tard, ce lundi au Sénat. Ils ne sont plus qu’une trentaine autour du ministre du budget Jérôme Cahuzac. Jean-Vincent Placé, le président du groupe écologiste, se lève pour présenter un amendement qui demande la parité au haut conseil des finances publiques. Mais le ministre est contre. Il plaide des « difficultés pratiques » puis lâche : « Je me permettrais de faire remarquer que les nominations doivent se fonder sur le seul critère de compétences. » Placé s’engouffre aussitôt dans la brèche : « Le sujet serait trop technique pour les femmes ? » Les sénatrices communistes manquent de s’étouffer. Juste avant, elles avaient glissé en aparté : « Pourvu qu’il ne prononce par le mot de compétence. » (Lire notre article.)
10 octobre 2012
L'Express fait très fort en choisissant de faire sa couverture sur « ces femmes qui lui gâchent la vie », en parlant de François Hollande. À l'image, en vrac, les photos de Ségolène Royal, Valérie Trierweiler, Martine Aubry, Cécile Duflot et Angela Merkel. Le magazine est un récidiviste. En juillet 2012, il avait choisi comme titre de une « Le poison de la jalousie », avec photos plein pot de Ségolène Royal et Valérie Trierweiler et, pour sous-titre, « Politiques : Valérie, Cécilia, Bernadette et les autres… » Des femmes, toujours.
19 juillet 2012
Le député UMP Marc Le Fur compare à l'Assemblée Fleur Pellerin à un « pot de fleurs » lors des questions au gouvernement.
18 juillet 2012
« Avec quel adversaire partiriez-vous en vacances », demande le site Streetpress aux députés. Réponse de l'UMP Patrick Balkany : « Aurélie Filippetti, parce que c'est la plus jolie. »
16 juillet 2012
Le député UMP de Paris, Bernard Debré, dézingue son ennemie préférée, Rachida Dati. L’argument est hautement politique : « Je ne suis pas sûr que Vuitton ou Dior ait sa place à ce niveau-là. »
Cécile Duflot, ministre de la République, est appelée à répondre à la question d’un député et son arrivée, en robe à fleurs, provoque sifflets, huées et autres remarques graveleuses sur les bancs de l’opposition, ou plus exactement des mâles de l’UMP.
Réactions côté UMP : Jacques Myard, coutumier du fait, ironise lourdement en parlant de « simples sifflets » en hommage « à la beauté de cette femme » (Cécile Duflot). David Douillet soupire : « Oh vous savez, nous en sport, on a l'habitude de voir des jolis corps. » Patrick Balkany raconte au Figaro : « Nous n'avons pas hué ni sifflé Cécile Duflot, nous avons admiré. Tout le monde était étonné de la voir en robe. Elle a manifestement changé de look, et si elle ne veut pas qu'on s'y intéresse, elle peut ne pas changer de look. D'ailleurs, peut-être avait-elle mis cette robe pour ne pas qu'on écoute ce qu'elle avait à dire. » Et puis : « Enfin, on peut regarder une femme avec intérêt sans que ce soit du machisme. »
Dans certains médias, on pouvait lire ici que « la robe de Cécile Duflot met les députés en émoi », là que la « robe a remué le Palais-Bourbon », et encore là que c’était « la robe de la discorde ».
19 juin 2012
Les députés viennent d'être élus – une nouvelle mandature commence. Jean Glavany attaque très fort : candidat à la présidence de l'Assemblée nationale, l'ancien ministre se sabote tout seul en refusant de mesurer la compétence de ses concurrentes à « la longueur des cheveux ou de la jupe ».
Septembre 2011
Aux sénatoriales de 2011, dans la Manche, la droite pensait reconquérir le siège du sénateur PS. Au second tour, quatre candidats se sont maintenus à droite. Parmi eux, la conseillère régionale Anne-Marie Cousin, candidate Nouveau Centre (et seule femme du scrutin). Selon l'association Femmes élues, entre les deux tours, « la majorité départementale UMP a fait pression sur (elle) pour qu'elle se désiste ». D'après l'association, elle a reçu « menaces » et « interpellations » « d'une extrême violence », du type : « On va lui faire la peau » ; « On va te casser » ou « On va s'occuper d'elle ». La candidate avait fait état à l'AFP de « pressions extrêmement fortes jusqu'au plus haut niveau de l'État ».
Elle avait été tenue pour personnellement responsable de la défaite de l'UMP Jean-Louis Valentin, selon France 3. Au micro de France Inter, Jean-Claude Gaudin, porte- parole du groupe UMP au Sénat, avait déclaré, selon l'association : « une petite dame dans la Manche a voulu se maintenir au second tour. » « Nous savons qu'en politique, ces pratiques peuvent aussi être dirigées contre les hommes. Mais force est de constater qu'elles affectent très très souvent les femmes », avait dénoncé l'association dans une lettre ouverte (à lire ici). La presse s'en était fait l'écho ici et là.
BOITE NOIRELe sexisme ordinaire a pour particularité d'être souvent invisible. La protestation des femmes députées de gauche mercredi à l'Assemblée est une grande première et prouve la résistance grandissante dans l'hémicycle face aux propos plus que déplacés de certains de leurs collègues. Mais la plupart des incidents reste hors des radars de la presse.
Mediapart lance donc son « MachoScope » qui recense le sexisme à tous les échelons envers les femmes en politique – à l'Assemblée, au Sénat, au gouvernement, mais aussi dans les collectivités locales (conseils généraux, conseils municipaux, réunions politiques, etc.) et dans les médias. À l'image de ce que nous avions fait sur la droitisation de l'UMP avec notre « BuissonScope ». Nous avons choisi de commencer ce travail de compilation à partir des dernières législatives de 2012.
Pour nous aider dans cette tâche, n'hésitez pas à nous signaler les incidents dont vous avez été la cible ou le témoin, en nous écrivant aux adresses suivantes : lenaig.bredoux@mediapart.fr / marine.turchi@mediapart.fr
N'hésitez pas ! Cet article est mis à jour au fur et à mesure des témoignages reçus.
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