À la SNCF, la sanction n’est pas une mesure répressive. Il s’agit d’une simple observation. Au pire d’une mutation si l’agent le désire. C’est la seule conclusion qu’on peut tirer du communiqué envoyé par l’entreprise le 6 janvier, en réponse à notre article sur les dérives racistes à la Suge (sécurité ferroviaire de Montpellier).
Contactée dès le 2 janvier sur les faits pointés par leurs propres déontologues dans deux rapports confidentiels que nous nous sommes procurés (SMS raciste, diffusion de chansons néonazies dans les locaux de la gare, brimades diverses…), l’entreprise publique n’avait pas été « en mesure » de répondre à nos questions avant la publication de l’article. Après avoir déjà mis 7 mois à répondre mollement au Défenseur des droits, elle n’apporte toujours pas de réponse convaincante dans son communiqué de presse, ni en droits, ni en faits. Et contactée de nouveau hier pour des précisions par Mediapart, elle a ajouté préférer s’en tenir au communiqué.
Ces précisions seraient pourtant nécessaires. Reprenons les points un par un. D’abord, la SNCF ne revient pas sur certains faits, mentionnés dans leurs rapports respectifs par le déontologue Méditerranée puis par la direction nationale de l’éthique. Les actes homophobes ont disparu des explications. Tout comme les tranches de saucisson déposées dans le casier d’un agent de confession musulmane. Ainsi que « les violences verbales et physiques à l’égard d’usagers maghrébins ». À croire que les déontologues les ont inventées.
La SNCF préfère revenir sur trois points, pour les minorer :
- Un épisode de maltraitance sur un usager (en oubliant de préciser que l’usager, victime de coups de poing, était menotté). Seulement, nous avions justement mentionné cet incident pour expliquer qu’il était le seul à avoir donné lieu à sanction (une mise à pied de quatre jours), tout en précisant que la direction de l’éthique de la SNCF la jugeait trop faible, illustrant « une tradition de tolérance » envers ce type de comportements dans le service.
La SNCF nous dit à présent que l’agent a été muté. Comme si une mutation, en l’occurrence désirée par l’agent, constituait une sanction.
- Sur l’envoi d’un SMS à caractère raciste. La SNCF considère que l’envoi d’un message d’un téléphone personnel à d’autres téléphones personnels relève de la « sphère privée ». Nous avons rappelé à la SNCF que sa propre direction de l’éthique, dans son rapport, avait jugé cet argument inopérant, en vertu d’une jurisprudence de la Cour de cassation en 2011, qui estime que « des échanges entre collègues ne relèvent pas de la vie personnelle ». Bien entendu, la SNCF n’a pas répondu à notre remarque.
De plus, selon nos informations, l’agent en question, qui n’a pas souhaité nous répondre, a changé de service à sa demande. Il est aujourd’hui contrôleur, après avoir réussi l’examen nécessaire. Pas vraiment ce qu’on appelle une sanction : grâce aux primes, il gagne environ 10 à 15 % de plus qu’avant chaque mois, selon le syndicat First auquel il est affilié.
- Sur la diffusion de chants néonazis. La SNCF prétend que l’enquête se base sur un seul témoignage. C’est faux. Elle fait donc le choix de discréditer le travail de ses déontologues, dont on peut se demander si la SNCF les embauche pour faire joli. En effet, le déontologue de la zone Méditerranée, qui se fonde sur une enquête et une réunion à laquelle ont participé 30 personnes, écrit qu’en « 2012, des propos et des musiques faisant référence à certains groupuscules extrémistes sont entendus sur un site ». Quant à la direction de l’éthique, elle fait valoir au PDG de la SNCF, à qui elle adresse son rapport, que son enquête a été rendue nécessaire par « le défaut de prise en compte d’un manquement à la déontologie par des agents auteurs, notamment d’un SMS raciste et de la diffusion de vidéos néonazies, et sur le défaut de sanction par la hiérarchie ». Difficile d’être plus clair.
Pour la SNCF cependant, tout va bien, puisque « le septembre 2013, un nouvel adjoint au chef d’agence sûreté de Montpellier a pris ses fonctions. Cette personne a pour mission de veiller à ce que de pareils agissements ne se reproduisent pas ». Prière d’être rassuré.
Nous avons également contacté le syndicat First, (partenaire local de FO), le syndicat de l’auteur du SMS. Son dirigeant, Bernard Aubin, explique : « Au départ, c’est une plaisanterie de potache. Une blague qui ne devait pas dépasser un cercle privé. Même si c’est un style d’humour qui peut prêter à réflexion. (La « blague », consultable dans son intégralité dans notre précédent article, se réjouissait de la mort d’Arabes –ndlr.) Mais comme on n’est pas dans le cadre de la fonction, c’est une affaire strictement privée. Cet agent a le cœur sur la main, il n’a pas une once de racisme. C’est sans doute une maladresse. Le jour où dans notre organisation syndicale, quelqu’un exprimera ouvertement des propos racistes, la question de son appartenance se posera. » Pas avant.
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