Est-ce un virage ou une trahison ? Un cap ou un égarement ? La presse se pose beaucoup de questions sur la conversion officielle de François Hollande au social-libéralisme. Or elle dispose de la réponse, qui se trouve dans Le Figaro : « C’est bien mais peut mieux faire. Vous n’êtes pas assez libéral, Monsieur le Président. Il faut aller beaucoup plus loin… » Tel est, en substance, le message du quotidien de Serge Dassault.
Ce qui frappe dans les réactions politiques aux vœux du 31 décembre (lire ici notre article: Hollande prononce des vœux de social-libéral), et donc au pacte de responsabilité proposé aux entreprises par le président, c’est la relative discrétion de la gauche et les applaudissements de la droite, Nadine Morano comprise, sur le mode “Bienvenue au club”.
Pierre Laurent, pour le parti communiste, a certes dénoncé « un tournant politique assumé sans complexe », le Parti de gauche a certes critiqué des vœux qui consistent, selon ses mots, à « arroser les puissants et à maltraiter le peuple », l’aile gauche du PS a bien un peu fait la grimace. Mais le plus saillant, et le plus nouveau, s’entend d’abord dans les applaudissements des éditorialistes de droite.
Un bravo assorti d’un sourire : “François Hollande 2014, c’est le Sarkozy de 2012”, mais d’abord un bravo assorti d’un programme. Après avoir rangé le crédit d’impôts compétitivité emploi au rayon des objets inutiles, un objet à vingt milliards d’euros accordé aux entreprises, une paille en période de rigueur, Le Figaro en réclame davantage. Il exige que la France imite ses voisins, qu’elle réduise les allocations sociales et que le fameux “État providence” cède la place au credo libéral : « La richesse, la prospérité et l’emploi ne reviennent que lorsque l’on dégonfle la sphère publique », dit l’éditorialiste.
Revoilà donc la formule de Reagan : « Le gouvernement n’est pas la solution, le gouvernement est le problème. » Ce qui renvoie François Hollande à sa méthode, et à sa solitude.
Depuis toujours Hollande a cherché la synthèse, et l’a souvent trouvée au sein des courants socialistes en s’associant à des mouvances nettement plus à gauche que lui. Devenu président, en proie à une impopularité profonde, et face au scepticisme public, il paraît tenté par la même méthode, au niveau du pays. Il fait des ouvertures, et son pacte aux entreprises en est une. Pour apaiser ses opposants, comme d’habitude, il ne combat par leurs dogmes, il essaie de les intégrer.
Il se trouve, jusqu’à présent, que ce qui marchait en interne, n’a pas amené la synthèse au niveau national, mais plutôt des radicalisations. Ses concessions n’ont pas été vécues comme des avancées, mais comme des reculs. Pierre Moscovici a enflammé les jacqueries anti-impôts en accréditant l’idée du “ras-le-bol fiscal”, et maintenant, François Hollande ouvre une boîte de Pandore en portant sur les fonts baptismaux le dogme officiel de la droite libérale : la réduction des impôts par la baisse des dépenses de l’État.
À mesurer la gourmandise de la droite libérale, et son plaisir évident, la question n’est donc pas celle du précédent virage, mais bel et bien de la prochaine ligne droite, où la “synthèse” version Hollande pourrait s’achever dans une digestion, celle de la gauche par la droite. Ce serait, au fond, l’ultime synthèse, et le début d’une autre histoire.
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