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Transparence: thème par thème, l'avancée du débat

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Depuis lundi, les députés examinent la loi sur la transparence de la vie publique. Une loi annoncée en catastrophe au lendemain de l'affaire Cahuzac. François Hollande avait alors dégainé une série de mesures, précisées quelques semaines plus tard en conseil des ministres. Depuis, le projet, à maints égards ambitieux, a été reformaté, voire carrément tailladé par les députés.

Mediapart vous propose de suivre les débats. Non pas en temps réel (pour cela, il y a le site de l'Assemblée nationale ou mon compte twitter @mathieu_m). Mais en indiquant pour chaque grand thème (déclaration de patrimoine, conflits d'intérêt, inéligibilité à vie des élus condamnés, etc.) les intentions de départ, ce que le texte est devenu depuis et les questions qui restent en suspens.

Cet article est évolutif. Si au cours des débats, certaines questions posées obtiennent des réponses, l'article sera réactualisé, et les corrections/modifications/précisions seront ajoutées sous l'onglet Boîte noire.

Dernière mise à jour: mercredi 18h50

La transparence des patrimoines des élus

Ce qui était prévu Au lendemain des aveux de Jérôme Cahuzac, François Hollande avait annoncé « la publication et le contrôle sur les patrimoines des ministres et de tous les parlementaires ». Dès le 15 juin, les ministres ont publié leur patrimoine.

Ce que c'est devenu Fâchés d'être pris pour les boucs émissaires de l'affaire Cahuzac, les parlementaires ont tout fait pour torpiller la proposition. À commencer par Claude Bartolone, le président de l'Assemblée nationale, parti en guerre contre la « démocratie-paparazzi ». Pour que le texte soit voté (ce qui n'était pas gagné), le gouvernement a dû céder.

Au nom du respect de la vie privée, les biens détenus en indivision ou en communauté ont été exclus des déclarations de patrimoine, de même que ceux des proches. Et la transparence totale a été abandonnée. Les déclarations de patrimoine seront consultables en préfecture, dans chaque département (avec ce dispositif, seul un citoyen du Lot-et-Garonne aurait pu consulter la déclaration de patrimoine du député Jérôme Cahuzac. Qui de toute façon n'aurait pas mentionné le fameux compte en Suisse).

Sauf que les informations ne pourront pas être publiées, sous peine d'un an de prison et de 45 000 euros d'amende. En revanche, les citoyens pourront alerter par écrit la nouvelle Haute Autorité de la vie publique (voir plus loin). « Un point d'équilibre », répètent les socialistes.

Au total, 7 000 élus et responsables devront remplir une déclaration de patrimoine: les parlementaires (députés nationaux et, sénateurs, européens), les responsables d'exécutifs locaux, les maires de communes et d'intercommunalités de plus de 20.000 habitants, les présidents de grands syndicats intercommunaux etc. Les candidats à l'élection présidentielle adresseront eux aussi une déclaration de patrimoine (c'est déjà le cas aujourd'hui, mais il n'y a pas de contrôles). Et le patrimoine des anciens chefs de l'Etat sera ausculté à la fin de leur mandat.

Les membres de cabinets ministériels, les collaborateurs du Président de la République, de l'Assemblée nationale et du Sénat, les personnalités nommées en conseil des ministres, les dirigeants d'entreprises publiques sont aussi concernés. Mais leurs déclarations ne seront pas consultables en préfecture.

Les questions que cela pose Les déclarations de patrimoine seront établies au début et à la fin du mandat, et en cas de « changement substantiel ». Certains élus PS proposaient d'aller plus loin. Matthias Fekl, élu dans la circonscription voisine de l'ancien fief de Jérôme Cahuzac, voulait créer un « délit d'enrichissement illicite », rétoqué pour non-constitutionnalité. Olivier Faure et d'autres proches de Jean-Marc Ayrault ont proposé de rendre public l'évolution du patrimoine des élus au cours de leur mandat pour éviter les soupçons d'enrichissement via une activité publique. Cela n'a pas été retenu: la Haute autorité ne publiera que les noms des élus dont elle estime que l'évolution du patrimoine pose problème.

La consultation en préfecture est-elle un bon système ? « C'est faux-cul », critique Hervé Morin (UDI). Elus UMP et radicaux (la plupart contre la transparence des patrimoines) et écolos (pour) se rejoignent pour craindre que les informations ainsi récoltées ne servent à alimenter localement la machine à rumeurs, soient publiées de façon « sauvage » sur Internet, ou encore via des sites d'info belges ou suisses (lire par ailleurs le billet d'Erwann Gaucher).

Par ailleurs, les journalistes pourront-ils faire état des informations concernées sans craindre de sanctions? « On interdit aux journalistes de faire leur métier », s'est étonné (un peu seul) l'écolo François de Rugy. Comme le souligne Transaparency France, le texte pourrait restreindre la capacité des journalistes à publier une information qu'ils jugent d'intérêt public au prétexte que les informations sur le patrimoine ne doivent pas être publiées. Plusieurs députés PS admettent en privé que le dispositif est bancal. Mais aucun n'a protesté ni déposé d'amendement pour y remédier.

Enfin, les débats ont permis d'apprendre de la bouche du ministre des relations avec le Parlement qu'un « registre » des personnes ayant accédé aux informations sur le patrimoine des élus serait tenu dans les préfectures. « Registre » lui aussi consultable. Ce qui risque de refroidir encore un peu plus les ardeurs…

Le cumul des activités

Ce qui était prévu Le projet de loi présenté en conseil des ministres proposait « d’interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice de toute activité de conseil ainsi qu’avec des fonctions au sein d’entreprises dont une part importante de l’activité commerciale est entretenue avec l’administration. » Un temps, Matignon a même proposé l’interdiction d’exercer une autre profession.

Particuièrement dans la ligne de mire: le métier d'avocat d'affaires, un temps exercé par Jean-François Copé. Ou bien l'activité de conseils de plusieurs ténors de l'ancienne majorité (comme François Fillon ou Luc Chatel), ou de certains socialistes, qui exercent par ailleurs une activité de conseil. A l'Assemblée comme au Sénat.

Mardi soir, Hervé Morin n'a d'ailleurs pas hésité à balancer (sans les nommer…) d'anciens camarades de gouvernement (cliquer sur l'image pour l'agrandir):

Compte-rendu de l'AssembléeCompte-rendu de l'Assemblée


Ce que c'est devenu. L'incompatibilité de principe (qui reste défendue par les écologistes) a fait long feu. Et les « lobbies » professionnels de l'Assemblée (l'expression est de l'ancien ministre de l'intérieur PS Daniel Vaillant) sont sortis du bois. Les médecins ont crié au loup, craignant de perdre la main s'ils arrêtent de pratiquer ou d'opérer. Les avocats (radicaux de gauche, notamment) ont protesté.

L'éventualité d'interdire des patrons de presse d'être parlementaires (ce qui aurait concerné le sénateur UMP Serge Dassault, avionneur et patron du Figaro, mais aussi le radical Jean-Michel Baylet, patron de la Dépêche du midi) est passée à la trappe. Au grand dam d'Hervé Morin, encore lui, décidément très en verve. Ancien ministre de la Défense de Nicolas Sarkozy, il a évoqué, sans nommer Serge Dassault et Le Figaro, les « conflits d'intérêt absolument ahurissants» dont il a été témoin dans le gouvernement de Nicolas Sarkozy.

Le gouvernement a d'abord songé à permettre le cumul avec une activité annexe, tout en la limitant à 2750 euros brut. Mais cela risquait de ne pas être constitutionnel. Il a donc décidé de créer une règle alambiquée :

  • il est interdit de commencer toute activité nouvelle à partir de l'élection.
  • les activités annexes entamées avant l'élection peuvent être poursuivies. A l'exception notable de l'activité d'arbitre (cf. l'affaire Tapie), de « sociétés ayant un objet principalement financier », ou de fonction de directions « au sein de sociétés ou d’entreprises dont une part substantielle de l’activité commerciale est entretenue avec l’administration »
  • l'activité de conseil est strictement bannie, qu'elle ait débuté ou non avant l'élection. Jusqu'alors, il était possible de cumuler, à condition d'avoir créé sa société de conseil avant d'être élu… 
  • enfin,  les fonctionnaires élus au Parlement seront désormais placés en position de disponibilité, et non plus de détachement, pendant la durée de leur mandat. Ce qui, concrètement, leur interdit de bénéficier des avancements de carrière. Une façon de limiter la "prime aux fonctionnaires" à l'Assemblée (ils représentent la moitié des députés!).

Les questions que cela pose. Principal hic: la notion de « conseil » reste floue. Le gouvernement en exclut  les « professions réglementées » (avocats, experts-comptables, notaires etc.). Mais l'activité elle-même n'est pas clairement définie. « J'ai repris la définition du petit Robert…» a admis Jean-Jacques Urvoas, le rapporteur (PS) de la loi.

Par ailleurs, comme Alain Vidalies l'a souligné, il reste une disposition du code électoral qui « interdit aux avocats parlementaires de plaider pour un certain nombre d’entreprises dans lesquelles l’État détient une part substantielle du capital, sauf si cette entreprise était déjà leur client avant qu’ils ne soient élus.» Une règle « singulière », a souligné le ministre. « Soit le risque que surgisse un conflit d’intérêts est réel, soit il n’existe pas. » Cette disposition reste à corriger.

Plus généralement, le texte dans sa version actuelle n'interdit pas formellement la profession d'avocat d'affaires, même s'il la restreint. A ce stade, difficile par ailleurs de savoir si une situation comme celle d'Olivier Dassault (député de l'Oise et président du holding familial du groupe) pourra perdurer. Son groupe vit en effet de la commande publique, mais pas seulement… « Ça le concerne évidemment », assure le cabinet d'Alain Vidalies.

Le cas des membres du Conseil Constitutionnel

Au départ, ils n'étaient pas concernés par les incompatibilités. Mais mercredi, plusieurs députés socialistes en ont décidé autrement. Et ont proposé un amendement interdisant les membres du Conseil Constitutionnel d'exercer toute activité annexe. Une disposition qui vise très clairement Nicolas Sarkozy, avocat et conférencier de luxe, pour Goldman Sachs notamment. Le gouvernement et le rapporteur étaient contre. Mais les députés PS, écologistes et certains élus de droite ont tenu à le voter.

Des députés UMP ont dénoncé un « amendement Sarkozy ». Et parient sur l'inconstitutionnalité du dispositif. Qui sera jugée... par le Conseil Constitutionnel.

Les membres du Conseil Constitutionnel seront en revanche exemptés de déclarer leurs intérêt et leurs patrimoines. Le député PS Thomas Thévenoud a retiré son amendement sur le sujet, car le Conseil Constitutionnel ne peut être soumis à la Haute Autorité. Il pourrait le présenter à nouveau cet été, dans le texte à venir sur la magistrature. Les déclarations ne seraient alors pas consultables en préfecture, mais au secrétariat général du Conseil Constitutionnel. Pas très facile d'accès.0

Les collaborateurs parlementaires

Les députés ont adopté la publication du nom des 2400 collaborateurs parlementaires de l'Assemblée nationale dans les déclarations d'intérêt des députés. Ce qui est une première, et permettra de faire apparaître, du moins en partie, les conflits d'intérêt de certaions d'entre eux et la pratique fréquente des «emplois familiaux». > Sur ce sujet, lire notre article: Transparence: les assistants parlementaires aussi?

Les indemnités des anciens ministres

Après son départ du gouvernement, un ministre continue de toucher son salaire pendant six mois. « Cahuzac la touche encore! », s'est insurgé Laurent Wauquiez, qui aime à s'afficher en parangon de vertu face à ses collègues de l'UMP. Après le scandale de l'ancien ministre du budget, François Hollande avait souhaité la suppression de ces primes. Le projet de loi avait fixé le délai à un mois. Les députés voulaient six. La poire a été coupée en deux. Finalement, ce sera trois. 

A venir >> la Haute autorité et ses moyens


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