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Compte de campagne: et si Sarkozy mettait la main au porte-monnaie...

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Devant le Conseil constitutionnel, Nicolas Sarkozy joue gros. Si les « Sages » rejettent son compte présidentiel, ils enterreront la prise en charge par l’État de ses frais de campagne, initialement prévue à hauteur de quelque onze millions d’euros. Qui épongera la note ? Contrairement à ce que certains médias peuvent laisser penser, pas automatiquement l’UMP.

C’est en effet Nicolas Sarkozy en personne qui a emprunté cette somme en 2012 pour financer sa campagne éclair. Sur le papier, il en sera donc pour ses frais. « C’est effectivement eine grosse Problem, confirme son trésorier de campagne, Philippe Briand, dans son langage fleuri habituel. Le parti s’est porté caution, mais la caution peut se retourner vers l’emprunteur… »

A Marseille, meeting du 19 février 2012A Marseille, meeting du 19 février 2012© Reuters

N’est-il pas évident que l’UMP règlera la facture ? « Ça semblerait naturel », répond Philippe Briand, qui rappelle l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris sous Jacques Chirac : « En 2010, le parti a bien pris en charge 1,5 million d'euros d'indemnités réclamées par la ville ! Ici, le candidat a partie liée avec l'UMP, la campagne législative est concomitante de la présidentielle, la base programmatique est commune avec les députés… Mais pour tout vous dire, la question n’a pas été abordée pour l'instant. Il faudra probablement que Jean-François Copé (le président du mouvement) et Nicolas Sarkozy discutent un peu. »

On pourrait penser que la droite entretient là un faux suspense, mais au siège de l’UMP, les choses ne paraissent pas davantage calées. « Je ne fais pas de politique fiction », balaye d’abord Catherine Vautrin, la trésorière du parti. Cependant, si le Conseil constitutionnel annule le remboursement étatique, « ça générera forcément une discussion avec le candidat pour savoir comment (l’addition) sera prise en charge », reconnaît-elle.

Quand on s’étonne, la députée « copéiste » précise : « Je ne dis pas que le parti n’assumera pas, on est quand même dans la famille. Mais ça peut faire l’objet d’une discussion. Rien n’empêche une conversation avec le candidat… » Cette négociation, à l'en croire, n’aurait pas démarré : « Même si on réfléchit aux différents scénarios, on attend la décision du Conseil constitutionnel. »

Mardi 18 juin, en tout cas, l’avocat de Nicolas Sarkozy était auditionné par les « Sages », dont la copie est attendue pour le mois de juillet (d’après L’Express). Pied à pied, Me Philippe Blanchetier a bataillé contre la décision de rejet rendue par la Commission des comptes de campagne en décembre dernier : après avoir réintégré une série de dépenses “omises” par le trésorier, celle-ci avait considéré que le candidat explosait le plafond des dépenses autorisées. De combien ? Malgré les demandes répétées de Mediapart, la décision n’a toujours pas été rendue publique, la Commission la conservant jalousement au coffre, et le camp Sarkozy refusant de la communiquer. « Je suis gentil, mais on couche pas ensemble ! » nous réplique ainsi Philippe Briand, homme « pas secret mais discret ».

L’entourage de Sarkozy espère encore que le Conseil constitutionnel, présidé par Jean-Louis Debré et composé en partie d’anciens élus de droite, validera finalement le compte sans faire de vagues.

Les « Sages », qui ont reçu une quarantaine de cartons remplis de factures et justificatifs, pourraient surtout choisir une solution intermédiaire, à l'issue de l'instruction : « réformer » le compte, c’est-à-dire le corriger, sans pour autant le rejeter. Dans ce cas, Nicolas Sarkozy toucherait une partie des onze millions d’euros publics sur lesquels il tablait.

À l’arrivée, il pourrait par exemple être contraint d’éponger 300 000 ou 500 000 euros seulement. Dans ce scénario relativement favorable, Nicolas Sarkozy s’en chargerait-il personnellement ou se retournerait-il vers l’UMP ? En clair, assumerait-il ses fautes ? Son trésorier, Philippe Briand, ne l’exclut pas : « Il ferait deux ou trois conférences de plus », ironise le député, en référence aux récentes interventions publiques de l’ancien président, grassement rémunérées, notamment par la banque Goldmann Sachs, le 3 juin dernier.

Il faut dire que le tiroir-caisse de l’UMP souffre le martyre : habitué sous la dernière législature à encaisser 33 millions d’euros de financement public annuel, le parti voit sa dotation réduite de façon drastique depuis sa défaite aux législatives. C’est en effet mécanique : avec 120 députés de moins, l’Etat ne verse plus que 21 millions d’euros environ. « Il faut faire au bas mot dix millions d’économies par an », traduit la trésorière du mouvement, Catherine Vautrin, qui mène un plan d’austérité à tous les étages. Elle assure que son budget 2013 tournera autour de « 35 millions d’euros » -soit en réalité 20 millions d’euros de moins qu’en 2011.

© DR

C’est qu’en parallèle, l’UMP s’est lourdement endetté ces dernières années, notamment pour acheter son nouveau siège rue de Vaugirard et le rénover. A quelle hauteur précisément ? Catherine Vautrin préfère ne pas répondre à ce stade. Mais dans les comptes 2011 du parti, publiés au Journal officiel, les emprunts en cours auprès d’établissements de crédit atteignaient déjà 43,9 millions d’euros, sans compter 7 millions de « dettes fournisseurs » et 3,8 millions de « dettes fiscales et sociales ». D’après Le Monde, l’UMP aurait emprunté près de 55 millions d’euros en juillet 2012, auprès de quatre banques, qui ont exigé un plan de retour à l’équilibre d’ici 2017.

« On n’a pas cinquante variables d’ajustement, explique Catherine Vautrin. En début d’année, on a voté une augmentation des cotisations versées par les élus, de 3% à 5% de leurs indemnités. Ca ne fait jamais plaisir, mais je n’exclus pas qu’on soit tenu d’y revenir. » Si la cotisation des adhérents a été maintenue à 25 euros, elle s’accompagne désormais d’« une incitation à ce qu’ils fassent un don de 10 euros supplémentaires, au nom de la reconquête pour les municipales. » Côté dépenses, « à peu près 80 CDD n’ont pas été renouvelés, précise Catherine Vautrin. On rationalise les voyages, on travaille le coût des déplacements, on rediscute par exemple avec l’entreprise qui fait nos opérations de marketing direct, etc. » Certains contrats en matière de communication n’auraient pas été reconduits. « C’est la vie des partis, veut relativiser la trésorière. C’est cyclique !» Dans cinq ans, ce sera peut-être au tour du Parti socialiste…

Seule bonne nouvelle : sur les huit législatives partielles organisées depuis juin dernier, six ont été remportées par l’UMP. La trésorière sort sa calculette : « Un député rapporte 40 000 euros de dotation publique par an, c’est pas tout à fait nul dans le contexte. » 

BOITE NOIRESollicité lundi 17 juin, l'avocat de Nicolas Sarkozy, Me Philippe Blanchetier, n'avait pas rappelé au moment de la publication de cet article.

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