La lutte contre les inégalités hommes-femmes, l’une des plus scandaleuses injustices de notre système des retraites, sera-t-elle enfin à l’ordre du jour de la réforme que doit conduire d’ici l’automne l’exécutif ? À en croire le gouvernement, la problématique ne devrait pas passer à la trappe, cette fois-ci. Lors de sa conférence de presse du 16 mai, François Hollande a certes annoncé qu'il va falloir cotiser plus longtemps mais il a aussi prôné davantage de justice, citant l’exemple des femmes qui n’ont pas les mêmes droits que les hommes, même à la retraite.
Pour mettre la pression sur les partenaires sociaux avant la deuxième grande conférence sociale qui s'ouvre jeudi, l’association Osez le féminisme lance ce mardi une campagne de mobilisation intitulée « Femmes, ne battons pas en retraite, battons-nous pour nos retraites ! » depuis la maison de retraite des babayagas de Montreuil. Car au lendemain de la remise du rapport Moreau, cette question des inégalités femmes-hommes aussi cruciale que la question de la pénibilité semble à nouveau complètement invisible, masquée par le débat « faut-il ou pas aligner le public sur le privé ? ».
Plus nombreuses à vivre des carrières hachées, parce qu’elles ont des enfants, mais aussi à signer des contrats précaires, à être payées au Smic ou à subir le temps partiel, les femmes voient le ciel leur tomber sur la tête à l’heure de la retraite. Selon les données de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) du ministère des affaires sociales et de la santé, le montant moyen des pensions mensuelles s'élève à 1 489 euros pour les hommes et à 777 euros pour les femmes. Soit un écart de 48 % !
« Pour mener leur réforme, François Hollande et le gouvernement de Jean-Marc Ayrault doivent impérativement tenir compte du fait que les conditions de départ à la retraite sont injustes au regard des inégalités femmes-hommes durant la vie active et qu’elles ont des effets désastreux en plongeant un nombre important de femmes dans la précarité : une retraitée sur trois touche une pension totale inférieure à 700 € (contre un retraité sur six), deux retraités pauvres sur trois sont des femmes », insiste l’association Osez le féminisme à l’origine d’un appel signé par trente-cinq féministes, syndicalistes, personnalités et chercheuses ce mardi 18 juin dans Libération « pour que la réforme du système des retraites ne se fasse pas une nouvelle fois sur le dos des femmes », oubliées systématiques des réformes.
Le texte dénonce l’hypocrisie d’un système qui ne se donne ni les moyens d’atteindre l’égalité professionnelle, ni ceux de combler les inégalités au moment de la retraite. Aussi, les signataires exigent un certain nombre de mesures pour aller vers plus d’égalité et de justice. Parmi ces revendications se trouvent la suppression de la décote, la prise en compte des années d’études dans le calcul des pensions ou encore la revalorisation des basses pensions.
Ce n’est pourtant pas les rapports pointant les disparités entre les deux sexes à l’heure de la retraite qui manquent. Ils s’accumulent, comme le sixième rapport du conseil d’orientation des retraites qui date de 2008 ou encore celui réalisé par la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale lors de la réforme Woerth tant décriée de 2010.
En 2010, les associations féministes avaient déjà mis sur le devant de la scène les conséquences néfastes pour les femmes de la réforme des retraites envisagée par le gouvernement de François Fillon. Osez le féminisme ! avait notamment lancé un appel de femmes politiques, féministes, syndicalistes et chercheuses refusant un nouveau recul pour les femmes sur Mediapart (à retrouver ici). À l’époque, le Parti socialiste s’était mobilisé aux côtés des salarié(e)s contre cette réforme.
Catherine Coutelle, députée PS de la Vienne et présidente de la délégation à l’Assemblée nationale aux droits des femmes, s'en souvient très bien. À l’époque, parler des disparités entre hommes et femmes n’allait pas de soi pour les partenaires sociaux comme pour le gouvernement « encore trop macho », remarque en soupirant la députée socialiste. Elle se souvient qu’«il avait fallu que les femmes apparaissent dans la rue lors des manifestations pour qu’enfin, on prenne conscience de leur précariat à la retraite ».
« La seule réponse d’Éric Woerth face à notre bronca, poursuit Catherine Coutelle, était de nous dire : “Pour resserrer les inégalités à la retraite, il faut corriger les inégalités salariales” et de nous rappeler que “les écarts de durée de cotisations ne sont plus significatifs aujourd’hui pour les trentenaires”. Ses réponses nous scandalisaient surtout qu’on sait que les femmes aujourd’hui font des enfants beaucoup plus tard après trente ans et décrochent entre 30 et 40 ans pour s’en occuper. »
Catherine Coutelle, qui voit défiler dans ses permanences des futures ou actuelles retraitées en détresse et qui reçoit ce mardi 18 juin en audition la ministre du droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem pour évoquer le sujet, n’a pas encore pris son bâton de lobbyste. Elle attendait les conclusions de la commission Moreau et veut rester optimiste : « Ce n’est pas comme en 2010. Le sujet est désormais connu de tous. Nous avons un ministère du droit des femmes, nous avons commencé à sanctionner les entreprises qui ne respectent pas l'égalité hommes-femmes. L’accord national sur l’emploi est là aussi pour dissuader les entreprises de recourir au temps partiel. »
BOITE NOIREOsez le féminisme ! dédie à sa campagne de mobilisation un site internet spécial : www.retraites-femmes.fr où l'appel peut être signé. On y trouve notamment de nombreux témoignages de femmes déjà retraitées ou travaillant encore, des vidéos, des visuels cinglants et des infographies pédagogiques.
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