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Imbroglio autour du futur procureur financier

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La révélation par Mediapart, lundi matin, que le nom du futur procureur de la République financier était déjà choisi par l’exécutif, cela avant même l’expiration de l’appel à candidatures, a produit rapidement son effet. Dans une note datée de ce jeudi et adressée à tous les tribunaux, le Directeur des services judiciaires du ministère de la justice, Jean-François Beynel, annonce aux 8 000 magistrats français que, tout bien réfléchi, « le délai fixé pour la transmission des desiderata » concernant le parquet du procureur financier, ainsi que tous ceux du mouvement annuel prévu pour 2014, « est prorogé jusqu’au 20 décembre 2013 à minuit au plus tard ».

Une précédente note du même directeur, en date du 27 novembre, ne laissait qu’un délai assez court, allant jusqu’au 11 décembre, aux magistrats désireux de rejoindre le parquet du procureur financier, où six postes seront créés dans un premier temps. Les autres postes du mouvement annuel étaient alors, pour leur part, ouverts jusqu’au 15 décembre.

Mais avant même la fin de l’appel à candidatures pour le poste sensible et emblématique de procureur financier, Mediapart révélait, lundi 9 décembre, que le choix de l’exécutif s’était déjà porté sur une magistrate marquée à droite, Catherine Pignon, 51 ans. Le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) avait réagi assez vivement à cette nomination annoncée.

Catherine PignonCatherine Pignon

« Il n’aura donc fallu attendre que quelques semaines après l’adoption par le Parlement de la loi créant le procureur financier pour que ce texte révèle ses défauts majeurs : l’absence totale de garantie statutaire d’indépendance pour ce procureur, nommé comme les autres par le pouvoir exécutif, dans des conditions opaques, et placé sous sa tutelle », écrivait le SM dans un communiqué diffusé mardi.

« Comme seul gage d’une prétendue indépendance, le gouvernement en serait donc réduit, pour éviter "tout soupçon" de partialité, à nommer une magistrate, "fidèle" d’Yves Bot, ancien procureur général de Paris et ex-dirigeant de l’APM, Association professionnelle droitière de magistrats, dont la carrière devrait beaucoup, selon la presse, à la précédente majorité et qui ne se serait guère distinguée par son esprit d’indépendance… »

« Après la déflagration de l’affaire Cahuzac et la volonté affichée du gouvernement de lutter contre la grande délinquance financière, nous attendions une réforme constitutionnelle garantissant l’indépendance des magistrats du parquet, seul et unique moyen de rompre avec la confusion des intérêts politiques et économiques rendue possible par la trop grande influence du pouvoir exécutif sur le ministère public. Au lieu de cela, il nous est proposé une farce politicienne ! », concluait le Syndicat de la magistrature.

Catherine Pignon, 51 ans, est l’actuelle procureure générale près la cour d’appel d’Angers. Sur le papier, elle a toutes les qualités requises pour devenir procureur de la République financier. Loin d’être néophyte, elle a notamment dirigé la section financière du parquet de Paris, où se concentrent les affaires les plus pointues, de 2002 à 2006. Catherine Pignon avait auparavant été détachée au Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) de 1995 à 1996. Enfin, elle est membre du comité de surveillance de l’Office européen de lutte anti-fraude (Olaf) depuis février 2012.

Il reste que cette promotion programmée de Catherine Pignon a fait grincer des dents à gauche, et au sein de la magistrature. Cette « parquetière » a, effectivement, fait carrière sous la droite. Elle est décrite comme une protégée de l’influent Yves Bot, actuellement premier avocat général à la Cour de justice de l'Union européenne, sous les ordres duquel elle a travaillé au tribunal du Mans (de 1991 à 1993), et à celui de Paris (de 2002 à 2004).

Elle a, par ailleurs, été promue au poste de procureure générale de Besançon par Rachida Dati en 2008, puis au poste de procureure générale d’Angers par Michel Mercier en 2011, faisant des jaloux à chaque fois.

Initialement présenté au conseil des ministres du 7 mai comme devant disposer de « moyens propres entièrement dédiés à la lutte contre la fraude fiscale et la corruption », « considérablement renforcés avec la création à terme d’une cinquantaine de postes de magistrats (notamment 22 magistrats du parquet et 10 juges d’instruction) et d’assistants spécialisés », le futur procureur de la République financier devra, en fait, se contenter de moins.

Le texte finalement adopté le 5 novembre ne prévoit, en effet, qu’un total de 15 postes de magistrats pour le parquet. Et encore : seuls 5 postes doivent être pourvus au 1er février (le procureur, son adjoint, un premier vice-procureur, un vice-procureur et un substitut) ; les 10 autres postes ne seront pourvus qu’ultérieurement, « ce parquet ayant (...) vocation à monter progressivement en puissance au cours du second semestre 2014 », selon une note du directeur des services judiciaires dont Mediapart a pris connaissance.

Le futur procureur financier sera choisi par le pouvoir. « Il sera nommé par décret du président de la République, sur proposition du garde des Sceaux, après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. » En outre, il « dépendra hiérarchiquement du procureur général de Paris ». Placé à côté du procureur de la République de Paris, François Molins, avec le même grade hiérarchique, il risque de fait de dépouiller celui-ci de la plupart de ses dossiers sensibles. La répartition des dossiers étant la grande inconnue de cette dyarchie à venir.

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