Deux ans et demi après avoir démissionné du gouvernement Fillon, le 29 mai 2011, et avoir été mis en examen, un mois plus tard, pour « viols et agressions sexuelles en réunion », le maire (UMP) de Draveil (Essonne) et ex-député Georges Tron a finalement obtenu un non-lieu, comme l’avait requis le parquet d’Évry en mai dernier, avec toutefois des considérations peu flatteuses pour l'élu (lire notre article ici).
Annoncée lundi par Libération, l’ordonnance des juges d’instruction Philippe Devoucoux et Caroline Davroux clôt une information judiciaire ouverte le 22 juin 2011. Les avocats des deux plaignantes à l'origine de cette affaire ont toutefois annoncé leur intention de faire appel.
Faute de témoignages directs et de preuves (constatations médicales, expertises de police scientifique) sur des faits dénoncés tardivement, et en raison d’erreurs et de contradictions apparues dans les récits des deux plaignantes, anciennes salariées de la mairie de Draveil au profil psychologique fragile, les juges d'instruction ont accordé un non-lieu à Georges Tron et à son adjointe, Brigitte Gruel, qui était mise en examen pour « complicité ».
Les juges n’excluent pas que des relations sexuelles avaient pu avoir lieu entre Georges Tron et les deux plaignantes entre 2007 et 2010, mais estiment que rien ne caractérise des actes imposés par la contrainte ou la violence.
Ils émettent également l’hypothèse d’une intention de nuire ou de se venger de la part de ces deux femmes, qui ont médiatisé leur plainte le jour même où elle était déposée, et qui étaient en contact avec des opposants de Georges Tron dans un contexte local irrespirable. Cela même si la thèse du complot politique brandie par le maire n’est ni confirmée ni infirmée par l’instruction.
Cependant, à la lecture de l’ordonnance de non-lieu, un document de 154 pages dont Mediapart a pris connaissance, il semble difficile de dire que le maire de Draveil sort entièrement immaculé de cette enquête judiciaire très poussée.
L’ordonnance de non-lieu résume en effet plus de vingt témoignages de jeunes femmes qui décrivent des comportements inappropriés de la part de l’élu, qui a une fâcheuse tendance à imposer des massages du pied sous prétexte de pratiquer la réflexologie plantaire. Qu’elles soient d’anciennes assistantes parlementaires, responsables de services en mairie, voire journalistes, toutes ont rapporté les mêmes faits, et en ont conçu la même gêne ou la même honte.
Une journaliste de Paris Match qui avait accepté de monter en voiture avec Georges Tron, en 2002, raconte par exemple ceci :
Une autre jeune femme, qui avait sollicité le député-maire dans l'espoir d'obtenir un stage, raconte pour sa part cette scène, qui aurait eu lieu en 1999 ou en 2000 :
Les autres récits collectés par les enquêteurs sont du même acabit. Certains témoins ont présenté Georges Tron en manipulateur, profitant de son pouvoir et de la situation difficile de certaines jeunes femmes pour donner libre cours à son obsession fétichiste, sur fond de chantage implicite à l’emploi ou au logement. Face à cette accumulation de témoignages aussi concordants que désagréables pour lui, le dépeignant à chaque fois dans les mêmes situations que ce soit au restaurant, en mairie, ou dans sa permanence, Georges Tron, impavide, campe sur sa ligne de défense.
« Georges Tron ne niait pas son goût pour le réflexologie (...). En revanche, il contestait amener sciemment ce sujet dans la conversation pour conduire à pratiquer cela, tout comme il contestait le terme "massage", affirmant qu’il s’agissait d’une technique de digito-pression sur certaines parties précises du pied ou du bas de la jambe, parfois même inconfortable », écrivent les juges d’instruction.
« Il déniait l’idée selon laquelle il aurait pu avoir un goût particulier pour les pieds, en particulier avec des bas ou encore avoir recours à un bas spécial ou présenté comme tel, indiquant qu’il n’en était rien. Georges Tron contestait par ailleurs l’idée d’avoir recruté des employées ou des collaboratrices sur des critères plastiques ou de complaisance, voire de docilité à son endroit, plutôt que sur des compétences professionnelles objectives », lit-on.
L’élu « contestait tout autant le témoignage de nombreuses femmes sur la connotation sexuelle que pouvait recouvrir sa pratique de la réflexologie plantaire, vécue par beaucoup comme des "massages de pieds", ainsi que les attitudes suggestives qu’on lui attribuait. Il précisait pratiquer la réflexologie depuis de nombreuses années, qu’il en parlait publiquement, que de nombreuses personnes connaissaient son engagement pour ce sujet et qu’il pouvait pratiquer la réflexologie plantaire sur toute personne, homme ou femme, tant à la mairie que le plus souvent, en dehors », écrivent encore les juges d'instruction.
« Georges Tron expliquait que, jusqu’à l‘éclatement de cette affaire, la réflexologie ne posait nul problème (...). Georges Tron indiquait avoir pris conscience à l’occasion de cette affaire que la pratique de la réflexologie, compte tenu de son statut, pouvait être ressentie anormalement, mais estimait qu’il s’agissait d’une passion qu’il assumait, dans laquelle il était investi, qu’il menait en toute transparence, qui suscitait un réel intérêt, qui générait une grande proximité avec le public au point de créer une empathie à son égard qui n’était pas éloignée d’avoir contribué à ses succès électoraux, et qui n’était pas, selon lui, incompatible avec ses mandats publics. »
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