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La Centrafrique fait consensus, sauf pour le Front de gauche

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Les mêmes et ils recommencent. Après le Mali et la Syrie, les députés ont discuté mardi de l’intervention française en Centrafrique. Une obligation constitutionnelle, mais qui n’a pas occasionné de véritable débat car le déploiement des soldats français fait consensus. Seul le Front de gauche est franchement critique.

Alors que deux soldats français sont morts à Bangui dans la nuit de lundi à mardi et que François Hollande était attendu dans la capitale pour une visite éclair, l’UMP, l’UDI, le PS et Europe Écologie-Les Verts ont soutenu l’opération dite « Sangaris ». Pour une intervention préjugée moins consensuelle qu'au Mali, le président de la République peut tout de même compter sur les encouragements d'une très large majorité de l'hémicycle.

« Rarement autant de circonstances auront justifié une opération d’urgence », a même affirmé le patron des députés centristes, l’ancien ministre Jean-Louis Borloo. « C’est une décision qu’il (François Hollande) ne pouvait pas ne pas prendre », a expliqué dans l’hémicycle le président du groupe UMP à l’Assemblée, Christian Jacob. Pour des raisons humanitaires, et notamment pour protéger les chrétiens, a-t-il expliqué, fidèle au prisme de défense des chrétiens cher à la droite. Mais aussi pour défendre les intérêts de la France, a insisté Christian Jacob. « La France défend aussi ses intérêts. Dites-le clairement, M. le premier ministre ! Cela renforcera la légitimité de cette intervention », a-t-il déclaré après avoir évoqué les sites français d’uranium en Afrique.

« C’est d’abord pour défendre nos valeurs que nous intervenons ! » a répliqué Jean-Marc Ayrault, osant citer l’exemple de Nelson Mandela et l’anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. « Non, la France n’agit pas en gendarme de l’Afrique. Elle assume ses responsabilités internationales. (…) Le temps de la Françafrique est terminé – voilà une des fiertés de la politique de la France », a-t-il ajouté, provoquant une bronca sur les bancs de l’UMP.

Le premier ministre, à l’instar du PS, a pour l’essentiel expliqué que l’intervention française en Centrafrique était justifiée par l’imminence d’un « génocide » ou de « massacres de masse » et par la menace que représente la désagrégation de l’État centrafricain, au nom de la lutte contre le terrorisme. Une rhétorique proche de celle utilisée pour défendre l’opération Serval au Mali. Bruno Leroux, pour le PS, a ainsi évoqué « le risque de la faiblesse (de l’État centrafricain – ndlr), terreau propice aux trafics et aux réseaux armés, et donc à l’implantation de réseaux pouvant donner lieu à des réseaux terroristes, ou de ceux de Boko Haram ». Christian Jacob a quant à lui évoqué le spectre de « terroristes islamistes ».

Les seules objections de l’opposition ont porté sur la solitude de la France, et sur la faiblesse de l’engagement (notamment financier) de l’Union européenne. L’UMP et l’UDI demandent  la création d’un fonds spécifique lors du prochain Conseil européen, mi-novembre. « C’est la deuxième fois en 18 mois que la France s’engage seule. A-t-elle raison contre tout le monde ? Ou est-elle dans l’incapacité totale de convaincre ? » a aussi ironisé Jean-Louis Borloo.

Quant aux écologistes (qui, contrairement à leur image publique de pacifistes forcenés, ont voté toutes les interventions militaires récentes décidées par la France), ils ont, sans surprise, soutenu l’engagement en Centrafrique – c’était déjà le cas pour le Mali et même pour la Syrie. Le coprésident du groupe EELV à l’Assemblée a ainsi évoqué « l’urgence sanitaire » et le « cadre multilatéral », avec la résolution de l’Onu et le soutien des organisations africaines. « C'est un oui, mais un oui prudent », avait précisé plus tôt François de Rugy, lors d'une conférence de presse.

Il n’y a que le Front de gauche à avoir fait entendre son « réel malaise face à cette intervention ». La France « porte une lourde responsabilité historique dans la tragédie centrafricaine. Elle n’est donc pas la plus qualifiée pour intervenir », a martelé le député communiste André Chassaigne, rappelant l’intervention de la France lors des précédents changements à la tête de la Centrafrique – notamment le soutien des autorités à Bokassa.

Le porte-parole du Front de gauche à l’Assemblée s’est interrogé sur les « motivations d’une énième intervention dans l’ancienne colonie », évoquant la Françafrique et les intérêts économiques de la France. « La France n’a pas vocation à jouer le rôle de gendarme de l’Afrique », a insisté Chassaigne. Mais comme souvent lors de ces débats parlementaires sans vote, au contenu relativement indigent, le député PCF n’est pas non plus sorti d’un discours convenu, se disant finalement « favorable au recours à une force d'interposition sous l’égide de l'Onu », où la France ne serait pas la seule impliquée.

Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le gouvernement est tenu d’informer les parlementaires et d’organiser un débat (sans vote) à l’Assemblée et au Sénat dans les trois jours (ouvrés) suivant le déclenchement d’une intervention militaire. Le prochain débat aura lieu dans trois mois, pour voter cette fois la prolongation de l’engagement des troupes françaises en Centrafrique. Mardi, Jean-Marc Ayrault est resté très évasif sur le calendrier. « Le désengagement de nos forces commencera dès que la situation le permettra », a-t-il déclaré.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : L’autorégulation du capitalisme, ca ressemble à ça


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