Les résultats de PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) ont longtemps été regardés en France avec un mélange d’indifférence et de défiance. En France, où la statistique publique sur l’éducation est très développée, beaucoup parmi les enseignants mais aussi les chercheurs étaient dubitatifs sur l’apport véritable de ces comparaisons internationales : que pouvaient-elles sérieusement nous apprendre sur nous-mêmes ? Les biais culturels, les particularismes nationaux, ne rendent-ils pas ce genre de classements, par nature, absurdes ?
La méthodologie de PISA se fonde en effet sur un présupposé « universaliste » – tous les systèmes éducatifs sont comparables – qui s’oppose à une vision « particulariste » pour qui l’histoire nationale, les spécificités culturelles rendent caduques ces comparaisons, comme le soulignent Georges Felouzis et Samuel Charmillot dans leur ouvrage Les Enquêtes PISA, PUF, 2012.
Pour comparer plus d’une soixantaine de pays, PISA n’évalue pas les élèves sur leurs connaissances – trop liées aux programmes qui varient d’un pays à l’autre – mais sur leurs compétences, c’est-à-dire leurs facultés à mobiliser leurs savoirs dans des situations données. Un biais qui, pour beaucoup, expliquait les mauvais résultats des élèves français : s’ils échouaient à PISA, c’est que cette enquête était en décalage avec ce qui était enseigné.
D’autre part, le fait que ces enquêtes émanent d’un organisme international, l’OCDE, loin d’être neutre politiquement – on sait le rôle que jouent ses préconisations souvent très libérales dans le domaine économique –, a contribué à alimenter une certaine méfiance. Certains chercheurs lui reprochent de vouloir à tout prix bâtir une doxa éducative – avec des bonnes et des mauvaises pratiques applicables indifféremment dans tous les pays. La spécificité des enquêtes de l’OCDE est non seulement de mener des évaluations tous les trois ans des élèves âgés de quinze ans, mais aussi d’émettre des recommandations précises sur les politiques éducatives. Une double casquette naturellement peu appréciée.
Sans avoir disparu, la plupart de ces critiques se sont beaucoup atténuées ces dernières années, à mesure que les enquêtes PISA affinaient leur méthodologie et que la France réalisait que le miroir tendu par ces comparaisons internationales était bien – douloureusement – fidèle. À mille lieues de ses grands principes, l’école française est notamment peu à peu apparue comme l’une des plus inégalitaires de la zone OCDE. Aucune statistique nationale, évidemment, ne pouvait le faire apparaître.
Aujourd’hui, une fois reconnu le cadre méthodologique bien spécifique de ces enquêtes – et donc ses limites intrinsèques –, l’apport des données PISA sur tout un tas de sujets : inégalités scolaires, efficacité des apprentissages, ne fait presque plus débat. Pour le sociologue de l'éducation Georges Felouzis, « la qualité technique (des résultats de PISA) est très élevée » même s’il reste « pertinent et utile de critiquer les choix et les présupposés de PISA ».
Les enquêtes PISA ont notamment permis de montrer que plus un pays est inégalitaire moins ses résultats sont globalement bons. La France obnubilée par la sélection et la formation de ses élites, tout en se croyant animée d’une passion pour l’égalité, a encore beaucoup à apprendre sur ce point, comme vient de le lui rappeler l’enquête présentée aujourd’hui. Le prisme purement élitiste – la France met l’essentiel de ses moyens sur les filières sélectives – tire globalement une classe d’âge vers le bas. Le redoublement, une façon là encore très française de traiter les élèves en difficulté, est une fausse solution puisqu’il n’améliore en rien la trajectoire des élèves, tout comme l’orientation précoce est à long terme néfaste. Autant d'enseignements mis en lumière par PISA – et qui au-delà du classement des pays médiatiquement parlant mais peu significatif – légitiment l'intérêt de ces enquêtes.
A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Pulseaudio equalizer