Vincent Peillon avait prévenu : les résultats de la nouvelle enquête PISA sont mauvais. Le cru 2012 de cette enquête, menée tous les trois ans dans 65 pays de l'OCDE auprès de 510 000 élèves âgés de 15 ans, et qui porte à la fois sur les mathématiques, la matière dominante cette année, mais aussi la compréhension de l’écrit ou la culture scientifique, fait apparaître une école française aux résultats moyens, voire médiocres, et surtout toujours plus inégalitaire.
Réalisée en mai 2012, cette enquête mesure les performances d'une école qui a été remodelée en profondeur par Nicolas Sarkozy. C'est plus largement le bilan d’une décennie où la droite était au pouvoir, ce que ne manquera pas de souligner Vincent Peillon qui compte bien s'appuyer sur ces résultats pour justifier ses réformes.
En mathématiques, l’un des points forts de la France en 2003 – dernière année où cette matière était majoritairement évaluée –, le pays se situe désormais dans la moyenne des pays de l’OCDE. La Corée, le Japon et la Suisse arrivent en tête. La France est au même niveau que la République tchèque, le Royaume-Uni, l’Islande le Portugal et la Norvège.
Dans cette discipline, la chute s’observe surtout entre 2003 et 2006, note l’OCDE. Alors que 25 pays ont amélioré leurs résultats et qu’autant sont restés stables, la France fait partie du groupe des 14 pays qui décrochent. « Le système s’est dégradé par le bas », souligne l’enquête de l’OCDE. Les 10 % d’élèves les moins performants ont vu leurs résultats chuter de 23 points quand les résultats des 10 % les meilleurs ont baissé de 6 %. L’écart entre ces deux groupes s’est donc creusé de 17 points en neuf ans.
En compréhension de l’écrit : la France se situe très légèrement au-dessus de la moyenne de l’OCDE avec 505 points pour une moyenne de 496. Le score est identique à celui de 2000, alors qu’en 2003 et 2006 elle avait reculé, pour commencer à s'améliorer en 2009. Pour autant, ce résultat honorable masque, là encore, un écart croissant entre les bons et les mauvais élèves français. « La proportion d’élèves très performants a augmenté de quatre points », selon l'OCDE, celle des moins performants a augmenté d’autant. D’autre part, les 10 % les meilleurs ont augmenté leurs résultats de 20 points alors que les 10 % les plus faibles ont chuté de 23 points. La France est, avec Israël, le pays où cet écart est le plus grand.
Autre fait notable, en compréhension de l'écrit, l’écart entre filles et garçons s’est fortement creusé entre 2000 et 2012 de 29 à 44 points. La proportion d’élèves en difficulté a augmenté de 6 % chez les garçons (+2 % pour les filles ), alors que celle des meilleurs élèves augmentait de +6 % pour les filles et +2 % pour les garçons.
Si dans l’ensemble de l’OCDE, être issu de l’immigration – première et deuxième génération – est un facteur d’inégalité scolaire, c’est encore plus vrai en France. Ainsi, « les élèves issus de l’immigration (14,9 % en France contre 12 % moyenne OCDE) sont deux fois plus susceptibles (1,7 moyenne OCDE) de compter parmi les élèves en difficulté », remarque l’enquête. En France, ces élèves sont ainsi 43 % à se situer sous le niveau 2 en maths, le niveau de base (40 % en Autriche, Finlande, Italie, Mexique, quatre pays également mauvais sur ce plan) contre seulement 16 % au Canada par exemple. Dans ce dernier pays, comme en Irlande ou au Royaume-Uni, à milieu social identique ces élèves ont les mêmes résultats.
À milieu socioéconomique équivalent, « les élèves issus de l’immigration accusent des résultats nettement inférieurs de 37 points à ceux des élèves autochtones, soit l’équivalent d’une année d’étude », contre 27 points en moyenne dans les pays de l’OCDE.
Plus troublant encore, « alors que l’écart de performance en mathématiques entre élèves issus de l’immigration et autochtones a diminué de 11 points en moyenne parmi les 29 pays disposant de données comparables entre les évaluations PISA 2003 et PISA 2012 (…), il a dans le même temps augmenté de 24 points en France ». Le décalage s’atténue cependant entre élèves immigrés de première et deuxième génération.
L’enquête PISA révèle bien une école française devenue ces dix dernières années de plus en plus inégalitaire. « En France, la corrélation entre résultats scolaires et milieu socioéconomique est bien plus forte que dans la plupart des pays de l’OCDE. » L’augmentation d’une unité de l’indice PISA de statut économique social et culturel entraîne une augmentation du score en mathématique de 39 points dans les pays de l’OCDE et de 57 points en France, « l’augmentation la plus marquée de tous les pays » de la zone.
La France se retrouve sur ce plan dans le groupe des plus mauvais élèves avec la Bulgarie, le Chili, la Hongrie, le Pérou, la Slovaquie et l’Uruguay. « Lorsqu’on appartient à un milieu défavorisé, on a aujourd’hui moins de chance de réussir en France qu’en 2003 », montre l’enquête.
À droite, on ne se bouscule pas pour commenter ces résultats qui sanctionnent pourtant un bilan d’une décennie aux affaires. Contacté, l’ancien ministre de l’éducation Xavier Darcos, désormais à l’Académie française, nous a fait répondre qu’il « ne commentait plus les questions éducatives » et qu’il était « passé à autre chose ». Luc Chatel n’a pas plus donné suite à nos demandes.
Seul Benoist Apparu a accepté de revenir sur ce bilan peu glorieux. « J’entends déjà monsieur Peillon nous dire que ces évaluations sont le résultat des suppressions de postes ou de la suppression de la formation initiale… La réalité est un poil plus subtile que cela ! » s’agace-t-il. « PISA évalue les compétences de base des élèves de 15 ans. Or ces élèves sont entrés à l’école primaire lorsque Lionel Jospin était au pouvoir (en 2000, ils entraient en maternelle, ndlr) », précise cet ancien chef de cabinet de Xavier Darcos et désormais en pointe à droite sur les questions d’éducation. « Les vraies failles du système éducatif, à savoir les missions des enseignants dont le travail ne peut se résumer à transmettre des savoirs, mais aussi la nécessaire autonomie des établissements, n’ont pas été traitées depuis trente ans, droite et gauche confondues », admet Benoist Apparu. Si la droite a failli, selon lui, c’est par manque d’audace : « Le rapport de la droite à l’éducation est compliqué. À chaque fois qu’on a essayé de traiter les problèmes éducatifs de façon lourde, on s’est pris un retour de boomerang. »
Une chose est sûre : cette enquête ne mesure encore que marginalement les conséquences des suppressions massives de postes dans l’éducation – entamées en 2007 – ou de la casse de la formation initiale des enseignants – mise en œuvre en 2009 – dont les effets vont se faire sentir ces prochaines années. Le pire est donc encore à venir.
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