L’effet de calendrier est parfait : rien de tel qu’une étude venue d’Allemagne enfonçant la compétitivité à la française pour alimenter le débat sur le durcissement de la loi Macron, alors que la loi contestée du ministre de l’économie achève ces jours-ci son mouvementé voyage parlementaire.
Le bureau de la délégation aux entreprises du Sénat, présidée par Élisabeth Lamure (élue du parti de Nicolas Sarkozy, “Les Républicains”) a commandé en février à l’institut de recherche allemand IFO une analyse comparée concernant les effets sur l’emploi des seuils sociaux dans les entreprises hexagonales, et notamment celles de moins de 50 salariés. Selon nos informations, l’IFO a été le seul institut démarché et le marché a été passé de gré à gré. « On cherchait un expert », avance-t-on au Sénat. L’expert en question est un institut proche du patronat allemand, présidé par le médiatique Hans-Werner Sinn, l’un des économistes les plus célèbres d’Allemagne, connu pour ses féroces critiques du modèle français. Cet orthodoxe « pur et dur », selon Le Point, n’a de cesse de critiquer l’état du tissu industriel hexagonal et le manque de soutien aux TPE et PME.
Mediapart s’est procuré ce document. Les conclusions du rapport sont clairement à charge : les obligations françaises sur la représentation des salariés sont trop lourdes, représentent un « coût » anormal et plombent les velléités d’embauche des patrons. « Notre analyse empirique montre que les seuils sociaux réduisent l’emploi en France, en particulier le seuil relatif à l’embauche d’un 50e employé », relève le rapport. « Il n’existe aucune distorsion équivalente dans la distribution par la taille des entreprises en Allemagne. » Ce fameux préjudice n’est pourtant pas chiffré.
En comparant les deux systèmes, le document pointe ce qui entraverait les entreprises françaises et dont n’ont pas à s’acquitter leurs homologues allemandes de moins de 50 salariés : l’obligation d’élire des délégués du personnel, de mettre en place un comité d’entreprise, un CHSCT, un plan de sauvegarde de l’emploi en cas de licenciement économique ou encore la participation des salariés aux résultats de l’entreprise.
Plus loin, le document enfonce le clou, estimant que « les seuils sociaux imposent des coûts additionnels, directs ou indirects, aux entreprises sous le coup de ces règlements. Les seuils sociaux sont donc comparables à une taxe implicite sur la taille de l’entreprise ». Résultat, « les entreprises françaises sont 15 % moins susceptibles de croître en taille d’effectif lorsqu’elles se retrouvent juste en dessous du seuil de 50 employés ». « La comparaison entre la France et l’Allemagne n’a pas beaucoup de sens, assure à Mediapart la sénatrice socialiste Marie-Noëlle Lienemann, membre de la délégation aux entreprises du Sénat. En Allemagne, les salariés ont beaucoup plus de droits dans les très petites entreprises à partir de cinq salariés. »
Les détracteurs des seuils sociaux sauront en tout cas tirer profit du rapport. Lors du débat sur la loi Macron au Sénat en février, Élisabeth Lamure et les élus “LR” avaient défendu des amendements faisant passer de 11 à 21 salariés le seuil où la mise en place de délégués syndicaux devient obligatoire et permettant aux entreprises qui passent de 49 à 50 employés d’être exonérées pendant trois ans des obligations relatives à la représentation et à la consultation du personnel. Lors de la discussion parlementaire, les sénateurs socialistes s’étaient vivement opposés à ces modifications, accusant la droite de proposer de fausses solutions contre le chômage. Certains s’appuient sur une étude de l’Insee publiée en 2010 sur le même sujet et qui fait également le jeu de la comparaison : selon ce travail, la probabilité que les seuils aient un impact sur l’augmentation des effectifs est faible.
Alors que les dispositions introduites au Sénat dans la loi Macron, comme la modification des seuils, devraient être supprimées à l’Assemblée dans les prochains jours, la droite continue d’en faire un cheval de bataille. En écho, Pierre Gattaz, président du Medef, a remis le couvert dans les Échos sur « la peur d’embaucher » qui paralyserait les patrons français. Le gouvernement lui-même n’est pas insensible à ces arguments : il avait dans un premier temps envisagé de légiférer sur les seuils sociaux, puis renoncé après l’échec d’une négociation sur le sujet entre les partenaires sociaux. Le ministre du travail François Rebsamen avait proposé l’an dernier de les geler pour une durée de 3 ans.
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