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Au congrès du PS, une Europe sans Syriza ni Podemos

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La salle est quasi vide. Le débat a commencé légèrement en avance, et s’est terminé plus tôt que prévu. Comme dans un théâtre d’ombres où les débats n’ont guère de sens. Pour l’ouverture de son 77e congrès, ce vendredi 5 juin, le parti socialiste a débattu de l’Europe. Mais une Europe dont Syriza et Podemos sont absents. Le PS a une nouvelle fois célébré la réorientation européenne qu’incarnerait François Hollande. À Bruxelles, la France est pourtant loin de soutenir le gouvernement grec dans ses négociations avec ses créanciers – le pays a décidé de décaler le remboursement d’1,6 milliard de dettes à la fin du mois de juin.

15h40, vendredi. Martin Schulz intervient à Poitiers devant une salle aux deux tiers vide15h40, vendredi. Martin Schulz intervient à Poitiers devant une salle aux deux tiers vide © MM

Très peu de dirigeants européens ont fait le déplacement – ils sont moins nombreux qu’à Toulouse il y a deux ans. Le leader du parti socialiste espagnol (PSOE), Pedro Sanchez, a enregistré un message pour se féliciter des scores de son parti aux dernières municipales et régionales et saluer « mon ami le président Hollande ». Même chose pour le président du parlement européen, l’Allemand Martin Schulz, ou le numéro 2 du gouvernement allemand, Sigmar Gabriel. Le parti socialiste grec moribond (Pasok) était invité mais n’a envoyé aucun représentant car il est lui-même en congrès. Mais l'ancien premier ministre grec Georges Papandréou faisait partie des invités d'honneur du dîner organisé à la mairie de Poitiers vendredi soir, en tant que président de l'Internationale socialiste.

La résolution sur l’Europe, soumise au vote des délégués, aligne pour l’essentiel des généralités (sur l’idée européenne, la tentation du repli nationaliste ou les avancées obtenues par François Hollande). Dans sa première version, ce texte ne comportait qu’une brève mention sur la Grèce, augmentée finalement de la condamnation de l’austérité (« situation terrible et inacceptable » pour les Grecs).

À la tribune, les partisans de la ligne gouvernementale (motion A) se succèdent pour défendre la politique menée à Bruxelles par la France. « La réorientation est en marche, chers camarades », lance Philip Cordery, secrétaire national à l’Europe du PS. La Grèce n’est évoquée que rapidement, pour lier systématiquement la nécessaire « solidarité » au sein de la zone euro et la « responsabilité » dont doit faire preuve Athènes. Mot à mot, la ligne de l’Élysée. « Nous devons aider la Grèce à rester dans la zone euro. Bien sûr il faut aussi qu’elle se donne les moyens de ne pas répéter les erreurs du passé », a expliqué Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale.

Seuls les représentants des ailes gauche (motion B) ont appelé à « choisir son camp ». « Il ne s’agit pas seulement de parler de grands principes que nous répétons congrès après congrès, a lancé le député Pascal Cherki, proche de Benoît Hamon. Dans le moment présent, nous devons être aux côtés du gouvernement Tsipras. C’est parce que la social-démocratie en Amérique du Sud n’a pas été en première ligne contre les plans d’ajustement structurel du FMI qu’elle a disparu du champ politique. » L’avertissement n’a guère suscité de réaction dans la salle.

Pour les proches de François Hollande et la plupart de ses ministres, Syriza et Podemos n’ont rien à voir avec le contexte français. Ou alors n’ont qu’un impact mineur. « Pour moi, à ce stade, Podemos est de même nature que l’arrivée des Verts à la mairie de Grenoble. En pourcentage, pour l’instant, Podemos ça fait très peu. Mais ça interroge bien sûr les partis politiques, c’est la manifestation que les gens veulent changer les visages », explique Marylise Lebranchu, la ministre de la fonction publique.

« Le PS pense que ce qui arrive en Espagne ne lui arrivera pas. D’abord parce que nous sommes dans la Cinquième République monarchisée, rétorque l’eurodéputée Isabelle Thomas (aile gauche). Et parce qu’ici, pour l’instant, l’opposition à la politique du gouvernement est passée par les frondeurs, et donc elle reste dans le parti. Mais ils auraient tort de penser que ça n’arrive qu’aux autres ! Quand on ne répond pas aux aspirations de ceux qui vous ont élus, la contestation passe par les fenêtres au lieu de passer par la porte. »

Même Christian Paul, candidat malheureux face à Jean-Christophe Cambadélis, préférerait être à Madrid : « Si j’étais un jeune de 18 ans, entre deux jours au congrès du PS et deux jours en Espagne pour observer ce qui se passe avec Podemos, je n’hésiterai pas : j’irais en Espagne. Podemos répond à deux sujets essentiels que nous n’avons pas pris en charge : la question démocratique et la question sociale. »

Quant à Syriza, contraint à de multiples reniements pour arracher un accord avec la “Troïka” (Commission européenne, BCE et FMI), la majorité du PS français est à l’image du président de la République : en soutien apparent mais à très grande distance, voire secrètement satisfaite de voir qu’une alternative à gauche peine à se déployer. « Ils n’ont rien fait et ils ne veulent rien faire. Ils veulent l’échec de Tsipras pour prouver qu’il n’y a pas de Syriza français, pas d’alternative. La ligne, c’est Macron et les réformes. Ils ne peuvent pas bouger. François Hollande est un libéral », nous expliquait récemment un ministre sous couvert d’anonymat. Dans la bouche d’un proche du président de la République, les difficultés de Syriza aident même le gouvernement français : « La Grèce nous a aidés. Cela montre bien qu’un peuple a beau vouloir quelque chose, il faut aller à Canossa budgétaire. » Autrement dit : personne ne coupera à l’objectif de réduire les déficits.

« François Hollande a fait ce qu’il fallait mais il est trop resté dans la coulisse », tempère une ministre plus conciliante avec la politique bruxelloise du chef de l’État. « L’idée, c’était de dire faut les aider, et en même temps, la dette doit être payée, car une remise de dette de la Grèce serait forcément payée par d’autres pays. » Dont la France.

Dès mi-février, à l’issue du premier conseil européen en présence d’Alexis Tsipras, le président français le disait lui-même : « Chaque fois qu'il y a un nouveau membre du conseil, on le regarde, on se demande s'il va changer les règles, les rites. Généralement, il n'y parvient pas, sur les rites. Sur les règles, il peut essayer d'y travailler quand même… À Alexis Tsipras d'engager le dialogue. À lui aussi de comprendre que des règles existent, et qu'elles doivent être respectées. »

La présidente du parlement grec Zoé Konstantopoulou en a fait le constat amer, dans un entretien à Libération : « Il y a un vrai problème au sein de l’Europe, où les forces dites socialistes ont finalement accepté de se soumettre à l’agenda néolibéral. Alors même que parfois les citoyens leur avaient donné un autre mandat. » Elle parlait évidemment de François Hollande.

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