Après la Grèce, l’Espagne, et chaque fois la gauche française applaudit à ces victoires comme si elles étaient les siennes. Quel regard le Parti de gauche porte-t-il sur Syriza, sur Podemos, quelles leçons pour la France, quelle attitude vis-à-vis du Parti socialiste de Jean-Christophe Cambadelis ? Alexis Corbière, qui vient du trotskysme et qui est passé par le PS avant de fonder le Parti de gauche avec Jean-Luc Mélenchon, a répondu aux questions de Mediapart.
Vous avez qualifié les résultats des municipales et des régionales en Grèce de « magnifique nouvelle ». Pourquoi ?
Les nouvelles qui nous arrivaient ces derniers temps d’Europe étaient mauvaises. On disait plutôt « c'est une vague brune qui arrive ». Des poussées de l'extrême droite antisémite, ouvertement xénophobe, contre les femmes, et voilà que dans des pays du sud de l'Europe notre famille politique arrive aux responsabilités. Voilà une bonne nouvelle. Les réponses apportées par les autres peuples aux difficultés auxquelles nous sommes nous-mêmes confrontés sont des sources d'inspiration et des éléments de partage, que nous devons mettre en commun.
Mais en Grèce Syriza rencontre a priori de grandes difficultés…
Notons d'abord qu’ils respectent leur mandat. Rien ne piétine ce pourquoi ils ont été élus. Par contre, Syriza est engagé dans un rapport de force avec l'Union européenne et particulièrement avec sa pointe agressive, à savoir les injonctions du gouvernement allemand. Nos amis grecs représentent 2 % du budget de l'Europe, le rapport de force n'est donc pas simple. Mais ne leur faisons pas supporter plus qu'ils ne peuvent, avec un regard condescendant, en disant : « Comment ? Vous n'avez pas réglé tous les problèmes? » Moi je suis de leur côté, résolument. Ce sont des gens courageux ! Ce sont des gens qui ont mis en œuvre des lois pour la résorption de la pauvreté, ou la réouverture de la télévision publique. Ce n'est pas rien ! La fin des expulsions de logement, qu'ils ont interdites, c'est déjà un corpus de lois conforme à ce qu'ils avaient promis.
Mais clairement, le cœur de leur mandat est la renégociation de la dette : eh bien, cette discussion-là est en cours. Le gouvernement grec, après avoir fait démonstration qu'il n'était pas dans une logique fermée, demande un rééchelonnement de la dette. Si elle n'est pas mise en œuvre, ils refuseront de payer. On va entrer dans une nouvelle phase. Si certains veulent les faire sortir, et bien il est possible que M. Tzipras change de braquet.
Il est quand même incroyable que le gouvernement français ne vienne pas en soutien à nos amis grecs. Si ce gouvernement est de gauche, il doit dire qu'il est stupide d'en arriver là, et que ce n'est pas en forçant un peuple à un défaut de paiement qu'on va régler le problème.
En réalité, les Allemands veulent faire la démonstration politique que toute velléité de sortir aujourd'hui des injonctions européennes ne peut pas marcher. C’est d'abord une défaite politique qu'ils veulent infliger à la Grèce. Et ce qui se passe en Espagne est au contraire la démonstration que malgré cette volonté, malgré cette dureté, l'Espagne est en train de prendre la voie de Syriza.
En Grèce comme en Espagne, le mouvement est parti du peuple, et s’est transformé en victoires électorales. Vous, pour votre congrès, vous avez eu 1 500 votants…
Le Parti de gauche, et le Front de gauche, ce n'est pas Podemos. C'est autre chose… Nous, nous sommes un parti alors que Podemos est un mouvement qui permet une implication citoyenne, avec des gens qui ne sont pas adhérents à un parti. Mais nous avons lancé le mouvement pour la Sixième République, et 86 000 personnes ont signé sur Internet. Podemos, c'est d’abord une méthode, et c’est cette méthode qu’on voudrait mettre en œuvre, par exemple aux régionales. Lancer un appel aux citoyens.
Mais les dirigeants de Podemos ne sont-ils pas plus pragmatiques que vous ? Ils négocient avec le PSOE. Est-ce que vous, vous négocieriez quoi que ce soit avec le PS de Jean-Christophe Cambadélis ?
Si c'est moi qui suis devant, oui, aucun problème, on a toujours dit : je négocie, à condition que le contenu de l'accord ne se fasse pas aux conditions social-libérales, tel que c'est le cas aujourd'hui. Les socialistes ne parlent d'unité que sur leurs conditions, qui est de mettre en œuvre leur politique. Pour leur porter les valises, non ! Ça ce n’est pas de l'unité, c'est de l'arrogance social-libérale. Les socialistes ne savent faire que ça
Mais n’avez-vous pas un problème avec l’Union? Vous vous êtes associés avec le PC, et vous vous êtes fâchés, et vous vous êtes rapprochés des écologistes et vous polémiquez avec Cécile Duflot ?
On ne peut pas commencer une discussion en disant : « Tu exagères, et tu as des accents déroulédiens. » Paul Déroulède est l'un des fondateurs de l'extrême droite en France, il a défié en duel Jean Jaurès, qu'il voulait abattre au pistolet ! Quand on compare Mélenchon à celui qui voulait tuer Jaurès, c’est scandaleux ce vocabulaire… Si moi je sortais une tribune dans Mediapart en disant à Cécile Duflot: « Tu es munichoise », est-ce qu'elle accepterait ? Pourquoi utilise-t-elle ce vocabulaire outrancier ? Parce qu'elle veut créer un clivage… Je dis à Cécile Duflot : « Arrête cette fausse polémique, rassemblons-nous, donnons-nous la possibilité que ce processus d’implication citoyenne existe vraiment aux élections régionales. »
Quelle perspective pour 2017 ?
Si l'on réussit à engager l’implication citoyenne, on fera émerger en 2017 le même processus que pour les régionales. J'ai envie que pour les élections de 2017, celui ou celle qui nous représentera soit celui du changement de système. Celui de la Sixième République, de l'Assemblée constituante. C'est à cette tâche que nous devons nous atteler.
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