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Sivens: un militant se défend d'avoir blessé un gendarme

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La ZAD de Sivens a été évacuée début mars 2015, mais le conflit se poursuit devant les tribunaux. Jeudi 28 mai aura lieu devant la cour d’appel de Toulouse le procès en appel de deux opposants au barrage. Gaëtan, 34 ans, et Yannick, 42 ans, ont été condamnés le 17 septembre 2014 en comparution immédiate pour violences sur des gendarmes du Psig (peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie) par le tribunal correctionnel d’Albi. L’un à deux mois avec sursis pour avoir donné un coup de pied à un gendarme (sans ITT), l’autre à quatre mois avec sursis pour avoir blessé un autre gendarme à la main (fracture avec 45 jours d’ITT). S’appuyant sur une vidéo amateur versée au dossier, ils assurent que le coup à la main a en fait été porté accidentellement par un autre gendarme.

Le 15 septembre 2014, plusieurs gendarmes mobiles, accompagnés du Psig (une unité d’intervention, qui n’est pas spécialisée dans le maintien de l’ordre), refoulent une soixantaine de militants. Ces derniers occupent la vallée pour retarder l’accès des engins de chantier et le début des travaux du barrage. Après les sommations réglementaires et des tirs de grenades lacrymogènes, une « quinzaine » de militants « virulents » font de la résistance et jettent des pierres, selon le capitaine qui commande l’escadron de gendarmerie mobile. D’après cinq témoignages de gendarmes, l’un d’eux, Gaëtan, repoussé à plusieurs reprises par un agent du Psig à coups de bâton, bondit même « pied en avant » sur lui, manquant de le faire tomber en s’agrippant à son gilet de protection. En première instance, le prévenu a nié le coup de pied et assuré n’être intervenu que pour protéger un militant dont la caméra avait été brisée par un gendarme.

Le deuxième militant, Yannick, intervient alors pour secourir son copain Gaëtan, en fâcheuse posture. Ce dernier est « amené au sol pour être menotté par deux gendarmes, dont l’un reçoit à la main gauche un violent de coup de pied de Yannick », selon le commandant de l’escadron. Le gendarme blessé dit avoir reçu le coup de pied « alors qu’il se trouvait au sol en train de maîtriser » le premier militant. Il n’a vu que les pieds de son agresseur chaussés de « chaussures de marche ».

Yannick, doté ce jour-là de chaussures de randonnée, a nié les faits devant le tribunal. « J’étais avec deux collègues devant un petit groupe de gendarmes agressifs, qui nous filaient des coups de matraque en nous disant de reculer, nous explique cet électricien intérimaire. Mais on ne pouvait plus reculer, on était déjà tout en bas du champ, à quelques mètres du ruisseau du Testet. Le collègue qui filmait a reçu un coup dans la main qui a éclaté sa caméra, Gaëtan s’est mis devant pour le protéger. Je n'ai pas vu le début de l'échauffourée, mais quand je me suis retourné, mon pote était entouré de gendarmes qui le frappaient. J’ai couru vers lui et je me suis fait faucher net par un coup de pied. On m'a relevé et menotté. Puis on nous a notifié notre garde à vue dans le pré, je n’ai pas compris ce qui se passait. Je pensais que c’était pour vérifier notre identité. »

Il poursuit : « La garde à vue à Gailhac s’est plutôt bien passée, les gendarmes étaient très corrects. Au bout de 24 heures, le procureur d’Albi est arrivé et a commencé à me dire que j’étais un menteur, que je n'étais pas honnête, que je ferais mieux d’avouer. On a fait 24 heures de garde à vue supplémentaires, puis le procureur nous a dit: “Si vous n’acceptez pas la comparution immédiate, vous allez partir en préventive”, donc nous avons accepté. Et nous avons été condamnés. »


Sivens 15 septembre 2014 par MediapartVidéo amateur filmée le 15 septembre 2014 à Sivens.

La scène, assez confuse, a été en partie filmée par un troisième militant. La vidéo conforte plutôt la version des prévenus. Sur ces images, on ne voit pas le début de la bagarre. Mais au ralenti, on distingue Gaëtan (en sweat à capuche marron, pantalon noir et masque blanc sur le visage) venir au contact des gendarmes du Psig, qui le matraquent allègrement. Puis un gendarme effectuer un magnifique coup de pied sauté sur Yannick (jean bleu, casquette et masque blancs), qui tente de venir à la rescousse de son ami. Le militant est immédiatement projeté par terre et maîtrisé.

Un gendarme avec un sac à dos en treillis rattrape alors Gaëtan et le plaque au sol. À ce moment (à partir de 7'10''), on voit un militaire, armé d’un Flashball superpro, envoyer un coup de pied vers le militant, toujours immobilisé par terre. Pile en direction de la main gauche de son collègue, celle qui a été fracturée. En arrière-plan, on aperçoit Yannick également immobilisé au sol. « Sur la vidéo, on voit la protection blanche du gant du gendarme qui tombe sous l’impact du choc, juste après le coup de pied de son collègue, explique Me Claire Dujardin, qui défend les deux militants. Nous pensons que c’est ce gendarme qui a fracturé la main de son collègue, qui cherchait à protéger la tête de Gaëtan des coups de rangers. »

L’avocate souligne de plus que Yannick était alors déjà interpellé. « Il ne peut donc avoir causé la blessure à ce moment-là », dit-elle. « Je n’ai jamais jeté une pierre, jamais insulté, j’organise des formations à la non-violence ! proteste de son côté Yannick. En procédure, cinq gendarmes disent m’avoir vu donner le coup de pied et que j’étais chauve avec des lunettes, mais à ce moment-là, mes lunettes étaient dans ma poche et j’avais une casquette. Et on voit bien sur la vidéo que nous n’avons rien dans les mains et que les gendarmes nous tiraient au Flashball comme des lapins. »

Un passage de la vidéo, apportée au cours de la garde à vue des deux prévenus par un militant, avait été visionné lors de la première audience. « C’était très rapide, alors les militants, qui ne l’avaient jamais vue, n'étaient pas sûrs de se reconnaître », explique l’avocate. Et le tribunal avait préféré s’appuyer sur les multiples témoignages « très précis quant au déroulement, à l’enchaînement des faits » des gendarmes victimes ainsi que de ceux ayant participé à l’interpellation.

La suite de la vidéo est également intéressante puisqu’on y voit le gendarme du Psig qui a donné un coup de pied vers Gaëtan, ensuite armer son Flashball et tirer en direction des manifestants. Sur l’image suivante, un jeune homme avec un keffieh blanc se retrouve au sol, plié de douleur et les mains sur le sexe. Selon Me Claire Dujardin, l’homme en question, nommé Loïc, est un aide médico-psychologique de 31 ans résidant dans une commune voisine du Tarn qui a été atteint aux testicules (zone normalement formellement interdite). « Il a essayé de déposer plainte auprès des services de gendarmerie qui ont refusé d'enregistrer la plainte, en raison de l'absence d'ITT malgré ses douleurs, explique l’avocate. Il a donc déposé plainte par courrier auprès du procureur de la République. »

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Cahuzac encaisse au black


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