Dans le sillage des conventions de Sciences-Po Paris avec des lycées ZEP ou des quotas de boursiers dans les grandes écoles, les dispositifs destinés à permettre l’ouverture sociale des filières d’élite ont beaucoup fait parler d’eux. Au-delà des polémiques, légitimes mais un peu rebattues, sur l’utilité ou non de ces politiques, comment les principaux concernés, ces « transfuges de classe », vivent-ils cette expérience ? Grâce à une longue enquête de terrain – près de cinq ans – auprès d’élèves d’une classe préparatoire réservée à des élèves de ZEP, le jeune sociologue Paul Pasquali décrit sous forme de portrait de groupe comment s’effectue pour ces jeunes le « passage de frontières sociales ».
En donnant la parole à ces jeunes tout au long de leur « migration de classe », en décrivant au plus près leur trajectoire, il tente de comprendre « comment se construisent sociologiquement des miracles statistiques », explique-t-il dans son ouvrage Passer les frontières sociales : Comment les « filières d’élite » entrouvrent leur portes.
Si les « élus » sont tout sauf un groupe homogène, l’enquête révèle aussi que les élèves de ZEP qui intègrent ces dispositifs possèdent aussi souvent un « petit héritage culturel » qui leur permet de traverser ce qui demeure, pour beaucoup, des barrières infranchissables. Paul Pasquali décrit aussi très bien comment certains de ces jeunes, à la manière des migrants, se sentent souvent tiraillés entre leur milieu d’origine et leur milieu d’arrivée, avec ce sentiment de n’être « ni d’ici, ni de là-bas », quand d’autres parviennent à créer des passerelles.
Au-delà des success stories qui illustrent le plus souvent ces dispositifs dans les médias, l’insertion professionnelle de ces jeunes issus de quartiers populaires dépend aussi, à long terme, de leur capital social initial, montre cette minutieuse enquête.
Au bout du compte, c’est donc paradoxalement en faisant la chronique de ce « passage de frontières » que Paul Pasquali démontre combien celles-ci sont puissantes dans notre système éducatif.
Passer les frontières sociales : Comment les « filières d’élite » entrouvrent leur portes, de Paul Pasquali, Fayard, 459 pages, 24 euros
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