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La réforme fiscale, une nouvelle austérité?

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Ils sont soulagés, les députés socialistes. L'annonce, lundi, par Jean-Marc Ayrault dans Les Échos, d'une « remise à plat » de la fiscalité les sort de la profonde déprime dans laquelle ils étaient plongés depuis des mois. Déprime que la fronde fiscale tous azimuts des dernières semaines n'a fait qu'aggraver. Du coup, ils ne mégotent pas sur les superlatifs pour saluer l'initiative. « C'est un très beau rebond politique », salue Thierry Mandon, porte-parole des députés PS. « C'était absolument indispensable », salue François Marc, rapporteur du budget au Sénat. « Finement joué », se félicite Christian Eckert, son homologue de l'assemblée nationale.

Une fois les partenaires sociaux consultés (lundi et mardi prochains), un groupe de travail associant des piliers de la majorité (spécialistes du budget, membres des différentes commissions) va prochainement être créé au parlement pour réfléchir à l'architecture de la grande réforme fiscale, un immense chantier qui « prendra le temps du quinquennat », comme l'a expliqué mercredi François Hollande.

« Jean-Marc Ayrault a repris la main et il a l'ensemble des députés socialistes derrière lui », affirme la députée Karine Berger, secrétaire nationale du PS à l'économie. Son rapport sur la réforme fiscale, prêt en septembre, avait été prestement enterré par l'exécutif, alors opposé à tout big bang fiscal.

« C'est une contre-attaque politique bienvenue : Ayrault a recrédité son compte, se félicite Thomas Thévenoud, un proche d'Arnaud Montebourg. Mais nous sommes encore en état de grande convalescence. » De fait, le pouvoir va devoir, en parallèle des grands travaux fiscaux, gérer la hausse de la TVA au 1er janvier, destinée à financer le crédit impôt compétitivité emploi (CICE) voté l'an dernier.

Et cela préoccupe déjà certains parlementaires. « Il y a tout de même un bémol sérieux aux annonces du premier ministre : la réforme fiscale n'apparaîtra pas aux Français tant qu'ils n'en verront pas les effets. Elle va mettre du temps à se mettre en place. Pendant ce temps, le 1er janvier, la TVA va augmenter, accréditant l'idée d'une hausse des impôts. D'ici quelques jours, le débat va peut-être ressortir », explique Laurent Baumel, l'un des membres de la Gauche populaire qui réclame bruyamment depuis des semaines des mesures en faveur du pouvoir d'achat.

« Le pays est au bord de la crise de nerfs : s'il y a un mouvement social sur la TVA autour du 1er janvier, l'affaire pourrait se compliquer », ajoute-t-il. « La TVA va augmenter au 1er janvier, nous l'avons votée. Mais c'est un impôt bien injuste pour les Français les plus modestes », concède François Marc, qui demande des « arbitrages » dans les mois à venir, « pour équilibrer les différents impôts, trancher notamment la question de la répartition entre impôts progressifs et impôts proportionnels comme la TVA. » Le Front de gauche appelle le 1er décembre à une manifestation contre les hausses de TVA (lire notre entretien avec Jean-Luc Mélenchon).

D'autres s'inquiètent déjà de l'autre annonce contenue dans l'entretien de Jean-Marc Ayrault aux Échos, et passée inaperçue : la confirmation d'une réduction, à train très soutenu, des dépenses publiques au cours des prochaines années. « Nous allons réaliser 15 milliards d’euros d’économies en 2014, mais il faudra continuer au moins au même rythme en 2015, en 2016, en 2017 », a ainsi annoncé le premier ministre. La France s'est en effet engagée auprès de la Commission européenne à ramener son déficit public sous la barre des 3 % du produit intérieur brut (PIB) fin 2015.

L'ampleur de ces coupes n'est pas tout à fait une surprise. Début novembre, alors que le gouvernement excluait obstinément toute réforme fiscale d'ampleur, le ministre délégué au budget, Bernard Cazeneuve, avait même laissé entendre dans Les Échos que le niveau des économies pourrait être encore plus élevé.

« Il n'y a rien de nouveau sous le soleil, argumente Karine Berger. On l'a toujours dit ! Dans son programme, François Hollande parlait de 50 milliards d'économie sur cinq ans. On fait juste un peu plus à cause du crédit impôt compétitivité emploi. » Pour cette économiste, « il ne s'agit en rien d'austérité, mais d'un fort ralentissement de la progression des dépenses publiques ». De fait, les dépenses publiques augmentent mécaniquement d'environ 35 milliards par an. Les économies annoncées sont donc en réalité une réduction de la hausse tendancielle, ce que critique d'ailleurs régulièrement l'opposition, qui réclame des coupes bien plus claires dans les dépenses publiques. « C'est beaucoup, mais on y est arrivé cette année. Et c'est nécessaire, car on ne peut plus augmenter les impôts », explique Christian Eckert.

La rigueur qui s'annonce inquiète pourtant franchement ce député influent au sein du groupe PS, qui s'exprime sous couvert de l'anonymat : « 60 milliards d'économie en quatre ans, c'est inouï. Sarkozy, que nous vilipendions alors, avait fait 10 milliards d'euros sur trois ans ! » D'autant que l'essentiel de ces économies « porteront sur la dépense », comme cette année, rappelle le sénateur François Marc. Autrement dit sur les dépenses de fonctionnement, les opérateurs de l'État, les collectivités locales, les dépenses sociales et l'assurance-maladie (médicaments, hôpitaux, etc.) Pour plusieurs élus, la question se pose avec d'autant plus d'acuité que la réforme fiscale nécessite des moyens financiers, aujourd'hui non chiffrés. « Ça nécessite des marges de manœuvre que nous n'avons pas forcément », s'inquiète déjà un interlocuteur de confiance de François Hollande.

« 15 milliards par an, ça me paraît beaucoup. Il faut faire les choses de façon raisonnable », soutient le député Pierre-Alain Muet, ancien conseiller économique de Lionel Jospin à Matignon, un proche de Martine Aubry. Lui plaide plutôt pour un effort plus réduit, « autour de 10 milliards d'euros, le bon rythme pour ne pas endommager la croissance ».

« Ces annonces ne sont pas forcément rassurantes, s'alarme Laurent Baumel. Les 15 milliards prévus dans la loi de finances pour 2014, ça commence déjà à faire mal. Il ne faut pas que l'on casse la croissance (la commission européenne prévoit une faible croissance pour 2014, de l'ordre de 0,9 %  ndlr). Je souscris à l'idée de réduction des déficits, mais pas à marche forcée. » Baumel veut croire que les chiffres annoncés, fixés au doigt mouillé, sont en réalité destinés « davantage aux institutions européennes ou aux marchés qu'à l'opinion ».

Pour le député d'Indre-et-Loire, ils rouvrent surtout le débat européen. « Alors que même la commission européenne s'interroge sur les dégâts de l'austérité, il faut d'urgence reprendre la discussion avec l'Allemagne », dit-il. Dans un livre qui vient de paraître (L'urgence européenne, téléchargeable ici), le président de l'assemblée nationale, Claude Bartolone, partisan de longue date d'une « confrontation » avec l'Allemagne, invite lui aussi la gauche européenne à  rompre « le dogme néolibéral » et l'« Europe disciplinaire », si elle veut éviter une déroute aux européennes des 22-25 mai 2014.

BOITE NOIRESauf mention contraire, toutes les personnes citées ont été contactées mercredi et jeudi.

Correction: les élections européennes auront lieu entre le 22 et le 25 mai 2014.

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