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L'affaire Guérini, qualifiée de «système de corruption», est encore vivante

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Voilà qui pourrait réveiller l’affaire Guérini, dont les deux volets judiciaires ouverts en 2009 n’en finissent plus de traîner en longueur. À croire qu'une course de lenteur a été engagée avec les électeurs des Bouches-du-Rhône qui, en mars dernier, ont réélu conseiller départemental Jean-Noël Guérini (ex-PS), mais l'ont privé de la présidence du département. La chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-de-Provence doit examiner ce mercredi 20 mai 2015 la validité de tout un pan de l'enquête, attaquée par trois des mis en examen, le sénateur Jean-Noël Guérini, l’ex-élu socialiste Alexandre Medvedowsky et le patron des épiceries de luxe Fauchon, Michel Ducros.

Jean-Noël Guérini, le 1er avril 2015, après l'échec de son parti Force du Treize aux départementalesJean-Noël Guérini, le 1er avril 2015, après l'échec de son parti Force du Treize aux départementales © LF

Relaxé en décembre 2014 dans une affaire de licenciement déguisé, Jean-Noël Guérini reste mis en examen dans deux informations judiciaires plus préoccupantes confiées à la juge marseillaise Christine Saunier-Ruellan après le départ pour l’Agence de gestion et recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) du juge d’instruction Charles Duchaine. Le sénateur a perdu en mars dernier la présidence du conseil départemental des Bouches-du-Rhône après 17 ans de règne. Ce qui lui laisse désormais le loisir de mener une intense guérilla procédurale par l’intermédiaire de ses avocats Me Hervé Temime et Me Dominique Mattéi.

Le 6 mai 2015, le parquet général de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a demandé le rejet de l’ensemble de leurs requêtes de nullité visant la principale information judiciaire – dite ABT, du nom d’une entreprise suspecte – ouverte le 16 novembre 2009. Il s’agit du volet le plus sulfureux, où apparaissent des marchés publics attribués, dans les Bouches-du-Rhône et en Haute-Corse, à des entreprises proches du grand banditisme ; des comptes au Luxembourg, en Suisse et en Israël ; ainsi que des accusations de rétrocommissions vers des politiques. Cette enquête avait valu à Jean-Noël Guérini la levée de son immunité parlementaire en décembre 2012, ainsi que sa deuxième mise en examen le 3 juin 2013 pour association de malfaiteurs, trafic d’influence, et favoritisme.

Ses avocats visent large. Ils demandent l’annulation de sa mise en examen, des procès-verbaux de sa garde à vue ainsi que de celles de pas moins de 27 autres suspects. Mes Temime et Mattei arguent notamment du non accès au dossier des avocats en garde à vue, ainsi que de l’imprécision des faits pour lesquels l’élu a été mis en examen. Ils visent également des pans entiers du dossier, tous en lien avec les dénonciations de marchés publics truqués, qui étaient selon eux hors de la saisine du juge Duchaine. « Le mode opératoire employé par le juge d’instruction et les enquêteurs agissant sur commission rogatoire » consistait « à procéder à une réelle instruction sur des faits avant d’en être légalement saisis », se plaignent-ils. Faisant feu de tout bois, les avocats ont également déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur le respect du caractère contradictoire de la procédure.

Autant de demandes balayées par le parquet général dans son réquisitoire du 6 mai. Nadine Perrin, l’avocate générale, valide presque sans réserve cette information judiciaire tentaculaire et les méthodes de Duchaine. « Il n’apparaît (…) pas qu’à aucun moment, le juge d’instruction ou les enquêteurs agissant en son nom aient instrumenté au-delà de leur saisine », conclut-elle, écartant également la QPC jugée « peu sérieuse ».

Dans ce qui ressemble à un réquisitoire avant l’heure de l’affaire Guérini, l’avocate générale retrace près de six ans d’enquête aboutissant à la découverte de ce qu’elle décrit comme « un système d'entente et de corruption qui avait pour pièce centrale la société ABS [ABT, sic] et comme acteurs récurrents Patrick Boudemaghe, Alexandre Guérini, agissant sous l'ombre portée du conseil général des Bouches-du-Rhône et son président Jean-Noël Guérini ». Au départ, le juge d’instruction Charles Duchaine n’est saisi que d’une simple affaire de blanchiment et d'abus sociaux : des entreprises gardannaises proches du grand banditisme bidonnent des factures pour minorer leur chiffre d'affaires et évacuer des fonds à l'étranger.

Mais « au fil des investigations, il allait s’avérer que les malversations dont était saisi le juge d’instruction, avaient été accompagnées, voire rendues possibles, par la commission d’infractions relevant d’autres qualifications mais toujours intimement liées au système mis en place, décrit le parquet général. Ainsi, la surfacturation de marchés publics n’était possible que si l’accès régulier à ces marchés était perturbé, ce qui supposait la commission des délits de favoritisme et, dans certains cas, de corruption tant active que passive ». Les enquêteurs découvrent au fur et à mesure l'étendue des marchés concernés : projets immobiliers, marchés de gardiennage, autorisations d’ouverture de maisons de retraite médicalisées, gestion de décharges, et même celle de ports de plaisance départementaux.

Les avocats de Jean-Noël Guérini demandent d’ailleurs également l’annulation d’une très ennuyeuse note des douanes judiciaires, basée sur des renseignements anonymes. Celle-ci décrit un « système mafieux » sur les ports de Cassis et de L’Estaque. Le parquet s’y oppose rappelant que la loi française n’’interdit pas « qu’il soit recouru au procédé du renseignement anonyme » et que ces informations n’ont pas « vocation à être utilisées directement mais seulement destinées à guider d’éventuelles investigations ordonnées par le procureur de la République ».

Quant à « l’absence d’indices graves ou concordants » nécessaires à la mise en examen de Jean-Noël Guérini soulevée par ses avocats, le parquet répond que de « nombreux témoignages le mettent en cause directement ou via son frère Alexandre dans les faits qui lui sont reprochés, que les investigations concernant le déroulement chronologique de certains de ces faits (interventions pour “placer” des amis à des postes clés, interventions visant à retarder la réalisation de transaction...) et leur contexte politique et économique confortent ces témoignages, que les investigations financières vont dans le même sens ».

Même fin de non-recevoir pour l’ex-élu PS Alexandre Medvedowsky qui conteste sa mise en examen du 28 juin 2013 pour « détournement de fonds publics par une personne chargée d'une mission de service public ». Cet énarque, qui dirige un cabinet de conseil en affaires, est suspecté pour des avenants signés sur des marchés publics remportés par ABT au technopôle de l'Arbois, un établissement public administratif lié au département et dont il était le président. « La compétence technique du mis en examen en matière de marché public comme ses habitudes concernant l’examen desdits marchés auraient dû lui permettre de déceler les irrégularités figurant dans le marché initial comme dans les avenants, irrégularités dont les témoignages recueillis démontrent qu’elles étaient connues de ses services, tout comme la manifeste insuffisance des prestations de la société ABT », estime le parquet général. Il met également en doute la « sincérité » de ses déclarations « parfois variables ».

Le parquet général demande également le rejet de la demande de nullité de la mise en examen pour «trafic d'influence» de Michel Ducros. Le patron des épiceries de luxe Fauchon est soupçonné d'avoir versé un pot-de-vin de 500 000 euros en 2010 dans le cadre d'un projet de logements et de maison de retraite à La Ciotat.

C’est désormais à la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence de trancher, après l’audience prévue ce mercredi matin. Quant à l’autre volet de l’affaire visant plus spécifiquement l'omniprésence d'Alexandre Guérini, frère du patron du département et entrepreneur spécialisé dans les déchets, au sein des collectivités locales tenues par le PS, son instruction est terminée depuis l’été 2014, comme l’avait révélé La Provence. Mais là encore les avocats de Jean-Noël Guérini semblent vouloir jouer la montre. Ils ont selon un récent article de Backchich déposé des demandes d’acte le 17 octobre 2014 auxquelles la justice n’aurait pas encore répondu. « Retranscription intégrales d’écoutes, nouvelles auditions des services de la préfecture, de tous les élus ayant participé aux votes, etc. », liste le site.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Magicka


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