Quantcast
Channel: Mediapart - France
Viewing all articles
Browse latest Browse all 2562

Compte en Suisse : les Le Pen fuient les médias

$
0
0

Pour la première fois, les dirigeants du Front national désertent les micros et caméras. Après les révélations de Mediapart, lundi, sur l’argent caché de Jean-Marie Le Pen en Suisse, via son majordome, l’état-major du FN a alterné silence et déclarations prudentes.

À Strasbourg pour la session plénière du parlement européen, Marine Le Pen a évité les caméras pour échapper aux questions, comme l'ont rapporté nos confrères du Monde et des Dernières Nouvelles d'Alsace, présents sur place :

Ce mardi matin en effet, une demi-douzaine de journalistes attendaient la présidente du FN et la délégation frontiste à l'entrée droite de l'hémicycle, pour les interroger sur ce compte caché qu'a détenu Jean-Marie Le Pen chez HSBC, puis à la Compagnie bancaire helvétique (CBH), à travers un trust placé sous la responsabilité légale de son majordome, Gérald Gérin.

« Des collègues, dont certains venus spécialement de Paris, faisaient le pied de grue à la sortie de l'hémicycle, pour interroger Marine Le Pen. Ils ont pris une autre entrée que l'entrée habituelle », raconte à Mediapart Anne-Camille Beckelynck, journaliste aux Dernières Nouvelles d'Alsace.

« Le FN était au courant qu'on était là, BFM-TV avait fait une demande très tôt ce matin, Marine Le Pen n'avait pas répondu. On était postés à droite, comme d'habitude, ses gardes du corps sont venus discuter avec nous, on s'est rendu compte ensuite que les eurodéputés FN étaient tous rentrés par l'entrée gauche », confirme à Mediapart Yannick Olland, le correspondant de RTL.

À la fin des votes, nos confrères parviennent à croiser la présidente du FN dans les couloirs, accompagnée du vice-président Florian Philippot. « J'ai demandé si je pouvais poser une petite question, elle m'a répondu "non" et est partie rapidement. D'habitude on peut lui parler, elle fume sa cigarette électronique devant l'hémicycle, elle est abordable, témoigne Yannick Olland. Florian Philippot a répondu à BFM qu'il avait déjà tout dit hier sur iTélé à ce sujet. Aucun eurodéputé FN n'a parlé. »

Lorsque les journalistes aperçoivent Gérald Gérin, l'homme de confiance de Jean-Marie Le Pen, aujourd'hui au cœur des révélations, l'assistant se dérobe lui aussi. « Il est passé, on a voulu lui poser une question, sa députée (il est l'assistant parlementaire de Marie-Christine Arnautu, ndlr) nous a répondu "non, là il doit m'expliquer tous les votes, on doit travailler". »

Ces derniers mois, la présidente du FN n’a eu de cesse de dénoncer une « manipulation politique » et des « calomnies » lorsqu'elle était interrogée sur les enquêtes judiciaires visant son parti – qu'il s'agisse de l’affaire des financements de campagne de son parti, ou de celle des assistants frontistes soupçonnés de fraude au parlement européen. Elle avait également jugé « délirant » le lien entre le Front national et la Russie qu’évoquaient des textos d’un responsable du Kremlin, dévoilés par Mediapart en mars. « Délirant » aussi, selon elle, le besoin de 40 millions d’euros que le Front national aurait évoqué dans ses discussions avec les Russes, selon nos informations.

Cette fois-ci, la présidente du FN, en froid avec son père, s’est bien gardée de tout commentaire. « Ce n’est pas parce qu’on a un père, un frère, qu’on connaît l’intégralité des détails de leur existence patrimoniale », avait-elle déjà pris soin de préciser lorsque Mediapart l’avait interrogée en avril 2013 sur le compte en Suisse de Jean-Marie Le Pen, ouvert à l’UBS en 1981.

De son côté, le principal intéressé a tout simplement refusé de s’expliquer. Après un silence total sur le sujet, en dépit de nombreuses sollicitations médiatiques – dont Mediapart –, Jean-Marie Le Pen n'a accordé que quelques mots à France Inter, pour dire qu’il n’était « pas tenu de (s)’expliquer sur ce que dit n’importe qui, en particulier les organes para-policiers qui sont chargés de semer la perturbation dans la classe politique ». Le fondateur du FN s’est contenté de dénoncer une « offensive générale qui est lancée contre nous ». « C’est comme ça qu’ils gagnent leur croûte : ils manient le scandale, le “on-dit”… Voilà, c’est tout… », a-t-il ajouté avant de raccrocher.

Les Le Pen au congrès du FN en novembre 2014.Les Le Pen au congrès du FN en novembre 2014. © Reuters

Au Front national, ce silence des Le Pen inquiète. « On tombe un peu des nues, confie à Libération un membre du bureau politique frontiste. Si les faits sont avérés, c’est une situation grave. Ce qui me semble inquiétant, c’est le silence de Jean-Marie Le Pen : d’habitude, il est le premier à réagir sur ce genre de sujet. » Un autre membre du bureau politique rapporte au quotidien « une lassitude des cadres de se sentir pilonnés, un sentiment d’être dans l’œil du cyclone ».

La consigne semble en tout cas avoir été passée dans les rangs du FN : aucune déclaration sur le sujet. De nombreux dirigeants et élus frontistes brillent depuis deux jours par leur silence. 

Sollicité par Mediapart, le trésorier du FN, Wallerand de Saint-Just, est lui aussi resté muet. « Je n’ai aucune idée de quoi il s’agit, a-t-il répondu au site américain Politico, lundi. La seule chose qui me vient à l'esprit est une vieille affaire impliquant l'héritage de Le Pen et un compte suisse il y a des années... affaire que nous avons gagnée. J’ai du mal à joindre Jean-Marie Le Pen, en fait. »

C’est aussi la réponse qu’a fait le Front national à plusieurs de nos confrères, parlant d'« une vieille affaire » et semant le trouble en évoquant un autre compte suisse, ouvert à l'UBS en 1981 pour Jean-Marie Le Pen par son vieil ami, Jean-Pierre Mouchard, et révélé en 1992. Mais au sein du parti, « l’article (sur le compte suisse) circule », raconte à Mediapart un responsable frontiste, sous couvert d’anonymat. Ce que je savais, c’est que Jean-Marie Le Pen avait de l’argent en Suisse, mais qu'il l'avait emprunté, on m'avait dit que c’était légal ».

Sollicité, le député européen Bernard Monot, « stratégiste » économique de Marine Le Pen, n’a pas non plus décroché son téléphone. L'eurodéputé, que nous avions interrogé mi-avril sur le poids financier de Jean-Marie Le Pen au sein du parti, avait rappelé que le président d'honneur du FN « a(vait) quand même sauvé le Front lorsqu'il était au bord de la faillite », grâce à « ses deniers personnels » et aux prêts de Cotelec, son micro-parti.

Mais il en est un qui n’est pas resté muet : Florian Philippot, le vice-président du FN, en conflit ouvert avec le fondateur du parti. Tout en assurant qu’il ne pouvait « pas croire que cela soit vrai », le bras droit de Marine Le Pen a tenté de mettre une barrière étanche entre la présidente du FN et le « dossier fiscal personnel » de son père. Interrogé lundi soir sur iTélé (voir la vidéo ci-dessous à 6'35), il explique n'être « pas du tout au courant ».

« J’ai appris comme vous cet après-midi, je ne sais pas du tout si c’est vrai, ça me paraît étrange connaissant Jean-Marie Le Pen, je crois qu’il s’en expliquera, c’est une affaire personnelle, qui le concerne. J'ai eu Marine Le Pen au téléphone qui est très surprise et qui n'en connaissait rien non plus et qui attend, comme nous tous, des éclairages et des explications de Jean-Marie Le Pen », a-t-il assuré. « C’est à lui (...) de donner des explications », a-t-il répété.

Quelques minutes plus tôt, le vice-président du FN précisait qu’il n’avait « pas de contacts avec Jean-Marie Le Pen », qu’il souhaitait sa « retraite du champ politique » et que le président d'honneur du FN ne serait « pas sur scène » lors du traditionnel discours du 1er-Mai du parti.

Au Front national, certains n’ont pas caché leur agacement face aux questions. « Je n’ai aucune déclaration à faire sur un sujet sur lequel je ne sais rien, a répondu à Mediapart l’eurodéputé Bruno Gollnisch. J’en parlerai avec (Jean-Marie Le Pen), là il n’est exceptionnellement pas en session au parlement européen car son médecin le préconise. Je ne vais pas vous répondre, votre média n’est là que pour nuire au Front national », a-t-il lâché avant de raccrocher.

Questionné sur iTélé lundi soir, Gilbert Collard, qui venait assurer la promotion de son Dictionnaire de la langue de con, s’en est pris à Mediapart (voir la vidéo ci-dessous à 4'30) : « Il y a un mot que j’ai oublié dans le dictionnaire de la langue de con, c’est “mediaparter”. Parce que vous êtes en train de “mediaparter”. (...) Vous considérez que ce que dit Mediapart – qui ferait bien entre parenthèses de payer la TVA qu’elle doit au fisc – est vrai. C’est peut-être vrai, c’est peut-être faux. » « Moi, a priori, par ma formation, tant qu'un juge ne m’a pas dit que l’infraction existe, je n’ai pas de raison d’y croire », a ajouté l'avocat, qui avait défendu Pierrette Lalanne, lors de son divorce avec Jean-Marie Le Pen, en 1987.

Lorsque le journaliste Olivier Galzi lui précise que des éléments détaillés ont été transmis au parquet de Nanterre par l’organisme anti-blanchiment Tracfin, Gilbert Collard se fait plus prudent : « Bien évidemment, si la démonstration judiciaire, et non pas mediapartienne, est apportée, c’est autre chose. Mais pour l’instant, moi, je suis dans l’incapacité de dire si ce que Mediapart dit est vrai. Pourquoi accorderais-je du crédit à un organe de presse qui nous est hostile, qui s’est trompé souvent ? »

Les adversaires politiques du Front national ne se sont pas privés de commenter l’affaire. Sur France Info, mardi matin, l’UMP Valérie Pécresse s'est dite « totalement scandalisée ». « Il serait intéressant de savoir si madame Le Pen va accepter l'héritage politique et l'héritage fiscal de son père », a indiqué l’ancienne ministre du budget.

« J'aimerais bien savoir ce qu'en pense madame Le Pen qui, je le rappelle, bien qu'elle dise qu'elle n'a rien à voir avec cette affaire, était censée être l'héritière de toute cette fortune », a estimé le député socialiste Pouria Amirshahi sur Sud Radio. « Si cette affaire n'avait pas été révélée, jamais elle n'aurait eu à redire du fait qu'elle aurait été la destinataire principale de cet argent dont j'aimerais bien savoir par ailleurs d'où il provient. » Jean-Marie Le Pen « n'a jamais été mains propres et tête haute », a ajouté le député, en référence au slogan historique du Front national.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Réponse de Jérôme Lambert sur le projet de loi sur le renseignement


Viewing all articles
Browse latest Browse all 2562

Trending Articles