Ce qui est bien avec les écolos et leurs 5 500 militants mobilisés, c'est qu'il est assez facile de prédire les scores de leur congrès. Les résultats du vote du premier tour, qui a eu lieu ce samedi, avant le congrès d'Europe Écologie-Les Verts (EELV) à Caen dans deux semaines, n'ont pas déjoué les pronostics annoncés la semaine dernière dans Mediapart (lire notre article). Avec 48,5 % de participation, sur 11 170 votants à jour de cotisation (soit 5 415 votants), la participation est à son niveau traditionnel, un peu en baisse toutefois (cela pouvait monter jusqu'à 60 % lors de certaines consultations). Mais comment pouvait-il en être autrement, au regard de la situation actuelle du mouvement et de l'illisibilité entourant ce congrès, opposant pourtant sept motions ? « Les militants écologistes sont comme les Français, et leur mobilisation est à l'image de l'ambiance générale du pays », constate un dirigeant sortant.
Avec 38,3 %, la « grosse motion » regroupant l'essentiel des parlementaires et cadres intermédiaires du parti (« Cap écolo ») fait moins qu'il y a deux ans, lors du congrès de La Rochelle de 2010 où le texte de Cécile Duflot avait obtenu 50 %. Un résultat pouvant apparaître décevant au vu du nombre de soutiens regroupés, mais auquel s'attendaient l'ensemble des dirigeants, rassurés par le paysage issu des urnes. « Cap écolo » conserve en effet une large avance sur la concurrence, en recueillant le deuxième plus gros score de l'histoire des congrès verts. À titre de comparaison, lors du congrès de Lille de 2008, le courant « duflotiste » avait fait 27,8 % des 5 068 votants, un résultat alors jugé très bon pour l'actuelle ministre du logement (lire ici).
Les scores des autres motions sont dans les étiages attendus. Seule surprise, le texte arrivé en seconde position. Avec 20,6 %, « La motion participative » (LMP), appelant à ne pas voter le budget et regroupant l'essentiel de l'aile gauche du parti, ainsi que quelques figures environnementalistes comme Yves Cochet ou Alain Lipietz, passe ainsi devant l'aile réaliste « Via ecologica », et ses 17,1 %. « On a partiellement réussi à faire sauter le verrou d'une mobilisation n'ayant surtout concerné que les élus et collaborateurs d'élus », explique la première signataire de LMP, Lucile Schmid, selon laquelle « il y a eu une sanction militante de la participation à ce gouvernement ».
Derrière, la motion « Love » portée par Eva Joly et appelant à une alliance stratégique avec le Front de gauche réalise 8,8 %. Un autre texte passe le seuil des 5 %, permettant de fusionner en vue d'une grande synthèse : les environnementalistes d'« Avenir écolo » (6,3 %). « Déterminé-e-s », une scission des « duflotistes », obtient 4,1 %, tandis que le texte du réseau Utopia échoue à 3,5 %.
« Il n'y a pas de problème de ligne, notre motion arrive loin devant les autres et la gauche du parti fait 30 %, explique Nicolas Dubourg, l'un des représentants de « Cap écolo ». Le rassemblement au congrès va donc se faire sur des problématiques internes de rénovation du parti. » Car désormais, toutes les discussions vont porter sur le périmètre de la synthèse à réaliser à Caen. Deux semaines de conciliabules, officiels et officieux, testant les différentes hypothèses de fusion, sur le fond (un peu) et sur la répartition des postes de direction (beaucoup). Le tout devant se conclure par 24 heures de négociations lors du premier jour (et de la première nuit) du congrès, le 29 novembre prochain, où les négociateurs de chaque motion tenteront de convaincre leurs délégués d'adopter, ou pas, un texte d'orientation et un nouveau bureau exécutif.
En l'état, une alliance de « Cap écolo » avec les petites motions (« Love », « Avenir écolo » et « Déterminé-e-s ») pourrait suffire à obtenir les 50 % nécessaires à la constitution d'une nouvelle direction. Si l'hypothèse en séduit certains dans la direction sortante, peu enclins à s'allier avec LMP qui critique la participation gouvernementale, ou avec « Via ecologica » dont l'un des responsables, le maire de Sevran Stéphane Gatignon, évoque un « vote sanction contre le repli d'EELV orchestré par la firme » (l'entourage de Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé), une telle synthèse présenterait une difficulté non négligeable. Afin de pouvoir gouverner le parti, selon les statuts d'EELV, le bureau exécutif doit pouvoir compter sur 60 % du conseil fédéral, pour faire adopter ses décisions.
Il apparaîtrait dès lors préférable d'obtenir le soutien d'une des deux autres motions pesant entre 15 et 20 % du parti. « Tout est ouvert », glisse Mickaël Marie, directeur de cabinet du secrétaire national sorti Pascal Durand, qui espère que sa successeure Emmanuelle Cosse va parvenir « à faire en sorte qu'il se dise des choses à ce congrès ». Si LMP souhaite qu'une « feuille de route accompagne les discours sur le changement de cap », selon Lucile Schmid, les souhaits de « Via ecologica » en matière d'élargissement du parti (les adhésions à 20 euros, notamment) semblent plus acceptables pour « Cap écolo ». Mais les souhaits de « Via ecologica » de voir Emmanuelle Cosse laisser sa place de probable future secrétaire nationale du parti, un souhait également évoqué par LMP, risque de compliquer les discussions. Au point que certains imaginent pouvoir se passer des deux « motions moyennes », tout en espérant obtenir le soutien des plus modérés de leurs membres.
« Les surenchères des uns et des autres font que les négociations peuvent déboucher sur tout et n'importe quoi », philosophe un cadre d'EELV, qui souligne « les intérêts contradictoires à l'intérieur de LMP et Via ecologica, divisées entre partisans d'un compromis et jusqu'au-boutistes ». Beaucoup notent ainsi que « Via ecologica » a réalisé un quart de ses voix dans les Bouches-du-Rhône, « tenue » par l'eurodéputé Karim Zéribi, qui joue également une tête de liste aux européennes. Les votes militants de ces investitures, enjeu caché de ce congrès (lire ici) dont les résultats devraient être connus en fin de semaine, pourraient ainsi grandement influer sur les négociations entre les uns et les autres. Histoire de complexifier davantage ce congrès, qui n'en avait pas franchement besoin.
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