L’université va mal, n’en finit plus d’aller mal. Le niveau est de plus en plus mauvais. Les taux d’échec sont monstrueux. Les étudiants qui s'inscrivent à la fac le font parce qu'ils n’ont pas réussi à aller ailleurs et ceux qui en sortent sont au chômage. On connaît cette vision catastrophiste de l'université, relayée depuis des années, tant par les médias, les responsables politiques que par la communauté universitaire elle-même.
Et si tout ça n’était qu’un tissu de clichés brandis pour mettre à bas le modèle universitaire ? Dans un essai dérangeant, mais réjouissant, malicieusement intitulé L'université n'est pas en crise, les sociologues Romuald Bodin et Sophie Orange bousculent ces idées reçues et apportent, moult chiffres à l’appui, une vision bien plus optimiste et nuancée de l’université aujourd’hui. En effet, dans cette institution qui accueille 1,4 million d'étudiants, on n'échoue en réalité pas plus que dans bien d’autres filières (qui s’émeut du taux d’échec en classe préparatoire ?). Mis en perspective, les “échecs” statistiques n'en sont finalement pas : que dire, par exemple, de tous ces étudiants qui se servent de l'université pour préparer une école normalement accessible à niveau bac mais qui ont besoin d'une année pour se mettre à niveau ? À lire cet essai, qui va décidément à contre-courant de tout ce qui s'écrit sur l'université, on apprend que la fac n'est pas l'usine à chômeurs si souvent dénoncée et qu'elle est bien moins coupée du marché de l'emploi qu'on ne le dit.
Le constat des auteurs est à prendre d’autant plus au sérieux que cette vision apocalyptique de l’université justifie aujourd'hui nombre de réformes qu'ils jugent décalées car répondant à de faux problèmes. Ce que montre brillamment cet essai, c'est que derrière les faux procès faits à l'université se joue une bataille idéologique. Le modèle représenté par les écoles (sélection, public homogène, utilitarisme) s'est en effet peu à peu imposé dans le discours dominant comme étant la voie à suivre pour l'enseignement supérieur, par opposition au modèle universitaire qualifié de sous-performant : non-sélection, public hétérogène et formation humaniste.
L'université n'est pas en crise, Romuald Bodin et Sophie Orange, Éditions du Croquant, 19 euros.
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