C’est son idée fixe. Celle qu’il mûrit depuis le début. Et dont il ne démord pas. En reprenant les rênes de l’UMP fin novembre 2014, Nicolas Sarkozy ambitionnait de « tout changer de fond en comble » pour « bâtir la formation politique du XXIe siècle » et, surtout, pour se concocter un parti sur mesure capable de le repousser aux portes de l'Élysée. Cinq mois plus tard, « la montagne a accouché d’une souris », s’amuse un membre du bureau politique de l’UMP. L’organisation de la primaire de 2016 est gravée dans le marbre depuis le 2 avril. Les nouveaux statuts du parti – qui doivent être approuvés le 5 mai – n’entraînent aucune mutation profonde. Quant au programme, les candidats à la primaire ont certes commencé à l’élaborer, mais chacun de son côté.
Des gros travaux envisagés par Nicolas Sarkozy, il ne reste donc pas grand-chose, si ce n’est le changement de nom de l'UMP. C’est peut-être la raison pour laquelle le patron de l’opposition s’y accroche et ce, malgré les critiques qui fusent dans son propre camp. Le choix retenu par l’ex-chef de l’État – “Les Républicains” – ne suscite guère d’enthousiasme en dehors du cercle sarkozyste. Quand certains, à l’instar du député juppéiste Édouard Philippe, évoquent « la tonalité très américaine » du nom, d’autres rappellent que « la marque UMP » a tout de même permis la victoire des élections départementales. De son côté, la majorité dénonce « une captation d’héritage », le secrétaire d’État aux relations avec le parlement, Jean-Marie Le Guen, allant même jusqu’à parler d’« abus de pouvoir ».
Mais ce qui semble le plus gêner l’opposition, c’est l’utilité même de la démarche. « Ce changement ne s’imposait pas, confie le député de l'Eure Bruno Le Maire au Monde. Modifier le nom du parti n’est pas la préoccupation majeure des Français. » « C’est une question presque anecdotique », affirme pour sa part François Fillon au Point. Anecdotique, peut-être. Symbolique, plus encore. Car en renommant la formation qu’il préside, Nicolas Sarkozy s’offre l’occasion de devenir à son tour un “père fondateur” et de s’inscrire dans la tradition d’une droite qui a changé cinq fois de nom depuis 1958. D’où la crainte d’Édouard Philippe que cette opération ne se résume à de « la communication politique », au détriment d’une véritable réflexion sur le fond.
D’autant que cette « communication » a un coût. Et qu’on le sait, l’UMP est exsangue. Au mois de mars, la dette du parti s’élevait encore à 69,3 millions d’euros. En devenant trésorier, le député et maire du Touquet, Daniel Fasquelle, a hérité d’un budget 2015 serré, ficelé en amont par le triumvirat d’anciens premiers ministres – Alain Juppé, François Fillon et Jean-Pierre Raffarin – qui avait assumé l’intérim entre la démission de Jean-François Copé et l’élection de Nicolas Sarkozy. « Il fallait financer des actions supplémentaires pour aller chercher des dons et des adhésions », indique-t-il à Mediapart. Pour ce faire, l’élu explique avoir accompli « un travail en profondeur, ligne par ligne ».
En faisant des économies sur chaque poste de dépenses (réduction du parc automobile : - 70 000 euros ; envoi de SMS : - 20 000 euros ; formule d’abonnement au Magazine de l’Union : - 300 000 euros…), le trésorier assure avoir mis de côté un million d’euros en l’espace de deux mois. Du coup, la question du prix que représentera le changement de nom de l’UMP « ne l’empêche pas de dormir ». « Ce sera entre 50 000 et 100 000 euros », précise-t-il. Sur le million économisé, Daniel Fasquelle a réservé 664 000 euros à ce qu’il appelle « l’action politique », entendre le baptême des “Républicains” et l’organisation du congrès fondateur qui se tiendra au parc de La Villette, à Paris, le 30 mai. Une enveloppe de 400 000 euros est déjà prévue pour ce dernier, dont « près de 100 000 euros » pour la location de la salle. Le reste s’organise « en direct avec les prestataires », précise le trésorier.
Ni communicants ni agence d’événementiel. Toujours empêtrée dans le scandale Bygmalion, l’UMP prend soin de communiquer sur le fait qu’elle ne s’acoquine plus avec les spécialistes… de la communication. Bien sûr, le sondeur Pierre Giacometti et le publicitaire Jean-Michel Goudard (le “G” d'Euro-RSCG), qui conseillent Nicolas Sarkozy depuis plusieurs années, ne sont jamais bien loin. Mais « ils interviennent à titre bénévole », assure Daniel Fasquelle. Quant à l’agence de publicité Aubert et Storch Associés Partenaires (ASAP) qui a déposé, mi-mars, la marque “Les Républicains” et trois logos auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), l’élu assure n’avoir signé « aucun contrat avec elle ni qui que ce soit pour le moment ».
« Moi, UMP, je ne leur ai pas demandé de réfléchir à un logo », répète-t-il quand nous insistons pour savoir d’où provient la commande. « Plusieurs agences se sont fait connaître. Nous n’avons découragé personne de travailler. Nous rachèterons le logo et la marque déposés s’ils sont retenus. Dans tous les cas, tant que les militants n’auront pas voté, rien ne sera acté. » Outre le rachat du logo et de la marque, le passage de l’UMP aux “Républicains” entraînera toute une série de dépenses non négligeables : le changement des logos sur Internet, l’envoi des nouvelles cartes d’adhésion plastifiées, le remplacement de la grande plaque de verre qui trône à l’entrée du siège du parti, rue de Vaugirard…
« La plaque, ce sera la seule chose un petit peu coûteuse…, reconnaît le trésorier. Mais bon, c’est important, c’est quand même l’entrée de notre parti ! » Les autres vitrines, celles des nombreuses fédérations et permanences que compte l’UMP un peu partout en France, devront également faire peau neuve, tout comme le site internet qui les accompagne. En revanche, ces “ravalements de façade” ne coûteront pas un centime au national. « Les quelques permanences qui ont des enseignes prendront les coûts à leur charge », tranche Fasquelle. Les élus locaux, qui grognent déjà à l’idée de changer le nom de leur parti, seront donc ravis d'apprendre qu'ils vont devoir eux aussi mettre la main à la poche pour satisfaire le caprice sémantique de leur patron.
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