En légalisant certaines méthodes intrusives de surveillance, le gouvernement socialiste vise à mieux protéger les Français mais aussi… ses propres agents. Les fonctionnaires des services de renseignement « demeurent exposés à des risques pénaux injustifiés », déplore l’exposé des motifs du projet de loi, en discussion à l'Assemblée nationale depuis le 12 avril 2015. Cette « insécurité juridique » est l’une des préoccupations de son rapporteur, le député PS Jean-Jacques Urvoas, qui dès 2013 s’alarmait de l’« irrépressible quête des juges » et des révélations des médias « malmenant l’anonymat des agents ».
Pourtant, malgré le retentissement de certaines affaires impliquant les services de renseignement, leurs agents sont rarement inquiétés par la justice française. Et quand celle-ci est de bonne volonté, les juges français se heurtent bien souvent au secret défense ou à l'absence de collaboration des services étrangers. Bernard Squarcini, l’ex-patron du contre-espionnage français, condamné le 8 avril 2014 pour avoir requis les fadettes (factures téléphoniques détaillées) d'un journaliste du Monde afin de découvrir ses sources, fait ainsi figure d’exception.
Les autres anciens des services condamnés en France l’ont généralement été non pour des dérapages, mais pour compromission du secret défense à l’occasion de la publication de leurs mémoires. Ou encore pour avoir mis au service du privé leurs techniques, comme Thierry Lorho. Cet ancien de la Direction générale de la sécurité extérieur (DGSE), reconverti dans la veille stratégique, a été condamné en 2011 pour avoir organisé le piratage d'un ordinateur de Greenpeace à la demande d’EDF. Petite revue des affaires impliquant des agents français.
1960 - Durant la guerre d’Algérie, le service action du Sdece (ancêtre du service extérieur, la DGSE) multiplie, sur ordre de l’État, les éliminations de militants pro-FLN même sur le sol français. C'est Constantin Melnik, conseiller de l’ancien premier ministre Michel Debré auprès duquel il était chargé de la coordination des services secrets, qui en parlait le mieux. En 1996, cet homme de l'ombre révèle qu'au « cours de la seule année 1960, 135 personnes ont été envoyées ad patres au cours d'“opérations homo” (pour homicides) du service action du Sdece. Six bateaux ont été coulés et deux avions détruits ». Sans être jamais inquiété par la justice. C'est l'époque des écoutes illégales à tout-va. Créé en mars 1960, le Groupement interministériel de contrôle (GIC) branche systématiquement les militants pro-FLN, l'extrême droite et les journalistes. « Constantin Melnik s’amusait à raconter comment le pouvoir de l’époque écoutait Jean-Jacques Servan-Schreiber de L’Express et le directeur du Monde Hubert Beuve-Méry, écrit Le Monde à sa mort. Les écoutes, triées et analysées par ses soins, atterrissaient sur le bureau de Michel Debré et à l’Élysée sur celui du président de la République. »
1965 - L’un des principaux opposants au roi Hassan II, Mehdi Ben Barka, est enlevé à Paris par deux policiers. Le leader marocain en exil est emmené dans une villa appartenant à un truand lié au Sdece par les deux fonctionnaires parisiens, accompagnés d'un informateur du Sdece. Ben Barka ne sera jamais revu. Le 7 juin 1961, la cour d'assises de la Seine condamne l’informateur du Sdece ainsi qu’un des deux policiers pour arrestation illégale. Le ministre de l’intérieur marocain, le général Oufkir, présent à Paris les 30 et 31 octobre 1965, et les autres fugitifs sont condamnés par contumace. Au Sdece, quelques têtes tombent. Depuis une nouvelle plainte du frère de Ben Barka en 1975, sept juges d’instruction français se sont succédé sur cette affaire, toujours en cours. En 2006, Lucien Aimé-Blanc, un ancien commissaire de la brigade mondaine, révèle que la totalité des agents impliqués dans l'enlèvement de Mehdi Ben Barka étaient écoutés et que les services français n’ignoraient rien de ce qui se tramait contre l’opposant marocain. Et n’ont – a minima – rien fait pour le protéger.
1968 - En pleine guerre froide, un ancien sous-officier du Sdece ayant travaillé pour les Yougoslaves est arrêté. Il sera condamné pour trahison à 15 ans de prison par le Conseil de sûreté de l'État, puis gracié.
1970 - Raymond Marcellin, le ministre de l’intérieur de Pompidou, veut fomenter des troubles avant les municipales de mars 1971. Denis Mercier, un ouvrier infiltré pour l'ex-Direction de la surveillance du territoire (DST) au sein de la gauche prolétarienne, est chargé de préparer un attentat à Montbéliard contre un garage Peugeot, en octobre 1970. La suite avait été relatée à Mediapart en 2008 par son agent traitant Dominique Defendi : « Mais manque de bol, des flics avaient eu l’information, et ils ont pu déjouer l’attentat au dernier moment. Il a fallu rattraper le coup. La difficulté était de faire sortir Mercier de prison. Le juge était interloqué quand on lui a dit qu’il fallait le libérer. Puis, il y a eu des échanges interministériels et cela s’est arrangé. » Cette impunité permit au duo de reprendre du service. « Jusqu’aux élections de mars 1971, nous avons continué notre travail en organisant quelques violences. »
1973 - En juin, Le Canard enchaîné publie la transcription d’une écoute réalisée par les ex-Renseignements généraux (RG) sur le téléphone du journaliste Claude Angeli. L'épisode est raconté dans le livre Le Vrai Canard. Soupçonné d'accointances communistes, l’hebdomadaire dénonce l’écoute de ses téléphones « depuis des années » ainsi que d’autres journaux. Sans aucune réaction. Il faudra attendre 1991 et une condamnation de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour que les écoutes administratives soient encadrées en France.
Puis le 3 décembre 1973, un dessinateur surprend de faux plombiers posant des micros dans les futurs locaux de l’hebdomadaire satirique, aux abords duquel sont postés des agents en tenue. Une plainte contre X... pour violation de domicile et atteinte à la vie privée est déposée par Me Roland Dumas. Après avoir nié, la DST allume des contre-feux, dont une note « confidentiel-défense » remise au juge d’instruction. Sur ordre de leur hiérarchie, les agents de la DST finissent par ne même plus répondre à ses convocations. Malgré les preuves apportées par le Canard (qui réussira à identifier onze des agents), le juge d'instruction prononce un non-lieu le 29 décembre 1976. L’affaire coûtera son poste au ministre de l’intérieur de Pompidou Raymond Marcellin, « exflitré » à l’agriculture.
1985 - À la demande du ministre de la défense PS Charles Hernu et avec l’aval du président Mitterrand, les services secrets français font sauter un navire de Greenpeace (le Rainbow-Warrior), tuant au passage un photographe néerlandais. Le navire, amarré à Auckland (Nouvelle-Zélande), s’apprêtait à rejoindre l’atoll de Mururoa pour protester contre les essais nucléaires français. La révélation du rôle de la DGSE par Le Canard enchaîné et Le Monde provoque la démission du ministre de la défense et du patron de la DGSE. Sur les six agents de la DGSE impliqués, seuls deux – les « faux époux Turenge » chargés de remettre les bombes aux nageurs de combat puis de les exfiltrer – seront poursuivis. Ce, en Nouvelle-Zélande, car en France le premier ministre Laurent Fabius déclare qu'« il serait inacceptable d'exposer des militaires qui n'ont fait qu'obéir aux ordres ».
Alain Mafart et Dominique Prieur sont rattrapés à l’aéroport d’Auckland par la police néo-zélandaise. Condamnés le 22 novembre 1985 à dix ans de prison par la cour d’Auckland, ils sont expulsés en Polynésie française. La France s'engage à faire des excuses formelles, à verser une indemnité de 7 millions de dollars à la Nouvelle-Zélande et à ne pas rapatrier ses ressortissants en métropole. Malgré ce, ils seront rapatriés en métropole entre décembre 1987 et mai 1988. Les deux agents ont poursuivi leur carrière dans l’armée française, l’un devenant ensuite photographe animalier et l’autre étant nommée en 2008 aux ressources humaines des sapeurs-pompiers de Paris. Les autres agents de la DGSE et l'exécutif, qui avait validé l'opération, n'ont jamais été inquiétés.
1986 - De janvier 1983 à 1986, près de 3 000 conversations sont écoutées par la cellule antiterroriste de l’Élysée, sur le contingent aux Invalides de la DGSE. Confiée par Mitterrand au commandant Christian Prouteau, ex-patron du GIGN, cette mission était censée coordonner la lutte antiterroriste des services (DST, DGSE, RG) après l’attentat de la rue des Rosiers. Mais elle sera dévoyée au service des obsessions personnelles du président socialiste. En 1993, Libération révèle que des avocats, journalistes et personnalités étaient écoutées. Parmi les cibles, Edwy Plenel, dont la mise sur écoute fut demandée expressément par François Mitterrand, l’actrice Carole Bouquet, et l'écrivain Jean-Edern Hallier.
Les deux informations judiciaires ouvertes en mars 1993 par le parquet de Paris se heurtent au secret défense. Il faudra attendre le 9 novembre 2005 – soit vingt ans après les faits – pour que sept ex-collaborateurs du président soient condamnés pour atteinte à la vie privée. Le jugement précise à propos de Christian Prouteau, condamné à huit mois avec sursis et 5 000 euros d'amende, que les faits reprochés « ont été commis sur ordre soit du président de la République, soit des ministres de la défense successifs qui ont mis à sa disposition tous les moyens de l'État afin de les exécuter ». Les fautes n’étant pas détachables du service, c’est l’État qui a indemnisé les parties civiles…
1990 - En juillet, le pasteur militant homosexuel Joseph Doucé disparaît, après avoir suivi deux agents en civil se déclarant policiers. Son corps sera retrouvé trois mois plus tard en forêt de Rambouillet. « Fondateur du Centre du Christ libérateur, un lieu consacré aux minorités sexuelles, Joseph Doucé était surveillé par les Renseignements généraux parisiens, dont une cellule – le GER, Groupe des enquêtes réservées, chargée de coups tordus et fumeux – l’avait mis sur écoute, filoché, et peut-être tué, écrit Bakchich. Peu après la disparition, Jean-Marc Dufourg, patron de cette cellule, et trois policiers avaient été entendus, mais leur culpabilité n’a jamais été établie. »
Le ministre de l'intérieur socialiste Pierre Joxe révoquera l’inspecteur de la police en novembre 1990. Mais la mort du pasteur demeure un mystère, qui s’est soldé le 24 octobre 2007 par un non-lieu du juge d’instruction Marc Trévidic. Le 24 février 1998, l'ancien préfet de police de Paris et l'ancien responsable des RG parisiens ont par ailleurs été relaxés pour les écoutes téléphoniques douteuses dans la librairie du pasteur. L’ex-inspecteur Jean-Marc Dufour sera lui condamné pour « faux » à cause de ses rapports mensongers et antidatés sur la surveillance de Joseph Doucé.
2002 - À trois reprises entre janvier 2002 et janvier 2004, des agents de la DGSE et de la DST se rendent à Guantanamo. Se faisant passer pour des diplomates, ils y interrogent des prisonniers français retenus illégalement dans le camp militaire américain. Censés se dérouler dans le cadre d’une « mission diplomatique humanitaire », ces interrogatoires nourrissent en fait une procédure pénale à Paris contre six des détenus français pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Malgré la révélation par Libération de ces « missions conjointes DST-DGSE », le juge d’instruction en charge du dossier refuse d’entendre les agents de la DST afin d’éviter « l’atteinte au secret de la défense ».
L’un des prévenus, Mourad Benchellali, condamné en décembre 2007 par le tribunal de Paris, est tout de même relaxé deux mois plus tard par la cour d’appel de Paris au motif que la DST avait agi « de manière déloyale dans l’administration de la preuve ». Mais au terme d’une longue bataille judiciaire, la Cour de cassation a confirmé le 3 septembre 2014 sa condamnation à un an de prison, avec quatre autres Français de Guantanamo. En mars 2015, son avocat Me William Bourdon a déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme. L’avocat estime que les auditions clandestines réalisées par la DST à Guantanamo ont violé la convention européenne qui interdit la torture et les traitements inhumains et prévoit un droit au procès équitable.
2005 - Le ministère de la défense dépose plainte contre Pierre Martinet pour violation du secret défense à la suite de la publication de ses mémoires Un agent sort de l’ombre : DGSE, Service action. L’ex-sous-directeur est condamné le 16 juin 2006 à 15 mois avec sursis et 5 000 euros d’amende.
2008 - Le 4 avril, un agent de France Télécom découvre et débranche un dispositif d'écoute des lignes téléphoniques de l'épicerie de Tarnac (Corrèze), reprise quelques mois plus tôt par des militants d'extrême gauche. Plus de huit mois avant les sabotages des lignes TGV pour lesquels onze personnes seront mises en examen pour « association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste ». Au nom de Benjamin Rosoux, cogérant de l’épicerie de Tarnac, Me William Bourdon dépose plainte, en février 2011 à Brive-la-Gaillarde, pour « interception de correspondances » et « atteinte à l'intimité de la vie privée ». L’enquête se heurte au secret défense. Quand la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) finit par déclassifier le bordereau de demande d'interception de sécurité, déposé en « urgence absolue » le 20 mars 2008, celui-ci est presque entièrement censuré comme le révèle Le Monde.
Les motifs détaillés et la justification du recours à l'urgence ont été biffés. N’est visible que le motif invoqué par les RG pour cette écoute : « la criminalité et la délinquance organisées ». Drôle de justification pour surveiller des activistes politiques. « Le maintien sous le sceau du secret défense de ces motifs ne permet donc pas à la juridiction d’instruction d’en mesurer la pertinence ni la proportionnalité », proteste dans un courrier Me William Bourdon. Malgré ce, le juge d'instruction prononce un non-lieu le 31 mars 2014. L'enquête aura au moins eu le mérite de montrer combien le contrôle de la CNCIS est parfois lacunaire...
Une autre plainte pour « faux en écritures publiques » portant sur la filature effectuée la nuit du 7 au 8 novembre 2008 s’est également soldée par un non-lieu, confirmé fin mars 2015 par la cour d’appel de Versailles. Entendus anonymement, les policiers de l'ex-DCRI avaient refusé de répondre aux questions de la juge d’instruction, se cachant derrière le secret défense. Alors que plusieurs sources policières ont reconnu en off auprès de journalistes – dont Mediapart – avoir utilisé en toute illégalité une balise lors de cette filature, ils n’ont jamais été inquiétés sur ce point.
2010 - Le ministère de la défense dépose plainte contre un autre ancien espion, trop bavard, Maurice Dufresse. Cette fois pour « révélation d'identité de militaires ou de personnels civils appartenant à la DGSE dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l'anonymat ». Le ministère lui reproche d’avoir livré les noms de deux cadres de la DGSE dans son livre, Vingt-Cinq Ans dans les services secrets. Après une garde à vue dans les locaux de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), l’ex-fonctionnaire sera relaxé, les noms de ses collègues ayant déjà été rendus publics dans la presse. Ils figuraient également dans des arrêtés du Journal officiel consultables sur le Web…
2010 - En juillet, sollicité par l’ex-patron de la police Frédéric Péchenard, Bernard Squarcini fait demander par un de ses commissaires les fadettes (factures détaillées) d'un journaliste du Monde qui vient de publier un article sur un volet de l'affaire Bettencourt mettant en cause l'ex-ministre UMP du travail Éric Woerth. Le flic de la DCRI s'adresse directement à Orange, sans passer par le GIC, et sans l’aval de la CNCIS, l'autorité administrative de contrôle, ni celui du premier ministre, prévus par la loi de 1991 sur les écoutes administratives.
La fadette du journaliste permet, au mépris de la loi sur la protection du secret des sources, d’identifier son contact, David Sénat, un conseiller pénal de la ministre de la justice Michèle Alliot-Marie, qui est promptement écarté. Poursuivi pour « collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite », Bernard Squarcini est condamné le 8 avril 2014 à une peine de 8 000 euros d'amende. L’affaire permettra de révéler que malgré plusieurs mises en garde du gendarme des écoutes administratives, la DST puis la DCRI avaient pris la fâcheuse habitude de se servir directement chez les opérateurs téléphoniques. En toute impunité.
2010 - Dans sa livraison du 3 novembre, Le Canard enchaîné affirme que Nicolas Sarkozy « supervise l'espionnage des journalistes » qui le dérangent. En octobre, des journalistes de Mediapart, Le Monde et Le Point, enquêtant sur l'affaire Bettencourt, ont été victimes de vols ou de cambriolages. Des sources affirment à Mediapart que notre propre journal fait l’objet d’un espionnage policier depuis plusieurs mois. Cette surveillance porterait sur son actionnariat et sur le travail de ses journalistes. « Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme, les deux journalistes de Mediapart spécialisés dans les enquêtes sensibles pour l'Élysée, notamment les affaires Karachi et Bettencourt, auraient eu droit, depuis mars-avril, à des surveillances téléphoniques afin d'établir une cartographie de leurs relations et contacts », écrit Edwy Plenel.
En janvier 2012, le livre L’Espion du président confirme ces informations et révèle l'ampleur du dévoiement de la DCRI par Squarcini. Un agent de la DCRI s’est confié aux trois auteurs : « La boîte a effectivement demandé, en 2010, un travail sur Mediapart et Plenel parce qu’ils énervent le Château, leur affirme-t-il en juillet 2011. La demande venait de l’état-major. Certains ont refusé mais on a su en interne que d’autres l’avaient fait. Peut-être est-ce ce dossier, en l’occurrence un document de sept pages sur le financement du journal en ligne, que Claude Guéant a entre les mains cet été 2010. » Attaqués en diffamation par Squarcini, les auteurs Olivia Recasens et Christophe Labbé, du Point, et Didier Hassoux, du Canard enchaîné, ont été relaxés le 13 janvier 2015. En revanche, la plainte déposée par Mediapart pour espionnage a été classée sans suite par le procureur de Paris en mars 2013
2012 - Six fonctionnaires de la DCRI, proches de Squarcini, déposent plainte contre les trois journalistes auteurs de L’Espion du président. À défaut de pouvoir attaquer sur les faits, les agents les accusent d’avoir révélé leur identité – en fait déjà publique pour quatre d’entre eux. Depuis la loi Loppsi 2 de 2011, il est devenu interdit en France de révéler « toute information qui pourrait conduire, directement ou indirectement, à la découverte de l'usage d'une identité d'emprunt ou d'une fausse qualité, de l'identité réelle d'un agent des services spécialisés de renseignement ». Les trois auteurs ont été relaxés le 18 mars 2014. Le tribunal correctionnel de Paris a estimé que la loi était trop imprécise, ne définissant pas quels étaient les services de renseignement concernés.
Au grand regret du président de la délégation parlementaire au renseignement, le député PS Jean-Jacques Urvoas, qui déplorait fin 2014 qu’« aucune condamnation n’[ait] à ce jour été prononcée (…), notamment pour des révélations réalisées dans le cadre d’une activité journalistique ou éditoriale ». Avant d’inviter le gouvernement « à systématiser les poursuites à l’encontre de ceux qui décident de dévoiler l’identité d’agents des services de renseignement ».
Dans l’affaire de L’Espion du président, le parquet a d’ailleurs fait appel de la relaxe des journalistes. Signe qui ne trompe pas, « le procureur de la section C1, qui s’occupe des atteintes à la sûreté de l’État et de l’antiterrorisme, était présent en personne à l’audience », se souvient Christophe Labbé. L’Espion du président révélait notamment que Squarcini avait chargé d'opérations spéciales de la DCRI un certain Paul-Antoine Tomi, frère du parrain corse Michel Tomi. Ce dernier, condamné à plusieurs reprises en France, règne en Afrique sur plusieurs casinos et était l’ami de feu Richard Casanova, chef supposé du gang de la Brise de mer.
Le deuxième agent identifié dans le livre est également une proche de Squarcini, Annie Battesti. Celle-ci était à l'ex-DCRI l’officier traitant d’un jeune doctorant spécialisé dans les questions de renseignement, ensuite recruté dans l’équipe du député PS Jean-Jacques Urvoas. « Nous n’avons pas mis en danger la vie d’agents qui sont sur le terrain, mais d’agents illustrant les dérives de la DCRI, explique Christophe Labbé. Au nom du secret défense, on se retrouve dans l’impossibilité de raconter que le commissaire Paul-Antoine Tomi est le frère d’un parrain. Et qu’Annie Battesti faisait le poisson-pilote auprès de Floran Vadillo, collaborateur d’Urvoas, lequel a ensuite fait l’intermédiaire pour un dîner avec Squarcini. »
2014 - La CNCIS, l'autorité administrative chargée du contrôle des écoutes administratives, signale deux infractions potentielles à la justice, démarche à notre connaissance inédite. Selon le parquet de Paris, une enquête préliminaire pour compromission du secret de la défense a été ouverte.
Autre fait inédit, deux associations, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et la Ligue des droits de l'homme (LDH), ont déposé plainte contre X le 26 décembre 2014 à Paris pour espionnage illégal. Cette plainte, révélée par Libération, vise les activités de la DGSE, le service de renseignement extérieur français. Les associations s'appuient sur les informations du Monde. En juillet 2013, le quotidien avait affirmé l’existence d’un « Big Brother à la française », « un système permettant aux services secrets français de collecter en masse et de manière systématique des signaux électromagnétiques émis par les téléphones et ordinateurs ». Un système massif de collectes de données dont les autorités françaises ont toujours démenti l'existence, malgré de nouvelles révélations.
BOITE NOIRECette chronologie s'appuie notamment sur le livre de Bertrand Warusfel, Contre-espionnage et protection du secret – Histoire, droit et organisation de la sécurité nationale en France (Éditions Lavauzelle, 2000).
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